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Enjeux économiques, règlementaires et stratégiques autour de la Net Neutrality

Enjeux économiques, règlementaires et stratégiques autour de la Net Neutrality

 

 

PLAN DETAILLE

 

INTRODUCTION

 

Partie 1 : Le principe de la Net Neutrality

Chapitre 1 : Les concepts fondamentaux autour du principe

Section 1 : Généralités sur la Net Neutrality

  1. Définition du principe
  2. Historique de la Net Neutrality

Section 2 : Les raisons d’être de la Net Neutrality

  1. Les justifications quant à l’existence du concept
  2. Les législations autour de la Net Neutrality

 

Chapitre 2 : Analyse interne et externe autour du concept

Section 1 : Analyse interne

  1. Les points forts de la Net Neutrality
  2. Les limites de la Net Neutrality

Section 2 : Analyse externe

  1. Les opportunités qu’offre le concept
  2. Les menaces possibles

 

Partie 2 : Les grands enjeux autour de la Net Neutrality

Chapitre 1 : Les enjeux économiques

Section 1 : L’impact global de la Net Neutrality

  1. L’impact de la « non-neutralité du réseau » sur les différents acteurs
  2. L’impact au niveau mondial et le cas des USA

 

Section 2 : L’impact sur l’économie

  1. L’impact sur l’économie en général
  2. L’impact sur les grands modèles d’audience

 

Chapitre 2 : Les autres enjeux

Section 1 : Les enjeux règlementaires

  1. L’impact de la Net Neutrality sur l’aspect légal lié à Internet
  2. Les mesures législatives potentielles pour asseoir le concept

 

Section 2 : Les enjeux stratégiques

  1. Rôle crucial pour la gouvernance d’Internet
  2. Les perspectives d’avenir inhérentes au concept

 

 

CONCLUSION

BIBLIOGRAPHIE

 

 

INTRODUCTION

 

 

Internet est devenu rapidement un outil indispensable dans la vie de milliard de personnes. Si on retourne environ 50 ans plutôt, les avantages qu’Internet procure aujourd’hui relevaient de l’utopie même si des projets commençaient à se mettre en place. Et pourtant c’est l’une des plus grandes révolutions du siècle dernier qui est apparu vers les années 1990, il s’agit de l’Internet ou du Web tel que nous le connaissons à présent.

Internet est un réseau mondial qui permet au public d’accéder à de multiples fonctionnalités comme les courriers électroniques, les discussions en ligne ou l’accès à une infinité de sites.

 

Depuis les premiers développements d’Internet, il existe un principe qui permet de garantir que le public ne puisse pas faire face à une gestion du trafic internet susceptible de limiter son accès aux différents services proposés sur le réseau. Ce principe c’est la Net Neutrality ou la Neutralité du Réseau (Neutralité du Net).

On désigne par Net Neutrality le principe qui préconise qu’il ne doit y avoir aucune restriction par les fournisseurs d’accès Internet ou les gouvernements de l’accès des consommateurs aux réseaux qui utilisent à Internet. Cela signifie que les flux d’informations ne sont ni bloqués, ni favorisés, ni altérés par les opérateurs de télécommunication pour permettre aux utilisateurs d’avoir accès librement à ces informations.

Depuis son apparition, ce principe doit faire face à de multiples débats à travers le monde et notamment aux Etats-Unis. Notre problématique repose ainsi sur certains des sujets de ces débats, plus précisément nous essaieront de relater quels sont les enjeux économiques et les enjeux règlementaires et stratégiques autour de ce principe de la Net Neutrality.

Pour ce faire, nous allons, dans un premier temps voir tout ce qui concerne ce principe pour pouvoir le comprendre, nous procèderont par la suite à une analyse SWOT (Forces – Faiblesses – Opportunités – Menaces) autour du concept. Nous pourrons à cet effet parler des grands enjeux de la Net Neutralité dans la deuxième partie.

 

 

Partie 1 : Le principe de la Net Neutrality

Cette première partie sera l’occasion pour nous de découvrir d’une manière détaillée les éléments qui touchent de près ou de loin au principe de la Net Neutrality. L’objectif est ainsi de mieux comprendre le concept et ses principaux fondements pour justifier son existence.

 

Chapitre 1 : Les concepts fondamentaux autour du principe

 

Section 1 : Généralités sur la NET Neutrality

 

La première chose à faire est de définir le concept et d’apporter un bref historique quant à ses origines et son évolution dans le temps.

 

 

  1. Définition du principe

La Net Neutrality est un principe qui garantit que l’Internet soit un réseau multidirectionnel et à la fois décentralisé et qui suppose une gestion excluant toute forme de discrimination au niveau de la source, de la destination et du contenu de l’information qui est transmise.

On assiste ainsi à une liberté de transmission au niveau de l’architecture de la communication, caractérisé par l’existence d’un expéditeur, d’un destinataire et d’un message ou d’une information qui circule entre les deux. Cette liberté de transmission entraîne que tous ceux qui utilisent internet peuvent à la fois recevoir et distribuer des informations sans dépendre des ressources dont ils disposent.[1]

Selon le Professeur Tim Wu de Columbia University, elle se définit comme étant un  « Concept selon lequel les architectures et les opérateurs de réseaux ne devraient pas effectuer de discrimination entre les applications utilisant ces réseaux ».[2]

La neutralité du réseau permet de garantir une réelle séparation entre le réseau et les applications en périphérie c’est-à-dire que les opérateurs ne doivent pas prendre des mesures pour limiter l’accès des utilisateurs aux divers contenus, aux applications et aux services fournis sur internet.

Ainsi, le principe de la neutralité du réseau entre en contradiction avec le fait que certains propriétaires des réseaux de données attribuent une certaine priorité à certaines applications ou à certains fournisseurs de contenus au détriment d’autres fournisseurs qui doivent se contenter d’une qualité de service médiocre.

Beaucoup penseraient que ces pratiques seraient justifiées puisque la consommation en bande passante n’est pas la même pour les opérateurs de réseaux. Et pourtant, durant les Rencontres Mondiales du Logiciel Libre en 2009, le pionnier de l’internet en France Benjamin Bayart a suggéré des principes visant à régir cette neutralité du Réseau.

Les différentes conséquences relatives à cet aspect seront développées plus minutieusement dans les parties qui vont suivre.

Encadré 1 : Les 4 principes essentiels de Benjamin Bayart sur la Neutralité du Net :

  • Transmission des données par les opérateurs sans en examiner le contenu ;
  • Transmission des données sans prise en compte de la source ou de la destination des données ;
  • Transmission des données sans privilégier un protocole de communication ;
  • Transmission des données sans en altérer le contenu.

Source : Wikipédia

 

En outre, deux éléments fondamentaux peuvent également définir la neutralité du réseau : d’abord, le réseau lui-même ne doit altérer en rien le contenu, ensuite, les altérations doivent être nécessairement pilotées en périphérie du réseau.

 

 

  1. Historique de la NET Neutrality

 

La notion de neutralité était déjà d’actualité à l’époque des anciens moyens de télécommunications. En effet, au 18e siècle, Benjamin Franklin, au niveau du Post Office américain, voulait s’assurer que tous les messages transmis par la poste puissent arriver à leur destinataire sans subir aucune interception. On peut citer également le principe du télégramme qui devait permettre de transmettre les messages de manière sécurisée au 19e siècle. [3]

En 1981, on assiste à la mise en place du « principe de bout-à-bout ». C’est un principe central qui est au cœur du réseau internet. Ce principe relate que l’intelligence et le contrôle appartiennent aux producteurs et aux utilisateurs, et non aux réseaux qui les relient. L’origine de la Net Neutrality va de pair avec les premiers développements d’internet. Pour pouvoir suivre l’évolution de ce concept, il faut d’abord comprendre comment est structuré le réseau internet. En effet, ce réseau se décline en deux architectures bien distinctes, à savoir :

  • L’architecture physique qui correspond au réseau proprement dit, on peut parler aujourd’hui de réseau filaire ou de réseau hertzien avec les technologies telles que le câble, la fibre optique, le 3G ou le Wifi…
  • Il y a également l’architecture logique qui est constituée par les protocoles et les outils de communications qui permettent la circulation des données à travers les réseaux, il s’agit entre autres des protocoles IP, TCP ou HTTP

Ainsi, au niveau de l’architecture logique, l’accessibilité a toujours été libre et sans aucune restriction. Toutefois au niveau de l’architecture physique, auparavant, cela appartenait à des opérateurs privés ou publics. Le principe du bout-à-bout avait donc prévu que le réseau de pourrait pas réguler à lui seul son mode de croissance et que celui-ci serait plutôt réguler par les applications.

 

Dans un contexte plus moderne, aujourd’hui, la neutralité du réseau revient à permettre la circulation de l’intégralité du trafic de l’internet de manière égale, impartiale et sans discrimination.

Ce concept est actuellement en proie à de multiples débats, notamment en ce qui concerne les règlementations qui devraient être mises en place pour régir le principe.

On assiste  également aujourd’hui à une remise en cause du principe à cause de certaines innovations techniques puisque certains fournisseurs d’accès Internet ont la possibilité d’analyser les flux de données et peuvent ainsi ralentir ou même bloquer certains échanges.[4]

 

 

Section 2 : Les raisons d’être de la NET Neutrality

On a pu voir l’origine de ce principe, toutefois cela ne suffit pas à comprendre pour quelles raisons ce concept a été mis en place et quelles sont les différentes règlementations qui s’y rattachent.

 

  1. Les justifications quant à l’existence du concept

L’utilisation d’Internet pour la diffusion et la production d’informations est une pratique qui ne nécessite pas de lourd investissement alors qu’auparavant les moyens de communication traditionnels comme la radiodiffusion ou la télédiffusion suscitaient des investissements significatifs. Le matériel informatique et l’accès au réseau ne sont pas très chers si bien que cela permet un accès plus large et plus égalitaire à Internet.[5]

Tout d’abord, le principal rôle de la Net Neutrality est d’assurer que le traitement des flux d’informations  soit égal et donc que chaque utilisateur, peu importe ces moyens financiers, peut avoir accès au réseau. De ce fait, on assiste à une liberté d’expression et chacun peut accéder aux services et avoir les informations qu’il souhaite, en respectant toutefois les limites règlementaires.

Ce phénomène constitue un progrès considérable dans le domaine de la démocratie car les possibilités d’accès à des informations sont beaucoup plus larges qu’avec les médias traditionnels.

Ensuite, Internet permet également de communiquer de manière égalitaire grâce à la création et à la diffusion de messages et de courriers. Ainsi, l’apparition de services innovants sur le réseau contribue à faciliter ces échanges. On peut citer par exemple le service de téléphonie sur Skype qui constitue une vraie révolution dans le domaine de la télécommunication.

Souvent l’objectif de ces innovations est la recherche du moindre coût et c’est ce qui contribue au développement rapide du réseau internet. Cependant, cela peut susciter de nombreuses réactions de la part de certains concurrents qui opèrent dans le domaine ou même de la part des fournisseurs d’accès à Internet. C’est pour cela donc qu’ils se permettent de bloquer l’utilisation de certaines applications parfois.

Il y a en effet un problème dans certains cas puisque pour le même genre de service proposé, certains opérateurs font payer les utilisateurs. Ce genre de problème suscite la plupart du temps la remise en cause de la neutralité du Net.

Enfin, il y a une autre conséquence provenant de l’apparition de ces innovations technologiques. En effet, dans la majorité des cas, les nouveaux services et les nouvelles applications qui apparaissent tendent à accroître les besoins en bande passante. Ajouté à cela, l’accroissement des abonnés internet se fait très rapidement. Les conséquences se font donc sentir puisque les opérateurs en télécommunications doivent faire d’énormes investissements pour développer la capacité de leurs infrastructures en place.

Certaines personnes pensent donc que la Neutralité du Net pourrait être un moyen discriminatoire de privilégier les fournisseurs de services et d’applications qui seraient prêts à débourser de l’argent pour jouir du réseau de manière prioritaire.

 

  1. Les législations autour de la NET Neutrality

Comme il a été mentionné plus haut, les lois concernant la Net Neutrality ne sont pas, dans la majorité des cas, effectives. Le principe existe, certes, mais le cadre légal qui le définit n’est pas clair dans de nombreux pays.

En France, les législations qui s’appliquent autour du principe de la Net Neutrality découlent d’un article tiré de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789. Il s’agit d’un article qui prévoit la liberté de communication pour tous les citoyens et qui a été mise en place après le Conseil Constitutionnel Français lors de la Censure partielle d’Hadopi ((Haute Autorité pour la Diffusion des Œuvres et la Protection des droits sur Internet).

Encadré 2 : Déclaration Universelle des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789[6]

Art. 11 :

« La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’homme ; tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi ».

Ainsi, la Loi Française relative à la Net Neutralité est établie dans le Code des postes et des communications électroniques.

 

Encadré 3 : Article de la Loi Française qui régit le principe de la Neutralité du Net [7]:

Article L32-1 du Code des postes et des communications électroniques :

  • Au respect par les opérateurs de communications électroniques du secret des correspondances et du principe de neutralité au regard du contenu des messages transmis, ainsi que de la protection des données à caractère personnel
  • Au respect de la plus grande neutralité possible, d’un point de vue technologique, des mesures qu’ils prennent.

 

Grâce à une liberté de transmission donc, tous les utilisateurs d’Internet sont sur un même pied d’égalité et ont la même chance de recevoir et de partager l’information peut importe leurs moyens financiers ou leur statut social.

Dans les autres pays du monde entier, notamment en Europe, il n’y a pas de textes règlementaires qui obligent les fournisseurs d’accès à Internet à respecter le principe de la Net Neutralité. C’est d’ailleurs la cause de nombreux débats et des divers conflits qui surviennent autour de ce concept puisque les conséquences que cela peut engendrer sont de nature universelles.

Aux Etats-Unis, depuis 2006, des propositions de loi sur la neutralité du Net ont été déposées mais jusqu’à présent, aucune de ces propositions n’ont été approuvées. La FCC (Federal Communications Commission), qui a pour rôle d’apporter des régulations en matière de communication aux Etats Unis veille donc jusqu’à maintenant au respect du principe sans pour autant pouvoir l’imposer. De ce fait, aucune autorité ne peut s’imposer contre les fournisseurs d’accès internet sur ceux qu’ils peuvent proposer et vendre comme services et applications.

 

 

 

Chapitre 2 : Analyse interne et externe autour du concept

Nous avons pu voir les aspects généraux qui concernent le principe de la Net Neutralité. Dans la partie qui va suivre, il est important de faire une analyse plus approfondie de ce concept pour pouvoir tirer les points forts et les limites de la Net Neutrality. Il est également utile de faire une analyse de l’environnement externe à ce concept pour recenser les opportunités et les menaces qu’il peut engendrer.

Le tableau suivant résume les grandes lignes de cette analyse, nous expliciterons au fur et à mesure les détails de chaque élément

 

 

Tableau 1 : ANALYSE SWOT

  FORCES FAIBLESSES
ANALYSE INTERNE –        La facilité d’accès aux informations

 

–        La facilité pour le lancement d’un nouveau service

 

–        La liberté d’expression

 

–        Le problème de la bande passante

 

–        La remise en question du principe de bout-en-bout

 

–        Les difficultés techniques quant au filtrage des données

  OPPORTUNITES MENACES
ANALYSE EXTERNE –        Opportunités pour les différents acteurs d’Internet

 

–        Opportunités pour les internautes

 

–        Opportunités pour les entreprises

 

–        Limite de filtrage de contenu

 

–        La qualité des services proposés

 

–        Les pratiques anticoncurrentielles

 

–        La prolifération de camp « anti-neutralité »

 

Section 1 : Analyse interne

Notre analyse interne consistera à voir les points forts et les points qui peuvent être amélioré autour du concept de la Net Neutrality. Cela va nous permettre d’adopter un point de vue objectif sur l’existence même du principe.

 

  1. Les points forts de la Net Neutrality

Il est clair d’après tout ce qui a déjà été dit que le principe de la Net Neutralité apporte de nombreux avantages. Voyons alors le détail de chacun de ces points forts.

  1. La facilité d’accès aux informations

Tout d’abord, parlons des services de renseignements qui fournissent aux utilisateurs une infinité, une multiplicité et une diversité d’informations. Le réseau permet de tout donner sans restriction ni règles de priorités. Pour les utilisateurs donc, cela suppose à la fois, un gain de temps et par conséquent un gain économique.

En effet, si auparavant, pour trouver des informations sur un sujet quelconque, une personne devait faire des recherches dans des livres, dans des ouvrages, dans des articles ou dans des magazines…, ce qui prenait beaucoup de temps et parfois beaucoup d’argent pour avoir tous les informations nécessaires à sa disposition.

Aujourd’hui, grâce aux recherches sur internet, sans même bouger de l’endroit où l’on est, on peut recenser toutes les informations nécessaires sur le sujet en question. En outre, les diverses facilités proposées par les divers fournisseurs confèrent à aider l’utilisateur à simplifier ses recherches et faire un usage optimal de son temps tout en obtenant les informations dont il a besoin.

 

  1. La facilité pour le lancement d’un nouveau service

Le lancement d’un nouveau service ou d’une nouvelle application n’est soumis à aucune règlementation particulière dans l’ensemble. Les acteurs concernés par ce grand réseau qu’est internet se situent à plusieurs niveaux. Il y a d’abord ce qu’on appelle les câblo-opérateurs qui sont chargés de gérer les câbles ou « tuyaux » où transitent les informations numériques. Ensuite, il y a les sociétés de support de services qui se chargent de louer les lignes physiques de communications et qui gèrent les relations existantes entre les services en lignes et les utilisateurs d’internet. A un niveau plus élevé, il y a les fournisseurs d’accès au réseau ou FAI (fournisseurs d’accès Internet) qui s’occupent de la connexion des particuliers ou des entités qui souhaitent avoir accès à internet. Enfin, tout en haut de l’infrastructure se trouve les fournisseurs de services en ligne.[8]

C’est cette dernière entité qui se charge de lancer un nouveau produit ou service sur internet. Les pays mettent en place des cadres juridiques qui doivent s’appliquer aux services en ligne. En effet, cette catégorie va fournir des services techniques pour l’utilisateur et deviendra un fournisseur de contenu.

Dans la majorité des cas, les services en lignes sont assimilés à des services de correspondances privées car ils permettent de transmettre des informations à des cibles bien définis. Parfois, les services sont assujettis au régime qui gère la communication audiovisuelle.

Ainsi, la simplicité, voire la quasi-nullité des cadres juridiques facilitent le lancement de nouveaux services sur internet.

 

  1. La liberté d’expression

Dans de nombreux pays qui prônent actuellement la démocratie, la liberté d’expression est un élément important. La neutralité du réseau assure ainsi cette liberté d’expression dans la mesure où ce que les auteurs écrivent et publient sur internet ne sont ni altérés, ni modifiés et arrivent au niveau de lecteurs dans le même état. Si le réseau n’est pas neutre, il n’y a pas de moyen de savoir si le texte qu’on a écrit est bien celui qui est lu par le lecteur et on assiste ainsi à une remise en cause de la liberté d’expression.[9]

 

  1. Les limites de la Net Neutrality

Même si la Net Neutrality présente ces points forts, elle présente également des limites qu’il est nécessaire de connaître car ils sont à la base de nombreuses discussions autour du concept.

 

  1. Le problème de la bande passante

Actuellement, la congestion des réseaux ne cesse de croître, associée à cela, la bande passante devient donc de plus en plus limitée. Les différents opérateurs cherchent des techniques innovantes à l’heure actuelle pour pouvoir suivre la tendance et respecter les exigences du marché et de la concurrence.

De ce fait, les fournisseurs de contenu sont tentés de faire payer les utilisateurs pour pouvoir bénéficier d’un meilleur service et d’une qualité meilleure au niveau du contenu. Ceci entre donc en contradiction avec le principe même de la neutralité du Net puisque cela amènerait à imputer aux utilisateurs les différents coûts de réseau qui seraient liées aux applications qui consomment plus de bande passante.

Face à cela, des solutions ont été proposées par certains acteurs de l’Internet comme le fait de faire payer la QoS, c’est-à-dire « la capacité à véhiculer dans de bonnes conditions un type de trafic donné, en termes de disponibilité, débit, délais de transmission… », à des gros acteurs d’internet qui génèrent de gros trafic comme Google ou Facebook. Dans ce cas, l’argent obtenu servirait à investir dans de nouvelles infrastructures pour supporter l’accroissement de la demande en bande passante.

 

  1. La remise en question du principe de bout-en-bout

Selon Bob Kahn, un pionnier de l’internet américain, le principe de bout-en-bout a servi de fondement à internet. Il a servi de base à la neutralité du réseau et a été mis en place dans le but d’interconnecter les différents réseaux qui existaient à cette époque sans pour autant les modifier. Il pense ainsi qu’à l’heure actuelle, il n’est plus nécessaire de garder ce principe puisqu’il ne semble plus être adapté au réseau internet actuel.[10]

 

 

  1. Les difficultés techniques quant au filtrage des données

Certaines données qui circulent sur internet doivent faire l’objet de filtrage malgré toutes les libertés qui ont été expliquées auparavant. Toutefois, il y a beaucoup de difficultés à réaliser de manière effective un filtrage pur comme par exemple faire disparaître un certain contenu. En effet, il y a toujours des moyens pour contourner ces filtres.

Si on parle également de la priorisation du trafic par exemple, il y a beaucoup de moyens pour pouvoir contourner le problème. Généralement ces moyens de contournement se trouvent en périphérique du réseau, notamment au niveau des ordinateurs utilisés par les « pirate » informatiques.

 

Section 2 : Analyse externe

Cette analyse externe sera axée à l’environnement externe dans lequel le concept de la neutralité du réseau évolue. Il en découlera les principales opportunités qui peuvent être saisies grâce à l’existence du concept mais également les menaces qu’il peut engendrer sur d’autres domaines.

 

  1. Les opportunités qu’offre le concept
  2. Opportunités pour les différents acteurs d’Internet

Dans la section précédente, nous avons déjà recensé les différents acteurs de l’internet à savoir les câblo-opérateurs, les sociétés de support de services, les FAI et enfin les fournisseurs de service en ligne.

Pour chacun de ses acteurs, il est clair que la neutralité du réseau garantit qu’aucun de ces acteurs ne soit lésés durant tout le processus depuis la création de l’information jusqu’à sa diffusion au niveau de l’utilisateur. Chaque entité, qu’il soit une grande entreprise ou juste une petite structure a donc l’opportunité d’agir dans le système quelque soit la nature de ses activités.

Ainsi, cela permet à certains fournisseurs de contenu d’utiliser les réseaux de manière très concentrée et souvent asymétriques puisque le nombre de leurs abonnés est très élevé. Et ils sont d’ailleurs protéger par le principe de la neutralité. Les organes régulateurs comme la FCC aux Etats-Unis ou l’Arcep (L’Autorité française de régulation des télécoms) en France veillent au respect de ce principe.

 

Voici un schéma qui résume le principe de fonctionnement d’internet grâce à ces différents acteurs :

 

 

Figure 1 : Les différents acteurs de l’internet

 

  1. Opportunités pour les internautes

Les statistiques relatives à internet ne font que prouver l’intérêt qu’on porte à ce phénomène. En effet, au début 2011, on a recensé qu’il y avait plus de 2 milliards de personnes dans le monde qui utilisaient internet. Il existe plus de 300 millions de sites web qu’on peut consulter.

Pour les internautes, les opportunités découlant de la neutralité du réseau se présentent de plusieurs manières :

  • Tout d’abord, il y a l’opportunité d’accéder à une infinité d’informations dans un court délai et avec un coût moindre. La neutralité du réseau garantit en effet l’égalité des droits des internautes d’avoir accès aux informations qu’ils souhaitent

 

  • Il y a également la possibilité de pouvoir communiquer à travers le monde sans débourser beaucoup d’argent. A travers des applications comme Skype, cela apporté une grande révolution dans le domaine de la télécommunication

 

  • Enfin, il y a le respect du libre choix de l’internaute grâce à la préservation de l’unicité d’Internet. En effet, les fournisseurs d’accès internet doivent définir un « même » internet pou tous ses clients de sorte que deux internautes qui se connectent à deux endroits différents pourront voir la même chose.

 

 

  1. Opportunités pour les entreprises

Il n’est pas à cacher qu’Internet et les TIC (technologies de l’information et de la communication) apportent beaucoup d’avantages aux entreprises. Dans une même optique, la neutralité du réseau ne fait qu’accroître les opportunités qui s’offrent à ces entreprises.

Internet évolue actuellement vers des applications commerciales où il est devenu vital en tant que système de communication. Actuellement, internet est présent dans presque tous les secteurs : les réseaux routiers et ferroviaires, les réseaux aériens, les infrastructures relatives au coté administratif, les services de bases essentiels… Ainsi, même dans le secteur privé, internet occupe une place prépondérante.[11]

La croissance rapide d’internet résulte du fait qu’elle soit basée sur une architecture ouverte et qui n’est pas soumis à de lourdes règlementations. L’ouverture sur le marché mondial est donc facilitée.  La neutralité du réseau favorise ainsi le milieu des affaires vu qu’il assure un accès illimité, à faible coût et dont le contenu est librement accessible.

La neutralité du réseau garantit également la facilité d’échanges entre des sociétés se trouvant dans des milieux géographiques éloignés. C’est dans cette optique qu’on assiste actuellement à la prolifération des entreprises offshore surtout dans les pays en développement.

 

  1. Les menaces possibles

Certes les opportunités sont nombreuses et c’est d’ailleurs pour cela que le concept de la neutralité du réseau conserve ses principes fondamentaux jusqu’à présents, toutefois, les menaces qui tournent autour ne doivent pas être négligées.

 

  1. Limite de filtrage de contenu

De principe, le filtrage des contenus diffusés sur internet ne devrait même pas avoir lieu. On ne peut toutefois nier que dans certaines situations, le filtrage de certains contenus s’avère nécessaire et ce, pour de bonnes raisons. [12]

Prenons par exemple le contenu des sites pornographiques, puisque chaque internaute, peu importe son âge a les mêmes droits d’entrer dans ces sites, il est impossible d’empêcher les plus jeunes d’y accéder, ce qui peut créer par la suite des problèmes d’ordre social.

Puisqu’internet a une dimension universelle, les contenus de certains sites peuvent donc créer des chocs culturels et causer un déséquilibre important dans les relations internationales.

Il faut cependant mentionner que les gouvernements dans chaque pays peuvent mettre en place des politiques de filtrage pour des raisons qu’ils estiment pouvoir contribuer à veiller à l’intérêt général du pays et suivant ses propres critères. La liberté qu’offre internet ne peut cependant pas limiter ces filtrages.

Prenons un exemple, si une vidéo de nature terroriste est diffusée sur un site web aux Etats-Unis, il se peut que le gouvernement américain fasse le nécessaire pour interdire la diffusion. Cependant, ce n’est pas pour autant que cette vidéo ne circulera pas, sur un autre site dans un autre pays et sera visible par d’autres internautes, et même des américains. Même grâce aux différents piratages, cette vidéo se verra présente au niveau de tous les ménages américains.

C’est dans ces mesures donc que la neutralité du réseau peut constituer une vraie menace pour les internautes.

 

  1. La qualité des services proposés

La qualité du service fait l’objet d’opposition à la neutralité du réseau, surtout pour les grandes entreprises dans le domaine de la télécommunication et les fournisseurs de services à large bande. Ces catégories s’opposent en effet à la présence de certaines applications sur internet qui utilisent fortement la bande passante comme les vidéo sur demande, le peer-to-peer (poste à poste) ou les jeux en ligne…[13]

C’est ainsi donc qu’est née la proposition de mettre en place un internet à deux vitesses qui pourrait accroitre davantage les investissements au niveau des infrastructures et une amélioration de la qualité des services. Cependant, les règlementations gouvernementales, et dans le respect de la neutralité du réseau empêchent l’adoption de cette proposition.

Il faut savoir que le protocole internet a été conçu pour permettre d’avoir accès à des niveaux de services différents grâce à certains paramètres. Actuellement, dans beaucoup de pays, les fournisseurs de service internet proposent à leurs clients plusieurs forfaits à large bande, et donc des montants différentes en fonction de la bande passante.

Les opérateurs de réseau n’ont pas de mainmise sur la capacité de la transmission. Cependant, ils procèdent au développement de  nouvelles infrastructures pour pouvoir répondre aux exigences des clients.

Ce système est un peu différent d’un environnement marketing habituel où la satisfaction des besoins de la clientèle sert de principal objectif à une entreprise et qu’elle doit donc tout faire pour veiller à avoir la meilleur qualité de produit ou de service. Parallèlement à cela, le client doit y mettre le prix s’il veut bénéficier d’un produit d’excellente qualité, en sachant qu’il peut y avoir des produits de même nature à plus bas prix mais à qualité moyenne.

 

  1. Les pratiques anticoncurrentielles

Certains services ou applications sur internent suscitent de nombreuses conséquences si on parle de dynamique de marché. En effet, les innovations dans les infrastructures et au niveau des services proposés par certains opérateurs ont totalement chamboulés le monde de la télécommunication.

Et on revient encore à ce problème de la voix IP, notamment Skype puisqu’il est toujours cité comme exemple sur ce sujet. Dans certains pays comme la Suède ou la Canada, ils ont décidé d’empêcher l’utilisation de Skype pour l’internet mobile, à travers les clés 3G. Une étude récente a même fait sortir qu’environ 25% des opérateurs mobiles en Europe ne permettent pas l’utilisation de la VoIP. Ayant déjà recouru à la Commission européenne, les firmes victimes n’ont pas obtenu gain de cause jusqu’à maintenant alors qu’elles utilisent l’argument de la neutralité du réseau.[14]

Un autre aspect de la concurrence, même si quelquefois ce n’est pas défini comme tel,  se situe au niveau des fournisseurs de service. En effet, il arrive dans certains cas qu’on ait à faire face à des tendances monopolistiques de la part de certains grands acteurs du domaine.

Dans de nombreux pays, il y a toujours ce qu’on désigne par opérateurs historiques. Généralement, ce sont des entités qui ont exercé un monopole sur le réseau de télécommunication du pays au niveau national et international.

Avec le développement d’internet et l’ouverture du marché, les concurrents n’ont pas assez de moyen pour entrer en concurrence direct avec cet opérateur historique. Au contraire, ils sont parfois obligés de louer une certaine partie des infrastructures qu’ils doivent utiliser auprès de l’opérateur historique.

On assiste ainsi à une concurrence indirecte où l’opérateur historique cherchera toujours à trouver les moyens d’évincer ses petits concurrents, sur lesquelles il possède parfois une mainmise importante.

 

  1. La prolifération de camp « anti-neutralité »

Constatant toutes les faiblesses et les autres menaces qu’apportent le concept de la neutralité, ceux qui sont contre ce concept forme actuellement un grand groupe qui essaie de soutenir différents arguments qui vont à l’encontre des fondements et des conséquences du principe.

Ce camp est surtout formé par les fournisseurs d’accès internet, les câblo-opérateurs et les fabricants d’équipement. Ils estiment que les règles relatives à la neutralité ne sont même pas nécessaires et qu’au contraire cela affecte l’évolution du marché. En outre, pour eux, la neutralité du réseau empêche une possibilité pour les réseaux de rentabiliser leurs activités ce qui les amène à ne plus avoir la capacité de les renouveler, ni à créer d’autres services pour les utilisateurs.

Les différentes revendications et les actions qui ont été déjà menées par certaines entités faisant partie de ce camp « anti-neutralité » ne sont pas négligeables. Même si dans l’ensemble, les organes régulateurs comme FCC, ARCEP ou HADOPI… ont empêché jusqu’à maintenant l’aboutissement de ces actions, il faudrait peut-être trouver des compromis pour qu’il y a réellement des profits équitables entre tous les acteurs concernés.

 

YYYYYYYYYY

 

Nous avons pu voir dans cette première toute la complexité du concept de la Net Neutralité. Cela se comprend alors qu’il fait l’objet de tellement de débats au niveau mondial et que des catégories d’acteurs se rassemblent pour défendre leurs arguments. Les POUR et les CONTRE sont certes nombreux mais nous allons entrer plus en détail sur les enjeux que ce concept apporte au niveau mondial.

 

Partie 2 : Les grands enjeux autour de la Net Neutrality

 

Dans la première partie, nous avons surtout parlé des aspects globaux qui font la raison d’être de ce concept de la Net Neutrality ainsi que des différentes perceptions quant à ce qu’il représente pour chaque acteur d’internet.

Ce qui va suivre entrera beaucoup plus en détail sur les différents enjeux que la Net Neutrality suppose. Nous pourrons ainsi voir à la fin si notre analyse précédente est réellement justifiée.

 

 

Chapitre 1 : Les enjeux économiques

En premier lieu, nous allons évoquer les enjeux économiques liés à ce concept de la Net Neutrality. Toutefois, avant d’entrer dans les différents impacts, il faudrait définir le modèle économique qui découle de principe car c’est à la base de tous les enjeux.

Un modèle économique ou « business model » est un modèle mis en place ou prévoir comment fonctionne une zone économique ou un ensemble d’agents économiques. Dans notre cas il s’agit de la zone économique autour d’internet ou les agents économiques sont tous les acteurs qui ont déjà été définis auparavant.

 

Section 1 : L’impact global de la Net Neutrality

L’apparition de l’internet crée une infinité de possibilités au niveau commercial et comme tout autre moyen de communication, et même de distribution, internet est un outil qui fournit une grande envergure pour pouvoir atteindre les clients.

Pour les spécialistes du marketing, internet offre une grande possibilité qu’on pourrait exploiter afin de créer un avantage concurrentiel pour une entreprise quelconque. Et pourtant, il existe encore les règles relatives à la neutralité du réseau. L’impact de ce concept est alors très important car si ce concept n’est plus appliqué, on assisterait à d’énormes changements dans le domaine d’internet.

La première partie de ce document nous aide déjà à voir quelques implications de la neutralité du réseau sur certains domaines. Il est évident que les impacts sont d’ordres mondiaux du fait de l’importance du concept vu que cela concerne la vie de milliards de personnes à travers le monde entier.

 

  1. L’impact de la « non-neutralité du réseau » sur les différents acteurs

Il est clair qu’à l’heure actuelle, le réseau est saturé, on parle souvent de la « congestion » des réseaux et on ne peut le nier. On assiste alors à une tendance qui va vers la rareté de la bande passante.

Pour remédier à cela, il faudrait donc trouver un moyen de rationnaliser l’utilisation de cette bande passante. Cette rationalisation des ressources rares se fait habituellement grâce à l’économie. Dans ce cas, le transport des données prioritaires se ferait aux plus offrants ce qui détruirait l’égalité des chances entre les acteurs.

Le phénomène de saturation est inévitable vu l’augmentation rapide du nombre d’abonnés à internet à travers le monde. Deux moyens donc pourraient servir à corriger cette saturation du réseau.

Le premier consiste à investir de manière très régulière sur la capacité du réseau pour pouvoir suivre l’accroissement des utilisateurs d’internet. L’autre moyen reviendrait à investir, mais cette fois ci, dans des équipements qui serviraient à sélectionner le trafic, dans ce cas, il y aurait donc des trafics à faire passer en priorité.

Dans les deux cas, l’investissement est primordial et le niveau des investissements peut s’avérer similaire même si on n’investit pas sur un même type de technologie. Et pourtant, ces investissements ne seraient pas encore possible tant que les règles relatives à la Net Neutrality continuent à s’appliquer.[15]

Sans les règles de la Net Neutrality, l’impact au niveau des différents acteurs seraient crucial. Ce qu’il faut retenir que cela peut impliquer des impacts tant positifs que négatifs.

  1. Les points positifs

 

  • Il y aurait plus de flexibilité au niveau des offres de services proposées par les prestataires de services.

 

  • Le marché des fournisseurs d’équipement serait plus rentable et plus concurrentiels

 

  • Les fournisseurs d’équipement pourraient investir dans de nouveaux produits pour avoir des réseaux plus sûrs.

 

 

 

  1. Les points négatifs

 

  • Les coûts supplémentaires seraient inévitables ce qui augmenteraient la pression au niveau des modèles commerciaux des fournisseurs de contenu et même au niveau de la capitalisation boursière.

 

  • Les services à forte valeur ajoutée seraient beaucoup plus chers.

 

  • Les internautes seraient amenés à payer plus chers pour certains services qu’auparavant ils ne payaient même pas.

 

Bref, nous pouvons en juger par nous même l’importance de ce concept et tout le dilemme qui tourne autour de son existence ou de sa non-existence.

  1. L’impact au niveau mondial et le cas des USA

 

Si dans le paragraphe précédent nous nous sommes surtout intéressés sur l’impact de la non-neutralité du réseau, ce paragraphe consistera à relater des faits réels et des exemples pour illustrer de manière plus concrète l’envergure de ces impacts. Nous citerons donc ici certains cas qui ont marqué l’histoire de la neutralité du net dans le monde.

  1. La neutralité du réseau aux USA : cas de la société COMCAST

En 2007, le câblo-opérateur américain COMCAST est entré en conflit avec deux associations de défense des utilisateurs d’Internet, Free Press et People Knowledge. La raison de ce conflit est le fait que Comcast avait décidé de limiter la bande passante accordée à ses abonnés en limitant l’accès au réseau pair-à-pair BitTorrent.

Face à cela, la FCC a pris des mesures de sanctions, sans amende  toutefois, mais une obligation de Comcast de rétablir la situation en abandonnant les restrictions que la société a effectuée puisque cela portait atteinte à la Neutralité du Net.

Jugeant le cas assez litigieux, la société COMCAST a fait monter l’affaire en justice puisque le rôle que jouait la FCC ne semblait pas bien clair alors qu’il semble bel et bien décider  à imposer la Net Neutrality.

Au final, COMAST a eu gain de cause dans la mesure où la FCC n’avait pas d’autorité égale pour imposer la neutralité du Net et prendre des mesures à l’encontre d’entités privées.[16]

Ainsi, la FCC est certes mise en place pour être le régulateur dans le secteur de la télécommunication, mais il n’a donc pas assez de pouvoir pour imposer de manière effective le concept de la Net Neutrality.

Or aux Etats Unis, la Net Neutrality est un concept qui est souvent sur le devant de la scène. En effet, depuis que le professeur Tim Wu l’a défini en 2005 comme étant une possibilité d’accéder à internet en toute liberté et sans que les divers opérateurs puissent intervenir de manière à bloquer la transmission des données, on n’arrête pas d’en parler, la FCC a même créer un site web dans le but de faire connaître ce concept auprès de tous les américains.

Toutefois, ce concept est à l’origine de débats au niveau du Congrès américain depuis 2010. Ce concept est défendu par le président américain Barack Obama déjà depuis sa campagne électorale. Actuellement, un groupe de sénateurs, aussi bien démocrate que républicain prône pour instaurer la liberté de l’internet avec une loi.[17]

 

 

 

  1. La neutralité du réseau en Europe et en France

En Europe et en France, on assiste plutôt à une volonté politique de maîtrise le web. En effet, grâce aux lois HADOPI 1 et 2, les acteurs privées peuvent maintenant collecter des preuves au niveau de l’autorité HADOPI et pouvoir ainsi dénoncer les internautes partageurs. On peut ainsi entamer une procédure judiciaire qui est expéditive et qui n’entre pas dans le respect des droits fondamentaux.

Dans cette optique, beaucoup de citoyens craignent l’abandon progressif de ce concept de neutralité et de l’ouverture de l’internet. A cet effet, un groupe de citoyens européens a adressé une lettre ouverte au Parlement européen dans le but de protéger la neutralité du Net en Europe.

La teneur de la lettre résume en général les principes fondamentaux liés à la neutralité du réseau et le rôle qu’elle joue en tant que catalyseur de la concurrence, des libertés fondamentales et de l’innovation. Elle parle également des menaces actuelles dues aux opérateurs de télécommunications et des fournisseurs de contenu qui cherchent à définir de nouveaux modèles économiques sur la base des filtrages, des discriminations ou des priorisations au niveau des informations qui circulent sur le réseau.[18]

En effet, jusqu’à maintenant il n’y pas de tribunal ni d’organe régulateur qui est réellement capable de maîtriser toutes ces menaces avec des outils adéquats dans le but de préserver cette neutralité et pour un intérêt général. Le Parlement est donc sollicité pour prendre des mesures dans le but de protéger la liberté relative au fait de recevoir et de partager du contenu sur internet.

Très récemment, la Commission européenne a sorti un rapport sur l’ouverture d’internet et la neutralité du net en Europe. Ce rapport n’apporte pas beaucoup de nouveauté, il permet aux états membres de l’union européenne d’appliquer à leur manière les directives du paquet télécoms sans apporter plus de précision.

En France cependant, un rapport récent a été sorti par deux députées Corinne Erhel (PS) et Laure de La Raudière (UMP) sur la neutralité du Net. Le rapport définit précisément quatre axes préconisés par les deux députés, à savoir :

  • De consacrer la neutralité de l’Internet comme objectif politique
  • D’encadrer strictement les obligations de blocage de l’Internet (cela nécessite l’intervention d’un juge, contrairement aux dispositions de l’Hadopi)
  • De garantir la qualité de l’Internet en réservant l’appellation Internet aux seules offres respectant le principe de neutralité
  • La mise en œuvre d’une terminaison d’appels data au niveau européen [19]

Ces axes concernent la neutralité du réseau en général mais servent à appuyer certains points importants comme le fait de confier à l’ARCEP la mission de garantir la qualité du réseau ou de trouver des moyens rationnels pour régler le problème du «pair-à-pair » ou des échanges de données vidéo.

 

  1. La neutralité du réseau en Afrique

Dans les pays en développement comme la majorité des pays africains par exemple, l’existence des opérateurs historiques domine le secteur la télécommunication. En 2010, le taux de pénétration d’internet s’élevait juste à 9% ce qui est très faible par rapport à ceux des pays développés.

Et pourtant il faut reconnaître qu’il y a une forte explosion dans le domaine de la télécommunication en Afrique durant ces 10 dernières années. L’accès au haut débit n’a été possible que récemment grâce aux différentes technologies comme le câble LION.

Ainsi, on assiste aujourd’hui à une importance significative des télécommunications dans le secteur économique de ces pays africains. Le seul problème est que la capacité financière des opérateurs qui opèrent dans ces pays est généralement insuffisante pour faire de grands investissements.

Par rapport à la neutralité du Net, il faut mentionner que certains pays d’Afrique mettent en place un contrôle strict pour limiter la liberté d’expression politique en ligne au sein de leurs frontières. Ceci n’empêche certes pas les internautes à trouver des logiciels qui permettent de contourner ces restrictions.

Concernant les infrastructures et les relations entre les différents acteurs, il n’y a pas de centre d’hébergement neutre ; les opérateurs tendent à développer eux-mêmes leur contenu si bien qu’un fournisseur de contenu doit passer un accord avec un opérateur, et lui seul, pour être diffusé ; les législations nationales qui concernent la protection des brevets des fournisseurs de contenu n’existent pas en général…

Bref, on peut affirmer que la neutralité du Net en Afrique est un concept totalement inconnu ou négligé. Pour l’illustrer, voici certains cas où on assiste au non respect des bases fondamentales de la neutralité du réseau dans certains pays d’Afrique :

  • Un cas très récent est le fait qu’un tribunal islamique du Nord du Nigeria a interdit à une association de défense des droits de l’Homme de mener des débats sur l’application de la charia sur certains les réseaux sociaux.

 

  • En Tunisie, une architecture a été mise en place par les autorités tunisiennes dans de but de contrôler et de filtrer le réseau à plusieurs niveaux.

 

  • En Erythrée, où le taux de pénétration d’internet n’est que de 3%, il y a une limitation de la bande passante et certains sites sont bloqués par des fournisseurs comme Erson ou Ewan.

 

  • En Algérie, on a assisté en 2010 au blocage d’un site appartenant à un mouvement politique Rachad, faisant partie de l’opposition.[20]

 

Section 2 : L’impact sur l’économie

 

Si tels sont les impacts de la Net Neutrality en général dans certaines parties du monde, il nous faut voir maintenant les impacts plus spécifiques sur certains aspects en particulier.

En premier lieu, voyons les conséquences de la neutralité du Net du point de vue économique.

 

 

  1. L’impact sur l’économie en général

 

 

En 2010, l’Institute of Policy Integrity aux Etats-Unis a sorti un rapport qui concerne la neutralité du net et de son impact sur l’économie. De ce rapport découle que le principe de la Net Neutrality est un concept très bénéfique pour l’économie mondiale.

Ceux qui ont établi le rapport ont ainsi pensé que les différentes règlementations instaurées par la FCC contribueraient à améliorer la stabilité économique dans le secteur contrairement à ceux proposés par certains opérateurs et fournisseurs d’accès qui conduiraient à éliminer le caractère ouvert d’internet et qui engendrerait plus d’incertitude au niveau de l’économie.[21]

Depuis la création d’internet, les différents services et applications, les nouvelles technologies de communication, la présence des divers moteurs de recherche ont certainement contribué à aidé des millions, voire des milliards d’utilisateurs d’internet.

Il est clair que toutes ces nouvelles possibilités ont eu un impact positif sur la productivité dans divers secteurs, que ce soit au niveau individuel ou au niveau des entreprises quelque soit leur taille, ce qui amène à une croissance économique à caractère mondiale.

Un exemple très parlant c’est la possibilité de faire des visioconférences alors que les participants se trouvent dans plusieurs pays différents. En effet, si l’on réunissait des personnes venant de 10 pays différents en un seul endroit pour tenir une réunion importante, cela engendrerait des coûts élevés en matière de transport, d’hébergement, de restauration… Grâce à internet, la réunion peut se tenir sans que les personnes aient à quitter leur pays.

 

Si on parle particulièrement de la neutralité du net, l’ouverture et la liberté de l’accès à internet facilite ainsi l’accès à tous ses services, et ce à moindre coût. Cependant, plusieurs personnes pensent que des améliorations, pouvant aller à l’encontre de la neutralité du net pourrait améliorer davantage les bénéfices qu’internet pourrait apporter.

Le fait est que plus il y a d’abonnés sur internet, plus cela engendre une hausse considérable de la consommation de bande passante et jusqu’à maintenant, les fournisseurs d’accès et d’autres entreprises continuent d’investir pour avoir des réseaux plus performants, plus rapides et pour éviter la congestion.

Le problème, comme nous l’avons déjà auparavant est que le modèle commercial actuel ne permet pas de financer tous les besoins en investissement requis car la nécessité d’avoir des investissements supplémentaires devient de plus en plus pressante si on veut conserver la même qualité au niveau de la transmission de données.

Ainsi, une nouvelle dynamique du marché de l’internet pourrait servir à améliorer la productivité et accroître le potentiel économique de ce secteur. Ceci en donnant la possibilité aux entreprises d’apporter des différenciations au niveau des services, de permettre d’afficher des prix différents pour des services plus performants… cela conduirait donc à mieux satisfaire la clientèle et entrainerait plus de concurrence.[22]

Jusqu’à maintenant, on peut assister à certaine forme de différenciation, pas flagrante ni directe mais qui met en cause toutefois la neutralité du net. Il s’agit par exemple de réserver plus de bande passante pour les téléchargements en aval de tel sorte qu’ils soient prioritaires que ceux en amont.

Bref, il faudrait alors trouver un terrain d’entente sur les objectifs réels qu’on attend avec internet et cette question de neutralité.

 

  1. L’impact sur les grands modèles d’audience

 

Même si internet est jusqu’à maintenant sensé prôner l’égalité, il est clair que l’audience de chaque fournisseur de contenu ne sera jamais la même partout. Il existe en effet ce qu’on entend par grand modèles d’audience, c’est-à-dire les sites qui attirent beaucoup plus de monde.

Parmi eux, on peut citer le moteur de recherche Google, Yahoo, les réseaux sociaux comme Facebook et Twister… Depuis toujours, ces sites ont toujours été des fervents partisans de la neutralité du réseau puisque cela leur donne les mêmes privilèges et les  mêmes statuts que les autres fournisseurs de service.

En 2006, des grands du Web comme Google, Yahoo, IAC InterActiveCorp, Amazon et eBay ont adressé une lettre au Sénat suite à l’adoption d’une loi qui favorisait l’abandon du principe de la neutralité du net. La demande consistait à intégrer le principe de la neutralité du réseau dans une nouvelle loi de réforme sur les télécommunications. [23]

Il est clair pourtant qu’il y a d’énormes différences qui sont créées par le flux qu’engendrent ces grands modèles d’audience, comme la consommation en bande passante par exemple. Actuellement, à cause des nouvelles innovations dans le domaine des TIC, ces grands de l’internet tendent à changer leur fusil d’épaule pour différentes raisons lorsqu’on parle de Net Neutrality.

Prenons le cas de Google, grâce à des négociations (plutôt secrètes), ce géant de l’internet a convaincu Verizon pour que les vidéos de Youtube, une filiale de Google puissent avoir une priorité sur les mobiles de ce groupe. En effet, Verizon fait partie de ceux qui ont contribués au succès des Smartphones Android produits pas Google.

On assiste ici à des intérêts croisés et de plus, Google a largement les possibilités de payer. Où est la neutralité du net dans tout ça alors ? Plusieurs raisons auraient pu pousser Google à changer de camp : on peut citer ici la concurrence car Google-Android est le principal concurrent de l’iPhone d’Apple. Il y a également l’apparition de nouvelles applications comme la Google TV.[24]

D’autres géants comme Skype continuent à défendre la neutralité du réseau. En effet, beaucoup d’opérateurs mobiles ont décidé de bloqué ou de faire payer cette application sur leur réseau, il y a également de nombreux fournisseurs d’accès internet qui demandent à ce que ces types de société, qui nécessitent une grande consommation de bande passante soient soumises à des taxes. Jusqu’à maintenant alors, Skype est protégé par ce principe de la neutralité du net. [25]

On peut dire alors que la question de la neutralité du net est évoquée lorsqu’on y trouve un intérêt particulier. Ce concept présente un grand enjeu au niveau commercial et même politique puisque ce n’est pas pour rien que jusqu’à maintenant, les organes régulateurs comme la FCC n’ont pas de pouvoir effectif pour prendre des mesures radicales. Au contraire, ils tendent à perdre leur envergure si on regarde ce que la FCC a du subir avec le cas de la COMCAST que nous avons relaté plus haut.

 

Chapitre 2 : Les autres enjeux

 

A part les enjeux économiques que nous venons de voir, la neutralité du réseau amène d’autres enjeux tout aussi importants au niveau mondial. Comme nous avons pu démontrer jusqu’à maintenant, les enjeux règlementaires sont très souvent soumis à des débats et des discussions, et même source de conflit parfois.

 

 

Section 1 : Les enjeux règlementaires

Nous allons essayer d’apporter des propositions quant à la manière d’asseoir une forme de règlementation qui pourraient avantager chacun des acteurs de l’internet et sans s’éloigner des principes fondamentaux de la neutralité du net après avoir vu les divers problèmes que l’aspect légal lié à internet peut impliquer.

 

  1. L’impact de la Net Neutrality sur l’aspect légal lié à Internet

 

Si on parle de dimension légale sur ce qui se rattache à internet, cela a fait l’objet de nombreux débats qui défavorise la neutralité d’internet. En effet, depuis des années, beaucoup de gens ont demandé à ce qu’il y ait un filtrage au niveau d’internet ou un blocage sur certains contenus d’internet puisque la prolifération d’activités illégales sur le réseau est difficilement contrôlable.

En effet, il n’y a pas encore de moyens efficace pour empêcher par exemple la consultation d’un ouvrage soumis au droit d’auteur et qui pourrait circuler librement sur internet. Il y a aussi les véritables scandales que créent les échanges d’images pédopornographiques dans certains pays très pudiques, le piratage des musiques, des vidéos contenant des films qui ne sont même pas encore sortis dans les magasins…

Certes ces activités sont illégales, et pourtant des millions d’internautes utilisent ces services, sans se soucier de la dimension légale, ni même de la dimension éthique de la démarche.

Techniquement parlant, le filtrage est possible à deux niveaux : le blocage de certains types de flux comme les ports par exemple et le blocage de contenus en bloquant les url à partir des serveurs DNS des opérateurs. Ces blocages sont déjà pratiqués dans des situations particulières comme par exemple au niveau de certaines entreprises qui ne veulent pas que leurs employés accèdent aux messageries instantanées ou aux différents réseaux sociaux lorsqu’ils sont au bureau.

Ainsi, le filtrage est de rigueur dans des situations bien précises. Mais le problème est toujours cette question de neutralité car qui dit filtrage revient à limiter la liberté de certains sites à diffuser leur contenu.

Quel modèle alors faut-il appliquer pour ne pas avoir à léser telle ou telle entité ? Même si des mesures règlementaires seraient mises en place, il faudrait donc savoir ce que cela pourraient entrainer pour chaque acteur du système en commençant par les FAI et les câblo-opérateurs jusqu’au consommateur final en passant par les fournisseurs de contenus.

Comme ce que nous avons vu dans la partie sur les enjeux économiques, les pays tardent à mettre en place des systèmes qui serviraient à régir de façon optimale et impartiale ce concept de la Net Neutrality. Et pourtant, des propositions de loi ont été déjà fournies par de nombreuses entités sans pour autant découler sur une forme de législation claire et totalement neutre.

 

  1. Les mesures législatives potentielles pour asseoir le concept

 

Parmi ces mesures législatives potentielles, nous allons relater ici deux propositions de loi, l’une provenant du rapport récent présentées par les deux députées françaises et l’autre émanant des deux grands acteurs d’internet Google et Verizon. Ces deux propositions diffèrent de par leurs objectifs et de par leur différence sur certains points de vue quant à la neutralité du net.

  1. Le rapport des députés La Raudière et Erhel

D’abord concernant le rapport parlementaire de Laure de La Raudière, plusieurs propositions ont été établies sur chacun des objectifs spécifiés.[26]

  • Concernant l’objectif en termes de filtrage, il s’agit d’empêcher les restrictions qui touchent les échanges d’informations sur internet mais de toutefois autoriser des exceptions dans des cas plus graves et ce au cas par cas avec l’intervention d’un juge. Ainsi, ces restrictions ne seraient plus appliquées que dans les cas où les contenus seraient les plus nuisibles. La possibilité de filtrage individuel serait également une bonne solution comme le cas du contrôle parental. En outre, des services de contrôle devraient être mis en place dans le but de s’assurer de la qualité des services.

 

  • S’agissant du problème de la gestion du trafic, il faut trouver des moyens pour que les utilisateurs puissent bénéficier de services de qualité et performant grâce au développement des différentes innovations. Dans ce cas, on pourrait inciter la concurrence entre les opérateurs. Il faudrait également revoir les mesures de gestion de trafic de manière à ne pas dégrader la qualité des services. Et enfin, cette qualité de service ne devrait pas avoir un caractère discriminatoire mais au contraire de justifier de la libre concurrence.

 

  • Enfin, en ce qui concerne les interconnexions, il faut trouver les moyens d’avoirs des interconnexions dimensionnées pour régler le problème de la qualité de service, les flux financiers devraient être également équilibrés pour que les revenus au niveau de chaque maillon de la chaîne soient bien équilibrés.

 

 

En Europe, les Paquets Télécoms constituent l’ensemble des réformes proposées au niveau du Parlement européen. Ainsi, les différents objectifs et les propositions précédentes devraient normalement figurer dans le prochain Paquet Télécom et notamment les lois décrites dans l’encadré suivant :

 

  Encadré 4: Le droit en vigueur et les mesures qu’il est prévu de prendre dans le cadre de la transposition du troisième « paquet télécoms »[27]

  • Les garanties concernant la neutralité des opérateurs au regard des contenus transmis et le respect du secret des correspondances (art. L. 32-1, L. 32-3 et L. 33-1 du CPCE – Code des postes et des communications électroniques),
  • Le bon fonctionnement de la concurrence à travers le pouvoir général de l’Autorité de la concurrence et la possibilité donnée à l’ARCEP d’imposer des obligations spécifiques aux opérateurs exerçant une influence significative sur un marché (art. L. 38 et suiv. du CPCE)
  • Le droit à l’interconnexion et l’accès entre opérateurs (art. L. 34-8 et suiv. du CPCE).
  • Favoriser l’accès des utilisateurs finals à l’information et préserver leur capacité́ à diffuser ainsi qu’à utiliser les applications de leur choix » (art. L. 32-1 du CPCE)
  • La fixation par l’ARCEP, dans des conditions prévues à l’article L. 36-6, des exigences minimales en matière de qualité́ de service (art. L. 36-15 du CPCE)
  • L’extension du pouvoir de règlement des différends de l’ARCEP aux litiges portant sur les « conditions techniques et tarifaires d’acheminement du trafic entre un opérateur et une entreprise fournissant des services de communication au public en ligne» (art. L. 36-8 du CPCE)
  • La transparence vis-à-vis du consommateur, avec de nouvelles mentions obligatoires dans les contrats de services de communications électroniques présentées « sous une forme claire, détaillée et aisément accessible » : procédures de gestion de trafic, restrictions à l’accès à des services ou à des équipements, réactions pour assurer la sécurité́ et l’intégrité́ du réseau (art. L. 121-83 du code de la consommation).

 

  1. La proposition de loi de Google et Verizon

En 2010, les deux grandes sociétés américaines Google et Verizon ont publié une proposition de loi adressée au Congrès et destinée à encadrer le principe de la neutralité du Net.

A première vue, la proposition semblait aller dans une même logique que la neutralité du Net puisqu’elle empêcherait les opérateurs de faire de la discrimination au niveau des contenus internet, des services et des diverses applications qui puissent léser les utilisateurs ainsi que la concurrence.

En outre, la proposition suggérait que les FAI pouvaient proposer des services additionnels et/ou différenciés sur leur propre réseau tout en respectant le principe de la neutralité du réseau. De ce fait, ces nouveaux genres de service pourraient être payants et vendus aux plus offrants.

L’autre grand point de cette proposition concerne l’application du principe au niveau de l’internet mobile. Vu que cela suppose des caractéristiques techniques et opérationnelles assez différentes et que cela consomme moins en termes de bande passante, l’internet mobile ne devrait pas être soumis au principe de la neutralité du réseau, il suffirait juste de mettre en place une obligation de transparence sur les services bloqués.

En effet, actuellement, le marché des Smartphones se développe très rapidement et à l’avenir, ces outils pourraient devenir les principaux moyens d’accès à internet que les gens utiliseraient. Les deux sociétés estiment donc qu’il serait mieux d’adopter de nouvelles règles pour régir ce marché en plein essor.

 

 

 

Section 2 : Les enjeux stratégiques

 

Il est clair que jusqu’à maintenant, les enjeux stratégiques de la Net Neutrality sont d’une envergure importante pour chaque gouvernement. Chacun essaie de maintenir une certaine liberté et une ouverture pour défendre ses intérêts et en même temps procède à des filtrages quand il s’agit de sécurité nationale par exemple.

 

  1. Rôle crucial pour la gouvernance d’Internet

Le principe de la neutralité du réseau se considère comme un concept de réglementation au niveau international même si il est souvent confronté à de nombreuses polémiques.

Dès le départ, il a été mis en place pour faire face à des débats qui concernent les politiques qu’il faut appliquer aux réseaux à large bande. Généralement, ces réseaux sont soumis aux réglementations du pays, or actuellement, le concept de la neutralité du réseau ne concerne plus la politique nationale, on peut dire qu’il est soumis à une politique universelle car il est devenu une orientation normative.

En effet, ce principe englobe tout un ensemble d’intérêts à préserver, notamment le droit des internautes à pouvoir accéder librement aux contenus, la liberté de créer et de mettre en ligne des services et des applications, le désengagement des opérateurs su réseau quant à la transmission de contenus ou d’applications indésirables ou illégaux. [28]

Il faut mentionner que même si beaucoup d’entités voudraient qu’internet sois soumis à beaucoup plus de contrôle et de filtrage, la majorité des pays considère ce concept comme le meilleur pour guider la gouvernance d’Internet à l’échelle mondiale.

Le Forum sur la gouvernance d’Internet accorde une importance capitale sur le fait que la neutralité des réseaux est le concept le mieux adapté en tant que principe mondial pour assurer la gouvernance d’internet, il en est de même pour les autres institutions post-SMSI (Sommet mondial sur la société de l’information).

Ainsi, après ce sommet mondial, un document a été élaboré : l’agenda de Tunis. Ce document incite donc chaque gouvernement à adopter des principes que le monde entier devrait appliquer pour pouvoir coordonner et gérer la gouvernance d’internet. Il est nécessaire que ces principes soient adoptés pour qu’il y ait des rapports équilibrés entre les administrations des pays et l’internet mondial.

De ce fait, la neutralité des réseaux va permettre de rassembler et d’intégrer des concepts d’accès universel à toutes les ressources qui sont connectées à internet, ainsi que des concepts pour la liberté d’expression, pour les possibilités d’innovation, pour la liberté d’échange au niveau des produits et des services numériques.

Trois points sont définis par l’agenda de Tunis pour justifier que la neutralité des réseaux peut devenir un principe mondialement applicable en ce qui concerne la gouvernance d’internet :

  • Le premier est le fait que ce principe peut devenir une norme mondiale qui pourrait guider les politiques qui concernent Internet au niveau national et international
  • Le deuxième point affirme que le concept de la neutralité peut s’étendre à d’autres fonctions comme celle de la coordination technique d’internet
  • Enfin, il faut intégrer le principe de l’accès non discriminatoire, concept fondamental de la neutralité des réseaux, au niveau du concept de libre-échange des biens et des services

 

Principalement au niveau des pays, les visions semblent converger vers la nécessité de ce principe. En France et en Europe par exemple, d’après Bernard Benhamou, en tant que représentant de Délégation aux usages de l’Internet (DUI), la nécessité du principe repose sur le fait que le réseau évolue tant sur les usages que les infrastructures.

De ce fait, il estime que le principe de la neutralité doit toujours être appliqué, que l’internet soit sur des ordinateurs, sur des téléphones mobiles ou éventuellement sur autre chose à l’avenir. En outre, ce principe de neutralité, ainsi que l’autre principe de l’ouverture et de l’interopérabilité des ressources technologique et des contenus, sont essentiels pour la liberté de la concurrence, pour la liberté d’expression, le droit des internautes, bref des règles à la fois de nature politiques et industrielles.

 

 

  1. Les perspectives d’avenir inhérentes au concept

 

D’après ce que nous avons pu voir jusqu’à présent, les débats ouverts concernant le concept de la neutralité des réseaux peuvent donc avoir des répercussions considérables dans de nombreux domaines et notamment sur des sujets cruciaux comme la nature démocratique et participative de l’internet, la liberté d’expression et la liberté de la circulation de l’information, les droits à la vie privée des internautes, la gouvernance d’internet, les systèmes éducationnels, …[29]

On ne peut nier que la neutralité des réseaux est devenue une véritable préoccupation politique du fait de ces diverses répercussions. Les entités concernées, principalement les législateurs, les industries de télécommunications, les chercheurs dans le domaine de la communication ainsi que les réformateurs média accordent beaucoup d’importance quant à la manière d’asseoir ce principe de manière rationnelle.

Nous avons pu voir que des grandes batailles ont déjà eu lieu dans certains pays sans pour autant aboutir à de vrais compromis, il y avait toujours une partie qui se sent lésée donc jusqu’à maintenant.

Nous avons également vu différents modèles de propositions de lois qui serviraient à mettre en place un principe, qui comme il s’agit de neutralité, confèrerait à asseoir des règlementations « neutres » qui pourraient satisfaire tous les acteurs concernés, tant les acteurs directs du système internet, que les acteurs externes tels que les gouvernements, les secteurs privés…

Quelles seraient alors les perspectives pour les années à venir au niveau international ?  Il faut considérer plusieurs paramètres si on veut soumettre des perspectives à ce sujet.

Tout d’abord, il faut se dire que l’évolution rapide des technologies dans le domaine des TIC va probablement augmenter davantage la circulation des flux sur internet car le nombre d’utilisateurs ne cessent d’augmenter. Le risque de congestion est donc à prévoir si les investissements destinés à augmenter la capacité des réseaux n’arrivent pas à suivre.

Les solutions quant à la limitation de l’utilisation de la bande passante à travers des priorisations de demande pourraient devenir effectives si les opérateurs n’arrivent pas à régler le problème de saturation des réseaux. Il faudrait dans ce cas contourner les principes de la neutralité des réseaux et permettre une discrimination « rationnelle » en permettant par exemple à ceux qui peuvent payer plus d’avoir une priorité.

Pour ce qui est de la téléphonie mobile et des Smartphones, le développement actuel de l’internet mobile devra probablement susciter des nouvelles conditions et des nouvelles règlementations. Puisqu’il s’agit d’internet, le principe de la neutralité du réseau devrait également s’appliquer, toutefois si cela nécessite des amendements, il faudrait trouver le moyen d’instaurer des mesures impartiales.

 

 

 

CONCLUSION

 

 

La neutralité du réseau est un concept très complexe et pourtant il est à la base d’un système qui suscite des enjeux importants au niveau mondial. L’importance de ce concept et toutes les conséquences relatives à son application, ou à un non application, fait qu’elle se retrouve toujours au cœur des discussions lorsqu’on parle d’internet.

Si les gouvernements ne veulent pas instaurer des cadres légaux pour définir les règles relatives au concept, c’est qu’il y a des raisons d’ordre politiques, stratégiques, économiques, voire d’intérêt national et international.

L’existence de deux camps opposant les partisans de la neutralité et ceux qui argumentent pour contrer le principe fait qu’il y aura toujours des débats, des revendications, des propositions de loi, des recours en justice… et dans lesquels, il y aura toujours une partie qui se sentira lésée.

Tant que les grandes puissances mondiales soutiennent encore ce principe, il gardera toujours sa forme telle qu’il a été jusqu’à maintenant. En effet, sans ligne directrice sur laquelle se baser, les organes régulateurs comme la FCC ou l’ARCEP n’auraient pas de bases sur lesquelles justifier leurs actions.

Seulement, face à des autorités plus compétentes et plus puissantes comme les gouvernements, ces organes n’ont même pas leur mot à dire quant le sujet devient plus complexe. Ceci démontre encore l’enjeu essentiel du concept.

A l’avenir, ce concept continuera surement de garantir un certain équilibre au niveau du réseau. Sa position stratégique en tant que principe régissant la gouvernance d’internet confère au principe de la neutralité du Net une place prépondérante par rapport aux autres principes.

Au niveau de l’économie mondiale, la question se pose de savoir s’il faut garder les mêmes modèles économiques d’internet actuel qui se fondent sur ce principe de neutralité des réseaux, ou faut-il au contraire trouver d’autres modèles qui seraient plus profitables pour tous les acteurs ainsi que les consommateurs ?

 

BIBLIOGRAPHIE

 

Ouvrages/ Rapports

 

  • Concept de la neutralité des réseaux, Sihem Trabelsi, 7ème séminaire annuel de FRATEL, avril 2010
  • Internet : quelle régulation juridique ? Jean-Philippe CASANOVA, Université Paris 13, DEA Droit des Affaires, 1997
  • Garantir la neutralité du Net – La quadrature du Net, Avril 2010
  • Neutralité du réseau, Peter Lange, Report Year : 2008 – Access to Infrastructure,  Intelligent Networx
  • Rapport d’étape de la mission sur la neutralité des réseaux et Internet – Site du député La Raudière – www.la-raudiere.com, février 2011
  • Perspectives internationales sur la neutralité de réseau – Karim Hammou, édition canadienne, Avril 2010

Articles

 

  • La belle histoire de la neutralité des réseaux, Andréa Fradin, Article paru sur OWNI.fr, Janvier 2011
  • La neutralité du réseau, Benjamin Bayart – Extrait du livre La bataille Hadopi, Article paru sur framablog.org, Novembre 2009
  • Neutralité pour les nuls – Propos recueillis par Odile Ambry – Sociétés de l’information, Novembre 2009
  • Neutralité en Europe : laissez-faire et petits pas, Article paru sur owni.fr
  • Neutralité du Net : le rôle de la FCC est mis à mal par la justice américaine Article paru sur ITespresso.fr par Anne Confolant, Avril 2010
  • La neutralité du Net mise à mal aux Etats-Unis, Chloé Woitier, article paru sur le Monde, Avril 2010
  • Neutralité de l’Internet : un enjeu démocratique majeur – René Trégouët, article paru sur www.rtflash.fr, Avril 2011
  • Censure sur internet : le jeu du chat et de la souris, Myrtille DELAMARCHE – Article paru sur www.mtm-news.com, avril 2010
  • La neutralité des réseaux aurait un effet positif sur l’économie – Julien L. – Article paru sur www.numerama.com, Septembre 2010
  • Les aspects économiques de la neutralité du net, revisités – Gernot Pehnelt, articles iéna de recherches en économie, n° 2008 – 080
  • Les géants du Web s’unissent pour défendre la neutralité du réseau – article paru sur www.journaldunet.com, Juillet 2006
  • « Google et la neutralité du réseau », Hervé Le Crosnier,  Article paru sur blog.mondediplo.net, Août 2010
  • Skype se pose en défenseur de la net neutrality, Yoann Ferret, Article paru sur freenews.fr, Avril 2010
  • La neutralité du réseau en tant que principe mondial pour la gouvernance d’Internet – Milton Mueller, Media and Internet Governance, article paru sur world-governance.org, Avril 2008

Site internet

 

 

 

 

[1] Définition parue dans un article paru sur www.laquadrature.net

[2] Concept de la neutralité des réseaux – Sihem Trabelsi – 7ème séminaire annuel de FRATEL, avril 2010

[3] La belle histoire de la neutralité des réseaux, Andréa Fradin – article paru sur OWNI.fr, Janvier 2011

[4] Garantir la neutralité du Net – La quadrature du Net, Avril 2010

[5] Source : Wikipédia

[6] Source : Site de l’Assemblée Nationale Française : www.assemblee-nationale.fr

[7] Source : http://www.legifrance.gouv.fr

[8] Internet : quelle régulation juridique ?,  Jean-Philippe CASANOVA – Université Paris 13 – DEA Droit des Affaires, 1997

[9] La neutralité du réseau – Benjamin Bayart – Extrait du livre La bataille Hadopi – Article paru sur www.framablog.org

[10] La neutralité des réseaux – Etienne Michon – Article paru sur www-igm.univ-mlv.fr

[11] Neutralité du réseau – Report Year : 2008 – Access to Infrastructure, Peter Lange – Intelligent Networx

[12] Neutralité pour les nuls – Propos recueillis par Odile Ambry – Sociétés de l’information, Novembre 2009

[13] Neutralité du réseau – Report Year : 2008 – Access to Infrastructure, Peter Lange – Intelligent Networx

 

[14] Neutralité en Europe: laissez-faire et petits pas – Article paru sur owni.fr

[15] La neutralité du réseau – Benjamin Bayart – Extrait du livre La bataille Hadopi – Article paru sur www.framablog.org

[16] Neutralité du Net : le rôle de la FCC est mis à mal par la justice américaine Article paru sur ITespresso.fr par Anne Confolant, Avril 2010

[17] La neutralité du Net mise à mal aux Etats-Unis, Chloé Woitier, article paru sur le Monde, Avril 2010

[18] Neutralité du net en Europe et aux Etats-Unis – Article paru sur le site www.memoclic.com

[19] Edito : Neutralité de l’Internet : un enjeu démocratique majeur – René Trégouët, article paru sur www.rtflash.fr, Avril 2011

[20] Censure sur internet : le jeu du chat et de la souris, Myrtille DELAMARCHE – Article paru sur www.mtm-news.com, avril 2010

[21] La neutralité des réseaux aurait un effet positif sur l’économie – Julien L. – Article paru sur www.numerama.com, Septembre 2010

[22] Les aspects économiques de la neutralité du net, revisités – Gernot Pehnelt, articles iéna de recherches en économie, n° 2008 – 080

[23] Les géants du Web s’unissent pour défendre la neutralité du réseau – article paru sur www.journaldunet.com, Juillet 2006

[24] « Google et la neutralité du réseau » –  Hervé Le Crosnier,  Article paru sur blog.mondediplo.net, Août 2010

[25] Skype se pose en défenseur de la net neutrality – Yoann Ferret, Article paru sur www.freenews.fr, Avril 2010

[26] Rapport d’étape de la mission sur la neutralité des réseaux et Internet – Site du député La Raudière – www.la-raudiere.com, février 2011

[27]  Rapport d’étape de la mission sur la neutralité des réseaux et Internet – Site du député La Raudière – www.la-raudiere.com, février 2011

[28] La neutralité du réseau en tant que principe mondial pour la gouvernance d’Internet – Milton Mueller, Media and Internet Governance, article paru sur www.world-governance.org, Avril 2008

[29] Perspectives internationales sur la neutralité de réseau – Karim Hammou, édition canadienne, Avril 2010

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