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Etude comparative des mercenaires de jadis et des sociétés militaires privées d’aujourd’hui

Problématique : Etude comparative des mercenaires de jadis et des sociétés militaires privées d’aujourd’hui

Résumé  

Ces deux dernières décennies, le monde a été témoin de l’émergence de sociétés militaires privées (SMP) considérées dans la plupart du temps comme étant des nouvelles formes de mercenaires. Les études menées jusqu’ici concernant ces entités développent leurs activités, sans trop parvenir à déterminer leurs statuts. Ainsi, la présente étude tente de mettre à jour les points de divergence et de convergence entre les SMP et les mercenaires de jadis. La question à laquelle elle veut répondre est la suivante : Quelles sont les différences entre les mercenaires de jadis et les sociétés militaires privées d’aujourd’hui ?

L’analyse a permis de comprendre que le mercenariat est une activité qui a existé depuis très longtemps, aussi longtemps que la guerre a existé. Les mercenaires sont définis comme étant des personnes recrutées pour participer à des actes de violence tels que le renversement de gouvernements, atteinte à la stabilité de l’Etat ou encore, atteinte à l’intégrité territoriale de l’Etat. Souvent considérés comme « soldats de fortune », les mercenaires semblent à première vue être motivés par l’appât du gain. Mais cela ne constitue pas la seule motivation des mercenaires pour aller en guerre. Les cas rapportés dans cette étude permettent de constater que les mercenaires peuvent parfois être motivés par la soif de l’aventure ou être convaincus personnellement de la nécessité et de l’importance de leurs missions.

Souvent associés à des coups d’Etat et à des actes de violence pour installer un régime autoritaire, les actions des mercenaires induisent de nombreuses questions d’éthiques. Le mercenariat en faisant des actes de violence, violent aussi les droits de l’Homme. En étant des étrangers qui s’incrustent au sein d’un pays pour y faire la guerre ou pour contrôler des sites stratégiques pour le compte de l’Etat ou d’un organisme ou encore d’une entreprise très puissante, les mercenaires portent préjudice à la souveraineté Nationale et à la stabilité du pays. C’est la raison pour laquelle, la Convention de 1989 a condamné le mercenariat et le recrutement de mercenaires.

Depuis, les mercenaires ont voulu se montrer plus discrets. Après la fin de la guerre froide, le monde sombrait dans un semblant de quiétude où les populations se sentent en paix, hors de dangers. Et dans ce cadre, les mercenaires ne sont plus sollicités. Dès les années 1990, de nombreuses SMP ont vu le jour. Elles avaient pour principale vocation, la formation de militaire et l’appui logistique. Mais lorsque l’attentat terroriste a explosé le 11 septembre 2001, les Etats-Unis et le monde entier ont compris la priorité de mener la guerre contre le terrorisme.

Les SMP trouvent leurs terrains de prédilection et élargissent leurs zones d’actions en prêtant main forte à l’Etat dans sa lutte contre le terrorisme. Les SMP recrutent, forment les policiers et les militaires. Ils détiennent des équipements sophistiqués, leurs propres services de renseignement voire même, leurs propres prisons. Or, cela tend à effacer ou à cacher les rôles qui étaient attribués depuis toujours aux forces armées. En prenant part dans les conflits armés et en aidant des régimes ou des organisations à augmenter leur influence au niveau d’un territoire, les SMP visent les mêmes objectifs que les anciens mercenaires et adoptent les mêmes stratégies et comportements.

La différence réside en leur structure puisque les SMP sont bien organisées par rapport aux mercenaires de jadis. Elles sont aussi dotées de moyens techniques et financiers, mais aussi de ressources humaines beaucoup plus sophistiquées que les mercenaires d’autrefois. Par ailleurs, les mercenaires ont été condamnés par la loi alors que le statut des SMP reste encore flou. Dans cette optique, il est difficile de les classer parmi les acteurs privés ou les prolongements de l’Etat. Il a été constaté qu’ils agissent parfois en toute impunité alors qu’ils étaient amenés à maintenir la paix et la stabilité dans le monde.

Les SMP tendent alors à remplacer petit à petit les forces armées. En venant sur terrain, elles font parfois des bavures qui imposent à leurs sociétés leur rapatriement. Mais les forces armées qui restent sur place subissent la colère des populations d’autant plus que leur tâche devient difficile. Dans cette optique, il serait nécessaire que les forces armées s’améliorent et que la société actuelle prenne conscience de leur rôle pour la sécurité nationale, ainsi que la valeur de la défense nationale.

Mots-clés : société militaire privée, mercenaire, Etats-Unis, terrorisme, défense nationale

Introduction générale

Le 11 septembre 2001, les Etats-Unis mais aussi le monde entier a été secoué par l’effondrement des tours jumelles du World Trade Center après le crash programmé par Al Qaïda, de deux avions de ligne sur ces tours[1]. Alors que quelques années plus tôt, le monde se croyait en sécurité lorsque le mur de Berlin a chuté la nuit du 9 novembre 1989. Le mur de la honte qui a symbolisé le partage du monde en deux blocs s’est effondré[2]. Puis, en 1991, les Républiques soviétiques ont successivement proclamé leur indépendance, ce qui a conduit à la dislocation de l’URSS (Union des Républiques Socialistes Soviétiques)[3]. Pour une fois dans l’histoire, une guerre a pris fin sans que les belligérants n’aient recouru aux conflits armés. Le monde se croyait alors hors de tout danger. Mais les attentats terroristes aux Etats-Unis sont revenus lui rappeler que cette paix tant désirée est menacée.

Dès le début des années 1990, les Etats-Unis et l’Europe se sont lancés dans une lutte pour mettre fin au terrorisme islamiste. Cela a nécessité le renforcement des législations, et la promotion des coopérations antiterroristes internationales. Cependant, à partir de 2001, les luttes antiterroristes ont été multipliées par les Etats-Unis[4]. Dans cette optique, ils ont mobilisé les forces armées mais également, les sociétés militaires privées (SMP) comme Blackwater pour leur prêter main forte dans la longue et périlleuse guerre contre le terrorisme[5]. Alors qu’elles étaient fondées dès les années 1990, les SMP connaissent un développement rapide après les attentats du 11 septembre.

A leur début, plusieurs activités ont été attribuées aux SMP. Puis, elles s’impliquent de plus en plus dans le cadre de la lutte antiterrorisme. Plusieurs études ont été consacrées à ces SMP. Elles étaient destinées à analyser, développer et parfois, critiquer les interventions des SMP. Malgré ces différentes études jusqu’alors réalisées, les statuts des SMP et le contour de leurs zones et champs d’actions restent encore très floues. Parfois, considérées comme étant des acteurs privés, parfois comme des prolongements de l’Etat, la nature de leurs relations avec l’Etat constituent une zone d’ombre. Tantôt compris comme des mercenaires, tantôt comme simples employés d’entreprises, les rôles des contractors suscitent de nombreuses controverses qu’il convient de mettre à jour.

Cela nous amène donc à prendre en compte le mercenariat : ses origines, ses motivations, ses champs d’action, avant de pouvoir déterminer les points de convergence et de divergence entre mercenaires de jadis et SMP actuelles. Le mercenariat a été reconnu comme étant répréhensible puisqu’il incite à la violence et a été souvent associé à des instabilités. Le mercenaire a été condamné moralement et puni juridiquement[6]. Mais est-ce que les SMP d’aujourd’hui constituent les nouvelles apparences des mercenaires d’autrefois ? Souvent les SMP ont été assimilées à tort ou à raison, à des mercenaires, sans que des arguments ne viennent confirmer cette catégorisation. L’objectif de la présente étude est donc de caractériser les mercenaires et les SMP afin d’en tirer leurs similarités et leurs différences. Elle vise entre autres à contribuer à l’analyse des implications d’acteurs non officiels, dans le domaine de la défense nationale et de maintien de la paix. Ainsi, cette étude va tenter de répondre à la question suivante : Quelles sont les différences entre les mercenaires de jadis et les sociétés militaires privées d’aujourd’hui ?

Pour répondre à cette question, nous allons prendre un à un ces deux termes et les caractériser avant de faire une comparaison. Par conséquent, notre document se divise en trois parties. La première partie va porter sur les généralités concernant les mercenaires. Par la suite, elle va aborder les questions éthiques et politiques relatives aux actions des mercenaires. La deuxième partie sera destinée à l’analyse des SMP : leurs principales actions, leurs histoires. A l’instar du premier chapitre, les enjeux de l’émergence des SMP sera aussi analysée. Dans la troisième partie, la démarche méthodologique représentée par l’approche comparative va être développée avant d’entrer dans la comparaison des deux entités proprement dite.

Chapitre 1. Les mercenaires

Introduction partielle  

Depuis des millénaires, les mercenaires ont marqué l’histoire du monde dans le cadre de conflits armés. Puis, au fur et à mesure que le temps passe, le mercenariat tend à se généraliser. Leur présence a été signalée dans tous les continents. Dans la plupart du temps, le mercenariat a une connotation péjorative si bien que les mercenaires sont appelés parfois, les « chiens de guerres », « soldats de fortune » ou encore « affreux ». Considérés comme étant une menace, les Nations Unies établissent la Convention de Genève pour diminuer les activités mercenaires (Le Pautremat, 2003 : 208).

Malgré les différentes mesures adoptées par les Nations Unies et l’Organisation de l’Union Africaine (OUA), les activités des mercenaires ne cessent de croître. Plusieurs Etats les recrutent depuis le XXème siècle : le Royaume – Uni, les Etats-Unis, Israël, France, Belgique, Allemagne, Portugal, Russie et l’Afrique du Sud. Alors qu’auparavant, les activités mercenaires sévissaient en Europe, il a été constaté que ces dernières décennies, le mercenariat prospère en Afrique. Cela démontre que le mercenariat est loin de disparaître (Le Pautremat, 2003 : 210).

Au fil du temps, l’histoire du monde évolue et le mercenariat avec. La proclamation de la Convention de 1989 sur les mercenaires, par l’Organisation des Nations Unies et Organisation Internationales conduit à la condamnation des activités mercenaires (Treves, 1990 : 521). Dans ce cadre, les mercenaires et leurs recruteurs tendent à masquer ou à cacher leurs actions réelles dans un pays si bien qu’il est difficile pour l’observateur externe d’identifier le mercenaire parmi d’autres corps militaires. Plusieurs questions se posent alors : Qu’est-ce qu’un mercenaire ? Qu’est-ce qu’il fait ? Quelles sont ses caractères distinctifs par rapport aux forces armées, aux soldats, aux militaires, aux légionnaires ? Quelles ont été les étapes d’évolution de ce métier ?

Ce premier chapitre tente de répondre à ces différentes questions. Son ultime objectif est de comprendre ce qu’est le mercenaire. En effet, jusqu’ici de nombreux récits d’anciens mercenaires, des témoignages et des études ont été menées concernant les mercenaires. Mais aujourd’hui encore, des zones d’ombres persistent en ce qui concerne leurs activités et leur possible avenir en tenant compte du contexte actuel. Nous visons à déterminer le rôle des mercenaires dans leurs zones d’interventions et leur place dans la sécurité d’un pays, dans sa stabilité et dans sa politique générale.

Ce premier chapitre va être consacré à l’étude des mercenaires. Il comporte trois parties. Dans la première partie, nous allons définir le terme de mercenaires, ainsi que l’évolution de ce métier et les zones d’intervention des mercenaires. La deuxième partie va parler des rôles des mercenaires dans la politique mondiale. Pour ce faire, nous allons analyser trois cas : l’affaire des 32 mercenaires au Congo, le cas de Bob Denard aux Comores et le cas du Galloglass. Comme nous l’avons soulevé, le mercenariat est condamné par la Convention de 1989. Ainsi, il nous paraît indispensable de développer dans la troisième partie les enjeux éthiques et politiques relatifs au recrutement de mercenaires. Cela nous amène à analyser de prime abord, les textes juridiques relatifs aux actions des mercenaires. Par la suite, nous allons étudier les enjeux éthiques puis politiques du mercenariat.

  • Généralités sur les mercenaires
  • Définition d’un mercenaire

Du point de vue étymologique, le terme mercenaire vient du latin mercenarius, associant la racine merces et – edis signifiant salaire. A l’issue de cette signification latine, Larousse définit le mercenaire comme étant une personne « qui ne travaille que pour un salaire, qui est inspiré par la seule considération du gain »[7]. Cependant, cette définition de Larousse ne donne qu’une seule caractéristique des mercenaires : la recherche du gain, de salaire. Les interventions et l’existence des mercenaires se basent sur trois conditions : la capacité du mercenaire à combattre, la capacité de son recruteur ainsi que sa volonté à payer le mercenaire[8]. Or, le mercenaire ne pourrait être défini en considérant ce seul angle. Différents textes de lois internationales donnent une définition des missions du mercenaire, en soulignant ses raisons d’être ainsi que les différentes conditions permettant ses actions.

Le premier protocole additionnel des Conventions de Genève en 1977, article 47, donne six caractéristiques permettant de définir un mercenaire. Le mercenaire est une personne recrutée au niveau local ou à l’étranger pour combattre dans un conflit armé. Dans cette optique, il prend part directement dans les hostilités. Dans sa participation, le mercenaire bénéficie d’un gain privé nettement supérieure à celui attribué à un simple militaire. Dans sa mission, le mercenaire n’est pas issu d’un pays ou d’une partie qui entre en conflit et ne réside pas dans un territoire contrôlé par celle-ci[9]. Le mercenaire pourrait donc être considéré comme étant un acteur étranger ne prenant partie dans l’un ou dans l’autre camp lors de conflits entre deux opposants. Ainsi, Pilbeam (2015 : 196) le définit comme étant un « outsider ».

Mais des modifications ont été apportées à cette première définition par la Convention de 1989, sur les mercenaires, article 1 et 2. En effet, le premier protocole additif aux Conventions de Genève en 1977 limitait les missions du mercenaire aux seuls conflits armés. Pourtant, ils peuvent aussi intervenir même quand il ne s’agit pas conflits armés. La Convention de 1989 souligne que le mercenaire est « spécialement recrutée dans le pays ou à l’étranger pour prendre part à un acte concerté de violence visant à i) renverser un gouvernement ou de quelque autre manière, porter atteinte à l’ordre constitutionnel d’un Etat ou ii) porter atteinte à l’intégrité territoriale d’un Etat » cité par Treves (1990 : 525).

Ces deux définitions prêtent à des connotations négatives de la notion de mercenaire. Elles ne donnent pas des précisions concernant le statut du mercenaire sauf qu’il ne peut pas être considéré comme étant un membre de la force armée de la partie ou de l’Etat en conflit. Le mercenaire en cas de capture, ne peut pas être considéré comme étant un prisonnier de guerre et ne peut pas être rapatrié à la fin de la guerre. Le mercenaire ne constitue pas non plus, un combattant (Charles et Demy, 2010 : 337 – 338). Cela est en contradiction avec la vision d’Isocrate cité par Bouchet (2010 : 5) désignant le mercenaire comme étant tout d’abord, un combattant.

Dans certains cas, le mercenaire est confondu au soldat. Cependant, le soldat et le mercenaire sont différents. Alors que le premier est souvent associé à des troubles et à des faits à connotation négative, le deuxième est souvent associé à des causes nobles comme la protection, le combat pour la défense de la nation, la sécurité des citoyens, etc. Ainsi, le soldat serait motivé par la question de défense et de sécurité en d’autres termes, pour les intérêts de la Nation et pour le patriotisme. Le mercenaire pour sa part, est fortement motivé par son intérêt pécuniaire. D’ailleurs, son gain est largement élevé par rapport à celui d’un simple militaire. Cependant, même les soldats pourraient être motivés par l’argent (Pilbeam, 2015 : 194).

Bouchet (2010 : 10) cite Isocrate qui parle du mercenaire comme d’un soldat ou non mais un étranger qui vient vendre ses services pour un pays. Au Ier siècle, les conditions précaires de certains les oblige à devenir des mercenaires et en ce sens, à faire de la guerre leur gagne-pain. Mais dans ce cas, il serait difficile de faire la distinction entre un simple étranger et un mercenaire. C’est la raison pour laquelle, le mercenaire est toujours considéré par rapport à sa troupe. Les mercenaires constituent une troupe étrangère qui débarque dans un pays en conflit. Cela suppose une arrivée massive d’étrangers. Les non-mercenaires pour leur part, viennent individuellement et sont acceptés par les communautés locales (Bouchet, 2010 : 11).

Dans ces différents cas, l’implication de l’individu dans un conflit armé pendant une période déterminée est bien dictée par la recherche de salaire. Ainsi, plus le mercenaire arrive à éliminer les éléments gênants, plus il gagne des primes. Cependant, l’argent ne constitue pas la seule condition d’engagement de mercenaires dans un conflit armé. Il a été constaté que certains parmi eux sont des fanatiques et des fondamentalistes qui luttent pour leurs idéologies (Ledwoń, 2013 : 107).

  • Historique

L’existence des mercenaires va de pair avec la guerre. Depuis que la guerre a existé, les mercenaires ont été présents. Le mercenariat est considéré comme étant la deuxième profession la plus ancienne au monde. Dans l’ancienne Egypte, plus précisément, VII siècles avant JC, le Pharaon a déjà recruté des mercenaires pour se battre. C’est le cas par exemple du pharaon Psammétique I qui a recruté des soldats grecs (Ledwoń, 2013 : 101). Psammétique Ier, est le fils de Néchao Ier et se trouve à la base de la fondation de la XXVIème dynastie Saïte vers 663 jusqu’en 609 avant JC. Pour étendre son règne sur toute l’Egypte, il a dû recourir à de nombreux mercenaires grecs et cariens et chasser les Assyriens et les Ethiopiens[10].

Il a été rapporté également, que dans la partie Est de la Méditerranée, des mercenaires ont été utilisés 1200 ans avant JC. La fondation de l’Empire Egyptienne elle-même repose sur la création d’armées professionnelles, ce qui fait qu’elle constitue le premier recruteur de mercenaire au monde. Ramsès II ayant régné entre 1279 et 1213 avant JC est considéré comme étant un des rois les plus puissants d’Egypte. Mais dans sa quête, il a dû faire appel à des milliers de mercenaires. Ces derniers provenaient de la Nubie, de Libye, Canaan, et la Syrie. Ils intervenaient dans les zones où le Pharaon menait des campagnes militaires. En ce qui concerne le groupe de Sherdens, Ramsès II les a engagés pour accomplir des services militaires mais également, pour assurer sa protection. Par ailleurs, ces guerriers ont aussi participé au Combat de Kadesh, allant ainsi à l’encontre des Hittites en Syrie en 1274 (Howard, 2012 : 206 – 207).

Au IVème siècle avant Jésus-Christ, la présence de mercenaires a été déjà rapportée lors du démembrement de l’Empire d’Alexandre. Les mercenaires venaient alors en appui aux armées hellénistiques. Ils sont également intervenus lors des guerres puniques, en aidant l’armée carthaginoise. L’Empire Romain a aussi recruté des mercenaires afin d’étendre son influence. C’est ainsi qu’en 210 avant JC, des mercenaires Muttines ont permis aux Romains de gagner la ville d’Agrigente et de s’opposer aux Siciliens. De même, les mercenaires sont encore intervenus lors de la guerre des Gaules[11].

Au Moyen – Age, les mercenaires constituaient des éléments normaux au sein des armées européennes. A l’époque, ils se chargeaient de nombreuses tâches. Ils intervenaient lors des croisades (France, 2008 : 4). Les mercenaires étaient également recrutés par les Rois Français à Crécy en 1346, puis à Poitiers en 1356 (Ledwoń, 2013 : 102). Le contexte général pendant l’époque médiévale semble être propice au développement du mercenariat. Il atteint alors son apogée à cette époque dû au système féodal qui s’accompagne de contraintes militaires et d’enjeux politique et de pouvoir de la part des suzerains. C’est la raison du recrutement en masse de mercenaires (Lapointe, 2011 : 75). A cette époque, les mercenaires devaient trouver leurs propres armes et assurer leur propre subsistance. N’ayant pas de moyens, nombre d’entre eux trouvaient de la nourriture en pillant et en volant (Varin, 2015 :10).

Pendant la guerre de Cent ans (1337 – 1453), une troupe de mercenaires a déjà été organisé dans les Etats Italiens : les Condottieri. Leur développement semble aussi être corrélé avec la colonisation. Les mercenaires étaient devenus en effet, des entités permettant aux colonisateurs d’asseoir leur puissance coloniale. Alors qu’ils ont été faiblement engagés pendant les guerres mondiales, les Etats font appel à leurs services lors de la décolonisation[12]. L’Italie du XIVème siècle était propice au développement des activités des condottieres. En effet, à cette époque, l’Italie était constituée par des cités indépendantes, des petits Etats dirigés par des roitelets qui se sont battus pour gagner la suprématie sur tout l’Italie. Les mercenaires ont été recrutés dans le but de s’assurer le succès pendant la guerre. D’autre part, c’était aussi un moyen permettant de sécuriser la richesse de la ville et d’avoir de l’influence (Ledwoń, 2013 : 102).

En Angleterre, pendant la guerre de trente ans, les pertes humaines étaient considérables. C’est la raison pour laquelle, des mercenaires ont été engagés pour assurer le combat. Entre 1618 et 1640, environ 40 000 Ecossais ont été recrutés. Le recrutement des mercenaires répondait donc à la nécessité de réduire autant que faire se peut, les pertes humaines dans leurs armées officielles (Ledwoń, 2013 : 103). La guerre de trente ans a eu lieu en Europe centrale et a commencé suite aux oppositions de protestants de Bohême, empereur d’Allemagne, et le roi de Bohême Catholique. La guerre de trente ans a causé deux millions de combattants morts et plus de cinq millions de morts chez les civils. Les mercenaires ont été recrutés par la Ligue des princes catholiques dirigée par Maximilien 1er de Bavière. Les mercenaires du comte Jean de Tilly ont vaincu les protestants le 8 novembre 1620[13].

Les mercenaires ont été largement utilisés par la suite pour asseoir le pouvoir colonial. C’est ainsi que la Grande-Bretagne a mis en place la Compagnie anglaise des Indes Orientales en 1601 pour installer des comptoirs commerciaux ainsi que des routes permettant de faciliter les échanges entre l’Asie et la Grande-Bretagne. D’autre part, elle assurait la protection de pouvoir anglaise sur le territoire asiatique à travers les luttes de conquêtes de nouveaux territoires et de protection contre les indépendantistes.

Pendant les guerres mondiales, les actions des mercenaires étaient beaucoup plus discrètes. Mais quand vint la période de décolonisation, les « Affreux » ont fait surface. Les pouvoirs coloniaux tendent à faire appel aux mercenaires pour garder une certaine stabilité dans les anciennes colonies[14].

  • Zone d’intervention et champ d’action

Le champ d’action des mercenaires implique la guerre et les conflits. Le mercenariat se développe donc principalement dans les zones à conflits répétés comme l’Afrique (Kouame, 2013 : 2). Les zones d’intervention des mercenaires sont diverses. Ils sont présents partout du moment que les parties sont aptes à payer leurs salaires. Mais il a été remarqué que ceux-ci sont plus prédisposés à intervenir dans des pays riches que dans des pays pauvres, et plus particulièrement, dans les pays présentant des mines de diamant. Mis à part les zones d’intervention des Nations Unies, les mercenaires sont présents dans les zones qui subissent une augmentation des interventions étrangères[15].

Bien que les actions des mercenaires soient souvent mal vues par les peuples, leurs recruteurs, qui appartiennent souvent à la noblesse ou à la classe dirigeante, cherchent à défendre leur recrutement et leurs interventions par des bonnes causes. Dans l’Europe médiévale par exemple, les nobles et les chevaliers justifient le recrutement des mercenaires par l’accomplissement du devoir social consistant à protéger les pauvres et les personnes ne bénéficiant d’aucune protection. Or, dès le début, les mercenaires ont toujours été impliqués dans des conflits entre deux pays ou des conflits internes. C’est le cas par exemple du jeune roi Henri, qui, en 1183, s’est rebellé contre son propre père, Henri II à Limoges. Pour réussir son plan, il s’est d’abord lancé dans le recrutement d’alliés parmi l’aristocratie limousine et de mercenaires (France, 2008 : 2).

Dans de nombreux cas, le mercenaire est un étranger qui arrive et intervient dans un conflit armé dans un pays. Cependant, il peut également être un citoyen qui se bat pour la cause de sa propre partie. Mais ce cas est beaucoup plus rare. C’est le cas par exemple de Samos en 411 (Bouchet, 2010 : 2).

Autrefois, les mercenaires intervenaient pour protéger les biens de la ville. Ceci a été constaté à Naples par exemple. Au XIVème siècle, la royauté de Naples était aussi puissante que la royauté d’Angleterre. Ainsi, le recrutement de mercenaires semble légitime pour assurer la protection des richesses du royaume. Plus rarement, des individus aisés les recrutent afin d’assurer leur protection mais également, afin de jouir d’une certaine influence dans la seigneurie (Ledwoń, 2013 : 102). Le mercenaire peut donc intervenir pour assurer la stabilité interne d’une région. Il est le pilier de l’influence qu’exerce un régnant sur un autre, une zone ou un parti sur un autre. Il garantit également la protection d’un pays contre les agressions externes (Howard, 2012 : 206).

Les mercenaires sont appelés dans le cadre d’affrontements permettant d’assurer l’unité d’une population ainsi que dans le renforcement des armées qui ne disposent pas de moyens suffisants ni d’expériences permettant de gérer les instabilités au sein du pays. Cela a été observé par exemple au Congo après l’obtention de l’indépendance. En juillet 1960, deux provinces proclament leur indépendance : le Katanga dirigé par Moïse Tshombé et le Kasaï dirigé par Albert Kalondji. Le pouvoir centrale de Léopoldville qui devint Kinshasa se dispute avec le pouvoir d’Elisabethville et de Bakawanga pour assurer l’unité du Congo. La force armée coloniale de l’époque alors appelée Force publique est intervenu pour assurer l’ordre et l’unité des provinces. De leur côté, les dirigeants des provinces qui se proclament indépendants cherchent aussi à garder leur indépendance et se lancent dans la répression des interventions de la Force Publique. Mais la Force publique s’avère plus puissante par rapport aux forces engagées par les dirigeants des provinces. Ainsi, pour assurer leur victoire, ils ont fait appel aux services de mercenaires. Leur mission consistait donc à encadrer et à former les éléments armés déployés par les dirigeants des provinces. La province de Kasaï par exemple, a fait appel aux services du capitaine Coste et son équipe, tandis que le Katanga recrute des mercenaires composés par des sous-officiers et des officiers belges (Kouame, 2013 : 4).

Dans le nouvel Etat indépendant du Congo, les soldats sont faibles dû à l’absence de formation leur permettant d’assurer leur rôle. Par ailleurs, les soldats congolais se contentaient d’accomplir les ordres des officiers belges, anciens colonisateurs. Les Congolais ne pouvaient pas aller au-delà du grade de sergent-major. Ainsi, lors de l’indépendance, le commandement belge a quitté l’armée congolaise. Cette rupture s’est fortement répercutée sur l’Armée Nationale Congolaise (ANC) qui ne connait pas l’établissement de stratégie de défense et de sécurité. D’autre part, l’ANC souffrait aussi d’une désorganisation et de rivalités entre ses membres, d’appartenance différente. Ces différents faits l’ont affaibli et ne lui permettent pas de faire face aux rébellions des simbas en 1964. C’est ainsi, que le Premier Ministre Moïse Tshombé a recruté de nouveau les mercenaires du Katanga et des soldats katangais pour lutter contre les rebelles et pour assurer la sécurité des otages européens (Kouame, 2013 : 5 – 6).

Au cours du XIXème siècle, de nombreux pays ont établi une stratégie de protection basée sur le recours à des acteurs étrangers. Dans cette optique, le recrutement de mercenaires était un processus normal pour défendre la Nation. Ce recrutement répondait au besoin de sécuriser les nationaux des impacts négatifs de la guerre. Les seigneurs utilisaient les mercenaires afin de manifester leur pouvoir par la violence. Par ailleurs, les forces armées à la disposition de ces leaders étaient trop faibles en nombre pour pouvoir affronter l’ennemi d’où la nécessité de recourir aux mercenaires pour conquérir et contrôler les territoires (Varin, 2015 : 10).

  • Le rôle des mercenaires dans la politique mondiale
  • L’affaire des 32 mercenaires au Congo

L’affaire des 32 mercenaires a secoué la République Démocratique du Congo pendant l’année 2006. Les 32 mercenaires étaient composés de Nigérians, de Sud-Africains et d’Américains. Ils étaient employés par la société Oméga. Selon le ministre de l’Intérieur de l’époque, Théophile Mbemba Fundu, les 32 mercenaires étaient venus pour accomplir une mission militaire et politique pour déstabiliser le processus électoral et de renverser les institutions congolaises en place (Bonyi, 2008 : 22 – 23).

A quelques jours avant les élections législatives et présidentielles au Congo, des présumés mercenaires ont été arrêtés par les services de sécurité congolais suite à une traque ayant duré trois mois. La traque consistait à suivre les suspects et à identifier leurs lieux de rassemblements localisés notamment dans des lieux stratégiques de la capitale Congolaise. L’affaire des 32 mercenaires a commencé lorsque les services de sécurité congolais ont eu des doutes sur les réels objectifs de 32 individus qui affirment travailler pour la société de gardiennage Oméga. Les enquêtes ont permis de connaître que ces étrangers étaient des mercenaires, ayant suivi une formation militaire et proviennent d’Irak. La venue de ces mercenaires au Congo date de l’année 2005 jusqu’au début de l’année 2006[16].

La date d’arrestation de ces mercenaires coïncidait à une période délicate pour la RDC (période précédant les élections présidentielles et législatives). Il s’agit de la première élection « démocratique » depuis que la RDC a obtenu son indépendance. Or, le climat n’était pas à la quiétude. D’une part, il y Joseph Kabila, président sortant et désigné comme étant le candidat supporté par la Communauté Internationale. Dans cette atmosphère, les étrangers ont été arrêtés sous prétexte de perturber le processus électoral (Reyntjens, 2009 : 272).  Ils étaient également accusés de vouloir renverser le pouvoir sur place à l’époque, le régime Joseph Kabila. Ainsi, ils auraient travaillé en Irak avant d’acheminer au Congo et s’apprêtaient à réaliser des activités militaires. Leur culpabilité semble plausible d’autant plus que des matériels militaires auraient été trouvés chez eux[17].

Le professeur Oscar Kashala, un des candidats à la présidence et principal concurrent de Joseph Kabila est désigné comme étant impliqué dans le recrutement de ces mercenaires. Alors que le doute s’installe, les propos de Kashala ne laissent transparaître des démentis sur le fait que ces individus appréhendés n’étaient pas des mercenaires qu’il a recruté. Et pourtant, il reconnait que certains de ces mercenaires travaillaient pour son compte car, il sentait sa vie menacée[18].

Et malgré le fait que le Ministre de l’intérieur ait clamé publiquement la présence et l’arrestation de ces mercenaires par les autorités congolaises, le prétexte d’arrestation restait peu crédible aux yeux des observateurs. Le Comité International d’Accompagnement de la Transition (CIAT), dénonce une exploitation politique de la nouvelle sur les mercenaires et leur prétendu tentative de coup d’Etat (Reyntjens, 2009 : 272). Par ailleurs, il semblerait qu’il serait difficile pour des mercenaires d’organiser un coup d’Etat dans un pays où la Mission des Nations-Unies a mobilisé 16 500 casques bleus[19].

La manœuvre de création d’un coup d’Etat aurait donc pour objectif de disqualifier Kabila en l’éliminant du processus électoral et d’entrer au pouvoir. Cette manœuvre a été retrouvée en 2011, lors des élections présidentielles. A l’instar de ce qui s’est passé en 2006, Kabila a inventé une histoire selon laquelle, sa vie serait menacée par des mercenaires engagés par son concurrent Oscar Kashala dans l’unique but d’accéder au pouvoir[20].

Néanmoins, l’arrestation de ces étrangers s’est soldée par leur expulsion de la RDC et leur remise auprès de la justice de leurs propres pays, pour ce qu’ils ont tenté de faire au Congo. Mais afin d’éviter que de tels évènements ne se produisent de nouveau, le ministre de l’Intérieur, Mbemba Fundu interdit les activités des sociétés Mirabilis, Omega dont sont issus les 32 mercenaires et Tacticol Intelligence Investigations en RDC. L’arrêt de leurs activités permettrait en effet de réduire voire d’éliminer la couverture des actions mercenaires. Par ailleurs, la présence et les activités des mercenaires au Congo était non conforme à la loi qui interdit aux étrangers n’ayant pas vécu au Congo pendant cinq ans au moins de faire partie de société de gardiennage[21].

  • Bob Denard aux Comores

Bob Denard ne peut être séparé de l’histoire des Comores. La France était son principal recruteur,  mais il travaillait également pour le compte de chefs d’Etat Africains et du Moyen-Orient ainsi que pour des opposants. Mais dans tous les cas, Bob Denard a été toujours du côté des mouvements anti-communistes (Vermay, 2014 : 27). Les Comores ne constituent pas les seuls terrains de prédilection de Bob Denard. Il était connu aussi pour ses interventions dans des conflits suivant la décolonisation au Zimbabwe, Nigeria, Bénin, Angola, Zaïre et Gabon (Dagnini, 2008 : 127).

Les Comores, colonies françaises ont connu des périodes sombres de leur histoire. Alors que le vent de la décolonisation souffle et que la France se trouve dans l’obligeance de décoloniser ses anciennes colonies, celle-ci cherche toujours à garder une certaine influence sur les Comores. Pour la France, l’enjeu de la décolonisation réside d’une part, dans le contrôle de tous les archipels qui constituent les Comores, puis, dans la protection de ceux-ci contre le contrôle Soviétique. C’est dans cette optique, qu’elle a fait appel à Bob Denard. Celui-ci va se battre pendant vingt ans (Vermay, 2014 : 30).

Le 6 juillet 1975, l’indépendance des Comores a été proclamée unilatéralement par Ahmed Abdallah. Les Comoriens aspirent à la paix et à la prospérité. Mais deux mois après l’indépendance seulement, des fusillades ont eu lieu. Les milices d’Ali Soilihi constituaient les principaux intervenants. Ali Soilihi avait pour but de renverser Ahmed Abdallah. Le 21 septembre 1975, Ali Soilihi a engagé les troupes de Robert Denard dit Bob Denard pour contrer l’opposition menée par les rebelles d’Anjouan (Abdou Mdahoma, 2012 : 16 – 17). En renversant Ahmed Abdallah, Bob Denard a contribué  à l’installation d’Ali Soilihi. Et pourtant, il reviendra en 1978 afin de réinstaller Ahmed Abdallah[22]. Il forme 43 hommes pour l’aider à faire revenir Ahmed Abdallah au pouvoir[23].

L’installation d’Ahmed Abdallah s’est soldée par la mort du président Ali Soilihi, sous l’intervention de Bob Denard et l’accord de la France. L’ancienne colonisatrice croyait en effet trouver en Ahmed Abdallah, un allié potentiel qui pourrait l’aider à avoir une mainmise sur Maore et Moroni (Vermay, 2014 : 30 – 31). Cette intervention fût très bien accueillie par les riverains. Il a assuré par la suite, la protection du président Ahmed Abdallah en formant 500 hommes à devenir garde présidentielle, sous le commandement d’une quarantaine d’officiers européens. La troupe qu’il vient de mettre en place outre la protection du président, assure la stabilité des Comores[24].

Aux Comores, Bob Denard voulait s’affirmer en tant que chef militaire, politique et économique. Pour parvenir à ses fins, il se marie avec une comorienne avec laquelle, il aura des enfants. Puis, il se convertit à l’Islam et devient Saïd Mustapha Mahdjoub. Mais son statut aux Comores dépasse largement celui du simple mercenaire dans la mesure où il intervient dans les évènements marquant l’histoire post-coloniale des Comores. Bob Denard constitue l’homme fort, l’homme de terrain qui met en place ou renverse le président Comorien. Denard commande aussi des officiers, des sous-officiers et des hommes de troupes pour réaliser les opérations. Il n’hésite pas à investir dans les frais de fonctionnement et l’équipement de ses troupes et devient un acteur incontournable aux Comores. Mais sa force et son efficacité semblent aussi découler du fait qu’il avait des liens avec plusieurs Chefs d’Etat Africains ainsi que par ses liens avec les services secrets, les intellectuels et les journalistes qui lui fournissent des informations. Mis à part la France, Bob Denard travaillait aussi pour le compte de multinationales françaises, gabonaises, marocaines, etc. (Vermay, 2014 : 32).

Aux Comores, Bob Denard assurait plusieurs fonctions : formation de militaires pour la protection et la sécurité du pays, avec l’aide de réservistes. L’écoute téléphonique lui permet d’assurer la protection du président ainsi que des membres du gouvernement. Dans la garde de la stabilité du pays, il fait des actions de surveillance des opposants et des administrations, et des frontières surtout, de l’aéroport d’Hahaya. De par ses multiples expériences et savoir-faire, Bob Denard peut même intervenir dans le cadre des décisions gouvernementales. Son influence sur le président et la décision politique prise par l’ensemble des exécutants vient du fait, qu’il est l’homme fort qui peut faire tout basculer en passant un simple coup de téléphone. Ahmed Abdallah était mieux placé pour connaître l’efficacité de Denard dans le renversement et l’installation de nouveau président. Ainsi, il décide de ne pas aller à l’encontre du mercenaire (Vermay, 2014 : 32 – 33).

Quelques années plus tard, dans la nuit du 27 septembre 1995, Bob Denard est revenu aux Comores pour renverser Saïd Mohamed Djohar. A ses côtés se trouvent une trentaine d’hommes, un tireur d’élite et son pilote privé, le lieutenant Blancher[25]. Le témoignage du président Djohar a permis de connaître que cette nuit-là, son garde personnel n’a pas réagi pour le protéger. 25 gardes assuraient la sécurité du président et pourtant, cinq mercenaires seulement dont, Denard sont parvenus à les désarmer. Alors, le chef de la sécurité, était entré avec Bob Denard pour convaincre le président de la nécessité de se rendre. A 22 heures, le président a été entraîné à l’ambassade de France[26]. Cette opération était aussi la dernière que Bob Denard a entreprise. Après ce dernier coup d’Etat, Bob Denard va revenir définitivement en France, où il sera poursuivi en justice[27].

  • Le Galloglass

Le Galloglass constitue une troupe de mercenaires qui a vécu pendant le 13ème jusqu’au 16ème siècle en Irlande, engagé par les chefs militaires irlandais. Ces derniers cherchaient en effet à rester au pouvoir et payaient ces hommes pour devenir des avant-gardes pendant la guerre. Pendant les périodes calmes, les Galloglass assuraient la protection privée des chefs irlandais. Les Galloglass sont originaires de l’Ecosse et l’Islande (Cannan, 2010 : 4).

La création du Galloglass s’inscrit dans l’histoire de la reconquête de l’Irlande sous l’emprise des Anglais depuis que le roi de Leinster Dermot Mac Murrough, est au pouvoir. La guerre a été entamée dans le but de reconquérir l’Irlande. Les chefs irlandais se sont opposés aux Anglais mais ont échoué. C’est la raison qui les a poussés à recourir aux services de combattants étrangers. Ces derniers vont former les Galloglass (Cannan, 2010 : 7).

Ces premiers se sont installés au Nord de l’Irlande puis, ont élargi leurs champs d’action à toute l’Irlande. A l’époque, les mercenaires écossais étaient des gentilshommes mineurs et qui voulaient être considérés comme étant des héros, volant au secours des Irlandais. Mais certains d’entre eux trouvent également en l’Irlande, une nouvelle terre à exploiter. Le recrutement par les chefs irlandais constitue en effet, une nouvelle opportunité pour les Galloglass d’acquérir de l’argent et de bénéficier d’un certain pouvoir en Irlande (Cannan, 2010 : 7).

Bien que les Ecossais sont déjà des personnes formées à la guerre et se considèrent comme tels, ils n’étaient pas nombreux. Ainsi, pour compléter leur troupe, ils ont recruté des Irlandais pour les aider. Les recrus par le Galloglass étaient pour la plupart, des jeunes paysans et des personnes défavorisées (Cannan, 2010 : 8).  Ils étaient des acteurs importants dans la guerre entre les Ecossais et les Irlandais. Mais ils travaillent aussi saisonnièrement pour le compte de lords irlandais. Ils sont recrutés principalement comme aides personnels ou garde de corps car, étant étrangers, ils ne sont pas influencés par les rumeurs locales[28].

Dans la plupart des cas, les pertes humaines au sein du Galloglass sont aussi importantes, ce qui pousse leur commandant à recruter de nouveaux éléments. Ces derniers peuvent être des brigands, des jeunes fils des nobles que ceux-ci n’ont pas reconnus, des garçons d’écurie ou des servants, des renégats. En d’autres termes, les Galloglass étaient composés de personnes au bord du désespoir et des individus rejetés par la société pour leur violence. Leur sélection reposait non pas sur leur savoir-faire, mais sur leur gabarit et leur force physique (Cannan, 2010 : 12 – 13).

Il existait deux types de Galloglass : d’une part, ceux qui étaient engagés par les nobles pour assurer leur protection pour une longue durée, et d’autre part, ceux qui partaient à la recherche de personnes pour les engager dans les guerres. Comme les conflits ne duraient pas, ce deuxième genre de mercenaires se trouvait dans l’obligeance de partir pour trouver de nouveaux recruteurs. Les Galloglass travaillaient pour toute personne capable de les payer. Souvent, il s’agit de lords qui s’attaquaient à d’autres lords pour conquérir de nouveaux territoires ou pour affirmer leur puissance. Mais dans cette pratique, les deux belligérants peuvent faire appel à deux troupes de Galloglass. Ces derniers entrent alors dans une lutte sans merci pouvant même entraîner la mort (Cannan, 2010 : 24 – 25).

Parfois, les contrats avec les Galloglass consistaient à tuer des personnes importantes comme des prétendants au trône. Ce fût le cas de MacCabes qui a été engagé par les O’Reillys pour tuer le prince héritier, fils de O’Rourke en 1402. Dans certains cas, le recruteur demandait au mercenaire de tuer un membre de sa propre famille. Le cas de Rory O’Connor, tué par des Galloglass engagé par la fille de Manus O’Connor (Cannan, 2010 : 25).

En Irlande à cette époque, le recrutement d’un Galloglass permettait d’assurer la sécurité mais constituait entre autres, un moyen de manifestation de la puissance d’un lord. Ainsi, les différents lords se lançaient dans une compétition pour retenir le plus longtemps possible et le plus grand nombre de Galloglass. Pour ce dernier, le fait d’être recruté par un lord lui fournit des avantages. En effet, son recruteur lui donne des accommodations lui permettant de vivre convenablement, sinon confortablement. Parfois même, le Galloglass dispose de servants pour lui faire la cuisine. D’autre part, son statut lui confère du respect vis-à-vis des autres servants et des personnes au service du lord (Cannan, 2010 : 29).

  • Les enjeux éthiques et politiques du recrutement des mercenaires
  • Les textes juridiques relatifs aux actions des mercenaires

Le droit de neutralité a permis de considérer les interventions des mercenaires comme étant des actes répréhensibles. En effet, il est difficile de penser qu’un Etat adopte la neutralité lorsqu’un ou plusieurs de ses citoyens sont impliqués dans des conflits armés. Aux Etats-Unis, à partir de 1793, le président Georges Washington soulignait qu’il est impossible pour les Etats-Unis d’Amérique d’offrir sa protection aux citoyens Américains qui s’impliquent dans les conflits d’autres pays. Et en 1794, la Neutrality act a vu le jour. Par la suite, le droit de neutralité a été appliqué par de nombreux autres Etats. Ce droit stipule qu’un pays doit « faire preuve d’impartialité à l’égard d’un conflit armé en s’abstenant d’intervenir en faveur des belligérants » (Lapointe, 2011 : 76 – 77).

Mais cette première approche n’a pas mentionné de manière claire le mercenariat. De même, aucune mesure n’est prise afin de limiter les actions des mercenaires. Les méfaits des mercenaires ont été encore une fois observés lors de la décolonisation de pays Africains. Ces derniers sont alors intervenus pour clamer leurs droits dans le cadre de forums internationaux. En 1968, l’Assemblée Générale des Nations Unies (AGNU) conclut que « la pratique consistant à utiliser des mercenaires contre les mouvements de libération nationale et d’indépendance est un acte criminel et que les mercenaires eux-mêmes sont des criminels hors-la-loi, et demande aux gouvernements de tous les pays d’adopter des lois déclarant crimes punissables le recrutement, le financement et l’instruction de mercenaires sur leur territoire et interdisant à leurs ressortissants de s’engager comme mercenaires » (cité par Lapointe, 2011 : 79 – 80).

La 62ème session de l’Assemblée Générale des Nations Unies adopte entre autres, la Résolution 62/145 portant sur l’utilisation des mercenaires. Dans cette optique, le recrutement de mercenaire constitue un acte répréhensible et de violation des droits humains et empêche le respect de l’autodétermination des peuples. Les mercenaires sont désignés comme étant des menaces et des dangers pour la paix et la sécurité dans les pays en voie de développement, notamment en Afrique et dans les petits Etats (Assemblée Générale des Nations Unies en 2007, cité par Gumedze, 2008 : 3).

Mais ce ne sont pas uniquement les mercenaires eux-mêmes qui sont tenus comme étant les seuls responsables de ce crime. Il y a aussi la responsabilité de leurs recruteurs notamment, les Etats. C’est la raison pour laquelle, l’article 5 de la Convention de 1989 sur les mercenaires cité par Treves (1990 : 531) a été formulé. Selon cet article, « Les Etats parties s’engagent à ne pas recruter, utiliser, financer ou instruire de mercenaires et à interdire les activités de cette nature conformément aux dispositions de la présente Convention ».

Comme la plupart des zones d’intervention des mercenaires se trouvent en Afrique, l’Organisation de l’Unité Africaine (OUA) a établi une Convention sur l’élimination du mercenariat en Afrique. Cette convention a été signée à Libreville le 3 juillet 1977. Dans cette convention, les Etats Africains reconnaissent que le mercenariat constitue une « grave menace … pour l’indépendance, la souveraineté, la sécurité, l’intégrité territorial et le développement harmonieux des Etats membres de l’OUA ». Dans cette optique, le mercenariat correspond à un crime qui mérite d’être sanctionné. Ainsi, la Convention de l’OUA sur le mercenariat désigne dans l’article 2 les responsables de ce crime : « Commet le crime de mercenariat l’individu, groupe ou association, le représentant de l’Etat ou l’Etat lui-même qui, dans le but d’opposer la violence armée à un processus d’autodétermination, à la stabilité ou à l’intégrité territoriale d’un autre Etat, pratique l’un des actes suivants

  1. Abriter, organiser, financer, assister, équiper, entraîner, promouvoir, soutenir ou employer de quelque façon que ce soit des bandes de mercenaires ;
  2. S’enrôler, s’engager ou tenter de s’engager dans lesdites bandes,
  3. Permettre que dans les territoires soumis à sa souveraineté ou dans tout autre lieu sous son contrôle, se développent les activités mentionnées dans l’alinéa a) ou accorder des facilités de transit, transport ou autre opération des bandes susmentionnées».

Dans cette optique, il est admis que « toute personne physique ou morale qui commet le crime de mercenariat tel que défini au paragraphe 1er du présent article, commet le crime contre la paix et la sécurité en Afrique et est punie comme telle ». Mais il y a surtout circonstance aggravante lorsqu’une entité décide d’ordonner le mercenaire à intervenir dans tel ou tel endroit.

L’article 7 concerne les sanctions découlant de la constatation de ce crime. Ainsi, il est stipulé que « tout Etat contractant s’engage à punir de la peine la plus sévère prévue dans sa législation, l’infraction définie à l’article 1er de la présente convention, la peine applicable pouvant aller jusqu’à la peine capitale »[29].

L’existence de différents textes de loi interdisant le recours aux services de mercenaires démontrent la reconnaissance des actions mercenaires comme étant des actes répréhensibles. Cependant, elle n’a pas pu abolir les interventions des mercenaires. En d’autres termes, les textes juridiques visent à contrôler et à limiter les désavantages causés par le mercenariat mais ne cherche aucunement à l’éradiquer. Ceci vient du fait que les mercenaires constituent des éléments intéressants lors des conflits internes ou opposant deux ou plusieurs Pays (Lapointe, 2011 : 83).

  • Les enjeux éthiques des actions des mercenaires

Le troisième concile de Latran en 1179 a déjà condamné le mercenariat ainsi que toutes les parties impliquées dans leur recrutement. En effet, des actes barbares ont été attribués aux mercenaires. Pendant la croisade, ils tuaient sans distinction de sexe ou de statut (France, 2008 : 2). Motivés par l’argent, le mercenaire pourrait être tenté de « servir pour l’argent »[30] et non pas pour la Nation pas même pour son recruteur. Mais ce geste ne pourrait être admis moralement.

Comme les mercenaires sont motivés principalement par le gain dans leurs missions et qu’ils ne sont pas limités par des causes éthiques, leurs relations avec leurs commanditaires deviennent problématiques. En effet, ceux-ci se trouvent en situation de faiblesse et de dépendance vis-à-vis d’eux. Les mercenaires peuvent se retourner contre eux et travailler pour le compte de leurs concurrents qui sont plus offrants. Les mercenaires se retirent tout simplement du champ de bataille, mais dans cette optique, leurs commanditaires ne peuvent pas toujours intervenir puisque les mercenaires ne conçoivent pas leurs missions comme étant une obligation morale ou légale. Ils ne sont pas non plus régis par des disciplines permettant à leurs commanditaires de les sanctionner en cas de non accomplissement de leurs devoirs[31].

Owens cité par Baker (2011 : 32) dénonce que le mercenariat porte préjudice à la souveraineté de la Nation. En effet, la souveraineté implique que l’Etat soit en mesure de régulariser ses forces armées et policières en éliminant, les acteurs privés tels que les mercenaires et les pirates. Un Etat souverain fait appel à ses propres citoyens pour prendre sa défense et ne recourt pas aux mercenaires. De plus, les mercenaires ne sont pas des citoyens du pays dans lequel, ils travaillent, et ne font leurs missions que pour l’appât du gain et non pas pour la défense de l’Etat. Ainsi, leur présence sur terrain ne peut être justifiée (Baker, 2011 : 33).

Et pourtant, il est intéressant de remarquer que toutes les actions des mercenaires ne sont pas toutes répréhensibles. Certes, ils ne font pas partie de l’armée officielle et légale, et ne sont pas originaires du pays où ils travaillent. Néanmoins, leurs interventions ont servi à plusieurs reprises. Les mercenaires américains, pilotes du Flying Tigers par exemple, sous le commandement du Capitaine Claire Chennault ont aidé les Chinois à combattre les Japonais. Certes, ils obtenaient des primes pour chaque succès mais ils étaient aussi motivés par l’aventure et peut-être aussi, par l’envie d’aider les Chinois (Baker, 2011 : 34).

Les relations entre les mercenaires et leur recruteur sont beaucoup plus complexes par rapport à la définition fréquente adoptée à l’endroit de ces chiens de guerre. Auparavant, des biens matériels comme l’hébergement et l’alimentation mais surtout, une rémunération importante conditionne les relations entre le recruteur et le recruté. Mais leurs échanges ne se limitent pas uniquement à la négociation quant aux activités à faire et à la somme à payer. Cela a été observé par exemple, dans le cas de Bob Denard au Congo. Celui-ci semble avoir développé des relations plus complexes avec la France. Ainsi, son intervention aux Comores ne peut pas être considérée comme une aventure comme tant d’autres, mais bel et bien comme une démarche motivée pour des raisons politiques et peut-être personnelles (Steinhoff, 2011 : 138)

  • Les enjeux politiques des actions des mercenaires

Les mercenaires peuvent être des éléments qui conduisent à des instabilités politiques. Le Congo, ancienne colonie belge, était aussi convoité par la France qui voulait s’affirmer en tant que puissance coloniale. Par ailleurs, l’influence française au Congo permettrait à celle-ci de contrôler les ressources minières dans les régions congolaises et de s’approvisionner en matières premières. C’est la raison qui a poussé la France à donner son appui à la rébellion katangaise. La France ainsi que la Belgique sont intervenues pour recruter les mercenaires et pour envoyer les militaires au Katanga. Mais le président Joseph Mobutu a vaincu. La France a donc décidé de l’appuyer afin d’obtenir certaines faveurs. Mais Mobutu se range du côté des Etats-Unis. La France a donc cherché à l’écarter du pouvoir sans succès. Ainsi, elle a déclenché la mutinerie contre Mobutu, par les mercenaires (Kouame, 2013 : 10).

Dans le cadre de la décolonisation, le recours aux services des mercenaires a été mal vu et était considéré comme étant un acte permettant aux puissances occidentales de s’affirmer et de tirer profit de la situation. Nombre de mercenaires ont été recrutés par des leaders africains et des partis politiques métropolitains dont les peuples n’étaient pas contents[32]. Ce fut le cas de la France par exemple, qui s’est impliquée dans de cas de recrutement de milices et de mercenaires et dans des coups d’Etats dans de nombreux pays Africains, anciennes colonies. Alors qu’une nouvelle donne exige des anciens colonisateurs la décolonisation, ceux-ci cherchent de nouvelles stratégies permettant de garder la mainmise et l’influence sur les anciennes colonies. Or, ces dernières sont détentrices de plusieurs ressources tant convoitées par les colonisateurs. Bon nombre des anciennes colonies françaises possèdent toutes des ressources minières, des ressources naturelles permettant de servir les grands groupes français. C’est ainsi que plus de 40% des richesses de la Côte d’Ivoire ont servi les entreprises fançaises (Dagnini, 2008 : 117).

Mais outre les influences économiques de la France sur ses colonies, il a été démontré que les influences économiques conduisent à une influence politique de l’ancienne colonisatrice sur ses colonies. La décolonisation n’est qu’une façade mais le néocolonialisme persiste et continue de plus belle. Désormais, les multinationales françaises et les acteurs politiques utilisent l’argent découlant des ressources africaines pour recruter les mercenaires, les milices et par la suite, d’intervenir par le biais de leurs acteurs locaux (leaders) pour influencer les décisions politiques. Les interventions des mercenaires constituent dans la grande majorité des cas, des opportunités pour mettre en place des « élus » de l’ancienne colonisatrice. Les coups d’Etat peuvent être des moyens permettant d’installer leurs « élus » sur la place politique stratégique (Dagnini, 2008 : 117).

Le cas de Denis Sassou-Nguesso au Congo-Brazzaville constitue une illustration de l’implication des mercenaires dans des instabilités politiques d’un pays. Tout commença en 1979, lorsque le président Denis Sassou-Nguesso accède au pouvoir suite à l’appui de la société française Elf. L’accession au pouvoir de ce président permettait à la société Elf de ne payer que 17% de redevances sur la production pétrolière. Cette somme dérisoire était payée par Elf avec la connivence de l’Etat. En 1992, une nouvelle élection présidentielle a eu lieu au Congo-Brazzaville (Dagnini, 2008 : 120).

Elle se solda par l’élection de Pascal Lissouba. Arrivé au pouvoir, ce dernier prit comme priorité l’augmentation de la redevance pétrolière de la société Elf de 16%. Dans cette optique, Elf doit payer 33% de redevance pétrolière à l’Etat. Elf ne tarda pas à induire une guerre civile au Congo-Brazzaville de 1997 jusqu’en 1998 afin de réinstaller Sassou-Nguesso. Des banques viennent à l’aide d’Elf pour financier les milices de Sassou-Nguesso. Les mercenaires dirigés par Paul Barril viennent aussi à la rescousse pour faire revenir Denis Sassou-Nguesso, ce qui fût en octobre 1997 (Dagnini, 2008 : 120).

Mais l’influence de la France semble encore prépondérante dans la décolonisation et les conflits post-coloniaux africains dans la mesure où c’étaient des mercenaires français qui étaient principalement recrutés par les bélligérants. Certes, des intervenants d’autre nationalité étaient sollicités mais la plupart était Français. Pour la sécession  du Congo-Léopoldville de 1960 jusqu’en 1963 par exemple, les Français ont été recrutés pour leur savoir-faire. Les postes de commandements étaient peuplés de mercenaires français. Et dans cette optique, ils étaient plus considérés comme étant des représentants de la France que des mercenaires. Afin d’étendre et de prolonger son influence sur l’Afrique, la France à travers Jacques Foccart a mis en place un système mercenaire, ce qui comporte un enjeu politique notable[33].

En Afrique, l’implication des mercenaires dans des troubles politiques a été largement répandue depuis longtemps. Dans presque tous les pays africains, les mercenaires sont recrutés en cas de guerre interne, dans des coups d’Etat. En Côte d’Ivoire par exemple, le président Laurent Gbagbo, ayant été vaincu aux élections présidentielles a recruté des mercenaires venant du Liberia en 2010 afin de combattre le nouveau président élu, Alassane Ouattara[34].

Conclusion partielle

Ce premier chapitre nous a appris que la définition du terme « mercenaire » est une entreprise difficile tant, son profil est controversé. Jugé comme étant des personnes motivées uniquement par l’appât du gain, l’analyse des missions de Bob Denard aux Comores et des Galloglass, semblent montrer que la désignation du salaire comme étant la principale préoccupation des mercenaires prête à confusion. Ces derniers peuvent être motivés par d’autres facteurs notamment, l’aventure et le combat voire même, une conviction personnelle. Mais dans tous les cas, le mercenaire est une personne qui prend part aux conflits armées et qui n’est pas issue d’une partie des bélligérants. Tantôt considérés comme étant des « chiens de guerre », tantôt héros et « sultan blanc des Comores », la personnalité, les motivations et les actions des mercenaires sont difficiles à saisir.

Le mercenariat est un des plus anciens métiers du monde. Les mercenaires ont toujours été présents pour chaque évènement de l’histoire et notamment, pour les conflits depuis l’Egypte ancienne. D’ailleurs, la guerre a toujours nourri les mercenaires. Au fil des siècles, ils ont toujours été recrutés par les dirigeants, les lords, les leaders ou les riches afin de veiller sur leurs biens, les protéger, combattre pour eux. Le recrutement de mercenaires constitue donc une démarche stratégique pour assurer sa défense et pour gagner du territoire ou encore, pour avoir de l’influence sur une population, un territoire. C’est ainsi, que Bob Denard a été impliqué dans des coups d’Etat en Afrique pour renverser le pouvoir sur place et installer un autre, qui réponde mieux aux attentes de ses recruteurs notamment, la France.

Les cas de mercenariat étudiés dans ce premier chapitre laisse constater que les mercenaires ont été présents non seulement sur le continent Africain, mais aussi sur d’autres continents. Mais au fur et à mesure que le temps passe, la convoitise des puissances coloniales les attire vers les pays africains qui regorgent de ressources naturelles, de pierres, de terres rares et d’or, de pétrole et de gaz. La colonisation a été une première démarche qui les a permis d’avoir une influence sur leurs colonies et d’affirmer aussi leurs places en tant que puissances coloniales, mais également de s’approvisionner en ressources. Après les deux guerres mondiales, le vent de la décolonisation souffle et les anciennes colonisatrices se trouvent dans l’obligeance de décoloniser leurs colonies. Elles vont alors tenter de nouvelles stratégies pour garder leurs influences et pour orienter la politique locale de leurs anciennes colonies.

Dans cette approche, le recours aux mercenaires semble indispensable. Limités au rang de subalternes, les soldats des pays anciennement colonisés ne possèdent pas dans la grande majorité des cas, le savoir et l’expérience requis pour gérer les conflits et assurer la sécurité des citoyens. Ainsi, lors des guerres de sécessions, les soldats n’ont pas été à la mesure de prendre des décisions. Ceci a été exploité par les anciennes colonisatrices pour recruter des mercenaires afin de « rétablir l’ordre ».  Les mercenaires ont été également sollicités lorsque les pays puissants désirent remplacer un régime sur place par un autre, qui vont orienter se politique vers leurs intérêts. Dans le cas du Galloglass par contre, les mercenaires ont été payés pour tuer l’ennemi, conquérir les terres et enfin, manifester ses pouvoirs.

S’il est admis que la guerre nourrit et pérennise le mercenariat, alors cette activité ne cessera pas jusqu’à la fin du monde. En effet, malgré l’aspiration à un monde en paix semble être un idéal que l’Homme ne parvient pas à atteindre. Et pourtant, depuis que la guerre froide a cessé, les activités des mercenaires semblent s’être arrêtées. Après avoir étudié les généralités sur le mercenaire, nous allons analyser dans le chapitre suivant les Société Militaires Privées notamment, leur émergence et leurs activités dans le monde.

Chapitre 2. Les sociétés militaires privées

Introduction partielle  

Après la deuxième guerre mondiale, le monde assiste à une nouvelle forme de conflits entre les deux puissances mondiales : les Etats-Unis et l’URSS qui présentent des valeurs différentes et détiennent d’importants moyens militaires. Cela a conduit à la bipolarisation du monde dans lequel, les deux Grands cherchent à manifester leur suprématie et leur force à partir de 1945 et ne se termina qu’en 1990. Pendant ces quarante cinq ans d’affrontements entre le bloc communiste et le bloc capitaliste, la guerre froide a pris fin en 1990. La chute du mur de Berlin en novembre 1989 suivie de la signature du traité d’unification allemande le 12 septembre 1990 constitue un évènement crucial dans la fin de la guerre froide. En avril 1991, la composante militaire du pacte de Varsovie. La guerre froide a pris fin après de nombreuses tentatives pour empêcher l’extension du communisme[35].  La dissolution de l’URSS (1991) a marqué aussi la fin de cette guerre froide.

Beaucoup d’espoirs sont nés de la fin de cette guerre : un meilleur principe d’organisation et de fonctionnement. Ainsi, le monde est devenu témoin de la mondialisation des échanges ainsi que de l’interdépendance économique. Mais avec cela implique aussi un nouvel ordre mondial et une nouvelle donne à l’échelle internationale. Comme la guerre s’est terminée sans qu’il n’y ait eu d’affrontements militaires, alors le monde pensait que la paix était rétablie[36]. Outre le développement économique, le monde a été aussi témoin de l’émergence de nouvelles formes d’entreprises privées appelées Sociétés Militaires Privées (SMP). Selon l’association caritative britannique War on Want, les SMP ont fortement augmenté depuis le lancement de la guerre contre le terrorisme. Leurs recettes sont estimées à des milliards de dollars répartis dans plusieurs pays. Leur recrutement est même devenu indispensable ces dernières années comme l’affirme le directeur exécutif de War on Want, John Hillary quand il affirme que « Le fait que les gouvernements et les entreprises aient recours à des armées privées était autrefois une exception. C’est aujourd’hui devenu la norme, les Etats et les sociétés refusant d’assumer la responsabilité de l’usage de la violence et de la force »[37].

Bien que les SMP aient déjà été fondées dans les années 1990, il existe encore des zones d’ombres en ce qui concerne leurs rôles au sein de la société actuelle et plus particulièrement, dans le domaine de la défense et de la sécurité des citoyens. Ce deuxième chapitre consacré à l’étude des SMP a pour objectif de caractériser les SMP et leurs activités. Il tente entre autres, de déterminer l’origine des SMP ainsi que les contextes ayant conduit à leur développement dans le but de faire une projection de leur avenir. Ces tentatives visent également à faire le discernement entre les mercenaires de jadis et les SMP.

La première partie de ce chapitre va porter sur la caractérisation et la définition des SMP. Cela consiste à déterminer leur origine ainsi que leur zone d’intervention et leur champ d’action. Puis, nous allons analyser dans une deuxième partie, les actions de quelques SMP bien reconnues à l’échelle mondiale : Blackwater, Executive Outcomes et Dyncorp. Enfin, la troisième partie va porter sur les enjeux de l’émergence des SMP. En ce sens, nous allons déterminer les implications des SMP dans la sécurité dans le monde, les enjeux relatifs à leur compétitivité par rapport aux militaires officiels et quelques illustrations des faits rapportés sur leurs activités illégales.

  1. Généralités sur les sociétés militaires privées (SMP) ou entreprise militaire privée de sécurité  (EMSP) ou entreprise de services de sécurité et de défense (ESSD)
  2. Définition d’une société militaire privée

Le document de Montreux cité par de Gendt (2013)[38] définit les sociétés militaires privées (SMP) comme étant « des entités commerciales privées qui fournissent des services militaires et/ou de sécurité. Les services militaires et/ou de sécurité comprennent en particulier la garde armée et la protection de personnes et d’objets tels que les convois, les bâtiments et autres lieux ; la maintenance et l’exploitation de systèmes d’armement ; la détention de prisonniers ; et le conseil ou la formation des forces locales et du personnel de sécurité local ».

A l’instar des mercenaires de jadis, les Sociétés Militaires Privées (SMP) sont engagés par l’Etat. Mais il est également possible qu’ils soient sollicités et payés par des multinationales à des fins de protection d’installations[39], des entreprises humanitaires ou gouvernementales (Carmola, 2010 : 1). Remy (2011)[40] donne la définition suivante de la SMP : « une société commerciale qui fournit contre rémunération des services militaires ou de sécurité par l’intermédiaire de personnes physiques ou morales » et ajoute leurs actions telles que : « des services spécialisés liés à des activités militaires, y compris la planification stratégique, le renseignement, les enquêtes, la reconnaissance terrestre, maritime ou aérienne, les opérations de vol avec ou sans pilote de quelque type que ce soit, la surveillance par satellite, tout type de transfert de connaissances ayant des applications militaires, l’appui matériel et technique aux forces armées et les activités connexes, …, la garde et la protection armée de bâtiments, installations, biens et personnes, tout type de transfert de connaissances ayant des applications en matière de sécurité ou de police, la conception et la mise en œuvre de mesures de sécurité de l’information et les activités connexes ».

Doug Brooks cité par Henry (2011 : 17) affirme que les SMP sont des « sociétés cherchant le profit et proposant tout l’éventail des services légaux qui étaient auparavant fournis par les armées nationales ». Les personnes qui travaillent au sein des SMP sont considérées comme étant, les nouveaux mercenaires. Cependant, contrairement à ce qui était souvent observé chez les mercenaires de jadis, les mercenaires formés par les SMP peuvent être recrutés sur place. Par ailleurs, en se basant sur la définition des interventions faites auparavant par Remy (2011), il est indéniable que les SMP ne suivent pas seulement les actions faites par les anciens mercenaires. Parmi leurs agents, il existe ceux qui ne sont pas envoyés et ne participent pas aux hostilités dans les zones de conflits, mais restent dans un bureau pour faire des études, des analyses (Isenberg, 2009 : 7). Les SMP sont considérées comme étant des sociétés de mercenaires et pourtant, leurs actuelles actions ne laissent pas constater des similarités. Les SMP sont considérées comme des soldats privés qui se distinguent des soldats officiels par le type de contrat qu’ils ont avec leur recruteur (Isenberg, 2009 : 16).

Selon le Ministère français des affaires étrangères et européennes (MAEE), les SMP génèrent un chiffre d’affaire de 400 milliards de dollars par ans et offre de l’emploi pour environ un million de mercenaires dans le monde[41]. Les SMP connaissent un développement notable dans plusieurs pays dont les Etats-Unis, la France, l’Afrique du Sud, Israël, le Canada, ainsi que l’Australie, la Russie, l’Italie et les pays asiatiques (Tebib, 2010 : 223).

  1. A l’origine, la privatisation de la sécurité

Si les SMP sont fréquemment retrouvées dans les sociétés actuelles, il a été remarqué que cette pratique était déjà ancienne. Le canton suisse par le biais de Roger de Flor  a été le premier à privatiser la sécurité et à donner naissance au Great Company en 1302, ce qui va devenir plusieurs siècles après, les SMP. La compagnie s’appelait alors White Company. La formation de telles entités provient des déficiences et de l’inefficacité du système féodale à assurer la sécurité de la population, couplée à une demande incessante en soldats (Varin, 2015 : 14).

Au début du XXème siècle, les opérations militaires dans différentes parties du monde ont été menées par des sociétés militaires privées. Mais ce changement au niveau de la répartition des tâches entre acteurs gouvernementaux et acteurs privés a conduit à des changements notables au niveau du statut et de la considération de chaque partie. Ainsi, les forces militaires de l’Etat tendent à être remplacées de plus en plus par des sociétés militaires privées. En même temps, les acteurs privés ont privatisé la sécurité et ont fait appel à différents acteurs dans le monde, ayant aussi des expériences diverses (Carmola, 2010 : 3).

La fin de la guerre froide marqua l’émergence des SMP. A cette époque, les armées étaient démobilisées, ce qui a conduit à la diffusion sur le marché de nouvelles mains d’œuvres expérimentées. Cependant, le chômage d’anciens militaires ne peut suffire pour déclencher la création de SMP. Alors que la guerre froide prend fin, les conflits régionaux ont augmenté. Pour gérer ces différents conflits, il fallait mobiliser des personnels. Or, les forces armées ne pouvaient subvenir à ces demandes d’où la sollicitation des services des acteurs privés notamment, des SMP. Désormais, une importante partie des missions allouées traditionnellement aux forces armées nationales étaient attribuées aux SMP qui s’avéraient beaucoup plus professionnelles[42].

La chute de l’Union Soviétique a été un des facteurs clé du développement des SMP. En effet, elles ont profité de cette période pour s’approprier des armements auprès des Etats et pour recruter de nouveaux militaires démobilisés[43].

Outre à cela, le développement des SMP semble répondre aux besoins de sécurité auxquels les Etats se trouvent confrontés à une augmentation de leur demande alors que les effectifs des armées est en baisse constante. D’autre part, il y a la professionnalisation des armées qui conduit à la recherche de militaires plus habilités et ayant de l’expérience par rapport à des jeunes qui en manquent encore. Par ailleurs, les Etats cherchent toujours à réduire la perte humaine au niveau de leurs soldats officiels, ce qui les pousse encore à faire appel aux services de mercenaires étrangers lors d’opérations délicates[44].

La fin de la guerre froide se démarque par l’observation de nouvelles formes de conflits. Auparavant, la guerre était déclarée entre deux Etats. Mais avec cette nouvelle donne, les conflits se passent au sein de l’Etat même. Or, dans ce cas de figure, il est nécessaire de prendre des décisions et d’agir très rapidement pour ne pas envenimer la situation. Outre à cela se pose la question de la sécurité puisque les actes terroristes commençaient à gagner du terrain. La modernisation de l’armée suppose d’une part, l’adoption de nouvelles stratégies, technologies et équipements. Mais cela va de pair avec la réduction d’effectifs de l’ordre de 20%. A la fin de la guerre froide donc, les SMP se sont imposées comme étant des sociétés fournissant des aides logistiques. Puis, avec le temps et l’évolution des contextes mondiaux, leurs services se sont aussi développés (Henry, 2011 : 15).

Les Etats-Unis, première puissance mondiale, doit tenir son rang mais assumer aussi tous ses devoirs en tant que gendarme du monde. Dans cette optique, ils s’impliquent dans les différentes affaires dans le monde. Or, le nombre de militaires à leur disposition ne cessait de diminuer allant de 2 000 000 d’hommes en 1991 à 1 300 000 hommes en 1999. Les Etats-Unis se trouvent donc devant la nécessité de combler ce manque par le recrutement de mercenaires qu’ils vont entraîner rapidement (Tebib, 2010 : 220).

Les attentats terroristes en 2001 ont fourni aux Etats-Unis des raisons pour recruter les mercenaires issus des SMP. A partir de ce moment, ces dernières se sont fortement développées et sont entrés dans les conflits armés en Afghanistan et en Irak, moyennant une somme importante. En 2005, leurs champs d’actions se sont aussi multipliés. Désormais, ils ne se chargeaient plus uniquement d’entrer dans les combats, mais menaient également des interrogatoires auprès des prisonniers à Abu Ghraib[45].

Mis à part le manque d’effectif, le développement des SMP est dû aussi à la sophistication de la guerre à l’heure actuelle et au recours aux nouvelles technologies. Les forces armées doivent améliorer leurs systèmes d’armements. Or, ces derniers requièrent une certaine connaissance afin de pouvoir être entretenus, réparés et utilisés. Dans cette démarche, des acteurs civils privés entrent en jeu pour aider les militaires. Cela démontre la dépendance des militaires aux acteurs privés (Tebib, 2010 : 220).

Se pose ensuite des raisons stratégiques. Alors qu’il est difficile de tenir un secret professionnel au sein de l’armée officielle, les SMP se montrent plus discrètes. Par ailleurs, le recrutement de mercenaires permet de réduire les pertes humaines au niveau des armées officielles (Tebib, 2010 : 220).

Le développement des SMP ne peut aussi être séparé du contexte de globalisation. Non seulement, elles ont pu améliorer leurs services en analysant l’évolution des demandes des consommateurs, mais elles sont aussi aptes à faire connaître leurs produits et leurs service comme n’importe quelle autre société. Désormais, ils vendent leurs services à l’échelle internationale. Or, cela leur a permis d’entrer en contact avec des clients plus importants comme l’Organisation des Nations Unies (ONU). Dans sa mission de pacification, l’ONU requiert des services militaires et les SMP leur en fournissent (Henry, 2011 : 19).

  1. Zone d’intervention et champ d’action

Les actions des SMP sont très diverses. Ils prennent part dans le combat pendant les conflits armés, mais attribuent également des combattants pour défendre les entreprises. Parfois même, elles donnent des formations militaires[46]. Contrairement aux activités des mercenaires de jadis, les SMP offrent des activités tentaculaires dans le domaine du gardiennage, de l’entraînement, l’équipement, le conseil, le déminage, le renseignement, la communication, les opérations militaires, etc.[47]

Tout comme les mercenaires de jadis, les terrains de prédilection des SMP restent les zones de conflits. Dans ces zones, ils jouent un rôle important dans le domaine de la protection et de conquête d’espace. Ceci a été trouvé par exemple dans le cas du conflit entre la République serbe de Krajina et la Croatie. Krajina après la proclamation de son indépendance en 1991 était occupée par les Serbes en conflit avec la Bosnie. Un cessez-le-feu a été adopté mais les Etats-Unis ont voulu aider les Croates à reconquérir la Krajina. C’est ainsi qu’ils ont demandé aux Croates d’engager le Military Professionnal Resources Incorporated (MPRI) afin de venir aider l’armée croate à travers la coordination des forces terrestres et les forces aériennes de l’OTAN. De cette manière, les Etats-Unis gardent une influence notable sur l’administration croate et la Krajina revient à la Croatie.

Outre à cela, des régimes et des multinationales ont successivement fait appel aux services des SMP pour protéger et contrôler les points stratégiques tels que les sites miniers, pétroliers, les usines, etc.[48]. L’évolution de la sécurité dans le monde a donné un mobile aux recruteurs de trouver d’autres tâches à attribuer aux nouveaux mercenaires. C’est ainsi qu’en 2005, les SMP se chargeaient de l’interrogatoire des prisonniers mais également, assuraient la sécurité des camps ainsi que des hautes personnalités et des diplomates dans les zones à conflits comme Afghanistan et Irak[49].

Mais les SMP peuvent également intervenir dans le cadre de la protection des ressources naturelles. A l’heure actuelle, la recherche de ressources et de matières premières constitue un enjeu planétaire. Ainsi, les interventions militaires sont fortement sollicitées dans les zones ayant de nombreuses ressources. Ces interventions peuvent se présenter sous deux formes : d’une part, la mise en place de militaires pour protéger les zones productrices de ressources ; et d’autre part, les sanctions économiques afin d’arrêter les investissements illégaux et la commercialisation illicite de ces ressources. Dans ce cas, les mercenaires travaillent pour une partie qui cherche à profiter des ressources (Le Billon, 2009 : 21).

Les SMP n’interviennent pas uniquement sur terre, mais également, en mer. En Somalie, le Gouvernement de Somalie avec l’accord du Conseil de sécurité des Nations Unies a consenti à recourir aux services des SMP pour lutter contre les pirates qui se réfugient dans les eaux territoriales de la Somalie, ainsi que les vols à mains armées en mer. Les SMP proposent leurs services non seulement aux acteurs gouvernementaux mais également, aux armateurs. Parmi les services qu’ils proposent se trouvent l’évaluation des risques, la consultance. A l’instar de ce qu’elles font sur terres, les SMP proposent également des formations pour les personnels côtiers portuaires ou militaires. En fonction de la demande, les SMP peuvent proposer des gardes armés ou non, des escortes armés et des négociateurs en cas de prise d’otage par les pirates. Elles peuvent mettre à la disposition de leurs clients, des appareils et des équipements.

Dans certains cas, les SMP peuvent négocier avec les pirates pour les dissuader à attaquer les navires de leurs clients. La protection des navires est assurée par des anciens de la Royal Marines. Xè, précédemment connue sous le nom de Blackwater propose des navires de soutiens, des escortes d’hélicoptères et des pilotes. La SMP Secopex pour sa part, a signé un contrat avec le gouvernement Somalien pour lui fournir des gardes-côtes et pour former et renforcer les unités maritimes, notamment, le service de renseignements[50]. Les zones d’actions et les domaines d’intervention des SMP se sont donc fortement diversifiés. Comme toute autre entreprise, chaque SMP a son domaine de prédilection. Les actions des plus puissantes d’entre elles sont présentées sur le tableau suivant.

Tableau 1 : Les principales Sociétés Militaires Privées et leurs actions dans le monde (source : Tebib, 2010 : 221 – 222)

SMP Actions Effectifs
AECOM Government Services Soutien logistique

Maintenance

12 500
Aero Tech Services Formation au combat aérien

Maintenance aéronautique

7 000
Akal Security Sécurité des sites fédéraux 8 000
CACI Renseignement

Logistique

Défense du territoire

9 500
Computer Sciences Corporation Gestion du risque

Prévention du terrorisme

90 000
Cubic Corporation Simulation

Guerre électronique

5 000
Dyn Corp Soutien opérationnel

Maintenance

23 000
Inter Con Protection des forces

Sécurité des sites

25 000
ITT Logistique

Maintenance

38 000
Military Professional Resources Inc. (MPRI) Soutien opérationnel

Formation

Logistique

1 500
Northrop Grumman Maintenance

Logistique

120 000
Raytheon Electronique de défense 75 000
Science Applications International Corporation (SAIC) Gestion du personnel

Communication

Logistique

40 000
Wackenhut Corporation Protection rapprochée

Sécurité des sites sensibles

40 000
Washington Group Logistique

Audit

27 000

 

  1. Etude des actions des quelques sociétés militaires privées
  • Blackwater Security Consulting

Blackwater a été créé par Erick Prince, en 1997. Les Etats-Unis constituent ses principaux clients et assurent 2/3 de leurs gains. Blackwater joue un rôle important dans le domaine de la défense américaine. Elle constitue une des SMP les plus prospères avec 2300 employés recrutés dans neuf pays, plusieurs engins aériens et une spacieuse base militaire privée qui s’étend sur 3 500 hectares. Son efficacité pourrait aussi provenir du fait qu’elle détient une division de renseignement privé[51].

La force de Blackwater provient principalement de la qualité de ses ressources humaines. 21 000 de ses employés étaient des anciens agents des troupes des Forces Spéciales (Scahill, 2007 : 54). Blackwater compte aussi parmi ses employés des anciens employés du Pentagone et de la CIA (Cicchini et Herrera, 2008 : 15). Puis viennent les différents équipements et conditions de travail (Scahill, 2007 : 54).

Dans ses débuts, Blackwater a proposé des formations pour des clients privés ou gouvernementaux, dans la manipulation des différents types d’armes allant du pistolet jusqu’à des armes à feu beaucoup plus sophistiquées. Les premiers clients de Blackwater furent des officiers de police de Virginie, Caroline du Nord et de Canada. Par la suite, le gouvernement espagnol a aussi souhaité faire suivre à des agents la formation de Blackwater afin de leur donner plus d’habileté et d’expérience dans leur mission de protection des candidats aux élections présidentielles. Puis, le Brésil a demandé une formation dans les luttes contre le terrorisme. C’est ainsi que le Blackwater a été considéré comme étant l’acteur crucial dans la formation militaire (Scahill, 2007 : 98).

Mais un autre évènement était également à l’origine du développement de Blackwater : le kamikaze fait chez le destroyer USS Cole, le 12 octobre 2000, dans le port d’Aden, au Yémen. Un petit bateau s’est approché de l’USS Cole et a explosé, causant la mort de 17 marins et blessant 39 autres (Scahill, 2007 : 104). En 2005, le vice-président du Blackwater Chris Taylor a affirmé la nécessité pour les marins de suivre une formation afin de prévenir les attentats terroristes en mer. A l’issue de cette formation, les marins sont désormais capables d’identifier et de réagir rapidement et efficacement devant les attaques terroristes. Près de 30 000 marins ont suivi la formation qui a permis à Blackwater de toucher 35,7 millions de dollars, suite à son contrat avec la Navy (Scahill, 2007 : 105).

Blackwater est surtout connue pour son intervention en Irak. Elle a alors enregistré une recette de 832 millions de dollars pour son intervention en Irak de 2001 jusqu’en 2006. Malgré sa puissance, la société a connu des pertes humaines. Cela s’est passé le 31 mars 2004, lorsque quatre employés du Blackwater ont été tués par des Irakiens dont deux ont été suspendus. Mais loin de décourager la société, elle s’est encore lancée dans un nouveau contrat d’un milliard de dollars avec les Etats-Unis en 2007[52]. Les investissements du Département d’Etat américain pour les contrats avec le Blackwater sont résumés sur le tableau suivant :

Tableau 2 : Evolution des contrats de Blackwater avec le gouvernement américain (source : http://etat-du-monde-etat-d-etre.net)

Année Valeur (en USD)
2001 736 906
2002 3 415 884
2003 25 395 556
2004 48 496 903
2005 352 871 817
2006 593 601 952
TOTAL 1 024 519 018

Ce tableau nous montre que la valeur des contrats signés par le Blackwater avec le gouvernement américain n’a cessé d’augmenter de 2001 à 2006. Mais cette hausse est très importante pour l’année 2005 où la valeur du contrat est sept fois plus élevée par rapport à celle de l’année précédente, puis en 2006 où il y a une augmentation de 240 millions de dollars par rapport à l’année 2005. Cela nous permet donc de constater que les SMP et notamment le Blackwater sont de plus en plus demandées par le gouvernement américain.

Pour revenir sur les contextes ayant conduit à la prospérité de Blackwater, il est nécessaire de se rappeler les attentats terroristes du 11 septembre 2001. Ce jour là, l’avion American Airlines Flight 11 conduisant 92 passagers provenant de Boston et allant à Los Angeles, s’est écrasé sur la tour nord du World Trade Center. Quelques minutes après, un autre avion, l’United Airlines Flight 175 s’est écrasé sur le tour sud du WTC. Devant ces actes terroristes, les Etats-Unis ont décidé de mener la guerre contre le terrorisme quitte à engager des acteurs privés dont Blackwater (Scahill, 2007 : 105).

Devenu très puissant, Blackwater a omis de faire certaines considérations vis-à-vis de la loi. En effet, en 2010, elle a été reconnue coupable d’avoir enfreint les règles régissant l’exportation d’armes et fût sanctionnée à payer une amende de 42 millions de dollars. Puis en 2012, elle paie encore une amende de 7,5 millions de dollars pour avoir exporté des équipements militaires sans licence et pour violation des secrets de ses clients[53]. La société a par la suite changé de nom afin d’effacer aussi les bavures et les images négatives ayant été attribuées aux anciens noms de Blackwater. C’est ainsi que Blackwater est devenu Xè services en 2009 avant de devenir Academi un an plus tard. Alors qu’Academi tente de redonner à Blackwater une image plus prestigieuse, une fois de plus, elle a été dénoncée comme participants à la guérilla contre les rebelles pro-russes, ce qui a été fortement démenti par la Maison Blanche[54].

  • Executive outcomes

Executive outcomes est une SMP sud-africaine créée en 1989[55] par le colonel Eeben[56]. Les membres composant Executive Outcomes proviennent pour la plupart, des troupes qui sont déjà intervenues pendant l’apartheid en Afrique du Sud. Ils ont également une expérience dans le combat en Angola où ils étaient considérés comme étant des mercenaires[57]. En 1993, Executive Outcomes a été sollicité pour former l’armée angolaise et pour contrôler les rebelles qui avaient accès au pétrole. Pour ce faire, Executive Outcomes a fait appel à un ancien bataillon sud-africain ayant participé au conflit avec les rebelles du Congrès National Africain pendant l’apartheid (Carmola, 2010 : 2).

En 1992, Executive Outcomes propose différents services à ses clients : services de soutien, formation, fournitures d’équipements et d’armement, réalisation d’opérations militaires. En 1993, la firme obtient un contrat en Angola pour prendre et protéger les cuves à mazout à Kefekwena et à Soyo, contrôlé à l’époque par l’équipe de Jonas Savimbi, les troupes rebelles de l’UNITA (Union Nationale pour l’Indépendance Totale de l’Angola). L’affrontement entre l’UNITA et Executive Outcomes s’est soldée par la blessure de plusieurs mercenaires et trois morts. Néanmoins, la SMP est parvenue à avoir le contrôle des lieux, et a contribué à convaincre l’UNITA et le gouvernement Angolais à signer l’Accord de Paix de Lusaka[58].

En 1995, Executive Outcomes a été encore recrutée par le gouvernement de Sierra Leone pour l’aider dans son combat contre les forces rebelles du Revolutionary United Front (RUF). Ce dernier a été reconnu avoir perpétré des actes de violence envers les civils et de détenir le contrôle des zones productrices de diamants. Executive Outcomes a obtenu un contrat s’élevant à 35 millions de dollars pour éradiquer les rebelles des zones productrices de diamant. Après cette première démarche, les Nations Unies ont été désormais aptes à assurer la paix dans le capital, Freetown. Mais cette intervention a été mal vue par le gouvernement du Royaume Uni car, elle a été considérée comme étant une ingérence dans une affaire africaine (Carmola, 2010 : 2).

Mis à part ces deux premiers pays, Executive Outcomes a élargi ses zones d’actions dans plusieurs autres pays africains. En Ouganda, elle a menée des opérations pareilles à celles menées en Angola et à Sierra Leone dans les mines d’or d’Ouganda, ainsi que les forages en Ethiopie. Selon les affirmations officielles d’Executive Outcomes, son objectif est d’assurer la stabilité des gouvernements et en ce sens, elle contribue aux luttes pour réprimander les rebelles armées.

Mais ces affirmations n’ont pu faire taire les rumeurs selon lesquelles, Executive Outcomes aurait des relations avec le gouvernement sud-africain et des firmes comme le South African Debeers Diamond Corporation pour mener des opérations floues[59]. Les principaux clients d’Executive Outcomes étaient des Etats africains comme le Sierra Leone, mais également, des compagnies pétrolières comme Heritage Oil, Gulf Chevron, Ranger Oil, etc. (Cicchini et Herrera, 2008 : 13). Vu sous cet angle, la principale mission d’Executive Outcomes était d’ériger un nouveau royaume pour les firmes pétrolières. En contrepartie, la firme bénéficiait de certains avantages politiques dans la mesure où elle influençait les décisions prises par l’Etat[60].

L’efficacité d’Executive Outcomes provenait aussi de ses équipements tels que les hélicoptères de combat, les avions et véhicules blindés. Plus de 30 pays ont déjà sollicité l’intervention d’Executive Outcomes mais la plupart d’entre eux se trouvent en Afrique[61]. Au fil du temps, Executive Outcomes ne s’est plus impliqué dans des conflits armés et tend de plus en plus à se tourner vers la formation de garde de corps (Isenberg, 2009 : 14). Elle a également proposé différents services à ses clients : conseils militaires, aide dans la conception de stratégies de bataille, entraînement de personnel aussi bien sur terre et pour les armées de l’air[62].

Néanmoins, Executive Outcomes se heurte à plusieurs problèmes entre 1996 et 1997. Cela vient d’une part, de l’augmentation de la concurrence à l’échelle internationale, couplée à une tendance des Etats à réduire autant que faire se peut le mercenariat et à diminuer le budget alloué à de telles entités. Malgré les influences de la firme au Sierra Leone et en Angola, elle a du mal à prouver sa crédibilité devant la scène internationale. En 1997, le gouvernement ANC suit la tendance mondiale menant à la condamnation des actes de mercenariat et de contrôler aussi l’aide apporté aux militaires étrangers en Afrique du Sud. Dans cette optique, les étrangers qui fournissent des services d’assistance militaire ne peuvent exercer à moins d’avoir obtenu une autorisation de la part du National Conventional Arms Control Committee (NCACC). Devant ces états de faits, Executive Outcomes se trouve dans la nécessité de prendre soin  de son image afin qu’elle ne soit plus considérée comme étant un organisme de mercenaires et qui travaille en toute légalité. Cela ne peut se faire à moins que l’entreprise elle-même ne subisse une restructuration.

Désormais, Executive Outcomes modifie aussi son mode opératoire afin de pouvoir survivre. Dans cette optique, elle créé d’abord son site Internet en 1997 afin qu’elle puisse recruter les soldats de différentes provenances en toute discrétion. Les contrats les plus visibles pour la firme sont ceux qu’elle a signés avec des éleveurs en Afrique du Sud. Leur mission consistait alors à mobiliser un hélicoptère en vue de protéger les actifs et les ressources à Lesotho. En 1998, la firme obtient de nouveaux contrats avec les Nations Unies, l’Organisation de l’Unité Africaine et avec le South African National Defence Force (SANDF). A la différence des contrats pour donner des formations aux civils, les contrats de mercenariat de la firme continuent toujours, mais dans la plus grande discrétion. Par ailleurs, les signataires du contrat sont tenus par des clauses de confidentialité. L’Afrique reste toujours la principale zone de prédilection de la firme Executive Outcomes à cause de ses nombreux conflits surtout, au Centrafrique[63].

  • Dyncorp International

Dyncorp a fait sa première apparition lors de la guerre du Vietnam. La société faisait alors de la sous-traitance pour construire des bases militaires au début, puis le transport des troupes ainsi que la distribution des armes vendues aux militaires[64]. Dyncorp International intervient dans le respect de la loi, la paix et la préservation de la stabilité, l’armement pour le compte de l’Armée de Libération du Kosovo (UCK), la télécommunication et l’interrogatoire de prisonniers[65]. Elle a été aussi sollicitée par les Etats-Unis dans ses opérations en Bosnie-Herzégovine et au Kosovo dans le cadre de la Mission de vérification de l’OSCE au Kosovo, mais également dans le recrutement, la mobilisation et la gestion des officiers de police et d’observateurs internationaux (Tardy, 2009 : 227).

En mars 2003, la société DynCorp a été acquise par la société Computer Sciences Corp (CSC) spécialisée dans le domaine de l’informatique, puis par Veritas Capital en 2005 (Cicchini et Herrera, 2008 : 25). DynCorp est une SMP basée à Church Falls en Virginie, emploie 26 000 personnes réparties dans dix pays. Sa spécialisation dans le domaine de l’informatique lui a permis d’engranger de nombreux contrats pour gérer les données comptables de 30 agences et ministère d’Etat américain comme le FBI, le Département de la Défense, etc. Dans sa mission, DynCorp accède au système PROMIS permettant de voir tous les comptes bancaires dans le monde. Outre à cela, la société a été aussi engagée pour entraîner la police haïtienne à la gestion de foule en 1997.  Elle est également connue pour avoir signé des contrats avec la société Enron, spécialiste de l’énergie. Ses domaines d’action sont devenus tentaculaires et elle détient désormais le marché des prisons privées[66].

Dyncorp International s’est aussi engagé dans les luttes en Afghanistan. Dans ce pays, il venait aider le Ministère de l’Intérieur et fournissait un support pour l’Afghan National Police Program (AMDP)[67]. En 2008, il décroche un contrat avec l’International Civilian Police (CIVPOL) pour donner des conseils aux civils en Afghanistan. Ce contrat s’élève à 317,4 millions de dollars. Mais elle est également appelée à renforcer les institutions judiciaires dans d’autres pays comme le Haïti, Soudan, Libéria et la Palestine. Dans sa mission, Dyncorp International devrait être en mesure d’aider les acteurs locaux à augmenter la présence et la performance des agents de police. Elle donne entre autres, des services de sécurité, ainsi que des services dans le domaine de la technologie et de l’information[68].

En 2016, DynCorp décroche un contrat de 3 milliards de dollars avec les Emirats Arabes Unis (EAU) pour mener une opération au Yémen. DynCorp doit dans ce cadre aider l’armée des EAU pour combattre l’armée yémenite et le mouvement populaire Ansarolà. DynCorp vient remplacer les agents de l’Academi qui allait abandonner le Yémen après de fortes répréhensions de la part des Yémenites. Ces combats se sont soldés par la mort de sept mercenaires de l’Academi[69].

  • Les enjeux de l’émergence des sociétés privées militaires
  • Les sociétés militaires privées peuvent-elles garantir la sécurité dans le monde ?

Dans certains cas, les SMP sont impliqués dans des opérations de déstabilisation destinée à donner une image plus positive de leurs clients. En effet, quand les SMP interviennent dans le cadre du maintien de la paix ou dans la formation des forces de l’ordre dans les pays qu’ils ont déstabilisé auparavant, l’image du client ne peut qu’être meilleure. Mais en même temps, elles détiennent aussi un nouveau statut faisant d’eux un « gardien de l’ordre économique mondial »[70].

D’autre part, la conception de Weber du statut de l’Etat permet à celui – ci de se mettre à la place d’une entreprise politique et qui légitime la contrainte physique. Dans cette optique, les actions des SMP sont légitimes. Ainsi, de nombreux acteurs gouvernementaux ou non recourent à leurs services. En d’autres termes, le mercenariat est devenu un acte légitime moralement et juridiquement[71]. Les SMP se chargent de la gestion de la sécurité dans le monde. Mais leurs statuts exacts dans leurs entreprises restent encore difficiles à déterminer. Elles sont tantôt considérées comme étant des sous-traitants de l’Etat dans ses affaires de pacification et de formation militaire, tantôt comme des acteurs privés. Et pourtant, il est difficile de les classer parmi des acteurs privés si leur part dans la formation et le recrutement de policier ou de militaire est considéré. Ces faits relèvent en effet de l’Etat et en ce sens, les SMP deviennent des prolongements de l’Etat. Par ailleurs, c’est lui qui les paie (Tardy, 2009 : 225).  Le rôle des SMP dans les opérations de maintien de la paix semblent croître de plus en plus et leur implication dans ce domaine peut être manifestée par le nombre de SMP recrutés dans ces opérations. Cela est représenté dans le tableau suivant :

Tableau 3 : Exemples de participation de Sociétés militaires et de sécurité privées dans des opérations de paix (source : Tardy, 2009 : 228)

SMSP Pays d’intervention Organisation internationale ou Etat bénéficiant du service Nature du service fourni
Defence Systems (DSL) Angola UNAVEM (ONU) Protection
International Charters, Inc. ·         Liberia

·         Haïti

·         ECOMOG, CEDEAO et ONU

·         Forces américaines et canadiennes

·         Logistique

·         Soutien transport tactique (hélicoptères)

Pacific Architect & Engineers ·         Liberia

·         Sierra Leone

·         RDC

·         Soudan/Darfour

·         ECOMIL (CEDEAO)

·         MINUSIL (ONU)

·         MONUC (ONU)

 

·         Union africaine/MUAS

·         Logistique

·         Logistique

 

·         Réparation aéroport et contrôle aérien

·         Logistique

Military Professional Resources Inc. (MPRI) Afrique de l’Ouest Nigeria (ECOMOG) Entrainement des forces nigérianes
Dyncorp International Inc. Bosnie-Herzégovine ·         Armée américaine/IFOR/SFOR (OTAN)

·         Etats-Unis/Groupe international de police (GIP, ONU)

·         Logistique

·         Recrutement, déploiement et gestion des officiers de police américains au sein du GIP

Dyncorp Kosovo ·         Etats-Unis/Mission de Vérification au Kosovo (MVK/OSCE)

·         Etats-Unis / KFOR (OTAN)

 

 

·         Etats-Unis /MINUK (ONU)

·         Contingent américain au sein de la MVK

 

·         Services (eau, maintenance électricité, carburant, etc.)

·         Recrutement, déploiement et gestion des officiers de police américains au sein de la MINUK

Dyncorp Timor Leste ONU Logistique pour contingents
Brown & Root Services (Halliburton Co.) Bosnie-Herzégovine, Kosovo, Macédoine Armée américaine (OTAN) Logistique, communication, nourriture, construction
Brown & Root Services Afghanistan Armée américaine (OTAN) Logistique, communication, nourriture, construction
Minetech International Angola, Balkans, Soudan, Afghanistan ONU, ONG Déminage

 

Dans la mesure où les SMP aide l’Etat dans sa lutte pour maintenir la paix, alors les SMP devraient être considérée comme étant un garant de la sécurité. Et pourtant, force est de constater que les actions de certaines d’entre elles remettent la question sur leur rôle réel dans le maintien de la paix. Les SMP ne sont pas soumises à des normes juridiques, contrairement à ce qui se passe chez les forces armées. Dans ce cadre, elles profitent de leur statut flou (ni acteur privé, ni acteur public) pour perpétrer des actes pouvant porter atteinte à la souveraineté de l’Etat, voire à la paix dans un territoire (Tardy, 2009 : 225).

Les SMP sont en effet rapportés faire des actes illégales ou immorales. Le sentiment d’injustice de la part des victimes de ces actes semble augmenter avec le fait que les SMP arrivent à déjouer la loi et déclinent les responsabilités. Les plaintes concernant les actes des personnels des SMP ont été à maintes reprises rapportés ne pas respecter les droits de l’Homme ou employer des méthodes inappropriées pour réaliser leurs missions (Tardy, 2009 : 226). D’ailleurs, nous allons développer infra ces actes pour lesquels, les SMP sont poursuivies.

  • La compétitivité des sociétés militaires privées par rapport aux militaires

Les SMP semblent intéresser fortement les Etats par rapport aux militaires. Cela est dû au fait que dans les conflits actuels, les Etats comme les Etats-Unis préfèrent mieux engager des militaires étrangers que des nationaux. En cas de perte humaine, ces derniers ne vont pas entacher la réputation des Etats-Unis vu que ce ne sont pas des américains. Outre à cela, les pays ne sont plus impliqués dans un conflit d’un Etat contre un autre, mais d’un Etat contre des groupements notamment des groupements terroristes. Certes, les adversaires sont de plus petite taille, mais utilisent des stratégies plus sophistiquées, ce qui ne peut être contrée à moins de ne faire appel à des spécialistes du terrain. Et dans ce cas, les SMP qui recrutent d’anciens militaires, semblent être les mieux placés pour venir à la rescousse[72]. Par ailleurs, il a été constaté que le rendement des SMP soit plus élevé par rapport à celui des armées classiques[73].

Plusieurs arguments permettent de constater qu’il est beaucoup plus avantageux de recourir à des SMP par rapport à des militaires officiels. D’une part, leurs services coûtent moins chers par rapport à celui de l’armée officielle. Les pertes humaines au niveau des SMP ne sont pas enregistrées dans les bilans officiels, ce qui ne peut être admis pour un soldat de carrière. Puis, en dispensant des formations, ces dernières contribuent à partager des savoirs et des connaissances aux civils afin que ceux-ci soient aptes à assurer certaines activités de protection que les militaires en faible nombre ne peuvent assumer (Tebib, 2010 : 222).

D’autre part, la rémunération des mercenaires des SMP se trouve plus élevée par rapport à celles des soldats officiels. En 2008, un soldat pouvait gagner 140 dollars par jour contre 180 et 375 dollars par jours pour les employés des SMP, pour une mission semblable (Cicchini et Herrera, 2008 : 24).

  • Des soupçons contre les sociétés militaires privées
  • L’affaire de Dyncorp International en Bosnie – Herzégovine

En 1999, des inquiétudes ont été affirmées en ce qui concerne l’implication de la firme Dyncorp dans une affaire de trafic sexuel, sans pour autant, que des condamnations ne soient adoptées (Caron, 2015 : 9).  La firme a été également soupçonnée d’être impliquée dans le trafic d’armes[74]. L’affaire de la traite de femmes a été dévoilée par deux anciennes employées de la firme : Kathryn Bolkovac et son amie. Celles-ci ont été renvoyées lorsqu’elles ont dénoncé le trafic de prostituées près des bases militaires de Bosnie. Les statuts de ses employés ont été exploités pour faire passer le trafic de prostituées[75].

Des enquêtes internes ont été menées par le Human Rights Watch et le Criminal Investigation Division (CID) de l’armée américaine pour comprendre ce qui s’est réellement passé. Des contractants de Dyncorp ainsi que des agents de la Stabilization Force (SFOR) ont été rapportés être impliqués dans une affaire d’achat de femmes, de leur transport et de violence envers elles. Les enquêtes ont permis de démasquer cinq employés du Dyncorp dans l’affaire du trafic de femme. Au début de l’enquête, ils ont nié toute implication. Mais un parmi eux a admis avoir acheté une femme près de la base militaire. Les aveux de Kevin Warner, un employé du Dyncorp ont permis de remonter vers le fournisseur bosniaque, appelé à l’époque Debeli. Les femmes ainsi exploitées provenaient pour la plupart de Moldavie et venaient en Serbie pour chercher du travail. Après elles sont acheminées en Bosnie pour faire de la prostitution. Parfois, elles peuvent être vendues en Arizona. Leurs passeports sont confisqués pendant la durée de leur temps de travail. Une femme alors était vendue à 821€ ou 740$ (Human Rights Watch, 2002 : 63).

Il a fallu attendre en 2002 pour que la firme annonce officiellement qu’elle a rompu ses contrats avec les personnes ayant été impliquées dans ce trafic de femmes (Human Rights Watch, 2002 : 63). Lorsque l’affaire a été dévoilée en effet, la police locale n’a pas pu intervenir. La police admet que c’est un crime en Bosnie de faire ces trafics mais comme les impliqués étaient des étrangers en mission pour le compte de la communauté internationale, elle ne peut que les renvoyer dans leurs pays d’origine, en respect de Annexe IA de Dayton (Human Rights Watch, 2002 : 65). Un ancien employé de Dyncorp, Ben Johnston a confirmé les faits et a reconnu que son employeur a feint de ne pas savoir ce qui se passait en Bosnie-Herzégovine (Human Rights Watch, 2002 : 67).

De retour aux Etats-Unis, aucun des présumés coupables n’ont été poursuivis en justice pour leurs crimes en Bosnie-Herzégovine sous prétexte qu’il n’y avait pas de plaintes ni d’éléments permettant de corroborer les faits rapportés en Bosnie. Le Human Rights Watch estime que les normes régissant les comportements des employés de Dyncorp n’ont pas été respectées et ne sont pas suffisantes pour empêcher leurs personnels de commettre des actes de violations des droits de l’Homme. D’autre part, les contrôles internes de la firme envers ses employés étaient aussi insuffisants pour permettre de connaître leurs agissements dans les zones où ils sont envoyés en mission (Human Rights Watch, 2002 : 68).

  • L’affaire de tuerie en Irak impliquant le Blackwater

Les interventions du Blackwater en Irak constituent un sujet à controverse. Considéré comme un acte héroïque de la part des Américains, elles sont vécues comme de véritables poursuites par les Irakiens. Ceci pourrait expliquer en partie la mort des quatre employés du Blackwater en 2004. Mais de leur côté, les Irakiens dénoncent les meurtres sans raison de 17 civils irakiens. Selon eux, les employés du Blackwater ont ouvert le feu en premier alors qu’ils n’avaient aucune raison de le faire, tuant ainsi des civils. Blackwater riposte en clamant la légitime défense. Suite à cette affaire, la Chambre américaine des Représentants a fait son rapport dans lequel il confirme qu’entre janvier 2005 et septembre 2007, Blackwater est impliquée dans 195 fusillades en Irak dont 163 ont été déclenchés par eux. En 2009, Blackwater n’avait plus de droit d’intervenir en Irak et en Afghanistan[76].

Mais d’autres incidents ont entaché les missions du Blackwater en Irak. En 2006, un agent du Blackwater, Andrew Moonen a été vu tirer le feu sur un garde irakien. C’était la veille de noël et l’agent Moonen n’était pas en service et avait fait la fête. Alors qu’il quittait ses amis, il a rencontré le garde de corps du vice-président Adil Abdul-Mahdi, Raheem Khalif. Entre 22 : 30 et 23 : 30 du soir, Moonen, en état d’ébriété, a pris son pistolet 9 mm et s’est dirigé vers la porte menant vers le Premier Ministre où, il trouve le garde de corps. Il tire trois fois sur ce dernier avant de prendre la fuite. Le fondateur de Blackwater, Erik Prince a affirmé que les autorisations de Moonen ont été révoquées et qu’il ne pourra désormais plus travailler pour le gouvernement. Et pourtant, cette sanction n’a jamais été appliquée. Quelques semaines après seulement, l’agent Moonen a été de nouveau recruté par le Département de Défense et a été envoyé en mission au Moyen-Orient (Scahill, 2007 : 10).

En 2007, à Bagdad, les employés du Blackwater qui étaient chargés de la protection de diplomates tirent sur des riverains sur sol et sur l’hélicoptère. Cela a conduit à la mort d’une dizaine de personnes. Ces dernières n’étaient pas armées, ce qui ne justifie pas que le Blackwater ait ouvert le feu. Cette constatation a conduit les autorités irakiennes à retirer les licences d’opération des SMP et plus particulièrement, de la cellule Blackwater. Outre à cela, les employés en Irak n’étaient pas assurés. Par la suite, la protection des diplomates se faisait à travers la mise en place de caméras sur les véhicules d’escorte et l’intégration  d’un membre du service de protection diplomatique[77].

Poursuivis en justice, des membres du Blackwater notamment, Nicholas Slatten (reconnu coupable en octobre 2014) et Paul Slough, Evan Liberty et Dustin Heard (reconnus coupables en avril 2015) purgent leurs peines. Ils ont été reconnus coupables d’avoir tiré sur 17 civils irakiens alors qu’ils assuraient la sécurité du convoi diplomatique américain le 16 septembre 2007. Les jugés ont clamé leur innocence et ont affirmé avoir répondu à des tirs. Mais aucune preuve n’a été retrouvée pour confirmer leurs dires. Cet acte de tuerie a été condamné par la justice mais également par la société irakienne qui éprouve désormais un fort sentiment anti-américain[78].

Conclusion partielle  

Alors que le mercenariat traditionnel a disparu avec la fin de la bipolarisation du monde, les SMP émergent. Considérées comme étant les mercenaires du temps moderne, les SMP rejettent ce jugement négatif et tentent de s’affirmer comme étant des entreprises privées, visant à commercialiser des services et des produits permettant aux clients de se protéger et d’assurer leur sécurité. Ainsi, les SMP proposent une large gamme de services allant de la simple formation, passant par le soutien logistique et conseil en matière de sécurité et va même jusqu’à participer dans des conflits armés.

Le développement des SMP semble découler de l’évolution du déroulement de conflits, devenue désormais plus stratégique et faisant recours aux nouvelles technologies. La fin de la guerre froide semble signifier aussi la fin de la guerre, et dans cette optique, la défense ne trouve plus sa place. Désormais, le budget alloué à la défense diminue au fil du temps au même titre que les effectifs. Mais la paix dans le monde s’avère illusoire. La demande en sécurité ne cesse de croître, obligeant les Etats mais également, les multinationales et les ONG à faire appel aux services des SMP.

Les SMP s’imposent alors comme des nouveaux acteurs garants de la sécurité et de la paix dans le monde. Et pourtant, les différents cas que nous avons analysés laissent voir que les SMP sont parfois impliquées dans des activités illégales notamment, des trafics d’être humain, des tueries, des violations des droits de l’Homme. Ces différents faits conduisent à leur considération comme étant des nouvelles formes de mercenaires. Leurs actions montrent en effet, de grandes similarités avec celles des anciens mercenaires qui étaient utilisés pour manifester le pouvoir et l’influence et pour avoir le contrôle des ressources et des territoires. De par leurs expériences et leurs équipements, le recrutement des SMP devient incontournable au détriment des forces armées.

En devenant les nouveaux éléments au service de l’Etat, les SMP tendent alors à perdre leur statut d’acteurs privés. Ils proposent des services comme tant d’autres entreprises privées et pourtant, en devenant les nouveaux éléments de l’Etat dans la guerre contre le terrorisme et le maintien de la paix, le statut exact des SMP devient flou. Elles utilisent ces zones d’ombre pour échapper aux poursuites judiciaires. Mais cela renforce de plus en plus les doutes sur la légalité de leurs activités. Par ailleurs, les opérations de maintien de paix et la guerre contre le terrorisme semblent être l’apanage des SMP vu que celles-ci leur permet d’avoir plusieurs milliards de dollars. L’augmentation des investissements alloués au recrutement des SMP justifient l’intérêt croissant des Etats et surtout, des Etats-Unis à faire appel à ces sociétés.

Devant ces états de faits, nous pourrions avancer alors que les SMP montrent de nombreuses similitudes avec les mercenaires de jadis tant au niveau des objectifs qu’elles poursuivent, qu’au niveau des méthodes qu’elles adoptent pour parvenir à leurs fins. Les zones de prédilection de ces SMP sont également similaires à celles des anciens mercenaires. Ce deuxième chapitre nous a donc fourni des éléments importants concernant les raisons ayant poussé l’émergence des SMP et la tendance actuelle de leur évolution. Dans cette optique, nous pourrions envisager que ces sociétés sont amenées à se développer encore plus dans l’avenir, face à l’augmentation des dangers et des menaces qui pèsent sur la paix dans le monde, et le besoin de nombreux acteurs de soutien pour assurer leur protection. Après avoir étudié les spécificités des SMP, nous allons faire une étude méthodologique et comparer les mercenaires de jadis avec les SMP.

Chapitre 3. Méthodologie : l’étude comparative

  1. Présentation de la méthode comparative
  2. Principes et objectifs de la méthode comparative

La méthode comparative consiste à comparer deux ou plusieurs choses. Cécile Vigour cité par Manga (2014 : 32) affirme que « comparer c’est, dans une première approche, relever des différences et des points communs en fonction d’un critère qu’il convient de définir au préalable et qui oriente le regard du chercheur. Dès lors que l’on considère au moins deux termes en fonction d’un même critère, a priori, rien n’est comparable ». A partir de cette définition, il est désormais nécessaire de souligner une condition de base pour pouvoir faire une comparaison : la comparabilité des objets, des variables ou des entités à comparer (Manga, 2014 : 32). Mais la comparaison peut également consister à faire des confrontations et des classements afin de pouvoir tirer des conclusions générales[79].

Dans les sciences politiques et dans le domaine juridique, l’analyse comparative est fréquemment utilisée afin de pouvoir faire une évaluation entre ce qui se passe au niveau d’une nation par rapport à d’autres, les décisions prises au niveau national et international, les démarches faites par telle ou telle entité par rapport à d’autres, etc. La comparaison entre les démarches prises et les impacts des décisions d’une entité par rapport à une autre permet d’avoir des éléments de décision. L’analyse comparative s’impose donc comme étant un outil de décision. Mais cette méthode permet également de faire des déductions. La comparaison des résultats obtenus dans un cas où le facteur à observer est présent et dans un autre où il est absent, permet selon Durkheim de confirmer ou non une hypothèse et d’établir les liens de causalités. Par ailleurs, l’analyse des différences et des similarités entre deux choses permet d’avancer des hypothèses pour expliquer un phénomène[80]. Pour Hassenteufel (2014)[81], « l’analyse comparative des politiques publiques a pour but de rendre compte et d’expliquer les différences et les points communs entre les objectifs, les acteurs, les processus, tant décisionnels que de mise en œuvre, les instruments et les effets de l’action publique dans différents pays, territoires ou secteurs ».

Dans le domaine de la sociologie, la comparaison substitue l’expérience faite dans les sciences exactes. Cette approche se trouve même au cœur de toute étude sociologique. La comparaison peut être considérée comme étant une méthode de contrôle des généralités sur un fait, un phénomène. Mais elle peut également être considérée comme étant une démarche (Soulet, 2011 : 105).  La comparaison n’est pas forcément une description de ce qui est observé, mais elle peut aussi être une action au cours de laquelle, le chercheur tente de comprendre le phénomène. Il analyse, confronte les idées et établit des liens. Puis, il y a la comparaison continue dans laquelle, le chercheur tire une théorie en se basant sur des données quantitatives (Soulet, 2011 : 108). Pour Van de Velde (2014)[82], « La comparaison s’appuie sur la confrontation de configurations sociales variées au service de l’interprétation d’un objet sociologique. Comparer signifie tout autant mesurer l’ampleur des contrastes qui les clivent, que d’identifier les points de convergence : cette tension entre singularités et transversalités éclaire les multiples déclinaisons sociales du phénomène observé, et enrichit sa mise en intelligibilité sociologique ».

Paquin (2011 : 61) affirme que « l’objectif du comparativiste n’était pas seulement de faire l’inventaire de ressemblances et des divergences entre des objets sociaux d’un pays à l’autre ou d’une société à l’autre, mais de tirer de la comparaison une explication des processus sociaux, une généralisation, voire une théorie sociale à prétention universelle. Les grandes théories sociales à prétention universelle sur l’apparition de l’Etat, du nationalisme, des identités, du développement ou de la modernité systématisent le recours à l’analyse comparative dans toutes les disciplines en sciences sociales ». Ceci vient confirmer les analyses de Soulet (2011) et de Van de Velde (2014) selon lesquelles, l’approche comparative va bien au-delà de la simple identification des points de divergences et de convergences des faits analysés et visent une confrontation pour expliquer et faire une généralisation si possible.

  1. Avantages

L’historien et sociologue Gérard Bouchard cité par (Paquin, 2011 : 60) trouve en la comparaison « des procédés d’objectivation parce qu’elle est un moyen de créer une distance entre le sujet et sa culture, parce qu’elle permet de casser la chaîne de production du savoir là même où naissent les paradigmes, bien en amont de la théorie et des concepts. Il est utile en effet de briser cette articulation du savoir à son enracinement socioculturel, non pas pour la récuser, ce qui reviendrait à enlever toute substance et toute signification aux énoncés scientifiques, mais bien pour en négocier les ancrages, pour la soumettre elle aussi au processus critique de la construction de l’objet ». D’après cette citation, il semble évident que la comparaison ne consiste pas uniquement à tirer des conclusions hâtives permettant de confirmer les théories précédemment établies mais de faire une critique et une construction objective. L’objectivité constitue une des qualités recherchées dans le domaine de la recherche puisqu’elle permet non pas d’exposer le point de vue du chercheur, mais la réalité positive ou non. C’est ici qu’intervient toute l’importance de la critique dans le cadre de la comparaison.

Il était  établi que si la comparaison ne porte pas sur l’analyse de plusieurs cas, alors elle pourrait permettre une meilleure compréhension des faits si  elle tente d’atteindre des objectifs plus modestes. L’approche comparative est une démarche qui améliore la compréhension du sujet d’étude et d’éviter par conséquent, le piège des stéréotypes et des préjugés. C’est une démarche dans laquelle, le chercheur peut mettre en évidence les particularités d’une société, d’un pays, d’une culture professionnelle, etc. En d’autre termes, l’approche comparative est une approche relativiste qui remet en question les théories universelles et les déterminismes historiques. Et selon Tocqueville, la comparaison qu’il a faite consiste à déterminer les oppositions et les analogies pour donner une conclusion objective tel qu’il affirme lui-même : « Ce que j’ai surtout cherché à mettre en relief aux Etats-Unis et à bien faire comprendre, c’est moins la peinture complète de cette société étrangère que ses contrastes et ses ressemblances avec la nôtre. C’est toujours soit l’opposition, soit l’analogie de l’une que je suis parti pour donner une idée juste et surtout intéressante de l’autre » (cité par Paquin, 2011 : 71).

  1. Inconvénients

Cependant, la méthode comparative peut aussi comporter certaines limites. D’abord, il y a les comparaisons « factices » dans lesquelles, les chercheurs se sont contentés de rapporter des faits spécifiques à leurs localités dans un ouvrage collectif sans prendre la peine de faire une analyse. Puis, il y a les comparaisons à distance dans laquelle, le chercheur se contente de faire une revue de littérature secondaire pour tirer des conclusions et ne prend pas la peine de faire des études sur terrain.

Dans certains cas, le chercheur se base uniquement sur des données quantitatives afin de faire la comparaison et omet des données qualitatives comme le contexte de chaque pays, qui, pourtant, affectent fortement sur les variables à analyser. Puis, il y a la comparaison biaisée au cours de laquelle, le chercheur tire des conclusions hâtives sans prendre en compte des différentes modalités et des facteurs qui auraient pu affecter les observations, les constatations. La recherche ne devrait pas se contenter d’une seule hypothèse, mais de plusieurs[83].

S’il est admis que la comparaison peut se faire à partir de l’analyse des effets d’un facteur sur une variable, en se basant sur l’observation de ce qui se passe en présence et en absence du facteur, alors la comparaison ne peut être totalement objective ni explicative. Cela vient du fait que les phénomènes sociaux combinent toujours plusieurs facteurs interdépendants qu’il serait difficile pour le chercheur de tenter d’établir les liens de causalité. Il est rare en effet, qu’un fait provienne d’une seule cause. Mais alors que dans le cadre de l’expérimentation dans les sciences exactes, il est possible d’isoler les effets de chaque facteur sur la variable, il n’en est pas de même pour les faits sociaux (Paquin, 2011 : 62).

Ainsi, si nous tentons par exemple, d’analyser les différences et les similarités des mercenaires de jadis et des nouveaux mercenaires, en remontant dans leur motivation, nous pouvons constater que l’argent ne peut pas être considéré comme étant le seul facteur inducteur de la signature du contrat par le mercenaire. D’autres facteurs interviennent. Or, notre tâche serait difficile pour isoler les effets de l’argent sur la motivation des mercenaires à participer dans des conflits, puisqu’il existe d’autres facteurs de motivation qui pourraient aussi être liées ou non à la première motivation. Nous ne pourrions non plus prétendre pouvoir identifier la cause principale parmi celles qui pourraient motiver le mercenaire.

Une autre limite a été reconnue dans le cadre de l’approche comparative. Il s’agit de la différence de contexte d’un pays à un autre, d’une société à une autre et d’une époque à une autre. Il existe entre autre, une interdépendance entre ces trois facteurs. Il est évident que le contexte change d’une époque à une autre, ce qui conduit aussi la société ou l’individu à considérer à adopter telle ou telle décision, tel ou tel comportement. Il s’avère beaucoup plus facile de faire une comparaison d’une même chose dans des pays différents plutôt que de tirer des conclusions d’un même fait mais à deux époques différentes. Par ailleurs, il existe une corrélation entre ces différents éléments. Le contexte, la culture, le mode de vie, la perception d’une société sur un fait pourrait évoluer au fil du temps et d’un pays à un autre. Dans ce cas, l’analyse pourrait plus tendre vers l’observation et l’étude de l’évolution d’un phénomène (Paquin, 2011 : 64).

En ce qui nous concerne, l’étude tente de faire une comparaison entre les mercenaires et de jadis et leur nouvelle forme. Dans cette optique, nous serions amenés inexorablement à faire une comparaison des manifestations de ce mercenariat à deux époques différentes. Certes, c’est un exercice difficile, mais nous pourrions comparer leurs zones d’intervention, leurs champs d’action, tout en prenant soin d’analyser les contextes dans les différentes époques de formation de cette nouvelle forme de mercenariat. De cette façon, nous pourrions faire une esquisse de l’évolution du métier et d’en analyser les différents points causal et enfin, d’en tirer des conclusions. En d’autres termes, nous serons amenés de faire une analyse des divergences et des convergences entre les deux types de mercenaires en tenant compte des particularités historiques et des contextes sociaux de l’époque. Cela conduit à l’acceptation et à la considération d’une mutation progressive permettant au fait observé de partir d’un point et d’en arriver à un autre, ce qui revient à analyser les transformations qui se sont opérées au sein de la société, ainsi que l’évolution des différents éléments qui la composent (Paquin, 2011 : 67).

  1. Etude comparative entre les mercenaires et les sociétés militaires et privées

Dans le cadre de notre étude, nous avons adopté la méthode comparative afin de mieux caractériser les mercenaires de jadis et les sociétés militaires privées d’aujourd’hui. Il nous semble plus approprié de recourir à cette approche afin de parvenir à cet objectif étant donné que dans la littérature, les SMP sont considérées comme étant des nouveaux mercenaires. Et pourtant, comme nous pouvons le constater d’après les analyses critiques de notre approche méthodologique, la comparaison permet bien d’aller au-delà de cette première impression ou affirmation. Certes, il s’agit d’une comparaison à deux époques différentes, mais nous tentons de faire une analyse comparative d’un même fait, d’un même métier qui semble varier en fonction du contexte politique, économique et historique dans lequel, il s’inscrit. C’est la raison pour laquelle, nous avons déterminé dans la première partie de cette études, les analyses et réflexions précédant notre étude. Notre étape suivante consiste à analyser ces deux cas d’après l’analyse bibliographiques que nous avons établie et d’en faire des déductions. Nous retiendrons dans le cadre de cette démarche deux principaux éléments de comparaison : les zones et les contextes d’interventions des mercenaires et des SMP, et leurs moyens et champs d’action. Cela ne nous empêche pas pour autant, de recourir à d’autres éléments distinctifs.

  1. Les zones et les contextes d’intervention

Les zones et les contextes d’intervention constituent les premiers éléments de notre comparaison. L’analyse des six cas dont trois cas d’intervention de mercenaires et trois autres, provenant des SMP. Il est indéniable que les deux types d’entités montrent de fortes similarités quant à leurs zones d’intervention. Aussi bien les mercenaires de jadis que les SMP d’aujourd’hui sont toujours fortement sollicités dans les zones à conflits. De même, les deux types de mercenaires sont aussi utilisés par leur recruteur comme étant des moyens pour manifester leur influence et leur puissance envers le pays où le conflit se produit.

Nous avons pu observer cette quête de la puissance à travers le recrutement des Galloglass par les lords pour conquérir de nouveaux territoires et pour manifester aussi leur puissance par rapport aux autres lords. Le même schéma a été retrouvé chez les mercenaires recrutés pendant la décolonisation. Les missions des mercenaires consistaient alors à installer au pouvoir, un leader désigné non pas par les populations locales, mais par l’ancien colonisateur. Ce cas a été développé lors de l’analyse des  interventions de Bob Denard aux Comores.

Ce cas nous montre clairement que Bob Denard, un mercenaire français s’est sûrement impliqué dans de nombreux coups d’Etat en Afrique, mais dans ses exploits, il a toujours cherché à défendre l’intérêt de la France, sa patrie. Et cette image du mercenaire qui incarne l’ancien pouvoir colonisateur ou le persécuteur du pouvoir en place s’est fortement ancrée dans l’esprit des observateurs. C’est ainsi que dans l’affaire des 32 mercenaires au Congo, Joseph Kabila s’est appuyé sur un coup d’Etat fictif pour se mettre à la place de la victime afin de conquérir la sympathie des électeurs. D’ailleurs, il a renouvelé cette stratégie lors de l’élection présidentielle suivante.

Le même cas a été retrouvé chez les SMP. Certes, à l’époque où ils sont intervenus, il n’y avait plus de guerre entre les lords pour manifester leur pouvoir, ni de guerre de sécession après la proclamation de l’indépendance. L’ère actuelle est l’ère de l’informatisation, de l’avancée technologique et de la globalisation. L’économie et le marché des différents pays dans le monde se trouvent interdépendants. La diffusion d’information et la communication sont facilitées, ce qui permet à différents individus de communiquer peu importe la distance géographique et le décalage horaire. En d’autres termes, la société actuelle est une société intelligente et dynamique sur les réseaux sociaux pour réagir aux différents évènements politiques ou économiques qui se présentent et qui sont partagées dans la communauté virtuelle.

Mais devant ce fait, il devient de plus en plus difficile pour les acteurs politiques de prendre des décisions sous peine de passer par le jugement de la communauté et le buzz négatif. Mais il est également plus difficile de s’affirmer en tant que puissance mondiale. Ces dernières décennies, l’ordre dans le monde a été fortement bouleversé avec l’émergence de nouvelles puissances économiques qui viennent devancer les anciennes puissances. C’est le cas du Japon qui a été devancé par la Chine. Tout est désormais possible et les anciens pouvoirs tentent toujours de garder leur place en prenant toutes les mesures possibles mais en veillant toutefois à ne pas choquer l’opinion publique.

Nous avons établi dans le cadre de notre étude bibliographique que les différents comportements des Etats aussi bien que les textes de loi cherche à dénoncer l’activité de mercenariat comme étant une atteinte à la paix, à l’autodétermination du peuple, sans pour autant que des actions concrètes ne soient menées. Il s’agit donc de trouver des moyens pour légitimer les actions des mercenaires et ce qui a conduit à la transformation de l’ancien mercenariat en SMP. A première vue, en se basant sur les informations données sur leurs sites, ces dernières seraient des entreprises comme tant d’autres, visant à donner des formations, des équipements, de lutter contre les terroristes. Et pourtant, force est d’admettre que leurs actions actuelles sont fortement similaires à celles des anciens mercenaires.

Nous avons dit précédemment que les mercenaires étaient des instruments utilisés par les leaders pour asseoir leur pouvoir ou pour garder une certaine influence dans un territoire qui, dans la plupart des cas, regorge de richesses. De nos jours, il ne s’agit plus de faire la guerre à d’autres pays et de montrer le nombre de ses armées pour montrer au monde entier sa puissance. Un nouvel enjeu se pose : le contrôle des richesses naturelles et l’influence politique. Ces deux facteurs constituent les critères pour qu’un Etat devienne influent sur un autre.

Le cas des SMP et notamment, d’Executive Outcomes marque cette recherche de puissance à travers le contrôle des ressources naturelles en Angola et en Sierra Leone. L’Afrique regorge en effet de richesses naturelles : de l’énergie renouvelable, des matières premières, de l’espace pour l’agriculture, des pierres précieux, des terres rares et de l’or. A l’instar de leurs prédécesseurs, l’Afrique semble toujours être la principale zone de prédilection des SMP. Et comme les mercenaires de jadis, ils cherchent aussi à assurer le pouvoir à leurs clients en contrôlant les territoires regorgeant de richesses.

Le cas du Blackwater semble plus complexe dans la mesure où c’est une des SMP les plus puissantes, mais également, pionnières. Nous avons démontré que le Blackwater était principalement recruté par le gouvernement américain dans le cadre de la lutte contre le terrorisme. Certes, il y avait eu l’attentat du 11 septembre. Mais l’Amérique devait aussi tenir son rôle dans le monde c’est-à-dire, rester la première puissance du monde et agir en tant que gardien de la paix. Cela lui procure de l’influence sur la politique de nombreux pays. Mais seulement, elle éprouve de la difficulté à atteindre cet objectif vu la réduction du nombre de ses militaires, et la demande de sécurité qui ne cesse d’augmenter.

Dans cette optique, les Etats-Unis ont besoin de nouveaux mercenaires, pour assurer la paix sans pour autant que leurs actions ne porte préjudice à la réputation de leur recruteur. Le Blackwater, fort de ses ressources et de ses expériences s’imposent comme étant l’élément de combat le plus prometteur dans la guerre contre le terrorisme. Ainsi, les Etats-Unis ont envoyé le Blackwater en Afghanistan et en Irak où ils ont le contrôle, et Executive Outcomes est parvenu à pacifier les rebelles de l’UNITA en les poussant à signer le protocole de Lusaka.

Le schéma actuel rejoint les anciennes guerres dans lesquelles, les lords, cherchaient à influencer d’autres, par la conquête de territoires et par le renforcement de leurs armées. Ils ont changé de nom, de stratégies et de recruteurs, mais la finalité de leurs actions restent toujours les mêmes. Outre le contrôle des ressources, aussi bien les mercenaires de jadis que les SMP assurent la protection de leur recruteur. Dans l’un ou dans l’autre cas, le commanditaire des mercenaires tente toujours de manifester sa puissance et d’influencer sur la politique interne des pays qu’il cherche à conquérir ou à contrôler.

Puis, se pose la question de la lutte contre le terrorisme. Ce fait constitue la principale raison de recrutement et de développement des SMP. Mais nous avons pu établir aussi d’après la revue bibliographique, que la terreur régnait aussi même à l’époque médiévale et bien avant cela. Devant la menace grandissante et l’impuissance ou la faiblesse de l’armée, le recours aux mercenaires s’avère inéluctable. Dans ce cas de figure également, il existe une similarité dans les objectifs à atteindre et le contexte de recrutement des anciens et des nouveaux mercenaires.

  1. Les moyens et les champs d’actions

Il existe toutefois des divergences entre les mercenaires de jadis et les SMP d’aujourd’hui, en ce qui concerne les moyens et les champs d’action. Tout d’abord, il existe des différences au niveau de la qualité et du nombre de ressources humaines. Alors qu’autrefois, les mercenaires étaient constitués par des brigands et des renégats, des jeunes en quête d’avenir ou de personnes sans ressources, il semblerait aujourd’hui que les SMP soient l’apanage d’anciens militaires qui sont devenus des civils et d’anciens employés de la CIA. Dans le premier cas, il semblerait que le mercenariat ne soit pas une vocation, mais bel et bien une impasse dans laquelle, le mercenaire se livre n’ayant plus le choix. Dans le deuxième cas par contre, il s’agit d’une décision mûre prise par l’individu lui-même par conviction ou par appât du gain. Il nous semble que les employés de certains services comme la Pentagone ou la CIA jouissent aussi de meilleures conditions de travail, mais cela ne les empêche pas pour autant, de démissionner et d’entrer au niveau des SMP comme le Blackwater.

Si le mercenaire ne peut être défini qu’en fonction de sa motivation pour l’argent, alors les deux cas ne peuvent être retenus comme étant des mercenaires. Les mercenaires de jadis ne jouissaient pas toujours d’une bonne rémunération. Par ailleurs, les jeunes s’intégraient dans des troupes de mercenaires dans le but de trouver de nouvelles opportunités qui peut se présenter comme une nouvelle ville, de nouveaux avantages donnés par leurs recruteurs. Mais il n’a pas été fait mention que leur rémunération était beaucoup plus intéressant que celui d’un soldat de carrière. Les mercenaires d’aujourd’hui jouissent pour leur part, d’une rémunération plus élevée pour leurs missions au sein des SMP. Et pourtant, la seule motivation pour l’argent semble insuffisante vu que ces personnes pouvaient aussi jouir de nombreux avantages et d’une bonne condition de travail au sein de leurs anciens services.

En ce qui concerne les ressources humaines, les SMP présentent une certaine expérience par rapport aux anciens mercenaires. Nous avons rapporté que les Galloglass étaient sélectionnés non pas pour leur savoir-faire mais pour leurs caractéristiques physiques : leur taille, leur capacité à se battre. Ils ne détenaient pas d’expériences en ce qui concerne le combat et doivent par conséquent, être formés. Au fur et à mesure que le temps passe, le profil du mercenaire évolue aussi. La plupart d’entre eux sont des anciens soldats et détiennent par conséquent, une certaine expérience dans la conception de stratégie, dans le maniement d’armes, etc.

C’est la raison pour laquelle, les mercenaires de jadis se contentaient dans la grande majorité des cas, à suivre les ordres de leur recruteur et se lancent uniquement dans des conflits armés. Mais les SMP deviennent polyvalents. Ils ne sont plus présents dans le domaine des conflits armés, mais élargissent aussi leurs interventions dans le champ de la formation militaire, la logistique, la négociation lors de la prise d’otage, la conception de stratégies de lutte contre les terroristes, l’enquête auprès des prisonniers, le renseignement, la protection informatique, etc. Ils parviennent même à fournir des équipements et des armes à la demande. Il est évident alors que les SMP d’aujourd’hui sont beaucoup plus habiles et disposent de plus de moyens par rapport aux anciens mercenaires. Cela les permet d’élargir leurs champs d’action. Et dans cette optique, il semblerait que leurs actions tendent à substituer celles menées par les militaires de carrière. A l’heure actuelle donc, il devient de plus en plus difficile de faire la distinction entre ce qui relève de l’intervention des militaires officiels et de celle des SMP.

Les SMP tendent à devenir des entités autonomes dont dépendent les recruteurs. Ceci a été trouvé par exemple chez les Etats-Unis qui sont devenus de plus en plus dépendants de Blackwater pour mener des opérations en Irak. La même chose a été aussi retrouvée chez le recruteur d’Executive Outcomes qui dépend fortement de lui pour contrôler les affaires sur place. Chez les mercenaires de jadis, le recruteur ne pouvait compter sur eux que pour désinstaller ou installer un pouvoir en place. Cela a été retrouvé aussi bien aux Comores qu’en Congo. Et dans le cas très particulier de Bob Denard, son recruteur n’était pas le pouvoir en place, mais la France, sa patrie. Ainsi, il a agi dans l’intérêt de la France. Mais dans ce cas de relation, la France n’était pas trop dépendante de ce mercenaire. Preuve en est, elle a mis en place tout un réseau, une communauté pour pouvoir garder l’influence sur ces anciennes colonies.

Nous voudrions donc souligner le fait que les actions des mercenaires de jadis étaient limitées par rapport à celles des SMP. Certes, ils étaient autonomes et ils pouvaient travailler pour le compte d’un individu et de le délaisser par la suite pour aller vers le concurrent de celui-ci à condition que son offre soit meilleure. Mais les relations de dépendance entre le recruteur et le recruté semble devenir de plus en plus importantes au fur et à mesure que le mercenaire détient des savoir-faire.

Outre à cela, les interventions des anciens mercenaires étaient moins conséquentes par rapport à ce qui est retrouvé chez les SMP parce que celles-ci sont bien équipées. Capables de s’approvisionner en armes, habile dans la conception de stratégie de guerre, ces nouveaux mercenaires possèdent tous les atouts pour attirer les clients et pour s’imposer, chose qui n’est pas probable pour les intervenants ayant moins de moyens et disposant de peu d’expériences. Dans ce cadre, les mercenaires de jadis étaient assimilés la plupart du temps à des actes de violence. Les SMP pour leur compte, peuvent être admises comme étant des entraîneurs, des formateurs, des gardes de corps et en ce sens, peuvent faire des actes non violents.

  1. Autres caractéristiques distinctifs

A l’instar des mercenaires, les employés des SMP participent aussi aux hostilités et sont rémunérés pour leurs actions dans ces conflits. Aussi bien les mercenaires que les employés des SMP ne sont pas considérés ni comme étant des combattants ni comme des prisonniers de guerre. Cependant, les agents des SMP ne peuvent pas être non plus assimilés à des vrais militaires puisqu’ils ne suivent pas un commandement hiérarchique. Or, cela permet à ces employés d’éviter les sanctions judiciaires, leur statut étant incertain (Caron, 2015 : 9). Si le statut des SMP et de leurs employés n’est pas très clair, celui du mercenaire par contre est déjà bien établi.

Les SMP pourraient être considérées comme étant des firmes militaires de soutien et de conseil et en ce sens, elles donnent des conseils et appuient les actions militaires. Cela les différencie donc de la simple considération de mercenaires. En ce qui concerne leur statut, il a été trouvé que le statut d’employé de SMP est beaucoup plus avantageux par rapport à celui des mercenaires. Le mercenaire en effet, est toujours considéré comme faisant partie intégrante des conflits armés et ne doit pas jouir d’une protection en droit humanitaire. Du point de vue juridique, les différences entre le statut de ces deux entités conduisent à une différence de comportement envers elles.

Dans le cadre de processus juridiques relatifs aux conflits armés, la loi distingue deux catégories de personnes : les combattants qui prennent part aux hostilités et les civils qui doivent être épargnés de ces conflits et de leurs impacts négatifs. Dans cette optique, les employés des SMP pourraient plus être considérés comme étant des civils et non pas des combattants et dans ce sens, ils méritent plus d’indulgence par rapport aux vrais mercenaires qui perpètre des actes répréhensibles. Néanmoins, il y a des affaires au cours desquelles, les SMP sont considérées comme des combattants qui ont participé pleinement aux conflits et doivent par conséquent, répondre de leurs actes devant le tribunal.

D’autre part, les relations entre le recruteur et le recruté va beaucoup compter dans le cadre de contrats dans les conflits armés. Dans certains cas, le mercenaire peut suivre uniquement les ordres et les initiatives du recruteur, à l’occurrence, l’Etat. Mais dans d’autres cas, il est possible que le mercenaire ait pris ses propres initiatives. Dans ce cas, la responsabilité ne peut pas être incombée au recruteur. Mais la prise en considération de ces relations permet aussi de déterminer si la SMP est un organe de l’Etat ou non. Dans le cas des mercenaires, la responsabilité tombera sur lui et sur son recruteur qui a encouragé son implication et ses agissements dans le conflit[84].

Après avoir étudié les comportements et les structures des SMP par rapport à celles des troupes de mercenaires d’autrefois, nous pouvons constater qu’il existe une différence. Les SMP présentent déjà une structure plus complexe avec leurs services de renseignement, le service informatique, le service de formation, etc., chose qui n’a pas été retrouvé chez les mercenaires de jadis. Cela est corroboré par les observations de Varin (2015 : 10) affirmant que les mercenaires tout au moins dans leurs débuts, n’étaient pas organisées. Les troupes de mercenaires étaient composés par des personnes qui étaient recrutées individuellement et qui sont amenées à collaborer avec d’autres personnes qui visent également à faire la même carrière. Les recrus étaient par la suite regroupés pour former un bataillon. Dans la plupart des cas, les mercenaires étaient tenus par un contrat avec son recruteur, mais ils peuvent également être considérés comme étant des hommes libres et dans ce sens, ils peuvent rompre ce contrat à tout moment (Varin, 2015 : 10). Alors que les mercenaires actuels mettent en place un système de sélection de leurs troupes afin de pouvoir tirer profit de leurs savoir-faire, cela n’a pas été retrouvé chez les anciens mercenaires, obligés de recruter des jeunes sur place afin de pouvoir remplacer les pertes humaines.

  • Discussion

Dans la mesure où le recrutement des SMP est motivé par la faible disponibilité des armées officielles et à une réduction du budget alloué à la sécurité, il se pourrait que le recours à ces SMP soit signe d’affaiblissement de l’Etat[85]. Mais il est indéniable que ces dernières années, les SMP connaissent un développement considérable. Ce dernier s’accompagne inexorablement de changements au niveau de la sécurité nationale et de la défense. Désormais, les frontières entre les actions des privées et les actions des militaires deviennent très floues.

Mais il est également admis que le développement de ces SMP n’a pu avoir lieu à moins que leurs actions ne soient légitimées par l’Etat mais également, par les civils. A l’heure actuelle où le terrorisme est pointé de doigt et où tous les acteurs se mobilisent pour lutter contre le terrorisme, il est normal que tous les acteurs qui proposent des services, des appuis, des soutiens pour combattre le terrorisme soient bien accueillis. Et dans ce cas, s’il faut recourir à des SMP, la fin justifie les moyens.

Mais dans ce contexte, il est difficile pour les militaires de carrière de trouver leur place et leur légitimité quand les SMP les remplacent. Dans les différentes réflexions que nous avons faites, nous avons pu constater que les SMP sont devenues très puissantes mais également très performantes et en ce sens, elles peuvent très bien devenir autonomes. Par rapport aux militaires, elles montrent une plus grande efficacité et une plus grande rentabilité, ce qui ne justifie plus la présence ni l’action des militaires officiels. Par ailleurs, ils sont plus considérés comme étant des éléments budgétivores, alors que la situation des Etats et l’exigence de sécurisation des territoires ne permettent pas de telles dépenses. Dans ces différents cas, le militaire ne trouve pas sa place.

Se pose alors la question sur les acteurs de la défense et des démarches de défenses à adopter à l’heure actuelle pour qu’elles puissent répondre aux exigences de l’Etat. Les intervenants qui doivent participer dans la défense est déjà sujet à controverse. En effet, la défense nationale a été depuis toujours un rôle attribué au secteur public et la tâche de défendre la Nation revient aux militaires. Afin de pouvoir mener à bien leurs missions, la structure a été bien établie afin de pouvoir répartir et coordonner les tâches, les hiérarchiser et faire leur suivi comme le montre la figure suivante :

Figure 1 : Structure de la Défense belge (source : http://www.mil.be/fr/la-defense-mod-chod)

A l’instar de nombreuses autres nations européennes, la préoccupation de la Belgique pour la question de la défense nationale n’est plus d’actualité depuis la fin de la guerre froide. Les Belges ne ressentent plus ou peu un sentiment d’insécurité et dans ce cadre, la présence et le rôle du pôle défense est remise en question. La défense ne fait plus partie des débats de société. Les différentes démarches militaires comme l’envoi de soldats dans des pays instables suscitent souvent la colère de la population. Un sondage datant de 2013 a permis de constater que 54% des répondants trouvent que l’envoi de militaires belges au Mali constitue un gaspillage d’argent qui part vers l’étranger et 34% estiment que les militaires ne pourront rien changer à la situation.

Les valeurs et l’importance de la défense elle-même est remise en question par la société actuelle. Or, la  raison d’être de la défense nationale et des forces armées est la préservation des intérêts de la Nation. Cela inclut la sécurité publique, le développement socioéconomique dans un environnement stable, la souveraineté nationale, le niveau de vie, la protection des valeurs étatiques, culturelles et humanitaires comme la démocratie, le respect des droits de l’Homme, l’intégrité du territoire national. La défense de ces différents intérêts produit le développement, la création d’emploi, l’augmentation des investissements directs étrangers, etc.[86] Vu sous cet angle, les forces armées sont garantes de la défense et de la sécurité nationale et contribuent pleinement au développement de leur pays. Dans cette tâche, les forces armées d’une Nation sont les mieux placées pour assurer la défense nationale.

Et pourtant, à l’heure actuelle, les SMP tendent à remplacer les forces armées voire même à les devancer dans le cadre de la défense. La question qui se pose est donc de savoir si les SMP peuvent réellement remplacer les forces armées. Nous pouvons déduire que les formes anciennes de mercenariat a disparu au profit des SMP. Mais sont-elles des mercenaires ? Cette question est cruciale, parce que s’il est admis qu’elles représentent de nouvelles formes de mercenaires, alors elles seraient poursuivies par la loi qui défend les actions mercenaires ainsi que leur recrutement et leur formation. Dans le cas contraire, il est difficile de trouver leurs rôles et celles des forces armées et encore moins, les relations étroites entre les civils et les militaires.

Etant donné que les SMP ne soient pas des acteurs nationaux, nous pensons que les forces armées sont les mieux placées pour incarner et protéger les intérêts de la Nation. Et pourtant, force est de constater que les SMP sont devenues incontournables aussi bien pour les pays du Nord que ceux du Sud. En Afrique, elles ont été recrutées pour former les forces armées et dans le Nord, elles sont des acteurs importants dans la sécurité. Dans ce cadre, l’institution militaire est amenée à travailler en étroite collaboration avec les acteurs privés, ce qui ne manque pas de conduire à la formation d’une structure hybride au sein de l’armée (Varin, 2015 : 1).

Or, contrairement à ce qui se passe dans les forces armées où le respect de la hiérarchie et des règlements est de rigueur, les actions des SMP comme étant des interventions mercenaires. La comparaison que nous avons faite nous permet de constater qu’il existe des similarités non négligeables entre les zones d’intervention, les raisons d’être et les interventions des SMP et des mercenaires. Certes, les SMP maîtrisent plusieurs domaines et offrent une large gamme d’offres contrairement à ce qui se passe chez les mercenaires de jadis. Mais force est de constater que les SMP continuent principalement les actions des mercenaires de jadis dans l’instabilité politique, les conflits armés, ce qui a permis aux observateurs de les considérer comme étant les nouveaux mercenaires. Ce qui est observé dans le cas de Blackwater, Executive Outcomes et Dyncorp International nous permet d’avancer de tels propos.

Du point de vue éthique, il serait pour le moins incommodantes que la défense et la sécurité de la Nation repose entre les mains d’acteurs étrangers. Nous avons vu que dans la plupart des cas, les SMP ne proviennent pas toujours des pays dans lesquels, ils sont envoyés en mission. Dans cette optique, leur capacité à évaluer les besoins de sécurité du pays semble controversée. La légitimité de leurs actions dans le cadre de la défense nationale est donc à remettre en question.

Recommandations

Après avoir discuté de l’état des lieux en ce qui concerne la place des SMP et des forces armées dans la société actuelle, nous allons tenter de tirer des recommandations. La fin de la guerre froide constitue un évènement majeur ayant laissé de côté la défense nationale et la sécurité. C’est ainsi que les forces armées sont considérées comme étant budgétivore voire même inutile parce que le monde est en paix. Mais cela ne peut pas expliquer à lui seul l’émergence et l’importance des SMP de nos jours.

Il a été constaté que les SMP détenait plus d’expériences par rapport aux militaires ce qui leur a permis de gagner le marché et la confiance de leurs clients. Désormais, même le gouvernement et le département d’Etat voire même, les entreprises et les Organisations Non Gouvernementales (ONG) se tournent plus vers les SMP que vers les forces armées. Ceci vient du fait que les SMP sont plus rentables et plus efficaces par rapport aux forces armées. Elles font preuve de grande discrétion et de professionnalisme, ce qui ne manque pas d’attirer les clients qui sont en quête du meilleur rapport coût/service.

Il semblerait alors que les forces armées ont à apprendre de leur professionnalisme et de leurs compétences. Cela suppose une meilleure organisation, gestion d’information, renforcement des compétences, renforcement des capacités des équipes sur terrain, amélioration des services et de la formation. Ceci pourrait être représentés sur le tableau suivant :

Tableau 4 : Perspectives d’amélioration des forces armées

Problèmes Solutions Actions
Insensibilité de la population quant à la question de sécurité Amélioration de la communication au niveau de la défense Sensibilisation de la population sur l’importance de la défense nationale pour le pays, la société et le développement

Actions pour relancer la défense nationale et la place des forces armées dans les débats de société

Organisation d’atelier ou d’évènements permettant de se rapprocher de la population

Les SMP sont plus efficaces sur terrain par rapport aux militaires tant du point de vue nombre, qu’en termes de services rendus Renforcement des compétences des forces armées Formation par des acteurs privés et publics dans le domaine de la logistique, la gestion, la technologie, l’entretien, le maintien et l’utilisation d’équipements et d’armements
Les forces armées manquent de matériels Aide étatique Révision du budget alloué à la défense

Acquisition et gestion d’équipements et de matériels

Les SMP proposent des services très diversifiés tandis que les forces armées sont limitées à des règles rigides Amélioration de la qualité des services des forces armées Formation sur des domaines plus élargis

Mais il existe une autre évidence : les SMP font désormais partie intégrante de la Défense depuis que leur présence a été sollicité par le gouvernement et de nombreux départements. Dans cette optique, il est illusoire de penser que les SMP vont réorienter leurs actions vu que leurs interventions leur ont permis de se développer et d’amasser d’importants gains. Mais avec cette évolution, comme l’affirme Varin (2015), la société est témoin de l’émergence d’un système de défense hybride combinant acteur privé et public, civils et militaires. Dans cette optique, il serait plus intéressante de s’entraider et de tirer profit des savoir faire des SMP. Par exemple, les opérations sur terrain sont réalisées par les militaires puisque c’est leur vocation principale. Les SMP de leur part, se chargent de l’équipement et de la formation.

Conclusion générale

A l’issue de cette étude, nous pouvons constater que le mercenariat n’a jamais quitté l’histoire du monde. Leurs noms, leurs zones d’interventions changent en fonction du pays, de son contexte économique, sociale et culturelle, mais leurs actions restent les mêmes. Ainsi, nous pensons que le mercenariat, principal allié des conflits ne disparaîtra pas tant que le monde existe. A aucun moment alors, le mercenariat n’a été arrêté. Mais elle connaît tout simplement des évolutions comme n’importe quelle autre activité ou métier. Selon que le monde soit en paix ou soit en guerre, le recours aux mercenaires va diminuer ou augmenter. Mais malgré la mise en place de Conventions, les différents rapports sur les conséquences négatives du mercenariat, l’activité reste pérenne.

Sa pérennité provient de l’Homme et de la Nation eux-mêmes. L’Homme veut affirmer sa force et mène une guerre contre un autre pour acquérir ses biens ou pour avoir de l’influence sur lui. Par ailleurs, les Etats veulent aussi affirmer leur puissance. La guerre entre pays est terminée mais les conflits internes et les guerres pour avoir des ressources substituent les anciennes formes de guerres. Et devant cet état de fait, les acteurs étatiques et privés se trouvent dans l’obligeance de recourir aux SMP. Il se pourrait même que l’inefficacité des normes condamnant le mercenariat et leur recrutement traduise le manque de volonté des Nations à abolir le mercenariat, parce que c’est un moyen pour lui de parvenir à ses fins. Autrement dit, le mercenariat permet aux pays puissants comme les Etats-Unis ou encore la France, de continuer à avoir les influences en tant que première puissance et gendarme du monde et en tant que puissance coloniale.

Mais alors que le mercenariat traditionnel a été fortement appréhendé, les SMP se développent et perpètrent leurs actes criminels parfois impunément. Il est très difficile en effet de contrôler ces nouveaux mercenaires car, s’ils sont engagés dans des conflits armés comme le faisaient leurs prédécesseurs, ils cherchent à se faire passer pour des acteurs privés, une société comme une autre, qui cherche plus à augmenter son chiffre d’affaire et ses bénéfices que de s’impliquer dans des affaires politiques des Etats. Or, leur activité au sein des sociétés actuelles laisse douter sur le fait qu’ils soient des acteurs privés. Les gouvernements constituent leurs principaux clients, suivis par les grandes multinationales qui cherchent à pacifier les zones dans lesquelles, ils s’approvisionnent en matières premières. Aussi bien pour le maintien de l’ordre, la sécurité, la protection des personnes importantes, que dans le contrôle des zones stratégiques, le recours aux SMP s’avère inévitable.

Vu la situation actuelle, il est probable que les SMP ont encore un bel avenir devant elles. Mais leur prospérité se fait au détriment de celle des forces armées. Désormais devenus des acteurs importants de la sécurité et du maintien de l’ordre et de la paix, les SMP tendent à remplacer les forces armées dans l’accomplissement de plusieurs missions qui leur étaient attribuées autrefois. Dans un monde marqué par une forte compétitivité entre les différents organes, les forces armées doivent aussi se moderniser, s’améliorer et s’affirmer en tant que principal acteur de la défense nationale et du développement de la patrie. Cela passe d’une part, par l’amélioration de la formation des militaires afin qu’ils aient toutes les compétences et les savoirs ayant permis aux SMP de se développer. A cela s’ajoute les efforts à faire dans le domaine de la communication et de l’équipement des forces armées, ainsi qu’une plus grande ouverture.

Cette étude contribue à mettre en lumière certaines zones d’ombre concernant le statut des SMP, leurs différences et leurs similarités avec les mercenaires de jadis. Elle a aussi permis de suivre l’évolution du mercenariat d’une époque à une autre, en couplant cette analyse avec des rappels historiques sur les contextes dans lesquels, les différentes formes de mercenariat se sont développées. Elle donne entre autres, un regard critique sur les actions des mercenaires de jadis et des nouveaux mercenaires, sans oublier de démontrer les enjeux que cela présente pour la défense nationale et plus particulièrement, pour les forces armées.

Dans le cadre de notre étude, nous avons adopté une approche comparative en nous basant sur l’analyse des études précédemment faites sur les mercenaires et sur les SMP. Or, la plupart d’entre elles étaient des études qualitatives destinées principalement à comprendre le phénomène de mercenariat et de son évolution à l’heure actuelle. Nous ne détenons pas par conséquent, des données quantitatives permettant de corroborer les analyses qualitatives notamment, en ce qui concerne l’efficacité de la défense nationale par rapport aux SMP.

D’autre part, nous avons basé notre étude sur six cas dont trois cas de mercenaires et trois autres de SMP. Nous avons analysé les cas des SMP et des mercenaires les plus connus, mais nous ne pouvons pas déterminer de manière exacte si les faits rapportés au niveau de ces quelques cas arrivent à refléter la réalité. C’est la raison pour laquelle, nous jugeons utile de faire des études quantitatives permettant de recenser les différents faits dans lesquels, les SMP ont conduit à des instabilités. De cette manière, il nous serait plus facile de tirer une conclusion générale quant à l’importance des SMP par rapport aux forces armées notamment en Belgique, ainsi que les impacts de leurs activités sur la défense nationale.

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[1] Il y a 13 ans, les attentats-suicides du 11 septembre 2001 à New York, consulté le 14 mai 2016, http://www.sudouest.fr/2014/09/11/il-y-a-13-ans-les-attentats-suicides-du-11-septembre-2001-a-new-york-1668424-4803.php

[2] Chute du mur de Berlin, consulté le 14 mai 2016, http://www.universalis.fr/encyclopedie/chute-du-mur-de-berlin/

[3] 1991. Dissolution de l’URSS, consulté le 14 mai 2016, http://www.lemonde.fr/revision-du-bac/annales-bac/histoire-terminale/1991-dissolution-de-l-urss_hxd022.html

[4] Bigo, D., Bonelli, L. et Deltombe, T. Au nom du 11 septembre … Les démocraties à l’épreuve de l’antiterrorisme, consulté le 14 mai 2016, http://reseau-terra.eu/article835.html

[5] Chevalier, C. (2009). Blackwater, une armée très privée, consulté le 14 mai 2016, http://www.lesechos.fr/30/07/2009/lesechos.fr/300366617_blackwater–une-armee-tres-privee.htm

[6] Leverchy, C. (2003). « Définir le mercenaire puis lutter contre le mercenariat », Cultures & conflits, n°52, consulté le 14 mai 2016, https://conflits.revues.org/979

[7] Mercenaire,  consulté le 6 avril 2016, Larousse, http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/mercenaire/50576

[8] Chojnacki, S., Metternich, N. and Münster, J. (2009), Mercenaries in civil wars, 1950 – 2000, WZB Discussion Paper, n°SPII 2009 – 5, p.9, consulté le 6 avril 2016, http://hdl.handle.net/10419/51139

[9] Protocole additionnel aux Conventions de Genève du 12 août 1949, relatif à la protection de victimes et des conflits armés internationaux (Protocole I)’, 8 juin 1977, article 47.

[10] Psammétique Ier, consulté le 21 avril 2016, http://www.larousse.fr/encyclopedie/personnage/Psamm%C3%A9tique_Ier/139748

[11] Napoli, J. (2010). « Rome et le recrutement de mercenaires », Revue historique des armées, n°260, pp. 68 – 77, consulté le 12 avril 2016, http://rha.revues.org/7055

[12] De Gendt, P. (2013/05). « Les sociétés militaires privées, une nouvelle superpuissance », Analyses & études, Monde et Droits de l’Homme, consulté le 6 avril 2016, www.sireas.be/publications/analyse2013/2013-05int.pdf

[13] 1618 à 1648 La guerre de Trente ans, consulté le 25 avril 2016, sur Hérodote, https://www.herodote.net/1618_a_1648-synthese-56.php

[14] De Gendt, P. (2013). « Les sociétés militaires privées, une nouvelle superpuissance », Analyses & Etudes, Mondes et Droits de l’Homme, p.4, consulté le 6 avril 2016, http://www.frstrategie.org/barreFRS/publications/notes/2011/201109.pdf

[15] Chojnacki, S., Metternich, N. and Münster, J. (2009), Mercenaries in civil wars, 1950 – 2000, WZB Discussion Paper, n°SPII 2009 – 5, p.3, consulté le 6 avril 2016, http://hdl.handle.net/10419/51139

[16] Arrestation de 32 mercenaires à Kinshasa, consulté le 28 avril 2016, http://www.congoforum.be/fr/nieuwsdetail.asp?subitem=1&newsid=10231&Actualiteit=selected

[17] Trente-deux « mercenaires » arrêtés à Kinshasa, consulté le 7 mai 2016, http://www.irinnews.org/fr/actualit%C3%A9s/2006/05/24

[18] Paluku, M. (2006). Les profs n’ont pas convaincu à propos de 32 mercenaires arrêtés à Kinshasa, http://benilubero.com/les-prof-n%E2%80%99ont-pas-convaincu-a-propos-de-32-mercenaires-arretes-a-kinshasa/

[19] Trente-deux « mercenaires » arrêtés à Kinshasa, consulté le 7 mai 2016, http://www.irinnews.org/fr/actualit%C3%A9s/2006/05/24

[20] Luaula, R. (2010). « Kabila créé une fois de plus des mercenaires virtuels pour disqualifier Oscar Kashala de la présidentielle de 2011 ! », Congo One consulté le 7 mai 2016, http://congoone.net/cgo/index.php/actualites/267-kabila-cree-une-fois-de-plus-des-mercenaires-virtuels-pour-disqualifier-oscar-kashala-de-la-presidentielle-de-2011

[21] Expulsion des 32 mercenaires présumés de la RD Congo, consulté le 7 mai 2016,  http://www.panapress.com/Expulsion-des-32-mercenaires-presumes-de-la-RD-Congo–13-633625-17-lang4-index.html

[22]Airault, P. (2015). 5 octobre 1995 : fin de parcours pour Bob Denard, L’opinion, consulté le 7 mai 2016, http://www.lopinion.fr/3-aout-2015/5-octobre-1995-fin-parcours-bob-denard-1420-26796

[23] Bob Denard, consulté le 7 mai 2016, http://archivesdescomores.weebly.com/bob-denard.html

[24] Villacèque, M. (2012). Bob Denard, le mercenaire des Comores, consulté le 9 mai 2016, http://www.jeuneafrique.com/141171/culture/bob-denard-le-mercenaire-des-comores/

[25] Bob Denard, consulté le 7 mai 2016, http://archivesdescomores.weebly.com/bob-denard.html

[26] Guiachino, L. (2006). Comores – Procès Denard, mars 06 – 1 : Interview de Saïd Mohamed Djohar, président renversé en 1995 par la France, consulté le 10 mai 2016, http://survie.org/billets-d-afrique/2006/145-mars-2006/article/comores-proces-denard-mars-06-1

[27] Villacèque, M. (2012). Bob Denard, le mercenaire des Comores, consulté le 9 mai 2016, http://www.jeuneafrique.com/141171/culture/bob-denard-le-mercenaire-des-comores/

[28] Galloglass, consulté le 9 mai 2016, http://macdougall.org/our-heritage-2/gallowglass/

[29] Convention de l’OUA sur l’élimination du mercenariat en Afrique/ Libreville, 3 juillet 1977, consulté le 25 avril 2016 sur le site, https://www.icrc.org/applic/ihl/dih.nsf/xsp/.ibmmodres/domino/OpenAttachment/applic/ihl/dih.nsf/CC64A017366FEE80C12563140043AD44/FULLTEXT/DIH-78-FR.pdf.

[30] Villemure, R. (2007). Le mercenaire et l’éthicien, consulté le 10 mai 2016, http://www.ethique.net/index.php/fr/bulletins-reflexifs/bulletins-reflexifs/item/le-mercenaire-et-l-ethicien.html

[31] Joachim, L. (2011).  «  « Security business » : Les nouveaux mercenaires ». Politique international, n°131, consulté le 21 avril 2016, http://www.politiqueinternationale.com/revue/article.php?id_revue=131&id=1015&content=synopsis

[32] Sartre, P. (2008). « Soldats privés », Etudes 408 (4), consulté le 21 avril 2016, sur le site www.cairn.info/revue-etudes-2008-4-page-452.htm

[33] Bruyère – Ostells, W. (2015). « L’influence française dans la sécession katangaise : naissance d’un système mercenaire », Relations internationales, 2 (162), consulté le 9 mai 2016, http://www.cairn.info/resume.php?ID_ARTICLE=RI_162_0157

[34] Kaur, M. (2011).  « « Mercenaries » in Libya : impact of legal impunity », consulté le 6 mai 2016, http://hdl.handle.net/10220/7957

[35] Guerre froide, consulté le 14 mai 2016, http://www.larousse.fr/encyclopedie/divers/guerre_froide/122564

[36] Laïdi, Z. (1992). « Penser l’après-guerre froide », Cultures & conflits, n°8, consulté le 14 mai 2016, https://conflits.revues.org/535

[37] Condominas, B. (2016). Le boom des sociétés militaires privées, consulté le 14 mai 2016, http://www.rfi.fr/moyen-orient/20160209-mercenaires-chiens-guerre-armees-boom-societes-militaires-privees-war-on-want

[38] De Gendt, P. (2013). « Les sociétés militaires privées, une nouvelle superpuissance », Analyses & Etudes, Mondes et Droits de l’Homme, p.6, consulté le 6 avril 2016, http://www.frstrategie.org/barreFRS/publications/notes/2011/201109.pdf

[39] De Gendt, P. (2013). « Les sociétés militaires privées, une nouvelle superpuissance », Analyses & Etudes, Mondes et Droits de l’Homme, p.3, consulté le 6 avril 2016, http://www.frstrategie.org/barreFRS/publications/notes/2011/201109.pdf

[40] Remy, C. (2011). « Les sociétés militaires privées dans la lutte contre la piraterie », Pyramides, n°21, consulté le 10 mai 2016, http://pyramides.revues.org/793#tocto1n3

[41] De Gendt, P. (2013). « Les sociétés militaires privées, une nouvelle superpuissance », Analyses & Etudes, Mondes et Droits de l’Homme, p.5, consulté le 6 avril 2016, http://www.frstrategie.org/barreFRS/publications/notes/2011/201109.pdf

[42] Remy, C. (2011). « Les sociétés militaires privées dans la lutte contre la piraterie », Pyramides, n°21, consulté le 10 mai 2016, http://pyramides.revues.org/793#tocto1n3

[43] De Gendt, P. (2013). « Les sociétés militaires privées, une nouvelle superpuissance », Analyses & Etudes, Mondes et Droits de l’Homme, p.4, consulté le 6 avril 2016, http://www.frstrategie.org/barreFRS/publications/notes/2011/201109.pdf

[44] Sartre, P. (2008). « Soldats privés », Etudes 408 (4), consulté le 21 avril 2016, sur le site www.cairn.info/revue-etudes-2008-4-page-452.htm

[45] Sartre, P. (2008). « Soldats privés », Etudes 408 (4), consulté le 21 avril 2016, sur le site www.cairn.info/revue-etudes-2008-4-page-452.htm

[46] De Gendt, P. (2013). « Les sociétés militaires privées, une nouvelle superpuissance », Analyses & Etudes, Mondes et Droits de l’Homme, p.3, consulté le 6 avril 2016, http://www.frstrategie.org/barreFRS/publications/notes/2011/201109.pdf

[47] Remy, C. (2011). « Les sociétés militaires privées dans la lutte contre la piraterie », Pyramides, n°21, consulté le 10 mai 2016, http://pyramides.revues.org/793#tocto1n3

[48] De Gendt, P. (2013). « Les sociétés militaires privées, une nouvelle superpuissance », Analyses & Etudes, Mondes et Droits de l’Homme, p.5, consulté le 6 avril 2016, http://www.frstrategie.org/barreFRS/publications/notes/2011/201109.pdf

[49] Sartre, P. (2008). « Soldats privés », Etudes 408 (4), consulté le 21 avril 2016, sur le site www.cairn.info/revue-etudes-2008-4-page-452.htm

[50] Remy, C. (2011). « Les sociétés militaires privées dans la lutte contre la piraterie », Pyramides, n°21, consulté le 10 mai 2016, http://pyramides.revues.org/793#tocto1n3

[51] De Gendt, P. (2013). « Les sociétés militaires privées, une nouvelle superpuissance », Analyses & Etudes, Mondes et Droits de l’Homme, p.6 – 7, consulté le 6 avril 2016, http://www.frstrategie.org/barreFRS/publications/notes/2011/201109.pdf

[52] De Gendt, P. (2013). « Les sociétés militaires privées, une nouvelle superpuissance », Analyses & Etudes, Mondes et Droits de l’Homme, p.7, consulté le 6 avril 2016, http://www.frstrategie.org/barreFRS/publications/notes/2011/201109.pdf

[53] De Gendt, P. (2013). « Les sociétés militaires privées, une nouvelle superpuissance », Analyses & Etudes, Mondes et Droits de l’Homme, p.8, consulté le 6 avril 2016, http://www.frstrategie.org/barreFRS/publications/notes/2011/201109.pdf

[54] Polloni, C. (2014). «En Ukraine, feu Blackwater fait reparler de ses « mercenaires » », consulté le 10 mai 2016, http://rue89.nouvelobs.com/2014/05/12/ukraine-feu-blackwater-fait-reparler-mercenaires-252101

[55] De Gendt, P. (2013). « Les sociétés militaires privées, une nouvelle superpuissance », Analyses & Etudes, Mondes et Droits de l’Homme, p.5, consulté le 6 avril 2016, http://www.frstrategie.org/barreFRS/publications/notes/2011/201109.pdf

[56] Sartre, P. (2008). « Soldats privés », Etudes 408 (4), consulté le 21 avril 2016, sur le site www.cairn.info/revue-etudes-2008-4-page-452.htm

[57] Chojnacki, S., Metternich, N. and Münster, J. (2009), Mercenaries in civil wars, 1950 – 2000, WZB Discussion Paper, n°SPII 2009 – 5, p.8, consulté le 6 avril 2016, http://hdl.handle.net/10419/51139

[58] Pech, K. Executive Outcomes – A corporate conquest, consulté le 10 mai 2016, https://www.issafrica.org/uploads/PEACECHAP5.PDF

[59] Executive Outcomes, consulté le 10 mai 2016 http://www.globalsecurity.org/military/world/para/executive_outcomes.htm

[60] Pech, K. Executive Outcomes – A corporate conquest, consulté le 10 mai 2016, https://www.issafrica.org/uploads/PEACECHAP5.PDF

[61] De Gendt, P. (2013). « Les sociétés militaires privées, une nouvelle superpuissance », Analyses & Etudes, Mondes et Droits de l’Homme, p.5, consulté le 6 avril 2016, http://www.frstrategie.org/barreFRS/publications/notes/2011/201109.pdf

[62] Dossier FIDES – La question des armes in Afrique, consulté le 10 mai 2016, http://www.fides.org/fr/news/2498-DOSSIER_FIDES_LA_QUESTION_DES_ARMES_IN_AFRIQUE#.VzNguyE7eFQ

[63] Pech, K. Executive Outcomes – A corporate conquest, consulté le 10 mai 2016, https://www.issafrica.org/uploads/PEACECHAP5.PDF

[64] De Gendt, P. (2013). « Les sociétés militaires privées, une nouvelle superpuissance », Analyses & Etudes, Mondes et Droits de l’Homme, p.4, consulté le 6 avril 2016, http://www.frstrategie.org/barreFRS/publications/notes/2011/201109.pdf

[65] De Gendt, P. (2013). « Les sociétés militaires privées, une nouvelle superpuissance », Analyses & Etudes, Mondes et Droits de l’Homme, p.6, consulté le 6 avril 2016, http://www.frstrategie.org/barreFRS/publications/notes/2011/201109.pdf

[66] Vereycken, K. (2007). Mercenaires sans frontières, les « chiens de guerre » de la mondialisation financière, consulté le 13 mai 2016, http://www.solidariteetprogres.org/documents-de-fond-7/politique/article/mercenaires-sans-frontieres-les-chiens-de-guerre.html

[67] Dyncorp international recognizes police mentors with Chairman’s Valor Award, consulté le 10 mai 2016, http://ir.dyn-intl.com/releasedetail.cfm?releaseid=758624

[68] Dyncorp International selected to continue police training in Afghanistan, consulté le 10 mai 2016, http://www.dyn-intl.com/news-events/press-release/dyncorp-international-selected-to-continue-police-training-inafghanistan/

[69] Mickael (2016). Les premiers mercenaires de DynCorp arrivent au Yémen, consulté le 13 mai 2016, http://news360x.fr/premiers-mercenaires-de-dyncorp-arrivent-yemen/

[70] De Gendt, P. (2013). « Les sociétés militaires privées, une nouvelle superpuissance », Analyses & Etudes, Mondes et Droits de l’Homme, p.10, consulté le 6 avril 2016, http://www.frstrategie.org/barreFRS/publications/notes/2011/201109.pdf

[71] Magnon – Pujo, C. (2013). « Des mercenaires aux compagnies de sécurité privée », Déviance et société, 36 (4), consulté le 10 mai 2016, http://www.cairn.info/resume.php?ID_ARTICLE=DS_374_0487

[72] De Gendt, P. (2013). « Les sociétés militaires privées, une nouvelle superpuissance », Analyses & Etudes, Mondes et Droits de l’Homme, p.8, consulté le 6 avril 2016, http://www.frstrategie.org/barreFRS/publications/notes/2011/201109.pdf

[73] Sartre, P. (2008). « Soldats privés », Etudes 408 (4), consulté le 21 avril 2016, sur le site www.cairn.info/revue-etudes-2008-4-page-452.htm

[74] Monsanto se paye la plus grande armée de mercenaires au monde : les Blackwater, consulté le 12 mai 2016, http://etat-du-monde-etat-d-etre.net

[75] Seither, G. (2007). Les mercenaires continuent à tuer des innocents en Irak … et à se remplir les poches, consulté le 13 mai 2016,  https://libertesinternets.wordpress.com/2007/12/07/les-mercenaires-continuent-de-tuer-des-innocents-en-irak%E2%80%A6-et-de-se-remplir-les-poches/

[76] De Gendt, P. (2013). « Les sociétés militaires privées, une nouvelle superpuissance », Analyses & Etudes, Mondes et Droits de l’Homme, p.8, consulté le 6 avril 2016, http://www.frstrategie.org/barreFRS/publications/notes/2011/201109.pdf

[77] Sartre, P. (2008). « Soldats privés », Etudes 408 (4), consulté le 21 avril 2016, sur le site www.cairn.info/revue-etudes-2008-4-page-452.htm

[78] Des ex-mercenaires de Blackwater condamnés à de lourdes peines de prison, 2015, consulté le 11 mai 2016, http://www.lemonde.fr/proche-orient/article/2015/04/13/des-mercenaires-de-blackwater-condamnes-a-de-lourdes-peines-de-prison_4615302_3218.html

[79] La méthode comparative en sciences politiques, consulté le 12 mai 2016, https://docs.school/sciences-politiques-economiques-administratives/sciences-politiques/cours-de-professeur/methode-comparative-sciences-politiques-107744.html

[80] Hassenteufel, P. (2005). « De la comparaison internationale à la comparaison transnationale. Les déplacements de la construction d’objets comparatifs en matière de politiques publiques », Revue française de science politique, 55 (1), consulté le 12 mai 2016, https://www.cairn.info/revue-francaise-de-science-politique-2005-1-page-113.htm

[81] Hassenteufel, P. (2014). « Comparaison », in Dictionnaire des politiques publiques, 4ème ed., consulté le 12 mai 2016, http://www.cairn.info/load_pdf.php?ID_ARTICLE=SCPO_BOUSS_2014_01_0148

[82] Van de Velde, C. (2014). « Comparaison », Sociologie, les 100 mots de la sociologie, consulté le 12 mai 2016, https://sociologie.revues.org/2370

[83] Hassenteufel, P. (2005). « De la comparaison internationale à la comparaison transnationale. Les déplacements de la construction d’objets comparatifs en matière de politiques publiques », Revue française de science politique, 55 (1), consulté le 12 mai 2016, https://www.cairn.info/revue-francaise-de-science-politique-2005-1-page-113.htm

 

[84] Les affreux : mercenaires français de 1960 à 1989, consulté le 13 mai 2016, https://etudesgeostrategiques.com/tag/mercenaires/

[85] Les mercenaires/ contractors « Sociétés militaires privées dans le chaos irakien », consulté le 13 mai 2016, http://le.cos.free.fr/contractors.htm

[86] La valeur de la défense belge, consulté le 13 mai 2016, https://www.mil.be/sites/mil.be/files/files_library/waarde_belgische_defensie_-_fr_-_complet_-_lr.pdf

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