Étude syntaxique de l’adjectif épithète dans La Cousine Bette.
Master de Linguistique française
Sujet : Étude syntaxique de l’adjectif épithète dans La Cousine Bette de Balzac.
Introduction générale
- Motivation et contexte scientifique : (Justification du choix)
J’ai toujours été attiré par les sciences du langage, plus particulièrement la syntaxe. J’ai passé beaucoup de temps à lire les ouvrages syntaxiques afin d’améliorer mes compétences théoriques dans ce domaine.
D’un point de vue purement linguistique, la syntaxe (qui est mon domaine de recherche) comme science s’intéresse entre autres à l’ordre des mots et aux catégories grammaticales ou parties du discours tel que l’adjectif.
Tout au long de mon cursus universitaire, l’étude de l’adjectif à travers ses différents types et ses différentes fonctions a toujours suscité mon intérêt.
Parmi les quatre fonctions de l’adjectif, on trouve la fonction épithète. Le terme » épithète » vient de la grammaire latine « epitheton » qui est elle-même d’origine grecque « epithetos »[1].
Un adjectif épithète est un adjectif qualificatif qui n’est pas relié au nom par un verbe. Dans ce sens, épithète est opposé à attribut. Dans le cadre de notre parcours universitaire, nous avons toujours eu l’habitude d’étudier l’adjectif épithète d’un point de vue technique, c’est-à-dire aux aspects syntaxiques de l’adjectif épithète : son fonctionnement, sa nature, sa distribution…
La plupart des travaux réalisés sur l’adjectif passent, semble-t-il, en quelques phrases sur la fonction épithète ; ils la considèrent comme une « banalité » de l’approche syntaxique. D’ailleurs, les recherches sur l’adjectif n’accordent pas une grande importance à l’épithète, elles l’étudient sans vraiment l’approfondir et sans la travailler comme un sujet autonome.
Je suis intéressé par les comportements syntaxiques et je voudrais approfondir mes connaissances en syntaxe. J’aimerais donc entreprendre une étude approfondie de l’épithète.
Mon projet de recherche a pour objectif d’élargir le champ d’investigation et de réflexion sur l’adjectif épithète.
Dans cette optique, mon mémoire s’oriente vers une étude syntaxique proprement dite de l’adjectif épithète dans une œuvre riche en épithètes : La Cousine Bette de Balzac.
- Présentation du sujet de recherche
- L’auteur : (Pourquoi Balzac ?)
Honoré de Balzac est l’un des piliers du réalisme. Il s’inspire du quotidien d’où la richesse des descriptions et la fréquence des adjectifs qui qualifient des personnages appartenant à toutes les classes de la société et à plusieurs générations successives, ce dans une perspective critique. Cette volonté de construire un monde romanesque à la fois cohérent et complet voit son aboutissement dans La Comédie humaine de Balzac.
Le choix d’Honoré de Balzac n’est pas arbitraire, il répond à des critères bien déterminés. Étant donné que Balzac appartient au XIXe siècle qui a été traversé par le courant réaliste, ses romans fonctionnent dans le cycle de l’écriture réaliste.
Le réalisme balzacien portera ses intentions sur l’étude de l’être humain à travers ses comportements, le milieu où il vit, la société à laquelle il appartient ; donc à tout ce qui est réel et concret. Il marquera en effet le déclin du rêve et de l’imagination. Le roman sera l’objet de prédilection de Balzac qui est incontournable dans le réalisme. Il se révolte contre le romantisme de sa jeunesse par une nouvelle façon d’écrire.
Balzac tente alors de représenter le plus fidèlement possible sa société. Le roman balzacien est un inventaire du Réel qui restitue avec une extrême exactitude une époque. L’exemple représentatif est sans doute celui de l’œuvre de Balzac La Comédie humaine (cycle romanesque 1831-1850) et particulièrement La Cousine Bette.
- Le Corpus(objet de recherche)
La Cousine Bette d’Honoré de Balzac est d’abord publié en feuilleton dans le quotidien politique français Le Constitutionnel d’octobre à décembre 1846. Ce n’est qu’en 1847 que la publication en volume aura lieu, dans Scènes de la vie parisienne, section Les Parents pauvres de La Comédie humaine. L’auteur y décrit principalement le portrait d’une femme « profondément destructrice, rancunière, d’une laideur extrême ». Ce roman est considéré comme l’un des chefs-d’œuvre de La Comédie humaine.
J’ai choisi de travailler sur ce corpus (La Cousine Bette) pour plusieurs raisons. Tout d’abord parce que je suis passionné par le style réaliste qui se veut proche de la réalité et parce que ce roman réaliste est vraiment riche en épithètes.
Plusieurs adjectifs épithètes sont employés dans La Cousine Bette afin de transmettre la réalité. Donc, le réalisme n’est pas seulement dans la narration, mais il est aussi dans le recours aux adjectifs épithètes qui ont un rôle indispensable dans ce roman.
Il me semble que l’écriture réaliste doit beaucoup de sa force à ses épithètes rares, bien choisies et bien placées. C’est également grâce à l’épithète que l’auteur réussit à exprimer les nuances infiniment variées de la réalité.
Ce travail se propose de présenter le statut de l’adjectif épithète dans La Cousine Bette. Mon objectif de recherche n’est pas l’adjectif épithète en lui-même, mais en relation avec l’écriture de Balzac : son style et sa manière d’écrire et d’employer les épithètes. Balzac, en qualité de romancier réaliste, aurait-il fait œuvre de novateur en ce qui concerne l’épithète ?
Il s’agit d’une nouvelle lecture de La Cousine Bette via l’utilisation d’adjectifs épithètes. Nous essayerons dans notre étude de ce roman réaliste de Balzac de montrer comment le fonctionnement syntaxique des épithètes participe à l’écriture réaliste.
Le choix de La Cousine Bette comme corpus n’est pas « innocent » ; il est le résultat de plusieurs lectures et maintes observations qui m’ont permis de valider ce corpus comme support représentatif d’une série d’hypothèses.
La récurrence des épithètes dans La Cousine Bette peut fournir la matière pour notre étude.
- État de la question :
Parmi les classes de mots, les adjectifs semblent relativement moins bien étudiés que les noms et les verbes. Avant d’entamer l’étude de l’adjectif épithète, nous avons fait une recherche sur les travaux réalisés en Tunisie et nous avons constaté que peu de mémoires et thèses ont traité cet élément. On peut dire qu’en Tunisie, les travaux consacrés à l’étude de fonctionnement de l’épithète sont peu nombreux. Nous citerons principalement le mémoire de M. Mejaoul dirigé par M. Ahmed Brahim : La place de l’adjectif épithète en français contemporain. Ce mémoire a été soutenu en 1987.
Quant aux travaux réalisés à l’étranger, le repérage est vraiment très difficile et ma recherche s’est faite seulement sur internet. Lors de cette recherche, j’ai eu l’impression que ma problématique n’était pas largement traitée auparavant. D’ailleurs, c’est vrai que les travaux réalisés sur Honoré de Balzac sont assez nombreux, mais ceux qui concernent notamment le rapport entre l’adjectif épithète et le style réaliste balzacien sont moins abordés. De plus, ces travaux n’ont pas été suffisamment appliqués au roman de Balzac La Cousine Bette.
Par conséquent, il s’agit de relever un trait particulier et caractéristique du style d’écriture singulière de Balzac dans le roman réaliste.
Ce sujet m’a paru original. Mon projet sera une lecture qui s’ajoute à d’autres lectures de Balzac et de son œuvre.
- Problématique :
Ce travail vise à apporter une réponse à la question centrale suivante :
► Comment Balzac emploie-t-il les adjectifs épithètes dans La Cousine Bette ?
Pour répondre à cette question, nous commencerons par une série d’hypothèses :
- Comment le choix et la place de l’adjectif peuvent-ils influencer l’interprétation sémantique ?
- Le fonctionnement syntaxique des adjectifs épithètes joue-t-il un rôle dans le style réaliste balzacien ? De quelle manière les épithètes permettent -elles à Balzac de s’inscrire dans une écriture qui se veut proche de la réalité ?
- Comment les adjectifs participent-ils à l’enrichissement de la description d’un roman réaliste ? » dans La cousine Bette ?
- L’étude de ce sujet présente comme intérêt la catégorisation de l’adjectif épithète comme appartenant aux éléments indispensables et fondamentaux pour l’écriture réaliste, c’est même un moyen de facilitation de la transposition du réel. La problématique à laquelle il convient de répondre est celle de savoir comment Honoré de Balzac a utilisé les épithètes pour qu’elles aient fortement contribué au réalisme de l’œuvre ? La réflexion sur le roman tourne autour de l’énigme du réalisme, une des problématiques soulevées par la tradition esthétique occidentale qui subordonne la beauté ou la laideur à la réalité. Honoré de Balzac essaie, à travers son roman La Cousine Bette, de décrire cette « esthétique » de la manière la plus réaliste qui soit.
- Domaine de recherche :
Notre domaine de recherche est la syntaxe. Vu que notre mémoire portera sur la syntaxe, nous allons exploiter plusieurs ouvrages de grammaire tels que la Grammaire méthodique du français et Le Bon Usage…
Cela nous permettra de revisiter les études déjà faites sur l’adjectif épithète et de constituer nos occurrences sur la base du corpus qui est La Cousine Bette.
Il ne s’agit pas d’une recherche théorique sur la syntaxe, mais plutôt une étude syntaxique appliquée à un corpus littéraire qui est un roman de Balzac, donc, on est dans le cadre de la linguistique textuelle (linguistique appliquée).
- Méthode d’analyse :
Notre travail comporte une approche qualitative et une approche quantitative. Nous essayerons de faire alternance entre étude qualificative et étude quantitative. Concernant l’approche qualitative, nous allons exercer une activité d’observation afin de valider les hypothèses de travail. Quant à l’approche quantitative, nous ferons un inventaire, autrement dit un travail statistique par rapport à l’adjectif épithète pour montrer sa récurrence. L’objectif de cette analyse quantitative n’est pas simplement de dire combien de fois se répète cet élément, mais de valider les hypothèses de recherche.
Donc, il s’agit à la fois d’une étude qualificative et quantitative ; étude qui devrait répondre aux besoins de l’analyse.
- Plan :
Notre mémoire portera sur trois points essentiels :
- Rappel de notions sur l’adjectif épithète
- Inventaire des adjectifs épithètes dans La cousine Bette
- La cousine Bette, une œuvre réaliste via l’utilisation d’épithètes
- Rappel de notions sur l’adjectif épithète
Notre travail s’intéresse de près à la manière dont Balzac emploie les adjectifs épithètes dans son œuvre épique La cousine Bette. Avant d’entrer dans une analyse détaillée, il convient de commencer par un petit rappel de notions sur l’adjectif épithète. Pour ce faire, nous allons nous livrer à une définition de cet adjectif.
- Définition et particularité de l’adjectif épithète
Nous allons commencer par une série de définitions pour mieux cerner le sujet de notre étude, les adjectifs épithètes.
- Définition de l’adjectif
Les définitions d’un adjectif sont nombreux et pour le dictionnaire Larousse en ligne, un adjectif est un :
« mot que l’on peut adjoindre au substantif pour exprimer une qualité de l’être, de l’objet ou de la notion désignée (adjectif qualificatif ou, simplement, adjectif), ou pour introduire ce substantif dans le discours (adjectif déterminatif).[2]».
Le débat entre la nature de l’adjectif est récurrent ; selon les différentes sources étudiées par Goes (1999) pour façonner son ouvrage intitulé L’adjectif : entre nom et verbe se heurtent et concluent que celui-ci « n’est pas un verbe, ni une forme verbale, ni un substantif.[3] »
Un adjectif n’est pas un simple mot, Noailly (1999) souligne sa place et son importance dans une phrase en relevant qu’il s’agit d’un label dans lequel « toutes les formes s’accordant au substantif à l’intérieur du groupe nominal[4] » sont classées. Ainsi, un adjectif, qu’il serve à déterminer la nature d’une chose (adjectif qualificatif) ou qu’il introduise le nom (déterminatif), est toujours rattaché au substantif ou au groupe nominal. Cependant, il existe différents types d’adjectif, de nature différente, avec des fonctions variées et des places différentes. Toutefois, notre travail ne concernera que l’adjectif épithète, nous allons donc définir ce dernier.
- Définition de l’adjectif épithète
En se basant sur les travaux de Wagner et Pinchon (2001), Nadji (2008) reprend leur définition de l’adjectif épithète et le désigne comme étant un adjectif « qui se construit directement avec le substantif qu’il détermine.[1] »En d’autres termes, l’adjectif épithète détermine un substantif et lui est directement rattaché, sans qu’un autre mot se place entre lui et le nom qu’il qualifie. Dans cette optique, l’adjectif épithète peut se trouver soit devant un nom ou après, dans ces deux cas, il est directement relié au terme qualifié.
En ce sens, nous remarquons que l’adjectif épithète est donc utilisé dans un but de déterminer ou de caractériser un nom, comme le précise Nadji (2008) qui reprend la définition de l’épithète fournie par Wilmet (1986) : « l’épithète désigne à proprement parler la fonction déterminative, qui est interprétable en terme de qualification et/ou de caractérisation[5]».
Pour Le dictionnaire Le Littré en ligne, l’épithète est un ajout, un terme à placer devant ou après le nom afin de le caractériser ou de le qualifier.[6]
- Étymologie et évolution de l’épithète
Étymologiquement, le terme épithète provient du grec traduit par le terme « epithetum » en latin et désigne « un mot qu’on ajoute à un substantif pour mieux faire valoir l’idée qu’il exprime[7] ». Le terme adjectif signifie également « ajouté » et provient du latin tardif « adjectivum » signifiant « nom qui s’ajoute[8] ». Toutefois, bien que le sens étymologique de ces deux mots soit le même, l’épithète souligne plutôt une action renforcée, c’est-à-dire que son usage permet la qualification plus précise d’un nom. Ainsi, l’épithète permet de préciser la nature ou l’état d’un nom.
Dans le corpus que nous étudions ici, La Cousine Bette d’Honoré de Balzac, l’usage de l’épithète est récurrent.
Grevisse rapporte une évolution de l’épithète, notamment de sa place, au fil du temps. D’après elle, l’épithète, dans la langue latine, est placée soit devant le nom (antéposition) soit après ce dernier (postposition). Bien que la langue latine ne soit pas trop exigeante sur l’ordre des mots, syntaxiquement parlant[9], l’épithète est placée selon sa fonction.
À titre d’exemple, Sikkilä (2000) nous montre qu’en « latin vulgaire » ou dans les dialectes, l’adjectif épithète est, d’ordinaire, toujours placé après le nom qualifié, c’est-à-dire en postposition. Toutefois, « l’épithète qui exprime la grandeur ou l’intensité (magnus, summus, ingens) ou une qualité critiquable ou élogieuse (bonus, pulcher), se place généralement avant le nom : magnumopus, pulchra virgo, mala societas. Tous les autres adjectifs sont placés après le nom : bellum civile, homo Romanus, regio maritima.[10] »
En latin, l’épithète et le nom peuvent être séparés par un nom ou un groupe de mots. Dans cette langue, lorsqu’un mot a du poids et de la valeur, il est placé en début de phrase, pour le mettre en exergue. Quand l’adjectif doit être mis en avant, on le place devant le nom, comme c’est le cas pour les adjectifs épithètes affectifs ou intensifs.[11]
Jusqu’au XVIe siècle, la langue française préférait voir les adjectifs épithètes en antéposition, toutefois, la postposition était également une place très utilisée. Leumann, Hoffmann et Szantyr ont établi une connexion entre toutes les langues romanes et la langue française en termes de place des adjectifs intensifs et affectifs qui se situent en antéposition.[12] La récurrence de cette antéposition est attribuée au fait que l’adjectif épithète le plus usagé dans l’ancien et le moyen français soit l’adjectif « grand » qui se place souvent avant le nom désigné.
À cette époque, les règles relatives à la position de l’épithète n’étaient pas encore établies, mais quelques tendances ont été observées (Sikkilä, 2000) : « En ancien et en moyen français, et même encore au XVIe siècle, les adjectifs de couleur se placent habituellement devant le nom. Dans la Chanson de Roland, du XIIe siècle, La neire gent en ad en sa baillie et dans le Roman de Perceforest du XIVe siècle : (…) qui portoit ung noir lyon.[13] »
Au XVIIe siècle, la place de l’adjectif n’était pas vraiment différente de celle au XVIe siècle, avec une prépondérance de l’antéposition. Toutefois, l’antéposition a commencé à prendre moins d’ampleur durant la seconde moitié de ce siècle.
Durant cette époque, les adjectifs usuels ont, pour la plupart, été placés en postposition : « Tant on apporte de soin pour les préparer à une action si grande(Pascal) ; La Légende et l’Ecriture et tous les livres les meilleurs (La Fontaine).[14] »
Les poètes faisaient un usage libre de la place de l’adjectif, certains grammairiens comme Vaugelas condamnaient cette pratique, estimant qu’« il y a certains mots qui marchent toujours devant le substantif, comme bon, beau, mauvais, grand, petit. On ne dit jamais un homme bon, une femme belle, un cheval beau.[15] »
Enfin, dans a langue moderne, la place de l’adjectif dépend de l’usager, en sachant qu’un tiers des témoignages réunis dans le cadre de la documentation établie par Marc Wilmet usent de l’antéposition.[16] Wagner et Pinchon rapportent, toutefois, que l’antéposition et la postposition sont deux places bien occupées par l’adjectif épithète dans le français moderne, quoique la tendance penche plutôt vers la postposition. En même temps, certains adjectifs tels que beau, bon, gros, etc., les adjectifs ordinaux et les adjectifs de nature se placent, habituellement, devant le nom, en général, tandis que certains tels que les adjectifs de couleur ou de forme, ceux suivis d’un complément et les adjectifs verbaux sont, d’ordinaire, postposés. Ces adjectifs peuvent donc devenir postposés, selon les circonstances. Toutefois, les adjectifs dits relationnels restent toujours à une place fixe.[17]
Quant aux adjectifs à place variable, on en distingue deux catégories, conformément au modèle de Riegel : les adjectifs à double interprétation et les adjectifs mobiles sans modification de sens notable[18]. Les adjectifs à double interprétation peuvent changer de signification selon qu’ils sont placés devant ou derrière le substantif et les adjectifs mobiles sans modification de sens notable sont généralement postposés.
- Rôle et emploi de l’adjectif épithète
D’après la définition que nous avons donnée de l’adjectif, il peut donc changer de place, c’est-à-dire se positionner soit en amont soit en aval du nom ou du pronom qu’il définit. L’adjectif dépend d’un groupe nominal ou d’un groupe pronominal. Il s’accorde toujours en genre et en nombre avec le nom qu’il qualifie, il peut s’agir d’un qualificatif de couleur, de forme, de dimension ou de propriété.[19]
L’antéposition est récurrente dans l’usage des épithètes « très usuelles » (grand, beau, haut), mais faute de règle précise à ce sujet[20], la postposition était aussi utilisée.
Parmi les trois fonctions de l’adjectif (attribut, épithète et apposition), l’épithète a pour particularité de ne jamais se détacher du nom, c’est-à-dire qu’il suit ou précède directement le nom, sans qu’un autre terme se mette entre lui et le substantif qu’il qualifie. À titre d’exemple, nous allons prendre une phrase de notre corpus :
Vers le milieu du mois de juillet de l’année 1838, une de ces voitures nouvellement mises en circulation sur les places de Paris et nommées des milords, cheminait, rue de l’Université, portant un gros homme de taille moyenne, en uniforme de capitaine de la garde nationale[21].
Ce passage est la première phrase du roman, après la préface que l’auteur dédie à Don Michele Angelo Cajetani, Prince de Téano. Nous avons mis en évidence en caractère gras en rouge l’adjectif épithète et en noir le nom auquel il se rapporte. Nous constatons ici que ledit adjectif se trouve devant le nom, mais n’en est pas pour autant séparé : « gros homme ». L’épithète « gros » décrit la forte corpulence de l’homme voyageant à bord de la voiture. En analysant cet exemple, nous pouvons constater que l’adjectif s’accorde au genre et au nombre du substantif qui est ici au masculin singulier.
L’épithète est dépendante du nom qu’il qualifie : la maison verte, le gros chien, etc. Elle met en avant l’état du sujet qu’il caractérise et permet d’en connaître la nature. Dans cette optique, plusieurs ordres d’adjectif épithète existent : l’ordre sémantique, l’ordre euphonique, l’ordre stylistique et l’ordre syntaxique.
Selon Guillaume (1989), « l’ordre des termes en phrase : la résultante d’un conflit, résolu, entre plusieurs ordres, d’un principe différent, qui doivent s’accorder. Insuffisance du principe selon lequel il existe un ordre habituel et une tendance à le modifier.[22] » L’auteur a déterminé deux grands groupes d’ordres dans la position de l’adjectif épithète : a) l’ordre euphonique, b) et l’ordre eupsychique , […].[23] » Les principes de ces deux ordres sont différents ; ils posent problème dans le positionnement de l’adjectif épithète au sein d’une phrase : « les deux ordres en cause dans le problème de la position de l’adjectif : l’ordre euphonique et l’ordre eupsychique.[24] »
L’emplacement idéal de l’adjectif dépend de la visée du discours. « Il est incontestable que l’ordre euphonique, d’un caractère étroitement matériel, a un poids considérable dans l’intégralité du phénomène, et que, d’emblée, et pour ainsi dire sans discussion, il l’emporte souvent [25]». Guillaume poursuit en disant « Car dans l’acte de langage, on peut se poser en principe que le psychisme est toujours, par visée, un eupsychisme[26] ». Il faut alors formuler un discours de la meilleure façon possible.
Ces deux ordres posant problème, quatre ordres d’épithète ont été soulevés un peu plus tard. Il s’agit de l’ordre sémantique, l’ordre euphonique, l’ordre syntaxique et l’ordre stylistique. Nous allons les traiter dans cette section.
- L’ordre sémantique
Leclère (2004) atteste que « l’ordre des adjectifs n’est pas arbitraire, il obéit à certaines règles sémantiques[27] »
La place de l’adjectif peut modifier le sens de la phrase. Lorsqu’il se trouve à sa place habituelle, il conserve son sens primitif, mais quand ce n’est pas le cas, il peut revêtir un sens figuré. L’usage de l’adjectif peut alors être métaphorique.
L’ordre sémantique dépend alors de l’information que l’on souhaite faire passer avec l’adjectif. Si l’on dit par exemple « sa sombre vie » et « une chambre sombre », le sens de sombre dans ces deux phrases n’est pas le même.
L’antéposition de sombre est inhabituelle, cette épithète traduit dans ce cas une métaphore. Elle pourrait signifier triste ou dramatique. Elle est habituellement postposée au nom quand elle garde son sens littéral qui est « manque de lumière »
- L’ordre euphonique
Par définition, le terme euphonique renvoie à ce qui est « relatif à l’euphonie, qui produit l’euphonie [28]». Le Larousse en ligne définit l’euphonie comme étant la « qualité des sons agréables à entendre ou aisés à prononcer [29]», avec une parenthèse en sus sur les lois euphoniques dans la langue française :« (Les lois euphoniques du français ont généralement pour objet d’éviter les hiatus : si l’on au lieu de “si on”, aima-t-il au lieu de “aima il”.)[30] »
Dans l’euphonie, l’important est donc qu’une phrase « “sonne bien”, c’est-à-dire que chaque mot se trouve à sa vraie place afin que lorsque l’on prononce ou que l’on entend la phrase, aucune gêne n’est perçue par nos oreilles. En d’autres termes, les adjectifs sont placés en antéposition ou en postposition afin d’éviter les hiatus que le Larousse.fr définit comme la “Succession de deux voyelles appartenant à des syllabes différentes à l’intérieur du mot (ÉOlienne, rÉUssir), ou à la frontière de deux mots (il A OUblié).[31]”
Guillaume (1989) parle de la successivité euphonique qu’il décrit en relation avec la définition que nous avons fournie précédemment sur l’euphonie : l’adjectif se place suivant que l’on sent que son ordre est approprié, lorsqu’on lit la phrase. En d’autres termes, l’euphonie requiert une satisfaction de l’ouïe, lorsque ce que l’on entend ne dérange pas l’oreille, alors l’ordre euphonique est respecté.
“Là où il en est ainsi, pour des raisons qui sont surtout matérielles, non psychiques, l’adjectif suit obligatoirement. On dira toujours : un homme ferme, et jamais : un ferme homme[32].”
En partant du principe de la successivité euphonique, nous voyons que certains adjectifs épithètes ne peuvent jamais changer de position, au risque de fausser la qualification qu’ils véhiculent, mais aussi de n’apporter aucun sens à la phrase, comme le prouve l’exemple cité par Guillaume (1989). L’exemple ci-dessus est en postposition, il existe toutefois aussi des épithètes qui ne pourront jamais être placées devant un nom. Ce sont les épithètes de caractère (intelligent, doué, cultivé, laid, mou, idiot, etc.). Elles détiennent aussi une position non modifiable, en postposition, dans une phrase.
- L’ordre stylistique
L’ordre stylistique concerne le style d’une phrase, et la position de l’adjectif détermine ce style. En d’autres termes, si l’adjectif est placé comme il faut, il est mis en valeur, toutefois, son changement de position n’entraine pas de modification majeure au sens de la phrase. Tout est donc uniquement question de style :
Une performance incroyable =>une incroyable performance
Une fille magnifique=>une magnifique fille.
Dans ces deux exemples, nous remarquons que les adjectifs peuvent être antéposés ou postposés. Seul le choix stylistique de l’auteur détermine l’emplacement de l’adjectif.
- L’ordre syntaxique
La syntaxe, par définition, est “la partie de la grammaire décrivant les règles par lesquelles se combinent en phrases les unités significatives ; la syntaxe, qui traite des fonctions, se distingue traditionnellement de la morphologie »
La syntaxe traite de l’ordre des mots dans une phrase et leur attribue une place spécifique afin que la phrase en question ait un véritable sens : il enlève le drapeau rouge. La construction de cette phrase est la suivante : groupe nominal sujet+verbe+complément d’objet direct+ adjectif épithète. Si un de ces mots est déplacé, la phrase perd tout sens : il enlève le rouge drapeau. Saint-Gelais (1991) dans “La place de l’adjectif” affirme l’importance de l’ordre syntaxique.
- Les types d’adjectif épithète
Il existe quatre types d’épithète : l’épithète liée, l’épithète détachée, l’épithète juxtaposée et l’épithète de catégorisation ou de relation.
- L’épithète liée
L’adjectif épithète a pour caractère d’être placé directement avant ou après le nom qu’il qualifie sans intermédiaire. L’épithète liée remplit cette règle, c’est-à-dire qu’elle se place directement devant ou derrière le nom qu’elle qualifie :
Une belle fille, un parcours exemplaire
- L’épithète détachée
L’épithète n’obéit pas toujours forcément à la règle du rattachement au nom. De fait, on peut retrouver des épithètes qui lui sont détachées, appelées épithètes détachées. Toutefois, à l’opposé de l’adjectif attribut qui est séparé du nom par un verbe (cette fille est jolie), l’épithète détachée est séparée du nom par une virgule, mais continue toutefois de qualifier le nom, quelle que soit sa place dans la phrase (sa place n’est pas fixe) :
“Joyeuse, cette femme arriva.[33]”
Dans cet exemple, l’épithète “joyeuse” catégorise le nom “femme”. Si nous enlevons la virgule et que nous transformons l’épithète détachée en épithète liée, le résultat est le suivant :
Cette femme joyeuse arriva.[34]
Transformée en épithète liée, l’épithète détachée est plus facilement reconnaissable en tant qu’épithète, car elle obéit à la règle de rattachement direct au nom.
- L’épithète juxtaposée
Toute épithète est juxtaposée au nom, c’est-à-dire intimement liée au nom. L’épithète juxtaposée est le cas rencontré au quotidien et se rapproche de l’épithète liée (une grande fille). Il s’accorde au nom qu’il caractérise. Dans notre exemple, nous voyons que le genre du sujet est le féminin et le nombre le singulier, aussi l’adjectif grand se met également au féminin singulier : grande.
- L’épithète de catégorisation ou de relation
L’épithète de catégorisation ou de relation est, de par son appellation, une épithète servant à catégoriser des noms, à l’opposé des autres épithètes qui servent surtout à les caractériser :
Un code pénal
Une marine marchande
L’épithète de catégorisation a pour spécificité de ne pas être graduable, c’est-à-dire de ne pas monter ou descendre en degré. Par exemple, nos ne pouvons pas dire un code peu pénal ou très pénal, plus pénal ou moins pénal. Ces adjectifs sont également toujours placés en postposition (on ne peut pas dire un pénal code), mais, comme tous les autres adjectifs, s’accordent avec les substantifs qu’ils catégorisent. Les particularités de ces adjectifs sont nombreuses et, de fait, ne seront pas approfondies ici. Toutefois, il importe également de dire que ces adjectifs sont toujours liés aux noms, car ils catégorisent leur nature et ne sont donc jamais détachés.
- L’adjectif épithète selon les différents grammairiens
Dans cette partie, nous allons reprendre les théories de Riegel, Tesnière et Wilmet. Pourquoi ces trois grammairiens ? Parce que leurs théories sont différentes, mais complémentaires. Elles nous serviront de bases dans l’analyse des adjectifs épithètes dans La cousine Bette.
- Selon Riegel : la position des adjectifs épithètes dans la langue française
Dans le français moderne, l’adjectif épithète est généralement placé en postposition. Le grammairien Martin Riegel a approfondi les études attribuées à la place de l’épithète. Les résultats de ces études servent de référence pertinente dans la détermination de la position de ‘épithète, et les trois auteurs avancent que l’épithète est soit à la place fixe, soit à une place variable[35]. D’autres cas sont aussi dénombrables, comme nous allons le constater dans cette section.
- Les adjectifs épithètes à place fixe
Riegel a établi une liste d’adjectifs dont la place reste fixe dans une phrase, soit en antéposition, soit en postposition. Nous allons les résumer dans un petit tableau :
Les épithètes à place fixe antéposées au nom | Les épithètes à place fixe postposées au nom |
– Adjectifs ordinaux (le premier concurrent)
– Quelques adjectifs descriptifs à une ou deux syllabes (un bel homme, un grand arbre, …) – Epithètes de nature (la blanche neige) – adjectifs suivis d’un complément : un bon sujet=>un bon sujet à méditer
|
– Adjectifs relationnels ou de catégorisation (une ombre chinoise)
– adjectifs de couleur ou de forme (un manteau gris/une jupe bleue) – adjectifs décrivant des propriétés objectives (amer, laid, sucré, etc.) – participes passés et adjectifs verbaux (une erreur méconnue/un discours assommant) -… |
Tableau I. Les adjectifs épithètes à place fixe. Source : Riegel Et al. Grammaire méthodique du français, 1994, p. 181.
- Les adjectifs épithètes à place variable
Riegel catégorise les adjectifs épithètes mobiles en deux groupes. D’un côté, il y a les adjectifs à double interprétation, en fonction de leur emplacement, avant ou après le nom qu’ils qualifient. De l’autre côté, il y a les adjectifs qui n’apportent aucune modification de sens notable qu’ils soient antéposés ou postposés.
Voici des exemples :
adjectifs mobiles à double interprétation selon Klein[36] | adjectifs mobiles sans modification de sens notable |
– sacré est un adjectif mobile à double interprétation. Il y a, en effet, une grande différence entre ‘sacré lieu’ et ‘lieu sacré’.
– c’est aussi le cas de pauvre : ‘L’homme pauvre’ et ‘Le pauvre homme’ ont des sens différents.
|
– ‘agréable soirée’ et ‘soirée agréable’
– ‘magnifique décoration’ et ‘décoration magnifique » |
Tableau II : Les adjectifs épithètes à place variable, d’après une étude contrastive de la place de l’adjectif épithète en français, en allemand et en suisse-allemand[37].
La postposition est préférable pour les adjectifs mobiles sans modification de sens notable. Une antéposition pourrait sous-entendre une subjectivité.
- Selon Tesnière
Selon Lucien Tesnière, l’adjectif épithète occupe une fonction grammaticale de subordination. Il est le subordonné du nom auquel il est associé, ou complément du nom, dans la grammaire traditionnelle.
- La syntaxe structurale de Tesnière
Lucien Tesnière démontre les relations syntaxiques existant entre les différents mots qui constituent une phrase à travers une analyse stemmatique.[38] Celle-ci relève à la fois d’une analyse grammaticale et d’une analyse logique.
Tesnière affirme qu’au-delà de la simple apparence linéaire existe une relation structurale plus profonde entre les mots. Il peut s’agir d’une relation de connexion, de translation ou de jonction. Sans de telles relations, la phrase serait vide de sens. Les éléments de la phrase, c’est-à-dire les mots selon leur fonction respective, doivent être placés dans un ordre logique, voilà en quoi consiste la méthode structurale. Il en est de même pour le choix de l’emplacement de l’épithète.
- La théorie de Tesnière : tout adjectif épithète est un complément du nom
Cette théorie de Tesnière paraît logique étant donné qu’un adjectif est toujours associé à un nom. C’est le cas de grand homme, enfant sage, belle femme… Les termes qui remplacent habituellement un adjectif peuvent être épithètes. C’est le cas de bon marché et tout-terrain. Certains noms deviennent aussi des épithètes lorsqu’ils sont utilisés pour qualifier un autre nom. Par exemple : employé fantôme.
L’adjectif épithète doit s’accorder en genre et en nombre avec le nom qui le suit ou le précède. Il y a bien évidemment des exceptions comme les adjectifs invariables et les groupes nominaux à valeur adjectivale.
Antéposée ou postposée, une épithète se trouve toujours à côté du nom et n’en est séparée que par un adverbe ou une virgule. Voici des exemples :
Un beau jeune homme
Un jour mémorable
Un tarif (très) intéressant
Réactive, cette société peut intervenir en situation d’urgence
Enfin, dernier point qui confirme cette théorie : l’épithète donne une précision au nom avec lequel elle est associée.
Voici une phrase du corpus sans les épithètes « C’était une de ces beautés, une de ces femmes, que la nature fabrique avec un soin; elle leur dispense ses dons… ».
Pour que la phrase soit complète et compréhensible, l’auteur y a ajouté des adjectifs épithètes. Elle devient ainsi « C’était une de ces beautés complètes, foudroyantes, une de ces femmes semblables à Mme Tallien, que la nature fabrique avec un soin particulier ; elle leur dispense ses plus précieux dons… »
- Selon Wilmet
Pour Marc Wilmet, d’après les nombreuses études qu’il a menées, la position de l’adjectif épithète par rapport au nom qui l’accompagne est déterminante de sa fonction. Ce linguiste est arrivé à cette conclusion : si l’épithète est antéposée au nom, elle fait partie intégrante de l’expression nominale ; mais si elle est placée après le nom, c’est-à-dire postposée, elle garde tout son sens et n’est considérée que comme une composante, au même titre que les autres mots de la phrase.
Wilmet a classé les résultats de ses investigations en deux clés. Le premier désigne l’antéposition, c’est la clé 1 : la neutralisation. La deuxième clé, la spécialisation, désigne la postposition. Il existe alors, entre le nom et l’adjectif épithète, un rapport d’inclusion ou un rapport d’intersection.
- Définition de l’épithète selon Marc Wilmet : l’épithète est une fonction déterminative
Dans La Détermination nominale, Wilmet définit l’épithète comme étant « la fonction déterminative, qui est interprétable en termes de quantification et/ou de caractérisation. »
Quantification | Caractérisation |
– Aucun homme
– Nul homme – Un seul homme – Des cas différents |
– Un vent frais
– Un gros arbre – Une ville charmante – Un vieux château |
Tableau III : Les épithètes à fonction déterminative. Source des exemples : Jan Goes, L’Adjectif : entre nom et verbe, Paris : Duculot, cop. 1999, pp 78-79.
- La qualification chez l’adjectif épithète dans le français moderne
Dans le français moderne, le choix et l’emplacement de l’adjectif épithète par rapport au nom dépendent des intentions de la personne qui parle. L’épithète donne alors plus de sens et d’importance au nom qu’il qualifie.
Synthèse
Dans cette première partie, nous avons vu les bases sur lesquelles est définie l’épithète. Avant le XVIIème siècle, l’antéposition prédominait dans l’usage des épithètes. Elle concernait les adjectifs de grandeur ainsi que les adjectifs affectifs et intensifs. La postposition s’est plus répandue dans le Français moderne ; les adjectifs de couleurs et adjectifs verbaux sont alors habituellement postposés. Par ailleurs, nous avons vu que les épithètes désignent une action renforcée ou une qualification précise, leur place dans une phrase, antéposée ou postposée au substantif, répond alors à une logique. Plusieurs ordres ont été évoqués : sémantique, euphonique, stylistique et syntaxique. L’analyse des différents types d’adjectifs épithètes assure une meilleure compréhension de leur choix et surtout de leur utilisation. À travers les études menées par quelques auteurs connus, Riegel, Tesnière et Wilmet, nous avons pu faire ressortir toutes les particularités des adjectifs épithètes. D’autres illustrations de la pertinence de ces éléments grammaticaux seront énoncées dans les prochains chapitres de ce mémoire, toujours dans le but de démontrer leur importance dans la linguistique appliquée.
- Inventaire des adjectifs épithètes dans La cousine Bette
La cousine Bette est une œuvre riche en adjectifs épithètes. Ce roman réaliste, présentant des faits inspirés du quotidien, se sert surtout des adjectifs pour décrire et critiquer des personnages, des lieux, des objets…
La cousine Bette a comme personnage principal une femme, une « vieille fille sèche »[39], qui n’est annoncé qu’à la fin de la quatrième page. Mais au vu du titre et de cette première description de La cousine Bette, l’on est déjà impatient de connaitre quel sera son rôle dans l’histoire. Il y a une homphonie entre Bette et l’adjectif bête, ce dernier signifie littéralement ignare, maladroit ou encore idiot. Il souligne le caractère peu intelligent de la cousine. Nous verrons dans le roman que « Bette » est le diminutif de Lisbeth, une « Paysanne des Vosges, dans toute l’extension du mot, maigre, brune, les cheveux d’un noir luisant, les sourcils épais et réunis par un bouquet, les bras longs et forts, les pieds épais, quelques verrues dans sa face longue et simiesque… »[40].
Dans le roman, l’auteur ne fait pas que raconter ; il renforce le style narratif par une longue liste d’adjectifs épithètes qui renforcent le réalisme de l’histoire.
Nous allons alors orienter la lecture et l’analyse de La cousine Bette vers l’identification des adjectifs épithètes, en insistant sur le style rédactionnel de l’auteur. Et pour voir de quelle manière les adjectifs épithètes arrivent à personnaliser une écriture réaliste, nous allons citer des exemples tirés exclusivement du corpus.
Nous allons donc commencer par démontrer l’omniprésence des adjectifs épithètes dans La cousine Bette. Cette récurrence s’explique par le nombre d’épithètes trouvé dans tout le roman. Elles sont placées en postposition ou en antéposition dans le corpus et se déclinent en diverses variantes (adjectifs de couleur, participes passé et présent). Un simple inventaire serait incomplet pour faire une analyse approfondie des adjectifs épithètes dans La cousine Bette, nous terminerons alors la deuxième partie par une étude plus détaillée des adjectifs placés en postposition et ceux placés en antéposition.
- Omniprésence des adjectifs épithètes
L’usage de l’épithète apparait dès le premier chapitre dans lequel l’auteur attire déjà l’attention du lecteur par la présentation d’un gros homme[41].
À chaque présentation, d’un personnage ou d’un autre sujet, Honoré de Balzac use de l’épithète et nous allons le voir à travers tout le roman. L’adjectif épithète est ici utilisé dans une perspective critique, positive et négative.
Pour mieux expliquer cette omniprésence, nous allons aborder dans une première partie l’épithète en nombre puis, dans une deuxième partie, nous déterminerons les différents types d’adjectifs employés par l’auteur. Nous nous pencherons sur les épithètes de couleur, les épithètes participes passé et présent dans La cousine Bette. Et pour approfondir l’analyse, nous évoquerons l’antéposition et la postposition.
- L’épithète en nombre
L’épithète est certainement l’élément grammatical le plus utilisé dans La cousine Bette. Au total 4175 adjectifs épithètes se trouvent dans le roman.
Un adjectif épithète est placé directement avant ou après le nom qu’il qualifie. Nous allons prendre comme critères d’identification des adjectifs épithètes du corpus, les définitions de Riegel, Tesnière et Wilmet. D’après ces trois auteurs, l’épithète est :
- Antéposée ou postposée au nom
- Un adjectif à place fixe
- Un adjectif mobile à double interprétation
- Un adjectif mobile dont le déplacement ne modifie pas le sens du mot auquel il est rattaché.
- Un complément du nom…
Dans un souci de bien analyser les adjectifs épithètes du corpus, nous allons voir à travers les pages et chapitres du roman, à quelle fréquence l’auteur emploie des adjectifs épithètes. Nous terminerons avec un récapitulatif de l’usage des épithètes dans La cousine Bette.
- La récurrence du recours à l’usage des adjectifs épithètes
« La récurrence désigne le caractère répétitif d’un phénomène. »[42] Cela se manifeste, par exemple, par l’usage fréquent des adjectifs épithètes dans La cousine Bette. En effet, nous pouvons trouver des épithètes dans tous les chapitres du roman. En voici des extraits[43] :
À la page 3: gros homme, taille moyenne, habits ordinaires, teint rougeaud, homme décoré, vieil hôtel…
À la page 33: jeune cousine, grandes maisons, sourcils épais, bras longs, pieds épais, face longue, fille vulgaire, jolie fille, fruit âpre, fleur éclatante…
À la page 66 : jeune homme, mentor femelle, figure sèche, vieille bergère, vieille fille, bon génie, yeux flamboyants, flamme magnétique…
À la page 99 : inspiration visible, chère maman, jeune homme, petite fille, la plus grande rouée, passions vraies, jeunes filles, choix absolu, dignité maternelle, ferventes prières…
À la page 132 : nouvelle passion, vieille fille, jeune conseiller, cour royale, premier président…
À la page 165 : réunion enchanteresse, candeur pudique, décence irréprochable, inventions nouvelles, l’unique auteur, seul profit, délicieuse hypocrisie…
À la page 198 : amour vrai, petit chat, bon Henri, seul amour, affreux administrateur…
À la page 231 : jeune ménage, grand artiste, explications critiques, charmants eunuques, aversion croissante, génération intellectuelle, amant malade…
À la page 264 : pauvre fille, moindre intérêt, femme tannée, atroce expression, femme heureuse, haute voix, enfants heureux…
La citation d’adjectifs épithètes continue dans tout le roman jusqu’à la dernière page de l’histoire, la page 492 : bruit étrange, lits jumeaux, catastrophe tragique, étage supérieur, vive lumière, porte entre-bâillée, atroce maritorne, odieuses paroles…
D’après ces extraits, nous pouvons déduire que les occurrences de la postposition et de l’antéposition sont à peu près de nombre égal. Parmi ces épithètes tirées des quelques pages de La cousine Bette, 35 sont antéposées et 38 sont postposées. Ces résultats supportent la théorie de Tesnière sur le rôle de l’épithète. Ce grammairien affirme que l’adjectif épithète est toujours un complément du nom, qu’il soit antéposé ou postposé. Le choix de l’emplacement de l’adjectif appartient à l’énonciateur ; celui-ci compose une phrase selon une logique en se basant sur les relations syntaxiques entre les mots.
Dans La cousine Bette, l’épithète est utilisée dans de nombreux contextes. D’abord, l’auteur s’en sert pour décrire les personnages du roman comme le montre le tableau ci-après. Il ne s’agit pas d’une simple description ; les adjectifs sont expressément choisis pour mettre en avant les particularités du personnage.
De nombreux exemples se trouvent dans les huit premiers chapitres du roman. L’auteur y décrit les personnages secondaires, dont Célestin Crevel, Adeline Hulot et Hortense.
M. Crevel [44] | Adeline, la baronne [45] | Hortense [46] |
– gros homme
– habits ordinaires – teint rougeaud – figure passablement joufflue – homme décoré – franche lourdeur – ventre piriforme
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– beautés complètes
– femmes semblables à Mme Tallien – Ces belles femmes-là – les lignes serpentines – le tissu vénéneux – chevelure blonde – contours augustes – modestie villageoise – La belle Adeline |
– la plus sainte créature
– une seconde Adeline – haute valeur – la jeunesse insouciante – ces blondes dorées – blancheur lactée – taille svelte – la belle fille
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Tableau V : Exemples d’adjectifs épithètes employés pour décrire les personnages du roman
La cousine Bette fait son entrée dans le chapitre 9. Là encore, nous constatons la prédominance de l’épithète par rapport aux autres éléments grammaticaux.
Cette partie du roman donne de nombreuses illustrations d’adjectifs épithètes utilisés pour révéler des différences entre deux sujets. Ils marquent ainsi la subjectivité.
La cousine Bette[47] | Mme Hulot[48] |
Vieille fille
Fille vulgaire fruit âpre La sauvage Lorraine
|
Jeune cousine
Jolie fille fleur éclatante
|
Tableau VI : Les adjectifs épithètes pour exprimer les différences entre Lisbeth et Adeline Hulot
Par ailleurs, l’usage de l’épithète est aussi efficace pour accentuer l’importance d’un mot ou d’une information. L’auteur choisit les adjectifs pour mettre en évidence un sujet précis. Le sens de la phrase devient ainsi plus intense :
« Paysanne des Vosges… les cheveux d’un noir luisant, les sourcils épais… les bras longs et forts, les pieds épais, quelques verrues dans sa face longue et simiesque, tel est le portrait concis de cette vierge. »[49]. C’est ainsi qu’est décrite Lisbeth ou Bette.
- Récapitulatif
Épithète | ||
|
||
Description | Comparaison | Mise en évidence d’une information |
Dans toute œuvre réaliste, la description tient une place très importante. L’adjectif choisi doit permettre d’exprimer de la manière la plus naturelle possible le caractère d’un lieu, d’un objet ou d’un personnage. La description est ainsi claire et précise. | La comparaison, dans une œuvre réaliste, se fait indépendamment des goûts et des préjugés de l’auteur. Il s’agit d’une simple comparaison avec des critères réels. | La manière d’exprimer une information quelle qu’elle soit est très importante dans le cadre du réalisme. L’adjectif épithète choisi met en évidence le sujet, de manière négative ou positive. Les lecteurs peuvent avoir, à partir de cette information, des opinions différentes. |
Les adjectifs épithètes dans La cousine Bette rapprochent l’histoire de la réalité. Les lieux, le décor, les personnages, tout est décrit de façon à retranscrire la réalité.
|
- Variété et diversité des épithètes présentes
C’est dans une telle œuvre riche en adjectifs que l’on peut en connaitre tous les types et comprendre leur mode d’emploi. Il existe, en effet, des adjectifs épithètes de couleur, des épithètes participes passés et des épithètes participes présents. La cousine Bette est un excellent exemple pour démontrer la pertinence de l’usage des épithètes dans une écriture réaliste. Les trois variantes d’épithètes existantes seront ainsi énumérées et explicitées dans cette partie.
- Adjectifs épithètes de couleur
« Enfin, rappelez-vous ces gens graves, ces vieillards à qui tout est tellement indifférent, qu’ils ont gardé leurs habits noirs de tous les jours ; »[50]
« Les yeux éteints de cet homme décrépit à quarante-sept ans s’animèrent, de pâles couleurs nuancèrent ses joues flasques et froides, il entrouvrit sa bouche démeublée, aux lèvres noires… »[51]
« Il empestera le cabinet de monsieur, répondit le domestique, il porte une robe brune qu’il n’a pas renouvelée depuis son départ de Syrie, et il n’a pas de chemise… »[52]
« Oh ! si vous l’aviez vue il y a huit ans : mince et nerveuse, le teint doré d’une Andalouse, comme on dit, les cheveux noirs et luisants comme du satin, un œil à longs cils bruns qui jetait des éclairs… »[53]
« Cette porte ouvrait sur un long corridor pavé en dallés blanches et noires… »[54]
Dans le corpus, nous avons exclusivement des adjectifs de couleur simple. Ils s’accordent en genre et en nombre avec le nom[55]. L’épithète de couleur est également toujours postposée au substantif. Cette postposition fixe supporte la théorie de Riegel.
- Adjectifs épithètes participes passés
Les adjectifs épithètes dans La cousine Bette prennent aussi la forme de participes passés :
« Les portiers de Paris ont le coup d’œil savant, ils n’arrêtent point les gens décorés… »[56]
« Quel sera le sort d’une si magnifique créature, aussi forte de sa vie chaste auprès de sa mère que de sa nature privilégiée »[57]
« Et il montrait une vieille lampe, un lustre dédoré… »[58]
« Le poli parisien faisait rouille sur cette âme vigoureusement trempée. »[59]
« …cette fille aux yeux noirs, aux sourcils charbonnés… »[60]
Ces exemples confirment la théorie de Riegel sur la place fixe de l’épithète participe passé. Celle-ci est toujours postposée au substantif.
- Adjectifs épithètes participes présents
« …Hortense riant, avec sa cousine Bette, de ce fou rire de la jeunesse insouciante, et elle savait que ces rires nerveux étaient des indices tout aussi terribles que les rêveries larmoyantes d’une promenade solitaire dans le jardin… »[61]
« …tu ne devrais pas prolonger une situation fatigante pour lui. »[62]
L’épithète participe présent est aussi un adjectif dérivé ; elle est ainsi toujours placée après le nom.
Il existe des cas différents :
« Ces précautions que vous prenez, madame, seraient d’un charmant augure pour un… »[63]
« …de vivre avec cette charmante créature… »[64]
« … au milieu des dégradantes familiarités de deux vieillards ivres ! »[65]
Les adjectifs dérivés à valeur affective peuvent être placés avant ou après le nom sans générer une modification de sens.
Après cet inventaire et typologie des adjectifs épithètes dans La cousine Bette, nous allons orienter la lecture du roman vers une analyse de la position de l’épithète par rapport au nom. Nous verrons à travers ces parties comment la position des adjectifs épithètes peut influencer l’interprétation sémantique et comment ils fonctionnent du point de vue syntaxique.
- Les épithètes en postposition
Un adjectif épithète en postposition est un adjectif qui se trouve après le nom auquel il est rattaché. Cet emplacement est défini par des règles syntaxiques précises et plusieurs adjectifs sont obligatoirement placés en postposition. C’est ce que nous allons expliquer à travers des exemples du corpus. Nous allons également voir que la postposition influe sur le sens même de la phrase. Dans La cousine Bette, on peut trouver 1904 adjectifs épithètes postposés soit 45,6 % du total.
- Les épithètes habituellement postposées
La postposition des adjectifs épithètes se retrouve dans trois cas. D’abord, il y a les adjectifs de couleur qui sont habituellement placés après le nom. Il y a aussi les adjectifs participes passés et présents. Enfin, les ensembles adjectivaux sont toujours postposés au nom. Voyons cela de façon plus concrète avec ces exemples.
- Sont habituellement placés en postposition les qualificatifs de forme et de couleur :
« … les cheveux noirs et luisants comme du satin, un œil à longs cils bruns qui jetait des éclairs… »[66]
« La table ronde, immobile au milieu du salon… »[67]
« …; mais pas au père Crevel, qui, sachez-le bien, a trop souvent banqueté dans des parties carrées avec votre scélérat de mari… »[68]
- Les participes passés et présents sont aussi postposés dans la majorité des cas.
Certains adjectifs peuvent changer de place, avant ou après le nom, sans entrainer une modification de sens.
C’est le cas de « dégradantes familiarités » dans « Deux filles perdues avaient été les prêtresses de cet hymen, proposé dans quelque orgie, au milieu des dégradantes familiarités de deux vieillards ivres ! »[69]
- Les ensembles adjectivaux se trouvent également en postposition.
Cela est illustré dans plusieurs passages de La cousine Bette :
« … et fut attirée vers la chambre d’Agathe, autant par la vive lumière qui sortait par la porte entre-bâillée… »[70]
« La porte entr’ouverte laissa passer, comme un éclair… »[71]
« Dieu de Dieu ! qu’elle y a mis tout sens dessus dessous… »[72]
« Rouge de plaisir, la cantatrice reconduisit Adeline jusqu’à sa voiture, avec les démonstrations les plus serviles. »[73]
- Les effets de la postposition
La postposition des épithètes n’est pas le fait d’un hasard. Nous allons voir que lorsqu’un adjectif épithète est placé après le nom auquel il est rattaché, cela traduit soit une caractérisation objective soit une caractérisation descriptive.
- Une caractérisation objective
Partons directement des exemples cités dans le corpus :
Exemple 1 : « Quel sera le sort d’une si magnifique créature, aussi forte de sa vie chaste auprès de sa mère que de sa nature privilégiée ? »[74]
Ici, chaste signifie vierge, il s’agit d’une épithète caractérisation objective. (Nous avons un adjectif épithète antéposée qui présente la même signification, mais a une connotation plus subjective. Il s’agit de vieille dans « vieille fille »)
Exemples 2 : « … les cheveux noirs et luisants comme du satin, un œil à longs cils bruns qui jetait des éclairs… »[75]
« La table ronde, immobile au milieu du salon… »[76]
Les adjectifs de forme et couleur étant habituellement postposés permettent aussi de faire une caractérisation objective du sujet. La couleur et la forme d’un objet sont décrites de la même façon et ne peuvent avoir une caractérisation subjective.
La caractérisation objective se base sur l’affirmation des faits, une description des sujets tels qu’ils sont sans apporter d’avis personnel. Nous voyons cela au niveau des adjectifs postposés dans La cousine Bette.
- Une caractérisation descriptive
Voici un exemple du corpus :
« Dans l’impossibilité de marier aussitôt qu’Adeline l’eût voulu cette fille aux yeux noirs, aux sourcils charbonnés, et qui ne savait ni lire ni écrire… »[77]
Dans cette phrase du corpus, l’ajout des adjectifs épithètes permet d’avoir une certaine vision de la fille dont parle l’auteur. Elle a des yeux noirs et des sourcils charbonnés. Sans ces qualificatifs, le sujet aurait juste été « cette fille » et la phrase manquerait de précision. La caractérisation descriptive rejoint aussi la caractérisation objective, elle décrit le sujet tel que tout le monde peut le voir.
« La table ronde, immobile au milieu du salon… »[78] Tout le monde peut voir que la table est ronde, il ne s’agit pas de l’avis personnel de l’auteur, mais d’une simple description.
- Les épithètes en antéposition
Est dit antéposé, un adjectif épithète qui se place avant le nom qu’il qualifie. L’antéposition peut aussi déterminer le sens du message véhiculé par l’adjectif. Nous allons alors voir quels types d’épithètes sont habituellement placés avant le nom et quel pourrait être leur impact. Le corpus contient 2271 adjectifs épithètes antéposés soit 54,4%.
- Les épithètes habituellement antéposées
Les adjectifs courts et primaires sont le plus souvent placés en antéposition. De nombreux exemples le démontrent dans La cousine Bette. Ces adjectifs sont simples et faciles à comprendre. Leur choix donne un petit plus au sens de la phrase et aide le lecteur à mieux comprendre l’information qu’elle véhicule.
- Sont habituellement antéposés au nom les adjectifs monosyllabiques et les adjectifs courts.
Il s’agit des adjectifs constitués d’une seule syllabe, c’est-à-dire un adjectif qui se prononce en une seule émission de voix.
« N’avez-vous pas un bon génie qui veille sur vous ? »[79]
« Vous avez des idées dans la cervelle ? la belle affaire ! »[80]
« Que diable me veut cette brave baronne Hulot ? »[81]
« …car je consulterais mon Egérie dans les moindres choses. »[82]
- Les adjectifs primaires, c’est-à-dire ceux qui ne sont pas dérivés d’un nom ou d’un verbe, sont aussi antéposés.
Pour rappel, il y a des adjectifs dérivationnels et des adjectifs primaires. Les premiers sont dérivés d’un nom. Ils deviennent des adjectifs si on ajoute un suffixe ou un préfixe…
Ce qui nous intéresse pour le moment, c’est les adjectifs primaires toujours antéposés au substantif qu’ils déterminent. En voici des exemples :
« Voilà, se disait-il, une gentille petite femme… »[83]
« La jeune femme monta rapidement l’escalier. »[84]
« Je suis un vieux fou, je ne mérite pas d’avoir un ange comme toi pour compagne. »[85]
- Effets de l’antéposition
L’antéposition d’un adjectif épithète peut traduire un sens figuré spécifique. L’adjectif peut également changer le sens de la phrase selon qu’il est placé avant ou après le nom qu’il définit. Souvent, l’on retrouve aussi l’épithète antéposée pour faire une caractérisation de nature subjective. Nous allons justifier tout cela avec des exemples tirés du roman La cousine Bette.
- Un sens figuré spécifique
L’emplacement antéposé de l’épithète connote un sens figuré spécifique pour mieux caractériser le sujet.
« Voilà, se disait-il, une gentille petite femme… »[86]
L’adjectif « petite » est généralement utilisé pour qualifier une fille. Dans la phrase ci-dessous, il est placé avant « femme ». La femme dont l’auteur parle ici serait donc de petite taille. D’ailleurs, c’est déjà dit dans les premières lignes du chapitre 14 du roman : « … »Adieu, cousine ! » une jeune femme, petite, svelte, jolie… »[87]
- Un sens différent de l’épithète en postposition
Dans le cas d’une épithète en postposition, l’auteur annonce d’abord le sujet et le précise par l’ajout d’un adjectif. Un adjectif épithète antéposé, étant placé avant le sujet, est choisi pour attirer tout de suite l’attention du lecteur.
« Toi, tu devrais tâcher de te bien mettre avec cette vieille fille, si toutefois elle est cousine du directeur. »[88]
En voyant l’adjectif « vieille » avant « fille », nous avons une information plus complète. La femme en question serait donc déjà âgée, mais est toujours restée célibataire.
- Une caractérisation de nature subjective
La mise en avant d’un adjectif épithète montre une part de subjectivité venant de la personne qui parle. Le but de l’énonciateur peut n’être qu’informatif : il exprime son opinion à propos d’un sujet précis. Mais il peut également essayer, avec l’épithète antéposée, de convaincre son interlocuteur.
Ces deux phrases sont correctes :
« Au moment où la cousine Bette aurait pu s’établir, la déroute de l’Empire éclata. »
« Au moment où la cousine Bette, l’ouvrière de la maison Pons, où elle dirigeait la fabrication, aurait pu s’établir, la déroute de l’Empire éclata. »
Dans le corpus, la phrase est comme suit :
« Au moment où la cousine Bette, la plus habile ouvrière de la maison Pons, où elle dirigeait la fabrication, aurait pu s’établir, la déroute de l’Empire éclata. »
Le rôle de l’épithète antéposée au substantif est ici très important. Elle apporte une précision à la phrase et montre une des rares qualités de Bette : la plus habile des ouvrières.
- Résultats de l’analyse
Voici les catégories d’adjectifs épithètes dans La cousine Bette[89] :
Classification | Types d’adjectifs épithètes | |||
Lexicologique | Adjectifs primaires | Adjectifs dérivés | ||
Phonétique | Adjectifs monosyllabiques ou courts | Adjectifs polysyllabiques ou longs | ||
Distributionnelle | Antéposés | Postposés | Antéposés | Postposés |
Exemples |
gros homme
vieil hôtel jeune cousine grandes maisons jolie fille vieille bergère bon génie chère maman petite fille haute voix seul profit moindre intérêt nouvelle passion unique auteur
|
bras longs
passions vraies
|
délicieuse hypocrisie
affreux administrateur charmants eunuques ferventes prières délicieuse hypocrisie affreux administrateur charmants eunuques pauvre fille atroce expression vive lumière atroce maritorne odieuses paroles
|
taille moyenne
sourcils épais habits ordinaires teint rougeaud homme décoré fille vulgaire fruit âpre fleur éclatante mentor femelle figure sèche yeux flamboyants flamme magnétique inspiration visible choix absolu dignité maternelle cour royale premier président réunion enchanteresse candeur pudique décence irréprochable inventions nouvelles explications critiques aversion croissante génération intellectuelle amant malade femme tannée femme heureuse bruit étrange lits jumeaux catastrophe tragique étage supérieur porte entre-bâillée |
Cet échantillonnage des adjectifs dans La cousine Bette est assez représentatif. Il nous permet de voir que la postposition des adjectifs dérivés est prédominante dans le roman. Il confirme aussi que les adjectifs primaires et adjectifs courts sont habituellement antéposés à leur substantif.
Synthèse
Le roman écrit par Honoré de Balzac, La cousine Bette, est une illustration parfaite et complète de l’utilisation des adjectifs épithètes dans une œuvre réaliste. Le corpus présente des exemples riches et explicites et démontre les différentes formes d’épithètes. Il nous permet, ainsi, de faire une étude syntaxique en bonne et due forme de ces éléments grammaticaux peu exploités dans les autres types d’écriture.
À travers les récits, descriptions, dialogues et autres discours dans La cousine Bette, l’on arrive à mettre en évidence plusieurs structures et à en déduire des règles pertinentes concernant l’utilisation des adjectifs épithètes. Quand utiliser une épithète ? Dans quelle partie de la phrase faut-il la mettre ? Quel est le but de cet emplacement ? Comment sera interprétée la phrase selon le choix de l’épithète ? Toutes ces questions et plus encore sont bien éclairées par l’œuvre réaliste de Balzac, La cousine Bette. L’emplacement de l’adjectif épithète de part ou d’autre du substantif influe fortement sur l’interprétation semantique.
Pour résumer cette partie orientée vers une étude syntaxique des adjectifs épithètes dans La cousine Bette, voici un récapitulatif de tous les éléments vus précédemment.
La place et l’omniprésence des adjectifs épithètes dans La cousine Bette
III. La cousine Bette, une œuvre réaliste via l’utilisation d’épithètes
La cousine Bette est un roman réaliste par excellence. Dans l’écriture, le réalisme, apparu au XIXe siècle, est un moyen d’exprimer la réalité le plus fidèlement possible, sans la déformer et sans émettre aucun signe de subjectivité. Les histoires racontées par l’auteur sont réelles, chaque objet, fait et personne qu’il décrit, possède des caractères vraisemblables. Les récits et les descriptions dans La cousine Bette sont le fruit de l’observation du réel. Nous voyons cela à travers les différentes épithètes citées dans le roman. C’est avec ces adjectifs que Balzac appuie le réalisme de l’histoire. Le choix des adjectifs relève plutôt de l’utilité, pour donner un sens plus précis à la phrase, que de l’originalité. Pour approfondir ce rôle des épithètes dans un roman réaliste, nous allons analyser le rapport entre l’épithète et le réalisme. Nous terminerons par démontrer la singularité de l’écriture réaliste de Balzac.
- Rapport épithète/réalisme
Les différentes œuvres balzaciennes, dont La cousine Bette, sont souvent illustrées par de longues descriptions. L’auteur s’en sert pour mieux personnaliser son récit et le rapprocher du réel. Les descriptions de personnage, de lieu et d’objet sont appuyées par les épithètes. Cela permet de communiquer des impressions subjectives. L’usage récurrent de l’adjectif « pauvre » dans le roman exprime cette subjectivité. Cela permet de transmettre un message réel. Nous retrouvons cet adjectif à la page 14 dans « ma pauvre petite maitresse », aux pages 19, 37 et 40 dans « pauvre fille », à la page 30 dans « Le pauvre compte », aux pages 31 et 32 dans « La pauvre femme », aux pages 40 et 42 dans « pauvre jeune homme », à la page 43 dans « pauvre enfant », à la page 47 dans « pauvre garçon », à la page 76 dans « pauvre artiste », etc. Les qualifications choisies orienteront la vision et la position du lecteur. L’épithète joue ici deux fonctions principales : une fonction syntaxique qui définit leur position dans une phrase, nous avons parlé de l’antéposition et de la postposition ; et une fonction sémantique, un rôle déterminant dans le sens du substantif voire de la phrase. En ce sens, l’épithète permet au récit de s’inscrire dans un cadre réel. Nous allons détailler cette représentation du réel avec les adjectifs épithètes et la façon dont ceux-ci rapprochent les récits du quotidien. Nous terminerons cette première sous-partie par identifier et analyser les épithètes de description dans La cousine Bette.
- La représentation du réel dans les épithètes
Les adjectifs épithètes utilisés dans La cousine Bette ne sont pas le fruit d’un hasard. Elles ont été expressément choisies par l’auteur afin de renforcer l’aspect réaliste du roman. Nous voyant cela :
- via les personnages
Cette description de Lisbeth « Paysanne des Vosges, dans toute l’extension du mot, maigre, brune, les cheveux d’un noir luisant, les sourcils épais et réunis par un bouquet, les bras longs et forts, les pieds épais, quelques verrues dans sa face longue et simiesque, tel est le portrait concis de cette vierge » démontre le caractère sauvage du personnage :
- paysanne, contrairement à sa cousine bourgeoise.
- maigre : il y a là une connotation péjorative, mince aurait eu un sens tout à fait différent
- ces épithètes permettent de dire, d’une manière plus réaliste, que Lisbeth ne prend pas soin de son physique : sourcils épais et réunis par un bouquet, les bras longs et forts, les pieds épais, face longue et simiesque…
Les descriptifs utilisés sont vraisemblables. Ces adjectifs sont courts et allègent la compréhension de la phrase sans lui enlever son sens. Les adjectifs tels que long, épais, forts expriment la particularité des substantifs auxquels ils sont associés.
- via les objets
En guise d’exemple, voici un passage du roman : « En voyant les rideaux de soie, anciennement rouges, déteints en violet par l’action du soleil, et limés sur les plis par un long usage, un tapis d’où les couleurs avaient disparu, des meubles dédorés et dont la soie marbrée de taches était usée par bandes, des expressions de dédain, de contentement et d’espérance se succédèrent naïvement sur sa plate figure de commerçant parvenu. Il se regardait dans la glace, par-dessus une vieille pendule Empire, en se passant lui-même en revue, quand le frou-frou de la robe de soie lui annonça la baronne. »[90]
Cette description des objets de décoration du salon dans lequel se déroule la conversation de M. Crevel et Mme Hulot est faite de manière minutieuse pour que cela fasse vrai. Les éléments de description sont nombreux et leur citation se rapproche d’un inventaire. Ils nous permettent de visualiser le cadre comme s’il était réel. Cette description du salon de Mme Hulot fait aussi transparaitre une impression négative. À travers les épithètes, l’auteur met le point sur le manque d’entretien et le caractère abandonné de la pièce : meubles dédorés, soie marbrée de taches, vieille pendule…
Les objets sont décrits tels qu’on peut les voir.
- via les lieux.
À la page 55, l’auteur décrit Le Louvre, un vieux quartier désert de Paris. À l’époque, le quartier n’était pas du tout comme l’actuel. D’ailleurs, il est précisé dans le roman que « Ce ne sera certes pas un hors-d’œuvre que de décrire ce coin du Paris actuel, plus tard on ne pourrait pas l’imaginer ; et nos neveux, qui verront sans doute le Louvre achevé, se refuseraient à croire qu’une pareille barbarie ait subsisté pendant trente-six ans, au cœur de Paris, en face du palais où trois dynasties ont reçu, pendant ces dernières trente-six années, l’élite de la France et celle de l’Europe. »[91]
Dans le quartier, l’on « remarque une dizaine de maisons à façades ruinées, où les propriétaires découragés ne font aucune réparation, et qui sont le résidu d’un ancien quartier en démolition depuis le jour où Napoléon résolut de terminer le Louvre. La rue et l’impasse du Doyenné, voilà les seules voies intérieures de ce pâté sombre et désert où les habitants sont probablement des fantômes, car on n’y voit jamais personne. Le pavé, beaucoup plus bas que celui de la chaussée de la rue du Musée, se trouve au niveau de celui de la rue Froidmanteau. Enterrées déjà par l’exhaussement de la place, ces maisons sont enveloppées de l’ombre éternelle que projettent les hautes galeries du Louvre, noircies de ce côté par le souffle du nord. Les ténèbres, le silence, l’air glacial, la profondeur caverneuse du sol concourent à faire de ces maisons des espèces de cryptes, des tombeaux vivants.»
Cette description réaliste du quartier du Louvre traduit la profonde insécurité et le silence qui y règnent. Les gens restent chez eux, l’auteur qualifie même les maisons d’espèces de cryptes, des tombeaux vivants. Tous les éléments de description du quartier, marqués par la récurrence des épithètes, ont été choisis pour argumenter une information qu’il fait passer avant : « Les Parisiens avoueront tous que la prudence de la vieille fille était rationnelle. »[92]
Dans ce passage du roman, les épithètes sont exploitées suivant une logique sémantique. Leur choix et leur répartition dans les phrases se rapprochent de l’oral. L’auteur a procédé ainsi pour être plus explicite. Nous voyons ici plusieurs catégories d’adjectifs épithètes : participes passés postposés (ruinées, découragés), épithètes courtes (ancien, seules, hautes), épithètes de couleur (sombre, noircies), épithètes dérivées d’un nom (éternelle, caverneuse, vivants, glacial)… Ces vocabulaires sont utilisés dans le quotidien et garantissent ainsi une meilleure compréhension du roman.
- Syntaxe épithétique proche du quotidien
Avec ses œuvres, dont La cousine Bette, Balzac fait une représentation littéraire de son époque. Le réalisme était alors en pleine expansion ; les récits pouvaient être enrichis par des exemples concrets, des illustrations vraisemblables, ce qui les rendait intéressants et originaux. Le réalisme se présente ici comme un miroir du vécu des gens au quotidien. Les faits réels sont incarnés par les personnages, les objets, les lieux faisant partie de l’histoire. Cet aspect réaliste n’aurait pas été mis en valeur sans les épithètes. Ces adjectifs, leur choix et leur répartition dans le roman, permettent à l’auteur de mieux s’adresser à son public et de transmettre le plus clairement possible l’histoire. Cette construction syntaxique proche du quotidien se voit à travers 4 catégories d’adjectifs :
- les épithètes légères :
Ce sont des adjectifs monosyllabiques et courts. Ce sont les adjectifs primaires tels que court, long, petit, grand, beau, belle… Nous en avons une longue série dans le roman :
À la page 3 : ses beaux yeux,
À la page 5 du roman : petite cousine Hortense, petit salut affectueux
À la page 6 : petit canapé
À la page 8 : belle partie
À la page 10 : belle dame
À la page 11 : belle et noble créature, petits motifs
À la page 12 : petite ouvrière, jolie petite actrice
À la page 13 : beaux cils
À la page 14 : ma petite Josépha, pauvre petite maîtresse
À la page 19 : les belles filles sans fortune
À la page 22 : beau capital
À la page 24 : la belle Mme Hulot
À la page 26 : ces belles femmes-là…
Les adjectifs de couleur sont également considérés comme légers : doré, noirs, bruns… Ils présentent une dimension réelle.
« Et il montrait une vieille lampe, un lustre dédoré, les cordes du tapis, enfin les haillons de l’opulence qui faisaient de ce grand salon blanc, rouge et or, un cadavre des fêtes impériales. »[93]
- épithètes simples et de sens facile :
Ce sont les adjectifs provenant d’un nom ou d’un verbe. Dans le roman, nous avons plusieurs adjectifs de relation qui ancrent le roman dans le réalisme : maternel, paternelle…
- « …comme Joséphine a fini par aimer Napoléon, d’un amour admiratif, d’un amour maternel…»[94]
- « …il savait devoir sa position au nom, à la place et à la considération paternelle… »[95]
- adjectifs épithètes objectifs :
Ces adjectifs sont le plus souvent placés après le nom (devant le nom, une épithète a une caractérisation subjective). Dans le corpus, nous avons un grand nombre d’épithètes postposées : bourgeoise, domestique, paysanne…Elles décrivent les substantifs sans laisser transparaitre l’avis personnel de l’auteur et servent uniquement d’éléments d’information pour le lecteur. Il existe un certain nombre d’épithètes objectives courtes qui, lorsqu’elles changent de place par rapport au substantif, changent le sens de celle-ci. C’est le cas de « pauvre » dans ces passages :
- « …et les parents pauvres dont la mise étriquée contraste avec les gens in fiocchi…»[96]
- « …et par quels moyens elles atteignent de pauvres femmes vertueuses…»[97]
- L’épithète, symbole de la neutralité :
Avec les adjectifs épithètes, l’auteur exprime le plus objectivement possible sa vision des faits. Il se prononce indirectement et laisse au lecteur la liberté de choisir lui-même sa position. Par exemple, au lieu d’affirmer qu’une femme est belle, il en parle de la manière suivante : « …cette belle femme en pleurs, se dissipa. »[98].
Dans La cousine Bette, les épithètes reproduisent le réel. Balzac s’en sert pour représenter l’époque. Nous avons un aperçu clair de la diversité sociale qui régnait à l’époque, à travers les épithètes comme : parents pauvres, vanité bourgeoise, famille riche, grands seigneurs… Mais aussi une caractérisation de la situation dans laquelle vivaient les gens : plaies financières, voleurs domestiques, petit appartement, pauvre exilé, la puissante étreinte de la misère, etc. En outre, les adjectifs rendent aussi plus réels les aspects politiques : doctrines antisociales, changements politiques, haute politique, ennemis politiques…
- L’épithète comme moyen de description
Vecteur principal de la description, l’épithète a une place prépondérante dans La cousine Bette, un roman dans lequel les personnages, les lieux et les objets forment un tout qui caractérise le réalisme.
- Les épithètes de caractère
Elles permettent de décrire les personnages avec des caractéristiques individualisantes qui leur sont propres. Elles sont invariables, contrairement aux épithètes de circonstance qui changent selon la situation.
À la page 12 : une bonne action, une bonne amie
À la page 17 : affreux mystères
À la page 37 : bonne et brave fille, bonne confidente
À la page 66 : bon génie
À la page 70 : de bonne volonté, en bonne forme
À la page75 : de bons petits livres
À la page 84 : affreux désastre
À la page 107 : affreux dégoût
À la page 119 : affreux juifs
À la page140 : méchant enfant
À la page 282 : méchant tour
À la page 282 : méchantes petites coquetteries
À la page 282 : méchante bonne
- Les épithètes ornementales
Comme leur nom l’indique, ces épithètes ont une fonction décorative.
« Hulot fut alors une de ces belles ruines humaines… »[99] : « belles » est ici une épithète ornementale puisque des ruines ne peuvent être belles.
« Ce digne et honnête juge au tribunal de commerce éprouva ce jour-là la satisfaction que doit causer la certitude d’avoir commis une mauvaise bonne action. »[100] : une bonne action peut-elle être mauvaise ? L’auteur aurait pu mettre un autre mot à la place, mais pour renforcer le rôle décoratif de l’épithète, a choisi d’écrire la phrase ainsi. L’usage des épithètes ornementales est plutôt stylistique. Souvent, elles n’ont absolument aucun rapport logique ou affectif avec le contexte.[101]
- Fonction référentielle des épithètes
Cela permet au lecteur d’identifier directement le personnage, le lieu ou l’objet dont l’auteur parle.
À la page 311 : cette petite femme, ce misérable Marneffe
À la page 313 : cette affreuse et navrante épopée
La représentation référentielle est surtout utilisée dans l’oral. Mais Balzac s’en sert dans son roman pour que l’histoire se rapproche encore plus du réel. Les épithètes référentielles sont faciles à comprendre et à interpréter. Elles orientent le lecteur vers ce dont l’auteur parle.
- Une écriture réaliste singulière
Balzac fait partie des plus grands romanciers réalistes. La cousine Bette est une de ses œuvres dont le récit est basé sur une observation attentive du réel. L’histoire se déroule dans une époque réelle qui est celle de l’auteur : le XIXe siècle. L’auteur évoque aussi des événements qui ont vraiment eu lieu. Les personnages traduisent aussi le réalisme du roman. Ils possèdent des identifications sociales réelles telles que riches, pauvres, bourgeois, courtisane, domestiques, prêtre… Dans La cousine Bette, Balzac utilise des procédés réalistes singuliers marqués par l’usage récurrent des épithètes. Celles-ci lui permettent de s’exprimer directement avec une approche stylistique proche de l’oral. Le choix de ces adjectifs relève de l’esthétique pour personnaliser le récit, la construction phrastique, mais surtout pour mettre en valeur le substantif. Pour approfondir cela, nous allons parler de l’esthétique de symétrie-dissymétrie en reprenant des exemples du corpus. Nous allons également voir de quelle manière Balzac se sert des épithètes pour singulariser son style. Un style qui, par la suite, influencera ses successeurs.
- L’esthétique de symétrie –dissymétrie
Aborder les traits esthétiques des épithètes dans La cousine Bette nous a paru indispensable pour marquer leur appartenance au style réaliste. Cela se retrouve non seulement au niveau des épithètes choisies, mais surtout au niveau de leur forme dans les différents passages du roman. Les épithètes sont à la fois des moyens syntaxique, lexical et stylistique à travers lesquels l’auteur décrit les lieux et les personnages, raconte l’histoire de façon précise et détaillée. Le corpus présente des épithètes opposées, d’autres qui se ressemblent. Ceci, dans le but de donner de l’importance aux détails.
- Les adjectifs épithètes opposés
Ils permettent de bien mettre en exergue les différences qui règnent au niveau des personnages et des objets et lieux décrits dans le roman. Cette valeur dissymétrique soulève la variété, la diversité et la richesse des épithètes employées dans La cousine Bette. En voici des exemples tirés du corpus.
« Les séducteurs à petits motifs ne comprennent jamais les grandes âmes. » [102]
« Vous ne rencontrerez ni un vieillard ni un jeune homme amoureux, reprit-il après une pause, parce que vous aimez trop votre fille pour la livrer aux manœuvres d’un vieux libertin… »[103]
« Rivet alla voir, dans l’intérêt de cette pauvre Mlle Fischer, qui, selon son expression, avait été dindonnée par un Polonais, les riches fabricants de chez qui Steinbock sortait. »[104]
« Elle entra dans cette boutique en laissant son père occupé à regarder les fenêtres de la jolie petite dame qui, la veille, avait laissé son image au cœur du vieux beau… »[105]
Avec cette approche dissymétrique dans le choix et l’emplacement des épithètes, l’auteur exprime sa vision de la réalité. Dans cette œuvre réaliste se rencontrent des comparaisons du réel et du non réel, du bon et du méchant, du petit et du grand, du beau et du laid, etc.
- La ressemblance à travers les adjectifs épithètes
Les épithètes sont présentes dans chaque partie du corpus. L’auteur a choisi divers synonymes afin de ne pas se répéter dans ses descriptions, de toujours donner sa singularité à chaque sujet décrit.
Affreux est une épithète très utilisée dans le roman. Pour varier le style, l’auteur a également choisi de nombreux synonymes que cet adjectif comme l’on peut le voir dans les pages suivantes :
Pages 17, 84, 262, 432… : affreux mystères, affreux désastre, scandale affreux, affreux dessert…
Pages 259, 323 : horribles convulsions, horribles souffrances…
Pages 56, 113, 168, 220 : infâmes baraques, homme infâme, infâme momie, infâme créature…
Pages 31, 362, 368 : compérage odieux, nom odieux, odieux spectacle…
Pages 139, 160 et 193 : ignoble persécution, ignoble livre, ignobles connivences…
L’usage de l’épithète « beau/belle » est aussi très récurrent dans La cousine Bette.
Pages 3, 13, 22…: beaux yeux, beaux cils, beau capital
Pages 20, 24, 124…: magnifique créature, magnifique mobilier, magnifique cabinet
Pages 81, 359 : étoffes merveilleuses, activité merveilleuse
Pages 328 et 338 : angélique douceur, ardeur angélique
La valeur symétrique des épithètes permet d’éviter les redondances. Cela attire l’attention du lecteur et renforce encore plus le sens de la phrase, de l’histoire. Tous ces synonymes nous montrent à quel point les épithètes peuvent enrichir un récit réaliste.
- L’épithète comme moyen littéraire chez Balzac
Les épithètes font partie intégrante de ses procédés stylistiques de Balzac. À travers les différents exemples d’épithètes dans La cousine Bette, l’on voit que l’auteur s’en sert comme moyen littéraire. Les adjectifs épithètes informent sur les faits, décrivent les objets et personnages et influencent la position du lecteur. Nous pouvons attribuer aux épithètes de La cousine Bette différentes fonctions littéraires.
- Épithète qui exprime une idée plus importante que celle du substantif
« Ce digne et honnête juge au tribunal de commerce éprouva ce jour-là la satisfaction que doit causer la certitude d’avoir commis une mauvaise bonne action. »[106]
Si l’épithète « mauvaise » n’était pas dans la phrase, le sens de celle-ci serait tout à fait différent. L’épithète joue ici un rôle plus important. Le sujet dont l’auteur parle c’est ce digne et honnête juge, mais il termine sa phrase avec mauvaise bonne action, c’est donc au lecteur de se faire sa propre position par rapport aux faits.
« …et il rit de cette délicieuse hypocrisie, en admirant la comédienne… »[107]
L’hypocrisie est un caractère rarement apprécié, mais ici elle est délicieuse et cette épithète exprime une idée plus importante que celle du substantif. L’on voit dans les lignes précédentes du corpus pourquoi l’auteur a choisi cet adjectif. Il parle de Valérie et de ses caractères hypocrites, mais que Crevel et le baron apprécient.
L’épithète peut alors jouer un rôle sémantique très important dans une phrase et exprimer une idée plus grande que celle du substantif.
- Épithète évocatrice d’idées
Cela fait toujours partie de la valeur sémantique des épithètes et concerne notamment celles qui sont énumérées dans La cousine Bette comme le montrent les exemples ci-après.
« Néanmoins, la vieille fille ne sortit pas sans faire un petit salut affectueux à M. Crevel… »[108]
Vieille fille est une expression courante qui désigne une femme d’un âge avancé, mais qui est toujours célibataire. Par le « petit salut affectueux », une idée nous vient à l’esprit : la cousine Bette apprécie certainement monsieur Crevel.
Les descriptions faites par l’auteur donnent aussi un caractère réel aux sujets et sont évocatrices d’idées. Nous voyons cela, par exemple, à travers sa manière de parler du salon de la baronne :
« Cette pièce n’était séparée que par une légère cloison du boudoir dont la croisée donnait sur le jardin… »[109]
« En voyant les rideaux de soie, anciennement rouges, déteints en violet par l’action du soleil, et limés sur les plis par un long usage, un tapis d’où les couleurs avaient disparu, des meubles dédorés et dont la soie marbrée de taches était usée par bandes… »[110]
Cette description donne au lecteur une idée précise sur l’état du salon de la baronne. C’est alors un vieux salon qui manque d’entretien.
- Épithète comme moyen de condensation.
Il s’agit là d’une autre fonction de l’épithète : elle peut résumer des idées et les concentrer sur un seul mot. C’est toujours avec les descriptions que nous voyons cela dans La cousine Bette.
« Pauvres gens ! » (Ils peuvent à peine vivre avec mille écus de leur place de sous-chef, car ils ont fait des dettes depuis la mort du maréchal Montcornet ! C’est barbarie au gouvernement de vouloir qu’un employé qui a femme et enfants vive, dans Paris, avec deux mille quatre cents francs d’appointements.) [111]
(Cet avoir sera grevé d’une petite rente à faire à Lisbeth, mais elle ne vivra pas longtemps, elle est poitrinaire, je le sais.) « Ne dites ce secret à personne ; que la pauvre fille meure en paix. »[112]
L’épithète pauvre(s) résume tout dans ce passage, des explications sont placées avant et après.
- Rôle de l’épithète dans les métaphores et les comparaisons.
L’aspect réaliste de La cousine Bette est illustré par la récurrence des épithètes utilisées également dans la comparaison. L’auteur en fait souvent un usage métaphorique, voici des exemples :
Page 33 : « La famille, qui vivait en commun, avait immolé la fille vulgaire à la jolie fille, le fruit âpre à la fleur éclatante. »L’auteur compare la beauté d’une fille (Adeline) à celle d’une fleur éclatante, la laideur de l’autre fille (Lisbeth) est comparée à celle d’un fruit âpre.
Page 66 : « Wenceslas Steinbock, en recevant cette bordée accompagnée de regards qui le pénétraient d’une flamme magnétique, baissa la tête. »L’auteur utilise cette métaphore pour intensifier le sens de la phrase.
Page 165 : « délicieuse hypocrisie », délicieuse est généralement pour parler de repas, de quelque chose que l’on mange et que l’on savoure…
Ces métaphores ont des fonctions ornementales et sémantiques particulières. Elles n’appartiennent pas au champ lexical des substantifs auxquels elles sont rattachées. Elles ont également des visées argumentatives. Par leur choix et leur emplacement, l’auteur influence la position du lecteur. Le sujet de référence peut être valorisé ou dévalorisé par l’épithète.
- L’influence de Balzac sur les épithètes de ses successeurs
Les œuvres balzaciennes sont toutes fondées sur le principe du réalisme. Dans La cousine Bette, l’auteur personnalise son récit avec une utilisation très poussée des épithètes. Ce choix relève de plusieurs dimensions : esthétique, sémantique, lexicale, argumentative… Des adjectifs antéposés et postposés au substantif sont repartis dans le roman avec chacun leur rôle dans la phrase. Sans ces épithètes, l’histoire aurait été moins vraisemblable, moins riche et donc moins intéressante. Elles permettent de dépasser la simple narration. Balzac se distingue par des écrits riches en épithètes, ce qui influencera les œuvres de ses successeurs.
- L’épithète vers la postposition
Dans la deuxième partie de ce travail, nous avons parlé des effets de la postposition des épithètes. Cela concerne les adjectifs de forme, de couleur, les adjectifs participes passés et présents ainsi que les ensembles adjectivaux. En effet, celles-ci peuvent avoir une caractérisation objective ou une caractérisation descriptive. Ce caractère objectif fait partie des fondements d’une œuvre réaliste ; elle doit relater les faits, décrire les personnages, les lieux et les objets tels qu’ils sont. Quant à la description, elle est très poussée dans tous les récits réalistes. Elle permet non seulement de montrer le réel, mais d’influencer la vision de celui reçoit l’information. La description permet d’interpréter une expression, une phrase, une histoire.
Avec les 91 romans de sa Comédie humaine, Balzac met en évidence les différentes classes sociales, les mutations de celles-ci, les conditions socio-économiques ainsi que les faits politiques qui caractérisaient sont époque. Avec ce roman, La cousine Bette, riche en épithètes, en descriptions et en faits réalistes, Balzac prévoit la postposition des épithètes. C’est le précurseur par excellence de l’usage de ce procédé littéraire dans les romans réalistes.
Après Balzac, d’autres romanciers tels que Guy Maupassant et George Sand sont entrés dans le monde du réalisme. Nous avons survolé le roman de George Sand, La Mare au diable et y avons dénombré plusieurs épithètes, en voici des exemples[113] : vieux français, tristesse profonde, vaste campagne, pauvres cabanes, fonds raboteux ; personnage fantastique, chevaux effrayés, pécheurs superbes, pauvre paysan, tristesse implacable, effroyable fatalité, malédiction amère, longue misère, satire douloureuse, peinture vraie, danse macabre, œuvres immortelles, pages historiques…
Nous avons également vu ces exemples le roman de Maupassant[114] : vigueur surhumaine, espérance infinie, feuilles élégantes, couleur vive, étoffe ancienne, petites fleurs, parole facile, séduction irrésistible, jeune femme, petite fille, cheveux ondés et fins, grands personnages, vieille muraille, mystère charmant…
L’approche stylistique de ces deux romanciers se rapproche de celui de Balzac, ils utilisent plus la postposition pour faire une description plus précise et détaillée des personnages, des lieux et des faits. L’usage de la postposition est renforcé dans les œuvres balzaciennes et celles de ses successeurs. Il en est de même dans le français moderne…
- Comparaison entre le réalisme de Balzac et de Stendhal
Balzac et Stendhal font partie des plus grands romanciers inscrits dans le mouvement littéraire réaliste. Tous deux ont des styles singuliers que l’on analysera dans ce dernier point de notre travail.
- Le réalisme objectif de Balzac et le réalisme subjectif de Stendhal
Avec les différents romans de La comédie humaine, dont La cousine Bette, Balzac est considéré comme étant le précurseur du réalisme. Il représente son époque avec des récits et des descriptions réalistes qui mettent en évidence les disparités et mutations sociales, les caractères particuliers de chaque personnage… Les romans de Balzac définissent le réalisme objectif, se voulant représenter le réel tel qu’il est sans déformation. Il marque cette appartenance au réalisme par l’usage d’épithètes vraisemblables, épithètes que l’on peut entendre tous les jours dans les discours. Pour Stendhal, l’observation du monde réel, donc le réalisme, ne peut se détacher de la subjectivité, car chacun exprime sa vision des choses et ne peut percevoir le monde que dans les limites de son regard. [115] Il représente donc l’histoire de son époque, mais contrairement à Balzac, il écrit de manière subjective. Avec le réalisme subjectif, Stendhal accorde plus d’importance aux sentiments et à l’héroïsme. Balzac était le premier à s’intéresser à l’œuvre de Stendhal, La chartreuse de Prame publiée en 1839. Grâce à un point de vue critique, il l’a amélioré ; l’œuvre a donc été refondue en 1841.
- Le réalisme extérieur de Balzac et le réalisme intérieur de Stendhal
Cela se traduit tout simplement par le fait que Balzac accorde plus d’importance aux aspects réels d’un lieu, d’un objet et d’un personnage. Nous voyons ce réalisme extérieur à travers les longues descriptions qu’il fait dans La cousine Bette. Stendhal, quant à lui insiste surtout sur la force des sentiments, sur la « focalisation interne », c’est le réalisme intérieur. Il fait ainsi, des descriptions plus courtes. Il centralise son récit sur un personnage principal, contrairement à ce que l’on voit dans La cousine Bette. Balzac consacre plusieurs pages à la description des autres personnages du roman, mais ne centralise pas sa narration sur Lisbeth…
Synthèse
Cette dernière partie nous a permis de démontrer comment Balzac utilise les épithètes pour renforcer le réalisme de son roman. Les épithètes dans La cousine Bette, qu’elles soient employées pour décrire les lieux, les objets ou les personnages, représentent le réel. Pour captiver le lecteur et faciliter la compréhension de l’histoire, Balzac utilise des épithètes légères, neutres et objectives. Chacun est ainsi libre de se faire sa propre opinion à propos de ce qui est dit. Aucune description n’aurait été précise sans les épithètes. Une phrase entière peut perdre son sens si l’on enlevait l’adjectif. Les épithètes jouent, en effet, des fonctions ornementales, mais aussi sémantiques. Balzac se distingue des autres romanciers réalistes par l’usage des épithètes. Il renforcera la postposition en raison des effets de celle-ci sur le sens et l’interprétation du substantif. Pour Balzac, une œuvre réaliste digne de ce nom se caractérise par l’objectivité et une expression du réel dans tous ses aspects, bons ou mauvais. En ce sens, sa vision du réalisme est tout à fait contradictoire avec celle de Stendhal.
Conclusion générale
Pour conclure ce mémoire portant sur le thème “Étude syntaxique de l’adjectif épithète dans La cousine Bette de Balzac”, nous allons répondre à la problématique. Comment Balzac emploi-t-il les épithètes dans La cousine Bette ? Dans une première partie qui se voulait théorique, nous avons pu mieux cerner l’objet de notre étude qui ne se limite pas à une énumération, mais concerne une analyse approfondie de l’usage des épithètes dans un roman réaliste. Avec une approche syntaxique, nous avons pu déduire les différents rôles des épithètes dans La cousine Bette. Des exemples du corpus illustrent la deuxième partie du mémoire dans laquelle nous nous sommes focalisés sur la récurrence des épithètes, de leur position par rapport au substantif ainsi que des effets du choix de cet emplacement.
Balzac utilise les épithètes pour décrire le plus clairement possible les personnages, les lieux et les objets de l’histoire. Il insiste longuement sur les détails pour renforcer le réalisme de sa narration. En ce sens, une utilisation poussée des épithètes postposées se remarque dans le corpus. La postposition traduit, en effet, une caractérisation objective ou une caractérisation descriptive. Et par voie de conséquence, elle permet de bien ancrer les récits dans le réalisme. Rappelons que Balzac est un précurseur du réalisme objectif, un romancier qui fait une représentation objective de son époque et du vécu des gens. Cet usage des adjectifs postposés a aussi influencé ses successeurs comme nous l’avons vu dans la troisième partie…
Les épithètes de La cousine Bette ont aussi une fonction sémantique particulière. Tout en restant objectif dans ses descriptions, l’auteur choisit des épithètes dont le sens impacte d’une manière ou d’une autre sur la vision du lecteur. Celui-ci peut rire, être intrigué, surpris, triste, stupéfait, étonné, etc. en lisant le roman. Tout cela, grâce aux épithètes. Balzac utilise des épithètes à place fixe et d’autres qui sont à place variable, des épithètes antéposées et postposées, pour créer une histoire vraisemblable. La diversité et la richesse des épithètes dans ce roman enrichissent aussi l’histoire.
L’épithète dans La cousine Bette occupe également une fonction esthétique. Pour personnaliser son roman, Balzac utilise expressément des épithètes avec des sens opposés et des épithètes synonymes. Ce sont de véritables procédés littéraires dépassant le simple aspect descriptif. L’épithète, qu’elle soit utilisée dans son sens propre ou son sens métaphorique, évoque une idée parfois même plus importante que celle que véhicule le substantif. À travers son style d’écriture singulier, Balzac peut être qualifié de romancier novateur en ce qui concerne l’importance de l’épithète dans une œuvre réaliste.
Références bibliographiques
Ouvrages généraux
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Sites de référence :
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.
[1] Dictionnaire étymologique et historique du français
[2] Larousse.fr, adjectif, disponible à l’adresse http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/adjectif/1094.
[3] Goes, J. (1999). L’adjectif : entre nom et verbe, De Boeck Supérieur, p. 7.
[4] Noailly, M. (1999). L’adjectif en français, Editions OPHRYS, p. 9.
[5] Id.
[6] http://www.littre.org/definition/%C3%A9pith%C3%A8te
[7] Sikkilä, P. (2000), La place de l’adjectif épithète dans le français du XVIIe siècle. Mémoire de maîtrise en philologie romane, Institut des langues romanes et classiques, Université de Jyväskylä, p. 7
[8] Ibid, p. 6.
[9] Ibid., p.10.
[10] Ibid. pp. 10-11.
[11] Ibid., p.11.
[12] Ibid., p.12.
[13] Ibid, p.13.
[14] Ibid., p.17.
[15] Id.
[16] Ibid., p.18.
[17] Ibid., p.21
[18] Ibid., pp.21-22.
[19] Vespä, P. (1997). L’adjectif épithète chez Nathalie Sarraute : L’étude sémantique de l’ordre de plusieurs adjectifs épithètes. Mémoire de maîtrise en philologie romaine, Université de Jyväskylä.
[20] Id.
[21] De Balzac, H. La cousine bette. La comédie humaine, Études de mœurs, Scènes de la vie parisienne, Les parent pauvres, 1er partie : Le père prodigue.
[22] Guillaume, G. (1989). Leçons de linguistique de Guillaume Gustave, Presses Univ. Septentrion, p. 234.
[23]Ibid, p. 122.
[24]Ibid. p. 234.
[25] Ibid p. 122
[26] Id
[27]Leclère, C. (2004). Lexique, syntaxe et lexique-grammaire, John Benjamins Publishing, p. 275.
[28] http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/euphonique/31680
[29] www.larousse.fr/dictionnaires/francais/euphonie/31679
[30] Id.
[31] http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/hiatus/39901
[32] Guillaume, G. (1989). Leçons de linguistique de Guillaume Gustave, op. cit., p. 120.
[33] http://www.lebienparler.com/cours-de-francais/lecon-de-grammaire-francaise/apprendre-le-francais-en-ligne-gratuitement/mots-et-groupes-de-mots/adjectif/attribut-et-%C3%A9pith%C3%A8te/lecon/attribut-et-%C3%A9pith%C3%A8te-en-position-d%C3%A9tach%C3%A9e
[34] Id.
[35]Riegel, M. et al., (1994). Grammaire méthodique du français, Paris, Presses Universitaire de France, 646 pages.
[36] KLEIN, Hans-Wilhelm et al., Grammatik des heutigen Französisch, Stuttgart, Klett, 1983
[37] http://bildung.freepage.de/cgi-bin/feets/freepage_ext/41030x030A/rewrite/rgoehrke/linguistics/linguistique_francaise/adjectif_epithete/adjectif_epithete.html
[38] TESNIERE, L’Esquisse d’une syntaxe structurale (Paris, Klincksieck, 1953, 30 pages)
[39] Balzac, Honoré de, La cousine Bette. Scènes de la vie parisienne, section Les Parents pauvres de la Comédie humaine, 1847 : p5
[40] Ibid p33
[41] Ibid p3
[42] http://fr.wikipedia.org/wiki/R%C3%A9currence
[43] Balzac, Honoré de, La cousine Bette. Scènes de la vie parisienne, section Les Parents pauvres de la Comédie humaine, 1847
[44] Ibid pp 3, 4
[45] Ibid pp26,27
[46] Ibid pp 30,31,32
[47] Ibid pp33,39
[48] Id
[49] Id
[50] Ibid p153
[51] Ibid p204
[52] Ibid p454
[53] Ibid p15
[54] Ibid p213
[55] Cas exceptionnels c’est-a-dire adjectifs ne s’accordant pas avec le nom : couleur tirée d’un nom, adjectif de couleur composé. Il n’y en a pas dans notre corpus.
[56] Ibid p4
[57] Ibid p20
[58] Ibid p24
[59] Ibid p36
[60] Ibid p34
[61] Ibid p31
[62] Ibid p41
[63] Ibid p 6
[64] Ibid p 12
[65] Ibid p 31
[66] Ibid p15
[67] Ibid p123
[68] Ibid p13
[69] Ibid p31
[70] Ibid p492
[71] Ibid p83
[72] Ibid p401
[73] Ibid p404
[74] Ibid p20
[75] Ibid p15
[76] Ibid p123
[77] Ibid pp33-34
[78] Ibid p123
[79] Ibid p66
[80] Ibid p67
[81] Ibid p326
[82] Ibid p335
[83] Ibid p58
[84] Id
[85] Ibid p84
[86] Ibid p58
[87] Id
[88] Ibid p63
[89] Ibid pp : 3,33,66,99,132,165,198,231,264 et 492
[90] Ibid p6
[91] Ibid p55
[92] Id
[93] Ibid p 24
[94] Id
[95] Ibidp p 25
[96] Ibid p 153
[97] Ibid p 293
[98] Ibid p 332
[99] Ibid p 167
[100] Ibid p 73
[101] Leif Bergson (1957), L’épithète ornementale dans Eschyle, Sophocle et Euripide. Thèse
[102] Balzac, Honoré de, La cousine Bette. Scènes de la vie parisienne, section Les Parents pauvres de la Comédie humaine, 1847 p11
[103] Ibid p 23
[104] Ibid p 73
[105] Ibid p 86
[106] Ibid p 73
[107] Ibid p 165
[108] Ibid p 5
[109] Id
[110] Ibid p 6
[111] Ibid p 106
[112] Ibid p 142
[113] Sand, George (1973) : La Mare au diable, Edition Lgf, 165 p.
[114] Maupassant, Guy (1987) : Pierre et Jean, Edition Librio, 310 p.
[115] Marie de Gandt, Le Rouge et le Noir, Stendhal, Éditions Bréal, 1998, 127 p.
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