En quoi l’intégration de l’instance CHSCT permet-elle de mener une politique de prévention des risques contre la toxicomanie ?
TABLE DES MATIÈRES
CHAPITRE I : CADRE CONCEPTUEL DE LA TOXICOMANIE EN ENTREPRISE- 5
I.2 État des lieux général de la toxicomanie- 6
I.3 La toxicomanie au travail 8
I.3.2 Causes de la toxicomanie au travail 9
I.3.3 Risques en entreprise- 11
I.3.4 Effets de l’alcool sur la santé- 13
I.4 La gestion du risque alcool et drogue en entreprise- 14
I.4.1 Signes pouvant évoquer un problème d’alcool 15
I.4.2 Prévention de lutte contre la toxicomanie au travail : le dépistage- 15
I.4.3 Autres moyens de prévention- 17
I.4.4 Campagnes de prévention en entreprise : quelques exemples français- 18
II.1 Rappels réglementaires- 20
II.1.1 Dispositions du Code du Travail (nouveau code de 2007) 20
II.1.2 Dispositions du Code Pénal 21
II.1.3 Dispositions du Code Civil 22
II.1.4 Dispositions du Code de la santé publique- 22
II.1.5 Dispositions du Code de la route- 22
II.3 Rôle du CHSCT et du Médecin du travail 26
II.3.1 Le Comité d’Hygiène, de Sécurité et des Conditions de Travail 26
II.3.2 Rôles du médecin de travail 27
II.4 Protection et libertés des salariés- 28
II.5 Responsabilités et obligation des chefs d’entreprises- 29
II.5.1 Responsabilité éthique et juridique de l’employé- 29
II.5.2 Obligation de sécurité- 30
CHAPITRE II : ÉTUDE DE CAS- 31
V.2 Analyse des entretiens- 40
V.2.1 La détection précoce d’un comportement addictif 40
V.2.2 Les possibilités de tests de dépistage de drogues- 41
V.2.3 La formation et l’information- 42
VI.1 Difficultés d’associer les élus CHSCT à la politique de prévention des risques- 42
VI.2 Limites de la politique de prévention des risques- 43
VI.3 Intérêt des expertises- 44
VI.3.1 Nécessité d’une expertise- 44
VI.3.2 Le droit à l’expertise- 45
VI.3.3 Utilité L’expertise pour le CHSCT- 46
VI.5.1 Promotion dépistage à grande échelle- 47
VI.5.2 Évolution réglementation : vers le dépistage de la drogue- 47
VI.5.3 Amélioration organisation du travail 48
LISTE DES FIGURES ET DES TABLEAUX
Figure 1 : Évolution de la consommation de produits illicites- 7
Figure 2 : Structure de l’alcoolisation en entreprise- 12
Tableau 1 : Les substances stimulantes- 9
INTRODUCTION
La consommation de substances psychoactives est dangereuse pour tout le monde à tous les niveaux. Dans le domaine du travail, la loi interdit l’introduction dans l’entreprise de personnes ivres et d’alcool et la loi Evin[1] interdit de fumer dans les lieux collectifs. Par ailleurs, concernant la drogue, elle est classée parmi les produits dangereux, dont les substances stupéfiantes, les substances psychotropes et certains autres médicaments les substances dangereuses, réglementée par la réglementation française, conformément aux normes internationales, émises par l’Organisation Mondiale de la Santé et l’ONU.
La consommation de ces produits au travail est prohibée, néanmoins, ils ne font l’objet d’aucun encadrement propre dans l’entreprise. En effet, les drogues illégales pénètrent de manière clandestine la porte de l’entreprise. Il semble que les consommateurs réguliers de cannabis (2 millions) ou de cocaïne (600 000 à 700 000) ont parfois recours à ces produits au travail. Les premiers ont pour effet d’évacuer le stress ou inciter les échanges, tandis que les seconds pour améliorer leur éveil, leur concentration et leurs performances[2]. Étant donné que les consommateurs sont mal connus, les conséquences de leurs prises en milieu professionnel sont difficilement évaluables.
Des études ont pu vérifier qu’une grande partie des personnes ayant un trouble relatif à la consommation d’alcool et de certaines drogues ont également des problèmes de santé mentale, spécialement l’angoisse ou la dépression, au cours de leur vie (Reiger et coll., 1990). Toutefois, pour ces personnes touchées par ce genre de problèmes, la consommation de l’alcool ou d’autres drogues servirait à se sentir mieux. Pourtant, cela ne ferait qu’aggraver leur situation, car rien qu’une petite quantité d’alcool peut aggraver leurs problèmes.
Au travail, alors que le dépistage systématique reste interdit, la responsabilité de l’employeur est prise en compte vis-à-vis de l’attitude « déviante » du salarié. Car, au regard du droit français, les principes de protection de la vie privée (article 9 du code civil) et de la non discrimination (article 416 du code pénal, art L. 122-45 du code du travail) interdisent aux employeurs l’application d’un dépistage systématique de la toxicomanie auprès des salariés.
Cependant, l’employeur demeure responsable civilement et pénalement vis-à-vis des tiers pour les préjudices provoqués par ses salariés dans l’exercice de leurs activités. Aussi, l’employeur jouit d’un pouvoir réglementaire en matière d’hygiène et de sécurité particulièrement par le règlement intérieur élaboré par l’employeur. Ce dernier dispose, en effet, d’un pouvoir de sanction (art L.122.40), selon la conduite du salarié (avertissement, mise à pied disciplinaire, modification du contrat de travail à titre disciplinaire : rétrogradation, mutation, refus d’avancement, licenciement[3]).
Par ailleurs, on connait que les conséquences de la prise de drogue et d’alcool au travail sont multiples. Elles peuvent ainsi avoir des effets sur la santé des salariés, ou causer des accidents du travail, problèmes relationnels, absentéisme, effets d’entraînement, baisse de productivité, baisse de la qualité du travail, détérioration de l’ambiance, dégradation de l’image de l’entreprise… On constate donc que les conséquences sont de diverses natures : conséquences individuelles, sociales et économiques.
Pour palier à cela, l’entreprise se doit de développer une politique de prévention des risques. Ce sujet mérite donc qu’on s’y penche sérieusement, puisque les dirigeants et DRH déclarent être démunis. La question qui se pose naturellement est donc que faire ?
Il existe une alternative pour combler à cela : l’intervention de la CHSCT ou Le Comité d’Hygiène, de Sécurité et des Conditions de Travail ou CHSCT, qui est une institution incontournable dans la protection de la santé et de la sécurité des travailleurs, et de l’amélioration de leurs conditions de travail. Leur intervention a généralement lieu en amont, pour prévenir le risque, et également pendant la crise afin de participer à sa résolution. Le Comité offre un soutien d’ordre psychologique afin de mieux répondre aux interrogations et aux souffrances des victimes. C’est pourquoi, il est constitué d’un réseau de professionnels de la parole et de l’écoute.
La problématique de notre étude est alors « En quoi l’intégration de l’instance CHSCT permet-elle de mener une politique de prévention des risques contre la toxicomanie ? » Cette question s’avère pertinente dans le sens où en trouvant sa réponse, on pourrait apporter une nouvelle approche pour améliorer la prévention de la toxicomanie en entreprise. Ainsi, nous allons nous pencher sur les moyens de prévenir ce malaise.
Pour ce faire, nous allons d’abord établir le cadre conceptuel de la toxicomanie en entreprise (chapitre 1) qui traitera des états des lieux de la toxicomanie au travail et du cadre réglementaire. Ensuite, nous pourrions avancer les résultats de nos entretiens auprès de quelques responsables, afin que nous puissions tirer des enseignements nécessaires à l’évolution de la prévention de la toxicomanie au travail (chapitre 2).
CHAPITRE I : CADRE CONCEPTUEL DE LA TOXICOMANIE EN ENTREPRISE
Ce premier chapitre traitera deux points, en premier lieu du contexte de la toxicomanie en entreprise, à savoir les statistiques, les facteurs provoquant la toxicomanie chez les employés, les conséquences, ainsi que les moyens de prévention et de lutte. Le deuxième point rappellera le cadre juridique en matière d’usages de produits illicites dans l’entreprise.
I. Toxicomanie en entreprise
De nombreuses entreprises s’alarment actuellement de l’augmentation de la consommation de drogue sur le lieu de travail et de ses conséquences sur la santé et la sécurité des salariés. En effet, ce phénomène gagne davantage de l’ampleur dans le monde professionnel. Afin de mieux appréhender ce malaise, il est utile d’établir un état des lieux général de la toxicomanie, c’est-à-dire, quelques statistiques sur les types de substances consommées, la fréquence de consommation, fréquence par type d’activités. Il s’avère également opportun d’en connaître les causes et les risques y afférents. Enfin, on verra certains moyens de prévention de la toxicomanie au travail.
I.1 Méthodologie
La recherche bibliographique a principalement été axée sur la thématique de l’alcool en entreprise, mais aussi sur des notions générales d’addictologie.
Pour ce faire, les documents des institutions et associations françaises suivantes ont été utilisés :
- Association AIDES Alcool, association spécialisée en addictologie dans la région lyonnaise, accueillant grand public et professionnels pour développer des programmes de prévention et de promotion de la santé et accompagner, dans un centre de soins, les personnes en difficulté dans leur consommation ;
- Etats Généraux de l’Alcool ;
- Fédération Française d’Addictologie (FFA) ;
- Institut National de Prévention et d’Education pour la Santé (INPES) ;
- Institut National de Recherche et Sécurité (INRS) ;
- Institut National de la Santé Et de la Recherche Médicale (INSERM) ;
- Institut National de Veille Sanitaire (INVS) ;
- Legifrance (service public de diffusion du droit en ligne) ;
- Ministère du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville ;
- Observatoire Français des Drogues et des Toxicomanies (OFDT) ;
- Sécurité Routière.
Des références bibliographiques d’institutions européennes et étrangères ont été également nécessaires :
- Bureau International du Travail (BIT) ;
- Organisation Mondiale de la Santé (OMS) ;
- Institut Suisse de Prévention de l’Alcoolisme et autres toxicomanies (ISPA).
I.2 État des lieux général de la toxicomanie
D’après les études, près de 15% à 20% des accidents professionnels, d’absentéisme et de conflits interpersonnels au travail seraient liés à la consommation d’alcool, de psychotropes ou de stupéfiants. Cela fait environ quatre ans que les pouvoirs publics (notamment MILDT[4] et DGT[5]), les employeurs, les partenaires sociaux et les acteurs de la santé au travail se sont offerts les moyens de comprendre et d’analyser ce phénomène encore estimé tabou, sauf en cas d’accident du travail[6].
Nombre de personnes en France consommant régulièrement du tabac, de l’alcool, des médicaments psychotropes ou du cannabis | |
Alcool | 9,7 millions |
Tabac | 11,8 millions |
Médicaments psychotropes | 3,8 millions |
Cannabis | 1,2 millions |
Source : Office français des drogues et des toxicomanies (OFDT)
I.2.1 Consommation d’alcool
Au sujet de l’alcool, la consommation moyenne annuelle par les Français a diminué de moitié en trente ans ; elle est passée de 26 litres à 12,5 litres actuellement. Alors que la consommation de vin a beaucoup diminué, celle de spiritueux et de boissons mixtes type « premix » a beaucoup augmenté, en particulier chez les jeunes. Devant cette variation des comportements, il faut soutenir la prohibition de toute publicité sur les produits alcooliques, et notamment faire obstacle au projet législatif conduisant à l’autorisation de la publicité pour l’alcool.
Dans le milieu professionnel, il est estimé que l’alcool est la cause de 10 à 20% des accidents de travail déclarés. De plus, selon les données de la sécurité routière de 2008[7], concernant les accidents mortels de la circulation, l’alcool serait la cause dans 34% des cas, et même dans 45% des accidents avec véhicule seul, n’ayant pas touché de piétons, et 52% des accidents mortels survenus le week-end[8].
I.2.2 Prise de drogue
Selon la MILDT[9], il y a en France, 1 200 000 consommateurs de cannabis, dont 550 000 usagers quotidiens, et 250 000 consommateurs de cocaïne. Dans le domaine du travail, environ 10% des salariés consommeraient régulièrement ou occasionnellement des produits illicites ; c’est le cannabis qui est le plus consommé et très majoritairement, soit 8%, ensuite la cocaïne, les amphétamines et l’héroïne. Le tableau suivant nous renseigne sur l’évolution de la consommation de produits illicites parmi des agents pris en charge et présentant un abus, une pharmacodépendance ou un sous traitement de substitution aux opiacés.
Figure 1 : Évolution de la consommation de produits illicites
Source : AFSSAPS : Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé.
Concernant les personnes du milieu professionnel, la consommation reste très variable selon les catégories socioprofessionnelles. En effet, il y a une surreprésentation des consommateurs de produits illicites dans les professions exposées à des stress importants ou à des pics d’activités. Cette tendance se renforce d’autant plus si le personnel est jeune. C’est le cas des marins pêcheurs par exemple. Le secteur de la construction et les métiers de la sécurité sont également touchés[10] :
- Chauffeurs routiers : Dans le Nord-Pas-de-Calais, des dépistages urinaires chez les chauffeurs ont permis de découvrir que 8,5% d’entre eux étaient positifs au test du cannabis et ses dérivés, 5% à l’alcool et 4,1% aux opiacés.
- Professions médicales : 10,9% étaient abuseurs ou dépendants à au moins une substance autre que le tabac : l’alcool (59 %), les tranquillisants et les hypnotiques (41%), le cannabis (6,3%), les opiacés (5,3%) et les stimulants (1,9%).
- Marins et matelots : en 2008, 21,9 % des marins civils ont consommé du cannabis, l’expérimentation de produits stupéfiants hors cannabis concerne 15,4% des marins : champignons hallucinogènes (7,5%), cocaïne (7,2%), le poppers (6,8%) ou l’ecstasy (5,1%).
- Intérimaires du bâtiment : 31% des salariés consomment du cannabis, 77% des consommateurs ont moins de 26 ans.[11]
I.3 La toxicomanie au travail
I.3.1 Types de toxicomanie
Les travailleurs toxicomanes deviennent une réalité inquiétante. On distingue six types de toxicomanies, selon le contexte et les facteurs de la consommation de ces substances.
- les toxicomanies psychopathologiques, qui sont celles des personnes présentant des pathologies mentales évolutives, des troubles dépressifs majeurs ou des psychoses schizophréniques ;
- les toxicomanies socio-culturelles, qui ne sont plus celles des années 70, lesquelles prônaient une marginalité d’idées dans la mouvance post-soixante-huitarde, mais plutôt celles de jeunes symbolisant l’échec de l’insertion sociale, scolaire, familiale ;
- les toxicomanies primaires de jeunes ayant commencé à se droguer, souvent avant 15 ans;
- les toxicomanies secondaires des personnes commençant à se droguer entre 25 et 30 ans lors d’un trouble dépressif souvent névrotique ;
- les toxicomanies chroniques, qui sont celles des « rescapés de la drogue », ayant débuté il y a 20 ou 25 ans, à se fixer le plus souvent et qui ont plus de 35 ans ;
- les toxicomanies médicamenteuses, aux benzodiazépines fréquemment, entraînant ce que certains praticiens n’hésitent pas à baptiser pharmacomanie.
Afin de servir d’aide, les divers types de substances stimulantes seront résumés dans le tableau suivant :
Tableau 1 : Les substances stimulantes
Catégorie | Exemples | Effets en général |
Alcool | bière, vin, spiritueux | jugement altéré, réflexes lents, fonctions motrices altérées, torpeur ou somnolence, coma, surdose pouvant entraîner la mort |
Cannabis | marijuana, hachisch | altération de la notion du temps, troubles de la mémoire et de la coordination |
Dépresseurs | somnifères, sédatifs, certains tranquillisants | inattention, réflexes lents, dépression, troubles de l’équilibre, somnolence, coma, surdose pouvant entraîner la mort |
Hallucinogènes | LSD (acide lysergique diéthylamide), PCP (phencyclidines), mescaline | inattention, illusions sensorielles, hallucinations, désorientation, psychose |
Substances volatiles | hydrocarbures, solvants, essence | intoxication semblable à l’alcool, vertiges, mal de tête |
Nicotine | cigarettes, tabac à chiquer et à priser | effet stimulant au départ, suivi plus tard de l’effet inverse |
Opiacés | morphine, héroïne, codéine, certains médicaments de prescription et antidouleur | perte d’intérêt, dodelinement de la tête, surdose pouvant entraîner la mort. L’échange de seringues favorise la transmission de l’hépatite B ou C et du VIH/SIDA. |
Stimulants | cocaïne, amphétamines | euphorie, suractivité, tension/anxiété, pouls rapide, rétrécissement des vaisseaux sanguins |
Source: Blume, S.B.. Alcohol and Drug Abuse (Encyclopaedia of Occupational Health and Safety) 4e éd., Bureau international du Travail, 1998.
I.3.2 Causes de la toxicomanie au travail
Nous avons vu, ils peuvent être restaurateur, peintre, médecin, serveur. Les uns sont obsédés par la performance, les autres, totalement désenchantés. Il arrive qu’entre deux dossiers ou deux clients, l’employé prenne un joint, une ligne, une pilule ou un verre. La source de leurs malaises n’est pas toujours facile à cerner.
Des études ont pu mettre en évidence certaines conditions de travail susceptibles de contribuer à des problèmes d’alcool [12]:
- Possibilité de se procurer de l’alcool au travail ;
- Pression sociale qui porte à la boisson ;
- Déplacements/séparations qui nuisent à des rapports sociaux ou sexuels normaux ;
- Absence d’encadrement ;
- Stress au travail ;
- Précarité de l’emploi et risque de chômage ;
- Travail monotone, travail posté, travail de nuit ou autres modes de travail qui entraînent de nouvelles affectations et sont associés à des changements fréquents de collègues ou de supérieurs[13];
- Travail en plein air plus de la moitié du temps, au froid ou à la chaleur, dans le bruit ;
- Exposition aux secousses ou aux vibrations ;
- Postures pénibles ou fatigantes.
On a constaté qu’au milieu du XXème siècle, l’alcoolisation était particulièrement liée à des conditions de travail physiquement difficiles, cependant, il semble aujourd’hui qu’elle soit plutôt liée à la charge mentale[14]. L’alcoolisation serait une forme de stratégie individuelle sinon collective de défense, voire de fuite.
Toujours dans le même sens, la sociologue Marie-France Maranda[15], spécialiste de la toxicomanie en milieu de travail, pense que la dépendance aux substances psychoactives est un phénomène très complexe où des détresses de tous genres se chevauchent. Dans certains cas, les organisations participent à la souffrance des individus, il se pourrait que des conditions de travail puissent effectivement inciter l’apparition de la toxicomanie chez certains individus, ou bien la réactiver.
Une situation de mal-être au bureau peut engendrer certains salariés à adopter des habitudes de dépendance. Les causes de la toxicomanie au travail est lié à l’organisation technique du travail même : une cadence de production quasi aliénante, des horaires qui changent constamment (jour, nuit, soir), des heures supplémentaires. Ou encore, de mauvaises conditions environnementales comme la chaleur, le bruit, la poussière ou la présence de produits chimiques. Elle engendre des contraintes, des souffrances physiques.
Mais, l’organisation humaine du travail peut également générer des souffrances psychiques dues à l’autorité brutale et arbitraire d’un patron envers ses employés[16], par exemple. Le travail sous pression, l’abus de pouvoir, le mépris ou le fait de ne pas être consulté par son supérieur, tensions entre individus, impératif de réussite, pressions multiples et parfois contradictoires, etc.
Selon toujours la sociologue Marie-France Maranda, cette dynamique est le résultat d’un contexte de société où l’idéologie productiviste prend de l’ampleur. Selon elle, «Notre système est marqué par la démesure, et le monde du travail n’y échappe pas. Le modèle de personnalité intense et performant est très valorisé. Les individus sont fortement invités à dépasser leurs limites. Face à un tel déséquilibre, il ne faut pas s’étonner que certains se servent de la drogue comme stratégie de survie. C’est une forme d’automédication.[17]» En d’autres mots, les employés sont soumis à une forte pression qui les oblige à se surpasser. La consommation d’alcool et de drogue peut alors survenir pour satisfaire une volonté d’adaptation ou de réparation face à une souffrance.
Par ailleurs, on peut attribuer la consommation d’alcool à la culture et aux coutumes sociales selon lesquels le fait de refuser un verre s’avère souvent difficile. De plus, en entreprise, il existe couramment une « culture alcool ». C’est par exemple une tournée offerte à telle ou telle occasion, repas de service traditionnellement bien arrosés… En se conformant à ces coutumes de l’entreprise, on pense être intégrer facilement au sein de l’entreprise.
I.3.3 Risques en entreprise
Des enquêtes ont révélé une certaine structure complexe et constante de l’alcoolisation dans le milieu professionnel[18]. L’idée de la disparition des personnes alcooliques, jugées gênantes, est une des défenses sociales visant à dissocier la consommation d’alcool de ses conséquences les plus visibles (8 à 10% d’alcooliques en permanence). Or, les études sur l’alcoolisme en entreprise ont démontré qu’il existe une structure constante d’alcoolisation à plusieurs niveaux. En effet, chaque niveau alimente celui qui lui est immédiatement supérieur, jusqu’à l’alcoolisme. Ces résultats proviennent évidemment d’une approche globale. Car, il est également possible que des personnes passent du bas vers le haut de l’iceberg (cf. figure suivante), de façon particulièrement rapide, ayant pour motifs une difficulté grave au travail ou d’ordre privé.
Figure 2 : Structure de l’alcoolisation en entreprise
Source : Cohorte Gazel, 1992
En France, environ 10% de la population est alcoolodépendante ou en danger de le devenir[19]. L’alcool serait responsable, selon les études et les estimations, de 15 à 20% des accidents du travail, soit autour de 100 000. Selon le Pr Philippe-Jean Parq, psychiatre et enseignant à l’université de Lille II, « les données scientifiques actuelles tendent à montrer que toutes les substances psychoactives seraient susceptibles d’induire des désordres psychocomportementaux et une dépendance psychologique et physique à plus ou moins long terme » [20]. Le risque alcool est pourtant très mal repéré en entreprise.
Selon Etienne Apaire, président de la MILDT, plusieurs types de risques sont liés à la consommation d’alcool et de drogues[21]. Elle provoque avant toute chose un problème de santé publique. Il peut en résulter des complications du cœur et des pertes de mémoire, pouvant apparaître au fur et à mesure que les consommateurs vieillissent.
Il y a ensuite un risque de sécurité : accidents du travail avec des machines ou des véhicules. En outre, les salariés peuvent être une menace pour eux et leur entourage, surtout quand ils conduisent une voiture dans un état second, par exemple.
Cela génère aussi la diminution des performances professionnelles. D’après des études effectuées aux Etats-Unis, au Royaume-Uni, au Japon, en Australie, en Allemagne et au Canada, les auteurs concluent les pertes de productivité sont difficilement chiffrables, mais que leur coût est forcément énorme. Dans certains pays, le coût du dépistage, prévention, recherche, répression relatif à la consommation d’alcool et de drogues, isolée ou associée à l’alcool, est non négligeable.
A présent, les causes et les risques de la toxicomanie au travail sont connus, qu’en est-il alors de la gestion du risque ?
I.3.4 Effets de l’alcool sur la santé
Les effets liés à la consommation d’alcool dépendent de différents paramètres : dose ingérée, sexe, corpulence, habitudes de consommation, ingestion à jeun ou non, fatigue, facteurs individuels[22]. Les effets exposés dans cette partie ne sont que ceux qui ont des conséquences en milieu de travail, soit en termes d’aptitude médicale, soit en termes de risque accidentogène.
I.3.4.1 Effets aigus
Les effets aigus, réversibles, sont principalement d’ordres neurologiques. Ces effets dépendent du taux de l’alcoolémie : l’alcool a un effet désinhibiteur et psychostimulant en-dessous d’une alcoolémie de 0,5 gramme par litre. Dans ce cas, il est utilisé comme dopant en milieu de travail[23]. Par contre, pris à des doses plus élevées, l’alcool est dépresseur du système nerveux central, c’est-à-dire qu’il entraîne des troubles de la vigilance, et un syndrome cérébelleux responsable de troubles de la parole, de l’équilibre et de la coordination[24] [25].
Cependant, il n’est pas rare que l’on constate des troubles cognitifs dès une alcoolémie de l’ordre de 0,5 gramme par litre. Ces troubles se manifestent par l’allongement du temps de réaction, rétrécissement du champ visuel, accroissement du nombre d’erreurs dans la réalisation d’une tâche lié à l’effet désinhibiteur. Malheureusement, ce sont ces anomalies qui contribuent à la hausse de la probabilité d’accidents et de violences, aussi du fait d’une diminution de la perception du risque réel. De plus, certaines études ont mis en évidence une baisse du maintien de la vigilance même pour des alcoolémies inférieures à 0,5 gramme par litre.
I.3.4.2 Effets d’une consommation prolongée
Lorsque la consommation est prolongée, ses effets peuvent atteindre plusieurs organes. L’atteinte hépatique la plus sévère, la cirrhose alcoolique, peut s’accompagner d’une insuffisance hépatocellulaire[26] [27]. Les atteintes neurologiques possibles à long terme sont multiples. On peut constater une dyschromatopsie[28] et une baisse de l’acuité visuelle, secondaires à une neuropathie optique[29].
Par ailleurs, des troubles cognitifs sont détectés chez les patients consommateurs excessifs et dépendants. Ils réunissent des troubles de la mémoire à court terme, anomalies des capacités visuomotrices et d’abstraction, et des troubles portant sur des fonctions plus élaborées telles que la stratégie d’organisation des tâches. Il peut engendrer des troubles du rythme cardiaque qui pourrait favoriser le risque de mort subite.
I.3.4.3 Syndrome de sevrage
Il réunit des troubles subjectifs (anxiété, agitation, insomnie, cauchemars) et des manifestations somatiques : sueurs, tremblements, tachycardie, hypertension, anorexie, nausées, vomissements, diarrhée. En cas d’absence de traitement, il peut évoluer vers un délirium tremens, soit un syndrome confusionnel avec hallucinations et convulsions. Le syndrome de sevrage a lieu à la suite l’arrêt de la consommation d’alcool.
I.3.4.4 Interactions avec des médicaments
La prise simultanée d’éthanol et de médicaments dépresseurs du système central accroit encore plus les effets sédatifs des deux produits. Les médicaments sédatifs dont il s’agit sont essentiellement des psychotropes (benzodiazépines, barbituriques, sédatifs, anxiolytiques, hypnotiques, antidépresseurs sédatifs, neuroleptiques) mais également certains antihistaminiques de première génération, myorelaxants, antalgiques et autres antidépresseurs.
I.4 La gestion du risque alcool et drogue en entreprise
Avant d’aborder quelques stratégies de prévention de la toxicomanie en entreprise, les symptômes seront d’abord analysés.
I.4.1 Signes pouvant évoquer un problème d’alcool
Il existe certaines caractéristiques pouvant avertir sur un possible mésusage d’alcool[30]:
- Durant le travail : l’employé ne prend pas son travail au sérieux, d’où son absentéisme, retards, départs du poste non motivés. Il peut commettre une maladresse engendrant des accidents, il est possible que sa productivité diminue, ou encore un comportement d’évitement vis-à-vis de l’entourage ;
- Durant les repas : l’employé boit rapidement et fréquemment, ce qui s’accompagne d’un changement de comportement, il mange peu et peut même sauter des repas ;
- Son principal sujet de préoccupation est l’alcool, par conséquent, il a des fréquentations dont la majorité sont de gros buveurs, et de fait il s’initie à des loisirs ou des activités dans lesquelles l’alcool est un centre d’intérêt ;
- L’employé boit fréquemment dans le but de lutter contre le stress, l’anxiété ou la dépression et même s’il s’efforce de réduire sa consommation d’alcool, il n’y parvient pas.
I.4.2 Prévention de lutte contre la toxicomanie au travail : le dépistage
La prévention des addictions en entreprise est exceptionnelle. Pourtant, 10% des salariés consommeraient régulièrement ou occasionnellement des produits illicites, majoritairement du cannabis. On rappelle également que l’abus de médicaments psychotropes toucherait quant à lui plus de 6% des salariés. Le dépistage est l’un des dispositifs préconisés par le Comité Consultatif National d’Éthique ou CCNE aux entreprises, dans son rapport, afin de pouvoir lutter contre la consommation d’alcool ou de drogues dans le milieu du travail.
La loi stipule : « Le dépistage systématique d’usage de stupéfiants ne peut en aucun cas se justifier. Il ne peut concerner que des postes comportant de grandes exigences en matière de sécurité et de maîtrise du comportement ». Sa mise en œuvre doit s’effectuer dans le respect de questions d’ordre éthique et dans le souci d’une transparence vis-à-vis des salariés qui doivent donner leur accord préalable pour qu’il s’effectue. Le dépistage n’est en aucune façon obligatoire en entreprise, mais s’impose pour les postes à responsabilités où l’exigence de sécurité et de raisonnement sont élevés.
Actuellement, on ne connait que quelques grandes entreprises, comme la SNCF, qui ont défini précisément ces postes de sûreté de sécurité susceptibles d’être contrôlés ; ce sont les conducteurs de train, contrôleurs, agents de maintenance. De même, Air France et EDF ont signé des chartes de prévention. Toutefois, chez EDF, les personnels des centrales nucléaires uniquement peuvent être soumis à des contrôles inopinés d’alcoolémie, mais non pour la détection des produits illicites. En revanche, pour tous les autres postes, le dépistage est strictement interdit au motif qu’il constituerait alors une atteinte à la vie privée.
Ainsi, même si l’éthylotest est « entré dans les mœurs », le recours aux tests salivaires pour dépister les drogues demeure encore des problèmes éthiques, tel que respect de la vie privée et de la liberté individuelle, non-discrimination à l’emploi…C’est pourquoi, ces tests devraient donc être réalisés par les médecins du travail, et ce, couverts par le secret médical et professionnel.
En outre, le CCNE n’autorise que l’utilisation des tests salivaires et des contrôles d’alcoolémie Il exclut les prélèvements urinaires, sanguins et capillaires, pouvant mettre en évidence des traces de consommation ancienne. Selon Claude Burlet[31] , «Compte tenu des marges d’erreur des tests, qui produisent entre 11 et 16% de faux positifs, les contrôles devront avoir lieu sous la seule responsabilité du service de santé au travail». Évidemment, toute la procédure doit être couverte par le secret professionnel et le secret médical. Concernant le dépistage d’une éventuelle consommation de médicaments psychotropes, indétectable par tests, il est faisable durant les visites médicales.
Lorsqu’un test est positif, les membres du groupe de travail proposent plutôt un accompagnement médical des employés dont une addiction a été diagnostiquée, ensuite un reclassement lorsqu’ils sont remis de leur maladie. Il est à préciser que dans l’esprit du comité, «l’addiction est une pathologie, et non une faute pouvant conduire à un licenciement».
Ainsi, les employeurs qui souhaitent soumettre leur personnel à des tests de dépistage doivent au préalable respecter un certain nombre de bonnes pratiques, que l’on retrouve à travers la figure suivante :
Figure 3 : Les bonnes pratiques en matière de dépistage des drogues et de l’alcool sur le lieu de travail
Source : BIT
I.4.3 Autres moyens de prévention
La lutte contre la consommation de d’alcool et de drogue sur le lieu de travail devrait être une obligation, pour les employeurs. Néanmoins, les moyens utilisés nécessitent impérativement le respect de la vie privée des salariés.
Il faut impérativement sortir du déni ou de la banalisation, ainsi, d’autres leviers sont proposés, tels que les actions de sensibilisation ou des enseignements spécifiques dans les formations professionnelles. Entre campagne d’information et de prévention, groupe de réflexion, formation, l’employeur dispose de plusieurs moyens à sa portée pour sensibiliser les salariés aux dangers de la drogue pour leur santé et leur emploi, leur rappeler les sanctions. Il faut également leur rappeler que chacun d’entre eux est responsable de sa propre sécurité ainsi que de celle des autres.[32] On a constaté que ce sont les apprentis qui consomment le plus de cannabis, avec un taux de 19%. Par conséquent, il s’avèrerait utile de mettre en place de véritables services de « santé au travail », qui pourrait remplacer la médecine du travail.
En outre, la qualité, l’intérêt et le sens du travail la qualité du travail, c’est-à-dire, les conditions ne peuvent pas être dissociées de la lutte contre l’usage d’alcool, de produits illicites et contre l’abus de médicaments psychotropes. De fait, il est indispensable de valoriser l’implication forte, individuelle et collective dans la réussite au travail, afin de prévenir les facteurs d’une dépendance au travail. Il est vrai que la consommation de drogue et d’alcool par les salariés ne saurait être imputée exclusivement aux entreprises. Cependant, le stress et la pénibilité peuvent s’associer à d’autres facteurs et incitent la consommation de stupéfiants. Ainsi, l’amélioration des conditions de travail, en particulier pour les fonctions les plus pénibles, est fondamentale si l’on veut avoir des effets positifs sur le long terme.
Par ailleurs, des solutions d’accompagnement et des sanctions constituent d’autres alternatives à prendre pour gérer la toxicomanie au travail. Lorsque la prise de drogue et d’alcool sur le lieu de travail est avérée, il convient d’informer le salarié des solutions d’accompagnement dont il peut bénéficier. En dehors la médecine du travail, les employés peuvent rejoindre des associations d’aide aux toxicomanes. S’il persiste dans son comportement, il est possible de prendre des sanctions. Cependant, comme leur consommation relève de la sphère privée, il ne peut constituer, en soi, un motif de licenciement, sauf pour les postes de sécurité. Par contre, l’employeur a le droit de sanctionner le salarié lorsque les manquements professionnels dont il se rend responsable est dus à la consommation de stupéfiants.
Enfin, on rappelle aussi le rôle que doivent jouer les instances représentatives du personnel sur l’ensemble des risques professionnels : ce sont les délégués du personnel, le comité d’entreprise, le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail ou CHSTC. Ce dernier sera développé ultérieurement, étant donné que son intervention dans la prévention de la toxicomanie au travail constitue la problématique de cette étude.
I.4.4 Campagnes de prévention en entreprise : quelques exemples français
Depuis environ une dizaine d’années, certaines organismes, comme le Centre DIDRO[33] (pionnier depuis sa création en 1973 quant aux actions de prévention), l’AMPT[34] de Marseille (Association Méditerranéenne de Prévention des Toxicomanies) et quelques autres, ont pris l’initiative de lancer des campagnes de prévention s’appuyant à la fois sur le personnel infirmier et le médecin du travail, provenant dans la majorité des cas d’une forte volonté de l’employeur ou d’un CHSCT, afin qu’elles puissent créer une dynamique de « préventeur » des toxicomanies dans l’entreprise.
A la SNCF, à la RATP, à Peugeot-Mulhouse, au Centre d’Energie Atomique de Saclay, à l’EDF-GDF, des campagnes de prévention globale et d’éducation sanitaire ont été lancées à l’endroit des salariés. Le plus souvent, c’est toute hiérarchie confondue qui bénéficie de ces actions. Parfois même, les salariés reçoivent des formations spécifiques. Souvent, des groupes-ressources ou structures relais dans l’entreprise ont été mis en place, très fréquemment reliés aux réseaux locaux existants. Il y a eu même des tentatives d’installer un service de permanence téléphonique permettant de répondre à toute question posée relative sur les dépendances. Par conséquent, les responsables espéraient traiter les demandes du personnel dans le plus rapidement possible, tout en assurant la confidentialité absolue des échanges.
Parmi les autres initiatives françaises en entreprise, citons celle de l’AMPT de Marseille qui, avec la SNCF ont monté deux « opérations expérimentales » dans les régions de Limoges et de Paris-Nord. L’idée principale de cette stratégie est surtout d’instaurer une sorte de tutorat destiné à de jeunes agents souvent fragilisés socialement et psychologiquement à cause de contrats de travail précaires, comme les intérimaires. De plus, le projet a su travailler en complémentarité avec des managers de l’entreprise, afin de considérer dans ses actions communautaires, la culture spécifique de l’entreprise.
Toujours en France, on a pu assister à l’organisation du Centre DIDRO des expositions d’information ou d’écoute-contact dans les grandes gares SNCF de Paris (Austerlitz, gare de Lyon, gare du Nord, etc…), et même la sponsorisation de la Fondation de la Française des jeux d’une opération pilote d’une année, d’une équipe cyclo-mobile de DIDRO, destinée à sensibiliser à la prévention des assuétudes, arrondissement par arrondissement, sur les lieux transitionnels de la capitale.
De fait, une véritable écologie d’entreprise est en train de naître en France, concernant l’abus des drogues. Sa finalité est principalement la favorisation de l’épanouissement de toute une jeunesse au travail, sachant les conséquences directes de l’emploi sur les profils de santé des individus. Ainsi, la prévention des drogues en entreprise devient une nécessité conditionnée par l’analyse constructive des relations entre les conditions de travail, l’état de santé ainsi que la capacité professionnelle.
II. Rappel du cadre juridique en matière d’usages de produits illicites dans l’entreprise
Comme l’entreprise ne peut être un espace totalement étanche au phénomène de consommation des drogues et d’alcool diverses que connaît la société, le législateur a, depuis longtemps, encadré l’usage des substances illicites par les salariés. Afin de garantir la sécurité sur le lieu de travail ou à l’occasion du travail, les pouvoirs publics ont encadré les conditions dans lesquelles l’entreprise pouvait voir sa responsabilité engagée lorsqu’un accident lié à la consommation de substances illicites des salariés survenait. Par ailleurs, l’employeur étant titulaire d’un pouvoir disciplinaire à l’égard des salariés ayant enfreint les règles internes ou légales, la Loi ne peut laisser l’exercice de ce pouvoir sans contrôle. On présentera alors les règles en vigueur dans l’entreprise, notamment le Règlement Intérieur, le rôle attribué au CHSCT et au Médecin du Travail et enfin, les obligations et responsabilités incombant à l’employeur. Mais avant tout, on rappellera les principaux textes se rapportant au sujet, notamment les mesures particulières.
II.1 Rappels réglementaires
II.1.1 Dispositions du Code du Travail (nouveau code de 2007)
II.1.1.1 Textes concernant l’accès aux boissons alcoolisées au travail
Le non respect des textes suivants peut constituer une faute inexcusable de l’employeur et peut engager sa responsabilité pénale[35] :
- «Aucune boisson alcoolisée autre que le vin, la bière, le cidre et le poiré n’est autorisée sur le lieu de travail.» (Article R.4228-20).
- «L’employeur met à la disposition des travailleurs de l’eau potable et fraîche pour la boisson.» (Article R.4225-2).
II.1.1.2 Textes concernant l’état d’ébriété
«Il est interdit de laisser entrer ou séjourner dans les lieux de travail des personnes en état d’ivresse.» (Article R.4228-21).
On constate qu’il n’est pas indiqué qu’il s’agit d’une ivresse alcoolique[36].
II.1.1.3 Textes sur la sécurité au travail
Concernant la sécurité au travail, la loi stipule :
- L’employeur a la responsabilité de prendre les mesures indispensables pour garantir la sécurité et défendre la santé physique et mentale des travailleurs (article L.4121-1), en tenant compte des capacités de l’intéressé à mettre en œuvre les précautions nécessaires (article L.4121-4).
- Il incombe à chaque travailleur de prendre soin, en fonction de sa formation et selon ses possibilités, de sa santé et de sa sécurité ainsi que de celles des autres personnes concernées par ses actes ou ses omissions au travail (article L.4122-1).
- La formation à la sécurité doit informer le travailleur des précautions à prendre pour assurer sa propre sécurité et celle des autres personnes travaillant dans l’établissement. Elle porte entre autres sur la conduite à tenir en cas d’accident ou de sinistre (article R.4141-3).
- Tout membre de l’entreprise doit alerter immédiatement l’employeur «de toute situation de travail dont il a un motif raisonnable de penser qu’elle présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé». L’employeur ne peut demander au travailleur qui a fait usage de son droit de retrait de reprendre son activité dans une situation de travail où persiste un danger grave et imminent (article L.4131-1).
II.1.1.4 Textes se rapportant au rôle du médecin du travail
Au sujet du médecin de travail :
- «Le médecin du travail est le conseiller de l’employeur, des travailleurs, des représentants du personnel et des services sociaux, en ce qui concerne […] l’amélioration des conditions de vie et de travail dans l’entreprise […] ; la protection des travailleurs contre l’ensemble des nuisances, et notamment contre les risques d’accidents du travail […] ; la prévention et l’éducation sanitaires dans le cadre de l’établissement en rapport avec l’activité professionnelle […].» (Article R.4623-1).
- Il participe à l’élaboration des actions de formation à la sécurité, et à la détermination du contenu de l’information qui doit être dispensée en vertu de l’article R.4141-3-1 (Article R.4141-6).
- Le médecin du travail peut prescrire les examens complémentaires nécessaires à la détermination de l’aptitude médicale au poste de travail et notamment au dépistage des affections comportant une contre-indication à ce poste de travail, et au dépistage des «maladies dangereuses pour l’entourage» (Article R.4624-25).
- Le médecin du travail a comme fonction de participer à des études, enquêtes et recherches à caractère épidémiologique (article D.4624-50). Ces recherches peuvent concerner l’entreprise ou le Comité d’Hygiène, de Sécurité et des Conditions de Travail (CHSCT), et contribuer à la veille sanitaire, comme le prévoient la loi n° 2004-806 relative à la politique de santé publique du 9 août 2004 et la circulaire DRT n° 3 du 7 avril 2005.
II.1.2 Dispositions du Code Pénal
Le code pénal définit les peines encourues aux personnes violant certaines règles de sécurité :
- Le Code Pénal définit les peines secondaires à une violation d’une obligation de sécurité dans les articles 221-6 (homicide involontaire) et 222-19 (incapacité totale de travail pendant plus de trois mois). En cas de violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement, les peines encourues sont aggravées.
- L’article 223-6 du Code Pénal définit les peines en cas de non assistance en personne en danger : «Quiconque pouvant empêcher par son action immédiate, sans risque pour lui ou pour les tiers, soit un crime, soit un délit contre l’intégrité corporelle de la personne s’abstient volontairement de le faire est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 75000 euros d’amende. Sera puni des mêmes peines quiconque s’abstient volontairement de porter à une personne en péril l’assistance que, sans risque pour lui ou pour les tiers, il pouvait lui prêter soit par son action personnelle, soit en provoquant un secours.»
Ainsi, un employeur et un salarié ont été condamnés pour avoir laissé un autre salarié en état d’ivresse prendre le volant, celui-ci étant décédé des suites d’un accident de la route après avoir quitté le travail (Cour d’Appel de Lyon, 8 juin 2006)[37].
- Les articles 222-19-1 et 221-6-1 définissent les peines en cas d’incapacité totale de travail pendant plus de trois mois ou d’homicide involontaire suite à un accident impliquant un véhicule terrestre ; les peines sont aggravées en cas d’alcoolémie supérieure au seuil légal (0,5 gramme/litre).
II.1.3 Dispositions du Code Civil
D’après le code civil, chacun est responsable des dommages qu’il a causés, néanmoins l’abus d’alcool n’est pénalisé que par une réparation aux victimes :
- L’article 1384 définit la responsabilité «non seulement du dommage que l’on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre».
- La loi civile ne sanctionne pas l’abus d’alcool mais offre réparation aux victimes des faits commis sous l’emprise de l’alcool. Ainsi, un salarié en état d’ébriété, malgré l’interdiction de boire dans l’entreprise, est sous la responsabilité de l’employeur (cour de Cassation du 23 mars 1995, arrêt n°1342, société DANZAS contre DESNEUFBOURG).
II.1.4 Dispositions du Code de la santé publique
La loi interdit la distribution d’alcool dans les distributeurs automatiques (article L.3322-8).
II.1.5 Dispositions du Code de la route
Le code de la route prévoit la responsabilité des personnes qui commettent des infractions en état d’ivresse :
- Selon l’article L.121-1, le conducteur d’un véhicule est responsable pénalement des infractions commises par lui dans la conduite dudit véhicule.
- Le fait de conduire un véhicule en état d’ivresse manifeste ou sous l’empire d’un état alcoolique est puni de deux ans d’emprisonnement, de 4 500 euros d’amende (article L.234-1) et peut entraîner une suspension voire une annulation du permis de conduire, cette suspension ne pouvant pas être limitée à la conduite en dehors de l’activité professionnelle, et l’interdiction de conduire certains véhicules terrestres à moteur, y compris ceux pour la conduite desquels le permis de conduire n’est pas exigé (article L.234-2).
- Les seuils définissant l’infraction sont pour les véhicules de transport en commun : une alcoolémie égale ou supérieure à 0,20 gramme par litre, ou une concentration d’alcool dans l’air expiré égale ou supérieure à 0,10 milligramme par litre. Pour les autres catégories de véhicules, les seuils sont les suivants : une alcoolémie égale ou supérieure à 0,50 gramme par litre, ou une concentration d’alcool dans l’air expiré égale ou supérieure à 0,25 milligramme par litre.
- L’auteur présumé d’une telle infraction (ou le conducteur impliqué dans un accident de la circulation ayant occasionné un dommage corporel) est soumis à des épreuves de dépistage de l’imprégnation alcoolique par l’air expiré, par des officiers ou agents de police judiciaire (article L.234-3) ou par des analyses biologiques (article L.234-5).
- Les officiers de police judiciaire peuvent, même en l’absence d’infraction préalable ou d’accident, soumettre toute personne qui conduit un véhicule à des épreuves de dépistage de l’imprégnation alcoolique par l’air expiré (article L.234-9).
- Une condamnation pour l’une des infractions commise en état de récidive (au sens de l’article 132-10 du code pénal), donne lieu à l’annulation du permis de conduire avec interdiction de solliciter la délivrance d’un nouveau permis pendant trois ans au plus (article L.234-13).
- L’état d’ivresse manifeste ou l’état alcoolique, caractérisé par une concentration d’alcool dans le sang ou dans l’air expiré égale ou supérieure aux taux fixés, est une circonstance aggravante des atteintes corporelles (blessures ou homicide involontaire), avec 22 des peines allant jusqu’à sept ans d’emprisonnement et à 100 000 euros d’amende (article 221- 6-1).
- Les personnes physiques coupables de ces infractions encourent également une peine d’interdiction d’exercer l’activité professionnelle dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de laquelle l’infraction a été commise ; la suspension, pour une durée de cinq ans au plus, du permis de conduire, cette suspension pouvant être limitée à la conduite en dehors de l’activité professionnelle ; l’annulation du permis de conduire avec interdiction de solliciter la délivrance d’un nouveau permis pendant cinq ans au plus (article 221-8).
- En cas de récidive, la durée de l’interdiction est portée de plein droit à dix ans et le tribunal peut, par décision spécialement motivée, prévoir que cette interdiction est définitive. Le salarié n’est donc pas exonéré de son éventuelle responsabilité pénale, du seul fait de son statut de salarié. Il est de plus lié à l’employeur par le contrat de travail ; ainsi, l’employeur, même s’il n’est pas personnellement présent dans le véhicule, sera la plupart du temps «appelé en la cause» en cas d’accident routier ayant entraîné un dommage pour des personnes[38].
- Les personnes physiques coupables de ces infractions encourent également une peine d’interdiction d’exercer l’activité professionnelle dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de laquelle l’infraction a été commise ; la suspension, pour une durée de cinq ans au plus, du permis de conduire, cette suspension pouvant être limitée à la conduite en dehors de l’activité professionnelle ; l’annulation du permis de conduire avec interdiction de solliciter la délivrance d’un nouveau permis pendant cinq ans au plus (article 221-8).
- En cas de récidive, la durée de l’interdiction est portée de plein droit à dix ans et le tribunal peut, par décision spécialement motivée, prévoir que cette interdiction est définitive.
- Le salarié n’est donc pas exonéré de son éventuelle responsabilité pénale, du seul fait de son statut de salarié. Il est de plus lié à l’employeur par le contrat de travail ; ainsi, l’employeur, même s’il n’est pas personnellement présent dans le véhicule, sera la plupart du temps «appelé en la cause» en cas d’accident routier ayant entraîné un dommage pour des personnes.
II.2 Règlement intérieur
Le Règlement Intérieur est un document écrit et obligatoire dans les entreprises employant au moins 25 salariés. Il comprend les mesures d’application de la règlementation en matière de santé et de sécurité ainsi que les règles générales et permanentes relatives à la discipline, particulièrement la nature et l’échelle des sanctions que peut saisir l’employeur (article L1321-1 du Code du Travail).
Le règlement intérieur doit définir les conditions de réalisation des contrôles d’alcoolémie : liste des travaux de sécurité ou de sûreté concernés, rôle de la hiérarchie, modalités de réalisation. Il définit les modalités de contrôle, après avis des délégués du personnel ou des salariés. Lorsque le dépistage, systématique ou inopiné, est retenu pour certaines fonctions, il doit être expressément prévu dans le règlement intérieur. Par ailleurs, l’information doit également figurer dans les contrats de travail des salariés concernés.
Selon la circulaire du 13 janvier 1969 du ministère des affaires sociales, le règlement intérieur définit le cadre de la consommation de boissons alcooliques dans l’entreprise : elle peut être interdite ou limitée aux repas. Celui-ci est soumis à l’avis du comité d’entreprise ou à défaut à celui des délégués du personnel, et du CHSCT. Les notes de service (de nature réglementaire) sont soumises aux mêmes dispositions.
Le Règlement Intérieur est valable à tous les membres du personnel et à l’employeur. Il doit faire l’objet d’une consultation préalable des représentants du personnel (CE et CHSCT) et soumis au contrôle de l’Inspection du Travail. La violation de ces règles est sanctionnée pénalement. Ce règlement comprend des mesures relatives aux conditions d’introduction et de consommation de boissons alcoolisées sur le lieu de travail.
Depuis l’entrée en vigueur le 1er février 2007 par le Décret du 15 novembre 2006 de la loi sur l’interdiction générale et absolue de fumer dans l’entreprise, l’employeur doit faire respecter cette interdiction et peut utiliser la voie du Règlement Intérieur, conformément au circulaire du 29 novembre 2006. A cet effet, le Règlement Intérieur peut décrire les sanctions encourues par un salarié qui enfreint à cette interdiction.
Par ailleurs, le recours au test d’alcoolémie peut être prévu dans le Règlement Intérieur afin d’aviser le personnel qui souhaiterait l’utiliser mais à la condition qu’il s’agisse d’une faculté et non d’une obligation[39]. En outre, d’après la jurisprudence du Conseil d’Etat, le fait de soumettre un salarié à l’épreuve de l’alcootest prévu par le Règlement Intérieur n’a pour finalité que d’anticiper ou de faire arrêter aussitôt une situation jugée dangereuse, au lieu de permettre à l’employeur de faire constater par ce moyen une éventuelle faute disciplinaire. En un mot, le recours à l’alcootest ne peut avoir une finalité disciplinaire, mais uniquement préventive.
Quoi qu’il en soit, la Cour de Cassation a adopté une jurisprudence opposée en estimant que l’alcootest représente un mode de preuve licite permettant à l’employeur de constater une faute disciplinaire. Autrement dit, pour la Cour de Cassation, il est du devoir de chaque salarié de prendre soin de sa santé et de sa sécurité ainsi que celles des autres personnes, selon les termes de l’article L4122-1 du Code du Travail. Pour cette raison, l’employeur a le droit d’imposer le recours à l’alcootest s’il veut prouver la faute du salarié, à condition que cela soit prévu dans le Règlement Intérieur.
De cette façon, le Règlement Intérieur a un double rôle de prévention et de sanction. De même, la jurisprudence autorise l’employeur à procéder à des fouilles dans les vestiaires et les armoires individuels qui sont à la disposition des salariés de l’entreprise pour déoser leurs vêtements ou objets personnels. Seulement, ce type de contrôle ne peut avoir lieu que s’il y a des nécessités de santé ou de sécurité au sein de l’entreprise.
En principe, le Règlement Intérieur doit préciser les conditions de ces fouilles :
- elles doivent être effectuées en présence des intéressés et en présence de témoins ;
- elles doivent être justifiées par un impératif de santé et de sécurité.
Si ces conditions ne sont pas remplies, la fouille sera considérée comme illégale, de même tout ce que l’employeur aurait pu recueillir sera vu comme un moyen de preuve illicite. Pour ces raisons, l’employeur est confronté à un équilibre parfois délicat : non seulement, il doit respecter les obligations en matière de santé et de sécurité au travail, mais aussi la protection de la vie privée du salarié.
Ainsi, le Code du Travail a encadré le pouvoir disciplinaire de l’employeur dans l’article L1121-1 : «nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives des restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché».
Dans la pratique, une forme de laxisme pourrait s’installer lorsque l’employeur se trouve enfermer dans cette contrainte de crainte d’être en contradiction avec les prescriptions en matière de protection et droits des libertés des salariés. Ce laxisme se manifeste par l’inaction sur le terrain de la prévention et de la sanction de la consommation d’alcool et de drogue…
Dans cette optique, il est envisageable que l’entreprise puisse s’entourer de différents acteurs afin qu’elle puisse mener une politique volontariste et susceptible d’être mieux acceptée par les salariés car elle ne repose plus uniquement sur le pouvoir disciplinaire de l’employeur. Tel est le cas du CHSCT et du Médecin du Travail.
II.3 Rôle du CHSCT et du Médecin du travail
Mis à part l’Inspecteur du Travail qui a le pouvoir de constater les infractions relatives à l’interdiction de fumer dans l’entreprise, les deux acteurs majeurs sont également le CHSCT et le Médecin du Travail.
II.3.1 Le Comité d’Hygiène, de Sécurité et des Conditions de Travail
Le Comité d’Hygiène, de Sécurité et des Conditions de Travail ou CHSCT est un organe incontournable dans la protection de la santé et de la sécurité des travailleurs, et de l’amélioration de leurs conditions de travail. La constitution de ce comité est obligatoire dans tous les établissements comptant au moins 50 salariés. Sa réglementation a été codifiée dans les articles L. 4611-1 à L. 4614-16 du Code du travail français. L’article L. 236-2 parle de la protection de la santé et de la sécurité des salariés. De plus, le CHSCT est plus particulièrement expérimenté concernant les conditions de travail, d’où une implication essentielle de cette institution dans la lutte contre le stress ou contre le mal-être au travail. [40]
Par ailleurs, le CHSCT est constitué du chef d’établissement (ou de son représentant) et d’une délégation du personnel, et à titre consultatif, du médecin du travail, du chef du service de sécurité et des conditions de travail[41], et occasionnellement, de toute personne qualifiée de l’établissement nommée par le comité.
Le rôle destiné au CHSCT est relativement vaste étant donné que la mission qui lui incombe, consiste à promouvoir la prévention des risques professionnels. Pour ce faire, il a un droit d’initiative pour mener des missions, des inspections ou des enquêtes dans son domaine de compétence, notamment en cas d’accident afin de rechercher les causes de l’accident. De plus, le Code du Travail permet également au CHSCT le pouvoir de recourir aux expertises confiées à des cabinets extérieurs, à la charge financière de l’entreprise. Vu l’importance de la mission confiée au CHSCT, son résultat permettra à l’employeur d’établir son programme annuel de prévention des risques professionnels et d’aménagement des conditions de travail, selon l’article L4612-16 du Code du Travail.
Il est surtout chargé de :
- l’analyse des conditions de travail et des risques professionnels auxquels peuvent être exposés les travailleurs et, en particulier, les femmes enceintes, par des inspections et des enquêtes, afin de faire respecter des prescriptions législatives et réglementaires et de la mise en œuvre des mesures de prévention préconisées ;
- le développement de la prévention par des actions de sensibilisation et d’information. Par exemple, il peut proposer des actions de prévention en matière de harcèlement au travail ;
- l’analyse des circonstances et des causes des accidents du travail ou des maladies professionnelles ou à caractère professionnel.
Ce comité est sollicité lorsque les dirigeants souhaitent prendre une décision d’aménagement important changeant les conditions d’hygiène et de sécurité ou de santé, les moyens nécessaires à son fonctionnement leur sont alors fournis :
- avant toute transformation importante des postes de travail : modification de l’outillage, changement de produit ou de l’organisation du travail ;
- avant toute modification des cadences et des normes de productivité
sur le plan d’adaptation lors de la mise en œuvre de mutations technologiques importantes et rapides ;
- sur les mesures prises en vue de faciliter la mise, la remise ou le maintien au travail des accidentés du travail.
En outre, lorsqu’un membre du CHSCT constate une situation de danger grave et imminent, le comité peut recourir à la procédure dite du droit d’alerte (article L 4131-2 du Code du Travail). Cette prérogative est parfois délicate dans sa mise en application pour des raisons de protection des libertés individuelles de chaque salarié.
En effet, le droit d’alerte représente un moyen efficace pour palier éventuellement au manquement du chef d’entreprise. En effet, quand un membre du CHSCT signale la présence d’un danger, le chef d’entreprise doit procéder immédiatement et obligatoirement à une enquête avec le membre du CHSCT, afin de pouvoir définir les mesures à prendre pour faire maitriser la situation. Si les deux parties sont en désaccord, une réunion du CHSCT est convoquée d’urgence dans les 24 heures. Comme l’Inspection du Travail est prévenue de la tenue de cette réunion, elle peut envoyer un de ses représentants. Le droit d’alerte prend fin lorsqu’un vote majoritaire valide les mesures à mettre en œuvre. Par contre, l’intervention de l’Inspection du Travail est obligatoire, si le chef d’entreprise et le CHSCT ne parviennent pas à trouver un accord.
II.3.2 Rôles du médecin de travail
Le Médecin du Travail a également un rôle à jouer sur le milieu de travail pour apporter sa contribution dans l’action médicale proprement dite. Ainsi, il assiste avec voix consultative aux réunions du CHSCT. Il a le droit d’effectuer des enquêtes couvertes par le secret médical. Il procède au suivi individuel des employés à partir de leur dossier médical. En plus de la visite médicale d’embauche et post-arrêt de travail, le Médecin du Travail peut être saisi à n’importe quel moment par le salarié. Les raisons peuvent être des alertes à titre individuel ou collectif de l’existence d’un danger au sein de l’entreprise pour la santé et la sécurité. par conséquent, le Médecin du Travail est un interlocuteur apte à mettre en œuvre des mesures de prévention d’une situation de danger, et ce, dans le cadre du secret médical.
A ce propos, le Docteur Raymond Trarieux[42], Président de l’AFEDCAP, a affirmé avec pertinence que « le médecin du travail était également un acteur de la société actuelle et qu’il ne pouvait se désintéresser des problèmes posés par la consommation des drogues et leurs conséquences sociales : trafic, dépénalisation, vente libre, problèmes juridiques, exclusion et sida ».
Le médecin du travail a véritablement un rôle-pivot au sein de l’entreprise. En effet, selon l’article R 241-48 du Code du Travail, c’est lui qui doit « déterminer si le salarié n’est pas atteint d’une affection dangereuse pour les autres travailleurs et s’il est apte médicalement au poste de travail auquel le chef d’établissement envisage de l’affecter ». En d’autres termes, le médecin du travail est la personne la mieux placée qui puisse mettre à profit son expérience médicale.
Il a la possibilité d’établir un diagnostic à partir des données cliniques des examens qu’il réalise au sein du service médical. Le praticien peut aussi peaufiner son avis clinique non seulement, grâce à la consultation d’embauche certes, mais aussi, quelque fois, par le biais des examens complémentaires qui peuvent s’imposer.
D’une manière générale, il a pour rôle de mesurer les dangers relatifs à tel ou tel poste à risque ou de sécurité ou de responsabilité. La difficulté majeure pour lui, comme pour celle de la Direction d’ailleurs, de distinguer les risques potentiels. Concernant l’accompagnement médical d’un patient toxicomane, le médecin souligne que cela demande une grande disponibilité, particulièrement en temps, une forte connaissance des postes concernés, la mise en place d’une sorte de point-écoute. Ce procédé permet l’application d’un contrat de confiance entre le médecin et le salarié en difficulté.
Enfin, peu importe l’entreprise en question, le fameux « travail en réseau » s’impose. Effectivement, toute prise en charge d’un toxicomane demande une cohérence et une continuité de soins avec plusieurs partenaires, afin de garantir la réussite des traitements entrepris.
II.4 Protection et libertés des salariés
Au sein de l’entreprise, le salarié doit bénéficier en tant qu’individu, du droit au respect de sa vie privée en application des conventions internationales. Cependant, comme certains postes de travail comportent un enjeu de sécurité. Ils nécessitent une vigilance exceptionnelle afin de garantir la protection du salarié, mais aussi de ses collègues et des clients ou usagers. C’est cette protection des tiers qui justifie la limitation des libertés individuelles notamment par un dépistage médical de l’usage de stupéfiants.
Effectivement, pour assurer le respect de la vie privée et du secret médical, le dépistage systématique de la toxicomanie en entreprise doit être interdit. Néanmoins, dans des conditions bien précises, le médecin de travail peut être admis à en procéder. C’est par exemple le cas lorsque de garantir l’intérêt général : un conducteur d’autobus qui doit gérer la vie de ses passagers.
Dans les cas extrêmes, si ces contrôles sont jugés indispensables par l’employeur, ce dernier doit au moins avertir ses salariés, par écrit et au préalable, du mode d’application de ces contrôles : la forme du contrôle, sa fréquence, la nature des informations collectées et l’utilisation qui en sera faite.
En effet, une circulaire du ministère du travail (n°90/13) du 9 juillet 1990, relative au dépistage de la toxicomanie en entreprise, affirme que le dépistage systématique ne peut en aucun cas se justifier, sauf pour certains postes comportant de grandes exigences de sécurité et de maîtrise du comportement : « rien ne justifie un dépistage de la toxicomanie organisé de manière systématique dans l’entreprise ». Le dépistage systématique d’usage de stupéfiants ne peut en aucun cas se justifier. Il ne peut concerner que des postes comportant de grandes exigences en matière de sécurité et de maîtrise du comportement. Le contrôle de l’alcoolémie des salariés n’est autorisé que s’il est prévu au règlement intérieur, que sa contestation est possible et définie, qu’il est justifié par la nature de la tâche à accomplir et que l’état d’ébriété présente un danger pour les personnes ou les biens. »
C’est pourquoi, le Comité consultatif national d’éthique ou CCNE préconise-t-il à toutes les entreprises le recensement des postes de sûreté et de sécurité, en confrontant tous les acteurs de l’entreprise, à savoir les managers, les représentants des salariés et services de santé au travail…Il est nécessaire d’identifier tous les postes pour lesquels une défaillance humaine, ou même un simple défaut de vigilance, peut causer des conséquences graves pour soi-même et pour autrui.
II.5 Responsabilités et obligation des chefs d’entreprises
II.5.1 Responsabilité éthique et juridique de l’employé
La responsabilité du chef d’entreprise envers les salariés qu’il emploie est tout d’abord éthique avant même d’être juridique. En effet, il est de son devoir de leur garantir des conditions de travail convenables et, à ce titre, de les protéger contre les dangers qui pourraient s’attacher à leur poste de travail. Ceci touche d’abord la dangerosité éventuelle du poste et les précautions à prendre pour prévenir les risques y afférents ou s’en défendre.
De plus, il est également du ressort du chef d’entreprise de veiller à ce que le salarié ne se mette pas en danger, ni n’expose le risque à un tiers, du fait de sa conduite. C’est pour cela qu’il est impératif que le chef d’entreprise développe une politique de prévention et de détection de l’usage de l’alcool ou des produits illicites sur les lieux de travail. Pareillement pour le mésusage de médicaments qui affecte le psychisme des salariés, et notamment sur leur vigilance. Cette exigence éthique voit une interprétation en droit positif à travers la responsabilité juridique encourue par le chef d’entreprise en cas de dommage subi par le salarié ou par des tiers en raison de l’activité de l’entreprise, notamment en cas d’accident de toute nature.
Par ailleurs, la jurisprudence européenne tout comme la jurisprudence française tend à remplacer, en matière de risques, l’obligation de moyens, sinon par une obligation de résultat, du moins par une obligation juridique de moyens renforcée, qui met à la charge du chef d’entreprise la preuve de sa non responsabilité. On constate que la conscience des risques de danger pour soi-même et pour autrui liés à la consommation d’alcool et de produits illicites semble progresser. D’après les réflexions contemporaines sur l’analyse des risques et l’accidentologie, il est affirmé que la faute humaine prévaut (erreur d’appréciation et/ou d’action) dans la majorité des accidents catastrophiques[43].
En définitive, le risque d’erreurs augmente à mesure que la consommation d’alcool et de produits illicites se développe, et en générant une modification de l’attention, un trouble de la vigilance ou une perte de jugement. A partir de cela, sont définis dans les règlements intérieurs, ou leurs équivalents, une désignation particulière des postes à risques et des fonctions de sûreté et de sécurité.
II.5.2 Obligation de sécurité
Pour ce qui est de l’obligation de sécurité, c’est le contrat de travail qui lie le salarié et l’employeur, représentant ainsi le fondement juridique des obligations et responsabilités qui pèsent sur l’entreprise. C’est la jurisprudence dite « amiante » de la Cour de Cassation en 2002 qui explique la notion d’obligation de sécurité de résultat : « en vertu du contrat de travail le liant à son employé, l’employeur est tenu envers celui-ci d’une obligation de sécurité de résultat… ».
Ainsi, c’est à partir de cette jurisprudence qu’un salarié aurait pris la rupture de son contrat de travail aux préjudices exclusifs de son employeur à qui il reprochait de n’avoir pas prescrit d’interdiction générale et absolue de fumer dans les bureaux. En 2005, le salarié a eu gain de cause, puisque la Cour de Cassation a considéré que l’entreprise avait une obligation de sécurité et de prévention du tabagisme passif.
Cette obligation de sécurité qui pèse sur l’employeur comporte également un volet pénal. Ainsi, la jurisprudence considère que la responsabilité pénale de l’employeur pourra être engagée dans le cas où il enfreindrait manifestement et délibérément à une obligation particulière de sécurité ou en raison d’une imprudence ou de négligence. Cela est valable dans le cas d’un employeur qui aurait fait preuve de laxisme pour faire respecter au sein de l’entreprise les interdictions légales en matière d’usage de substances illicites.
CHAPITRE II : ÉTUDE DE CAS
Ce second chapitre traitera
III. Méthodologie
La deuxième partie de notre étude portera sur l’analyse des entretiens faits auprès de quelques responsables.
Le premier s’est passé avec Monsieur Lecoustour, Inspecteur du Travail à l’Inspection du travail de Mantes la Jolie, le 31 mars 2011. Cet entretien a permis de mettre en évidence le rôle et le champ d’action de l’inspecteur du travail.
Ensuite, les propos de Monsieur Fabien Rosso Responsable Adjoint de l’Unité Prévention et Santé au travail de la RATP ont été recueillis le 10 mars 2011. Ses propos ont permis d’obtenir des renseignements sur la difficulté de la mise en place d’une politique de lutte contre la drogue et la toxicomanie au sein de leur organisation.
Enfin, le 17 mai 2011, Madame Magnier, Contrôleur de la Sécurité dans les Industries et entreprises de Service sur le département des Yvelines au sein de la CRAMIF de Versailles, nous livre ses expériences en matière de démarche de prévention contre la prise de drogue et d’alcool en entreprise.
L’analyse de ces entretiens nous permettra d’avancer des enseignements et recommandations face à la problématique. A partir de ces entretiens, nous essayerons de redéfinir quels peuvent être les rôles du CHSCT dans l’initiation, l’élaboration et la mise en place d’une action stratégique de prévention du risque alcool et de drogue en entreprise.
IV. Guide d’entretien
Rappelons que la problématique du mémoire est : « Le dialogue social dans le champ de la problématique de la recrudescence de la toxicomanie en entreprise : En quoi l’intégration de l’instance du CHSCT permet de mener une politique de prévention des risques contre la toxicomanie en entreprise ?
Afin de répondre à la problématique de cette étude, il convient d’abord de présenter un guide d’entretien dans lequel quatre thèmes ont été abordés.
- La toxicomanie dans votre entreprise
Au départ, il est important de s’interroger de l’état des lieux de la toxicomanie au sein de l’entreprise :
- Comment se manifeste la toxicomanie dans votre entreprise ?
- Quelle est son ampleur, en termes de volume?
- Les facteurs de la toxicomanie en entreprise
Ensuite, il est nécessaire d’en connaître les raisons qui tendent à favoriser ce phénomène afin de pouvoir identifier les actions à entreprendre :
- Pour vous favoriserait cette toxicomanie dans l’entreprise : la pénibilité au travail, les horaires de travail, le stress… ?
- Les stratégies de prévention
Puis, on identifie quelles sont les méthodes déjà utilisées par les responsables pour lutter contre ce fléau :
- Quels sont les risques psycho-sociaux au sein de l’entreprise et quelle est votre système de prévention ?
- Quelle est la préoccupation du DRH ou du DG ?
- Pour un meilleur dialogue social, est-il nécessaire de mettre en place un accord de droit syndical avec organisation du fonctionnement, donner des moyens plus importants que ce prévoit la loi ?
- Les partenaires sociaux
Enfin, la place donnée aux partenaires sociaux est abordée :
- Quel rôle ont les partenaires sociaux sur ce sujet ?
- Quelles sont les actions menées ?
- Avez-vous une étude qui compare les indicateurs de population concernée par cette problématique au sein de votre entreprise (âge, niveau de richesse, employés, cadres, ancienneté sur le poste …)
- Le CHSCT étant l’acteur incontournable pour cette problématique, quel rôle lui donnez-vous (autre que le rôle règlementaire) ?
- Existe-t-il un accord sur les différentes procédures RH en cette matière ?
- Avez-vous créé des cellules spéciales ex : stress, alcoolémie ou autre ?
Après avoir effectué les entretiens, on présente maintenant les résultats.
V. Résultats des recherches
Avant l’analyse des entretiens, il s’avère d’abord utile de procéder au résumé de ces entretiens réalisés auprès des responsables cités précédemment.
V.1 Résumé des entretiens
On exposera les entretiens qui ont eu lieu avec Monsieur Lecoustour, Inspecteur du Travail à l’Inspection du travail de Mantes la Jolie, Monsieur Fabien Rosso Responsable Adjoint de l’Unité Prévention et Santé au travail de la RATP, Madame Magnier, Contrôleur de la Sécurité dans les Industries et entreprises de Service sur le département des Yvelines au sein de la CRAMIF de Versailles et Monsieur Philippe Brand, Directeur adjoint des relations sociales, membre du CHSCT chez AXA France.
V.1.1 Entretien avec Monsieur Lecoustour, Inspecteur du Travail à l’Inspection du travail de Mantes la Jolie
V.1.1.1 Rôle de l’Inspecteur
Les employeurs préviennent l’Inspecteur qui donne d’abord une réponse juridique alcotest si le salarié est en danger ou met en danger autrui dans l’entreprise.
Le rôle de l’Inspecteur est de :
- Rappeler au CHSCT les règles de confidentialité.
- Travaille avec le médecin du travail.
- Conseiller l’employeur.
Par exemple, dans le cas d’une problématique d’alcool, et que l’employeur ne veut pas licencier son salarié alors il demande ce qu’il peut faire :
- Financement de la cure de désintoxication à voir avec le médecin du travail ;
- Le salarié accepte ou n’accepte pas.
Toujours par rapport à l’employeur, les Inspecteurs du travail ont des difficultés à faire comprendre à l’employeur et au CHSCT que l’alcoolisme est une maladie.
En ce qui concerne la consommation de drogue au travail, l’Inspecteur constate que la consommation de cannabis touche plutôt le public jeune.
Monsieur Lecoustour a connu des affaires de trafic de drogue dans les entreprises mantaises où les délégués syndicaux sont touchés par le commerce de cannabis au sein de l’entreprise. Cependant, la police ne peut pas intervenir au sein de l’entreprise.
Quant à la cigarette, les Inspecteurs du travail n’ont pas accepté la mise en place d’un carnet à PV qui doit être dressé si le salarié fume dans l’entreprise.
Pour lutter contre la toxicomanie au travail, des campagnes de prévention sont mises en place au sein de l’entreprise avec la médecine du travail ainsi que le psychologue du travail qui reçoit le salarié au sein de l’entreprise.
- Domaines concernés
Dans cette région, les domaines concernés par la toxicomanie au travail sont les entreprises de transport, de nettoyage et de sidérurgie, ainsi que les entreprises tertiaires.
Auprès des entreprises de transport de la région mantaise, Monsieur Lecoustour assure que l’on ne rencontre aucunement ce genre de problème. De plus, il n’y a pas de demande non plus dans les entreprises de transport urbain, bus…
Par contre, il constate que les entreprises de nettoyage et de sidérurgie du bassin mantais rencontrent souvent la problématique de l’alcoolisme. Ce sont les cadres qui sont les plus touchés et des traitements médicaux leur sont prescrits.
Dans les entreprises tertiaires, il y a plus de réactions et la toxicomanie au travail est mieux appréhendée comme maladie.
Les Inspecteurs du travail luttent contre la mise en application de certains règlements intérieurs qui stipulent le licenciement du salarié qui refuse l’alcotest. Ils demandent alors aux employeurs de retirer cette ligne du règlement intérieur.
Dans le cas d’un poste dangereux, tout au plus, l’employeur peut mettre seulement à pied le salarié, mais ne peut pas l’obliger à l’alcotest.
En outre, les inspecteurs rappellent régulièrement aux employeurs leurs obligations de veiller à la sécurité de leurs employés, cependant les concernés se plaignent d’absence de moyens.
Dans le Mantois, Monsieur Lecoustour explique qu’il existe un vrai trafic de drogue avec des zones interdites à la police et des menaces vis-à-vis des employeurs. De plus, le Préfet n’agit pas dans le but de préserver la paix sociale.
V.1.2 Entretien avec Monsieur Fabien ROSSO Responsable Adjoint de l’Unité Prévention et Santé au travail de la RATP
V.1.2.1 Présentation du service GIS
Le Département GIS (Gestion Innovations Sociales) est composé de la DRH et des services suivants :
- Le service Santé au travail autonome ;
- Le service social avec 24 assistantes sociales ;
- L’agence de la prévention et des risques socio professionnels physiques et techniques ;
- Le service médical d’aptitude sécuritaire qui concerne essentiellement les conducteurs du RER B où sont réalisés régulièrement des tests d’aptitude sécuritaire et des tests toxicologiques ;
- Le service médical spécifique pour le renouvellement des permis bus tous les 5 ans ;
- La mission stratégique de la prévention.
- Au sein de la RATP, il y a le service de médecine de soins où les salariés peuvent consulter les médecins généralistes, des médecins spécialistes, des dentistes…
V.1.2.2 Toxicomanie au sein de la RATP
Mr ROSSO affirme que la RATP est confrontée à la problématique de la toxicomanie. Cependant, il lui est difficile de quantifier car ils n’ont pas de savoir faire en matière de dépistage de drogue. Néanmoins, ils ont une grande expérience concernant l’alcoolisme en entreprise étant donné que c’est une préoccupation très lointaine.
L’association AMITIE PRESENCE qui est partenaire de la RATP possède des centres de cure et de post-cure pour les salariés intéressés. Les employés contactent eux-mêmes et anonymement cette association depuis 1970.
Une politique de lutte contre l’alcool a été mise en place au département BUS : instructions professionnelles du Machiniste, tolérance 0 en consommation d’alcool. Il s’agit d’un texte rédigé par la Direction avec les OS, mais cela n’a pas fait l’objet d’une négociation.
Des actions de prévention sont mise en place avec l’association Amitié Présence, l’ANPAA en intégrant les assistantes sociales, la médecine du travail (sectorisée, donc un médecin peut voir le même salarié pendant 20 ans).
Concernant les tests de contrôle alcool éthylotest puis éthylomètre, 8 000 machinistes sont contrôlés par an sur 14 000 machinistes salariés de la RATP : 20 personnes ont eu un résultat positif en 2010 (0 à 0,2) de manière inopinée. Le salarié est alors reçu par son N+1 pour comprendre le pourquoi de son agissement.
Il s’avère que souvent les salariés positifs aux tests ont consommé de l’alcool la veille, et il en reste les traces le lendemain. Ils attendent une heure et si le taux d’alcool redescend, le salarié reprend le service, sinon il va voir un médecin ou bien, c’est une sanction disciplinaire jusqu’à la révocation : 5 jours de mise à pied puis au-delà, c’est le conseil de discipline (avec les OS).
En 2006, des actions de prévention sur les stupéfiants ont été réalisées. Le service social a monté des formations et des informations auprès des salariés accompagnés de l’Unité de formation de la Brigade des Stupéfiants de la Préfecture de Police de Paris, du service social et de la médecine du travail ainsi que des juristes de l’entreprise.
En 2007, des décrets sont votés pour la consommation d’alcool ou de stupéfiants concernant les salariés au service du transport des personnes et des métiers de la sécurité. Suite à cela, il y a eu une formalisation de cette formation.
Une refonte du règlement intérieur a été faite : il y a 13 CHST au sein de la RATP donc 13 règlements intérieurs dans lesquels apparaît un article unique qui traite et de l’alcool et des stupéfiants. Cet article est intégré dans les 13 règlements intérieurs. Le principe de la tolérance 0 est partout. Sont concernés par le contrôle les métiers de la sécurité qui représentent 85% des métiers de l’entreprise.
Chaque CHSCT a déterminé ce qu’étaient les métiers de la sécurité. Aussi des tests de contrôle alcool et stupéfiants sont faits pour tous les métiers de la sécurité et sont homologués par les forces de police.
Le test de stupéfiant dure 15 à 20 minutes, donc il est difficile à mettre en place ; c’est ingérable pour les entreprises vu que le temps de réaction chimique est trop long.
Dans la santé et la sécurité, il y a une obligation de résultats, mais au niveau des stupéfiants, tout est prêt : prévention, information, règlement intérieur. Les élus génération du ballon rouge, mais pas des stupéfiants. Il y a une méconnaissance du problème, une confusion entre addiction et consommation.
La RATP a été accusée de gérer de façon répressive une problématique relevant du médical car relevant d’une pathologie.
Grâce à la formation, il y a eu une prise de conscience du tableau d’ensemble : les produits sont désocialisant mais l’addictologie prend vite le dessus dans certains produits.
Malgré les dépliants distribués aux salariés, les livres sur les drogues et les plaquettes sur la consommation de cannabis expliqué aux parents, il apparaît que les salariés sont complètement désarmés par rapport à cette problématique.
Le dialogue est très ouvert avec la Brigade des Stupéfiants (unité spécialisée dans la formation). Le Commandant LACOMBE a créé la proximité avec un langage courant et adapté aux salariés qui sont formés.
Il n’apparaît pas de cas avéré suite à un accident corporel. Aucune inaptitude physique n’a été prononcée par la médecine du travail concernant cette problématique.
La RATP n’a pas mise en place d’indicateurs face à cette problématique car l’anonymat est réel et le dépistage médical fait partie du secret médical.
V.1.2.3 Causes de la toxicomanie
Selon Mr ROSSO, la pénibilité au travail, les horaires de travail et le stress ne sont pas des facteurs de développement de cette toxicomanie au sein de son entreprise, puisque les conditions de travail sont relativement bonnes et les salariés sont bien au travail par rapport à l’extérieur et les autres entreprises.
Une visite médicale annuelle est effectuée sur 90% des métiers avec un suivi socio médical important.
Il existe une vraie culture de la prévention et de la sécurité chez les agents à laquelle ils sont attachés car elle fait partie de leur identité professionnelle.
Par contre, chez les cadres de la RATP, un stress important avec abus de médicaments est relevé.
Cette problématique est une vraie préoccupation pour la DG et la DRH.
Afin de faire en sorte que cela ne s’essouffle pas et de partager des pratiques entre les 20 départements de la RATP, 13 CHSCT sont mis en place au sein de la RATP.
Le Département BUS traite aussi de l’addiction sans produit : cyber, jeux …
Il a son propre CHSCT et travaille facilement avec ses représentants. Divers comités de pilotage pour les addictions sont organisés au sein de ce Département où sont présents CHSCT, médecins, des campagnes sur le processus addictif. De plus, au sein de la médecine du travail, il y a un médecin spécialiste en addiction.
La RATP n’a pas mise en place des accords pour définir les procédures RH en cette matière mais tout ce qui a été mise en place a été en accord non formalisé avec les OS représentatives. Une fois par an, les OS sont informées des politiques transversales.
Il existe également un observatoire des conditions d’exercice des métiers auxquelles il y a des représentants des OS : il s’agit d’un lieu d’échange sur la politique de prévention et de la pénibilité au travail. Une cartographie de la pénibilité au travail est faite. Sur la cartographie des contraintes, il apparaît que si la contrainte devient pénibilité, c’est le médecin du travail qui statue.
Une étude épidémiologique menée par un médecin du travail dit que les agents partent à la retraite en meilleure santé et vivent plus longtemps que les franciliens.
V.1.2.4 Actions du CHSCT
Le CHSCT est un acteur incontournable pour cette problématique : son rôle est valorisé lors des comités de pilotage organisés et où sont intégrés les CHSCT. Il s’agit d’une instance de relais avec le personnel.
Les CHSCT ont usé de rentrer par la fenêtre en demandant une expertise sur les risques psychosociaux induits par le fait de pouvoir faire des tests sur les stupéfiants et la Direction a refusé.
La modification du règlement intérieur demande l’avis du CHSCT et du CDEP (Comité Départemental Economique et professionnel). Pour chacun d’entre eux, l’avis est défavorable car en gros cela ne se fait pas de donner un avis favorable à la Direction.
La CGT est majoritaire dans les CHSCT durant la période 2006/2007.
Les CHSCT sont une force de proposition en comité de pilotage. S’il n’y a pas de PV de séance, ils sont moteurs. A l’inverse, s’il y a PV, on rentre dans la contestation.
V.1.3 Entretien avec Madame MAGNIER Contrôleur de la Sécurité dans les Industries et entreprises de Service sur le département des Yvelines au sein de la CRAMIF de Versailles
Le problème de la toxicomanie est fréquemment évoqué par les entreprises.
Le contrôleur de la CRAMIF a un rôle de conseil dans la mise en œuvre d’une démarche de prévention. Les entreprises demandent souvent comment ils peuvent sanctionner alors que la CRAM est plus souvent sur la prévention.
Une expérience dans une entreprise où c’est le médecin du travail (de part sa sensibilité et sa formation en alcoologie) qui a mis en place avec l’entreprise la démarche prévention.
Les addictions sont des risques professionnels pour les salariés et l’entreprise. Pour que la démarche fonctionne, il faut une forte implication de la Direction.
Afin de repérer des comportements inacceptables, l’entreprise met en place des méthodes de prévention. C’est par exemple le cas des entreprises qui ne veulent pas voir les salariés et leur addiction.
La prévention signifie rechercher les causes et les traiter. Les causes proviennent des métiers physiquement et psychologiquement pénibles.
La prévention se fait par l’affichage en plus du règlement intérieur est important ce qui est acceptable et tolérable.
La prévention passe par la formation des responsables de l’entreprise.
Les employeurs se disent que si les salariés savent qu’ils peuvent faire des contrôles salivaires avec éthylotests, ils sont dissuadés.
1ère étape pour le contrôleur de la CRAMIF : faire un état des lieux et voir l’ampleur du problème avec le médecin du travail et chercher les indicateurs (sexe, âge, type de consommation …).
Il y a une forte réticence de la part des membres du CHSCT à évoquer ce problème car ils pensent que cela relève de la vie privée donc ils ne souhaitent pas aborder le sujet.
Pourtant cela doit être une préoccupation du CHSCT car cela fait partie de ses missions : promouvoir la prévention des risques professionnels à partir du moment où ces addictions sont un risque professionnel.
La démarche est mieux acceptée dans les entreprises s’il s’agit d’une démarche de prévention et non de sanction.
Il faut développer la sensibilisation et les formations dans les entreprises.
Dans certaines entreprises, une charte est signée par la Direction et le CHSCT.
Dans les entreprises de transport de personnes (bus) et ramassage scolaire, ce test a fait que l’entreprise a mise en place des mesures préventives car le salarié doit passer obligatoirement un test qui l’empêche de démarrer le véhicule en cas d’alcoolémie.
Ce sujet est une problématique de santé publique « ce qui me fait peur, ce sont les jeunes touchés par la consommation de cannabis sur les lieux de travail : caristes, chauffeurs, conducteurs de machine …. L’alcool était banalisé et culturel et à ce jour le cannabis est pareil. Risque pas facile à aborder en entreprise car c’est un sujet tabou limite vie privée. », évoque Madame MAGNIER.
Une des difficultés est que les chefs d’entreprise sont tentés par la sanction et non par la prévention. Dès que l’on aborde les risques que génère leur activité, ils disent que ce n’est pas leur activité puisque c’est le salarié qui apporte le risque.
Dans les petites entreprises, des démarches d’accompagnement individuel du salarié sont mises en place.
Lors d’un accident du travail où le salarié est en état d’ébriété, l’AT est reconnu mais c’est de la responsabilité du chef d’entreprise de le retirer de son poste (cas de jurisprudence).
« Le CHSCT est incontournable alors que dans la réalité c’est une vraie difficulté pour faire entendre au CHSCT de l’importance de la prévention. », conclue-t-elle.
V.1.4 Monsieur Philippe Brand, Directeur adjoint des relations sociales, membre du CHSCT chez AXA France.
V.1.4.1 Organisation du CSHCT
Conformément à la loi, les CHSCT des différentes entités se réunissent tous les trimestres. Cependant, selon la demande du site et son organisation, ils ne peuvent augmenter la fréquence des réunions en fonction des questions à traiter et de leur urgence. Leur activité étant située dans le secteur tertiaire, il s’intéresse davantage à l’organisation du travail, et plus généralement à tout ce qui est rattaché aux conditions de vie et de travail.
Les types d’actions qui peuvent être décidés peuvent concerner un réaménagement de site, ou plus prosaïquement la qualité des équipements, en passant par l’adéquation du matériel informatique… Pour prendre un exemple concret, dans les centres où les salariés sont en relation avec des clients extérieurs, ils peuvent réfléchir à l’ergonomie des postes de travail pour favoriser le bien-être des collaborateurs.
V.1.4.2 Méthode CHSCT
Le CHSCT répond certes à une obligation réglementaire. Mais au-delà de cette contrainte formelle, il doit agir comme une plate-forme de discussion entre les partenaires sociaux sur des domaines permettant d’améliorer les conditions de travail. En cas de problème sur le terrain, cela permet d’avoir une remontée d’information rapide au niveau des directions. Il peut donc réagir en retour auprès de l’organisation et des services concernés. Le CHSCT peut devenir un véritable lieu de concertation et de dialogue pour améliorer au quotidien les conditions de travail de leurs collaborateurs, à condition de ne pas gérer cette instance comme une simple obligation légale, mais de considérer le véritable « retour sur investissement » que celle-ci peut apporter en termes de gestion des pratiques sociales et professionnelles…
Au moins une fois par an, le chef d’établissement doit présenter au CHSCT : un rapport écrit faisant le bilan de la situation générale de l’hygiène, de la sécurité et des conditions de travail et rappelant les actions ayant contribué, au cours de l’année écoulée, à la protection de la santé, de la sécurité et à l’amélioration des conditions de travail des salariés ; et un programme annuel de prévention des risques professionnels et d’amélioration des conditions de travail.
V.2 Analyse des entretiens
Face à ce phénomène de consommation de produits stupéfiants et à tout comportement addictif dans le cadre professionnel qui mettent en danger le salarié et les travailleurs de l’entreprise, l’employeur est dans l’obligation de réagir comme pour toutes les menaces d’une autre nature, et ce avec les mêmes règles qui régissent l’hygiène et la sécurité au travail. Dans cette partie, on va mettre en exergue certaines méthodes de prévention citées par nos interlocuteurs précédemment.
V.2.1 La détection précoce d’un comportement addictif
Selon Madame MAGNIER Contrôleur de la Sécurité, la prévention signifie rechercher les causes. Il est évident que cela doit être parmi les premières démarches à entreprendre si l’on veut prendre en main la prévention de la toxicomanie en entreprise.
En effet, la recherche et le repérage précoce d’une conduite addictive devrait passer par la détection d’un ensemble de signaux d’alerte aboutissant à un faisceau d’indices de toxicomanie probable. En essayant d’identifier ces symptômes, il est possible de détecter si un problème de consommation inadaptée de drogues ou de médicaments psychotropes est probablement présent ou en émergence au sein de l’entreprise.
C’est pourquoi, l’entourage professionnel ainsi que le médecin du travail doivent être vigilants par rapport à la diminution de la concentration (erreurs plus fréquentes, décisions étranges), l’attitude irrégulière concernant le travail (gestes irresponsables ou incohérents, démotivation totale), les modifications de l’apparence physique (tremblements, démarche, propreté…), les réactions agressives ou au contraire inexistantes aux remarques ou plaintes des collègues ou clients, l’implication croissante dans des pannes, incidents ou accidents, l’isolement social progressif.
De plus, l’entreprise peut utiliser des outils de prévention sanitaire et de repérage précoce des consommations à risques à la disposition des médecins et personnels des services de santé au travail, tels que les questionnaires, qui sont utilisés lors des visites médicales d’embauche, périodiques, de reprise. Ces questionnaires peuvent permettre de diagnostiquer des comportements addictifs sur le lieu de travail.
Ainsi, dans le cas où l’on détecte chez l’employé un ou plusieurs de ces troubles manifestes du comportement, constatés par des faits précis et avérés, le responsable hiérarchique peut déclencher un entretien avec la personne concernée pour la confronter aux faits, lui remet un courrier adressé au médecin du travail qui évoque le problème de toxicomanie.
De ce fait, il revient alors au médecin du travail de formuler les recommandations adéquates, à savoir émettre un avis sur l’adéquation entre la santé et le travail, proposer une mutation ou une transformation du poste de travail. Le médecin peut prescrire des examens de dépistage, sous réserve que le salarié ait été dûment informé de ces examens et de leur finalité.
Enfin, l’accord clair de l’employé à s’abstenir à l’avenir, accompagné d’un programme d’évaluation, l’information de l’application graduelle de sanctions, sont des actions qui peuvent prévenir la répétition de consommation addictive, dans le cas où celle-ci n’était qu’occasionnelle ou détectée suffisamment tôt.
V.2.2 Les possibilités de tests de dépistage de drogues
Il existe de nombreuses limitations légales qui encadrent les possibilités de l’employeur à effectuer des tests de dépistage de drogues car cela représente une ingérence dans la vie privée du travailleur.
Au sein de la RATP, Monsieur Fabien ROSSO Responsable Adjoint de l’Unité Prévention et Santé au travail a affirmé que les tests de dépistage sont autorisés sur les employés dont les postes peuvent menacer sa sécurité et la sécurité d’autrui. D’où, les membres du CHSCT procèdent au recensement des postes concernés en mettant en place une cartographie de la pénibilité du travail.
Ce contrôle systématique de dépistage n’est admis que lorsque la liste des postes de travail concernés, le rythme et les conditions de pratique des contrôles soient définies dans le règlement intérieur : le recours aux tests est limité strictement aux cas des salariés occupés à l’exécution de certains travaux dangereux ou à la conduite de véhicules.
Par ailleurs, Monsieur Lecoustour, Inspecteur du Travail à l’Inspection du travail de Mantes la Jolie a souligné que les tests ne peuvent être utilisés qu’en vue de prévenir, c’est-à-dire vérifier l’aptitude pour le travail et faire cesser une situation dangereuse. Ils ne peuvent avoir de conséquence, telle que des sanctions éventuelles de l’employeur suite aux résultats. En aucun cas, l’employeur ne peut contraindre des salariés à ces examens.
Aussi, la fouille des armoires individuelles, dans les cas et aux conditions prévus par le règlement intérieur et en présence de l’intéressé, est-elle autorisée que pour des raisons de sécurité collective, lorsqu’on soupçonne un salarié de détention de drogue.
L’application d’une politique efficace de lutte contre la toxicomanie au sein de l’entreprise doit évidemment réunir les partenaires sociaux, notamment le CHSCT, nécessitant en effet l’avis du comité d’entreprise et, sur la question de la toxicomanie.
Le CHSCT voudrait être une instance d’action dynamique pour la préservation de la santé et sécurité au travail… Dans le but d’instaurer un véritable dialogue dans le domaine des risques professionnels et des moyens de prévention, les membres du CHSCT doivent bénéficier d’une formation théorique et pratique.
V.2.3 La formation et l’information
D’après Madame MAGNIER Contrôleur de la Sécurité, le positionnement des acteurs[44] et la pertinence de leurs actions vont dépendre de la qualité de l’information et de la formation qu’ils auront assimilées de manière commune : conviction, prise de conscience et acquisition de connaissances sur les addictions, mutualisation de ces connaissances, communication sur les problématiques, création d’une synergie d’action, connaissance des moyens et procédures pour engager des actions de prévention et d’accompagnement.
L’élaboration d’une démarche de prévention des conduites addictives est mieux adoptée et appliquée si l’ensemble des acteurs de l’entreprise y aura été associé, de manière à la rendre consensuelle.
D’un point de vue pratique, un groupe de travail est constitué par établissement associant plusieurs niveaux hiérarchiques, fonctions. Ce groupe devra réfléchir sur la façon de mettre en œuvre le projet de prévention. Il doit être formé et aidé pour pouvoir dresser un état des lieux et faire des propositions en vue d’améliorer les capacités internes de l’entreprise face aux problèmes d’addictions. Par exemple, le groupe doit comprendre le problème d’un point de vue médical, humain, réglementaire, et doit également savoir quels sont les réels problèmes d’addictions rencontrés dans l’établissement.
En un mot, la réflexion entamée doit aboutir à la création d’un document écrit, notamment une charte de prévention qui sera diffusée largement. Il doit être accessible par l’ensemble du personnel, et particulièrement pour les nouveaux jeunes embauchés qui souvent les plus concernés.
Enfin, l’élaboration et l’application de règles concrètes sur la façon de gérer les situations individuelles aideront à la résolution des problèmes de comportement addictif repéré pour qu’ils soient abordés rapidement avant qu’ils ne deviennent chroniques. Généralement une réponse d’urgence concernant une dépendance addictive installée, d’ordre répressive et moralisante, a très peu d’efficacité et ne permet pas de traiter le cas en tant que maladie.
VI. Enseignements tirés des recherches
A partir des résultats de ces recherches, on a pu tirer quatre enseignements que l’on va exposer.
VI.1 Difficultés d’associer les élus CHSCT à la politique de prévention des risques
Bie au-delà de l’amélioration des conditions de travail [45] qui a pour conséquence l’apparition ou la reconnaissance de nouveaux risques professionnels (stress, surmenage, etc…), il n’est pas encore aisé de faire reconnaître la légitimité des institutions telles que le CHSCT, à avancer ces questions et à développer des actions de prévention qui touchent à l’organisation du travail.
Malgré que le CHSCT a vu son champ d’intervention élargi aux conditions de travail, le respect de l’hygiène et de la sécurité au travail est toujours un axes de travail pertinents pour les représentants des salariés, les CHSCT peuvent exercer leur prérogatives sur les conséquences des changements intervenants dans le travail et sa structuration[46].
Deux obstacles sont ordinairement rencontrés par les membres des CHSCT ; il est nécessaire de les identifier pour y apporter les réponses adaptées :
- les membres CHSCT sont parfois obligés d’adopter une posture « technique » : ils ne sont pas des experts ou des professionnels de la sécurité et de la prévention. Leur rôle se trouve dans l’identification des risques auxquels sont exposés les salariés : ils ont à fournir, de par leur présence auprès des salariés, des informations pouvant permettre l’engagement des actions de prévention. Cependant, dans la majorité des cas, les CHSCT sont cantonnés à des débats techniques qui, parfois, évitent de voir les véritables causes des dangers et des risques professionnels.
- Et lorsqu’ils parviennent à se faire l’écho et le relais de difficultés observées dans le travail[47], les CHSCT sont trop souvent ignorés, voire renvoyés à leur «incompétence professionnelle ». Alors même que ces questions font de plus en plus l’objet d’un débat dans la société, notamment à travers des articles et reportages dans les médias, projet de loi au parlement, colloques thématiques et professionnels, elles restent difficiles à aborder dans l’entreprise. Pour les CHSCT en particulier, la légitimité de leurs membres à s’exprimer sur ces questions reste fréquemment déniée.
Comme la préservation de la santé est un enjeu individuel et collectif, le CHSCT se doit d’obtenir des informations et des conseils qui l’aident à développer une politique de prévention des risques professionnels pris au sens large, afin qu’il puisse s’exprimer sur ces questions tout aussi légitimement que les représentants de la direction ou la hiérarchie.
VI.2 Limites de la politique de prévention des risques
Par principe, le recours aux tests de dépistages doit concilier secret médical, respect de la vie privée et liberté individuelle. Ainsi, les tests doivent être fiables, pratiqués par des médecins et prévoir la possibilité de recourir à une contre expertise. La sécurité juridique et technique du recours aux tests est donc posée.
On constate que plusieurs arguments plaident en faveur de l’interdiction complète de l’alcool sur le lieu de travail.
Tout d’abord, la réglementation de l’offre et de la disponibilité de boissons alcoolisées est une des mesures les plus efficaces et les plus financièrement rationnelles pour limiter les méfaits de l’alcool[48].
Ensuite, la nature des tâches inhérentes au travail justifie une alcoolémie nulle dans un certain nombre de cas.
Enfin, si l’alcool est considéré comme un risque professionnel, il faudrait, selon les principes généraux de l’évaluation, l’éviter (directive cadre européenne du 12 juin 1989). En effet, l’employeur a la possibilité de prohiber intégralement la consommation d’alcool dans l’entreprise, dans le cadre du règlement intérieur (article L.1321-1 du Code du Travail). Par la suite, l’application effective de cette interdiction sera à vérifier.
Dans l’entreprise, bien que la consommation d’alcool soit interdite, elle reste possible sur le lieu de travail, en l’absence de contrôle et dans les sites de restauration extérieurs à l’entreprise. Néanmoins, selon certains DRH, le risque de contrôle routier est maintenant bien ancré et limite cette consommation.
Lorsque la politique concernant l’alcool en entreprise et de sanction disciplinaire n’est pas bien claire en cas de non-respect des règles, cela favorise l’installation d’une «culture annexe de consommation». Aussi, le respect de la réglementation n’est-il qu’un préalable à la réalisation d’actions plus approfondies.
VI.3 Intérêt des expertises
VI.3.1 Nécessité d’une expertise
Une expertise en santé au travail, auprès du CHSCT, doit répondre à deux exigences :
- Construire un contenu qui réponde aux besoins d’analyse, de formation et de conseil des membres du CHSCT à partir des questions qu’ils ont choisi de travailler. L’expertise est aussi une démarche d’association du CHSCT et des salariés à la définition de leurs besoins en matière de santé. C’est un moment privilégié pour susciter la parole des salariés à partir de leurs expériences professionnelles et de leur connaissance du travail.
- Concourir à la prévention des risques professionnels en favorisant l’intervention des membres de CHSCT sur des sujets difficiles et sur lesquels leur avis est, peu pris en compte. L’expert auprès du CHSCT, agréé par le Ministère du Travail, met à disposition ses compétences pour permettre au CHSCT d’établir un diagnostic des conditions de travail et de sécurité, au plus près des réalités de travail. L’expert propose au CHSCT des mesures à prendre pour améliorer la situation dans l’entreprise concernée : au seul CHSCT le soin de travailler ensuite ces propositions, de les faire connaître aux salariés, d’en faire des points de revendication et éventuellement de négociation…
La santé au travail est le résultat d’une construction sociale qui va du poste de travail aux choix macro économiques en passant par l’organisation du travail. La santé se construit dans le travail, c’est donc la place et le rôle du travail qui sont en jeu. C’est un débat dans lequel l’avis des chercheurs et des personnalités publiques est souvent plus entendu que celui des salariés eux même. C’est pourquoi à l’échelle de l’entreprise ou des relations sociales plus largement, les représentants des salariés ont une mission particulière consistant à contribuer à mieux faire connaître les évolutions du travail et à faire reconnaître les risques auxquels les salariés sont confrontés.
Par conséquent, le rôle et l’utilité des CHSCT doivent être valorisés.
VI.3.2 Le droit à l’expertise
Ce droit du CHSCT est né avec les lois de 1982 en ce qui concerne l’expertise portant sur les « risques graves ». Plus récemment, en 1992, ce droit a été élargi aux « projets importants modifiant les conditions de travail ». Encore peu connu, il fait l’objet d’une contestation régulière par les employeurs. Le droit à l’expertise permet en outre d’aborder la durée, les horaires de travail et l’aménagement du temps de travail. Autrement dit, chaque fois que la direction met en œuvre un projet susceptible de modifier les conditions d’hygiène et de sécurité au travail, le CHSCT peut avoir recours à un expert indépendant afin d’éclairer la situation et de lui permettre de formuler un avis motivé sur le processus de changement.
Ce droit est mobilisable :
- Lorsqu’un risque grave, révélé ou non par un accident de travail, une maladie professionnelle ou à caractère professionnel est constaté dans l’établissement. Le risque grave englobe les risques physiques au sens relativement restreint du terme c’est-à-dire les accidents du travail, les maladies professionnelles et la santé mentale.
- En cas de projet important modifiant les conditions d’hygiène et de sécurité ou les conditions de travail. La consultation du CHSCT (C. Trav Art. L 4612-8) s’exerce « avant toute décision d’aménagement important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail ». C’est donc le plus en amont possible de la décision de l’employeur que le CHSCT doit être consulté. Le champ d’intervention de l’expert englobe des dimensions tant quantitatives que qualitatives extrêmement diverses. Il vise notamment « toute transformation importante des postes de travail découlant de la modification de l’outillage, d’un changement de produit ou de l’organisation du travail, toute modification des cadences et des normes de productivité liées ou non à la rémunération du travail » (C. Trav. Art. L 4612-8). Il s’agit de procéder à l’analyse sociotechnique des conditions de travail, et cela le plus en amont possible de la décision de l’employeur, afin que le CHSCT puisse intervenir avec pertinence dans l’élaboration de la prévention dans l’entreprise.
Ces nouvelles prérogatives des CHSCT sont actuellement insuffisamment connues et rarement utilisées.
VI.3.3 Utilité L’expertise pour le CHSCT
L’idée que l’expertise se construit avec les membres du CHSCT prend ici tout son sens : on doit comprendre l’expertise comme une démarche d’élargissement des capacités d’action des salariés. Un rapport d’expertise sert à mieux « outiller » les salariés ; il ne se substitue pas au processus de la négociation au sens large, il qualifie l’intervention des représentants des salariés dans l’espace de confrontation des logiques.
En procédant à une investigation des conditions réelles de travail, il ne s’agit pas simplement d’examiner les plans et les documents relatant les projets des directions d’entreprise mais d’examiner concrètement comment les salariés utilisent certaines procédures de travail afin de s’adapter à des situations potentiellement dangereuses. Cette analyse des situations réelles de travail est encore méconnue. L’expertise est un moment privilégié de reconnaissance de ces savoir-faire.
Un autre apport de l’expert au CHSCT est sa capacité de mobiliser une équipe pluridisciplinaire (ergonome, sociologue, économiste, médecin du travail, architecte, etc.) autour de l’analyse des situations de travail. Les situations de travail sont fortement diversifiées. Il est impératif de disposer, pour mener une expertise, d’une capacité d’intervention pluridisciplinaire susceptible de couvrir l’ensemble des champs afférents aux risques professionnels et aux projets de réorganisation du travail.
Plus généralement, l’expert a une mission d’assistance auprès du CHSCT. Il apporte ses connaissances spécialisées au service de la mission de prévention de cet organisme représentatif.
VI.4 Blocage des salariés
Effectivement, les salariés ont du mal à approcher la personne adaptée qui pourra les soutenir et aider à guérir de leur maladie. D’ailleurs, selon l’Association Nationale de Prévention en Alcoologie et Addictologie (ANPAA), les consommateurs excessifs n’approchent que tardivement un système de soins. Toujours d’après l’ANPAA : la moyenne d’âge des consultants est de quarante à quarante cinq ans, après une durée moyenne d’alcoolisation de dix à quinze ans[49].
De cette manière, les médecins du travail peuvent être les premiers professionnels de santé approchés par une partie des consommateurs excessifs, ce qui leur confère un rôle spécialement important dans le dépistage des conduites à risque.
VI.5 Pistes à explorer
Selon un schéma d’action, il faudra analyser la demande, les besoins et les ressources de l’entreprise, l’action devant se trouver au carrefour de ces trois paramètres.
VI.5.1 Promotion dépistage à grande échelle
Il est nécessaire de promouvoir le dépistage en tant qu’outils du médecin du travail dans sa démarche d’élaboration d’une politique globale de prévention au service de la santé et de la sécurité de l’entreprise et des personnes.
Actuellement, encore très peu adopté, le dépistage de l’alcool et des drogues illicites en entreprise devrait se banaliser dans les années à venir. En effet, le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) permet l’utilisation à grande échelle des tests de détection. Selon le comité, aucun argument éthique ne s’oppose à ce que les employeurs recourent à des mesures de dépistage systématique ou inopiné, aussi longtemps que le but est d’assurer la sécurité de leurs clients et de leurs salariés.
«La loi autorise actuellement ces contrôles, mais pour un nombre très limité de postes dits à risque», précise Étienne Apaire, président de la mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie (Mildt), à l’origine de la saisine du CCNE.
En guise d’illustration, la SNCF a défini dans son règlement intérieur la liste des postes de sécurité, incluant les conducteurs, les contrôleurs ou encore les agents assurant la maintenance des trains. Désormais, chacun d’entre eux peuvent subir des contrôles surprises. De son côté, EDF admet que les responsables des centrales nucléaires procèdent à des éthylotests.
Effectivement, le Comité d’éthique a dorénavant une conception beaucoup plus large du poste de sécurité, ce dernier étant défini comme «tout poste exigeant une vigilance particulière». En outre, les traders, les informaticiens qui côtoient des données sensibles, ou encore les médecins et même les policiers devraient être contraints de subir ces types de tests. «Ces mesures doivent être étendues à l’ensemble du monde professionnel : dans les entreprises, petites ou grandes, dans le monde agricole, l’artisanat et la fonction publique», estime Claude Burlet.
VI.5.2 Évolution réglementation : vers le dépistage de la drogue
Par ailleurs, nombreuses sont les études qui affirment qu’environ 15% à 20% des accidents professionnels, d’absentéisme et de conflits interpersonnels au travail auraient pour motifs l’usage d’alcool, de psychotropes ou de stupéfiants. Cependant, jusqu’à présent, seule la consommation d’alcool fait l’objet de réglementation et de discussion, et même que cela ne concerne particulièrement que le milieu du transport où le nouvel instrument juridique que constitue la loi de prévention de la délinquance du 5 mars 2007 offre une possibilité d’extension au-delà de l’alcool.
En effet, afin de préserver la sécurité des personnes transportées, le procureur de la République peut, à présent, faire entamer des contrôles sur les personnes soupçonnées d’avoir consommé des stupéfiants et dont les fonctions mettent en cause la sécurité du transport (conduite, maintenance de dispositifs de sécurité).
En effet, la consommation de produits psychoactifs relève de la catégorie des «risques pour la santé des salariés », donc, il est du ressort des médecins du travail de conduire, dans tout le milieu professionnel, des actions de prévention primaire.
Par ailleurs, au-delà de cette prévention directe auprès des divers acteurs, le milieu du travail constitue un contexte spécialement intéressant pour mener, de façon générale, des actions de proximité auprès la population adulte. En d’autres mots, sensibiliser les employés au sein du travail revient à sensibiliser ces individus pour eux-mêmes, tout en leur apportant des connaissances qu’ils pourraient également transmettre à leur tour au sein de leur environnement familial.
VI.5.3 Amélioration organisation du travail
Selon la MILDT, 10 % de salariés auraient besoin de drogue pour affronter leur travail. Ce phénomène s’expliquerait par la banalisation de l’usage des drogues douces chez les jeunes et la baisse des prix de produits telle que la cocaïne. Toutefois, le lien avec les exigences du travail contemporain est également mis en exergue. Ainsi, on constate que pour les professions classées nouvellement « à risque », il existe une caractéristique commune de leur problématique : autour des rythmes de travail, à savoir le nombre d’heures de travail élevé, l’amplitude horaire importante, le travail de nuit,…
Les études révèlent que lorsque les gens se sentent bien au travail, la consommation d’alcool et de drogues diminue. En guise de preuve, 88 % des salariés considèrent que la prise en compte du bien-être au travail constitue une problématique majeure. Ils approuvent le travail en équipe (80 %), la convivialité sur le lieu de travail (74 %) et la compréhension du rôle et des attentes des supérieurs (72 %) comme principaux moteurs de bien-être[50].
Ainsi, avant même de prescrire une quelconque stratégie de prévention contre la toxicomanie au travail, il est tout d’abord crucial d’instaurer un climat favorable pour le bien-être de chaque individu. Il est évident que si chacun ne ressent pas des contraintes ou pressions spécifiques liées à son environnement de travail, la prise de drogue ou d’alcool pour avoir un effet stimulant ou déstressant diminuera au fur et à mesure.
Naturellement, l’attitude de chaque salarié ne pourra être réglée au préalable puisque sa vie ne se cantonne pas uniquement à son environnement de travail. L’employé a évidemment d’autres difficultés à gérer, notamment la famille. Ainsi, le plus important est de pouvoir lui offrir un cadre idéal de travail afin qu’il puisse être motivé et accroître sa performance au travail, car tel est le souhait de chaque employeur.
CONCLUSION
La toxicomanie en milieu professionnel est un fléau qui tend à prendre de l’ampleur, il n’épargne plus aucun secteur d’activité, aucune grade au sein du travail et le nombre d’adeptes ne diminue pas non plus. À travers cette étude, on a tenté d’identifier ses causes et ses conséquences. Dans le monde contemporain, les causes du mal être au travail ne proviennent plus exclusivement des difficultés physiques par rapport au travail, bien au contraire, ses causes seraient davantage d’ordre psychique.
De leur côté, les chefs d’entreprise tentent de maîtriser ce phénomène, notamment en développant des stratégies de prévention, mais aussi en appliquant des sanctions disciplinaires. Cette deuxième alternative est préférée par les employeurs puisqu’ils se plaignent de ne pas disposer des moyens nécessaires pour mettre en œuvre un dispositif de prévention contre la toxicomanie. Et même, dans ce cas, la prudence est conseillée car il est normalement interdit de sanctionner un salarié si cela n’est pas prévu dans le règlement intérieur.
Cependant, pour ceux qui souhaitent appliquer une prévention, notamment, le dépistage, il existe toujours certaines dispositions à respecter. Effectivement, la question du dépistage de la consommation de drogues et d’alcool sur le lieu de travail suscite de nombreuses controverses, notamment parce qu’elle soulève une difficulté particulièrement épineuse: où convient-il de faire passer la ligne de partage entre le droit au respect de la vie privée et les impératifs de la vie professionnelle.
Pour le CCNE, le dépistage régulier est souhaitable et justifié pour les postes de sûreté et de sécurité nécessitant un haut niveau de vigilance ainsi que pour les fonctions où une défaillance humaine pourrait avoir des conséquences graves.
Toutefois, du point des interlocuteurs habilités à traiter les questions de santé ou de sécurité liées aux produits psycho actifs (alcool, tabac, drogues), on peut citer le DRH, le médecin du travail et les CHSCT,…Dans notre étude, on a remarqué que tous les trois ont un rôle important dans la prévention de la toxicomanie.
Le premier le DRH, en tant que personne responsable au sein de l’entreprise est le mieux indiqué pour connaître des fonctionnements de chaque activité et bien sûr des comportements de ses employés.
Le second, a sa place étant donné que la toxicomanie nécessite ses connaissances et ses expériences puisqu’il s’agit d’une maladie. De plus les employés lui accordent plus de confiance.
Enfin, le CHSCT dispose des moyens pour mettre en œuvre la stratégie de prévention car il a acquis les compétences nécessaires pour traiter ce genre de problème. En outre, il a pour principale attribution d’assurer la sécurité et l’hygiène des employés au travail. Cependant, ses actions rencontrent certaines limites au niveau de l’entreprise, où il n’est pas tout à fait bien intégré. Il faudrait donc plus de sensibilisation quant à l’action du CHSCT.
C’est pourquoi, la réussite d’une prévention contre la prise de drogue et d’alcool en milieu professionnel dépendra de la bonne collaboration entre ces trois piliers.
BIBLIOGRAPHIE
Ouvrages
- Philippe ARBOUCH. Les tabous dans l’entreprise. Edit. D’Organisation, 2006.
- Emmanuel Abord DE CHÂTILLON, Olivier BACHELARD. Management de la santé et de la sécurité au travail. Edit. L’Harmattan, 2005.
- Astrid FONTAINE. « Usages de drogues et vie professionnelle », Recherche exploratoire, OFDT (Observatoire français des drogues et des toxicomanies), juillet 2002.
- FONTAINE « Double vie. Les drogues et le travail ». Les Empêcheurs de penser en rond, Le Seuil, 2006.
- FONTAINE B., FRIMAT P., TONNEAU M. Substance psychoactives et travail, Ed DOCIS, Paris. 2007.
- -P. JEANNIN, J.-F. VALLETTE, C. HARZO. Gérer le risque alcool au travail. Lyon, Édit. de la Chronique sociale, 2003.
- Marie-France MARANDA et Lilian NEGURA et Marie-Josée DE MONTIGNY. « L’intégration en emploi des toxicomanes : représentations sociales de cadres responsables de l’embauche du personnel ». Déviance et Société, 2003.
- Jean-Luc MAXENCE, Dr Raymond TRARIEUX. « La prévention des drogues en entreprise » Revue documentaire Toxibase, 1998.
- Sylvain NIEL.Droit et RH : Suivez le guide ! Conseils juridiques aux DRH : Tome 1, Les nouvelles problématiques. Sa Lamy, 2007.
- NINUCCI, « Drogue : prendre les bonnes mesures pour préserver la santé de vos salariés »Editions Tissot, 2009.
- Pierre POLOMÉNI, Didier BRY, Isabelle CÉLÉRIER. Comprendre les addictions et le traitement de la toxicomanie. Edit. John Libbey Eurotext, 2005.
- Jeanne Mager STELLMAN. « Encyclopédie de sécurité et de santé au travail ». International Labour Organization, 2000.
Documents
- DURAND E. « Médicaments psychotropes et travail (I) : traitements de substitution aux opiacés ». Dossier médico-technique.TC 111. Paru dans les Documents pour le médecin du travail, n° 108, 4e trimestre 2006.
- DURAND E. « Conduites addictives et travail, journées de l’Institut national de médecine agricole (Lille, 6 et 7 octobre 2005) ». Compte rendu de congrès.TD 146 . Paru dans les Documents pour le médecin du travail, n° 106, 2e trimestre 2006.
- DURAND E., GAYET C., BIJAOUI A. « Dépistage des substances psychoactives ». Pratique et déontologie.TM 2. Paru dans les Documents pour le médecin du travail , n° 99, 3e trimestre 2004.
- Cadre de la politique en matière d’alcool dans la Région européenne de l’OMS, OMS, BUREAU REGIONAL DE L’EUROPE, Copenhague, 2006.
- Prise en charge des questions d’alcoolisme et de toxicomanie sur le lieu de travail. Recueil de directives pratiques, BUREAU INTERNATIONAL DU TRAVAIL, GENEVE, 1996.
- FAURE E. Dopage, usage de substances psychoactives en milieu professionnel. Mémoire de Médecine Agricole, INMA. 2005.
- «Conduites addictives et travail ». Dossier médico-technique. TC 121. Paru dans les Documents pour le médecin du travail, n° 115, 3e trimestre 2008.
- « Addictions : une obligation de sécurité ». Droit en pratique. Travail et sécurité, février 2008, n° 681.
- « Drogues et travail, un très mauvais ménage». Dossier. Travail et sécurité,
novembre 2007, n° 678. - « Alcool, tabac… au travail : de bien mauvaises habitudes». Dossier. Travail et sécurité, n° 667, novembre 2006.
- Expertise collective INSERM. Maladies alcooliques du foie. In : Alcool : effets sur la santé, éditions INSERM, Paris, 2001.
Autres références bibliographiques
- « Toxicomanie, toxicomanes, gestion ou traitement ». Edit. L’Harmattan, 2000.
- « Usage de l’alcool, des drogues et toxicomanie en milieu de travail. Enjeux éthiques liés à leurs risques et à leur détection. » Du 19 mai 2011.
- « Alcohol and drug prevention in the workplace : experiences from Central European and Western Countries ». Lausanne, Amsterdam, ILO/ICAA, 1995.
- Prise en charge des questions d’alcoolisme et de toxicomanie sur le lieu de travail Genève, Bureau International du Travail, 1996.
- « Substances psychoactives et travail », Journée recherche de l’Institut universitaire de médecine du travail, pp. 273-282. Documents pour le médecin du travail, N° 91, 3e trimestre 2002, Institut national de recherche et de sécurité (INRS).
- Plan de prévention et de lutte contre les drogues et les toxicomanies 2009-2011
- « Conduites addictives et risques professionnels en Europe. Paris, le 20 octobre 2006 ». Actes des Débats d’Eurogip. Eurogip, 2006.
- « Evaluation des risques professionnels. Gérer les risques liés aux consommations de substances psychoactives ». Actes du colloque du 7 juin 2005. Association nationale de prévention en alcoologie et addictologie (ANPAA), 2005.
- « Addictions en entreprise ». Actes des Assises nationales de la prévention du 3 mai 2006. Association nationale de prévention en alcoologie et addictologie (ANPAA), 2006.
- « Alcool et travail ». Numéro spécial. Santé et fiabilité humaine, n° 28, mai-juin 2006.
- « Drogues et travail : le new deal ? ». Numéro spécial. Toxibase, n° 15, 3e trimestre 2004.
- « Lutter contre le tabagisme en entreprise »
WEBIOGRAPHIE
Sites d’information
- Association nationale de prévention en alcoologie et addictologie (ANPAA)
anpaa.asso.fr
- Site du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail
www.chsct.com
- Comité national d’information sur la drogue (CNID)
- Site Drogues et dépendances (MILDT)
- Plan gouvernemental de lutte contre les drogues illicites
- « Conduites addictives et milieu professionnel. Rapport établi dans le cadre du Plan gouvernemental de lutte contre les drogues illicites, le tabac et l’alcool 2004-2008 ». Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie (MILDT), décembre 2006.
www.drogues.gouv.fr/IMG/pdf/CONDUITES_ADDICTIVES.pdf
- Site de la Fondation DRUGTEXT
- Grandes orientations des plans de l’Union européenne
www.emcdda.europa.eu
- Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents de travail et des maladies professionnelles
www.inrs.fr
- Institut national de prévention et d’éducation pour la santé (Inpes)
inpes.sante.fr
- Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT)
- Site de l’Officiel prévention de la santé et sécurité au travail
www.officiel-prevention.com/sante-hygiene-medecine-du-travail-sst
- « La prise en charge et la prévention des addictions. Plan 2007-2011 ». Ministère chargé de la Santé, 2006.
www.sante.gouv.fr/htm/actu/plan_addictions_2007_2011/plan_addictions_2007_2011.pdf
- Site de la sécurité routière
www.securiteroutiere.gouv.fr
- Ensemble, arrêtons le tabac (site interministériel)
- Tabac info service
- Site du Ministère du travail, de l’emploi et de la santé
www.travail-emploi-sante.gouv.fr
ANNEXES
ANNEXE 1 : Modèle de note de service relative à la vérification de consommation de drogue
Note de service relative à la vérification de consommation de drogue
Objet : Consommation de drogue
La consommation et l’introduction de drogue sur les lieux de travail sont interdites.
L’arrivée sur les lieux de travail en état d’imprégnation de drogue est interdite.
La consommation de drogue en dehors des lieux de travail n’engendre en aucun cas la responsabilité de l’entreprise. Elle doit rester compatible avec l’exercice en toute lucidité et en toute sécurité d’une activité professionnelle.
Pour les salariés occupant les postes suivants :
- …… préciser les postes pour lesquels la consommation d’alcool pourrait présenter un danger (exemple : conduite d’engins de chantiers, conduite de véhicules de l’entreprise, travail en hauteur, travail sur le réseau électrique, etc.),
Une vigilance particulière quant à leur état d’imprégnation de drogue sera exercée.
En cas de suspicion d’imprégnation de drogue, une mise à pied à titre conservatoire sera immédiatement prononcée :
- le salarié sera retiré de son poste de travail et raccompagné chez lui ;
- les heures de travail perdues seront déduites de la rémunération ;
- des sanctions disciplinaires pourront être prises en fonction des circonstances (récidive, risque causé à autrui, etc.).
Le salarié sera ensuite convoqué à un entretien préalable en vue d’entendre ses explications et de décider des sanctions éventuelles à prendre.
Le salarié pourra contester la mise à pied et les éventuelles sanctions en fournissant, sous 8 jours, un certificat médical attestant de son état de non-imprégnation de drogue.
Fait à ……, le ……
Signature de l’employeur
[1] Loi n° 91-32 du 10 janvier 1991 relative à la lutte contre le tabagisme et l’alcoolisme.
[2] www.France5.fr
[3] Le fait générateur de la sanction ou du licenciement n’est donc pas lié à la toxicomanie mais au comportement.
[4] La Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie
[5] Direction Générale du Travail
[6] www.drogues.gouv.fr
[7]www2.securiteroutiere.gouv.fr
[8] Source : l’avis 114 « Usage de l’alcool, des drogues et toxicomanie en milieu de travail. Enjeux éthiques liés à leurs risques et à leur détection. » du 19 mai 2011.
[9] www.drogues.gouv.fr
[10] www.lci.tf1.fr
[11] Source : Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT)
[12] Prise en charge des questions d’alcoolisme et de toxicomanie sur le lieu de travail. Recueil de directives pratiques, BUREAU INTERNATIONAL DU TRAVAIL, GENEVE.
[13] Expertise collective INSERM. – 2003.
Cohorte Gazel : déterminants socioprofessionnels des consommations.
In : Alcool : dommages sociaux, abus et dépendances, éditions INSERM, PARIS,
[14] Expertise collective INSERM. – 2003.
Consommations en milieu du travail.
In : Alcool : dommages sociaux, abus et dépendances, éditions INSERM, PARIS,
[15] Marie-France MARANDA et Lilian NEGURA et Marie-Josée DE MONTIGNY. « L’intégration en emploi des toxicomanes : représentations sociales de cadres responsables de l’embauche du personnel ». Déviance et Société, 2003.
[16] Astrid FONTAINE. « Usages de drogues et vie professionnelle », Recherche exploratoire, OFDT (Observatoire français des drogues et des toxicomanies), juillet 2002.
[17] www.lefigaro.fr
[18] JP JEANNIN, JF VALLETTE, Anne DEMOTZ. AIDES Alcool / Programme « Alcool Psychotropes Travail » – www.alcool-drogues-travail.org
[19] Source : MILDT
[20] Dr Raymond TRARIEUX. « La prévention des drogues en entreprise, Jean-Luc Maxence ». Revue documentaire Toxibase, 1998.
[21]www.lci.tf1.fr
[22] Expertise collective INSERM. – 2001. Pharmacocinétique de l’éthanol. In : Alcool : effets sur la santé, éditions INSERM, PARIS.
[23] FAURE (E.). – 2005. Dopage, usage de substances psychoactives en milieu professionnel. Mémoire de Médecine Agricole, INMA.
[24] Expertise collective INSERM. – 2001. Effets de l’alcool sur le système nerveux. In : Alcool : effets sur la santé, éditions INSERM, PARIS.
[25] Prise en charge des questions d’alcoolisme et de toxicomanie sur le lieu de travail. Recueil de directives pratiques, BUREAU INTERNATIONAL DU TRAVAIL, GENEVE, 1996.
[26] Ensemble des manifestations cliniques et biologiques dues à une diminution importante de la masse des cellules hépatiques.
[27] Expertise collective INSERM. – 2001. Maladies alcooliques du foie. In : Alcool : effets sur la santé, éditions INSERM, PARIS.
[28] Défaut de la vision, caractérisé par une déficience partielle ou totale dans la distinction des couleurs.
[29] La neuropathie optique est une maladie génétique qui commence typiquement par une diminution progressive indolore et bilatérale de la vision chez des patients jeunes.
[30] FONTAINE (B.), FRIMAT (P.), TONNEAU (M.). – 2007. Substance psychoactives et travail, Ed DOCIS, PARIS.
[31] Claude Burlet, Membre du CCNE depuis 2004 au titre de la Conférence des Présidents d’Université, co-rapporteur de l’avis 96 : Questions éthiques posées par les nano-sciences , les nano-technologies et la santé.
[32] Philippe ARBOUCH. Les tabous dans l’entreprise. Edit. D’Organisation, 2006.
[33] Alcohol and drug prevention in the workplace : experiences from Central European and Western Countries Lausanne, Amsterdam, ILO/ICAA, 1995.
[34] Prise en charge des questions d’alcoolisme et de toxicomanie sur le lieu de travail Genève, Bureau International du Travail, 1996.
[35] Bossons futé. Fiche de risque : alcool, www.bossons-fute.fr
.
[36] FONTAINE B., HUMBERT L., LABAT L. et al. Dépistage des conduites toxicophiles en entreprise. Aspects éthiques, législatifs, relationnels. 2005.
[37] www.inrs.fr
[38] Prévention du risque routier au travail, CNAMTS, DIRECTION DES RISQUES
PROFESSIONNELS, 2003.
[39] « Substances psychoactives et travail », Journée recherche de l’Institut universitaire de médecine du travail, pp. 273-282. Documents pour le médecin du travail, N° 91, 3e trimestre 2002, Institut national de recherche et de sécurité (INRS).
[40] www.travail-emploi-sante.gouv.fr
[41] À défaut, l’agent chargé de la sécurité et des conditions de travail.
[42] Jean-Luc MAXENCE, Dr Raymond TRARIEUX. « La prévention des drogues en entreprise » Revue documentaire Toxibase, 1998.
[43] A l’exemple de Bhopal, plateforme pétrolière en mer du Nord, accidents ferroviaires graves.
[44] Managers, encadrement hiérarchique, DRH, ingénieurs et techniciens HSE, membres du CHSCT, délégués du personnel, médecins et infirmières du travail…
[45] Intensification du travail, modifications des lignes hiérarchiques et de leur rôle, production à flux tendu, etc…
[46] Conséquences de la réduction du temps de travail, d’un changement de techniques de production, d’un déménagement, sur les conditions de travail des salariés, etc…
[47] Problèmes de charge de travail, d’organisation du travail, de relations professionnelles, d’évaluation du travail
[48] Cadre de la politique en matière d’alcool dans la Région européenne de l’OMS, OMS, BUREAU REGIONAL DE L’EUROPE, COPENHAGUE, 2006.
[49] Expertise collective INSERM. – 2001. Maladies alcooliques du foie. In : Alcool : effets sur la santé, éditions INSERM, PARIS.
[50] Résultats du 1er baromètre sur le bien-être au travail des Français, réalisé par Ipsos auprès d’un échantillon représentatif de 1007 salariés français, interrogés du 12 au 19 octobre 2010.
Nombre de pages du document intégral:77
€24.90