Gestion des dépenses publiques et enjeux de la gestion des ressources humaines dans les collectivités territoriales françaises
Thème : Les systèmes de rémunération au mérite au sein du bloc communal
Problématique : Les systèmes de rémunération au mérite dans la fonction publique communale sont-ils suffisamment incitatifs pour impacter positivement et significativement sur les services rendus ?
Plan
Partie 1. La rémunération au mérite dans la fonction publique territoriale
1.1.1 Motivation (de travailler au sein) de service public
1.1.4 La rémunération au mérite
1.2 Les composantes de la rémunération dans la fonction publique territoriale
1.2.1 Des leviers traditionnels pour prendre en compte le mérite
1.2.1.1 Système d’évaluation sur la base de notation
1.2.1.2 L’entretien d’évaluation
1.2.1.3 La rémunération à la performance individuelle et collective
1.2.1.4 Principes de base et enjeux de la prime de fonctions et de résultats
1.2.1.5 Bilan de la mise en œuvre de la PFR
1.2.2 Des nouveaux dispositifs
1.2.2.1 Critiques et abandon de la PFR
1.2.2.2 L’indemnité de fonctions, d’expertise et d’engagement professionnel
1.3 Analyses comparatives (benchmarking) avec quelques systèmes étrangers européens
2.1.1 Fondements théoriques de la motivation au travail
2.3.2 Réalisabilité des efforts requis
2.3.3 Attractivité de la récompense
2.3.4 Subjectivité de l’évaluation
2.3.5 Equité et justice organisationnelle
Introduction
Les collectivités territoriales et établissements publics vivent un contexte financier sans précédent. La crise de 2008 dites des « subprimes » suivi d’une crise de la dette au sein de la zone euro en 2012 ont conduit l’Etat Français à diminuer son train de vie. La révision générale des politiques publiques sous la présidence Sarkozy de 2007 à 2012 a permis à l’Etat et aux organismes d’administration centrale de réduire leurs besoins de financement de presque 13% sur la période 2010-2013. Dans le même temps, dans les administrations publiques locales, les besoins de financement de l’investissement, dynamisés par le cycle du mandat électoral communal, ont progressé de 9%. La Cour des comptes dans son rapport sur la situation de l’année 2013 a précisé que « le recul de l’autofinancement n’a pas empêché une croissance vigoureuse des dépenses d’investissement portée principalement par le secteur communal et, dans une moindre mesure, les régions. Dans un contexte où la contrainte budgétaire est appelée à se renforcer, une plus grande maîtrise des dépenses de fonctionnement est nécessaire pour éviter l’apparition d’une situation financière préoccupante »[1]. Dans un souci de mettre à contribution l’ensemble des services publics, l’Etat Français est amené à imposer un régime drastique aux collectivités territoriales pour les associer à l’effort collectif. Après un gel des dotations de 2011 à 2013 et une baisse de la dotation globale de fonctionnement de 1,5% en 2014, c’est une rupture financière qui s’amplifie à compter de 2015 avec une diminution annuelle d’environ 3,37 Mds d’euros jusqu’en 2017 pour atteindre une économie annuelle de 11 Mds d’euros. Au total, ce sont 28 Mds d’euros d’économie sur 3 ans qui seront attendus des collectivités territoriales principalement portés par le bloc communal à hauteur de 57%.
Cet environnement anxiogène conduit naturellement les collectivités à rechercher des pistes d’économie budgétaire et l’efficience de leurs dépenses notamment pour maintenir le niveau d’investissement minimum pour entretenir le patrimoine, honorer le remboursement des emprunts et tenter de tenir les engagements de campagne pris pour le mandat 2014-2020.
La gestion des ressources humaines (GRH) devient donc un enjeu central dans la maîtrise des dépenses publiques dans la mesure où les dépenses de personnel représentent près de 20% du budget des départements à 52% du budget de fonctionnement des communes[2]. Les choix politiques en matière de GRH auront une portée sur le recrutement, les remplacements (ou plus spécifiquement les choix de non-remplacement), la formation, les questions de temps de travail et plus spécifiquement les politiques de rémunération. En effet, sur ce dernier point, l’évolution de la représentation des Administrations publiques locales est croissante dans les dépenses de personnel. Alors que l’Etat parvient à contraindre ses dépenses, les administrations publiques locales voient la part de leur masse salariale progresser nettement.
Dans son rapport consacré pour la première fois aux finances publiques locales, publié en octobre 2013, la Cour des comptes a précisé que l’objectif de la loi des programmations des finances publiques 2012-2017 n’a pas été atteint, alors qu’il a été prévu une progression annuelle de la masse salariale à hauteur de 2,5%. Les dépenses de personnel des collectivités territoriales et de leurs groupements à fiscalité propre ont atteint 54,8 Mds d’euros en 2012 soit une progression de 3,3%. Cette progression s’est notamment vue dynamiser par les groupements à fiscalité propre (+8,66%), contre +3,84% dans les régions, +2,62% pour les communes très proches des départements avec une hausse de +2,59%.
Les dépenses de personnel progressent mais il existe des disparités géographiques à l’échelle de la métropole qui s’explique par la nature du territoire (urbain/rural), les politiques publiques engagées et les zones géographiques qui accueilleront les futures métropoles. La répartition des dépenses de fonctionnement des collectivités territoriales démontrent la part importante des dépenses dédiées aux frais de personnels spécifiquement pour les communes qui sont les principaux consommateurs de personnels (cf. Figure 1 – Répartition des dépenses de fonctionnement des collectivités locales en 2012) du fait des services de proximité qu’elles assurent (petite enfance, périscolaire…). La progression des effectifs de la Fonction publique territoriale liée pour partie au transfert des compétences de l’Etat (personnels des collèges et des lycées notamment) participe également à la hausse des coûts de personnels (cf. Figure 2 – Evolution des effectifs de la fonction publique territoriale).
Figure 1 – Répartition des dépenses de fonctionnement des collectivités locales en 2012
Sources : DGCL, données DGFIP
Figure 2 – Evolution des effectifs de la fonction publique territoriale
Toujours selon la Cour des comptes, 40% de l’augmentation des dépenses de personnel relèverait de politiques décidées à l’échelon national. Récemment, la revalorisation de la catégorie C a été évaluée à 816 Millions d’euros en 2014 et en 2015 par l’Association des maires de France. Ce coût élevé s’explique principalement par la représentation des agents de catégorie C dans la Fonction publique territoriale qui s’établit à 75%. La revalorisation annuelle du SMIC augmente annuellement le poids de la masse salariale des collectivités. Il en est de même de la hausse des cotisations retraite à la Caisse Nationale de Retraite des Agents des Collectivités Locales, dont la Commission consultative des normes en a estimé l’impact à 380 Millions d’euros en 2012. Plus récemment la réforme des rythmes scolaires a impliqué pour les communes de recourir à des recrutements en nombre important pour assurer l’encadrement des enfants scolarisés durant les temps d’activités périscolaires.
Dans une période non connue jusqu’alors pour les collectivités territoriales, les leviers à actionner pour maitriser la masse salariale sont multiples et impliquent une approche simultanée :
- Tout d’abord, il est question de la mise en place d’une gestion optimisée des effectifs. La mise en œuvre d’une véritable Gestion prévisionnelle des emplois et des compétences s’appuyant sur un diagnostic fin des besoins de la collectivité en fonction de ses objectifs stratégiques doit permettre un déploiement efficient des agents publics.
- Ensuite, l’organisation doit être optimisée. La vigilance de l’employeur doit pouvoir s’appuyer sur des indicateurs pertinents (absentéisme, modalités d’octroi des heures supplémentaires, variation de l’activité des services, optimisation du temps de travail) pour développer sa réactivité.
- Egalement, le maintien des politiques publiques doit être évalué pour observer si les moyens déployés correspondent bien à l’utilité de l’activité et permettre ainsi de recentrer l’action de la collectivité sur le public visé.
- Le choix de la mutualisation pourrait être étudié en veillant à ce que la massification des services n’induise pas de coût supplémentaire (alignement des régimes indemnitaires des agents transférées, coût des œuvres sociales, augmentation des effectifs au sein des services ressources…).
- Enfin, une politique managériale engagée doit permettre une plus grande maitrise de la masse salariale. Le recours à des formes de gratification pour récompenser un travail de qualité et, par voie de conséquence, le service rendu s’avère-t-il efficient dans la conduite d’une politique publique ? C’est à ce dernier point que s’attachera à traiter le présent mémoire.
Après cinq années de gel continu du point d’indice, la nécessité pour les collectivités de recruter des agents impliqués, de les inciter à l’effort et de réduire leur rotation dans un souci de réduction des coûts induits par le recrutement, la formation et l’adaptation aux postes impliquent, entre autres, la mise en place de systèmes de rémunération attractifs. Le régime indemnitaire et les avantages en nature doivent pouvoir compenser la responsabilité de l’agent, la technicité requise pour exercer les missions et enfin les résultats atteints pas l’agent.
Dans une première partie, seront analysées les composantes de la rémunération dans la fonction publique territoriale et plus spécifiquement les leviers traditionnels ainsi que les nouveaux dispositifs susceptibles d’être appliqués collectivement et individuellement. Puis, seront étudiés les enjeux de la mise en place d’un système de rémunération au mérite dans une organisation, mais aussi les atouts, les faiblesses et les impacts d’un tel système sur les agents, les équipes et plus globalement la qualité du service rendu aux usagers. Un Benchmarking sera intégré dans cette première partie pour s’intéresser aux compléments de rémunération applicables dans la plusieurs pays de l’Union Européenne.
Dans une seconde partie, des analyses empiriques seront réalisées à l’aune d’une enquête réalisée auprès de collectivités ou d’établissements publics ayant adopté un système de rémunération au mérite. Cette étude empirique devrait permettre d’apprécier l’efficacité des dispositifs mis en place par ces institutions territoriales.
Partie 1. La rémunération au mérite dans la fonction publique territoriale
1.1 Concepts clés
Avant de parler du concept de « rémunération au mérite », il convient de se pencher d’abord sur quelques notions importantes se rattachant à ce sujet, dont celles de motivation, de performance, d’efficacité et d’efficience dans la fonction publique.
1.1.1 Motivation (de travailler au sein) de service public
D’abord, la motivation peut être définie (définition de Pinder, 1998, et reprise par Atzori et Battistelli, 2008) « comme une force qui oriente, soutient et dirige le comportement visant à réaliser les objectifs précédemment définis »[3]. A travers notamment cette définition, quelques éléments sont mis en évidence dans la notion de motivation :
- Un ou plusieurs besoins, étant donné que l’individu concerné est motivé de manière spontanée en tenant compte de certains besoins. En d’autres termes, une motivation est surtout relative à des besoins qui sont alors les raisons qui induisent les comportements ou les actions de l’individu en question ;
- Un ou plusieurs objectifs, ou un « mobile » qui soutient le sens des actions réalisées par l’individu. Ainsi, ce sont les objectifs qui orientent la direction de la motivation de cet individu ;
- La personnalisation ou l’individualisation de la motivation, d’autant plus qu’un individu peut être mû par des besoins sensiblement différents par rapport à ceux d’un autre individu. De plus, deux personnes ressentant un même besoin peuvent éprouver des niveaux d’intensité différents pour celui-ci.
Il apparait donc que la motivation devrait être appréhendée comme un processus vécu par l’individu concerné. En tout cas, l’abondance de la littérature sur le sujet démontre l’intérêt de celui-ci notamment dans le monde du travail ; mais plusieurs des auteurs ayant travaillé sur ce sujet (dont Virginie Forest) Dans le cadre restreint du secteur public, Perry et Wise (1990), cités par Forest (2008) donne la définition de la motivation comme suit : « prédisposition individuelle à répondre à des motifs portés en premier lieu, sinon uniquement, par des institutions et organisations publiques »[4]. Par « prédisposition », il faut donc entendre une préférence manifeste pour le secteur public, par opposition à une motivation pour la sphère marchande.
Céline Desmarais et Claire Edey Gamassou (2012) distinguent d’ailleurs quelques notions pouvant être associées à la motivation pour le secteur public[5] :
- D’abord, il y a la notion de valeurs que certains auteurs (comme Rainey, 1982, ou encore Staats, 1988) associent à des approches telles que « l’éthique » ou « la moralité »). Mais, cette notion diffère de la motivation par le fait que cette dernière insiste surtout sur une orientation gestionnaire (plutôt qu’à des concepts normatifs) des actions pour se ramener aux améliorations recherchées dans le service public.
- Ensuite, il y a la « motivation de service public » définie (par Tremblay et Wils, 2005) comme étant « le fait d’inciter les employés de travailler ensemble en vue de réaliser un objectif commun ou un projet collectif»[6]. Ce concept (de motivation de service public) se réfère à une approche de motivation par le besoin et implique par conséquent à une dimension intrinsèque de la motivation des travailleurs considérés.
- Finalement, il y a le concept de motivation prôné par l’école du Choix public ainsi que par les tenants des théories du choix rationnel (Dunleavy et Hood, 1994, avec le New Public Management). Ce concept met alors en exergue la dimension extrinsèque de la motivation. La mise en œuvre de la rémunération à la performance pourrait être considérée comme une composante principale d’une telle motivation, vivement critiquée dans la littérature comme comportant plusieurs effets (supposés) négatifs.
C’est surtout dans le cadre de ce dernier concept que la notion de performance tient son rôle central.
1.1.2 La performance
Le droit public français a connu pour la première fois le terme « performance » dans la Loi organique sur les lois de finances (LOLF) en 2001[7], constituant un tournant majeur pour le management public. Ainsi, il s’agissait de gérer la dépense publique en cherchant davantage d’efficacité sur la base de certains critères de performance. Plusieurs composantes ont d’ailleurs caractérisées cette performance recherchée dans le service public, à savoir entre autres :
- La fixation d’objectifs à atteindre, des objectifs définis d’abord de manière globale (pour un service donné), puis de façon individuelle pour chaque fonctionnaire (composant ce service) ;
- La définition d’un certain nombre d’indicateurs associés à chaque objectif spécifiquement fixé pour pouvoir mesurer l’atteinte de ce dernier (et les éventuels écarts entre l’objectif et la réalisation) ;
- La production régulière de rapports (essentiellement, annuels) pour pouvoir suivre les évolutions des résultats obtenues en termes d’efficacité ;
- L’optimisation de l’utilisation des ressources engagées pour atteindre les résultats : il s’agit alors d’une question « d’efficience », c’est-à-dire une recherche de meilleurs résultats à moindres coûts. D’ailleurs, la Circulaire du 7 juillet 2008 relative à l’organisation de l’administration départementale de l’État définit la « performance » comme « la meilleure prestation à moindre coût»[8].
La question de performance peut être appréciée comme une sorte de convergence entre le management public et le management privé, le concept de performance étant un outil familier des gestionnaires dans les sociétés commerciales. Ainsi, l’introduction du terme « performance » dans la sphère publique conduit à un rapprochement de la culture financière de l’administration publique avec celle de l’entreprise : les salariés de cette dernière sont habitués à être payés suivant leur performance.
1.1.3 Salaire d’efficience
Les théories du salaire d’efficience (développées notamment par Arkelof, Yellen, ou encore Leibenstein, 1957) discutent entre autres la relation entre le salaire et l’efficience, en d’autres mots, l’effort engagé (par un individu dans le cadre de son travail) et la rémunération conséquente associée. De telle discussion part des théories sur les liens existant entre le salaire et la productivité, dont avec la théorie néoclassique affirmant que le (niveau de) salaire est déterminé par la loi du marché du travail, c’est-à-dire de la confrontation de l’offre et de la demande (de travail). Cela suppose alors que la demande de travail (qui émane des employeurs) est une fonction de la productivité marginale du travail, ce qui devrait permettre de déterminer de manière simultanée le niveau de l’emploi d’une part, et le niveau de salaire d’autre part. Dans ce sens, c’est le salaire qui dépend de la productivité[9].
Cependant, il a été expliqué par certains auteurs (dont Leibenstein, 1957) que pour qu’un salarié travaille plus efficacement, il faut que celui-ci dispose d’une ressource adéquate, c’est-à-dire qu’il doit être rémunéré correctement. Le sens de la liaison entre salaire et productivité est ici renversé. Ainsi, l’écriture de la fonction de production d’une firme insiste sur le fait que le salaire d’efficience soit la solution devant maximiser le profit de cette firme[10], ce qui implique que l’intensité du travail (ou l’effort engagé) dépend du salaire. Même de manière tautologique, il s’agit alors d’une représentation (assez simplifiée) du fondement du concept de rémunération au mérite, mettant en exergue l’individualisation du salaire.
1.1.4 La rémunération au mérite
Anne de Bayser et al (2004) définissent la rémunération au mérite comme suit : « augmentations de salaire individuelles fondées sur la performance du salarié, performance évaluée individuellement au cours d’une période de temps antérieure »[11]. Il s’agit donc d’une augmentation marginale du salaire en considérant la variable « performance ». Ces auteurs donnent quelques caractéristiques principales de cette rémunération au mérite[12] :
- Ce type de rémunération est associé à la « performance réelle », par opposition à « performance potentielle », c’est-à-dire au regard des résultats visibles et/ou mesurables obtenus ;
- La rémunération au mérite se base sur d’évaluations subjectives de la performance, des évaluations dépendant des jugements/appréciations d’un ou de quelques responsables hiérarchiques. Dorénavant, à la différence de la définition de la performance dans le secteur privé, l’appréhension de la performance dans le service public est de moins en moins objective.
- Cette rémunération s’appuie sur une évaluation globale de manière historique (de la performance) et non (seulement) sur une appréciation ponctuelle. La performance est donc évaluée sur une période déterminée.
L’une des idées de base servant d’argument pour l’instauration de la rémunération au mérite dans la fonction publique est issue des fortes critiques attribuées au service public. Ces critiques pointent du doigt les fonctionnaires comme étant inefficaces, démotivés et lents. La raison de ces caractères péjoratifs serait le manque d’incitation à la performance à l’endroit de ces fonctionnaires : même si ces derniers « décident » de ne pas réaliser plus d’effort et de rester ainsi dans l’inefficacité, ils sont protégés contre toute sanction avec le salaire fixe et la sécurité de l’emploi. En outre, la fonction publique n’est pas attractive pour les chercheurs d’emploi car les meilleurs employés trouveraient dans le secteur privé des emplois dont la productivité serait rémunérée à sa juste valeur. En se basant sur la théorie de l’agence (de Jensen et Meckling, 1976, cités par Darine Bakkor, 2013), dans le contrat liant le principal (l’employeur public) et l’agent (le fonctionnaire), ce contrat est soumis à la double contrainte de l’aléa moral et de la sélection adverse[13].
En effet, d’un côté, le principal n’est essentiellement informé que des résultats finals des actions de l’agent et non nécessairement des composantes des tâches réalisées par ce dernier, d’où une asymétrie d’information. Or, il existe une sorte de conflit d’intérêt entre les deux acteurs : plus l’agent réalisera moins d’effort (donc à son intérêt), moins le principal obtiendra de meilleur résultat. Désormais, il est question de délégation de tâche, c’est-à-dire que l’agent est sollicité pour effectuer des efforts dont la finalité va être au bénéfice du principal ; l’agent ne s’intéresse qu’à la rémunération qui ne dépendra pas du niveau d’effort qu’il va engager. L’agent pourrait exploiter cette asymétrie d’information à son propre profit et contre celui du principal puisque désormais sa rémunération est fixe (n’est pas liée à une variable). Ainsi, l’agent peut employer des moyens permettant d’obtenir de meilleurs résultats pour les tâches particulières auxquelles il a été engagé, même si ces moyens pourraient nuire aux intérêts du principal (dans des cadres en dehors de ces tâches particulières, par exemple). Il s’agit alors d’un opportunisme ex-post de l’agent dont l’un des facteurs responsables est la fixité de la rémunération déterminée préalablement.
D’un autre côté, il y a aussi un problème majeur qui se pose dans la sélection de l’agent à qui le principal devrait confier les tâches pour son propre compte, toujours en termes d’asymétrie d’information. En fait, il existe de « bons » et de « mauvais » agents (des agents performants et des non-performants) sur le marché du travail, mais le principal n’a pas les moyens de déterminer exactement si un agent est bon ou mauvais (seul ce dernier le sait). Les bons agents devraient être rémunérés avec un salaire élevé tandis que les mauvais ne devront recevoir qu’une faible rémunération ; or, l’hypothèse insiste sur la fixité de la rémunération. Pour inclure alors le risque de contractualiser avec un mauvais agent, le principal va fixer une rémunération qui est la moyenne de ce que recevra un bon et un mauvais agent, c’est-à-dire inférieure à celle qu’un bon agent devrait s’attendre (et supérieure à celle d’un mauvais agent). En conséquence, les bons agents quittent ce marché et seuls y resteront de mauvais agents. D’où le problème de sélection adverse, avec un opportunisme ex-ante de l’agent.
En somme, au regard de cette théorie de l’agence, le principal a intérêt d’élaborer un contrat qui insiste sur la liaison entre la « performance » de l’agent et sa rémunération.
Il faut dire que la performance d’un salarié dépend d’un ensemble de facteurs[14], ceux-ci pouvant être regroupés en deux catégories. D’un côté, il y a l’organisation du travail où le salarié considéré devrait être en mesure de développer une performance accrue s’il occupe un emploi correspondant à ses compétences (facteurs extrinsèques). D’un autre côté, il y a les attitudes et les comportements du salarié, c’est-à-dire des facteurs essentiellement intrinsèques. L’essentiel des débats concernant la rémunération au mérite tourne pour la plupart autour d’une question : ce type de rémunération permet-il vraiment d’affecter de façon positive et significative la motivation du salarié (dans son travail), d’accroitre sa performance et in fine, d’améliorer la qualité du service public ?
Il y a des auteurs qui répondent à cette question par l’affirmative, comme Bruno Sire (2000), cité par Bayser et al[15]. Il est ainsi supposé que plus un individu adhère aux valeurs collectives d’une organisation, plus il accepte la « justice » instaurée à l’intérieur de cette organisation. En revanche, ce sentiment de justice pourrait être substantiellement influencé par la comparaison réalisée par cet individu à son ratio « rétribution/contribution » avec ceux des autres membres de l’organisation. Si le niveau d’implication d’un individu dans l’organisation dépend de « l’équité interne » (entre les membres de cette même organisation), la fidélisation de cet individu est surtout conditionnée par « l’équité externe » (par rapport à d’autres individus dans d’autres organisations).
Entretemps, la littérature sur la Motivation de service public a été développée dans un esprit en opposition avec la volonté d’inciter les agents publics à produire plus d’effort en utilisant des stimulants économiques[16]. L’essence de cet argument contre la rémunération au mérite se situe sur le fait que les humains sont principalement motivés à maximiser leurs intérêts, plutôt que les intérêts généraux lorsque ces deux intérêts sont exclusifs les uns des autres. Ainsi, l’utilisation de la rémunération à la performance pourrait altérer les composantes intrinsèques de la motivation des fonctionnaires. En fait, la Motivation de service public (utilisant nécessairement des éléments intrinsèques) a pour ambition « d’inciter les employés à travailler ensemble en vue de réaliser un objectif commun ou un projet collectif »[17]. Avant de s’étaler sur les différentes critiques du système de rémunération au mérite, il est important de parler d’abord des principaux moyens utilisés par l’administration publique française dans l’application de ce système au fil du temps.
1.2 Les composantes de la rémunération dans la fonction publique territoriale
Avant d’appréhender les différents leviers utilisés dans le système français en matière de rémunération au mérite, il convient de survoler les composantes de la rémunération des agents publics en général, et de ceux des collectivités territoriales en particulier. En fait, la rémunération des fonctionnaires français est composée d’éléments obligatoires et d’éléments facultatifs.
D’un côté, les éléments obligatoires de la rémunération des fonctionnaires sont :
- Le traitement brut ou indiciaire qui est fixé suivant le grade de l’agent considéré et de son emploi ou bien de son échelon. A chaque grade (du fonctionnaire) est associée une échelle indiciaire, permettant ainsi de calculer le traitement brut. Le traitement minimum au niveau de la fonction publique ne peut descendre en dessous du Salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC) ;
- L’indemnité de résidence qui a été établie pour la compensation des différences de coût de vie entre les lieux de résidence des fonctionnaires ;
- Le supplément familial de traitement qui se décompose en élément fixe et élément variable proportionnel au traitement brut. L’élément proportionnel varie selon le nombre d’enfant à charge du fonctionnaire considéré ;
- La nouvelle bonification indiciaire qui est versée par mois et associée à des emplois dont l’exercice comporte une technicité ou une responsabilité particulière. Cet élément de la rémunération est censé améliorer la rémunération en octroyant un supplément de points d’indice.
D’un autre côté, les éléments facultatifs sont :
- Les avantages en nature permettant un meilleur exercice de la fonction par un agent. Ainsi, l’administration peut accorder à un fonctionnaire occupant un certain emploi d’avantages particuliers tels que logement de fonction ou véhicule de fonction ;
- Le régime indemnitaire regroupant des indemnités et des primes très diverses. Il est important de mentionner que le versement d’indemnités ou de primes n’est pas de droit. Pour les fonctionnaires territoriaux, c’est donc la collectivité de leur rattachement qui fixe la liste des indemnités et les conditions de versement ainsi que leur limite. Bien qu’il n’existe pas de classement officiel concernant le régime indemnitaire, il est possible de distinguer :
- Les indemnités/primes associées à des sujétions de service spécifique, des contraintes professionnelles particulières (telles que primes d’encadrement, primes informatiques, etc.) ;
- Les indemnités/primes destinées à faire hausser la rémunération d’un agent particulier en tenant compte de la valeur professionnelle de celui-ci, de sa technicité, de ses responsabilités (indemnité d’administration et de technicité, primes de services et de rendement, etc.) ;
- Les remboursements d’éventuels frais.
Pour les fonctionnaires non-titulaires, leurs rémunérations sont fixées de manière contractuelle. Par le fait qu’ils ne sont pas liés à des grades mais à des emplois, ces rémunérations ne sont associées à aucun indice. Le principe général veut qu’un agent contractuel (non-titulaire) soit rémunéré en référence à la rémunération que devrait percevoir un fonctionnaire dans une situation équivalente. La composition de la rémunération d’un tel agent devrait être la même que celle des fonctionnaires (traitement, supplément familial, etc.).
Plusieurs composantes de la rémunération d’un fonctionnaire (territorial ou non) peuvent alors être considérées comme constituant des éléments de rémunération au mérite. Il en est par exemple de la nouvelle bonification indiciaire, ainsi que de multiples indemnités et primes. Par ailleurs, des observateurs critiquent des situations auxquelles des indemnités prévues sont déviées de leur objet et ne sont plus employées en tant que simples suppléments de rémunération. Par exemple, dans certains services, les primes de rendement sont accordées de façon uniforme, ne tenant plus compte des résultats des agents concernés ; il en est aussi des primes de sujétion accordées alors qu’il n’y a aucune sujétion particulière correspondante à ce supplément de rémunération[18].
1.2.1 Des leviers traditionnels pour prendre en compte le mérite
Principalement, la fonction publique française utilise deux importantes catégories de leviers pour attirer et fidéliser des agents :
- D’un côté, il y a les leviers relatifs au cadre de travail : ceux-ci concernent alors les modes de management ainsi que le projet du service, de la direction ou bien de la collectivité. Ces leviers pourraient constituer de très importants facteurs de motivation pour les fonctionnaires, d’autant plus que ce cette catégorie de leviers mise surtout sur des éléments intrinsèques ;
- D’un autre côté, il y a les leviers financiers dont font partie les compléments de rémunération. Ces derniers peuvent être individuels (tels que le régime indemnitaire, de divers avantages en nature, etc.) mais peuvent aussi être définis suivant des principes plus collectifs (tels que les indemnités de fin de carrière, l’épargne salariale, la prestation sociale, etc.).
Les compléments de rémunération sont souvent considérés comme un élément clé dans la politique salariale globale. Que ceux-ci soient définis de manière individuelle ou suivant des règles collectives, il faut reconnaitre qu’ils rentrent dans le cadre de l’individualisation de la rémunération. Ainsi, Anne de Bayser et al (2004) semblent vouloir transcrire la volonté de l’Etat à mettre en place un système de rémunération au mérite en affirmant que « chaque agent doit être rétribué pour les compétences effectives qu’il mobilise dans l’emploi qu’il occupe, aussi bien que pour les efforts qu’il accomplit dans son travail, efforts qui se traduisent par une performance individuelle et/ou par la contribution à une performance collective ».[19] D’ailleurs, la rémunération au mérite s’illustre dans cette individualisation qui s’appuie essentiellement sur la définition et l’atteinte des objectifs individuels de chaque agent. Ainsi, la question « d’évaluation » est devenue centrale avec des enjeux majeurs étant donnés les résultats attendus de chacun des agents de l’Etat, et des objectifs de performance globale attendue de la fonction publique dans son ensemble (dans un contexte caractérisé par une tension concernant les finances publiques).
1.2.1.1 Système d’évaluation sur la base de notation
Plus historiquement, et traditionnellement, c’est sur le système de notation que se fonde l’essentiel de l’évaluation des fonctionnaires. Pendant des années, la valeur professionnelle de chacun des agents publics est contrôlée par sa hiérarchie tout au long de la carrière de cet agent. Cette notation se compose de deux grands éléments : d’une part, elle comprend une note chiffrée allant de 0 à 20 attribuée annuellement par son supérieur hiérarchique pour traduire la manière de servir de l’agent et, d’autre part, elle est accompagnée d’une appréciation générale (toujours de son supérieur hiérarchique)[20]. Il faut mentionner que les notes ainsi attribuées sont tenues en compte dans l’évolution de la carrière de l’agent, pour son accès à un échelon ou un grade supérieur, et donc au niveau de sa rémunération.
Théoriquement alors, le système de notation individuelle devrait permettre une meilleure évaluation de chaque fonctionnaire, et ensuite faire refléter les résultats de cette évaluation sur la rémunération. L’avancement des fonctionnaires devrait alors prendre en compte les notes pour faire correspondre les performances effectives de ces agents et leurs efforts engagés. Cependant, les nombreuses contestations qui émanaient des syndicats et des agents eux-mêmes semblent illustrer la grande imperfection de ce système de notation, alors que « la notation [est un] acte invisible, [et] demeure un domaine traditionnel du pouvoir discrétionnaire de l’administration »[21].
Il faut reconnaitre que c’est surtout la pratique administrative qui a empêché la notation d’atteindre son efficacité, c’est-à-dire que le problème semble se situer nécessairement sur l’utilisation de l’outil (de notation). En effet, il est d’usage dans la plupart des administrations de garder une amplitude relativement faible des notes attribuées à leurs agents, faisant alors en sorte que ces notes avoisinent presque toujours la note maximale. Ainsi, il est possible de parler d’échec du système de notation, et de celui de l’évaluation en général. Cette impasse se traduit alors par une question légitimement posée : ne serait-il pas plus profitable (pour le service public) de procéder à une évaluation des fonctionnaires sur la base de leurs performances, en utilisant cette fois et de manière plus directe, une correspondance entre ces performances « mesurées » à l’aune des résultats obtenus et une part de leur rémunération ?
1.2.1.2 L’entretien d’évaluation
Il ne s’agit pas de dispositif de rémunération au mérite à proprement parler, mais plutôt un moyen destiné tout de même à évaluer la « performance » de chaque fonctionnaire. La notion de « performance » tient ensuite une dimension transversale se rattachant à des dispositifs explicitement mis en place pour rémunérer « à la performance ». Le principe du dialogue réalisé de façon régulière entre employeur et employé, entre un agent et son supérieur hiérarchique, est originaire des Etats-Unis. Théoriquement, l’entretien individuel comprend :
- Un entretien d’évaluation destiné à établir un bilan d’une période (un exercice) et à définir des objectifs de performance pour la nouvelle période à venir ;
- Un entretien professionnel dans une visée d’orientation des activités professionnelles de l’agent en tenant compte de son projet et de ses besoins en formation en l’occurrence.
Le pouvoir réglementaire a mis en place l’entretien d’évaluation en 2002, un entretien devant alors être mené par le supérieur hiérarchique[22]. Le dialogue devrait donc porter sur les résultats professionnels obtenus par l’agent vis-à-vis des objectifs fixés et des conditions de travail (l’organisation et le fonctionnement du service) ; c’est aussi une occasion de parler des perspectives d’évolution professionnelle de l’agent. L’entretien d’évaluation n’écartait pas définitivement le système de notation puisqu’il a été possible de tenir compte de la notation dans cet entretien. Il est possible de parler de bilan assez positif concernant la mise en œuvre de cette évaluation : le rapport établi par un comité d’enquête du 2008 a alors conclu que l’administration française « s’est dotée de dispositifs déployés à grande échelle, porteurs d’une culture conciliant la reconnaissance de ce que l’on baptisait autrefois le mérite, (aujourd’hui plus volontiers le résultat ou la performance) et la préoccupation d’équité »[23].
En revanche, dès lors que le pouvoir réglementaire a tenté de rénover le système de notation en le faisant rattacher à l’évaluation ainsi mise en place, cette manœuvre n’a pas vraiment abouti à un succès. En effet, il en résulte que l’indifférenciation des agents quant à leurs notes est persistante, celles-ci restant concentrées autour de la note maximale. Il existe toujours une relative indépendance entre la notation d’une part, et l’avancement de carrière avec l’évolution en termes de rémunération en conséquence d’autre part. En somme, les états des lieux semblent plaider pour une suppression de la notation, remplacée entre autres par le système d’entretien d’évaluation. Cette suppression fut ensuite annoncée plusieurs années plus tard pour les fonctionnaires territoriaux[24].
A partir de 2007 et durant trois ans, l’utilisation de l’entretien d’évaluation comme mesure de performance en remplacement de la notation entre dans une phase expérimentale dans la fonction publique[25]. L’un des objectifs assignés au nouvel outil (l’entretien d’évaluation) clairement explicité étant « d’éviter l’attribution systématique de notes très élevées qui ne permettent pas d’accorder des réductions d’ancienneté aux fonctionnaires les plus méritants »[26]. La durée de l’expérimentation a ensuite été prolongée, avec une extension du système à la fonction publique territoriale[27]. Avec une logique renversée où l’entretien d’évaluation devient la règle et la notation l’exception, celui-ci fut alors établi en tant que régime commun d’évaluation en remplacement du système de notation, à compter du janvier 2012. Jusqu’à la confirmation de la généralisation du nouveau dispositif en 2014 (mis en vigueur à partir de janvier 2015), il restait toujours dans une phase d’expérimentation pour la fonction publique territoriale, au regard d’un autre prolongement de cette phase par la loi du 5 juillet 2010.
Des majorations ou bien des réductions d’ancienneté peuvent d’ailleurs être attribuées, au regard de l’ancienneté moyenne prévue par le statut du corps considéré pour l’accès à l’échelon supérieur[28]. Ainsi, de manière plutôt indirecte et progressive, il a été établi un lien entre les entretiens professionnels et le niveau de rémunération des fonctionnaires.
1.2.1.3 La rémunération à la performance individuelle et collective
La volonté de faire interagir la rémunération avec la pratique professionnelle est née aux Etats-Unis au cours des années 80. Ensuite, cette optique a été relayée par l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE). C’est au début du XXIème siècle que ce concept de rémunération au mérite a surtout été pris au sérieux, avec la réflexion que les modalités de rétribution des fonctionnaires dépendent plus des résultats de l’évaluation de leur performance que de l’ancienneté. Progressivement, les dispositifs de rémunération basés sur la performance des agents ont été instaurés de manière individuelle, puis complétés par des outils faisant intervenir l’intérêt collectif.
Voici une brève chronologie des actions prises dans la mise en place de ces dispositifs :
- En 2003, les initiatives ont été prises avec l’instauration de primes liées à la performance et aux résultats, toujours sous forme expérimentale dans certains secteurs, dont la Justice (pour les magistrats à condition d’un bon fonctionnement de l’institution judiciaire : trois décrets du 26 décembre 2003).
- En 2004, mise en cause des hauts fonctionnaires des administrations centrales avec l’instauration d’indemnité de fonction et de résultat, prenant alors en compte la manière de servir de ces agents (décret 2004-1082 du 13 octobre 2004)[29].
- En 2005, les personnels des services du Premier ministre bénéficient d’une allocation de responsabilité et de résultats (décret 2005-197 du 31 mars 2005).
- En 2006, création d’une indemnité de performance pour des directeurs d’administrations centrales, tenant alors en compte les résultats obtenus par ces agents vis-à-vis des objectifs définis par le Ministère concerné (décret 2006-1019 du 11 août 2006). La prise de cette disposition a ouvert la voie à la généralisation progressive de la rémunération à la performance.
- En 2008, déclaration de l’instauration (généralisée) de la rémunération à la performance dans la fonction publique. La Prime de fonction et de résultat (PFR) a ensuite été mise en place de manière expérimentale (décret 2008-1533 du 22 décembre 2008 relatif à la prime de fonctions et de résultats).
Concernant alors plus de 200 000 fonctionnaires en 2009, la PFR s’appliquait à l’ensemble des cadres de l’Etat à partir de 2011. En outre, il apparait que la loi semble vouloir contraindre les collectivités territoriales à appliquer aussi ce dispositif de PFR : par exemple, en 2010, lorsque les employeurs territoriaux ont été obligés de basculer dans ce nouveau dispositif à partir du moment où ils procèdent à la modification du régime indemnitaire d’une catégorie de leurs employés dont les corps de référence sont soumis à la PFR[30].
1.2.1.4 Principes de base et enjeux de la prime de fonctions et de résultats
La rémunération d’un fonctionnaire est alors composée de deux parties : une partie fixe et une partie proportionnelle (constituée des primes attachées à la partie fixe). La première est d’ailleurs destinée à établir l’équité, une notion très importante de sorte que le concept de rémunération au mérite puisse s’asseoir sur des bases qui seraient considérées par les intéressés comme « justes ». Cette équité devrait permettre une perception et une acceptation de la légitimité de la rémunération d’un fonctionnaire par rapport à ses collègues de service (équité interne) et par rapport à d’autres fonctionnaires d’autres services (voire par rapport à des salariés d’une entreprise comparable à l’organisation dans laquelle le fonctionnaire considéré est employé).
En fait, dès la conception du projet en 2004, il a été estimé qu’il n’est pas sans risque que tous les éléments composant la rémunération soient variables (sans partie fixe). Trois effets pervers d’une variation trop importante de la rémunération ont alors été identifiés[31] :
- Découragement de candidats potentiels au service public, le vivier de candidats ainsi constitué ne comporterait que des individus « sans foi, ni loi ».
- La mise en place d’une culture axée exclusivement sur l’atteinte des résultats, et cela à n’importe quel prix. Un des effets néfastes associés à cette culture exclusive de résultat est l’asservissement de l’équipe d’un service au seul intérêt (nécessairement personnel) du directeur pour obtenir sa faveur dans la rémunération.
- La neutralisation systématique d’une part variable trop importante pendant l’entretien d’évaluation : « il n’est pas facile de laisser un cadre dirigeant qui n’aurait pas atteint tous ses objectifs se débrouiller avec sa seule médiocre part fixe».
A l’inverse, une « trop faible » variation de la rémunération serait insignifiante pour influencer la motivation des fonctionnaires, et in fine, la qualité de leurs prestations. Il a donc été proposé sur le plan théorique qu’une variation de l’ordre de 20% devrait être optimale[32]. La part variable de la rémunération devrait être octroyée sous forme de bonus ponctuel associé à l’atteinte d’objectifs préalablement définis et communiqués aux intéressés. En principe, ces bonus devraient être versés pour une période (l’année, en l’occurrence) et ne devraient pas être intégrer dans la base de rémunération pour la période suivante. Au début de la discussion sur le sujet, il a été prévu de ne pas mettre en place un barème continu (allant donc de 0 à 20%) mais plutôt un système discontinu fonctionnant par marche de 5% par exemple (par conséquent, les possibilités d’attribution sont de 5%, 10%, 15% et 20%). Cela devrait permettre d’éviter la tentation forte de généraliser un niveau de prime autour de la moyenne (10%) de manière systématique (pour éviter de retomber dans l’échec qu’a connu le système de notation). En tout cas, le principe retenu semble pencher sur un système d’attribution qui se base essentiellement sur la multiplicité des primes et indemnités accordées dans diverses circonstances.
En outre, la mise en œuvre du système de rémunération au mérite dans la fonction publique est confrontée à quelques risques majeurs :
- L’instauration de ce système pourrait créer une sorte de compétition entre les salariés ; cela risque alors de détériorer la coopération entre ces derniers, ce qui impliquerait une détérioration de la qualité des prestations offertes par les services publics dans son ensemble ;
- Les dispositifs établis dans ce sens pourraient aussi occasionner une importante dégradation des relations entre les supérieurs hiérarchiques et leurs subordonnés dans le cadre du travail. Ainsi, il ne faut pas oublier que, de manière analogue au système de notation, l’évaluation des performances des fonctionnaires se base principalement sur les appréciations (essentiellement subjectives) de la manière de servir de ces agents dans leur travail ;
- Il faut aussi parler d’un conflit d’intérêt : une bonne gestion de la fonction publique cherche à satisfaire l’intérêt général. Or, dans l’exercice de sa fonction, un agent de l’Etat motivée par une gratification financière aura tendance à servir en vue de ses intérêts particuliers. « La finalité passe de l’être à l’avoir ; il ne s’agirait plus de servir mais de se servir»[33].
- L’existence des primes à la performance est susceptible d’inciter les fonctionnaires à ne se concentrer que sur des tâches quantifiables. Cet argument se repose sur le concept de « multitâches » (de Holmstrom et Milgrom, 1991, cités par Maya Bacache-Beauvallet, 2006) : dès lors qu’un employé doit consacrer son temps de travail à une parmi plusieurs tâches, il est amené à faire un arbitrage entre les avantages et les coûts relatifs à chacun de ses tâches[34]. En considérant par exemple deux tâches, si la première est relativement facile à mesurer (et donc à rémunérer) par rapport à la deuxième (qui est donc difficile à valoriser en termes de salaire) qui est seulement payée suivant l’indicateur relatif à la première, les employés seront de moins en moins incités par cette deuxième tâche. Dans le service public, ce cadre prend une dimension particulière puisque les objectifs sont difficiles à définir et à mesurer, pour la plupart des cas : la mesure de la performance suit aussi cette difficulté. Dans le cadre de la rémunération à la performance, lorsque des indicateurs (de performance) sont définis, les fonctionnaires seront incités à chercher à seulement améliorer ces indicateurs par « tous les moyens ». Cela pourrait alors nuire à plusieurs éléments qui n’ont pas de liens directs avec ces indicateurs, et l’objectif réel du service pourrait même ne pas être pris en compte dans l’accomplissement des tâches. Il peut même arriver que des fonctionnaires concentrent leurs efforts sur un objectif en négligeant d’autres si le premier (objectif) présente des indicateurs plus privilégiés (en termes d’avantages et de coûts dans l’accomplissement des tâches).
- Les primes à la performance sont susceptibles d’inciter les fonctionnaires à se détourner du principe égalitaire et ainsi d’exclure certains usagers. En fait, il est possible de concevoir le service public comme co-production entre le fonctionnaire réalisant les tâches relatives à son emploi d’une part, et l’usager bénéficiaire de la prestation du fonctionnaire. Ainsi, la performance du fonctionnaire est en quelque sorte liée ou dépendante de celle de l’usager, c’est-à-dire que la productivité du premier dépende (même en partie, suivant l’intensité du lien de la co-production) de celle du second. Pour améliorer la santé, le capital humain ou bien l’ordre d’une société, il faut à la fois l’effort du fonctionnaire et celui de l’usager. Avec l’existence d’une prime à la performance, le fonctionnaire serait encouragé à « choisir » comme partenaire (dans la co-production) les usagers les plus productifs, puisqu’ils sont relativement plus rémunérateurs. En réalisant un arbitrage entre l’égalité entre les différents usagers et l’efficacité, le fonctionnaire sera tenté d’écarter, de léser les usagers qui lui impose l’obligation d’engager des efforts relativement plus significatifs pour satisfaire les critères de mesure relatifs aux objectifs à atteindre (pour être rémunéré plus). Maya Bacache-Beauvallet(2006) préconise alors de faire varier la prime à la performance de manière inverse à l’intensité de la co-production (entre l’usager et le fonctionnaire) dans un souci d’égalité entre les différents usagers[35].
- « Le principe d’’évaluation des agents sur leurs performances associé à des gratifications financières se révèle en décalage avec la culture professionnelle française et avec les valeurs de la fonction publique»[36]. En fait, il est à rappeler que la gratification financière associée à la performance des fonctionnaires provient de la culture anglo-saxonne. Ainsi, il est possible de voir le contraste entre la culture états-unienne dont le mangement s’appuie essentiellement sur le concept de « contrat royal » entre les acteurs d’une organisation, d’une part, et la culture professionnelle française qui repose surtout sur la « logique d’honneur ». En effet, dans le « contrat royal » qui détaille les règles d’organisation et les objectifs, l’application de l’évaluation de la performance et de la rémunération au mérite est légitime, même dans la fonction publique. En revanche, la « logique d’honneur » insiste sur la motivation intrinsèque des individus dans la réalisation de leurs tâches : la question de représentation, d’interprétation, d’intériorisation ne serait pas en adéquation avec des principes misant sur des éléments de motivation extrinsèques.
- Finalement, la mise en œuvre de la PFR risque d’enfreindre le principe relatif à l’égalité de traitement qui est un principe général du droit (de la fonction publique, en l’occurrence). Pour atténuer ce risque, l’existence de critères objectifs de différenciation doit être impérative.
1.2.1.5 Bilan de la mise en œuvre de la PFR
Au niveau des résultats de la mise en œuvre du système de rémunération à la performance, un rapport de 2015 présente un bilan aussi bien positif que négatif du PFR en particulier. Pour le bilan positif[37] :
- Le rapporteur a affirmé que « la PFR a constitué un levier de revalorisation indemnitaire» et sa mise en œuvre a permis à « la majorité des personnels concernés » de bénéficier d’un gain financier. Autrement dit, sans parler d’abord de la question d’équité (c’est-à-dire de la comparaison des rapports effort/rémunération des différents fonctionnaires), la plupart de ceux qui ont alloué d’importants efforts ont été récompensés à leur juste valeur. Mais il faut reconnaitre que cela n’empêche pas que ceux qui n’ont pas réalisé d’efforts comparables à ceux qui se sont engagés fortement ont pu percevoir aussi de rémunération équivalente à ces derniers ;
- Le rapport souligne aussi que la PFR était un outil de convergence et de simplification indemnitaire, permettant ensuite à une plus grande harmonisation entre différentes institutions publiques. Cette harmonisation devrait alors favoriser la synchronisation des pratiques, et les agents soumis à de responsabilités équivalentes ont pu bénéficier d’un même niveau indemnitaire ;
- Finalement, l’utilité de la PFR en tant qu’instrument de gestion des ressources humaines a été également démontrée : « l’exercice de cotation des postes a permis une cartographie fine des emplois et la définition de parcours professionnels».
Mais, des faiblesses de la PFR ont été aussi présentées[38] :
- D’abord, les méthodes retenues dans la cotation des postes sont assez hétérogènes ;
- Ensuite, il y a eu d’interférence avec l’ancien régime (antérieur à la PFR) : la logique du système a connu une déformation dans la transition. En effet, un sur-calibrage de la part R (résultat) était dû au fait que les indemnités antérieurs ont été versées prioritairement sur la part F (fonction) dont le solde venait abonder cette part R ;
- Enfin, l’inadaptation de la liaison entre le versement de la part R et l’atteinte des objectifs a été constatée.
Aussi, il faut aussi mentionner l’hétérogénéité des pratiques entre les différentes institutions territoriales. Désormais, les régimes indemnitaires sont sensiblement différents d’une collectivité territoriale à une autre. Cela provient du fait que ces régimes indemnitaires sont fixés par l’assemblée délibérante de chacun des collectivités territoriales, suivant le principe de parité (en respectant la limite des indemnités que les différents services publics bénéficient). En fait, il a été prévu que si les entités servant de référence pour une collectivité territoriale bénéficie d’une prime de fonctions et de résultats, l’organe délibérant de cette collectivité a la possibilité de fixer un régime indemnitaire comprenant une partie liée à la fonction et une autre aux résultats[39].
Par ailleurs, la PFR n’a pas été épargnée par les fortes critiques émanant surtout des syndicats et des agents publics. Ces critiques ont d’ailleurs mis l’accent sur des problèmes d’inadéquation du système avec les existants en France, des critiques qui auraient probablement contribué à une réforme pour l’adoption de nouveaux dispositifs.
1.2.2 Des nouveaux dispositifs
Principalement, il semble que les critiques sévères contre la PFR, dont certaines apparaissent objectives, ont une part importante dans le déclenchement d’une réforme menant vers de nouveaux dispositifs de rémunération au mérite, en France.
1.2.2.1 Critiques et abandon de la PFR
Il faut dire que le système d’évaluation mis en place et les dispositifs de rémunération au mérite qui lui étaient associés n’ont pas été bien accueillis par tous. L’une des sévères critiques émises à l’endroit de ces dispositifs concerne la forte complexité du système des régimes indemnitaires lui-même. Depuis la fin du XXIème siècle, il a été préconisé la simplification de ce système de telle sorte que la Cour de compte a rapporté que les rémunérations accessoires n’évoluent pas dans ce sens (de la simplification) mais au contraire puisque les réformes n’agissent que dans l’ajout de nouvelles mesures[40]. En quelque sorte, l’instauration de la gratification associée à la performance des fonctionnaires vient donc, alourdir la complexité de ce système qui est déjà jugé par certains comme opaques[41].
Aussi, les syndicats ont parlé de risque d’évaluations arbitraires, d’autant plus que les dispositions réglementaires relatives au développement de l’entretien professionnel ne mentionnent pas explicitement des critères (objectifs). Les pouvoirs réglementaires semblent même hésiter concernant la robustesse du système : à citer comme exemple l’abrogation des dispositions relatives aux modalités d’évaluation des enseignants dans l’Education nationale en août 2012 alors que celles-ci ont été prises trois mois auparavant, à cause d’importantes contestations[42]. Les problèmes de l’écart éventuel entre les moyens utilisés et les objectifs à atteindre sont laissés à l’appréciation des juges. Or il est légitime de penser que le juge n’ira pas bien loin dans l’approfondissement pour statuer si l’éventuelle insuffisance constatée dans le résultat est le fait d’un manquement professionnel ou bien à cause d’un défaut dans les conditions de travail et les moyens mis à disposition du fonctionnaire concerné. Le « risque de développement du clientélisme et l’assujettissement des agents à leur supérieur hiérarchique en l’absence d’évaluation objective »[43] avait également été soulevé par les sénateurs en 2007.
En outre, les tenants du retour à la conception traditionnelle du statut n’ont pas manqué de dénoncer ce qu’ils pensent de « monétisation des valeurs fondamentales de la fonction publique ». Ainsi, selon ces critiques, dès lors que la qualité intériorisée de l’exercice des compétences est transposée dans une dimension de valeur marchande, il faut s’attendre à une compétition entre les fonctionnaires, ce qui est susceptible de nuire considérablement à la bonne gestion de la fonction publique.
Finalement, il est important d’entendre les bilans quelque peu mitigé de la mise en œuvre de la PFR. D’abord, des juristes évoquent une possibilité accrue de la hausse des inégalités (entre les fonctionnaires)[44]. Il est ensuite apparu une culture de résultat fondée essentiellement sur la politique des indicateurs. Selon l’OCDE, « beaucoup des dispositifs existants n’étaient pas parvenus à obtenir les effets de motivation que l’on attendait d’un système de rémunération à la performance »[45]. La raison évoquée étant multiple, dont des problèmes de conception et d’application, mais surtout à la difficulté de mesurer les performances des agents publics, d’autant plus qu’il n’est pas toujours évident de trouver des indicateurs quantifiables et objectifs. L’OCDE conclut alors que « de nombreuses études concluent que la rémunération à la performance a une incidence restreinte – sinon négative – sur les performances », ces dernières étant complexe, surtout avec les objectifs non-immuables de l’administration compte tenu de l’orientation (nécessairement politique) du gouvernement.
Dans son rapport, Bernard Pêcheur raconte que « le plus souvent, dans la fonction publique de l’Etat, les gestionnaires répartissent le bénéfice des majorations d’ancienneté selon la pratique dite « du tourniquet », en veillant à ce que tous les agents, à tour de rôle et selon une cadence régulière, bénéficient d’un gain en termes d’avancement »[46]. Le système d’évaluation s’est peut-être enroulé autour du système de notation, épousant ainsi ses tendances et ensuite son échec. A cette occasion, probablement dans une volonté de remplacer le terme « performance » pour revenir au concept de « résultat », le décret du 20 mai 2014 annonce déjà l’abrogation de la PFR en 2015. Un nouveau dispositif devrait donc voir le jour.
1.2.2.2 L’indemnité de fonctions, d’expertise et d’engagement professionnel
Dans le cadre de l’abrogation de la PFR pour se focaliser sur le « résultat », considéré comme mieux adapté à la culture française de la fonction publique. Ainsi émerge l’indemnité de fonctions, d’expertise et d’engagement professionnel (IFEEP), un dispositif qui ne devrait plus se référer à la notion de performance. De manière analogue à la PFR lors de sa mise en place en 2008, l’IFEEP devrait aussi « se substituer, pour les corps non techniques, aux nombreux régimes indemnitaires existants, et de fixer des montants de référence assortis de plafonds »[47].
Ce nouveau dispositif qui devrait remplacer la PFR en termes de rémunération au mérite est composé de deux principaux éléments :
- D’un côté, une partie fixe comprenant l’Indemnité de fonctions, de sujétions et d’expertise (IFSE) qui devrait être versée mensuellement. Il s’agit alors d’une formalisation de critères professionnels mais aussi une considération de l’expérience professionnelle.
- Et d’un autre côté, une partie variable avec le Complément indemnitaire annuel (CIA). Ce dernier est associé à l’engagement professionnel et à la manière de servir et devrait être alors apprécié dans le cadre de l’entretien d’évaluation. Les résultats obtenus relativement aux objectifs fixés préalablement peuvent être aussi pris en compte, surtout pour les fonctionnaires appartenant à la catégorie A.
L’attribution de l’IFSE est soumise à quelques critères (selon l’avant-projet discuté au sein de la commission statutaire du Conseil supérieur de la fonction publique de l’Etat, en octobre 2013) :
- Fonctions d’encadrement, de conception, de pilotage et de coordination ;
- Expérience, expertise, technicité, ou qualification requise pour l’exercice des fonctions ;
- Sujétions particulières ou bien niveau d’exposition du poste considéré vis-à-vis des conditions de travail.
Des montants « plafonds » seront fixés pour chaque catégorie de fonction, ainsi que des montants « planchers » par grade. S’il y a un changement de fonction au niveau d’une même catégorie, et au moins tous les cinq ans si de tel changement n’a pas eu lieu mais en tenant compte de l’expérience acquise du fonctionnaire considéré, l’IFSE fera l’objet d’une révision.
Quant au CIA, il est non reconductible d’une période (année, principalement) à une autre. Son niveau peut varier continuellement de 0 à 100% suivant un montant plafond fixé. Le versement du CIA peut intervenir une ou deux fois en une année.
Un calendrier fixe l’instauration de l’IFEEP suivant les différents corps auxquels appartiennent les fonctionnaires :
- Avant le début de l’année 2015 pour les corps d’adjoints administratifs, ceux de secrétaires administratifs et ceux des assistants et conseillers techniques de service social interministériels.
- Avant le deuxième semestre de 2015 pour le corps interministériel des attachés des administrations et des corps et emplois ayant bénéficié du régime de la PFR.
- Au plus tard le début de l’année 2017 pour l’ensemble des fonctionnaires de l’Etat (donc comprenant tous les fonctionnaires territoriaux).
Cependant, ce nouveau dispositif n’a pas gagné l’unanimité des syndicats : 7 d’entre eux ont désormais voté contre le projet de loi[48] : plusieurs d’entre ces syndicats n’ont rien trouvé de réellement nouveau dans l’IFEEP relativement à la PFR. Certains, dont la FSU, affirment même que ce nouveau dispositif est seulement une autre version du précédent, en ajoutant par l’occasion du doute soulevé sur la transparence d’une « part ‘fonction’ aussi floue et individualisées »[49]. De son côté, l’UNSA attire toujours l’attention sur l’opacité et la complexité du système, d’une part, et le risque inhérent à la hausse de l’hétérogénéité suivant les Ministères. Finalement, le CFTC s’interroge sur la faisabilité financière et budgétaire concernant ce nouveau dispositif, notamment en période de disette budgétaire.
Certains observateurs (dont Croizé-Pourcelet, 2015) pensent que ce n’était pas vraiment le dispositif en lui-même qui est défaillant, mais plutôt son utilisation. Qu’il s’agisse alors de réforme destinée à l’amélioration des existants ou bien d’une totale rénovation, l’important serait de tirer des leçons des expériences passées. Par ailleurs, n’est-il pas aussi judicieux de tenir également compte des pratiques et outils existants à l’étrangers ?
1.3 Analyses comparatives (benchmarking) avec quelques systèmes étrangers européens
Il existe une forte ressemblance entre la plupart des pays membres de l’Union Européenne aussi bien au niveau des composantes clés du système de rémunération que concernant les dispositifs de rémunération au mérite (cf. Annexe : Tableau 5 – Rémunération au mérite de quelques pays européens). Généralement, presque tous les systèmes de rémunération de ces pays sont proches et/ou sensiblement équivalents de celui de la France :
- Une rémunération de base qui est généralement fixe et dont le niveau est déterminé selon le grade, l’échelle, la catégorie ou le groupe auquel appartient le fonctionnaire considéré. A titre d’exception à cette règle, le système suédois ne comporte aucunement de grade ou d’échelle puisque le niveau de salaire est exclusivement déterminé par la négociation entre le futur fonctionnaire, le recruteur et le service de Ressources humaines. En principe, le système suédois opte pour une détermination du niveau de salaire uniquement en fonction des performances individuelles, des qualifications et de la complexité des missions du fonctionnaire. En revanche, il n’existe aucune indemnité pour les fonctionnaires en Suède.
- Un ensemble de compléments de rémunération dont certains tiennent compte soit de la notion de « performance » (avec des appréciations différentes de ce terme) au sens plus direct du terme, soit des conditions de travail particulières. A l’inverse du système suédois, celui du Royaume-Uni fonctionne essentiellement avec une quasi-absence de considération envers la notion de « performance ». Nécessairement, l’ensemble du système anglais se repose sur l’ancienneté, avec une structure sensiblement différente suivant les institutions.
Principalement, la progression d’un fonctionnaire européen d’un certain niveau (grade, échelle, catégorie, groupe, etc.) à un autre plus élevé associé à une hausse de (la partie fixe de la) rémunération dépend :
- De l’ancienneté, c’est-à-dire du nombre de périodes (annuelle ou supra-annuelle) pendant lesquelles le fonctionnaire appartient à un niveau. Pour plusieurs pays, cette progression suivant l’ancienneté se fait de manière automatique (République Tchèque, Royaume-Uni, Espagne, Danemark) ;
- De variables non-temporels axées nécessairement sur la notion de « performance » qui sont appréciées le plus souvent par d’évaluation périodique. Il s’agit alors d’évaluation des performances effectives (résultats, mesure d’atteinte d’objectifs). Il y a des pays dont le système accorde de telle progression (entre de différents niveaux) à travers l’évaluation de la performance uniquement (Lituanie, Portugal). Selon certains systèmes (dont celui de Pays-Bas, par exemple) où une performance exceptionnelle permet de progresser même en deux niveaux successifs en une seule fois.
- D’autres facteurs en plus, dont la disponibilité du poste plus élevé (Autriche, Finlande), une promotion ou un changement de fonction (Danemark, Luxembourg), aval de la direction ou de la hiérarchie (Pologne), voie de concours (Italie). Pour certains systèmes (Suède, Pays-Bas), il faut que le fonctionnaire désirant progresser ainsi postule.
La quasi-totalité des pays de l’Union Européenne épouse l’idée de l’OCDE d’instaurer un régime de rémunération au mérite, outre quelques pays ayant adopté de disposition plutôt marginale. Ce régime fonctionne alors en décomposant la rémunération avec une partie relativement fixe et d’un ensemble de compléments de rémunération : le degré de complexité du système dépend essentiellement du nombre de ces compléments, allant de la quasi-inexistence de régime indemnitaire (Royaume-Uni et Irlande) jusqu’à une très grande variété de compléments (Portugal).
Par ailleurs, la notion de mérite semble prendre de dimensions différentes suivant les pays, bien que l’idée dominante insiste sur :
- La performance individuelle et/ou collective (de l’ensemble d’une équipe) : atteinte d’objectifs, obtention de résultats, contribution à un succès, efficacité et/ou productivité, efforts ou réalisation particulière. Pour de nombreux pays européens, la notion de performance est appréciée de manière particulière, voire exceptionnelle (Autriche, Espagne, etc.). En principe, il existe des dispositifs spécifiques pour évaluer les niveaux de performance, qui s’apprécient périodiquement, en général.
- Les conditions d’exercice de l’emploi : exercice d’une mission particulière, spécificités et caractéristiques (difficulté et responsabilité) du poste, conditions particulières, tâches exceptionnelles à des horaires particulières, poste d’encadrement, mission particulièrement exigeante ou dangereuse, activités particulièrement difficiles
- La compétence (qui peut être aussi associée à la performance potentielle) : manière de mener à bien les missions, valeur personnelle, assiduité et qualité de travail, compétence en matière d’encadrement
En somme, la France, comme de nombreux pays européens, est dotée de dispositifs destinés à lier la rémunération des fonctionnaires (territoriaux, en l’occurrence) avec leurs performances respectives. Il faut dire que la France est encore à la recherche des dispositifs les plus efficients devant permettre d’accroitre significativement la motivation de ces fonctionnaires avec un minimum d’effets pervers. Avant la mise en vigueur généralisée des nouveaux dispositifs devant remplacer la PFR, il est alors important d’apprécier les effets des moyens mis en œuvre par certaines collectivités territoriales.
Partie 2. Etude empirique
Cette deuxième partie de l’étude se focalisera essentiellement sur une recherche empirique en analysant les dispositifs mis en place dans des collectivités territoriales en termes de rémunération au mérite. Pour cela, quelques hypothèses de travail seront formulées pour mieux apprécier l’efficacité de ces dispositifs. Une enquête a été menée auprès de plusieurs institutions territoriales pour vérifier les hypothèses ainsi formulées. Quelques recommandations seront émises à l’issue des analyses des résultats de l’enquête.
2.1 Hypothèses de travail
Dans un premier temps, il convient de formuler les hypothèses de travail nécessaires devant permettre de répondre à la problématique de la présente étude. Principalement, ces hypothèses devraient être élaborées en tenant compte des éléments des fondements théoriques relatifs à la motivation au travail et à la rémunération au mérite.
2.1.1 Fondements théoriques de la motivation au travail
Pierre Louart (2002) définit la motivation comme des « forces qui agissent sur une personne ou à l’intérieur d’elle pour la pousser à se conduire d’une manière spécifique, orientée vers un objectif »[50]. Dans le cadre de la motivation au travail, ces forces qui constituent des mobiles et enjeux auxquels les employés obéissent sont censées avoir des conséquences significatives sur la productivité. En parlant de rémunération au mérite, il faut entendre que les moyens utilisés dans ce sens sont destinés à créer la motivation nécessaire chez les fonctionnaires territoriaux (pour agir ensuite sur les résultats de leurs actions ainsi que sur leur manière d’agir – le terme performance est évité autant que possible pour garder une certaine neutralité de la présente étude envers les débats lancés à ce sujet). En d’autres termes, cet objectif recherché (création de motivation pour le travail) caractérise (direction et sens) ainsi ces dispositifs de rémunération au mérite.
Par conséquent, l’efficacité des dispositifs adoptés devrait alors dépendre de la concordance des objectifs propres de chaque individu concerné (fonctionnaire territorial) avec cette optique de motivation pour le travail en vue de résultats meilleurs. Dans ce cadre précis, cette efficacité devrait tenir en compte les « motifs » qui pousse et guide les fonctionnaires dans leurs actions. Cependant, la présente étude cherche à vérifier l’effet des dispositifs retenus par les collectivités territoriales sur chaque individu, non pas en tenant compte des informations délivrées par les employés mais plutôt en tenant compte des avis des managers. Le choix de ne pas mettre l’accent sur les avis des employés est motivé par quelques raisons considérées comme conséquentes :
- Plusieurs auteurs ont déjà travaillé sur ce sujet en créant et en testant des outils destinés à mesurer les effets de la rémunération au mérite : ces outils appréhendent désormais le problème en posant des questions plus ou moins directes aux employés concernés. Même si le contexte de ces travaux (ne prenant pas en considération les éventuelles spécificités des collectivités territoriales) avec ces outils de mesure peuvent être sensiblement différent de celui du présent travail de recherche, les résultats (des études) ne devraient pas avoir trop d’écart entre les deux contextes.
- Il faut reconnaitre que cette appréhension du problème en tenant compte des opinions des employés comporte un biais important : la subjectivité devrait avoir une influence considérable sur les réponses des interlocuteurs. Bayser et al. confirment que « l’appréciation du personnel est [donc] une science inexacte» et « peut conduire à survaloriser la performance individuelle alors que, dans de nombreux cas, la performance est surtout liée à l’organisation ou à la mobilisation collective »[51].
- La pluralité des besoins des employés devant être interrogés, et donc celle de leurs objectifs respectifs, peuvent favoriser l’hétérogénéité des réponses. Ces différents besoins peuvent aussi influencer les représentations que les employés se font des dispositifs de rémunération existants au sein des structures prises en compte dans la présente étude.
Tout cela ne nie pas les informations (probablement riches) pouvant être apportées par le fait de demander les opinions des employés à propos de la rémunération au mérite. Certes, il existe aussi des limites associées à l’appréhension du problème à partir des points de vue des managers (dont la limite imposée par la subjectivité, en l’occurrence). Mais, cette seconde alternative devrait conférer quelques avantages, dont entre autres :
- La possibilité de tenir compte des situations dans de nombreuses organisations avec un nombre d’enquêté raisonnable : il aurait fallu prendre une taille d’échantillon considérable si le problème devait être appréhendé en considérant les avis des employés.
- La vue d’ensemble qu’un manager devrait avoir sur son organisation/service/direction, donc une appréciation relativement plus objective et ne tenant pas nécessairement compte de la multiplicité des représentations que se font les employés du dispositif mis en place. En effet, le manager devrait pouvoir réaliser des évaluations acceptables en utilisant des critères de mesure objectifs.
- La possibilité d’effectuer des analyses comparatives entre plusieurs organisations à la fois, et d’étudier ainsi les éventuelles tendances comportementales (afin d’être en mesure de tenir compte de variables explicatives et expliquées plus larges).
En tout cas, il importe de rappeler les trois courants théoriques majeurs relatifs à la motivation présentant des intérêts importants pour les besoins de la présente étude. En premier lieux, la théorie des attentes[52] pose trois hypothèses à satisfaire :
- D’abord, chaque fonctionnaire concerné doit s’estimer être en mesure de fournir les résultats requis, et donc capable d’engager les efforts nécessaires pour atteindre ces résultats. En se plaçant du côté du manager, celui-ci doit pouvoir apprécier la réalisabilité (faisabilité) des résultats attendus de ses employés, suivant les expériences et compétences de ces derniers.
- Ensuite, le fonctionnaire doit anticiper que l’atteinte des objectifs clairement définis et communiqués sera récompensée. Du point de vue du manager, l’efficacité d’un dispositif de rémunération au mérite est conditionnée par la crédibilité et la réalisabilité de la promesse de récompense.
- Enfin, la récompense doit être attractive : le manager doit pouvoir apprécier cette attractivité puisqu’il devrait disposer d’une connaissance élargie de ses propres employés (même si cette connaissance est tout de même assez limitée).
La théorie des attentes est vivement critiquée parce qu’elle se base sur l’hypothèse d’additivité des récompenses intrinsèques (intérêt éprouvé pour son travail) et celles extrinsèques (facteurs de motivation externe, dont toute forme de rémunération supplémentaire) : en supposant que la motivation intrinsèque est stationnaire (à un certain niveau), l’augmentation de la motivation extrinsèque devrait accroitre le niveau total de la motivation. Les théories de l’évaluation cognitive et de la motivation intrinsèque[53] contestent cette indépendance entre les deux formes de motivation et optent plutôt pour leur complémentarité.
En tout cas, une première hypothèse de travail peut être formulée ainsi :
Hypothèse H1 : L’efficacité des dispositifs de rémunération au mérite déployés dans les collectivités territoriales dépend de la réalisabilité à la fois des efforts nécessaires à l’atteinte des résultats requis, d’une part, et de la récompense promise pour ces résultats.
A cette première hypothèse, une seconde est aussi à prendre en considération en tenant compte de l’attractivité de la récompense :
Hypothèse H2 : L’efficacité des dispositifs de rémunération au mérite dépend de l’attractivité de la récompense offerte dans l’atteinte des résultats requis, et plus particulièrement à la significativité (du montant) de cette récompense.
Les théories de l’évaluation cognitive et de la motivation intrinsèque insistent sur l’interaction contradictoire entre les deux formes de motivation[54]. La théorie de l’évaluation cognitive stipule que la récompense monétaire (extrinsèque) est susceptible de faire baisser la motivation intrinsèque (l’inverse n’est pas toujours vrai). Or, il faut admettre que le fait de récompenser quelqu’un qui ne s’attendait pas à de telle récompense pourrait influencer substantiellement la motivation (même intrinsèque de cet individu). Autrement dit, en vertu des théories de l’évaluation cognitive et de la motivation intrinsèque, ce n’est pas tant l’existence de récompense extrinsèque mais plutôt la focalisation de l’attention sur cette récompense qui pourrait diminuer la motivation intrinsèque. En revanche, des formes de récompenses plus « implicites » pourraient favoriser cette forme de motivation, c’est-à-dire des récompenses qui n’attirent pas trop l’attention des employés, mais restant tout de même conséquente pour motiver. En d’autres termes, ces récompenses ne devraient être perceptibles que de manière ex-post (par opposition à ex-ante) : de cette manière, la rémunération au mérite agit plus sur la motivation intrinsèque et moins sur la motivation extrinsèque.
Pour instaurer une rémunération au mérite plus efficace, il faut surtout agir sur le dispositif d’évaluation plutôt que sur la récompense elle-même : de par la subjectivité des besoins qui constituent d’emblée un facteur clé de la motivation extrinsèque, il n’est pas évident de chercher à déterminer le niveau optimal d’un complément salarial associé à l’atteinte d’un objectif, par exemple. Pour « détourner » l’attention sur le dispositif de rémunération au mérite, il est important de recourir davantage à des critères moins objectifs, dont l’appréciation (subjective) du manager. Bien entendu (et de manière assez contradictoire), l’efficacité de ce choix est une fonction positive de l’objectivité du manager lui-même (sa capacité à appréhender de manière objective). Cette objectivité du manager conditionne désormais la confiance des employés aux décisions de celui-ci.
Ainsi s’énonce la troisième hypothèse de travail (pour la présente étude) :
Hypothèse H3 : Plus l’octroi d’une récompense est laissé à l’appréciation d’un manager (crédible), moins les employés se focalisent sur des critères objectifs, et plus le dispositif de rémunération au mérite est efficace.
Finalement, les théories de l’équité et de la justice organisationnelle[55] que chaque employé effectue des comparaisons entre les contributions qu’il apporte à une organisation, d’une part, et les avantages qu’il retire de son travail, d’autre part. C’est alors le principe d’équité interne lorsqu’il juge que sa contribution est rémunérée à sa juste valeur et de manière équitable. De plus, la comparaison faite par l’employé est aussi effectuée en se référant sur les contributions et les avantages (retirées en conséquence) des autres employés (de cette organisation et d’autres également). L’efficacité du dispositif de rémunération au mérite dépend alors de cette équité et justice organisationnelle.
La quatrième hypothèse de travail peut alors être formulée comme suit :
Hypothèse H4 : L’efficacité du dispositif de rémunération au mérite dans une organisation territoriale dépend de l’équité et la justice organisationnelle (notamment au niveau de la rémunération).
Finalement, le tableau ci-après résume les différentes hypothèses qui se focalisent sur les conditions d’efficacité des dispositifs de rémunération au mérite mis en place au sein des établissements territoriaux :
Hypothèses | Condition d’efficacité du système de rémunération au mérite adopté | Indicateurs |
Hypothèse H1 | Réalisabilité des efforts pour atteindre les résultats requis
Réalisabilité de la récompense |
Adhésion des employés au système (acceptation du dispositif) |
Hypothèse H2 | Attractivité de la récompense offerte | Montant (absolu ou relatif) de la récompense |
Hypothèse H3 | Subjectivité de l’évaluation : utilisation de critères moins objectifs | Rôle du manager dans l’appréciation ou l’évaluation
Utilisation de critères non-objectifs dépendant de l’évaluateur |
Hypothèse H4 | Equité et justice organisationnelle | Transparence dans les règles d’évaluation et d’octroi des récompenses |
L’appréhension des effets de ces dispositifs sur les fonctionnaires concernés est laissée à l’appréciation de leur(s) manager(s) et/ou de l’interlocuteur dans l’enquête utilisée pour recueillir les informations nécessaires sur le terrain.
2.2 Collecte d’informations
Pour vérifier ces hypothèses (formulées dans la section précédente), il a fallu réaliser faire une enquête auprès de quelques établissements territoriaux. En fait, un questionnaire a été élaboré à l’endroit des managers de ces établissements, et plus particulièrement adressé aux Directeurs Généraux de Service (DGS) de ces entités. L’enquête a été réalisée à travers le Syndicat national des directeurs généraux de service des collectivités territoriales (SNDGSCT), par l’intermédiaire du Président de la section départementale du SNDGS du Val d’Oise (Jean-Jacques Frejaville, DGS de la ville de Vauréal).
Les questionnaires sont alors transmis aux cibles (de l’enquête) par courrier électronique, avec une lettre de recommandation du Président de la section départementale mentionné précédemment. Néanmoins, même si ces questionnaires ont été envoyés ainsi à destination de quelques centaines d’établissements territoriaux, en espérant obtenir environ une vingtaine de réponses favorables, ces dernières sont très peu nombreuses. Cela reste donc la principale limite de la présente étude.
Concernant le questionnaire, celui-ci a été élaboré en regroupant les questions en quelques thématiques :
- Les informations générales relatives à la collectivité/l’établissement sujet de l’enquête (nom, nombre d’habitants, nombre d’agents et nombre de niveaux d’encadrement dans l’organigramme de l’établissement) ;
- Les informations (facultatives) concernant l’interlocuteur (la personne enquêté, proprement dite), essentiellement ses coordonnées devant permettre de le contacter en cas de besoin ;
- Les modalités de gestion du système de rémunération statutaire, dont celles pour l’avancement d’échelon, pour l’avancement de grade, pour le changement de cadre d’emploi, et de fixation du régime indemnitaire.
- Les modalités de gestion du système de rémunération au mérite : nature de la commande politique et du pilotage, les objectifs recherchés, les dispositifs retenus et les résultats attendus, la méthodologie de mise en place, et les effets observés sur les agents concernés.
L’opinion personnelle du DGS, concernant le type de dispositif de rémunération au mérite adopté par l’établissement, a également été sollicitée dans le questionnaire.
Comme résultats des investigations réalisées, quatre (4) établissements ont répondu favorablement à la sollicitation de répondre au questionnaire. Seulement, trois (3) d’entre eux ont explicitement mis en place un système de rémunération au mérite au sein de leurs organisations respectives. Il est à noter que ces établissements ont des caractéristiques plutôt hétérogènes, ce qui devrait alors permettre de recueillir des informations qualitatives plus abondantes (donc plus riches). En revanche, la faible taille de l’échantillon dans l’enquête implique que les résultats du présent travail de recherche devraient être exploités en tenant compte de cette limite ; autrement dit, la présente étude devrait être prise comme une prélude pour toute autre destinée à approfondir la question de la rémunération au mérite dans les collectivités territoriales. Désormais, d’autres recherches devraient alors compléter celle réalisée dans le cadre du présent mémoire, surtout pour vérifier/confirmer les résultats qui seront présentés dans les sections suivantes.
Les établissements ayant participé à l’enquête sont :
- La Mairie de Noisy-Sur-Oise (moins de 5 000 habitants), ne disposant que six (6) agents statutaires (selon la réponse de l’enquêté). Cet établissement n’a adopté aucun système d’individualisation quant à la rémunération de ses agents.
- Le Syndicat Intercommunal pour l’Aménagement Hydraulique (SIAH) des vallées du Croult et du Petit Rosne qui est une structure publique qui regroupe une trentaine de Communes ainsi qu’une Communauté d’Agglomération.
- La Mairie de Cergy (de 40 000 à 80 000 habitants), disposant plus de 1000 agents permanents, dont 850 agents statutaires.
- La Mairie de Montmorency (de 20 000 à 40 000 habitants).
Ce sont alors les informations mises à disposition par les interlocuteurs de ces établissements territoriaux qui sont utilisées (analysées) pour la vérification des hypothèses de travail, et ainsi devront permettre de répondre à la problématique de l’étude : les effets (positifs nécessairement) de la rémunération au mérite et leur significativité dans l’incitation des fonctionnaires territoriaux dans leur travail.
2.3 Analyse des résultats
Avant de procéder à la vérification de chacune des hypothèses de travail, il est important d’apprécier les principales tendances constatées au niveau des établissements publics territoriaux ayant mis en place des dispositifs de rémunération au mérite.
2.3.1 Appréciation générale
Au regard des informations mises à disposition par les établissements publics territoriaux ayant répondu favorablement aux requêtes d’information (dans le cadre de l’enquête), il semble y avoir une relation entre les modalités d’avancement ou de changement de cadre d’emploi et le fait d’adopter ou non un système de rémunération au mérite (cf. Tableau 1).
Etablissement n’ayant pas adopté un système de rémunération au mérite | Etablissement ayant opté pour un système de rémunération au mérite | |
Critères dominants pour un avancement | Ancienneté | Classification du poste occupé ou Marge |
Critères dominants pour un changement de cadre d’emploi | Ancienneté | Classification du poste occupé |
Modalités de fixation du Régime indemnitaire | Sans système d’individualisation | Système d’individualisation dominant |
Tableau 1 – Différences en termes de modalités d’avancement et de changement d’emploi entre un établissement ayant ou n’ayant pas opté pour un système de rémunération au mérite
Désormais, un établissement n’ayant pas mis en place un dispositif de rémunération au mérite se concentre sur l’ancienneté de chacun de ses employés quant à leur avancement dans l’échelon, d’une part, et à leur éventuel changement de cadre d’emploi d’une autre part. En revanche, les critères dominants retenus pour de tel avancement ou changement d’emploi insistent essentiellement sur la classification du poste occupé par chaque employé. Le premier (établissement) se rapproche alors du système anglo-saxon tandis que le second est plutôt typique à la tendance de la majorité des pays de l’Union Européenne. Cette tendance (pour les établissements ayant opté pour la rémunération au mérite) est surtout caractérisée par un système partiellement basé sur la performance, les résultats ou l’atteinte de certains objectifs préalablement défini (à la différence du système suédois qui est entièrement fondé sur la performance, sans aucun automatisme sur la promotion).
En effet, il apparait que les composantes du système diffèrent d’un établissement à un autre, même pour deux entités ayant opté pour la rémunération au mérite. Il semble que cette différence est notamment attribuée aux existants locaux en matière d’organisation, c’est-à-dire que les décideurs ont choisi de mettre en place un dispositif plutôt qu’un autre en fonction des objectifs recherchés dans de tel déploiement. Par exemple, il y a des mairies qui visent la maîtrise de l’absentéisme : leurs dispositifs sont alors axés essentiellement sur le nombre de jours de travail (ou nombre de jours d’absence) annuel. Il y en a d’autres qui se focalisent sur des objectifs fixés par l’évaluateur.
Entretemps, il existe quelques points communs entre les différents établissements ayant choisi l’adoption d’un système de rémunération au mérite :
- D’abord, pratiquement tous ont axé majoritairement leurs dispositifs (de rémunération au mérite) sur une évaluation annuelle.
- Aussi, la modalité retenue pour l’avancement est majoritairement au minimum, c’est-à-dire que les agents devront progresser (d’un échelon à un autre, supérieur) lorsqu’ils satisfont les critères minimum requis (par opposition au majoritairement au maximum). Cette modalité est même retenue pour des établissements ne connaissant pas la notion de rémunération au mérite.
- Leurs systèmes datent presque tous de la période avant même la généralisation de la mise en place de la PFR (2008). Il y a même des établissements ayant mis en place de tels dispositifs avant même les premières discussions publiques et manifestes du sujet (de rémunération au mérite), c’est-à-dire, avant 2004. Cette relative avance par rapport à la PFR semble insister sur la nuance entre cette dernière et les dispositifs retenus par ces établissements territoriaux : il est surtout question de personnalisation et d’adaptation des dispositifs aux réalités de chaque organisation. Toutefois, certains établissements sont vraisemblablement influencés par la PFR, en mettant l’accent sur la notion de « performance », par exemple.
En revanche, l’option de système d’individualisation comme modalités de fixation du régime indemnitaire n’est pas unanimement adoptée par ces établissements ayant considéré la rémunération au mérite. D’un côté, il y a ceux qui ont mis en place des dispositifs avec dominance de l’individualisation du salaire à travers le régime indemnitaire. D’un autre côté, il y a même ceux qui ont adopté des dispositifs sans de telle individualisation, mais en ayant adopté d’autre régime indemnitaire (par exemple : basé sur le reliquat d’IAT annuel pour les catégories).
En somme, deux importantes approches de la rémunération au mérite sont discernables parmi les établissements voulant instaurer celle-ci (cf. Tableau 2) :
- D’un côté, il y a l’approche qui se rapproche de la PFR, probablement sous l’influence de cette dernière. Cette approche engage alors une individualisation relativement importante du salaire à travers le régime indemnitaire. Les critères pour l’avancement d’échelon à échelon sont à dominance dans la classification du poste occupé. Dans le cadre de l’évaluation annuelle, celle-ci tient surtout en compte des objectifs généraux (ou l’ensemble de tous les objectifs) assignés à chaque agent dont l’atteinte (à travers l’appréciation générale faite par l’évaluateur) détermine le niveau de « performance » de cet agent.
- D’un autre côté, il y a l’approche beaucoup plus traditionnelle car elle se base essentiellement sur le système de notation. Le concept de rémunération au mérite tient alors son existence dans des objectifs spécifiques définis par les managers pour améliorer un ou plusieurs éléments considérés comme « clés » dans l’organisation (la question de l’absentéisme, par exemple). Autrement dit, ce n’est pas tant la volonté d’influencer la « performance » d’un agent qui est le véritable moteur dans la mise en place des dispositifs de rémunération au mérite dans les établissements tendant à épouser une approche plus traditionnelle (même si cette volonté peut exister effectivement chez les managers). Ces dispositifs tiennent surtout leur raison d’être dans la nécessité, les besoins d’amélioration concernant des éléments managériaux spécifiques. Pour les établissements optant pour une telle approche, la notion de rémunération au mérite est considérée comme un simple outil à utilisation ponctuelle.
Approche tendant vers la PFR | Approche plus traditionnelle se basant sur la notation | |
Modalités de fixation du régime indemnitaire | Système d’individualisation | Autre régime indemnitaire |
Critères dominants pour un avancement | Classification du poste occupé | Marge (d’évolution) |
Objectifs à atteindre par les agents | Objectifs généraux avec une forte connotation envers la notion de performance des agents | Objectifs spécifiques relatifs à des améliorations recherchés dans l’organisation du travail |
Modalité de l’évaluation annuelle | Appréciation générale sur l’ensemble des objectifs préalablement définis | Utilisation de critères précis et objectifs |
Tableau 2 – Deux approches de la notion de rémunération au mérite selon les établissements territoriaux ayant opté pour cette notion
2.3.2 Réalisabilité des efforts requis
Les informations concernant les objectifs à atteindre (et éventuellement, des manières pour les atteindre) pour bénéficier des récompenses promises (en termes de rémunération) ne sont pas abondantes (voire, inexistantes pour plusieurs établissement). Désormais, les managers des établissements qui ont participé à l’enquête n’ont pas laissé entendre leurs appréciations concernant ce point particulier. Toutefois, les informations ci-dessous laissent apparaitre deux types d’objectifs à atteindre pour les employés de ces organisations territoriales pour pouvoir s’octroyer d’un supplément de rémunération.
D’un côté, il y a des « objectifs généraux », qui peuvent être un ensemble d’objectifs basés essentiellement sur « la manière de servir », la qualité du travail, et probablement aussi sur les compétences de chacun des employés concernés. Certains établissements ont révélé que ces objectifs sont « fixés par l’évaluateur de manière annuelle ». Il est alors fort possible que la définition de ces objectifs a lieu régulièrement lors de l’entretien d’évaluation pour les établissements qui optent pour de telle fixation d’objectifs généraux. Quelques constats peuvent donc tirés concernant ces objectifs généraux :
- Ces objectifs devraient être fixés suivant les compétences potentielles et réelles du sujet (c’est-à-dire l’employé concerné) : il ne faut pas oublier que l’entretien annuel comprend un entretien individuel se portant sur les résultats/objectifs atteints par le sujet et la définition de nouveaux objectifs à atteindre, d’une part, et un entretien professionnel qui se focalise sur l’évolution de carrière et le projet professionnel du sujet, d’autre part ;
- Ces objectifs devraient être mis à jour régulièrement, en tenant compte du contexte, d’une part, et du sujet d’autre part ;
D’où, il est attendu que les objectifs ainsi définis sont réalisables objectivement, mais également acceptés par le sujet concerné lui-même.
D’un autre côté, il y a des « objectifs spécifiques », ponctuels et contextuels qui ne sont pas nécessairement soumis aux mêmes conditions de définition que les « objectifs généraux » précédemment abordés. Ces objectifs spécifiques sont surtout fixés dans le sens des besoins de l’organisation (en termes d’amélioration des prestations attendues) et non pas forcément en considération des réalités propres de chaque sujet (employé). Il en est par exemple de l’objectif associé à l’indemnité annuelle relative au temps de travail visant la maîtrise de l’absentéisme.
Pour cet exemple, la règle suivante a été définie par un établissement territorial concernant le nombre de jour d’absence pour cause maladie ou d’absence non justifiée :
Nombre de jour d’absence | Prime annuelle |
0 | + 60 euros |
1 à 15 jours | 0 euros en plus |
16 à 179 jours | – 60 euros |
180 jours et plus | Pas de prime annuelle |
Tableau 3 – IAT annuelle définie par un établissement territorial, suivant le nombre de jour d’absence
Objectivement, les employés pourraient constater qu’il est très difficile (et presque impossible) de s’octroyer une prime annuelle de 60 euros : il ne faut pas s’absenter (même un jour) pendant toute l’année pour bénéficier de cette prime.
Les informations fournies par les établissements territoriaux ayant participé à l’étude ont indiqué que :
- Ceux qui ont définis des objectifs « généraux » (comme expliqués précédemment), et donc avec des objectifs probablement réalisables, ont enregistré des résultats plutôt satisfaisants (au regard du nombre de résultats obtenus parmi les attendus qui est assez nombreux) ;
- Ceux, dont les dispositifs de rémunération au mérite sont associés à des objectifs spécifiques qui sont probablement difficiles à réaliser aux yeux des employés, ont enregistré des résultats médiocres.
En d’autres mots, il est possible d’affirmer que la première hypothèse H1 est vérifiée : L’efficacité des dispositifs de rémunération au mérite déployés dans les collectivités territoriales dépend de la réalisabilité à la fois des efforts nécessaires à l’atteinte des résultats requis, d’une part, et de la récompense promise pour ces résultats.
2.3.3 Attractivité de la récompense
Au sujet de l’attractivité de la récompense, les informations données dans l’exemple précédent (cf. Tableau 3) et l’appréciation de l’interlocuteur lors de l’enquête pour l’établissement concerné sont manifestes. En effet, l’interlocuteur a mentionné que les résultats atteints sont « faibles sur l’absentéisme car la variation est trop faible pour être motivante ». Un « trop » faible niveau de significativité de la prime (en considérant que toute chose égale par ailleurs) rend alors le dispositif de rémunération au mérite insignifiant. Certes, ce niveau est peut-être considéré comme légitime pour les managers vis-à-vis de l’effort demandé aux employés : il se pourrait même que ces managers estiment que ces employés ne devraient pas recevoir de récompense pour réaliser de tel effort (ils peuvent même penser qu’il est du devoir des employés de réduire au minimum leurs nombres de jours d’absence, sous peine de sanction).
Mais cette légitimité n’a plus de raison d’être (ou du moins, a changé de nature et de direction) dès lors que le dispositif de rémunération au mérite a été mis en place. Ainsi, à défaut d’attractivité de la part de la récompense, il est probable que le dispositif déployé agit de manière inverse auprès des employés. En effet, en tenant compte de l’exemple de la prime pour le temps de travail (cf. Tableau 3), il y a d’important risque que les employés voient dans cette prime leur « droit implicite » de ne pas faire d’effort pour réduire l’absentéisme : cette prime sera attribuée (comme « droit explicite ») pour ceux qui ont la « chance » de ne pas s’absenter tout au long de l’année.
Il est possible aussi de comparer les niveaux de significativité des récompenses attribuées par un établissement ayant enregistré d’échec (ayant utilisé une approche traditionnelle de notation) avec ceux d’un établissement ayant pu enregistrer de résultats positifs (optant essentiellement pour un entretien annuel d’évaluation) :
- Juste après la prime nulle (prime = 0 euros), la première prime marginale pour le premier établissement (approche de notation) est assez important (180 euros), tandis que celle pour le second (approche par l’évaluation annuelle) est faible (21 euros) ;
- L’amplitude est plus importante entre la prime minimum et la prime maximum pour le second établissement (420 – 21 = 399 euros) par rapport au second (360 – 180 = 180 euros).
- La prime marginale allant d’une note à une autre juste plus élevée est constante (30 euros) pour le premier établissement, tandis que pour le second, cette prime marginale augmente plus exponentiellement.
Note de 0 à 20 | Prime | Note de E (faible) à A (plus élevé) | Prime | |
entre 10 et 11,49 | 180 euros | E: 10% | 21 € | |
entre 11,5 et 12,99 | 210 euros | D: 30% | 63 € | |
entre 13 et 14,49 | 240 euros | C: 100% | 210 € | |
entre 14,5 et 15,99 | 270 euros | B: 150% | 315 € | |
entre 16 et 17,49 | 300 euros | A: 200% | 420 € | |
entre 17,5 et 18,99 | 330 euros | |||
entre 19 et 20 | 360 euros |
Tableau 4 – Primes définies par un établissement optant pour une approche de notation (à gauche) et par un établissement optant pour un entretien d’évaluation (à droite)
En résumé, les employés dans l’établissement ayant opté pour l’approche d’évaluation annuelle devraient sentir que la récompense (le niveau de rémunération) demandant un degré d’effort plus important est aussi plus conséquente, donc plus attractive (par rapport à la situation dans l’établissement optant pour l’approche plus traditionnelle de la notation). Cette attractive serait alors un des facteurs de réussite pour la mise en place de la rémunération au mérite dans cet établissement.
Tout ceci confirme alors la seconde hypothèse H2 selon laquelle l’efficacité des dispositifs de rémunération au mérite dépend de l’attractivité de la récompense offerte dans l’atteinte des résultats requis, et plus particulièrement à la significativité (du montant) de cette récompense.
2.3.4 Subjectivité de l’évaluation
Concernant la subjectivité de l’évaluation, deux approches émergent principalement quant aux établissements territoriaux ayant participé à l’étude :
- La première est essentiellement caractérisée par la définition de critères strictement objectifs, c’est-à-dire que l’obtention ou non de prime ainsi que son montant exact est facilement déterminable par les intéressés. Il en est ainsi du calcul de la prime annuelle liée au temps de travail définie dans le cas pris en exemple ci-dessus (cf. Tableau 3). L’échec constaté de ce dispositif est probablement dû en partie à la forte objectivité des critères pris pour mesurer l’atteinte des objectifs. En effet, l’attention des employés ne peut qu’être attirée par ce dispositif, ce qui risque de modifier le rapport entre la motivation intrinsèque et la motivation extrinsèque de chacun d’eux : la seconde pourrait alors augmenter au détriment de la première (d’autant plus que la récompense n’apparait pas assez attractive aux yeux des employés, ce qui pourrait amplifier l’effet pervers du dispositif ainsi mis en place).
- La seconde (approche) est nécessairement soumise à une subjectivité plus ou moins élevée. Désormais, comme cette approche est associée à l’entretien d’évaluation annuelle, elle est surtout fonction de la méthode d’évaluation ainsi que de l’évaluateur. D’un côté, l’évaluation (surtout pour certains établissements) est soumise à des délibérations entre les évaluateurs ainsi qu’à de réunion entre ces derniers et le personnel. Le résultat d’une évaluation se repose essentiellement sur l’appréciation de l’évaluateur qui a auparavant fixé les objectifs à atteindre pour les employés (en début de l’année). Il s’agit alors d’une « subjectivité limitée » de l’évaluation puisque l’évaluateur donne son appréciation avec une meilleure vue de la situation (ayant fixé les objectifs à atteindre, connaissant l’agent sujet de l’évaluation, bien informé de la manière de servir de cet agent, etc.). En fait, le Directeur Général de Service (DGS) semble jouer un rôle prépondérant dans cette évaluation (tenant ainsi le rôle d’évaluateur). En somme, pour cette seconde approche, l’attention des employés ne sont attirée qu’en partie par la prime associée aux résultats de l’évaluation : en quelque sorte, cette dernière leur réserve toujours une surprise. En revanche, cette attention est surtout aiguisée lors de la remise effective de la récompense, c’est-à-dire une attention ex-post (et non ex-ante). Cette subjectivité limitée peut être alors considérée comme responsable des résultats positifs atteints par les établissements ayant opté pour cette seconde approche, en termes de rémunération au mérite.
En conclusion, la troisième hypothèse est validée : Plus l’octroi d’une récompense est laissé à l’appréciation d’un manager (crédible), moins les employés se focalisent sur des critères objectifs, et plus le dispositif de rémunération au mérite est efficace.
2.3.5 Equité et justice organisationnelle
Même pour les établissements ayant opté pour la subjectivité limitée expliquée dans la sous-section précédente, il apparait que la quasi-totalité des établissements participants à l’étude ont défini explicitement des grilles de calcul. Désormais, sans ces grilles, le système de rémunération au mérite n’a aucune raison d’être. En conséquence, il est possible de dire que ces grilles de calcul est un garant de l’équité interne des systèmes de rémunérations au mérite des collectivités territoriales.
Toutefois, les établissements qui ont enregistré les résultats positifs les plus importants revêtent les caractéristiques suivantes :
- Ils insistent sur une « réelle transparence en matière de régime indemnitaire » ; « l’ensemble des agents est informé des règles d’évaluation ». Ainsi, outre l’appréciation de l’évaluateur (subjectivité limitée), le système est censé être totalement transparent.
- Les dispositifs de ces différents établissements devraient converger vers un système unique : celui mis en place par l’Etat (c’est-à-dire, la PFR). En effet, les composantes de ces dispositifs ont généralement été définies en tenant compte du modèle offert par la PFR (qui insiste désormais sur la notion de « management par la performance », sur le remplacement de l’entretien d’évaluation par l’entretien d’évaluation annuelle, sur une « hausse généralisée des primes à l’ensemble des agents », etc.).
Avec ces caractéristiques, il est attendu que les éléments constituants les dispositifs de rémunération au mérite se rapprochent d’un de ces établissements à un autre. Cela garantit alors une relative équité (externe) et justice organisationnelle concernant ces dispositifs. Les niveaux des primes associées à des catégories de fonctionnaires équivalentes se rapprochent les uns des autres. Comme résultat concret, un de ces établissements a affirmé avoir gagné « l’adhésion globale des agents au système » de rémunération au mérite mis en place. In fine, la dernière hypothèse H4 est également validée : L’efficacité du dispositif de rémunération au mérite dans une organisation territoriale dépend de l’équité et la justice organisationnelle (notamment au niveau de la rémunération).
En somme, les quatre hypothèses de travail devant permettre de répondre à la problématique de l’étude sont toutes validées par les informations recueillies auprès des enquêtés. En conséquence, concernant l’efficacité des dispositifs de rémunération au mérite dans la fonction publique territoriale, il faut considérer des approches différentes adoptées par les différents établissements territoriaux et qui peuvent être considérées comme des facteurs majeurs influençant cette efficacité. La considération de ces différentes approches, et donc de ces conditions d’efficacité, est développée dans la section suivante (recommandations).
2.4 Recommandations
Désormais, il existe quelques approches à prendre en compte puisque pouvant influencer l’efficacité des dispositifs de rémunération au mérite des établissements publics territoriaux. Avant de se concentrer sur ces différentes approches, il est important d’abord de préciser que la notion d’efficacité implique (dans le contexte de la présente étude) non seulement le fait d’atteindre (ou non) les objectifs préalablement fixés pour les agents concernés, mais également l’incidence positive (ou négative) de ces approches sur les agents eux-mêmes, en termes de motivation nécessairement. En effet, il est raisonnable d’admettre que l’atteinte des objectifs fixés et la hausse de motivation d’un agent devraient avoir des impacts significatifs sur la qualité des services rendus par cet agent.
Ainsi, pour être efficace, il faudrait insister sur les conditions (d’efficacité) suivantes, entre autres :
- La réalisabilité des objectifs à atteindre pour les fonctionnaires concernés, d’une part, et celle de la récompense promise d’autre part ;
- L’attractivité de la récompense associée à l’atteinte des objectifs, de sorte que le montant de telle récompense est significatif pour accroitre la motivation de ces individus ;
- La subjectivité de l’évaluation en associant les résultats de telle évaluation à l’appréciation faite par le manager, celui-ci devant tout de même adopter une méthodologie objective et rigoureuse. En d’autres mots, si l’évaluation devrait être très objective (autant que possible) quant aux moyens utilisés par le manager dans son rôle d’évaluateur, elle devrait rester subjective aux yeux des employés évalués qui ne peuvent pas prévoir exactement les résultats de cette évaluation : d’où la notion de subjectivité limitée ;
- L’équité et la justice organisationnelle dans la détermination des récompenses, aussi bien en tenant en compte la relation efforts-bénéfices (efforts engagés par l’agent, et bénéfices qu’il en tire en termes de récompense) pour chaque fonctionnaire considéré qu’en considérant cette même relation mais pour les fonctionnaires entre eux.
Concernant la réalisabilité des objectifs, il importe de souligner les effets que peuvent avoir deux approches différentes. D’un côté, il y a l’approche par des objectifs spécifiques (pris individuellement) dont la réalisabilité est parfois discutable à cause de la tendance à l’immuabilité des critères définissant l’atteinte ou non de ces objectifs. En effet, les responsables de la mise en place des dispositifs associés à ces objectifs ont tendance à statuer sur la légitimité de ces critères qui ne devront pas alors faire l’objet de révision. Cette tendance à la légitimation absolue de ces critères tient à l’attitude assez hostile de certains managers vis-à-vis de la rémunération au mérite elle-même, c’est-à-dire à la transformation en « droit positif » de ce qui devrait être le « devoir » des employés : ces managers ne sont pas vraiment en accord avec le fait d’accorder une récompense à quelque chose qui devrait être « naturellement » intégré dans le devoir de fonctionnaire (exemple : pourquoi offrir une prime à ceux qui s’absentent le moins alors qu’il faudrait plutôt punir ceux qui s’absentent le plus).
D’un autre côté, il y a l’approche par des objectifs généraux ou globaux ou par un ensemble (global) d’objectifs. Cette approche semble être associée à des résultats positifs, c’est-à-dire à l’efficacité du dispositif de rémunération au mérite. Cette efficacité est principalement due à la forte probabilité de mise à jour de ces objectifs, notamment lors de l’entretien (annuel) d’évaluation. En principe, la définition des objectifs généraux pour une période future est réalisée en appréciant l’atteinte des objectifs dans la période passée, d’une part, mais aussi en considérant les compétences et évolution professionnelles de l’agent évalué, d’autre part.
Il est donc préconisé aux établissements territoriaux de surtout procéder à la définition des objectifs associés aux dispositifs de rémunération au mérite en adoptant l’approche des objectifs généraux. Cependant, il faut reconnaitre que certaines circonstances peuvent amener à définir des objectifs spécifiques qui sont associés à un dispositif particulier (lié à un besoin spécifique, comme l’utilisation de l’IAT dans une organisation où l’absentéisme est difficilement maitrisable, par exemple). Pour cela, il convient d’insister sur la possibilité, voire la systématisation, de l’amélioration (révision, mise à jour) de tel dispositif pour garantir (entre autres) la réalisabilité de ces objectifs spécifiques.
Concernant l’attractivité de la récompense, il est suggéré de réaliser des études permettant de déterminer le niveau de significativité d’une récompense, c’est-à-dire le montant optimal d’une prime. La notion d’optimum est très importante car une trop faible récompense inverse le sens voulu des influences de la rémunération au mérite (pouvant alors occasionner des effets pervers sur la motivation des agents dans leur travail). En revanche, une récompense de niveau trop élevé risque de faire focaliser l’attention des agents sur cette récompense, ce qui pourrait ensuite engendrer des impacts négatifs sur la manière leur manière de servir (cf. 1.2.1.4 Principes de base et enjeux de la prime de fonctions et de résultats). Il est légitime de privilégier la variable « besoins des agents » (entre autres) dans la réalisation de cette étude pour la détermination de la significativité d’une récompense.
En outre, il semble que plus un établissement adopte une approche plus traditionnelle, tournée essentiellement vers la notation, plus il a tendance à fixer le niveau de la récompense davantage au-dessous du niveau optimal. En revanche, cette sous-estimation du niveau de récompense semble moindre pour les établissements qui s’orientent plus vers l’approche de l’entretien d’évaluation annuel (à la place de la notation).
Au sujet de la subjectivité limitée que devrait revêtir le processus d’évaluation associé à une rémunération supplémentaire (autre que le salaire/traitement de base), il faut que les décideurs comprennent davantage les influences de l’approche adoptée dans la définition des critères d’évaluation. Plus ces critères tendent à être exclusivement objectifs (et donc de moins en moins subjectifs), plus les agents sont attirés par les dispositifs en place avec comme conséquence une intensification des risques majeurs associés au système de rémunération au mérite : compétition entre les salariés, dégradation de la relation entre supérieur hiérarchique et subordonnés, conflit d’intérêt, concentration sur des tâches quantifiables, exclusion de certains usagers (cf. 1.2.1.4 Principes de base et enjeux de la prime de fonctions et de résultats). Toutefois, il faut reconnaitre que des critères qui tendent à être exclusivement subjectifs risquent aussi le rejet du système par les agents concernés. La subjectivité limitée devrait alors limiter ces risques : mettre l’accent sur le rôle du manager (le supérieur hiérarchique) dans le processus d’évaluation, tout en soulignant la nécessité d’objectivité dans les moyens utilisés par cet évaluateur pour assurer l’acceptabilité du dispositif par les agents concernés.
Finalement, en ce qui concerne l’équité et la justice organisationnelle, il est recommandé aux établissements territoriaux de mettre l’accent sur la transparence dans l’instauration du système de rémunération au mérite (pour l’équité interne). Aussi, il est préférable de trouver des moyens pour synchroniser les pratiques entre les différents établissements afin de converger vers un système considéré comme optimal pour tous (pour l’équité externe). Des études peuvent alors être nécessaires pour trouver les points d’entente sur les divergences causées par les contextes différents auxquels sont confrontés ces différents établissements.
En somme, l’efficacité du dispositif de rémunération au mérite dépend des différentes approches utilisées dans la mise en place et l’entretien de ce dispositif, notamment pour la réalisabilité des objectifs, l’attractivité de la récompense, la subjectivité limitée du processus d’évaluation, et l’équité et la justice organisationnelle. Par ailleurs, il faut dire que ces éléments sont aussi conditionnés par la culture existante dans l’organisation, d’une part, et par l’attitude des managers, d’autre part. En effet, le déploiement d’un système devrait être accompagné par des approches visant à créer un climat favorable à ce système dans l’organisation, sinon les dispositifs utilisés risquent d’engendrer des effets controversés quant aux objectifs poursuivis dans de tel déploiement.
Conclusion
La rémunération au mérite est un concept assez récent, importée de la culture anglo-saxonne, dans le domaine de la fonction publique territoriale française. Si l’ancien régime de rémunération au mérite dans les établissements français remplaçant le système de notation est basé sur la notion de performance, le nouveau régime qui devrait le succéder insiste sur le concept de résultat.
Deux importantes approches se distinguent chez les établissements publics territoriaux quant à la rémunération au mérite. D’un côté, il y a celle qui converge vers la PFR associée à une importante individualisation du salaire au regard du régime indemnitaire. D’un autre côté, il y a celle qui est plus traditionnelle, se basant sur la notation. La première (approche) tient compte essentiellement d’objectifs généraux/globaux qui sont plus réalisables car généralement soumis à de mise à jour régulière. La seconde est souvent de pair avec des objectifs spécifiques, parfois difficiles à atteindre par les agents compte tenu de l’attitude des managers, assez rigide vis-à-vis des changements nécessaires sur les critères requis pour l’octroi de récompense (pour les employés bénéficiaires).
Il faut aussi parler de l’attractivité de la récompense : les établissements ayant opté pour la première approche ont des dispositifs (de rémunération au mérite) plus efficaces en définissant un niveau de significativité plus élevé de la récompense, par rapport aux établissements qui s’oriente essentiellement vers la seconde approche. En outre, les dispositifs les plus efficaces sont également ceux dont l’évaluation relative à la rémunération au mérite est soumise à la subjectivité limitée : utilisation de méthode (d’évaluation) objective, mais avec un accent sur le rôle du manager (évaluateur) dans l’évaluation (donc, avec un certain degré de subjectivité). La subjectivité insiste alors sur la focalisation ex-post (par opposition à ex-ante) de la récompense. Finalement, l’efficacité du système de rémunération au mérite dépend de l’existence d’équité et de justice organisationnelle : cette efficacité est surtout observée chez les établissements qui n’ont pas été indifférents sur la question de transparence en matière de régime indemnitaire d’une part (équité interne), et de convergence vers un régime unique (équité externe).
Les résultats du présent travail de recherche pourraient être utilisés comme base pour toute autre étude dans le domaine de la rémunération au mérite des établissements publics territoriaux. Tout de même, il faut reconnaitre la limite de la présente étude, notamment en ce qui concerne le nombre d’établissement ayant participé à la recherche. Une autre étude (nécessairement quantitative) devrait alors compléter, valider et approfondir ces résultats.
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ANNEXES
Annexe 1
Pays | Facteurs de progression | Rémunération au mérite (ex) | Notions de Sujétion, responsabilités ou performance |
Allemagne | Ancienneté, Performance | Pour fonctionnaires territoriaux, rémunération à la performance | Performance individuelle ou de l’ensemble d’une équipe |
Autriche | Ancienneté, Evaluation, disponibilité du poste | Rémunération aux fonctions supérieures, récompense spéciale, prime à la performance | Management ou expertise particulière, performances exceptionnelles, performances individuelles dans la contribution au « succès budgétaire » de l’organisation |
Belgique | Ancienneté et évaluation | Allocation pour l’exercice d’une fonction supérieure | Evaluation annuelle conditionnant même l’exercice de l’emploi (pouvant aller jusqu’au licenciement) |
Danemark | Ancienneté, promotion, changement de fonction | Rémunération à la performance, paiement ponctuel | Atteinte d’objectifs qualitatifs et quantitatifs, effort ou réalisation particulière, exercice d’une mission particulière |
Espagne | Ancienneté | Prime de fonction, prime spéciale, rémunération de la performance | Spécificités du poste, conditions particulières, engagement ou performance ou mission particulière, initiative marquante |
Finlande | Poste occupé | Exigences des postes, performance et compétence, résultats | |
Grèce | Performance, Ancienneté | Compléments mensuels et annuels | Poste d’encadrement, missions particulièrement exigeantes ou dangereuses, degré d’atteinte d’objectifs |
Irlande | Performance, atteinte d’objectifs | Très peu de compléments (faibles) | Performance, atteinte d’objectifs |
Italie | Qualité, activité exercée, résultats obtenus, concours | Indemnités de performance individuelle et collective | « Système de mesure et d’évaluation de la performance », activités particulièrement difficiles |
Lituanie | Evaluation de la performance (uniquement) | Bonus performance, d’ancienneté | Performance évaluée, et exceptionnelle des missions dangereuses, des missions complémentaires |
Luxembourg | Ancienneté, promotions | Prime d’astreinte | Valeur personnelle, assiduité, et qualité du travail |
Pays-Bas | Ancienneté, performance | Bonus à la performance | Manière de mener à bien les missions, résultats obtenus |
Pologne | Evaluation, aval de la direction | Pour performance particulière | Mérite, évaluation |
Portugal | Evaluation (exclusivement) | Compléments ponctuels ou permanents (très nombreux) | Niveaux « d’appréciation », conditions d’exercice particulier, travail extraordinaire, travail risqué, zones périphériques |
République Tchèque | Ancienneté | Rémunération au mérite, bonus d’encadrement, et de performance | Bonne performance démontrée sur le long terme, mais aussi, travail dangereux ou particulièrement exigeant |
Royaume-Uni | Ancienneté | ||
Suède | Pas de promotion automatique | Pas d’indemnité | Performances, qualifications, complexité des missions |
Tableau 5 – Rémunération au mérite de quelques pays européens ; Source : (Muris, 2014)
[1] Cour des comptes, rapport du 14/10/2014 sur les finances locales
[2] Sources : DGCL, données DGFIP, répartition des dépenses de fonctionnement des collectivités locales en 2012
[3] Atzori, M., & Battistelli, A. (2008). La motivation au travail dans le secteur public : stratégies organisationnelles et individuelles soutenant le processus d’atteinte des objectifs. Carriérologie, 14(3-4), p.504.
[4] Forest, V. (2008). Rémunération au mérite et motivation au travail : perspectives théoriques et empiriques pour la fonction publique française. Revue Internationale des Sciences Administratives, 74, p.355.
[5] Desmarais, C., & Gamassou, C. E. (2012, juillet-septembre). La motivation de service public à l’aune du service public « à la française ». Politiques et Management Public, 29(3), pp.395-396.
[6] Ibid., p.396.
[7] Articles 48 (« Indicateurs de performance »), 51 (« projet annuel de performance ») et 54 (« rapports annuels de performance ») du LOLF n°2001-692 du 1er août 2001.
[8] NOR: PRMX0816855C
[9] Troussier, J.-F. (1993). Relation d’effort et salaire au mérite. Revue française d’économie, 8(2), p.136
[10] Le profit P est tel que P = f[e(w).L] – w.L, où e l’effort, w, le salaire, et L le facteur travail. Ibid., pp.138-139.
[11] Bayser, A. d., Georgeault, V., & Maréchal, P. (2004). La Rémunération au mérite : mode ou nécessité ? – Pour de nouveaux modes de rémunération dans les fonctions publiques d’État et territoriale. Les Cahiers du Groupe Bernard Brunhes(13), p.25.
[12] Ibid.
[13] Bakkour, D. (2013). L’approche contractuelle du concept de gouvernance. Montpellier: Working Paper – LAMETA, pp.5-7.
[14] Ibid., p.26.
[15] Ibid.
[16] Andersen, L. (2009). Qu’est-ce qui détermine le comportement et la performance des professionnels de la santé ? La motivation de service public, les normes professionnelles et/ou les incitants financiers. Revue Internationale des Sciences Administratives, 75(1), p.91.
[17] Tremblay et Wils (2005), cités par Desmarais, C., & Gamassou, C. E. (2012, juillet-septembre). Op.cit., p.396.
[18] Botteau, S. (2007, mars-avril). Comment est-on rémunéré dans la fonction publique ? Etat des lieux avant rénovation. Carrières Publiques (63), p.10.
[19] Bayser, A. d., Georgeault, V., & Maréchal, P. (2004). Op.cit., p.13.
[20] Article 17 du loi 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires (appelée aussi, loi « Le Pors »).
[21] Croizé-Pourcelet, V. (2015, janvier 26). Les agents publics doivent-ils être évalués sur leur performance ? Récupéré sur Wikiterritorial: http://www.wikiterritorial.cnfpt.fr/xwiki/wiki/econnaissances/view/Questions-Cles/Lesagentspublicsdoivent-ilsetreevaluessurleurperformance.
[22] Décret 2002-682 du 29 avril 2002 relatif aux conditions générales d’évaluation, de notation et d’avancement des fonctionnaires de l’Etat ; titre 1er : « De l’évaluation des fonctionnaires ».
[23] Weiss, J.-P., Colomb D’Ecotay, M.-C., & al. (2008). L’évaluation et la notationdes fonctionnaires de l’État (Rapport d’enquêteet conclusions du Comité). Paris: Comité d’enquête sur le coûtet le rendement des services publics, p.13.
[24] Job, C. (2015, janvier 9). Fin de la notation des fonctionnaires territoriaux. Récupéré sur Legavox.fr (Actualités juridiques): http://www.legavox.fr/blog/calvin-job/notation-fonctionnaires-territoriaux-16716.pdf
[25] Loi 2007-148 du 2 février 2007 relative à la modernisation de la fonction publique.
[26] Articles 31 et 32 du Rapport Bénisti : Bénisti, J.-A. (2017). Rapport sur le projet de loi (N° 3549) de modernisation de la fonction publique. Paris: Assemblée Nationale, p.62.
[27] Loi 2009-972 du 3 août 2009 relative à la mobilité et aux parcours professionnels dans la fonction publique.
[28] Article 7 du décret 2010-888 du 28 juillet 2010.
[29] Bayser, A. d., Georgeault, V., & Maréchal, P. (2004). Op.cit., p.14.
[30] Article 40 du décret 2010-751 du 5 juillet 2010 relative à la rénovation du dialogue social.
[32] Bayser, A. d., Georgeault, V., & Maréchal, P. (2004). Op.cit., p.15.
[33] Croizé-Pourcelet, V. (2015, janvier 26). Op.cit.
[34] Bacache-Beauvallet, M. (2006). Les limites de l’usage des primes à la performance dans la fonction publique. Nice: EDHEC Business School – Pôle de recherche en économie – Evaluation des politiques publiques et réformes de l’Etat, p.7.
[35] Ibid., p.9.
[36] Croizé-Pourcelet, V. (2015, janvier 26). Op.cit.
[37] Pêcheur, B. (2013). Rapport à Monsieur le Premier ministre sur la fonction publique. Paris: Conseil d’Etat, p.41.
[38] Ibid.
[39] Ibid., p.87.
[40] Cour des Comptes. (1999). Rapport sur la fonction publique de l’Éta. Paris: Cour des Comptes, p.391.
[41] Echos de la Fonction Publique. (2008, juillet-août). Rapport Silicani : le big bang dela Fonction publique ? Echos de la Fonction Publique(218), p.5.
[42] Décret 2012-702 du 7 mai 2012 portant dispositions statutaires relatives à l’appréciation et à la reconnaissance de la valeur professionnelle de certains personnels enseignants, d’éducation et d’orientation relevant du ministre chargé de l’éducation nationale.
[43] Croizé-Pourcelet, V. (2015, janvier 26). Op.cit.
[44] Cruzel-Métayer, L. (2010). La prime de fonctions et de résultats. Droit administratif(2), p.39.
[45] OCDE. (2005). La rémunération liée aux performances dans l’administration – Résumé du rapport. OCDE, p.4.
[46] Pêcheur, B. (2013). Op.cit., p.145.
[47] Ibid., p.87.
[48] Vovard, A. (2013, novembre 22). Nouveau régime indemnitaire : exit la PFR, bonjour l’IFEEP. Récupéré sur La Gazette des Communes (lagazettedes communes.com): http://www.lagazettedescommunes.com/208484/nouveau-regime-indemnitaire-exit-la-pfr-bonjour-lifeep/.
[49] Ibid.
[50] Louart, P. (2002). Maslow, Herzberg et les théories du contenu motivationnel (Les Cahiers de la Recherche). Lille: CLAREE, p.3.
[51] Bayser, A. d., Georgeault, V., & Maréchal, P. (2004). Op.cit., p.30.
[52] Louart, P. (2002). Op.cit., pp.3-4.
[53] Forest, V. (2008). Op.cit., pp.349-350.
[54] « Les individus sont intrinsèquement motivés lorsqu’ils effectuent une activité pour le plaisir, l’intérêt ou encore la satisfaction de leur curiosité ; [alors qu’ils] sont extrinsèquement motivés lorsqu’ils s’engagent dans une activité pour satisfaire un objectif en dehors de l’activité elle-même » : Amabile (1993), cité par Forest (2008). Op.cit., p.349.
[55] Ibid., pp.350-351.
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