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GESTION DE RISQUES DE MARCHE EN FINANCE ISLAMIQUE

GESTION DE RISQUES DE MARCHE EN FINANCE ISLAMIQUE

L’analyse du marché financier islamique est une étude intégrante. Elle fait appel à l’exploration de la création de la finance islamique qui est marquée par une discontinuité surprenante. Les principes qui la régissent naissent de principes religieux respectés alors que les institutions financières islamiques ont vu le jour dans les pays occidentaux non musulmans. Mais par-dessus tout, l’analyse de la finance islamique renvoie toujours, d’une façon ou d’une autre, à la mise en avant des principes fondamentaux de l’Economie elle-même. Ils puisent leur origine dans le Charia et selon la reconstitution des travaux de Ahmad, Almisry, Awan, Nazeer et Kurshid et poursuivent quatre objectifs bien définis. Premièrement, l’enrichissement est perçu comme étant l’accroissement du volume du capital productif animé essentiellement par la dynamique de l’esprit d’entreprise. Deuxièmement, la collaboration et la participation de tout le monde à la conception des projets de production ainsi qu’au bon fonctionnement de ceux-ci favorisent l’accroissement de l’emploi. Troisièmement, la mise en place et la pratique renforcée du principe d’aumône légale ou zakat favorisent la distribution de la richesse et des revenus d’une manière équitable. Et quatrièmement toutes les formes et les pratiques qui se traduisent en gaspillage ne sont pas encouragées ou même déconseillés. Ces fondements de l’économie islamique se trouvent toujours au centre de préoccupation des travaux portant sur la finance islamique parce qu’ils reposent sur l’éthique et non sur la rationalité. Leur exploration demeure une partie très importante parce qu’il repose sur la perception des comportements économiques des hommes par leur volonté de respecter la foi et la charité.

Par ailleurs, l’étude de la dynamique de l’économie islamique met en évidence la distinction des contrats fondés sur l’intérêt et ceux fondés sur les bénéfices ou profits. L’intérêt est perçu comme une rémunération distincte du capital, connu et fixé à l’avance et peut varier dans le temps. En outre, le bénéfice ou le profit est une rémunération simultanée du capital argent et du capital travail dont le montant dépend de l’aboutissement des activités, sans dépendre du temps. La perception de la finance islamique repose sur l’appréciation constante de cette distinction entre profit et intérêt. D’ailleurs, l’application du Charia prévoit la proscription des quelques pratiques, répandues en finance conventionnelle, et garantit le respect de l’éthique islamique dans les transactions économiques. Il y a l’interdiction de l’usure et de l’intérêt, interprété comme moyen de recherche de gains et d’enrichissement sans déployer d’efforts et se basant seulement sur l’écoulement du temps. En outre, le principe commun encadrant toute marge de manœuvre des investisseurs islamiques est la prohibition de la spéculation et l’interdiction de l’incertitude. Ce principe devra inciter les contractants à bien fournir des informations de qualité et suffisantes concernant les produits leur donnant une assurance que les gains découlent effectivement du travail fourni.

Mais l’un des traits particuliers de l’économie et de la finance islamique est le filtrage des activités selon leur conformité à la morale. Les investisseurs devront financier seulement les transactions effectuées dans les secteurs licites et proscrire le reste. Une telle disposition est imposée afin de garantir l’épanouissement des valeurs morales et religieuses avec l’accroissement des transactions et des gains économiques de tout un chacun. Elle reflète les deux principes positifs encadrant la finance islamique à savoir le fait de partager risque, profits et pertes et l’adossement des instruments financiers à des actifs tangibles. A force de constater les grands tournants de l’histoire de la finance internationale, surtout l’histoire de la finance conventionnelle, l’application et le respect de ces principes islamiques procure un important « amortisseur » aux chocs financiers et pétroliers et limitant leur propagation dans les économies des pays islamiques. Ce qui relance les transactions de marchandises et financières dans ces pays et entrainent l’accroissement du recours aux instruments financiers islamiques. Dans ce sens, les contrats financiers se multiplient tout comme les instruments, les risques et les instruments de couverture mis à la disposition des investisseurs.

Cette multiplication des instruments financiers renvoi à l’analyse de la gestion de risque liée au marché financier islamique. A première vue, le corpus général de la gestion de risque sur ce marché s’apparente à celui communément utilisé dans l’analyse de la gestion de risque pratiquée dans la finance conventionnelle. Mais d’un point de vue plus approfondie, il importe de mettre en évidence certaines restrictions et limites, toujours imposés par le Charia et les bonnes mœurs islamiques. En dehors des contrats et des transactions illicites portant sur l’alcool, le porc, l’armement, les banques conventionnelles, les compagnies d’assurances conventionnelles et les actions et obligations des fonds communs des placements, la finance islamique autorise quelques contrats suffisamment diversifiés dont chaque caractéristique mérite une explication plus approfondie. Et relativement à la tangibilité de actifs, ces contrats portent principalement sur les sous-jacents physiquement tangibles tels que les matières premières, les biens immobiliers et les devises.

La revue de l’histoire et de l’appréciation de la situation actuelle du marché financier islamique permet de mettre en avant l’existence des premières techniques de gestion de risque de marché qui ont déjà été initiés et appliqués par les investisseurs suite à la contribution incessante des analystes financiers. Ces méthodes portent sur les contrats financiers tels que les contrats basés sur le partenariat (musharaka, mudharaba), les contrats de vente (murabaha, bai salam, istisna’a), la location à bail (ijira, ijira thumma bai, ijira wa-iqtina), l’obligation islamique (sukuk), les autres contrats de vente (bai al-ina, bai bithaman ajil, bai muajjal) ainsi que d’autres contrats. Aussi bien structurés soient-ils, ces contrats sont soumis à la probabilité des risques qu’il faut identifier comme dans n’importe quel marché. En effet, ces risques apparaissent suite à l’analyse de la construction de l’instrument ou du produit, le choix du marché par-dessus duquel il devra être émis et le choix des contreparties ou couvertures. L’existence des retards ou des défauts de paiement concernant les contreparties des ventes entrainent par exemple un risque de crédit pour tout contrat de vente. En outre, les renversements de situation concernant les taux d’intérêts, le flambé de prix pour les matières premières et la baisse du cours de certaines devises entrainent un risque de perte à la charge du vendeur. D’autres risques surviennent aussi aux actions, à la liquidité, aux taux de rendement, au disfonctionnement opérationnel et au cadre juridique du contrat.

L’effervescence des transactions sur le marché de la finance islamique annonce des chiffres surprenants. Selon le rapport sur la finance islamique en France édité en 2010, l’accroissement annuelle du marché est entre 10% et 20% selon les classes d’actifs et atteint globalement un niveau de 1000 mds de dollars. Afin de garder cette allure, les gestionnaires financiers ont proposé des méthodes d’évaluation de risque applicables à la finance islamique, empruntant un modèle statique et un modèle dynamique. Elles ont déjà fait leur preuve dans la finance conventionnelle et peuvent être transposées à l’analyse des risques sur la finance islamique sous certaines conditions. Pourtant la manque d’informations historiques sur les cours des instruments limite l’applicabilité de certaines méthodes d’évaluation comme la simulation historique et la méthode Monte Carlo. En suivant la physionomie de la gestion de risque, le choix des instruments de couverture est aussi une étape à ne pas négliger. C’est un point saillant qui différencie la finance islamique parce que le Charia prohibe l’utilisation de certains couvertures comme les produits dérivés, prévoit aussi la partage de risque entre les deux contreparties et prévoit une couverture individuelle de chaque contrat. Dans ce sens, il y a une restriction en termes de couverture par rapport à la finance conventionnelle qu’il mérite d’étudier. Mais les autres instruments et techniques de couverture suscite aussi l’intérêt d’étude d’un tel sujet comme la titrisation, l’alignement actif-passif, etc. Tout compte fait, l’existence de cet encadrement par le Charia et cette restriction des libertés des investisseurs constituent la particularité et la force de la finance islamique suscitant l’esprit de la recherche et d’innovation.

Cependant, de nombreuses questions peuvent être soulevées de ces exposés concernant la direction que doit prendre la finance islamique face à la mondialisation. D’un côté, faut-il reconnaitre la gestion du marché de ce finance dérive de la gestion du marché de finance conventionnelle. Cette transposition est devenue une option par défaut de la finance islamique. Or les réalités sur les conjonctures financières internationales témoignent de l’échec de cette gestion, justifiée par l’apparition des crises fréquentes et conséquentes. Cette finance pourrait courir les mêmes risques d’échec en empruntant égarement ces techniques de gestion. D’un point de vue technique, la gestion des marchés en finance conventionnelle utilise des infrastructures de communication très sophistiquées, fournissant des informations massives en temps réel. Ces informations sont les premiers outils à la disposition des analystes financières qui leur permettent d’effectuer une analyse technique très proche de la situation réelle et aidant à la décision de tous les intervenants sur le marché. Cette possibilité est encore à la phase embryonnaire sur le marché islamique. Elle limite la similarité des résultats quant à l’application des mêmes méthodes de gestion de risque entre les deux marchés en ne citant que les méthodes d’évaluation utilisant l’historique des cours de transactions d’un produit.

De surcroit, l’instauration de la finance islamique  dans les pays non musulmans et capitalistes pose un problème d’incompatibilité juridique. Les investisseurs islamiques exerçant leur métier dans ces pays sont légalement soumis à la juridiction nationale concernant leur activité économique en général. Ils devront s’associer à d’autres investisseurs, rendre compte aux parties prenantes, opérer des transactions avec des non musulmans, etc. Dans ce sens, ils devront renoncer à cette finance particulière ou prendre une position à double régime, qui selon l’éthique de l’économie islamique, interdit parce que la partie conventionnelle de leur activité est interprétée comme illicite et non conforme au Charia.

D’autres questions se posent aussi sur les aspects techniques même de la gestion de risque. La première d’entre elle est la définition et la délimitation de la tangibilité de l’actif sur le quel est endossé le contrat. La tangibilité demeure difficile à garantir pour les ventes à terme ou les ventes différés. Les actifs sous-jacents rattachés à certains contrats pourraient subir une perte physique avant la livraison. Cela remet en question la confiance et la transparence d’information échangées par les co-contractants, et pourrait être traduit comme une source de vice du partage équitable de risque et de pertes. Une deuxième question porte sur la détermination du prix ou de la marge. En absence des données historiques pertinentes sur les transactions similaires, est-ce que la détermination du prix et de la marge ne s’apparente-t-elle par à la spéculation ou à la fixation de l’intérêt. D’ailleurs, le niveau de ces variables ne s’alignent-il pas à celui du taux d’intérêt des actions ou des obligations dans la finance conventionnelle ? L’effectivité des pertes et des profits est alors remise en question due à cette incertitude sur la tangibilité de l’actif.

La constatation de ces points saillants de la finance islamique constitue la raison principale du choix de ce sujet. En dépit de la moralité et de l’éthique religieuse que doivent renfermer  les transactions et les contrats financiers islamiques,  les pays musulmans n’arrivent pas encore à adopter cette finance comme seule dynamique de l’économie sans recourir à la finance conventionnelle. Ce qui entraîne également la difficulté de la détermination et de la source des profits et des pertes du la variété des actifs islamiques avec des actifs conventionnels. Des questions relèvent de cette réalité concernant le triage des actifs islamiques dans les portefeuilles des investisseurs, la détermination des profits et des pertes relatifs à l’utilisation des contrats basés sur ces actifs, la base de détermination de leur tangibilité, les méthodes d’évaluation propres et la modélisation risque/couverture adaptée aux contrats financiers. La décortication de ces questions constitue l’épine dorsale de ce sujet. Il met en avant les particularités de l’économie et de la finance islamique focalisées sur les fondements et les principes du Charia. Ensuite, propose un exposé de la physionomie générale de la gestion de risque de marché dont le corpus principal s’apparente à la technique classique de gestion de risque (identification-évaluation-couverture). Le centre d’intérêt du sujet s’oriente vers l’analyse de possibilité de coexistence ou cohabitation de la finance islamique avec la finance conventionnelle. Cette situation essaie d’analyser la coexistence des cadres juridiques qui régissent chaque finance et le cadre technique sur le quel repose l’identification de la tangibilité des actifs, le filtrage des actifs selon l’éthique islamique et la conception d’une modélisation de couplage risque-couverture adaptée aux contrats financiers islamiques. Cette modélisation prend son origine à des prémisses déjà initiées par les analystes financiers, spécialisés dans ce domaine avant de s’étendre vers des nouvelles perspectives qui pourraient constituer des bonnes bases de tentative d’homogénéisation des pratiques financiers dans le monde musulman.

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