docudoo

Faut-il supprimer l’article 5-1 du règlement Bruxelles I ?

Faut-il supprimer l’article 5-1 du règlement Bruxelles I ?

 

Introduction

 

«  L’Europe ne se fera pas d’un coup, ni dans une construction d’ensemble ; elle se fera par des réalisations concrètes créant d’abord une solidarité de fait. »[1]. Ces mots, tirés de la proposition sur l’organisation de l’Europe, dit Plan Schumann, en 1959 trace clairement la direction que les dirigeants des Etats Européens entendaient emprunter dans la construction de l’Union Européenne. Construire l’Europe politique par la construction de l’Europe économique, telle était désormais la devise.

Mais il est apparu dès les tous débuts que cette construction par l’intégration économique n’avait aucune chance d’aboutir sans un bon encadrement juridique. En effet, la trop grande différence, voire divergence, entre le droit national de chaque Etat risquait de compromettre sérieusement le développement des relations commerciales entre les différents opérateurs économiques des Etats membres de l’Union.

Il fallait donc aménager un environnement juridique plus propice au développement pérenne et serein de ces relations, et pour cela il fallait trouver un moyen pour résoudre le problème de différence de législation qui favorisait l’insécurité et la précarité juridique. Deux ingrédients qui constituaient un sérieux frein au développement du commerce sur le marché intérieur[2].

En effet ils minaient la confiance des opérateurs, surtout les PME et les consommateurs en particulier, qui n’avaient pas forcément connaissance des régimes du droit des contrats[3] dans les autres pays, ce qui ne les encourageait pas à investir ce marché intérieur, ni à entreprendre des transactions transfrontalières.

 

La solution préconisée était alors l’harmonisation des droits des Etats membres de l’Union. Solution qui consistait à créer des règles internationales privées uniformes qui seraient applicables à la place des règles issues des différentes législations  nationales, et qui permettraient de réduire sensiblement les obstacles rencontrés par les agents économiques, notamment les industriels, les prestataires de services, les intermédiaires et les consommateurs qui opèrent dans l’espace économique européen.

Dans cette optique, plusieurs instruments juridiques ont été créés pour avoir une plus grande prévisibilité juridique en ce qui concernait la résolution des conflits pouvant naître dans le cadre d’un contrat entres ces différents agents économiques. Prévisibilité qui leur assurerait ainsi une plus grande sécurité juridique et les rendraient moins méfiants vis-à-vis du marché intérieur.

 

La convention de Bruxelles[4], devenu Règlement Bruxelles I[5], est l’un de ces instruments juridiques[6]. Il a été adopté dans le but d’harmoniser les droits nationaux dans la résolution du problème de conflit de compétence judiciaire en matière civile et commerciale. Il s’agit de l’un des plus importants instruments juridique élaborés dans le but de parvenir à l’harmonisation des droits nationaux.

En effet, étant donné que « certaines différences entre les règles nationales en matière de compétence judiciaire et de reconnaissance des décisions rendent plus difficile le bon fonctionnement du marché intérieur »[7], il est apparu indispensable d’adopter des « dispositions permettant d’unifier les règles de conflit de juridictions en matière civile et commerciale ainsi que de simplifier les formalités en vue de la reconnaissance et de l’exécution rapides et simples des décisions émanant des États membres »[8].

 

Le but du Règlement Bruxelles I, à l’instar de la plupart des autres instruments juridique de l’Union Européenne, est de faciliter l’établissement et le fonctionnement du marché intérieur, notamment en ce qui concerne la libre circulation des biens, des personnes, des services et des capitaux. Et plus spécialement de permettre une plus grande liberté de circulation des décisions en matière civile et commerciale. Objectifs qui « ne peuvent pas être réalisés de manière suffisante par les États membres et peuvent donc être mieux réalisés au niveau communautaire »[9] et cela au moyen d’un « instrument juridique communautaire contraignant et directement applicable. »

Le règlement Bruxelles I préconise un « haut degré de prévisibilité »[10] des règles de compétence en matière civil et commercial, principe qui doit « s’articuler autour de la compétence de principe du domicile du défendeur ». Et il énonce dans son article 2 que « (…) les personnes domiciliées sur le territoire d’un État membre sont attraites, quelle que soit leur nationalité, devant les juridictions de cet État membre. »

Cette règle de compétence générale posée par l’article 2 du règlement Bruxelles I et qui s’articule autour du principe du domicile du défendeur se trouve être également la règle de principe en matière de droit international privé. Le fondement de ce principe repose sur un autre principe, le principe du droit de la défense ; il faut laisser au défendeur la possibilité de défendre sa cause, dans les meilleures conditions possibles, devant un Tribunal.

Le fait est que dans un « litige international », le fait pour le défendeur de devoir se déplacer dans un autre pays peut compromettre sérieusement son droit  à une défense sérieuse. Car il doit alors supporter la charge des différentes démarches qu’il doit entreprendre : il y a d’abord les désagréments du déplacement, et d’autres problèmes techniques comme le fait de devoir engager des avocats sur place, le fait de devoir traduire le jugement s’il ne parle pas la langue du pays où il est assigné en justice.

L’article 2 a également pour but de faire prévaloir les règles du Règlement Bruxelles I sur les règles exorbitantes du droit national, ainsi la question qui prévaut dans l’application dudit règlement n’est plus la question de la Nationalité mais bien celle du Domicile. Et cela afin de bien souligner la volonté de l’organe législatif de l’Union d’effectuer une harmonisation effective par les règles matérielles[11] en passant outre les préoccupations nationalistes qui ont longtemps sérieusement menacé la mise en place de l’Union Européenne.

Cependant, il faut souligner que dans certains cas, le principe de la compétence du domicile du défendeur ne peut pas vraiment jouer car présente de sérieuses lacunes ou bien alors parce que son application conduirait à traiter le litige devant un tribunal qui n’aura pas de liens sérieux avec le litige. Ce qui serait contre les principes fondamentaux du règlement lui-même qui dispose d’ailleurs dans son considérant n°8 qu’il « doit exister un lien entre les litiges couverts par le présent règlement et le territoire des États membres qu’il lie. ».

 

Il est donc apparu que pour certaines matières, il était nécessaire d’édicter des règles plus spécifiques. Cas notamment des règles de compétence exclusives posées par l’article 22[12] du Règlement Bruxelles I. Mais surtout la règle de compétence spéciale posée par l’article 5 dudit Règlement.

Cet article traite de six points : de l’obligation alimentaire (compétence au tribunal du domicile du créancier d’aliments), de la matière délictuelle ou quasi-délictuelle (compétence rationae loci), de l’action en réparation d’un dommage (compétence du tribunal saisi de l’action publique), de la contestation relative à l’exploitation d’une succursale (compétence du lieu de la situation de ladite succursale), pour les litiges relatifs à un trust (compétence du lieu du domicile du trust). Et enfin, l’article 5 traite de la règle de compétence en matière contractuelle.

 

L’application de l’article 2 à la matière contractuelle n’est pas très appropriée et cela en raison du caractère très particulier contrats internationaux et de leur exécution. Il arrive souvent en effet que le Tribunal du domicile du défendeur ne présente pas de lien effectif avec le litige, et cela parce que le contrat n’est pas exécuté sur place par exemple.

L’article 5-1 a donc d’abord été élaboré dans le but d’avoir une meilleure administration de la justice. Mais également dans le but d’encourager l’initiative commerciale des petites entreprises et autres « petits » agents économiques (travailleurs, prestataires de service) d’investir le marché intérieur. En effet, l’application aveugle du principe du domicile du défendeur pourrait ne leur occasionner que des charges, ce qui ne leur permettrait pas de rentrer dans leur droit.

Le texte de l’article 5-1 établit donc clairement qu’en matière contractuelle, ce ne sera plus le domicile du défendeur qui sera pris en compte mais plutôt le lieu de l’exécution de l’obligation qui sert de base à la demande. Et il apporte même des clarifications en ce qui concerne le lieu à considérer en matière de vente de marchandise ou de prestation de service.

La solution devrait donc, en principe, être assez facile d’application, et pourtant la mise en œuvre s’est révélée plus que compliquée. Complications dues à un problème d’interprétation du texte de l’article. Notamment en ce qui concernait la délimitation de la matière contractuelle ou encore la détermination du lieu de l’exécution du contrat et même dans le détermination de l’obligation qui sert de base à la demande.

Autant de complications qui ont compromis l’efficacité de l’article 5-1 ; au final, il aura  occasionné encore plus de confusion, ce qui en a fait un « texte maudit »[13] . Cette situation a d’ailleurs conduit autant les professionnels que les auteurs à remettre en cause l’utilité et l’existence même cet article. Certains ont même poussé l’audace jusqu’à en suggérer la suppression pure et simple et de s’en tenir aux autres règles de compétence existantes.

Cette situation nous pousse à nous poser la question quant à l’utilité réelle de l’article 5-1 étant donné tous les désagréments qu’il engendre. Et étant donné surtout que l’article 2 du même règlement pose déjà une règle de compétence qui semble être plus facile à mettre en œuvre et engendre donc moins de contentieux.

Quid donc de l’opportunité de cet article, étant donné que l’article 2 établit déjà une règle de compétence fondée sur le principe du domicile du défendeur ?

 

Pour pouvoir répondre à ce questionnement, nous allons dans un premier temps discuter de L’utilité de l’article 5-1 du règlement CE 44/2001 (I), avant d’en étudier les inconvénients (II) afin de pouvoir dresser un bilan destiné à nous éclairer (II) sur la possibilité de maintenir ou non l’article 5-1 en matière de résolution du conflit de compétence dans le cadre d’un contrat international qui se développe dans l’espace économique européen.

I.                   L’utilité de l’article 5-1 du règlement CE 44/2001

 

 

Comme nous le savons déjà, en matière de contrat international, les plus grandes complications quand surviennent les litiges viennent de la résolution du conflit de loi et celle du conflit de juridiction. La raison en est l’implication de deux ou plusieurs Etats dans l’exécution du contrat en question. Ce problème demeure même si les Etats en question font partie de l’Union Européenne, étant donné que les Etats membres ont gardé leur souveraineté nationale et demeurent donc des Etats à part entière, avec leurs règles propres qui peuvent parfois être contradictoires en ce qui concerne ces deux questions.

En matière de droit des contrats européens, les problèmes de conflit de loi et de juridiction ont été résolus aux moyens de deux (principaux) instruments juridiques. Le règlement (CE) No 593/2008 (Rome I) sur la loi applicable aux obligations contractuelles, pour résoudre le problème de conflit de loi. Et le Règlement (CE) n° 44/2001 (Bruxelles I) du 22 décembre 2000 sur la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale, pour résoudre le problème de compétence.

Le règlement Bruxelles I, outre les règles de compétence exclusives, pose deux règles de compétences importantes.

D’une part, la règle de principe du domicile du défendeur, c’est la compétence de principe qui est applicable autant en matière civile que contractuelle. Cette règle générale semble déjà très à même de résoudre les problèmes de conflit de juridiction tout en assurant une sécurité juridique importante aux agents économiques. En effet, la règle établie par l’article 2 répond au souci de prévisibilité exigé pour le bon fonctionnement du marché intérieur.

 

Et d’autre part, la règle de compétence spéciale de l’article 5-1. Car malgré toutes les qualités que l’on pourrait conférer à l’article 2, cet article ne peut malheureusement pas répondre à toutes les attentes et les impératifs du commerce international et intra-communautaire. Ne serait-ce que sur le plan de la célérité qui y tient une place importante. De ce fait, l’article 5-1 n’est pas du tout superflu puisqu’il vient combler les lacunes de la règle de principe de l’article 2.

Nous allons donc consacrer cette partie à l’étude de l’utilité de cet article 5-1. Et pour ce faire, nous allons étudier (plus en détail) d’une part le fondement de cet article (A) avant de nous pencher sur les innovations qu’il apporte sur la question de compétence dans le droit du contrat européen (B).

 

 

 

 

A.                 Un article fondé sur l’idée de bonne administration de la justice.

 

L’un des objectifs de la mise en place de l’article 5-1 est d’avoir une meilleure administration de la justice. Tout le monde a le droit de se défendre dans les meilleures conditions possibles et d’avoir un procès équitable qui assure à toutes les parties à un litige les mêmes droits et la même chance de se faire entendre. De même tout le monde devrait être assuré de pouvoir faire entendre sa demande dans les meilleures conditions possibles.

Il s’agit donc de trouver un juste milieu entre la protection du droit de la défense et celui du droit de la demande. Chose qui ne peut se faire que si le for est à même d’avoir une bonne appréciation du litige, d’où la nécessité de répondre aux impératifs de proximité du for avec le litige.

 

1.                  L’objectif de proximité du for avec le litige

 

L’article 5-1 du Règlement Bruxelles I veut établir un lien plus étroit entre le litige et le for qui peut connaître dudit litige. Le but étant de faire en sorte que la mise en œuvre de l’article 2 du même règlement ne soit pas systématique, car il peut arriver que cet article ne soit pas compatible avec la situation, qu’il ne soit pas adapté à la situation, au litige. Car il peut arriver qu’il se présente  le cas où il s’avère difficile voir impossible pour le juge saisi d’avoir les moyens de vérifier les faits et d’avoir ainsi une meilleure appréciation de la situation.

La logique veut en effet que le litige soit connu du for où il est matériellement possible d’avoir des preuves pour étayer les allégations de chacune des parties au litige, d’avoir toutes les informations nécessaires permettant au juge d’avoir une bonne compréhension de l’affaire dont il a à connaître.

D’un autre côté, il s’agit aussi d’améliorer grandement les droits de la demande, c’est-à dire de faciliter l’action de la partie demanderesse et de lui permettre plus facilement de rentrer dans ses droits. En effet, l’un des principes fondamentaux sur lequel se base l’Union Européenne est la possibilité pour chaque citoyen des Etats membres d’avoir le droit d’agir en justice. L’article 5-1 est un moyen de se débarrasser de tous les obstacles, sur le plan matériel et financier, qui peuvent nuire à la mise en œuvre de ce droit fondamental.

Mais remplir aux exigences de proximité est également nécessaire pour que la décision du Tribunal soit reconnue dans les autres Etats membres. Car il ne faut pas oublier la dimension internationale du contrat, même s’il a lieu dans l’espace économique européen, ce qui signifie que les décisions rendues dans un Etat peuvent avoir à être exécutées dans un autre Etat membre de l’Union.

Pour recevoir application, cette décision doit d’abord recevoir la reconnaissance du tribunal du pays d’accueil (de la décision). Une reconnaissance qui ne pourra être obtenue si la décision n’est pas jugée sérieuse, car le for ne présente pas de liens assez tangibles avec le litige[14]. En effet, cela pourrait laisser supposer une volonté de fraude de la part des parties au litige.

L’objectif de proximité est donc destiné à répondre à l’ensemble de ces exigences afin d’améliorer l’administration de la justice.

Dans cette optique on peut affirmer que l’article 5-1 du règlement 44/2001 pose des règles de compétences spéciales importantes et  indispensables à la règle de compétence du domicile du défendeur, et cela pour mieux répondre à un objectif de proximité qui est « motivé par l’existence d’un lien de rattachement étroit entre le contrat et le tribunal appelé à en connaître »[15] et cela en vue de l’organisation utile du procès et donc une bonne administration de la justice.

 

 

2.                  La prévisibilité du for :

 

Comme nous le savons, la prévisibilité du for est très importante en matière de contrat international, c’est un élément qui joue un rôle important pour mettre en confiance les agents économiques et tous les opérateurs du contrat international qui œuvrent dans l’espace juridique et économique européen. Elle s’inscrit également dans le cadre de la poursuite de « l’objectif primordial d’unification des règles de compétence judiciaire »[16].

La convention de Bruxelles, et plus tard le Règlement Bruxelles I, ont voulu satisfaire à ce principe de prévisibilité en disposant clairement que la compétence en matière de contrat doit s’articuler autour du domicile du défendeur.

En fait le principe de l’article 2 « vise à renforcer la protection juridique des personnes établies dans la Communauté, en permettant à la fois au demandeur d’identifier facilement la juridiction qu’il peut saisir et au défendeur de prévoir raisonnablement celle devant laquelle il peut être attrait »[17]. A concilier donc les droits de chaque partie aux litiges.

 

Mais la question se pose de savoir si cette règle rend vraiment plus prévisible le for, en matière contractuelle. En effet, comme nous l’avons déjà vu dans le paragraphe précédent, le principe du domicile du défendeur ne répond pas vraiment à la logique et aux impératifs du contrat international et du contrat intra-communautaire. Le for du domicile du défendeur ne présente pas toujours de lien tangible avec le litige et donc il devient difficile, voire impossible pour le juge de connaître équitablement et avec plus de justesse de l’affaire qui lui est soumis.

 

La règle est que le juge saisi d’une affaire doit d’abord vérifier (selon les règles nationales en vigueur dans son pays) qu’il est bien compétent avant de pouvoir se prononcer sur la demande qui lui est faite. Dans le cas où il se considère incompétent, il doit se dessaisir de l’affaire et la renvoyer devant la juridiction qu’il estime plus à même de connaître de l’affaire. Les parties devront donc recommencer du début la même démarche auprès de cette juridiction.

La mise en place de l’article 5-1 vise justement à éviter ce tâtonnement qui est très pénalisant pour les opérateurs et les agents économiques. Et cela non seulement en matière financière mais également en matière de temps.

Dans cette optique, l’article 5-1 pose des règles spéciales destinées à éclairer la situation en matière contractuelle. Et plus particulièrement en ce qui concerne la vente de marchandises et la fourniture de services.  Cet article offre une forte présomption aux parties, autant au demandeur qu’au défendeur, en ce qui concerne devant lequel ils peuvent être attraits dans le cadre d’un litige qui entre dans le champ de la matière contractuelle, de la vente de marchandise ou de la fourniture de service.

En effet, « cette disposition vise à unifier les règles de conflit de juridictions et, partant, à désigner directement le for compétent sans renvoyer aux règles internes des États membres»[18], ce qui évite aux parties au litige une longue et tortueuse procédure.

Il s’agit là d’une avancée considérable dans la bonne administration de la justice, pour permettre une plus grande liberté aux agents économiques dans leurs démarches économiques, sans qu’ils aient à se sentir freinés  par l’insécurité juridique qui peut plomber les meilleures initiatives économiques. Une avancée qui permet à chacune des parties de prévoir plus facilement et raisonnablement devant quelle juridiction étatique elles seront attraites dans le cas où un litige vient à survenir entre elles.

 

 

B.                 Les innovations apportées par le règlement 44/2001

 

Comme nous l’avons déjà souligné plus haut, il est apparu dès le début qu’une unification des droits des Etats membres était indispensable pour la mise en place véritable de l’Union Européenne. Notamment en ce qui concernait les problèmes de conflits de lois et de juridictions qui pouvaient constituer un obstacle très sérieux dans la construction d’un marché unique solide et cohérent.

Le texte de cet article a été rédigé de la manière suivante : L’article 5-1° dispose : « le défendeur domicilié sur le territoire d’un Etat contractant peut être attrait dans un autre Etat contractant :

1° « en matière contractuelle, devant le tribunal du lieu où l’obligation qui sert de base à la demande a été ou doit être exécutée ; […] » ».

 

De premier abord, le texte de l’article semble parfaitement clair et ne devrait en principe poser aucun problème d’application. Et cependant, il s’est révélé source de nombreux problèmes. Des problèmes liés à une difficulté d’interprétation telle qu’elle a de grandes divergence d’appréciation de la part des juges nationaux, ce qui a provoqué une confusion monstre et a conduit à la refonte du texte dudit article dans le Règlement 44/2001.

 

 

1.                  Une simplification importante grâce au point b) sur la détermination du lieu d’exécution du contrat

 

Les problèmes d’interprétation engendrés par la Convention de Bruxelles de 1968 concernaient essentiellement trois points. D’abord sur la notion de matière contractuelle, ensuite sur l’obligation en cause et enfin sur le lieu d’exécution de ladite obligation. Ce sont ces trois points qui ont engendré le plus de contentieux dans la mise en œuvre de cet article 5 alinéas 1.

Pour ce qui concerne la notion de matière contractuelle, nous verrons ultérieurement que les contentieux nés sous l’empire de la convention de 1968 sont encore tous d’actualité. En effet, le règlement Bruxelles I n’a apporté aucun changement dans la rédaction de l’alinéa 1 (devenu le point a) de l’alinéa 1) qui arde encore donc toute sa substance.

Par contre, le Règlement 44/2001 a voulu apporter quelques éclaircissements destinés à résoudre les problèmes d’interprétation en ce qui concernait l’obligation base de la demande et le lieu d’exécution de cette obligation.

Le point b) de l’article 5-1 dispose : « aux fins de l’application de la présente disposition, et sauf convention contraire, le lieu d’exécution de l’obligation qui sert de base à la demande est:

– pour la vente de marchandises, le lieu d’un État membre où, en vertu du contrat, les marchandises ont été ou auraient dû être livrées,

– pour la fourniture de services, le lieu d’un État membre où, en vertu du contrat, les services ont été ou auraient dû être fournis… ».

Ce point règle donc partiellement le problème posé par la détermination de l’obligation et le lieu de son exécution. Partiellement car il ne concerne que les ventes de marchandises et les fournitures de services. Pour le reste on peut dire que le problème subsiste car en dehors de ces deux cas, on revient à l’application du point a).

Quoi qu’il en soit l’ajout du point b) dans le règlement 44/2001 facilite quand même grandement la tâche, et des juges et des parties. La recherche du lieu d’exécution ne pose plus grands problèmes puisqu’il suffit de déterminer où la marchandise a été ou aurait dû être livrée et om le service a été ou aurait dû être exécuté, et c’est la juridiction du lieu ainsi désigné qui sera réputée compétente.

Mais il ne s’agit pas de la seule innovation apportée par le Règlement 44/2001.

 

 

2.                  La volonté des parties de désigner le lieu d’exécution

 

Le texte de l’article 5-1 du règlement Bruxelles I dispose que « sauf convention contraire », le lieu de l’exécution du contrat en matière de marchandise est le lieu de livraison et dans le cadre d’une fourniture de service, le lieu de l’exécution dudit service.

Dans le souci d’objectif d’unifier les règles en matière de compétence judiciaire, le règlement a entendu poser une règle générale de compétence en matière de vente de marchandise et de fourniture de service. Règle de compétence qui s’articule autour du lieu présumé de livraison de la marchandise ou de fourniture de la prestation de service.

Mais cela ne signifie pas que cette règle doive systématiquement et impérativement s’appliquer dès que l’on se trouve en présence d’un contrat de vente de marchandises ou de prestation de service. En effet, le règlement entend laisser une certaine discrétion aux parties, en ce qui concerne le lieu de l’exécution et partant de la juridiction compétente puis que c’est ce critère de « lieu d’exécution » qui emporte compétence d’une juridiction étatique.

Cela signifie que le règlement pose une règle générale qui ne sera applicable que si les parties n’en ont pas décidé autrement. Cette sera applicable si les parties n’ont pas stipulé un lieu bien déterminé dans leur contrat. Et dans le cas où les parties ont désigné un lieu déterminé, c’est la juridiction de ce lieu qui sera saisi en cas de litige.

 

Le texte de l’article 5-1 en son point b) confère ainsi aux parties à un contrat intra-communautaire une autonomie de volonté assez forte qui leur permet de choisir eux-mêmes le lieu de l’exécution de leur contrat. Et ainsi de désigner, pour ainsi dire, eux-mêmes la juridiction devant laquelle ils entendent porter leur demande le cas échéant.

Cette idée est d’autant plus renforcée par l’expression « en vertu du contrat » qui semble indiquer que le lieu à prendre en considération comme étant le lieu d’exécution du contrat est en principe celui retenu et indiqué par les parties dans le contrat.

Il s’agissait en fait de permettre aux parties au contrat d’avoir une plus grande emprise sur la résolution  des conflits issus de leur contrat. En leur permettant de choisir la juridiction à laquelle soumettre leur conflit, on leur permet de pouvoir mieux  se préparer, de pouvoir prendre les dispositions nécessaires en ce qui concerne la défense et la demande. De prévoir encore plus raisonnablement devant quel tribunal elles seront susceptibles d’être attraites le cas échéant. Elles seront ainsi plus que suffisamment protégée de l’insécurité juridique.

 

Il faut cependant souligner que les parties doivent veiller à ce que le lieu désigné dans le contrat présente un lien suffisamment étroit avec le litige, et permette une bonne gestion du procès. Le lieu ne doit pas caractériser une volonté de fraude à la loi de la part des ou de l’une des parties qui entend se soumettre à une juridiction auprès de laquelle ses responsabilités seraient amoindries par exemple.

 

 

 

Au vue de ce petit développement, nous pouvons constater que la rédaction de l’article 5-1 a été faite de manière à bien répondre aux objectifs et impératifs du règlement 44/2001 qui est d’édicter des « dispositions permettant d’unifier les règles de conflit de juridictions en matière civile et commerciale »[19]. Des règles plus accessibles à tous les ressortissants des Etats membres de l’Union, plus faciles à comprendre et surtout plus « prévisibles ». Des règles qui permettront également de « simplifier les formalités en vue de la reconnaissance et de l’exécution rapides et simples des décisions émanant des États membres »[20] liés par le règlement de Bruxelles.

Plus facilement identifiables, les règles de compétences spéciales de l’article 5-1 assurent de ce fait une plus grande protection aux agents économiques intervenant dans l’espace économique européen. Elle assure une plus grande prévisibilité et partant une plus grande sécurité juridique.

 

Cependant, on ne peut passer sous silence les inconvénients et les difficultés d’application de cet article 5-1. Des difficultés de mise en œuvre qui ont engendré des divergences d’interprétation permettant l’installation d’une grande confusion  qui a fait de cet article 5-1 la bête noire des professionnels et de la doctrine.

 

 

 

 

 

 

 

 

II.               Les inconvénients de l’article 5-1

 

L’objectif des législateurs européens lors d’élaboration du Règlement de Bruxelles, et plus particulièrement de l’article 5-1, est louable. Parvenir à unifier les règles de compétence en matière contractuelle et assurer une plus grande sécurité juridique aux opérateurs du commerce international et intra-communautaire est une gageure qu’il a fallu pourtant réaliser pour permettre le développement et la pérennité de l’espace économique européen.

Cependant, les droits nationaux des différents Etats membres étant ce qu’ils sont, différents, divergents et contradictoires[21], les résultats obtenus n’ont pas exactement ceux qui ont été escomptés par les législateurs. En effet, loin d’unifier tous les acteurs du commerce intra-communautaire (les opérateurs économiques, les juridictions étatiques et les auteurs), l’interprétation du texte de l’article 5-1 les a divisés et jetés dans la confusion la plus totale.

 

L’inconvénient posé par l’application dudit article est majeur, car la difficulté posée par l’interprétation porte sur l’ensemble du texte de l’article. Mise à part le point c) qui se contente d’indiquer que les dispositions du point b) de l’article 5-1 s’appliquent exclusivement aux contrats de vente de marchandise et de prestation de services et qu’en dehors de ces deux types de contrat, il faut revenir à l’application du point a).

 

Plus précisément, les difficultés portent sur trois points. D’abord sur la notion de la matière contractuelle, car ce qui est considéré comme une matière contractuelle dans un Etat ne l’est pas forcément dans les autres Etats. Cas par exemple du lien entre une association et ses membres, le droit positif français lui reconnait une nature contractuelle, contrairement au droit positif néerlandais[22].

Il y a ensuite la question de l’obligation qui sert  de base à la demande, car il peut y avoir autant d’interprétation sur ce point qu’il y a de jurisprudence nationale. Et enfin la question du lieu d’exécution qui reste très problématique, toujours du fait de cette pluralité d’interprétation, et cela malgré les précisions apportées par le point b) de l’article litigieux.

 

Cette partie sera donc consacrée à l’étude de la difficulté posée par ces trois points. Cependant par soucis de cohérence nous allons diviser cette partie en deux sous-parties. Et c’est ainsi que dans la première sous-partie nous allons parler des difficultés d’application du principe général posé par le point a) (A), avant de voir les difficultés d’application de la règle spéciale posées par le point b) dans la deuxième sous-partie (B).

 

 

 

A.                 Les difficultés d’application du principe général de l’article 5-1 a)

 

Le règlement 44/2001 de Bruxelles est l’un des instruments juridiques les plus importants du droit européen. Dans l’ensemble, sa réception et sa mise en œuvre par les Etats membres n’ont pas vraiment posé de difficultés majeures. Sauf en ce qui concerne l’alinéa premier de son article 5 qui prévoit des règles de compétence spéciales pour la matière contractuelle. Un alinéa qui semble avoir concentré en lui tous les contentieux qui auraient pu être engendrés par le règlement.

 

L’article 5-1point a) est rédigé ainsi : « Une personne domiciliée sur le territoire d’un État membre peut être attraite, dans un autre État membre:

1) a) en matière contractuelle, devant le tribunal du lieu où l’obligation qui sert de base à la demande a été ou doit être exécutée. ». Il s’agit d’une reprise mot pour mot du texte de l’article 5-1 de la convention de Bruxelles de 1968. Ce qui signifie que toutes les difficultés engendrées par l’application de ce texte sous l’empire de la Convention de 1968 sont resté encore d’actualité dans l’application du point a) de l’article 5-1.

Or l’article 5-1 avait engendré trois types de contentieux. Contentieux que nous allons donc étudier successivement dans cette sous-partie.

 

 

1.                  Sur la matière contractuelle

 

Le premier problème qui se pose ici vient du fait que l’expression matière contractuelle du texte du règlement n’est pas assez précise. La question était de savoir qu’est-ce qui entrait et qu’est-ce qui n’entrait pas dans le champ de cette matière contractuelle. Et encore une fois l’hétérogénéité et même la divergence des règles nationale qui traitent du sujet ne facilitent pas la tache des juges dans la délimitation de cette notion.

 

La notion de la matière contractuelle doit être délimitée ne manière à ne pas s’éloigner du cadre du règlement, de ses objectifs et de sa raison d’être. Il ne faut pas perdre à l’esprit que le règlement a été élaboré dans le but d’unifier les règles de compétence dans le cadre d’un litige survenu dans le cadre d’un contrat intracommunautaire.

Cela signifie qu’il ne fallait plus se contenter d’interpréter cette notion de matière contractuelle selon les règles du droit international privé, c’est-à dire en se contentant de résoudre la question au moyen du droit national. En effet, cette méthode ne s’inscrit pas du tout dans les objectifs du règlement. Elle se contenter de perpétuer le caractère hétérogène des droits nationaux et donc des solutions qui peuvent en être tirées, et ne favorise ni la prévisibilité ni la sécurité juridique.

Il faut donc essayer d’interpréter cette notion de manière à préserver  l’uniformité des règles contenues dans le règlement. Et c’est exactement ce que le CJCE s’est évertuée à faire dans ses travaux d’interprétation.

Ainsi, dans un arrêt de 1983[23], elle a eu à se prononcer pour la première fois sur un contentieux relatif à l’application de l’article 5-1. Il s’agissait de déterminer si le lien qui lie une association à l’un de ses membres est un lien contractuel ou non. L’enjeu de la qualification de contractuel ou non de ce lien se trouve dans le fait que si ce lien est qualifié de contractuel, c’est donc le lieu d’exécution de ce contrat qui sera compétent.

Selon la CJCE, le lien entre l’association et l’un de ses membres est comparable à celui existant entre les parties à un contrat. En précisant que l’interprétation de la notion doit être faite de manière autonome sans se référer au droit national, et sans se prononcer sur la nature même de l’association, la cour reconnait audit lien un caractère contractuel, qui entre donc dans le champ de matière contractuelle qui est régit par l’article 5-1 en son point a).

La CJCE réaffirme sa décision dans un autre arrêt de 1988[24], la cour devait se prononcer sur la nature d’une rupture abusive d’un contrat d’agence commerciale. En effet, le défendeur avait opposé l’argument selon lequel, cette rupture ne relevait pas de la matière contractuelle puisque constituait un quasi-délit et échappe ainsi à l’article 5-1 point a).

La CJCE ne suit pas cette argumentation, pour elle, un contrat d’agence relève assurément de la matière contractuelle, et pour cela elle prend appui sur la convention de Rome (devenu règlement Rome I), qui dispose que les conséquences de l’inexécution d’un contrat entre dans le champ de la matière contractuelle[25].

 

Il faut cependant remarquer qu’il n’a pas été possible pour la CJCE, lors de ses travaux d’interprétation du texte[26],  de donner une définition déterminée et unique de la notion de la matière contractuelle. Et cela parce que chaque cas qui lui est présenté est différent, les travaux d’interprétation de la cour portent souvent sur des petits points qui ne permettent pas de dégager cette définition.

Mais ils ont permis d’avoir quelques indices sur ce qui devrait ou non entrer dans le champ contractuel.

La cour décide ainsi que dans une chaîne de contrat, sauf dans le cas où le fabricant livre directement le produit auprès du sous-acquéreur, le entre eux ne peut être considéré comme contractuel, il faut « un engagement librement assumé d’une partie envers une autre » pour que cette qualification puisse être retenue. Et la cour de confirmer sa position dans un arrêt du 17 janvier 2006 relatif à un contrat de crédit-bail, où elle refuse de qualifier l’action du crédit-preneur contre le fabricant pour manquement à son obligation de délivrance de contractuelle.

 

 

2.                  Sur l’obligation qui sert de base à la demande

 

La deuxième difficulté dans l’application de la règle générale du point a) de l’article 5-1 se situe au niveau de la détermination de l’obligation qui sert de base à la demande. Le problème est qu’il peut y avoir autant d’interprétation pour déterminer l’obligation à prendre en compte qu’il y a de jurisprudence nationale. Les juridictions nationales se sont donc tout naturellement tournée vers la CJCE pour obtenir une réponse claire en ce qui concerne l’obligation à prendre en compte.

Cependant, il s’est avéré que la cour n’a pas été  à même de donner une réponse claire et la solution qu’elle a dégagée, que ce soit sous le régime de la convention de 1968 ou sous celui du règlement Bruxelles un de 2001, n’a pas contribué à lever la confusion, bien au contraire.

a)                 Le maintient de la solution apportée par l’arrêt De Bloos

 

L’arrêt De Bloos constitue l’une des plus grandes et importantes jurisprudence de la CJCE dans le cadre de la mise en application de l’article 5-1 du règlement de Bruxelles, et cela même si l’arrêt a été rendu sous l’empire de la convention de 1968.

Comme nous l’avons déjà dit en effet, le texte de l’article 5-1 en son point a), est une reprise mot pour mot de l’article 5-1 de la convention de 1968, et ce point a) est devenu la règle générale en matière de compétence sur la matière contractuelle.

La première chambre civile de la Cour de cassation, a tenu à rappeler, dans un arrêt du 23 janvier 2007, la signification de ceci. Le point a) étant la règle générale, elle doit recevoir application dès qu’on se trouve devant un contrat qui ne présente ni le caractère de vente de marchandise ni le caractère de prestation de service. Donc à défaut d’un contrat de vente ou de prestation de service, on doit revenir à l’application du point a).

La Cour de Cassation, par un arrêt du 23 janvier 2007, avait cassé une décision de la cour d’appel d’Aix en Provence qui retenu l’application de l’article 5-1 point b) à un contrat de concession. Qui avait donc dérogé à la règle rappelée plus haut selon les considérations de la Haute Juridiction.

La Haute Juridiction rappelle qu’en effet le contrat de concession n’est ni un contrat de vente, ni une fourniture de service, mais un contrat qui a sa nature propre, la règle du point b) ne peut donc pas recevoir application. En effet à défaut de contrat de vente ou de prestation de service, on doit revenir à l’application du point a).

Plus concrètement cela signifie, qu’il faut se référer aux solutions déjà adoptées dans le cadre de la mise en œuvre de cet article sous l’empire de la convention de 1968 qui ont gardé toutes leurs substances et qui demeurent ainsi applicables, avec tous leurs inconvénients. Et l’arrêt De Bloos du 6 Octobre 1976 est l’une des jurisprudences phares sous la convention.

 

Dans  cet arrêt De Bloos, le Tribunal devait connaître d’un litige entre un concessionnaire et son concédant. Le premier se fondant sur la non exécution d’une obligation de livraison de marchandise et le second arguant du non paiement du prix de la marchandise. Il y a ici deux obligations litigieuses, la question est d’abord de savoir laquelle il faut retenir pour déterminer quelle est la juridiction compétente, puisque c’est le lieu d’exécution de cette obligation qui détermine la compétence à retenir.

Par l’arrêt De Bloos, la CJCE, dans l’optique de concentrer les chefs de compétence en respectant l’esprit de la convention de 1968 et de satisfaire à l’objectif de la proximité, retient la notion d’obligation autonome pour indiquer l’obligation à retenir. Mais nous verrons que la détermination de cette obligation autonome n’est pas très facile à œuvrer.

Pour la cour, l’obligation qui doit être retenue est l’obligation « qui sert de base à l’action en justice c’est-à-dire l’obligation du concédant correspondant au droit contractuel»[28]. En plus claire donc il s’agissait, en l’espèce, de retenir l’obligation de paiement du prix de la marchandise qui incombe au concessionnaire.

Et la cour d’ajouter que ladite obligation doit être autonome, mais pas substituable à une autre obligation contractuelle non exécutée. Cas des indemnités (de préavis, de rupture abusive d’un contrat) qui ne sont que des sanctions et qui par nature sont rattachées à une obligation autonome comme l’obligation de respecter un délai de préavis par exemple.

La première difficulté d’application consistait en ce que cette obligation devait être recherchée selon les règles du droit applicable au contrat. Ce qui impliquait donc au juge saisi de rechercher encore ce droit applicable (dans le cas où les parties ne se sont pas montrées explicites sur ce point). Cela représentait déjà une sérieuse difficulté, dans le sens où le juge devait alors effectuer cette recherche selon les règles du droit international privé de son Etat.

Mais là n’était pas la seule complication, la plus importante résidait dans le fait où le contrat recelait plusieurs obligations autonomes, que se passait-il alors dans le cas où ces obligations autonomes servait toutes de base à des contestations en justice ?

 

La solution d’obligation autonome retenue par la Cour dans l’Arrêt De Bloos pouvait malheureusement, conduire à un éparpillement des chefs de compétences, devenant ainsi une solution complexe, difficile à mettre en œuvre et de plus qui s’éloigne de l’objectif de prévisibilité juridique du règlement 44/2001.

 

 

b)                 L’éclatement de compétence de l’arrêt De Bloos

La plus grande complication posée par la jurisprudence De Bloos était que la qualification d’obligation autonome retenue par la cour pouvait entraîner la compétence de deux ou plusieurs juridictions différentes pour connaître d’une même affaire, dans le cas où chacune desdites obligations faisait l’objet d’une demande en justice. Ce qui est biensûr contraire à l’esprit de la convention de 1968 et du règlement de 2001, et ne correspond en rien à la volonté de rendre plus prévisible la justice dans le cadre de l’Union.

Dans un arrêt de 1989, arrêt Shenevai, la CJCE avait eu à se prononcer sur la question de cette pluralité d’obligations litigieuses et elle avait essayé d’opérer une concentration des chefs de compétence. Elle  avait alors établi que  « dans un tel cas, le juge saisi s’orientera pour déterminer sa compétence sur le principe selon lequel le secondaire suit le principal, en d’autres termes ce sera l’obligation principale entre plusieurs obligations en cause qui établira sa compétence ».

Mais cette décision de la cour ne déroge pas et ne remet pas en cause la jurisprudence De Bloos, elle se contente d’essayer d’y apporter une précision dans le cas de pluralité d’obligation. D’ailleurs la cour retient la même formulation que dans l’arrêt De Bloos pour affirmer que « l’obligation à prendre en considération est l’obligation qui sert contractuellement de base à l’action judiciaire ».

Plus concrètement, la CJCE refuse de se référer à une autre obligation (notamment l’obligation caractéristique qui a été retenu en matière de contrat de travail[29]) que l’obligation autonome de l’arrêt De Bloos. Ce qui signifie qu’en réalité, la solution de l’arrêt de 1977 est maintenue, avec ses inconvénients.

 

Mais cette solution est assez contradictoire dans le but recherché : celui de favoriser la proximité entre le juge et le litige sur lequel il doit se prononcer ; et le résultat final de la mise en œuvre qui pourrait conduire à l’éclatement de compétence dans le cas où on se retrouve en présence d’une pluralité d’obligations autonomes litigieuses. On pourrait donc se retrouver dans une situation où on assiste à une pluralité de décisions inconciliables pour une même affaire.

C’est ce qui a rendu très difficile la réception et la mise en œuvre de la jurisprudence de la CJCE par les droits nationaux[30]. A tel point que certains auteurs, dès la sortie de la jurisprudence, pressentant que la mise en œuvre de cette dernière pourrait jeter une grande confusion en la matière, n’ont pas hésité à suggérer la suppression de l’article 5-1[31].

En l’état actuel de la lecture de l’article 5-1 du règlement de 2001 donc, la détermination de l’obligation qui sert de base à la demande dans le cadre de l’application du point a) dudit article doit se faire à la lumière de cette jurisprudence, très controversée, De Bloos.

 

 

3.                  Sur la détermination du lieu d’exécution de l’obligation qui sert de base à la demande

 

Cette question a également longtemps divisé les juridictions nationales, et les réponses apportées par la CJCE se sont, encore une fois, révélées très confuses et difficiles à mettre en œuvre.

 

a)                 La solution complexe de l’arrêt Tessili (le détour par le conflit de loi)

 

Très tôt la CJCE avait eu à se prononcer sur cette question de la détermination du lieu de l’exécution de l’obligation. Ainsi en 1977, il lui avait été posé la question par l’arrêt Tessili. Il s’agissait d’un litige entre une société allemande et une société italienne. La première avait assigné la première devant une juridiction de son Etat, assignation à laquelle la société italienne oppose un défaut de compétence de la juridiction saisie.

Interrogée sur cette question, la CJCE préconise, afin de respecter le principe de proximité posé par la convention et le règlement de 2001, de rechercher le lieu d’exécution en se référant au contrat lui-même. Il s’agissait donc d’interroger la loi du contrat sur le lieu de l’exécution de l’obligation. Ce qui signifie qu’il fallait également déterminer au préalable quelle est cette  loi applicable au contrat ?

Pour la cour, c’est le juge saisi qui devra établir cette loi du contrat et ainsi indiquer le lieu d’exécution du contrat. Et toujours selon la cour, le juge doit se référer à sa propre loi nationale dans sa recherche. Cette solution renvoie à la règle générale du droit international privé, selon laquelle, le juge saisi soit interroger les règles de conflit de loi et de juridictions en vigueur selon sa loi nationale. Alors que c’est exactement ce détour par les règles de conflit de loi que la convention de 1968 et le règlement de 2001 voulait éradiquer, afin de surmonter  la trop grande  hétérogénéité entre les différents droits nationaux en la matière.

Cette solution a reçu de très vives critiques, en effet non seulement elle ne répond pas à l’exigence de célérité du commerce, mais en plus elle est très complexe et remet dangereusement en cause la raison d’être et l’existence même de l’article 5-1.

En effet, à la lecture de la décision et en se référant à l’esprit générale de la solution donnée par la CJCE, il semblerait que la détermination du lieu d’exécution dépende finalement de la nature quérable ou portable de l’obligation litigieuse. Mais l’application de cette solution peut aboutir à une solution imprévisible pour les parties au litige, car il est sera très difficile pour une personne non avertie de prévoir raisonnablement quelle sera la juridiction compétente, puisqu’il faudrait alors connaître parfaitement le droit positif de chaque Etat membre pour pouvoir dire dans quel Etat la dette est qualifiée de quérable[32] (comme c’est le cas en France) et dans quel Etat elle est portable (comme c’est le cas en Italie).

 

Mais de toute façon le recours au conflit de loi est déjà une entreprise très délicate et source de beaucoup d’incertitude : le choix de la loi applicable au contrat dépendra entièrement de l’appréciation personnelle du juge, qui peut varier d’un système juridique  à l’autre. Une fois cette loi déterminée, il faudra bien l’appliquer, ce qui peut poser problème dans le cas où le juge saisi dégage l’applicabilité d’une loi étrangère et qui aboutirait donc à une déclaration d’incompétence de la part de la juridiction saisie de l’affaire.

Et quid alors de la détermination du lieu d’exécution d’une obligation de ne pas faire ? Comment le juge est-il sensé déterminer le lieu de l’exécution du contrat ?

Autant de difficultés qui n’ont pas rendu cette jurisprudence très populaire auprès des juridictions nationales.

 

b)                 Les réponses nationales

 

Les juridictions nationales ne se sont pas vraiment montrées très réceptives de la solution proposée par la CJCE en matière de détermination du lieu de l’exécution de l’obligation.

Comme la solution posée par l’arrêt Tessili étant trop complexe, les juridictions nationales se sont, le plus souvent gardée de dire clairement sur la base de quelle loi elles se sont exactement basées pour déterminer le lieu d’exécution du contrat.

C’est le cas notamment des juridictions françaises qui avaient eu recours tantôt à la lex fori, tantôt à la détermination factuelle de ce lieu d’exécution. Ainsi, dans l’arrêt Custom Made de 1997, la cour de cassation avait jugé dans son droit la cour d’appel qui avait, pour appliquer l’article 5-1, dégagé « le lieu d’exécution de l’obligation qui servait de base à la demande » et cela en « en fonction de la nature du rapport d’obligation et des circonstances de l’espèce, comme étant celui où la prestation avait été ou devant être effectivement fournie ».

Cependant, la CJCE persiste et confirme même la « solution Tessili » dans l’arrêt Groupe Concorde du 28 septembre 1999, où elle affirme que le lieu de l’exécution doit « être déterminé conformément à la loi qui régit l’obligation litigieuse  selon les règles de conflit de la juridiction saisie ».

 

Et pourtant, les juridictions françaises n’étaient pas les seules à être réticentes à appliquer la  solution de la CJCE.

Cas notamment des juridictions italiennes qui ont préféré se référer à la lex fori italienne pour déterminer le lieu d’exécution (arrêt du 20 décembre 1982, Riv. Int. Dir. Priv. proc. 1984, p.152). Ou encore les juridictions belges qui ont également eu recours à la lex fori (Cour de cassation du 28 Juin 1979). Les juridictions allemandes quant à elles ont élaboré une méthode qui visait à prendre en compte le lieu d’exécution commun aux obligations réciproques des parties, ainsi elles pouvaient dégager de façon autonome le lieu d’exécution sans avoir à passer par la méthode conflictuelle.

 

Au vue de tout cela, on peut donc constater que les juridictions nationales, du fait de la complexité et la difficulté engendrée par la « solution Tessili », ont presque boudé  l’application de l’article 5-1 pour éviter d’avoir à appliquer la solution adopté par la CJCE.

 

 

B.                 Les difficultés d’application de la règle spéciale de l’article 5-1 b)

 

C’est pour pallier aux lacunes et pour régler « définitivement » les différents problèmes posés par la rédaction de l’article 5-1 sous l’empire de la convention de 1968 qu’on a ajouté le point b) dans la rédaction du règlement de 2001. Mais cet ajout n’a pas réellement eu les effets escomptés, loin de là, car ce point b) recèle aussi son lot de difficultés.

 

1.                  Les ambigüités de l’article 5-1 b)

 

Comme nous l’avons déjà vu dans la première partie de ce travail, l’une des plus grandes innovations de l’article 5-1 b) réside dans la grande place laissée à la volonté des parties pour régir leurs relations, surtout pour ce qui concerne la détermination du lieu de l’exécution du contrat. En effet, cet article prévoit un régime spécial pour la détermination de ce lieu pour deux types de contrat : le contrat de vente de marchandise et le contrat de prestation de service. Ce qui est un avantage non négligeable au vu du développement qui nous a permis de démontrer à quel point la recherche de ce lieu peut parfois être une entreprise difficile, voire impossible à réaliser.

Le point b) efface donc les difficultés apportées par les jurisprudences antérieures au règlement 44/2001, pour ce qui concerne ces types de contrat. Et désormais, le tribunal compétent sera localisé en fonction du lieu de la livraison de la marchandise ou de la prestation du service, et cela en se référant au contrat conformément à l’expression « en vertu du contrat ».

Mais c’est justement l’interprétation de ce terme qui a posé problème.

 

 

a)                 Sur l’interprétation de l’expression « en vertu du contrat »

 

Le point b) de l’article 5-1 a été élaboré pour faciliter la recherche du tribunal compétent pour ce qui concerne le contrat de vente de marchandise et le contrat de prestation de service. Il s’agit là d’une innovation importante car elle simplifie la démarche dans la résolution de conflit, en effet pour ces deux types de contrat, le juge ne doit plus suivre le même schéma, assez long à mettre en œuvre, que pour le point a). Et qui consiste à déterminer d’abord l’obligation litigieuse, à rechercher la loi applicable à cette obligation avant de pouvoir désigner le lieu d’exécution de l’obligation.

En effet, depuis l’entrée en vigueur de ce point b), la recherche du lieu d’exécution en matière de contrat de vente de marchandise ou de prestation de service ne doit plus se faire en référence d’un droit matériel, comme c’était le cas avec la jurisprudence Tessili qui préconisait de rechercher le lieu d’exécution par le biais de la loi nationale du juge saisi. Le texte défini déjà clairement le lieu à prendre en compte, qui est le lieu de livraison de la marchandise et le lieu de fourniture de service.

 

Mais la lecture de l’article 5-1 en son point b) a fait subsister quelques équivoques qui ont quelque peu nuit à son efficacité. Car si, désormais, le lieu d’exécution doit être déterminé de manière factuelle[33], au cas par cas, et cela conformément à l’interprétation de l’expression « en vertu du contrat ». Le problème c’est que ce terme peut être interprété de différentes manières, et peut prendre autant de sens qu’il peut y avoir d’interprétation.

Malheureusement certaines interprétations pouvaient aller à l’encontre de l’esprit du règlement et pouvaient compromettre son application par les juridictions nationales qui n’ont déjà pas hésité à se rebeller contre les solutions jugées trop « hasardeuses » de la CJCE dans le cadre de l’application de cet article par le passé[34]. La question est donc de savoir quelle interprétation retenir pour respecter l’esprit du règlement ?

 

En effet, si l’on fait une interprétation textuelle et littéraire du texte, on pourrait aboutir au raisonnement selon lequel le terme « en vertu du contrat » signifie « selon la loi du contrat »[35]. Le juge saisi devra donc rechercher la loi à laquelle les parties ont voulu soumettre leurs relations et qui, le plus souvent, n’est pas explicitement désignée, ce qui signifie qu’il devra donc recourir à nouveau à la méthode conflictuelle. Ce qui revient finalement à confirmer la solution, vraiment alambiquée, trop controversée et peu suivie[36] de la jurisprudence Tessili.

Cette interprétation purement textuelle pouvait même remettre en cause l’utilité du point b) du règlement. En effet pour certains auteurs, dont M.M. -E. Ancel et Beraudo, le terme « en vertu du contrat » vise seulement à inciter le juge à se référer au contrat et appliquer la volonté des parties quand le lieu d’exécution est clairement désigné, et c’est uniquement dans le cas où ce lieu est clairement désigné que le point b) trouve application. Et dans le cas contraire c’est le point a) que le juge devra appliquer et donc retour aux jurisprudences antérieures.

Dans ce cas, on ne voit pas très bien en quoi le point b) serait alors utile, en effet, par respect à l’esprit du règlement et en vertu de la volonté souveraine des parties dans la conclusion de leur contrat, le juge saisi aurait toujours recherché au préalable si les parties ne se sont pas clairement positionnées quant au lieu choisi pour l’exécution du contrat. Une précision supplémentaire aurait été dans ce cas complètement superflue.

 

Une solution serait de se référer à l’économie générale du contrat[37], ainsi le juge pourra opérer une détermination autonome du lieu d’exécution en se référant au « rapport d’obligation et des circonstances de l’espèce »[38]. Cela signifie que la détermination se fera par l’étude point par point du contrat. Et c’est cette étude qui devra aider à dégager les lieux qui peuvent fonder la compétence d’une juridiction, et non par référence à un droit matériel quelconque.

La solution qui doit être retenue est celle qui permette à la fois de protéger les parties au litige (en rendant la justice plus prévisible) et de respecter l’esprit du règlement qui vise à assurer le bon fonctionnement du marché intérieur par l’unification des règles de compétence (et donc ne plus se référer à des solutions compliquées qui rendent les juridictions nationales méfiantes au point de vouloir tourner l’application de l’article 5-1).

Ainsi,

 

Mais ce n’est pas la seule ambigüité de l’article 5-1.

 

 

b)                 Sur le terme de livraison de marchandise

 

Le texte de l’article 5-1, a) en son premier tiret est ainsi rédigé : « aux fins de l’application de la présente disposition, et sauf convention contraire, le lieu d’exécution de l’obligation qui sert de base à la demande est:

– pour la vente de marchandises, le lieu d’un État membre où, en vertu du contrat, les marchandises ont été ou auraient dû être livrées… ».

 

Normalement, la détermination du lieu d’exécution du contrat ne devrait donc plus poser de problème puisque le texte est claire là-dessus, c’est le lieu de la livraison de la marchandise qui sera pris en compte. Dans certains cas, cela ne pose effectivement aucun problème.

Par exemple, le vendeur s’engage à emmener la marchandise au domicile de l’acheteur. La livraison est donc effectuée dès le moment où  le vendeur a remis la marchandise à l’acheteur. De même, dans le cas où l’acheteur s’engage à aller chercher lui-même la marchandise auprès du vendeur, la livraison est effectuée dès le moment où il a récupéré la marchandise.

Mais que se passe-t-il dans le cas où les parties ne se sont pas clairement prononcé sur le lieu de livraison, ni décidé qui aura la charge d’acheminer la marchandise jusqu’à son destinataire final ?

Ainsi dans le cas où le vendeur s’est seulement engagé à envoyer la marchandise (il n’effectue donc pas le transport), à quel moment la livraison est-elle réputée effectuée ? Au moment de l’envoi de la marchandise ? Et dans ce cas le lieu de livraison sera donc le lieu d’envoi don la juridiction sera compétente en cas de litige.  Ou alors la livraison devra-t-elle s’effectuer au moment de la réception par l’acheteur ? Dans ce cas, le lieu de livraison sera le lieu de destination de la marchandise.

Comme nous l’avons déjà vu, la détermination du lieu de l’exécution du contrat, sous l’empire du règlement 44/200 et pour les contrats de vente de marchandise et de fourniture de service, devrons désormais se faire de manière factuelle, sans se référer à une loi nationale quelconque. De la même manière, la détermination du moment de la livraison de la marchandise devra également se faire de manière autonome, mais en restant fidèle à l’esprit du règlement.

Une solution est de considérer, et cela afin de protéger toutes les parties au contrat, que le simple envoi de la marchandise à un endroit qui n’était pas expressément  convenu dans le contrat ou à un autre endroit que celui indiqué dans le contrat ne devrait pas d’office emporter exécution de l’obligation de livraison. Car cela permettrait au vendeur de décider unilatéralement du lieu compétent pour connaître des éventuels litiges. Par contre, la réception des marchandises à un endroit non convenu dans le contrat ou à un autre endroit que celui convenu emporte exécution de l’obligation, en effet l’acheteur est réputé avoir accepté en connaissance de cause ce lieu comme celui de l’exécution du contrat.

En tout cas, le texte du règlement n’est pas clair à ce sujet car il peut laisser supposer qu’on puisse prendre en compte autant le lieu de départ que le lieu de destination comme lieu d’exécution de la livraison.

 

c)                  Sur la notion de fourniture de service et le lieu d’exécution de la prestation

 

Le même problème a surgi en ce qui concerne les contrats de fourniture de service. Les juges nationaux ont éprouvé quelques difficultés en ce qui concerne l’interprétation de fourniture de service. Normalement la définition de la notion de fourniture de service ne devrait poser aucun problème. Et pourtant un arrêt du 27 mars 2007 avait mis en exergue une difficulté sur ce point.

En l’espèce, il s’agissait de se prononcer sur la notion de fourniture de service ou non de confection et livraison par une société française de documents publicitaires pour une société de droit anglais.

La question était de savoir si la juridiction française était compétente sur la base du point b) en son deuxième tiret, étant donné le contrat combine un contrat de fourniture de service et un contrat de vente puisqu’il y a obligation de livraison pour la société française. Pour la cour de cassation, «on ne pouvait distinguer, au sein du contrat, une fourniture de services et une vente, car les prestations prévues constituaient un tout indivisible de fournitures de services. », donc il y a incompétence de la juridiction française, conformément à la décision rendue par la Cour d’appel.

Cet arrêt fait apparaître une nouvelle difficulté, que se passerait-il dans le cas où on se retrouverait face à un contrat mixe de vente et de fourniture de marchandise.

De même, la cour de cassation a également eu à se prononcer sur le lieu d’exécution de la prestation dans un arrêt du 3 Octobre 2006. En l’espèce, un agent commercial français avait assigné la société portugaise avec laquelle il travaillait devant le tribunal de commerce de Paris en paiement d’une indemnité de clientèle ainsi que de dommages-intérêts pour rupture abusive du contrat.

La cour se déclare incompétente pour la question de l’indemnité de clientèle étant donné que « celle-ci constitue l’exécution d’une obligation autonome devant s’exécuter au domicile du débiteur, au Portugal ».

Pour la cour de cassation, il fallait prendre en compte le contrat de fourniture de services qui liait les parties et qui devait s’exécuter en France, donc compétence de la juridiction française.

 

 

2.                  Sur la détermination abusive du lieu d’exécution par les parties

 

Comme nous l’avons déjà dit et redit, le règlement de 2001, tout comme la convention de 1968, laisse une large part à la volonté des parties pour déterminer le lieu d’exécution de leur obligations et partant de la juridiction compétente pour connaître de leur litige le cas échéant.

Cette option laissée aux parties peut résoudre bien des problèmes et faciliter la tâche du juge, mais il peut aussi être source de complication quand les parties usent de manière abusive de ce droit, et fraudent à la loi ou plutôt au règlement en vigueur.

Cas par exemple quand l’une des parties plus « forte » économiquement parlant tente d’imposer un lieu d’exécution à l’autre partie, et de cette manière désigner de façon unilatérale une juridiction qui ne présente pas de lien effectif ni de lien assez fort avec le litige pour rendre une appréciation juste et équitable de l’affaire. La fraude consiste donc à désigner une juridiction qui n’est pas assez proche du litige pour assurer une bonne administration de la justice, et cela dans le but de minimaliser sa responsabilité par exemple[39].

Remarquons que le fait de s’adonner à cette pratique peut laisser supposer une mauvaise fois de la part de l’une ou de l’autre partie, en effet ce serait comme si elle « prévoyait » de violer le contrat et se ménageait une porte de sortie pour minimiser sa responsabilité.

Face à une telle situation, le juge saisi devra réétudier les faits du contrat et essayer de dégager le véritable lieu de l’exécution. Tout devra donc se passer comme si les parties n’ont pas procédé à une indication d’un lieu d’exécution à leur contrat. Cela signifie que malgré la place laissée à la volonté des parties, le juge ne doit pas être lié par une clause du contrat qui est destiné à tourner le règlement, sinon cela pourrait mettre en échec le caractère impératif de ce dernier, et notamment en ce qui concerne les exigences formelles imposées par l’article 23 dudit règlement en ce qui concerne les clauses attributives de juridiction.

 

 

 

La rédaction du nouvel article 5-1 a été faite de manière à répondre à la demande des acteurs du commerce intracommunautaire, sans pour autant accéder à leur souhait de supprimer purement et simplement l’article en question, mais plutôt d’y apporter un éclaircissement destiné à en faciliter l’application.

Cependant, au vue du développement que nous venons de faire, la réalité est que ce nouvel article n’a pas vraiment résolu les problèmes qui avaient déjà provoqué la demande de suppression de l’article 5-1 sous l’empire de la convention de Bruxelles de 1968.

Un petit bilan s’impose alors pour déterminer si cet article est vraiment opportun pour faciliter la mise en œuvre de la justice européenne en matière civile et commerciale. Ou si au contraire, il serait plus avisé de le supprimer étant donné toutes les complications qui pourraient compromettre libre circulation des décisions et à terme, le bon fonctionnement du marché commun.

 

 

 

 

 

III.            Le bilan

 

A.                 Vers une reformulation du texte ?

 

La raison pour laquelle les législateurs se sont refusés à procéder à une suppression pure et simple de l’article 5-1 c’est qu’ils ont voulu préserver l’esprit du règlement qui est de rendre uniformes les règles nationales trop disparates en matière de compétence. En effet, comme le but poursuivi par le règlement est de veiller au bon fonctionnement du marché intérieur, il semble être un non sens de vouloir supprimer un article qui tend à résoudre les complications en matière de détermination de compétence, un article destiné à ce que tous les Etats membres de l’Union puissent avoir une même vision, une même lecture des règles de compétences.

Cependant, la mise en œuvre en est si compliquée qu’on pourrait se poser la question s’il n’est pas nécessaire d’effectuer, comme la première fois avec, une nouvelle reformulation de l’article 5-1. Une reformulation plus détaillée et plus précise en ce qui concerne l’obligation à prendre en compte et la désignation du lieu de l’exécution. Et cela pour permettre une meilleure compréhension de la part des juridictions nationales et parvenir enfin à surmonter les différents problèmes d’interprétation.

Cette idée de reformuler la rédaction de l’article 5-1 est très véhiculée dans la doctrine, notamment dans la doctrine allemande qui est très réfractaire au maintient et application de la jurisprudence Tessili, qui est pourtant toujours d’actualité dans le cadre de l’application de l’article en son point a).

Ainsi, certains auteurs proposent d’abandonner complètement ce point a) et d’étendre l’application du point b) aux autres contrats. Il s’agirait ainsi d’étendre la liste des contrats et non plus de s’arrêter aux contrats de vente de marchandise et de prestation de service[40]. Cependant, la solution ne présente pas grand intérêt, en effet, les contrats de vente et de fourniture de service sont les plus importants en volume sur le marché communautaire, et pour ce qui est des autres contrats, ils ont déjà leur régime spécial propre. Cas notamment du contrat de travail (articles 18 et suivants), du contrat de consommation (article 15 et suivants) ainsi que du contrat d’assurance (articles 8 et suivants).

Pour d’autres, il conviendrait de combiner le texte de l’article 5-1 b) avec le texte de l’article 2 mais réadapté à la matière contractuelle. Ainsi, dans le cas où le point b) ne peut trouver application, la compétence devrait échoir au lieu du domicile ou siège social du défendeur. Cette solution a le mérite d’être simple, de favoriser la prévisibilité parce qu’ainsi les deux parties, autant le demandeur que le défendeur, savent très bien devant quelle juridiction elles pourraient être attraites en cas de litige.

 

A notre sens, s’il y a une nouvelle rédaction, reformulation de l’article 5-1, elle devra non seulement s’efforcer de concilier les droits de la demande et de la défense, mais également et surtout de lever toutes les ambigüités qui pèsent sur l’application de l’actuel article.

Ainsi il faudrait tout de suite définir quelle obligation sera prise en compte, et cette obligation devrait être, conformément à l’esprit de l’article 5-1 en son point b)[41], l’obligation qui caractérise le contrat.

Pour ce qui est de la désignation du lieu d’exécution, comme le plus grand problème réside surtout en cas de silence des parties et comme il doit être déterminé uniquement en fonction du contrat, le juge devrait rechercher le lieu où l’obligation a été exécuté et cela en accord avec l’autre partie (même tacitement, cas par exemple, comme nous l’avons vu plus haut quand l’acheteur accepte de réceptionner une marchandise à un lieu non convenu dès le départ).

Et dans le cas où il est trop difficile, voire impossible de désigner ce lieu conformément au contrat, ou dans le cas d’une détermination abusive de la part des partie, il nous semble que adopter la deuxième solution proposée par la doctrine allemande qui consiste à prendre en compte le lieu du domicile ou du siège social du débiteur au moment de l’accord serait la plus simple à mettre en œuvre.

 

 

 

B.                 Vers la suppression de l’article 5-1

 

Mais l’idée qui prédomine chez les acteurs, surtout les opérateurs, du commerce intracommunautaire reste la suppression pure et simple de l’article 5-1. En effet, pour eux, une nouvelle reformulation pourrait être source de nouvelles complications, du fait de la disparité des divers droits nationaux et donc aussi disparité dans l’interprétation des textes par les juridictions nationales. Complications qui viendraient encore ajouter à la confusion de la situation actuelle.

 

1.                  L’article 2, une solution suffisante ?

 

Pour certains la mise en place d’une règle aussi compliquée que la règle de compétence de l’article 5-1 ne se justifie pas du tout dans la mesure où il y a déjà une règle qui assure une grande prévisibilité juridique. La règle de l’actur sequitur forum rei de l’article 2 qui est simple, facile à appliquer et ne peut entraîner aucun problème d’interprétation de la part des juges, c’es le tribunal du domicile du défendeur qui sera pris en considération.

Il n’y aura donc plus besoin de rechercher d’abord si le litige entre dans le cadre de la matière contractuelle ou non, qu’elle obligation il faudra prendre, quelle loi appliquer à cette obligation et quel lieu considérer comme lieu d’exécution de l’obligation ? Autant de question qui peuvent engendrer des réponses disparates de la part des juridictions nationales qui n’ont pas toujours le même cheminement dans le raisonnement.

Il semblerait donc que le recours à l’article 2 semble mieux protéger les agents économiques qui œuvrent dans l’espace économique européen, puisque cet article respecte parfaitement les droits de la défense.  Mais également, il assure également les droits de la demandes puisque le demandeur pourra raisonnablement prévoir devant quelle juridiction il devra faire sa demande.

 

Mais, comme nous l’avons déjà vu, l’article 2 comporte un grand inconvénient : c’est que sa mise en application peut aboutir à la saisine d’une juridiction qui ne présente pas de lien effectif et for avec le litige. Ce qui n’assure pas une bonne administration de la justice, notamment en  ce qui concerne l’administration de la preuve et cette situation peut nuire aux parties au litige.  Pour certains contrats, il est absolument nécessaire de saisir un tribunal autre que  celui du domicile de défendeur car celui-ci peut ne pas assurer cette bonne administration de la justice.

L’application de l’article 2 dans la résolution des conflits en matière de contrat commercial peut donc ne pas être satisfaisante et ne pas répondre aux impératifs du Règlement qui vise à favoriser un bon fonctionnement du marché intérieur. Une autre solution devra donc être adoptée pour pouvoir supprimer l’article 5-1.

 

 

 

2.                  La possibilité d’insérer dans le contrat une clause attributive de juridiction pour échapper à la compétence du domicile du défendeur

 

Pour contourner le problème majeur posé par le domicile du défendeur en matière contractuelle, on pourrait recourir à la possibilité laissée aux parties d’insérer une clause destinée à désigner une juridiction qui présente plus de proximité que la juridiction du domicile du défendeur.

En effet, comme le règlement laisse déjà une grande place à la volonté des parties pour la détermination du lieu de l’exécution du contrat, par exemple, pourquoi ne pas étendre cette possibilité pour faciliter la tâche du juge et rendre moins problématique la détermination du tribunal compétent.

Le problème c’est que dans l’esprit du règlement, les parties peuvent déjà recourir à cette solution. La règle est d’ailleurs consacrée dans l’article 23 du règlement : « Si les parties, dont l’une au moins a son domicile sur le territoire d’un État membre, sont convenues d’un tribunal ou de tribunaux d’un État membre pour connaître des différends nés ou à naître à l’occasion d’un rapport de droit déterminé, ce tribunal ou les tribunaux de cet État membre sont compétents. Cette compétence est exclusive, sauf convention contraire des parties… ».

Et pourtant on assiste encore à des contrats dans lesquels les parties ont omis, volontairement ou non de désigner le lieu d’exécution du contrat et partant du lieu de compétence. On reviendra donc au même stade, à moins de rendre la clause attributive de juridiction obligatoire, c’est-à dire que cette clause deviendrait alors, même titre que la clause indiquant l’objet du contrat par exemple, une clause de condition de validité du contrat ? Mais cette solution semble un peu extrême.

De plus, « la Cour ne clarifie pas le régime de ces accords »[42] qui permettraient aux parties d’indiquer elle-même le lieu d’exécution et partant le tribunal compétent.

Et que se passe-t-il dans le cas où les parties ont indiquée dans la clause attributive de juridiction une juridiction qui ne présente pas de lien réel avec le litige ? On en reviendrait alors aux solutions actuelles selon lesquelles le juge devra opérer une interprétation objective du contrat pour pouvoir dégager un lieu qui puisse fonder la compétence d’un Tribunal déterminé.

Dans cette optique on peut se poser la question de l’opportunité de la suppression de l’article 5- ?

 

 

 

 

 

Conclusion

 

Le législateur communautaire s’est montré très claire dans ses intentions lors de la conception du règlement n°44 /2001du 22 Décembre 2000, dit Règlement Bruxelles I. pour lui il s’agissait de donner aux règles de compétence un haut degré de prévisibilité dans le droit communautaire. Et cela afin d’avoir une plus grande fluidité dans la circulation des décisions et des jugements rendues pars les différentes juridictions des différents Etats membres dans les autres Etats au sein de l’Union.

Et pour lui ce haut degré de prévisibilité doit s’articuler autour du domicile du défendeur ainsi qu’il est dit dans le onzième considérant du règlement. Il a cependant prévues quelques règles spéciales dans son article 5 pour les cas où le domicile du défendeur semble être trop loin du litige (pour un besoin de proximité entre le juge et le litige dont il a à connaître), ou quand la nature même de l’objet du litige remet en cause l’applicabilité du principe posé par l’article 2 (cas quand l’objet du litige est un immeuble, les besoins de la gestion des preuves exigent qu’on recoure plutôt au lieu de situation de l’immeuble. Cas également en matière délictuelle.

Ainsi pour ce qui concerne la matière contractuelle, le législateur estime que le principe du domicile du défendeur pourrait ne pas répondre aux exigences du contrat international et intracommunautaire et qu’il serait plus logique de dire que la compétence revienne aux juridictions du lieu (ou de l’Etat) dans lequel l’obligation de l’une ou l’autre des parties aurait dû être exécutée.

Et de préciser encore, pour lever toutes les ambigüités et faciliter encore la tâche du juge, qu’en matière de vente de marchandise et de fourniture de service, c’est le lieu de l’exécution de la livraison ou de la prestation qui devrait être prise en compte, et cela toujours pour les besoins de la preuves et la bonne administration de la justice.

Cette dernière précision du point b) de l’article 5-1 a également le mérite d’éclaircir la situation en ce qui concerne la question épineuse de l’obligation à prendre en compte. Et on assiste à l’abandon définitif de la jurisprudence De Bloos de l’obligation autonome qui aboutissait à un éclatement de compétence. En effet ce n’est plus cette obligation litigieuse autonome mais l’obligation qui caractérise le contrat[43] qui doit être prise en compte. C’est-à sera par exemple l’obligation de livraison dans le cadre d’un contrat de vente de marchandise puis que c’est l’obligation qui caractérise la vente.

Mais cette solution et toutes les simplifications préconisées par le législateur, n’est malheureusement valable que pour les contrats qui entrent dans le cadre du point b). Donc seulement pour le contrat de vente de marchandise et le contrat de fourniture de service. Pour le reste les problèmes posés par la rédaction antérieure de la convention de 1968 et des jurisprudences antérieures au règlement persistent.

Et c’est là que le bat blesse, car non seulement le point b) ne règle aucun des problèmes antérieurs, mais en plus son interprétation a engendré de nouveau questionnement, notamment en ce qui concerne le sens qui devrait être donné à l’expression « en vertu du contrat » ou même en ce qui concerne le lieu de livraison de la marchandise.

Dans ce cas, les opérateurs estiment qu’il n’y a aucune raison de maintenir cet article dans les prochaines rédactions et réformes du règlement, étant donné qu’au final il apporte plus de complication que de solution.

Cependant, procéder à une suppression pure et simple de l’article 5-1 semble être un peut radical et risque de ne rien apporter pour favoriser l’harmonisation des droit des Etats membres. Car malgré toutes les difficultés, cet article a quand même apporté quelques solutions louables pour certains points. Et que les autres solutions proposées, come celle de s’en tenir à la règle de principe de l’article 2, ou celle de recourir à la prorogation de compétence par les parties, ne semblent pas vraiment satisfaisantes et ne garantissent pas la disparition de toutes les complications nées sous l’égide de l’article 5-1.

De plus les Hautes Juridictions Nationales commencent, lentement il est vrai mais surement, à se ranger à l’interprétation de la CJCE, ce qui peut laisser présager que les juridictions nationales, grâce au travail d’interprétation de la CJCE, pourraient adopter enfin une seule et même interprétation de l’article 5-1.

Mais il faut reconnaître qu’une reformulation de cet article est sans doute indispensable pour apporter plus de lumière sur certains points. Notamment en ce qui concerne l’obligation à prendre en compte : la solution selon laquelle il faut considérer l’obligation qui caractérise le contrat devrait être entérinée par le texte. Ainsi que celle qui préconise que le lieu d’exécution du contrat devrait être le lieu où l’obligation a été exécutée et cela en accord avec l’autre partie.

 

 

Bibliographie

 

          Les textes :

  • Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 sur la compétence judiciaire et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale.
  • Règlement (CE) n° 44/2001 du 22 décembre 2000 sur la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale.

 

          Les rapports officiels :

  • Rapport de la commission au parlement européen, au conseil et au comité économique et social européen sur l’application du règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale. Bruxelles le 21 Avril 2009, COM(2009) 174 final

 

  • livre vert sur la révision du règlement (ce) n° 44/2001 du conseil concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale. Bruxelles le 21 Avril 2009, COM(2009) 174 final

 

  • Réponses des Autorités françaises au Livre vert relatif à la révision du règlement (CE) n°44/2001 du Conseil concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale. Bruxelles le 21 Avril 2009, COM(2009) 174 final.

 

  • Communication de la Commission au Conseil et au Parlement Européen concernant le droit européen des contrats

 

  • Règlement Bruxelles I du 22 décembre 2000, Règles de compétence en matière délictuelle (article 5.3) et en matière contractuelle (article 5.1), André Huet, www.courdecassation.fr

 

 

 

Ouvrages généraux :

  • Droit communautaire
  • ISAAC, droit communautaire général, Armand Colin, 6è édition, 1998.
  • CARTOU L., CLERGERIE J.-L., GRUBER A., RAMBAUD P., L’Union européenne, 4ème éd., Précis Dalloz, 2002.

 

  • Droit international privé :
  • AUDIT, Droit international privé, ECONOMICA, 1991.
  • LOUSSOUARN Y., BOUREL P., Droit international privé, 7ème éd., Précis Dalloz, 2001.
  • MAYER, Droit international privé, Montchrestien, 5è éd.1994.

 

  • Droit du commerce international
  • M. MOUSSERON, J. RAYNARD, R. FABRES, J-L. FABRES. Droit du commerce international, Droit international de l’entreprise, Litec, 1997.

 

Ouvrages spéciaux:

  • HELENE GAUDEMET –TALLON, compétence et exécution des jugements en Europe, 4e édition, 2010.
  • GAUDEMET-TALLON, les conventions de Bruxelles et de Lugano, LGDJ 96
  • WITZ, les premières applications jurisprudentielles du droit uniforme de la vente internationale, LGDJ, 1995, Joly Communautaire, tome 1
  • Hager, F. Bentele, « Der Lieferort als Gerischtsstand – zur Auslegung des Art. 5 Nr. 1 lit. b EuGVO», in IPRax 2004

 

Mémoires :

  • Caroline ORSINI, L’exequatur le contrôle de la compétence du juge étranger, mémoire DEA de Contentieux du Commerce International et Européen, Mémoire dirigé par Madame le Professeur Marie-Laure NIBOYET, Université Paris X Nanterre, 2002

 

  • Maud CLERMONT, Le rapprochement du droit européen des contrats, enjeux et perspectives, Mémoire de DEA sous la direction du Professeur Christophe Jamin, Lille 2 – Université du droit et de la santé, 2003.

 

Articles :

  • Marianne Vitter, Michel Cannarsa, Emmanuel Déprez « Les règles de compétence en matière contractuelle en droit privé judiciaire européen : l’article 5-1° des Conventions de Bruxelles et de Lugano ».

 

  • La détermination du lieu d’exécution dans le contrat de vente international de marchandise, Par Gianna GHIZZARDI, Audrey Jarreton et Elisabeth Sécher-Loubet DEA de Droit des Affaires, Strasbourg, Séminaire de droit européen et international des affaires, Jeudi 13 janvier 2005.

 

  • « Compétence internationale en matière contractuelle, quelques éclaircissements récents dans l’obscurité de l’article 5, 1, du règlement Bruxelles I », par Alexander Mittmann, Docteur en droit (Hambourg), Master of Laws (LLM, Londres), avocat aux barreaux de Paris et de Hambourg, Recueil Dalloz 2011 p. 834

 

 

 

Jurisprudence

  • CJCE 06.10.1976, (de Bloos), RC 1977, p.756
  • CJCE 06.10.1976, (Tessili),RC 1977, p.756
  • CJCE 26.05.1982, (Ivenel), RC 1983, p.116,
  • CJCE 22.03.1983, (Martin Peters), RC 1984, p.663,
  • CJCE 15.01.1987, (Shenavai), RC 1987, p.793
  • CJCE 08.03.1988, (Arcado), RC 1988, p.610
  • CJCE 29.06.1994, (Custom Made), RC 1994, p.692
  • Cass. Com. 09.12.1997, D. 1998, IR p.28, et RC 1998, p.117
  • CA Paris 04.03.1998, D. 1998, somm. p.279
  • CA Paris 18.03.1998, D. 1998, somm. p.280
  • Cass. 1ère civ. 16.07.1998, D. 1998, IR p.222
  • Cass. Chambre mixte, arrêt Codéviandes (sur la question de la juridiction compétente pour un litige opposant employés et employeur)
  • CJCE, 12 mars 2002, Simone Leitner c./ TUI Deutschland GmbH & Co (KG), aff. C-168/00, Rec. p. 2631.
  • Cass. com. 14 mars 2006 (contrat de prestation de services et lieu d’exécution)
  • Cass. civ. 1 23 janvier 2007 (Contrat de  concession exclusive et compétence)
  • Cass. civ. 1, 27 mars 2007 (Contrat complexe de fourniture de services et vente de marchandises)
  • Cass. 4ème Civ. 9 juillet 2009, Air Baltic (contrat de transport aérien)
  • Cass. Civ. 1. mercredi 23 mars 2011, N°: 10-30210

 

Site internet :

  • Site du Parlement Européen :

http://europa.eu.int/

  • Site de la Commission européenne :

http://europa.eu.int/

  • Site de la Commission européenne consacré au droit européen des contrats :

http://europa.eu.int/comm/consumers/policy/developments/contract_law/com_2003_68_fr.pdf

  • Site de la Cour de justice des Communautés européennes :

http://curia.eu.int/fr/

  • Cour de cassation française

http://www.courdecassation.fr

 

http://www.pg-avocats.fr

Table des matières

Faut-il supprimer l’article 5-1 du règlement Bruxelles I ?. 1

  1. L’utilité de l’article 5-1 du règlement CE 44/2001. 6
  2. Un article fondé sur l’idée de bonne administration de la justice. 7
  3. L’objectif de proximité du for avec le litige. 7
  4. La prévisibilité du for : 8
  5. Les innovations apportées par le règlement 44/2001. 10
  6. Une simplification importante grâce au point b) sur la détermination du lieu d’exécution du contrat 10
  7. La volonté des parties de désigner le lieu d’exécution. 11
  8. Les inconvénients de l’article 5-1. 13
  9. Les difficultés d’application du principe général de l’article 5-1 a) 14
  10. Sur la matière contractuelle. 14
  11. Sur l’obligation qui sert de base à la demande. 17
  12. Sur la détermination du lieu d’exécution de l’obligation qui sert de base à la demande. 20
  13. Les difficultés d’application de la règle spéciale de l’article 5-1 b) 22
  14. Les ambigüités de l’article 5-1 b) 22
  15. Sur la détermination abusive du lieu d’exécution par les parties. 26

III.      Le bilan. 27

  1. Vers une reformulation du texte ?. 27
  2. Vers la suppression de l’article 5-1. 29
  3. L’article 2, une solution suffisante ?. 29
  4. La possibilité d’insérer dans le contrat une clause attributive de juridiction pour échapper à la compétence du domicile du défendeur 30

 

 

 

 

[1]Robert Schumann (ministre des Affaires étrangères français) In Guy Isaac, Droit Communautaire Général, 6è édition, Armand Colin, p.2.

[2] Rappelons que c’est le Traité de Rome  du 25 mars 1957 portant création de la Communauté Economique Européen (CEE), qui avait institué le marché commun, devenu marché intérieur avec l’institution de l’Union Européenne

[3] Qui représentent pourtant le principal instrument qui matérialise les relations économiques entre les différents opérateurs.

 

[4] Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 concernant la compétence judiciaire et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale.

[5] Règlement (CE) n° 44/2001 du 22 décembre 2000 sur la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale.

[6] A ce propos, il faut souligner également l’existence de conventions parallèle au Règlement Bruxelles I et qui sont toutes aussi importantes. On peut citer notamment la Convention de Rome de 1980 sur le droit applicable aux obligations contractuelles, devenu le règlement (CE) No 593/2008 (Rome I) sur la loi applicable aux obligations contractuelles. Ainsi que la convention de Lugano du 16 septembre 1988 relative à la compétence judiciaire et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale.

[7] Deuxième considérant du préambule du Règlement Bruxelles I.

[8] Deuxième considérant, op. cit.

[9] Quatrième considérant du préambule du Règlement Bruxelles I, en conformité avec le principe de subsidiarité posé par l’article 5 du Traité CE.

[10] Onzième considérant

[11] Les Règlements et autres conventions

[12] Sont seuls compétents, sans considération de domicile:

1) en matière de droits réels immobiliers et de baux d’immeubles, les tribunaux de l’État membre où l’immeuble est situé. (…)

2) en matière de validité, de nullité ou de dissolution des sociétés ou personnes morales ayant leur siège sur le territoire d’un État membre, ou de validité des décisions de leurs organes, les tribunaux de cet État membre. Pour déterminer le siège, le juge applique les règles de son droit international privé;

3) en matière de validité des inscriptions sur les registres publics, les tribunaux de l’État membre sur le territoire duquel ces registres sont tenus;

4) en matière d’inscription ou de validité des brevets, marques, dessins et modèles, et autres droits analogues donnant lieu à dépôt ou à un enregistrement, les juridictions de l’État membre sur le territoire duquel le dépôt ou l’enregistrement a été demandé, a été effectué ou est réputé avoir été effectué aux termes d’un instrument communautaire ou d’une convention internationale. (…)

5) en matière d’exécution des décisions, les tribunaux de l’État membre du lieu de l’exécution.

 

[13] M. André Huet, in rapport pour  la cour de cassation française sur l’application des Règles de compétence en matière délictuelle (article 5.3) et en matière contractuelle (article 5.1), www.courdecassation.fr

 

[14] La reconnaissance d’un jugement étranger dans un Etat constitue ce qu’on appelle exequatur. Et à ce propos, il faut noter l’existence d’une jurisprudence assez importante en la matière qui pose bien le principe de la nécessité d’un lien tangible entre le litige et le for saisi.  Cass. Civ. 1ère, 6 février 1985, Simitch : « « … le tribunal étranger doit être reconnu compétent si le litige se rattache de manière caractérisée au pays dont le juge a été saisi, et si le choix de la juridiction n’a pas été frauduleux ».

[15] Considérant n°22 d’un arrêt du 3 mai 2007, Color Drack GmbH contre Lexx International Vertriebs GmbH, affaire C-386/05.

[16] Ibid. Considérant n° 24.

[17] Ibid. Considérant n°20.

[18] Ibid. n° 30

[19] Aux termes du deuxième considérant du règlement nº 44/2001

[20] Ibid.

[21] Sans oublier biensûr la différence de système juridique entre les civilistes et les pays du common-law qui posent également problème dans le cadre de cet objectif d’unification.

[22] Voir arrêt Martin Peters, CJCE 22.03.1983, RC 1984, p.663.

[23] Arrêt Martin Peters, CJCE 22.03.1983, RC 1984, p.663

[24] Arrêt Arcado, CJCE 08.03.1988, RC 1988, p.610

[25] Règlement (CE) No 593/2008 du Parlement Européen et du Conseil, du 17 juin 2008, sur la loi applicable aux obligations contractuelles (Rome I), article 12 sur le domaine de la loi du contrat, alinéa 1, c)

[26] Il est important de rappeler ici que les juridictions des Etats membres de l’Union ont le droit, ou même le devoir, de demander à la Cour de Justice de la Communauté Européenne (CJCE) de se prononcer sur l’interprétation d’un texte (souvent conventions et règlement) applicable dans le cadre de l’Union Européenne. Et cela conformément au protocole du 3 juin 1971.

[27] Arrêt Handte, CJCE 17.06.1992, JCP 1992, II 21927

 

[28] In « Les règles de compétence en matière contractuelle  en droit privé judiciaire européen : l’article 5-1° des Conventions de Bruxelles et de Lugano ». Marianne Vitter, Michel Cannarsa, Emmanuel Déprez.

 

[29] Arrêt Ivenel, CJCE 26.05.1982, RC 1983, p.116

[30] Sur ce point soulignons que Juridictions Française a longtemps été assez réfractaire à l’application de cette jurisprudence jugée bien trop compliquée à mettre en œuvre. Ainsi, on peut noter dans un arrêt du 23 Janvier 1979, que première chambre civile de la cour de cassation avait établi que les diverses obligations pesant sur le concédant forment un tout dont l’exécution est localisée sur le territoire concédé. Et cela au lieu de suivre la règle posée par la jurisprudence De Bloos.

[31] A l’image de Georges A.L. Droz, voir à ce sujet « l’interprétation par la CJCE des règles de compétence en matière de contrat ».

[32] Par dette quérable on entend dette dont le paiement se fait au domicile du débiteur. Et vice versa, le paiement de la dette portable se fait au domicile du créancier.

[33] Journal officiel n° C 376 E du 28.12.1999.

[34] Voir à ce sujet Marianne Vitter, Michel Cannarsa, Emmanuel Déprez « Les règles de compétence en matière contractuelle  en droit privé judiciaire européen : l’article 5-1° des Conventions de Bruxelles et de Lugano », partie III.

[35] JP Beraudo, « Le Règlement du Conseil du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale », in JDI, 2001, p. 1045.

[36] Encore que les juridictions nationales commencent à fléchir à ce sujet et à rentrer dans le rang en se rangeant à la décision de la CJCE. Cas notamment de la Haute Juridiction française qui rappelle dans un arrêt 23 janvier 2007 que la détermination du lieu d’exécution du contrat doit se faire conformément aux règles de conflits de lois. Comme ce fut le cas dans la jurisprudence Tessili donc

[37] C’est la position adoptée par certains auteurs, notamment Bruneau, Niboyet, Huet. Voir également à ce sujet M-E Ancel, note à Cour de cassation (Ch. Com.), in R.C. 2001, p.163.

[38] M. A. Huet, op. cit.

[39] En général afin de minimiser le montant d’une éventuelle indemnité.

[40] Voir à ce sujet E. Jayme / J. Kohler « Europäisches Kollisionsrecht 1999 – Die Abendstunde der Staatsverträge », Praxis des internationalen Privat- und Verfahrensrechts 1999, p. 405. Et également H.-W. Micklitz / P. Rott, « Vergemeinschaftung des EuGVÜ in der Verordnung (EG) Nr. 44/2001 », Europäische Zeitschrift für Wirtschaftsrecht 2001, p. 329

[41] Pour plus de précision à ce sujet, voir le rapport de M. A. Huet pour la cour de cassation en matière règles de compétence en matière délictuelle et contractuelle. Op.cit.

[42] « Compétence internationale en matière contractuelle, quelques éclaircissements récents dans l’obscurité de l’article 5, 1, du règlement Bruxelles I », par Alexander Mittmann, Docteur en droit (Hambourg), Master of Laws (LLM, Londres), avocat aux barreaux de Paris et de Hambourg, Recueil Dalloz 2011 p. 834

 

[43] Sur ce sujet, voir notamment M. A. Huet, op.cit.

Nombre de pages du document intégral:50

24.90

Retour en haut