GOUVERNANCE ET TRANSMISSION D’ENTREPRISE : LES CAS SPECIFIQUES DES ENTREPRISES FAMILIALES
Gouvernance et transmission d’entreprise : les cas spécifiques des entreprises familiales
Introduction
Les entreprises familiales jouent un rôle prééminent dans la création de richesse, la création d’emploi et la course à la compétitivité. En termes d’effectif, elles constituent le fer de lance du secteur industriel des économies mondiales. Les publications statistiques justifient que la part des entreprises familiales dans le tissu industriel européen avoisine les 60%, elle varie entre 65 et 90% pour les pays d’Amérique Latine et dépasse les 95% pour les États-Unis. Les entreprises familiales pourvoient aussi une part prépondérante de la production nationale brute. En Europe, leur contribution varie entre 35 et 65%, entre 40 et 45% en Amérique du Nord, 50% à 70% en Amérique Latine et entre 65% et 82% en Asie. Ce niveau de production très élevé est le reflet du besoin en ressources humaines et se traduit comme un mouvement de création d’emploi phénoménal. En Italie et en Suède, plus de la moitié de la population active travaillent dans les entreprises familiales, un taux plus élevé par rapport à la situation en France, en Allemagne et en Finlande. Leur taille et forme juridique sont, par ailleurs, très diversifiées mais en effet, les entreprises familiales sont essentiellement formées par des petites entreprises, employant moins de 10 salariés. Des entreprises de taille gigantesque, gérées par plus de 100 000 personnes et œuvrant dans différentes branches de l’économie nationale ont pourtant été répertoriées.
Les entreprises familiales ont leurs propres facteurs de succès, associés à leur spécificité en termes de management et de stratégie de gouvernance. En général, la gestion prudente et la stratégie à long terme sont l’expression visible de la durée de vie et de la motivation du gérant, qui est animé par la pérennisation et le développement de chaque entité. Cette dernière présente essentiellement un enjeu économique pour la famille parce qu’elle est à la fois une source inépuisable de revenu, d’emploi et un support infaillible du statut social. Effectivement, le capital familial est bien contrôlé tout comme les investissements, formés par les ressources de la famille. Les gérants de ces entreprises ont une aversion pour les emprunts bancaires qu’ils estiment pouvant mettre en danger le patrimoine de l’entreprise et par extension, le patrimoine familial. En termes de gouvernance, le modèle d’entreprise familiale est caractérisé par un lien de parenté entre les personnes, par l’enchevêtrement de statut d’actionnaire et de dirigeants, il encadre aussi une confiance et une loyauté dans la relation de travail, facilite et simplifie la communication. Ce modèle familial est à la base de la performance des entreprises familiales étudiée à plusieurs reprises par de nombreux auteurs et organismes. Tel est le cas des travaux successifs du professeur Allouche qui a fait une analyse comparative des performances des entreprises familiales et non-familiales en 1995 et en 2003. Les résultats ont tous révélé des performances très élevées des entreprises familiales.
Cependant, la pérennité des entreprises familiale repose sur un grand nombre de scénario lié à l’environnement externe qu’interne et au mode de transmission. La pratique la plus véhiculée porte sur la préparation préalable du successeur avant le départ en retraite du fondateur et ensuite, la transmission entre les parentés. Toutefois, la transmission entre famille ne signifie systématiquement pas une performance future assurée et vice-versa, la cession à un manager externe ne se traduit automatiquement pas à une perte de la culture d’entreprise. Il y a aussi les transmissions spontanées dues à un décès du fondateur ou un divorce dans la famille qui peuvent être des situations désastreuses pour l’avenir de l’entreprise. L’appréhension de ces scénarios est la principale raison qui fait de l’étude de la gouvernance et transmission d’entreprises familiales, un objet de mémoire intéressant. Elle nous renvoie à un examen méticuleux des modèles de gouvernance, de transmission et une analyse de cause à effet de la performance post-transmission. Alors quels sont les effets d’une transmission sur les mécanismes de gouvernance dans le cas spécifique des entreprises familiales ?
La réponse à cette problématique implique la mise en œuvre d’un plan de recherche scientifique comportant deux étapes dont une partie théorique et conceptuelle et une autre partie empirique. Les spécificités de la transmission et de la gouvernance des entreprises familiales sont traitées dans les sections qui composent la partie théorique et conceptuelle. Elle a pour objectif de mettre plus de précision sur les particularités des entreprises familiales perceptibles à travers le style de management et le style de pouvoir, et conduit à la formulation des hypothèses de recherche à valider. Les résultats des entretiens auprès des gérants de quelques entreprises familiales, constituant la base d’une enquête, nous aident à analyser davantage la pertinence des spécificités évoquées dans la partie théorique et de confirmer les hypothèses ainsi formulées.
Partie 2: Gouvernance et transmission d’entreprise : le cas de l’entreprise familiale
Section 1: Revue de littérature sur la spécificité de la gouvernance et de la transmission d’une entreprise familiale
1.1.Analyse théorique de la transmission d’une entreprise familiale
1.1.1. Les spécificités de la transmission d’une entreprise familiale
La transmission à un successeur familial
La transmission à un repreneur externe
1.1.2. Les sources de motivation et de résistance à la transmission
Les facteurs expliquant la transmission
Les facteurs expliquant la résistance du fondateur à la transmission
1.2. L’effet de la transmission sur le mode de gouvernance
1.2.1.Les apports théoriques sur la gouvernance d’une entreprise familiale
1.2.2. Les traits particuliers de la gouvernance post-transmission
Impact de la transmission sur la relation et l’influence dans la prise de décision
Impact de la transmission sur la gestion, l’administration et le contrôle
Section 2 :Présentation de l’approche méthodologique et des hypothèses de recherche
2.1- Hypothèses de recherche
2.2. Méthodologie de recherche
1) Justification de la méthodologie
2) Recueil des données
3) Présentation des entreprises familiales étudiées
Section 3 : Analyse et interprétation des résultats
3.1. Interprétation des résultats
1) L’importance de l’intégration du successeur familial avant et pendant la transmission
L’intégration d’un(e) seul(e) successeur
L’intégration de deux ou plusieurs successeurs familiaux
L’intégration non préparée (parachutage)
2) L’acquisition du pouvoir de décision par le successeur familial
3) Le partage de propriété dans le cas d’une transmission à un manager externe
4) La relation d’agence après la transmission à un repreneur externe
3.2. Validation ou infirmation des hypothèses de recherche
3.3. Recommandations pour maitriser les impacts de la transmission sur la gouvernance
1) Etablir une communication régulière et fréquente
2) Suivi de l’exécution et du respect des clauses de contrat de gouvernance conclue avec le repreneur externe
3) Sceller définitivement la transmission avec la nouvelle génération
Conclusion
Section 1: Revue de littérature sur la spécificité de la gouvernance et de la transmission d’une entreprise familiale
L’accroissement des nombres d’articles, de publication de livre et la création des centres de recherche et de formation[1] justifient le regain d’intérêt pour l’étude des entreprises familiales. Ces travaux mettent en avant les apports théoriques relatifs au développement du capitalisme familial, aux modes opératoires de transmission, et aux performances des entreprises familiales et à leur résilience face à la crise économique. Notre étude s’aligne étroitement à ces apports théoriques tout en se focalisant sur la transmission et le mécanisme de gouvernance avant et après la cession. A ce propos, nous abordons dans la première section les traits de particularité de la transmission et dans la seconde section, les apports théoriques sur la gouvernance avec laquelle sont gérées les entreprises familiales.
1.1.Analyse théorique de la transmission d’une entreprise familiale
1.1.1.Les spécificités de la transmission
L’étude de la transmission implique pour le cas d’une entreprise familiale, la compréhension de celle-ci à travers la littérature économique. Pour chaque auteur et chercheur, la définition de l’entreprise familiale dépend du contexte sur lequel portent leurs travaux. Dans notre cas, nous essayons d’étayer plusieurs définitions qui ont été formulées dans un contexte de recherche académique et professionnelle.
Définition académique
Tagiuri et Davis (1996) figurent parmi les chercheurs ayant donné une définition de l’entreprise familiale. Selon eux, il s’agit d’une « organisation où plusieurs membres de la famille étendue influencent la direction de l’entreprise à travers des liens de parenté, des postes de management ou des droits de propriété sur le capital ». C’est une définition qui met en exergue les éléments caractéristiques de la gouvernance, de management mais elle ignore de souligner le mode de transmission. Les mots comme « liens de parenté », « droit de propriété sur le capital » justifient cela.
Astrachan et al. (2002) quant à eux complètent cette première définition en montrant plus d’intérêt de la production de l’entreprise familiale sur l’économie de la famille. A ce propos, l’entreprise familiale est une « organisation ou la famille a le contrôle effectif de la direction stratégique de l’entreprise, et où l’entreprise, en retour, fait d’importantes contributions à la richesse et à l’identité de la famille ». Ici, nous constatons que les auteurs ont mis l’accent sur l’enjeu de l’entreprise familiale à la constitution du patrimoine de la famille et sur la réputation.
Définition opérationnelle
Selon les termes choisis par le Représentant européen des entreprises familiales et le Réseau international d’entreprises familiales, la définition émet quelques conditions à remplir pour un type d’entreprise.
Ces conditions sont :
« 1) La majorité des votes est dans la possession de la personne physique qui a fondé l’entreprise, dans la possession de la (des) personne(s) physique(s) qui ont acquis leur part de capital ou dans la possession de leur époux, parents, enfants ou descendants de leurs enfants.
2) La majorité des votes peut-être directe ou indirecte.
3) Au moins un représentant de la famille est impliqué dans le management ou l’administration de l’entreprise.
4) Les entreprises cotées rentrent dans la définition de l’entreprise familiale si la personne qui a fondé ou acquis l’entreprise ou leur famille ou leurs descendants possèdent 25% des droits de vote. »
Aux termes de cette troisième définition, les auteurs insistent sur la caractéristique de la prise de décision par la définition et la délimitation des droits de vote et leur conséquence sur la gouvernance de l’entreprise.
Une quatrième définition nous permet de pallier les lacunes des précédentes et de compléter les autres caractéristiques des entreprises familiales surtout celles concernant la transmission. Une définition recueillie dans le Manuel de gouvernance des entreprises familiales précise que c’est « une entreprise dans laquelle la famille contrôle, notamment les fondateurs qui prévoient de léguer l’entreprise à ses descendants, détient la majorité de vote ». C’est à travers cette définition que l’intention du fondateur a été dévoilée. Le mot « léguer » justifie cette aspiration du gérant à transmettre son entreprise mais il invoque aussi un certain nombre de concept à étudier comme la préparation du successeur, la notion de pouvoir, etc.
L’étude de la transmission d’entreprise familiale implique donc la définition et la délimitation d’un concept important qui est le pouvoir.
Le pouvoir
La transmission d’entreprise familiale comprend deux volets dont la transmission du pouvoir et la transmission du patrimoine.
Le pouvoir est décrit comme « une quantité importante d’influence pouvant induire des événements et la motivation de se servir de cette influence pour atteindre le résultat escompté » (Pfeffer, 1981). Le pouvoir est donc une manière ou une possibilité d’user d’une influence sur l’exécution d’une procédure ou d’un processus comme dans la transmission. D’un côté, ce pouvoir et cette influence doivent être transmis et d’un autre côté, le successeur peut utiliser ce pouvoir afin d’influencer le résultat de la transmission en sa faveur.
Dans certains cas, la transmission de l’entreprise familiale est retardée à cause du retard de transmission de ce pouvoir au successeur. Nombreux sont les dirigeants qui manipulent la procédure de transmission en usant de leur influence parce qu’ils se montrent très réticents à transmettre et ne préfèrent pas voir le pouvoir entre les mains des successeurs mais à cause de leur inaptitude à gérer, ils se voient dans l’obligation de céder le pouvoir. Cette réticence peut être à l’origine de la situation financière et de la performance de l’entreprise pendant la gouvernance du fondateur. Dans le cas où l’entreprise avait de bonnes performances, le fondateur craint l’altération de cette performance après qu’il ait transmis le pouvoir à un successeur que celui-ci soit un membre de la famille ou un successeur externe. Et dans le cas contraire, c’est-à-dire, si les performances sont très mauvaises, il reste encore une intention de redresser la situation chez le fondateur qui veut retarder la transmission de peur que l’entreprise fasse faillite après et que le preneur se fasse licencié. Le choix d’un repreneur interne à la famille apparait donc comme un choix stratégique parce que grâce à l’état de service plus long au sein de l’entreprise, ce preneur peut développer ses propres bases de pouvoir et influencer la réalisation des performances après la transmission.
Le pouvoir est aussi décrit comme la détention d’influence dans une entreprise familiale. Astrachan, Klein et Smyrnios (2002) ont modélisé cette influence et ont établi une échelle F-PEC afin de mesurer l’intensité du pouvoir des membres de la famille et sa répercussion sur la propriété, sur le management et sur la direction de l’entité. Dans ce modèle, F signifie famille, P pouvoir, E expérience et C culture.
ECHELLE F-PEC |
PROPRIETE |
DIRECTION |
MANAGEMENT |
Source: Astrachan, Klein et Smyrnios (2002).
Ce qui revient à dire que la performance de l’entreprise avant et après la transmission est déterminée par ce modèle ainsi que la manière dont elle doit être transportée au membre de l’entreprise après la transmission. C’est la raison qui amène à l’étude des deux cas fréquemment observés dans la transmission d’entreprise familiale, c’est-à-dire la transmission à un repreneur interne et à un repreneur externe.
La transmission à un successeur familial
Le cas de transmission à un successeur familial est un réflexe spontané chez les fondateurs d’entreprise familiale. Ils choisissent un ou plusieurs membres de la famille pour être successeurs, cependant, ce choix implique une préparation du successeur pendant un certain temps avant le départ du fondateur afin de stimuler la motivation de celui-ci[2].
Les raisons qui amènent les fondateurs à choisir un repreneur familial sont :[3]
- La considération de la spécificité du capital social (interaction entre les membres de la famille, relations d’échange avec les fournisseurs, les clients et les employés)
- L’existence d’une valeur inhérente à la famille (réputation, valeurs sociales, normes comportementales)
Par ailleurs, la transmission à un successeur familial est une étude basée sur la transmission du pouvoir, sur l’acquisition du contrôle managérial des activités, la conduite de la stratégie et la transmission de la propriété. Selon Churchill et Hatten (1987), la transmission est un processus comportant les étapes suivantes :
- Le transfert du contrôle
- La formation et le développement de la nouvelle génération de successeur
- La collaboration entre la génération
Ces deux auteurs soulignent que la transmission de l’entreprise est une procédure impliquant deux générations. Le fondateur, d’une génération plus antérieure, cède à ses successeurs, les responsabilités opérationnelles, la gestion et la délimitation des objectifs de l’entreprise. Mais le pouvoir n’est transmis que lorsque ce fondateur aperçoive une collaboration étroite entre les générations et qu’il prenne sa retraite quant à la gestion de l’entreprise.
Etape de transmission à un successeur interne
La performance de l’entreprise après transmission est largement définie par la transmission du pouvoir. Mais le pouvoir n’est transmis que lorsque le successeur contrôle la gestion journalière des affaires de l’entreprise et contrôle la propriété.
Dans certains cas, il arrive que le fondateur cède le contrôle de la gestion des opérations mais conserve pour lui la propriété. Le successeur est dans ce sens, considéré comme un simple dirigeant qui n’a pas le contrôle total de l’entreprise. Ce titre est honorifique mais à l’égard de l’ensemble des actionnaires, le pouvoir n’est pas acquis et le propriétaire peut encore influencer les décisions. Celui-ci a le droit d’exercer son contrôle, un droit de véto à l’égard du dirigeant-successeur. De leur côté, la perception des employés peut compromettre la performance de l’entreprise parce qu’au-delà de toute circonstance, l’autorité et la compétence du dirigeant-successeur sont sous l’influence du fondateur.
En effet, un problème de transmission de pouvoir a des répercussions sur l’autorité du successeur et peut obturer la tenue effective d’un rôle de dirigeant. Il est aussi une source de conflit entre générations et de confusion entre les responsabilités. Dans les pires scénarios, le reproche que les actionnaires et les employés font au dirigeant-successeur peut amener à la dégradation du système de management et à la faillite même de l’entreprise.
A ce propos, une étude sur les cas de transmission hollandaise nous informe que la transmission de la propriété et du contrôle de la gestion des affaires journalières des entreprises familiales connait un décalage de plusieurs années. Selon les résultats de cette étude, 54% seulement des transmissions se font simultanément (pouvoir et contrôle). Ce décalage entre la transmission du pouvoir et de la propriété de l’entreprise est déterminant pour la performance future de l’entreprise.
La transmission à un repreneur externe
Dans certains cas, le fondateur décide de léguer l’entreprise familiale à un repreneur, manager externe qui n’appartient pas au cercle familial. De préférence, les fondateurs valorisant les connaissances intuitives, la formation et l’expérience dans le cadre d’une gestion familiale pourvoient une transmission interne à la famille, mais s’il n’y a aucune personne apte à diriger l’entreprise, le choix d’un manager externe est de rigueur.
Actuellement, les entreprises familiales s’ouvrent progressivement à la transmission externe. Le cas des entreprises familiales américaines nous apprend que 31% d’entre-elles sont transmises à un manager externe. Mais comme ce dernier est loin d’être considéré comme un copropriétaire, le mode de transmission du pouvoir présente quelques points de divergence par rapport au mode de transmission à un successeur familial. La pratique nous informe que la plupart des fondateurs préfèrent conserver le droit de propriété et laissent le droit de contrôle au manager externe. Une raison d’ordre psychologique a été constatée dans ce scénario. Le propriétaire estime que le manager externe doit manifester le sentiment d’être propriétaire et supporter les risques liés à ce statut lorsqu’il devient un copropriétaire ou un coactionnaire. De son côté, le manager externe estime seulement que ce statut lui offre une plus-value plus importante sans se soucier des risques. C’est pourquoi, les fondateurs se montrent réticents à l’idée de transmettre le pouvoir et le contrôle à un dirigeant externe et préfèrent garder le droit de la propriété pour eux.
Implication de la transmission du pouvoir à un dirigeant externe
Un manager externe est impliqué à la transmission du pouvoir au moment où il a une influence notable sur la planification stratégique et sur la conception de la politique de gestion. Lorsque le fondateur ou sa famille ne laisse pas une marge de manœuvre assez importante pour le manager externe dans la prise des décisions stratégiques de l’entreprise, ce manager se considère clairement qu’il est engagé comme un simple dirigeant et par suite, il va agir comme tel. Cela aura un impact sur sa vision et peut compromettre la considération de la qualité d’un bon dirigeant.
Par ailleurs, lorsque le départ du fondateur est incontournable et qu’il se consente à transmettre à un dirigeant externe, la responsabilité et le pouvoir doivent être transmis ensemble. La responsabilité se situe au niveau de l’exécution des tâches relatives à la gestion des affaires journalières tandis que le pouvoir accorde une liberté et une autonomie dans la prise de décision. Dans ce cas, le rôle du conseil ou des membres de la famille se réduit à la consultation (demande d’avis) mais la prise de décision appartient entièrement au manager externe ainsi engagé.
Dans cette situation, le conseil de famille doit jouer le rôle d’un conseil d’administration dont chacun doit être honnête envers le nouveau dirigeant. Toutefois, ce dernier a une obligation de transparence envers ce conseil afin d’assurer le maintien d’une relation stable. Mais pour assurer cette collaboration, il est du devoir du cédant de sensibiliser et de convaincre les membres de la famille à ne pas se monter hostile envers le nouveau dirigeant parce que l’avenir de l’entreprise familiale, constituée du patrimoine de la famille, est un enjeu de taille que ce soit pour le dirigeant que pour la famille en générale.
Les scénarios de la transmission externe peuvent être illustrés comme suit.
Position du fondateur |
Encore apte à diriger |
Doit partir |
Transmet le contrôle
Conserve le pouvoir |
Transmet contrôle et pouvoir |
Non engagement du manager externe
Hostilité du manager externe
|
Engagement du manager externe
Hostilité ou collaboration des membres de la famille Intervention du cédant à la sensibilisation des membres de la famille à collaborer avec le nouveau dirigeant
|
1.1.2.Les sources de motivation et de résistance à la transmission
Les facteurs expliquant la transmission
La transmission peut être de fait ou de droit.
La transmission de fait est due au décès du fondateur sans que celui-ci ait préparé à l’avance la manière dont il pourrait transmettre l’entreprise. Le rôle des successeurs familiaux consiste alors à hériter des passifs et actifs transmissibles après sa mort. Dans ce sens, le droit français sur la propriété stipule que les héritiers gèrent l’entreprise familiale sous un régime de propriété commune jusqu’à l’exercice effective du droit de partage. Toutefois, si le conjoint ou la conjointe du fondateur est encore vivant, la propriété et le pouvoir de l’entreprise sont soumis d’abord à la liquidité du régime matrimonial de partage de biens entre les époux avant que les successeurs puissent exercer leur droit de succession de l’entreprise. Dans cet ordre d’idées, les questions juridiques sont très complexes, prennent du temps et peuvent dériver à d’autres situations autre que la transmission, par exemple la vente de l’entreprise.
La transmission de droit par contre est réalisée par le fondateur qui a le temps de préparer avant son décès ou son départ en retraite le plan de transmission. Cette procédure peut s’exécuter de deux façons soit le cédant transmet l’entreprise à titre de donation soit par une forme de vente. La forme de transmission par la vente présente, d’une certaine manière, un avantage au fondateur parce qu’elle lui procure une source de financement de son retraite par le remplacement de l’entreprise dans son patrimoine par une somme en espèce. Par ailleurs, la raison de la transmission est bien plus qu’une question d’argent pour le fondateur. Il s’agit d’une motivation à raison psychologique de voir l’entreprise entre de bonnes mains et de la voir fleurir au profit des membres de la famille. En outre, le fait de s’assurer de l’avenir de la nouvelle génération est un sentiment de réalisation pour le fondateur (père). C’est pour cela que la plupart des fondateurs veulent préparer leurs descendants à la transmission de l’entreprise familiale.
Même si les recherches concernant ces raisons amenant les fondateurs à transmettre ne le mentionnent pas, l’innovation peut aussi être une motivation pour lui de céder l’entreprise familiale. L’entrepreneur est conscient qu’il est dans la limite de mener son entreprise parce que l’innovation exige une mise à jour de la technologie, une connaissance de très haut niveau, un nouveau mode de gouvernement, des techniques de gestion plus sophistiqués ou bien l’introduction en bourse. Dans ce cas, la succession à l’un de ses héritiers ou à un manager externe peut améliorer la performance future de l’entreprise et sa capacité de survivre à cet environnement mouvant. La transmission est devenue une décision murement réfléchie et consentie. Son objectif est d’assurer la pérennité de l’entreprise par l’appropriation de l’innovation et des avancées techniques et technologiques que le fondateur, ancienne génération d’entrepreneur, n’arrive pas à maitriser.
En dépit de ces facteurs, il y a aussi des facteurs de résistance qui retardent la transmission.
Les facteurs expliquant la résistance du fondateur à la transmission
Plusieurs raisons ont été évoquées pour justifier la résistance du fondateur à la transmission.
La perte de l’identité après la retraite est une raison évoquée par Aronoff (2003). Les entrepreneurs sont en manque d’assurance psychologique et estiment qu’après leur départ en retraite, ils perdent leur identité et leur notoriété à l’égard des tiers et des descendants. L’entreprise est considérée comme un prolongement d’eux-mêmes et détermine leur place dans leur environnement, donc après la retraite, cette identité sera perdue.
Il a aussi la notion de tension au sein de la famille après le départ en retraite et la transmission. Les entrepreneurs pensent que leur pouvoir et leur influence envers la famille et surtout envers leurs descendants s’affaiblissent après la retraite. Cet affaiblissement peut être source de tension entre les descendants et avec le conjoint. L’entrepreneur craint aussi que les successeurs se disputent après la transmission surtout après son décès parce que ces héritiers ont chacun leur propre aspiration et leur propre voie dans la vie. Il y a ceux qui peuvent penser à la vente de l’entreprise et veulent se tourner vers d’autres activités plus rentables ou plus modernes.
Par ailleurs, les entrepreneurs ont peur de confronter la vieillesse et la mort. En fait, les personnes qui vieillissent aspirent une continuité interne et externe selon certains auteurs (Cadieux et Lorrain, Handler, 1990). Cette continuité, ils vont la chercher et la confirmer dans leur notoriété en entreprise qui est comme un cadre favorable au renforcement de leur identité personnelle, de leur confiance en soi et de leur égo. En outre, la continuité externe est stimulée par les responsabilités, les rapports sociaux et les rôles joués pendant la gouvernance de l’entreprise. Dans ce sens, la retraite est comme une rupture de cette continuité et une menace de mort.
En outre, le départ en retraite de l’entrepreneur risque d’entrainer une mauvaise posture des collaborateurs fidèles à l’égard des nouveaux repreneurs qu’ils soient un membre de la famille ou bien un manager externe. L’entrepreneur se soucie de leur avenir après la transmission de l’entreprise. Il estimerait que les nouveaux arrivants écartent ces anciens collaborateurs directement par leur licenciement ou indirectement pas la minimisation de leur importance pour l’entreprise. Dans ce cas, il se montre réticent à transmettre s’il n’est pas encore dans l’obligation.
Nous répertorions aussi d’autres facteurs qui peuvent justifier la résistance du fondateur d’une entreprise familiale à la transmission. Le schéma suivant synthétise ces différents facteurs selon les résultats des études de Handler et Kram (1988).
Nous remarquerons que la résistance est de source multiple et ne se résume pas à l’intention du dirigeant. Le conjoint, les pairs entrepreneurs, les successeurs, les clients, collaborateurs et fournisseurs ont aussi un rôle à jouer selon leurs aspirations à la transmission. Quel que soit le cas, la transmission a toujours une influence sur le mécanisme de gouvernance pour une entreprise familiale. L’évolution de cette gouvernance avant et après la transmission fait l’objet de la section suivante axée principalement sur les traits de particularité de la gouvernance d’une entreprise familiale et l’influence de la transmission sur ce volet.
1.2.L’effet de la transmission sur la gouvernance
1.2.1. Les apports théoriques sur la gouvernance d’entreprise familiale
Par définition, la gouvernance d’entreprise « fait référence aux structures et aux processus utilisés dans le cadre de l’administration et du contrôle des entreprises. La gouvernance d’entreprise concerne les relations entre les dirigeants, le conseil d’administration, les actionnaires de contrôle, les actionnaires minoritaires et les autres parties prenantes. Une bonne gouvernance d’entreprise contribue à un développement économique durable, en renforçant les résultats des entreprises et en favorisant leur accès aux capitaux externes »[4].
La définition met l’accent sur les trois volets dont :
- L’administration qui englobe toutes les questions relatives à la direction stratégique d’ordre générale comme les décisions stratégiques, les décisions d’investissement, les procédures de fusions-acquisition et le plan successoral ainsi que la procédure de nomination des dirigeants
- La notion de contrôle qui rassemble toutes les perceptions sur les actions de superviser le résultat de la direction et le suivi de la mise en place des décisions stratégiques
- Et le rapport entre les organes de contrôle de la société qui fait référence à l’interaction entre les actionnaires, administrateurs et directeurs de l’entreprise. Ce rapport doit être basé sur la délimitation des rôles, devoirs, droits et attente de chaque organe de contrôle.
Les trois dimensions de la gouvernance d’une entreprise familiale
L’étude de la gouvernance nous renvoie à la considération de trois dimensions distinctes mais complémentaires à la vie de l’entreprise familiale, il s’agit de la gouvernance familiale, la gouvernance d’entreprise et la gouvernance publique.
La gouvernance familiale
La gouvernance familiale constitue le premier maillon de la gouvernance d’une entreprise familiale. Elle porte essentiellement sur les mécanismes de gestion et de contrôle au sein d’une famille entrepreneuriale. De ce fait, chaque entreprise a son propre type de gouvernance familiale.
En général, la gouvernance familiale est sujette à des luttes de pouvoir et d’influence entre les membres d’une famille et à d’éventuelle spoliation des actifs de l’entreprise par des tierces personnes. Elle doit être régie par une charte familiale afin d’assurer la stabilité.
La charte de la famille concernant la gouvernance de l’entreprise familiale est un document officieux qui retrace l’ensemble des objectifs et valeurs auxquels la famille tient, elle retrace également les outils nécessaires à leur concrétisation. Pour plus de stabilité, la charte doit aussi mentionner les mesures à prendre au fur et à mesure de l’évolution des valeurs, préférences et types de comportement de la famille ainsi qu’aux aspirations de la minorité. En outre, des discussions régulières s’impliquent tant pendant l’élaboration que pendant le suivi de l’évolution de la charte. Cela permet d’actualiser l’histoire de l’entreprise et de son avenir.
Le deuxième élément de la gouvernance familiale est la formulation de la stratégie patrimoniale. L’objectif est de garantir la pérennité du patrimoine familiale en le faisant répartir sur plusieurs domaines d’investissement. Un deuxième objectif de cette stratégie est de différencier le patrimoine lié à l’entreprise avec le reste afin que chaque membre puisse quitter l’entreprise individuellement. Quelques principes ont été déjà appliqués à ce propos tels que : la gestion de bien immobilier, rémunération conforme aux prix du marché pour les membres de la famille travaillant à l’entreprise, proscription des prêts privés dont l’entreprise portera garantie, gestion indépendante des liquidités.
La conception de la stratégie patrimoniale tient compte de l’évolution du personnel de l’entreprise, des besoins, de la situation du patrimoine et du degré d’implication de chaque membre. Cela facilite le transfert entre générations du droit de propriété. En outre, des clauses concernant la gestion des évènements majeurs sur le patrimoine est nécessaire comme dans le cas d’un divorce, d’un décès ou d’autres aléas.
Le troisième élément de cette gouvernance regroupe la composition et la délimitation des pouvoirs, des influences et des attributions de l’assemblée familiale et du conseil de famille. L’intervention de ce conseil est indispensable pour assurer la transparence de la communication sur la situation de l’entreprise et pour améliorer la confiance avec les dirigeants. De ce fait, l’assemblée familiale fait appel à une présentation régulière de la situation de l’entreprise et de son évolution, elle adopte la charte familiale, valide la stratégie patrimoniale et effectue une vérification régulière. Elle entame des discussions ouvertes afin de prendre les décisions stratégiques. En outre, le conseil a un rôle d’agent de liaison entre la famille et l’entreprise. Afin d’assurer ce rôle, le conseil doit être composé par des personnes impliquées directement dans les activités de l’entreprise et des membres de famille actifs, des représentants de la nouvelle génération et de la génération précédente. La direction est confiée à une personne expérimentée, ayant une compétence avérée en termes de communication.
Le quatrième élément d’une gouvernance familiale est la conception d’une politique de communication. L’objectif est d’assurer un échange d’informations sincères et adéquates sur les choix de la famille, sur l’image publique de l’entreprise tout en garantissant un respect de la confidentialité des affaires et de la vie privée de du chef d’entreprise. De surcroit, la gouvernance doit être basée sur une communication active des évènements qui ont des répercussions sur la vie de l’entreprise et sur la relation entre les parties prenantes. La scène peut prendre une forme très simple comme pendant le repas ou une forme plus officielle comme les assemblées familiales ou les courriers. En principe, les échanges sont à l’origine d’une prise de décision donc, une communication efficace et sincère est exigée.
En sus de ces éléments, la gouvernance familiale fait aussi référence à l’implication des successeurs potentiels de la famille au développement de l’entreprise le plus tôt possible. Cela facilite la délégation du pouvoir et des responsabilités mais nécessite un plan de secours en cas de déclin inopiné du fondateur, une charte des actionnaires prévoyant les droits et faveurs de minoritaire et majoritaire, et un contrat de travail conclu entre les membres de la famille.
La gouvernance d’entreprise
La gouvernance d’une entreprise familiale comprend aussi en sus de la gouvernance familiale, un système de gouvernance d’entreprise avec lequel sont encadrées les réponses aux nombreuses questions telles que : quelles activités commerciales faut-il abandonner ? S’agit-il d’investir dans la distribution internationale ? Faut-il faire l’acquisition d’une entreprise ? Un holding est-il nécessaire ? A quoi servirait-il ? Quelle est la logique future des processus commerciaux? Quelles activités déléguer à des tiers ? Comment financer la croissance de l’entreprise ? Un conseil d’administration actif comprenant des membres externes à la famille doit-il être constitué ? L’objectif est ici d’arriver à concevoir une stratégie d’entreprise laquelle peut gérer les questions de financement, les stratégies de patrimoine, etc. La gouvernance d’entreprise est alors la résultante des éléments expliqués ci-après.
Le premier élément de ce système est la vision et l’orientation stratégique. A côté de la charte familiale, les responsables de l’entreprise convoient une charte d’entreprise qui définit la stratégie et les axes prioritaires de la politique d’entreprise. Comme elle est basée sur la charte familiale et la stratégie patrimoniale, la charte d’entreprise permet la concrétisation de la vision de la famille et doit retracer un business plan faisable basé sur les valeurs éthiques, les principes de l’entreprise, l’autonomie et l’indépendance de la prise de décision. La charte d’entreprise implique une communication fluide, sincère, claire, régulière et périodique entre les responsables et les décideurs.
Le deuxième élément porte sur la constitution des structures et comités gouvernants à l’aide d’un règlement intérieur qui précise et clarifie les responsabilités et les compétences de chaque membre. Ce règlement assure la concrétisation et la fructification des valeurs familiales et entrepreneuriales, permet d’équilibrer la concentration du patrimoine, assure l’exercice des droits à l’information des organes et comités, précise la règle de prise de décision. Il doit faire l’objet d’une révision annuelle, d’une adaptation à l’évolution des besoins et d’une communication adéquate.
Le troisième élément de ce système de gouvernance est le conseil d’administration qui assure la direction de l’entreprise et assure sa croissance dans l’avenir. Il est composé des membres internes et externes à la famille mais qui disposent des compétences complémentaires permettant d’assurer effectivement les attributions qui lui sont conférées par la loi. La taille du conseil d’administration est fonction de la taille, de la structure et de la complexité de l’organisation générale de l’entreprise. En principe, la loi précise que le conseil d’administration est à la charge de la stratégie, de la structure, de l’organisation de la direction, des systèmes d’informations, des procédures de contrôles, du choix et de la supervision des employés cadres.
Le quatrième élément du système de gouvernance est l’organe de direction de l’entreprise dont le rôle est d’assumer la direction opérationnelle des affaires de celle-ci à côté des dirigeants externes et internes à la famille. Les domaines de responsabilités, les devoirs et les compétences de l’organe directeur de l’entreprise familiale sont précisés dans le règlement de l’organisation. L’organe directeur équilibre les missions et les compétences du conseil d’administration.
Le cinquième élément comprend l’implication des actionnaires dans le système de gouvernance de l’entreprise notamment dans la procuration des informations nécessaires à la prise de décision. La composition, les modalités de départ et les conditions d’admission à l’assemblé des actionnaires sont définies par le conseil d’administration, le conseil de famille et la génération héritière des fondateurs de l’entreprise.
Le système de gouvernance d’entreprise fait aussi référence à la conception des outils de direction facilitant la direction opérationnelle, l’analyse des risques, la gestion du système de rémunération et le contrôle du respect des obligations légales. Ils sont centralisés autour d’un système de rapport stratégique et opérationnel, utiles au pilotage et contrôle des activités de l’entreprise.
Par ailleurs, la définition d’une culture d’entreprise et de motivation constitue un élément essentiel au développement du système de gouvernance d’entreprise. Cela permet de contribuer à la croissance et au développement durable de l’entreprise. Rappelons que la culture d’entreprise est bâtie autour des valeurs, normes et positions qui encadrent et influent le comportement des collaborateurs. Elle a une répercussion sur les attitudes des employés, sur la performance et sur l’identification et la différenciation de l’entreprise dans son environnement externe.
Enfin, le troisième volet de la gouvernance d’une entreprise familiale porte sur la gouvernance publique qui traduit son rapport avec l’environnement externe.
La gouvernance publique
La gouvernance publique traduit les comportements et les attitudes de l’entreprise familiale envers les divers acteurs de l’environnement extérieur tels que les clients et fournisseurs, les bailleurs de fonds et les collectivités ainsi que l’Etat. Ce volet de gouvernance publique conditionne à travers les aspects sociaux et écologiques, le développement économique, le climat social. Les composants de la gouvernance publique sont inscrits dans la charte familiale, la charte d’entreprise et les documents stratégiques.
La gestion de la relation avec la clientèle est un élément essentiel de la gouvernance publique. Afin d’assurer sa rentabilité à long terme, l’entreprise planifie régulièrement une évaluation de la satisfaction des clients pour agir en conséquence. Cette évaluation se répercute sur les résultats commerciaux de l’entreprise. Les moyens utilisés sont ceux prônés par les pratiques marketings comme le mécénat, parrainage, publicité, forums, expositions, etc. C’est l’évolution des préférences et le niveau de la satisfaction clients qui déterminent les modifications des produits, services, processus de vente et d’informations.
L’assurance d’une communication efficace avec les collaborateurs est l’une des préoccupations de l’organe directeur de l’entreprise. L’objectif de cette communication porte sur la diffusion et l’échange des informations nécessaires à la gestion des différents processus. L’étendue de la gestion de la relation avec les collaborateurs varie en fonction de la taille de l’entreprise. Mais quelle que soit cette taille, un système d’informations destiné aux collaborateurs est mis en place par la direction par différents moyens tels qu’un journal d’entreprise, un intranet ou des lettres d’informations. En plus de cela, les échanges d’information sont organisés afin de créer un dialogue entre le personnel, l’organe directeur et les collaborateurs. L’objectif de la mise en œuvre de ce système d’information est de renforcer la confiance entre le personnel de l’entreprise, le conseil de famille et l’organe directeur et de créer une ambiance sociale et professionnelle propice à l’évolution de l’entreprise.
La gestion de la relation avec les financeurs externes de l’entreprise est un élément important de la gouvernance publique. Son objectif est de les intégrer dans le montage des processus de financement de l’entreprise, dans la définition des modes de financement externes et à travers la formulation de la stratégie d’entreprise. La considération des financeurs externes peut être justifiée par leur qualité de spécialiste, de partenaire, de conseiller ou leur aptitude à conseiller l’organe de direction. Leur intervention est souvent utile en cas de croissance rapide et changement profond dans les activités de l’entreprise et en complémentarité avec les financements classiques.
La considération des partenaires commerciaux font parties des préoccupations des dirigeants dans la gestion de la gouvernance publique. Elle garantit la qualité des rapports avec les fournisseurs et les partenaires commerciaux et conditionne l’instauration d’un climat de confiance avec eux.
La gestion de la relation avec l’Etat, les associations et les organisations professionnelles a pour objectif de créer une possibilité de défendre les intérêts de l’entreprise, de défendre l’intérêt général. C’est auprès des associations professionnelles et sectorielles que l’entreprise peut faire valoir son droit. L’enjeu porte sur le respect des lois et règlements, sur l’exercice des droits d’association, des droits politiques et sur la maitrise de l’espace commerciale sur laquelle l’entreprise œuvre.
Gouvernance d’entreprise familiale |
Gouvernance d’entreprise
Définit les responsabilités et les comportements des dirigeants et employés hors de la famille dans la gestion et le contrôle de l’entreprise familiale |
Gouvernance familiale
Définit les modalités d’intervention des membres de la famille à la gestion et contrôle de l’entreprise familiale |
Gouvernance publique
Définit la gestion de la relation entre le conseil de famille et l’organe directeur avec les clients, collaborateurs, l’Etat, etc. |
En partant de l’étude de ces trois volets de la gouvernance d’une entreprise familiale, nous sommes arrivés à la synthèse des traits caractéristiques d’une entreprise familiale, représentés par le schéma suivant.
1.2.2. Les traits particuliers de la gouvernance post-transmission
Comme nous avons indiqué précédemment, la gouvernance fait référence à l’ensemble des structures et processus nécessaires à la gestion (administration) et contrôle de l’entreprise familiale ainsi que la relation entre conseil de famille, conseil d’administration, dirigeants, actionnaires et autres parties prenantes. Selon une approche classique, les conséquences de la transmission sur le mécanisme de gouvernance peuvent être analysées selon le type de transmission mais à force de constater les similarités entre ces deux volets, nous allons étaler et expliquer les traits de particularité de la gouvernance post-transmission en deux sous-sections. La première est consacrée à l’aspect gestion et administration tandis que la seconde aborde l’aspect relation et influence.
Impact de la transmission sur la relation et l’influence dans la prise de décision
- Relation entre le père et le successeur après la transmission
La relation entre le cédant et le successeur (fils ou fille) détermine le bon déroulement de la transmission du pouvoir et du contrôle de l’entreprise familiale et son avenir après le départ en retraite du fondateur. Deux cas se distinguent à ce propos.
Dans le premier cas, le successeur a été longuement préparé à la gestion de l’entreprise à la prise de pouvoir. Dans ce sens, le père, s’il n’est pas encore décédé, joue un rôle de conseiller auprès du successeur qui reprend la direction de l’entreprise familiale. Ce rôle lui accorde la possibilité de rester actif sans devoir se préoccuper de la charge de chef d’entreprise et lui donne une occasion de constater la prise de position du successeur et d’observer sa capacité à s’assurer de la continuité d’exploitation de l’entreprise. Ce rôle de conseiller peut se manifester par l’adhésion au conseil d’administration familial ou au conseil de famille par le cédant et de ce fait, il peut encore raviver l’esprit de famille et l’esprit d’entreprise avec lesquels il a bâti l’entreprise lors des diners ou réunions en famille. En somme, le père n’exerce plus d’influence sur la prise de décision mais il joue un rôle de conseiller auprès du successeur.
Dans un deuxième cas, le successeur n’est pas préparé à la transmission, n’ayant pas acquis l’esprit d’entrepreneur et de dirigeant et fait partie de la génération qui considère que l’entreprise familiale est un fardeau dont il faut se libérer. Dans ce sens, il ne manifeste aucun sentiment à la poursuite de l’entreprise familiale et estime qu’il dispose d’autres options dans la vie que d’en hériter. Dans ce sens, s’il accepte la transmission, le rôle du cédant à son encadrement à la gestion opérationnelle de l’entreprise est capital. Pourtant, ce style de management est sensible aux tensions parce que d’un côté, le successeur se voit obligé et veut, dans le pire des scénarios, vendre l’entreprise dès qu’il le pourra et d’un autre côté, l’enchevêtrement des rôles et responsabilités entre le cédant et le successeur aura des répercussions sur la prise de décision. En plus, la possibilité que le style de management de ces deux personnes soit très contrasté peut mener à des erreurs, à une résistance aux changements et à la confusion aux égards des collaborateurs.
Un troisième cas peut être ajouté à ces deux premiers. Il s’agit de l’existence d’une ombre générationnelle lorsque le père ou la mère, fondateur de l’entreprise transmet la propriété à son successeur mais réserve encore une grande influence sur la gestion opérationnelle. Cette situation peut faire naitre une certaine méfiance ou une absence de confiance en soi à l’égard du successeur et peut compromettre sa relation avec le cédant. En plus, elle peut mener à la confusion dans la prise de décision sur la gestion de la propriété, sur les rôles de gestion, sur la rémunération et sur la vision à long terme. De plus, le personnel insinue qu’il y a deux patrons dans l’entreprise.
- Relation entre les successeurs
Plusieurs situations peuvent être à l’origine de la qualité de la relation entre les successeurs potentiels de l’entreprise familiale.
La première situation est le fait de privilégier un successeur parmi tant d’autres. Celui choisi préalablement par le cédant a été préparé à la reprise de l’entreprise familiale après le départ de celui-ci tandis que l’autre peut ne pas avoir ce privilège. Logiquement, les autres enfants du cédant ne veulent pas à tout prix s’impliquer dans la gestion de l’entreprise parce que sans cette prise de position préalable, leur première impression est de voir l’entreprise tomber en faillite après le départ du père. Par contre, le père peut les persuader de rejoindre l’autre successeur et de croire en son expérience. Lorsque les confrères ont repris l’entreprise après le départ du fondateur, l’entente passe bien en premier temps parce le père demeure encore un conseiller. Celui-ci joue le rôle de père et de conseiller pour régler les différends entre les confrères et les apprend à avoir une vision unique sur l’avenir de l’entreprise.
Par contre, lorsque le rôle de conseiller du père s’amoindrit à cause de son inaptitude ou de sa volonté de retirer définitivement de l’entreprise, les confrères peuvent se mettre en conflit. Progressivement, le style de mangement se diffère d’un frère à un autre Chacun essaie d’influencer les idées et les principes de l’autres et cela peut les amener à une sorte de résistance et de conflit. A un moment donné, l’autre peut décider de s’arrêter, de vendre sa part ou de vendre l’entreprise en entier alors que l’un manifeste un attachement profond à la valeur de l’entreprise et de la famille telles que le père fondateur l’a vécu. Les impacts se répercutent non seulement sur la gestion de l’entreprise. Les employés se sentent mal à l’aise. Ce type de relation entre les successeurs nuit au style de management de l’entreprise et compromet la prise de décision, le pouvoir de contrôle et l’image envers les parties prenantes.
La deuxième situation porte sur l’impact de la relation entre le bras droit du cédant et le successeur de l’entreprise familiale. Ce dernier a été longuement préparé par le père et défend ardument les valeurs et la culture de l’entreprise comme l’a transmis le fondateur. Il prend progressivement les responsabilités et adopte l’étoffe d’un dirigeant. Par contre, le bras droit du cédant ne manifeste aucun intérêt ni aux responsabilités qui lui sont conférées ni aux valeurs et principes véhiculés dans l’entreprise et défendus par les membres de la famille. Cela peut entrainer une discorde entre les successeurs et progressivement, ils manifesteraient un comportement hostile envers le bras droit et dès qu’ils ont le plein pouvoir, celui-ci sera limogé de son poste ou licencié s’il ne le décide pas avant.
En fait, l’influence du bras droit sur la prise de décision peut être notable tant que le cédant joue encore le rôle de conseiller auprès de ces successeurs repreneurs. Même si aucun pouvoir de contrôle ne lui soit confié, il peut prendre position dans les processus de prise de décision concernant la gestion opérationnelle de l’entreprise. S’il propose des principes et idées en harmonie avec les aspirations du cédant, les successeurs se montrent sympathiques envers lui mais dans le cas contraire, il peut y avoir une discorde entre les successeurs, le cédant et le bras droit et à ce moment, le conseil de famille entre en jeu pour régler le conflit. Tant que la situation de discorde n’est pas encore résolue, les successeurs peuvent décider de préciser aux membres du personnel l’organigramme et le circuit de la prise de décision dans l’entreprise afin d’en exclure légitimement le bras droit du cédant. Dans ce sens, la prise de décision et le pouvoir de contrôle sont bien encadrés et aucun impact ne sera constaté sur l’administration des affaires de l’entreprise.
- Relation entre les successeurs et le personnel
La relation entre les successeurs et le personnel passe par plusieurs étapes de construction après la transmission.
Dans un premier pas, le personnel est confronté au changement de rapport au sein de la famille à travers un changement important sur la constitution et le changement de commandement dans le conseil d’administration familial. Ce nouveau conseil peut être amené à émettre plus de pression vis-à-vis des membres du personnel, à sous-estimer la capacité de production de chaque employé ou de surestimer leur position. Avec cette pression, les employés peuvent le supporter s’il y a aurait un système de compensation comme une révision de la grille salariale, le système de prime ou la gestion d’autres avantages qui stimuleraient leur motivation à travailler. Dans le cas contraire, la pression et la sous-estimation de la capacité des employés peut obturer la prise de décision et le pouvoir de contrôle. Cela a un impact sur les instructions, sur la communication interpersonnelle, sur le respect des niveaux hiérarchiques et sur la gestion des ressources humaines dans son ensemble. Dans cette voie, la performance future de l’entreprise sera vouée à l’échec.
Dans un second pas, le personnel est confronté à un nouveau style de management apporté par le nouveau successeur du propriétaire de l’entreprise familiale. Même si le successeur est préalablement préparé à la direction de l’entreprise, il aime cout que cout apporter un trait de particularité, un trait de personnalité à son management. Ce nouveau style peut être imposant vis-à-vis du personnel. Dans un premier temps, il y a un conflit qui a des conséquences sur la prise de décision. Mais au fur et à mesure où les deux parties s’apprennent à se connaitre, ils arriveront à une bonne entente avec un style de management plus évolué par rapport aux principes défendus par le père. Cette attente peut amener les deux parties à adopter des principes innovants de management comme le cas du système de management de libération d’entreprise qui consiste à amoindrir le trait du pouvoir et à donner une marge de manœuvre très étendue au personnel.
Dans un autre cas, le style de management apporté par le nouveau dirigeant de l’entreprise peut être rigide vis-à-vis du personnel et leur rend mal à l’aise au travail. La gestion de l’entreprise est sanctionnée à cause de cette rigidité parce que la prise de décision est obturée. La conséquence se répercute à la rentabilité et à la performance.
Quand le père fondateur, qui joue le rôle de cédant-conseiller prend connaissance de cette situation, il intervient à régler la discorde en assouplissant les attitudes du successeur et à attirer la compréhension du personnel. La résolution peut être conflictuelle si le successeur persiste dans ses attitudes. Par contre, si le cédant arrive à le sensibiliser sur l’importance du style de management dans la gestion du personnel et la conséquence positive sur les résultats de l’entreprise, l’entente sera gagnée facilement et une bonne ambiance au travail commence à faire surface. Cela confirme tout l’intérêt que le père reste encore un membre du conseil d’administration de la famille et conseiller privilégié du nouveau dirigeant après son départ en retraite. Il peut empeigner à l’esprit de son successeur tous les efforts nécessaires, le dévouement, la sympathie et les autres qualités personnelles exigées pour un bon manager en sus des attitudes d’un dirigeant.
- Relation entre repreneur externe et la famille du cédant
La relation entre la famille du cédant, une famille d’entrepreneurs et le manager externe est dans la plupart du temps, difficile et peut se terminer rapidement par une rupture. La cause de la rupture peut provenir des attitudes de la famille ou du comportement du manager externe.
D’un côté, les membres de la famille sont dans une illusion que l’arrivée du manager externe va résoudre tous les problèmes de l’entreprise et qu’il la redresse de tout ce qui va de travers. Il y a une croyance forte en la capacité de ce manager externe ainsi qu’une attente surréaliste, que son intervention est une solution extrême à la sauvegarde de l’entreprise. Le manager se trouve donc dans une situation d’embarras parce qu’en dépit des attentes de la famille d’un succès surdimensionné, celle-ci ne lui accorde pas assez de confiance et de pouvoir pour lui permettre d’aller en avant vers les objectifs. Cela se termine donc par une déception de la famille et une culpabilité du manager et peut conduire à une rupture.
D’un autre côté, le manager peut manifestement montrer une impertinence envers la famille, envers ses valeurs et principes ou encore, il peut sous-estimer sa posture et se montrer indifférente à l’influence de la famille à la gestion et le contrôle. Dans ce sens, le conflit nait et la relation penche vers une rupture rapide. Dans ces deux cas, la prise de décision est difficile parce que les employés font illusion qu’il existe deux chefs, deux patrons et ils ne trouvent plus à qui faire confiance et qui doit être écouté et respecté. En plus, la tension entre les deux camps fait naitre une concurrence managériale où chacun essaie de se prévaloir supérieur et notable aux égards des employés. Donc il y aura deux instructions différentes et divergentes que les employés se trouvent eux aussi dans l’embarras. Ceci entraine une perte de contrôle de l’entreprise et une altération de confiance envers les tiers et les employés.
- Relation entre le repreneur externe interne et les membres de la famille
Afin de vouloir éviter cette éventualité, les familles d’entrepreneurs préparent et choisissent elles-mêmes un manager interne, qui n’est pas un héritier du cédant mais un employé qui connait parfaitement les valeurs et les principes établis dans la charte familiale et la charte d’entreprise. Ce type de manager est le type d’individu qui a évolué dans l’entreprise vers la préparation à la tenue d’une fonction de dirigeant. La famille a longuement eu le temps d’observer ses compétences, sa loyauté, sa fiabilité et son adhésion à la culture de l’entreprise et les valeurs familiales. Ce choix est la clé de la transmission pour la famille qui n’a pas un successeur potentiel à la place du dirigeant. L’avantage de ce choix réside sur la connaissance de ce manager du contexte dans lequel l’entreprise a vécu et sur la volonté d’adapter la gestion et le management au nouveau contexte auquel l’entreprise doit faire face. En outre, il peut tirer profit de la bonne connaissance des collaborateurs, des systèmes et processus, des clients et fournisseurs, du marché et des concurrents et des parties prenantes.
Avec un tel choix, la relation entre le manager externe et la famille se tient bien surtout si le père cédant est encore dans le conseil d’administration de la famille et joue le rôle de conseiller. Même s’il y a des différends, la résiliation des conflits paraitra aisée. Donc, le processus de prise de décision est bien géré, autant pour la détention et l’exercice du pouvoir de contrôle parce que le nouveau dirigeant connait bien la valeur et le principe de ce pouvoir. Ce type de dirigeant est souvent appelé « externe interne » ou « outside inside ».
Il y a des cas où l’organe de direction de l’entreprise après transmission est confié à un manager externe interne et un fils, héritier du cédant. Comme ces deux personnes ont toutes évolué eu sein de l’entreprise au temps du fondateur, leur relation peut être bien équilibrée. Le fils croit aux expériences du manager externe et ce dernier a une grande estime de la place du fils dans la gestion du patrimoine de la famille et de l’entreprise, c’est-à-dire son pouvoir de contrôle. Les deux sont donc amenés à bien traiter l’autre. Quand il s’agit des questions relatives à la gestion des opérations, une faveur est donnée au manager et contrairement, l’avis du fils est privilégié dans la prise de décision concernant la constitution du patrimoine.
- Relation entre le repreneur externe et le personnel
La qualité de la relation entre le manager externe et l’ensemble du personnel est fonction de quelques déterminants. Si le manager est élu en interne par la famille parce qu’il n’y a pas ou pas encore un héritier apte à diriger l’entreprise après la transmission, la relation se passe bien. Le manager connait bien le personnel et leur attitude envers le respect des valeurs et principes familiaux préalablement établis. S’il veut amener quelques innovations dans la gestion de l’entreprise, il a l’aisance de se communiquer avec le personnel et les nouveaux projets passent au mieux. En outre, le fondateur cédant peut encore jouer le rôle de médiateur entre les membres de la famille, le manager et son équipe de dirigeant et le personnel. Les éventuels conflits qui pourraient compromettre la prise de décision seront rapidement résolus.
En outre, si le manager est externe à l’entreprise et a été parachuté à l’insu du cédant, la relation peut être biaisée au départ. Les deux camps sont donc tenus de chercher un terrain d’entente avec l’intervention du conseil familial ou du fondateur cédant. Sans intervention du cédant, cette recherche d’une attente est surement conflictuelle parce que le manager externe exerce aveuglement son style de management et peut ne pas saisir l’importance de l’influence de la gouvernance familiale. Ce conflit conduit à une résistance de la part des deux camps et compromet le circuit des instructions et des notes de travail. La gestion opérationnelle se trouve alors sanctionnée par la situation et les impacts négatifs sur la performance sont attendus.
Par contre, si le cédant joue encore son rôle de conseiller, médiateur et membre du conseil d’administration, la résolution du conflit peut être aisée. Le cédant ou un représentant de la famille ayant des expériences dans l’entreprise est tenu d’accompagner le nouveau dirigeant pendant un certain temps jusqu’à ce qu’il apprenne les valeurs et les principes de famille longuement construits à l’esprit des employés et du conseil familiale. Aussi, le manager externe peut apprendre les rouages et le fonctionnement des affaires de l’entreprise et à respecter la culture familiale et la culture d’entreprise. En outre, le personnel doit lui faire confiance et se fier à ses capacités, à s’adapter à son nouveau milieu. Si cette confiance n’est pas acquise, le mécanisme de prise de décision et l’exercice des compétences de dirigeant ne passent pas. Cependant, la possibilité que cette entente soit entretenue à long terme est moindre parce que l’intégration des valeurs et principes familiaux est plus difficile, et nécessite du temps, de la patience, de l’exercice et de la communication. Elle est plus difficile que l’appréhension de la culture et de la stratégie d’entreprise. Dans ce sens, l’aboutissement de cette relation entre manager externe et le personnel est toujours destructeur pour l’entreprise sauf dans des cas très rares et avec l’intervention du cédant dans l’accompagnement de ce nouveau dirigeant.
Impact de la transmission sur la gestion, l’administration et le contrôle
L’impact de la transmission sur la gestion et le contrôle de l’entreprise familiale dépend de la nature et de l’efficacité du style de management adopté par le successeur ou le manager externe.
En général, le contrôle, un processus d’exercice du droit de propriété, appartient toujours à la famille quel que soit le mode de transmission. En particulier, quand l’administration des affaires générales de l’entreprise n’est pas à la main d’un repreneur familial, la maitrise de ce contrôle diminue et indirectement peut être compromise par les montages adoptés par le manager.
En outre, la gestion ou l’administration générale des affaires peut être menée par un repreneur interne ou un manager externe. Son efficacité est fonction de la compétence et du style de management mis en place par le nouveau dirigeant.
Le schéma suivant détaille le mode de gestion après la transmission en fonction du style de commandement.
Transmission |
Repreneur externe |
Repreneur interne |
Successeur familial |
Style autoritaire
Imposant |
Style collaboratif |
Style collégial et participatif |
COMPETENCE – EXPERIENCE – RESPECT DES VALEURS ET CULTURES |
Prise de décision obturée |
Prise de décision efficiente |
Pouvoir de contrôle |
Gestion opérationnelle altérée |
Gestion opérationnelle efficace |
Mauvaise performance |
Meilleure performance |
D’après ce schéma, la performance de l’entreprise familiale après la transmission dépend de la combinaison efficace ou inefficace des trois volets essentiels : le pouvoir de contrôle, le mécanisme de prise de décision et l’administration (gestion opérationnelle). Cette combinaison débouche sur deux cas distincts :
- Lorsque le nouveau dirigeant adopte un style de management autoritaire et imposant envers le personnel et les membres de la famille, la prise de décision est devenue un processus inefficient même si celui-ci dispose des bonnes compétences et expériences d’un bon dirigeant. Par conséquent, la gestion opérationnelle est obturée et empêche la réalisation d’une bonne performance.
- Lorsque le nouveau dirigeant apporte un style de management collaboratif, collégial et participatif, il arrive à respecter les valeurs et la culture de la famille et de l’entreprise. Dans cet ordre d’idées, la prise de décision est efficace parce que la qualité de la relation avec le personnel est meilleure. En sus de cela, si le repreneur appartient à la famille, le pouvoir de contrôle du patrimoine est déjà acquis et peut mener à une gestion opérationnelle efficace. La réalisation de la performance est alors la conséquence positive de la combinaison de ces volets.
La reconnaissance de ce type de management (contrôle, gestion et relation) concrétise la finalité de cette partie théorique et conceptuelle. En résumé, il existe trois types de repreneur dont le repreneur successeur, le repreneur externe interne et le repreneur externe. Chacun d’eux peut apporter des styles de management différents mais pour les deux derniers qui sont longuement préparés à la prise du pouvoir après la transmission, leur aspiration penche vers le style collaboratif et participatif. En plus, ils sont sensibles au respect des valeurs et cultures de l’entreprise familiale. De ce fait, ils peuvent entretenir une bonne relation avec les membres de la famille et le personnel, qui est une condition indéniable d’un processus de prise de décision maitrisé et efficient. La gestion opérationnelle est devenue efficace et peut amener à la réalisation d’une bonne performance. Par contre, le style autoritaire et imposant ne fait que semer la discorde avec le conseil familial et le conseil d’administration. Il en résulte une prise de décision obturée et un mode d’administration inefficient. Les impacts se répercutent à la performance future et peut conduire à la vente ou à la faillite de l’entreprise familiale.
Section 2 : Présentation de l’approche méthodologique et des hypothèses de recherche
2.1- Hypothèses de recherche
Afin de mettre en œuvre une étude empirique basée sur la collecte et l’interprétation des données qualitatives, nous allons présenter dans cette section les hypothèses de recherche sur lesquelles est fondée la réponse à la problématique.
HYPOTHESES TRANSMISSION INTERNE
La théorie sur le développement préalable des compétences et aspirations du successeur ou processus de socialisation, décrit les quatre phases de la transmission du pouvoir par le cédant fondateur de l’entreprise familiale. A ce propos, Churchill et Hatten (1987) confirme que c’est une transmission qui ne se passe pas sur le marché et est caractérisée par les échanges entre le cédant et le successeur pendant :
- Le pouvoir du contrôle à la main du propriétaire,
- La nouvelle génération à laquelle appartient le successeur passe une formation de développement des compétences et motivations
- Les deux générations du fondateur et du successeur se rencontrent et forment un partenariat inter-génération
- Le fondateur transmet le plein pouvoir au successeur.
Après cette procédure de transmission, le cédant et le successeur échangent définitivement leur rôle. Le cédant devient conseiller et membre du conseil d’administration familial tandis que la position du successeur évolue de manager en dirigeant et prend le contrôle et la gestion de l’entreprise. La qualité du mode de gouvernance, c’est-à-dire du style de management et de la gestion opérationnelle des affaires de l’entreprise, après la transmission dépend du bon déroulement et de l’effectivité de cette passation du plein pouvoir au successeur. C’est ce qui explique la formulation de nos hypothèses de recherche pour le cas d’une transmission interne.
Hypothèse 1: Plus la transmission des pouvoirs de décision au profit d’un membre de la famille est importante, plus les mécanismes de gouvernance sont efficients
Hypothèse 2: Plus les mécanismes d’intégration du repreneur sont importants, plus les mécanismes de gouvernance sont efficients
HYPOTHESES TRANSMISSION EXTERNE
Après que le manager externe ait reçu définitivement la direction de l’entreprise familiale, il est indispensable que le successeur et les membres de la famille partagent leur plein pouvoir avec lui. Le mécanisme de la prise de décision implique que le nouveau dirigeant dispose de toutes les informations nécessaires sur la situation de l’entreprise y compris les informations classées confidentielles. Aronoff et Ward (2000) précise que la famille cédera une partie de leur confidentialité et intimité après ce partage d’informations mais le manager externe devait aussi tenir compte de l’importance du secret de la famille et de l’entreprise. Mais cette perte d’intimité est l’origine d’une confiance à long terme entre les deux camps et peut améliorer continuellement le management parce que le manager externe est les yeux et les oreilles de la famille sur tout ce qui se passe dans l’environnement externe. Quelque fois, les membres de la famille entrepreneuriale écartent leur manager externe de certaines rencontres familiales et considèrent qu’il reste une personne en dehors de la famille. A force de continuer dans cette voie, l’identité du manager externe est bafouée et la confiance s’altère. Tous ces scénarios constituent un déterminant du style de management apporté et imposé par le dirigeant, manager externe et conditionnent l’efficacité de la gestion opérationnelle des affaires de l’entreprise. C’est ce qui nous renvoie à la justification des hypothèses formulés ci-dessous.
Hypothèse 1 : Plus le partage de propriété issu de la transmission accroit les divergences d’intérêts, moins les mécanismes de gouvernance sont efficients
Hypothèse 2 : Plus la qualité de la relation d’agence entre les propriétaires, dirigeants et actionnaires après transmission est élevée, plus les mécanismes de gouvernance sont efficients
2.2. Méthodologie de recherche
1) Justification de la méthodologie
La méthodologie de Wirtz (2000) utilisée dans cette étude de la gouvernance après transmission comporte quelques étapes similaires à une approche hypothético-déductive selon le schéma suivant.
Apports théoriques portant sur le sur le sujet |
Conceptualisation des volets importants |
Formulation des hypothèses |
ETUDE EMPIRIQUE
(Analyse qualitative) |
Validation |
Infirmation |
RECOMMANDATIONS |
2) Recueil des données
Comme il s’agit d’une étude qualitative, la collecte de données passe par des interviews directes et des recherches documentaires sur les entreprises familiales choisies comme échantillon. En effet, les informations principales obtenues auprès de l’étude de ces entreprises familiales portent sur leur historique et sur la présentation de la succession ainsi que sur la conception des différentes personnes interrogées sur la succession, sur la transmission et sur la situation post-transmission et son impact sur la gestion et le contrôle de l’entreprise.
3) Présentation des entreprises familiales étudiées
La présentation des entreprises peut se résumer à l’aide du tableau suivant qui comporte en ligne la dénomination sociale et en colonne les critères de classement et de caractérisation.
Dénomination | Secteur | Création | Chiffre d’affaires | Effectif | Forme juridique | Mode de transmission |
Pharma SAS | Distribution de produits pharmaceutiques | 1990 | 7 millions d’euros en 2015 | 27 | SAS | Heritage, FBO (family buy-out) |
Inter Action Consultants | Conseil en efficacité opérationnelle & réduction des coûts | 1982 | 5 M€ en 2015 | 33 | SA à Conseil d’Administration | Heritage |
Simard & Dufour | Industrie manufacturière. | 1980 | 12 millions de dollars | 83 | : Limited (enregistrée au Québec), équivalent SAS en France | Heritage familial |
CONVIVIO | Restauration Rapide | 1982 | 160 M€ en 2015. | 1 700 | S.A. | Héritage |
Eole Mobilité | Transport de voyageurs par autocar | 1956 | 12 M€ en 2015 | 125 | SAS | repreneur extérieur |
LACOSTE S.A. | Textile & Luxe | 1926 | 2 000 M€. | 10 000 | S.A | Initialement prévue entre la 2
nd et 3eme génération de la famille à la fin rachat par un grand groupe
|
Section 3 : Analyse et interprétation des résultats
3.1. Interprétation des résultats
Les résultats de nos interviews et recherches documentaires sont sectionnées en quatre paragraphes. Ces derniers sont issus de la corrélation entre les apports théories et conceptuels sur la transmission et la gouvernance, les hypothèses formulées et les constatations des faits à travers les cas pratiques des entreprises étudiées. Nous citons les cas pratiques selon l’ordre établi dans le tableau ci-dessus. Donc cas pratique n°1 porte sur le cas de Pharma SAS jusqu’au cas pratique n°6 pour le cas de Lacoste SA.
- L’importance de l’intégration du successeur familial avant et pendant la transmission
Selon les cas pratiques étudiés, trois cas d’intégration ont été identifiés.
L’intégration d’un(e) seul(e) successeur
Le processus d’intégration du successeur familial commence depuis l’enfance, tout au long de la jeunesse et pendant le cursus académique dans le meilleur des scénarios. C’est le cas de Jonathan, fils de l’entrepreneur Michel Simard du cas pratique 3 qui a été bien préparé par son père dès l’âge de trois ans. Cette préparation a commencé par la visite fréquente de Jonathan à l’entreprise de son père depuis que celui-ci a lancé la création de Simard LTD. En plus, le petit a une motivation plus particulière par rapport à ses deux frères qui, quant à eux, ne manifestent pas assez d’intérêt pour l’entreprise malgré leurs quelques années de services passées au côté de leur père.
L’ascension de Jonathan dans l’entreprise familiale est marquée par trois phases distinctes et successives. Il commence comme balayeur dans l’entreprise avec ses frères et sœurs. A 15 ans, son père lui a confié des taches plus opérationnelles à travers lesquelles, l’adolescent a pu découvrir le procédé de fabrication du produit, commencer à développer des compétences techniques et à se familiariser avec les employés de son père. Il a déjà construit sa légitimité à l’égard de ces employés vu qu’il est déjà considéré comme un futur patron.
Cette motivation préalablement approfondie en Jonathan lui a guidé dans ses pas et l’a poussé à poursuivre le rêve de son père. Il a commencé ses études en Business Administration dans une université anglophone québécoise jusqu’à l’obtention d’un diplôme de bacc +3. Sa faveur vis-à-vis de la famille s’accroit grâce à cette étude.
Il a décidé de rejoindre son père dans l’entreprise familiale pour y travailler en plein temps. C’est la période où le futur successeur a accumulé un panel de compétences techniques et expériences en matière d’administration d’entreprise. Ensuite, il reprend son cursus universitaire en décidant d’étudier en Ontario dans l’objectif de maitriser la langue des affaires et augmenter la maitrise de l’administration d’entreprise.
Une fois ces études terminées, Jonathan a pris le relève de son père tout en franchissant d’échelle en échelle jusqu’à un poste de position très important dans l’entreprise. Il a commencé en tant que Directeur Marketing et des Ventes Internes en 2001, puis il a été promu comme Vice-Président de l’entreprise à ses 30 ans avant de devenir officiellement Président de Simard & Dufour en 2014.
Tout au long de cette ascension, Jonathan a acquis la faveur de son père, des responsables de l’entreprise et celle des employés. En effet, le père a commencé à lui demander ses avis sur des questions stratégiques et lui a donné progressivement l’occasion de faire ses preuves en matière de business administration. Dès que Jonathan a conçu une vision d’avenir pour l’entreprise, il a commencé à être considéré comme le bras droit de son père. Les deux chefs prennent conjointement les décisions sur le business plan, sur les projets d’investissement et sur la stratégie de financement. Une fois qu’il a accédé au poste de Président de l’entreprise, son père lui a passé le plein pouvoir et se décline comme membre du conseil d’administration. Depuis lors, l’entreprise a une meilleure visibilité sur son avenir et réalise un taux de croissance encourageant.
L’intégration de deux ou plusieurs successeurs familiaux
Le processus d’intégration et de socialisation d’un ou de plusieurs successeurs est une situation fréquemment conflictuelle si nous nous référerons aux autres cas pratiques que celui de Jonathan et son père. Dans le cas pratique n°1, cette intégration a engendré un conflit tripartite entre le père fondateur de l’entreprise, la fille, motivée de la reprendre et le fils, réticent à cette option mais détient une part significative de la propriété de l’entreprise.
Dans le cas de l’entreprise de Stéphane, la succession est préalablement prévue pour sa fille Alexandra. Le père décide de l’intégrer dans l’équipe de son entreprise afin de la préparer à la reprise au moment où il décidait de se retirer de la population active. De ce fait, il a commencé par faire entrer Alexandra dans les équipes de recherche et travaillant comme un simple ingénieur. Depuis, la fille a fait ses preuves et a gravi plusieurs échelons afin d’accéder à une position de Directrice des Opérations l’année précédant la retraite du père.
Dans cette situation, la présence d’un frère qui se désintéresse complètement à l’entreprenariat mais qui dispose d’un pouvoir de contrôle est vu comme un obstacle à l’intégration d’un successeur qui veut conduire l’entreprise dans l’intérêt de la famille toute entière. Comme Alexandra a pris le contrôle des opérations, elle a acquis la moitié de la propriété de la famille et laisse la part de son frère à sa disposition. Il reste à convaincre le frère de céder sa part afin de constituer les immobilisations. La fille a été obligée d’indemniser le frère afin d’obtenir les locaux et commencer à s’investir intégralement dans l’entreprise. De ce fait, elle a obtenu la faveur de ses parents et de son frère même si elle a dû en payer le prix fort. Cette technique explique que pour obtenir l’intégration totale à la direction d’une entreprise familiale, le successeur doit se battre et convaincre les parents et les autres successeurs sans quoi, la propriété et le contrôle seraient ébranlables.
L’intégration de la fille à la présidence de l’entreprise est effective au moment de sa prise de fonction. La prise de fonction est subtile comme elle nous a déclaré dans ses propos : « Il n’est jamais facile de succéder à un homme qui a passé 25 années de sa vie à construire une entreprise et à poser sa marque (…) ». Mais la préparation à cette prise de fonction est considérée comme la clé de voute de l’intégration pendant laquelle, le successeur s’est habitué à l’environnement social de l’entreprise, à commencer à nouer une relation avec les employés et à acquérir la confiance des équipes. Les propos d’Alexandra confirment cette intégration : « Au final, les différents employés ont appris à me connaître personnellement au fur et à mesure, en ayant à l’esprit que j’avais vocation à devenir l’héritière de mon père. Cette intégration relativement tôt et le fait d’avoir été impliquée dans pratiquement toutes les équipes a permis de développer un lien de confiance que je sens presque aussi fort que celui que mon père a construit durant toutes ces années ».
Cependant, l’intégration ne s’est déroulée comme cela sans une motivation profonde de la part du successeur. Pour le cas d’Alexandra, le choix de rejoindre l’entreprise familiale est une évidence issue d’une motivation qui s’est progressivement incrustée dans son esprit depuis les bas âges. Ses propos le justifient : « De manière plus immédiate, je suis née dans cet environnement de la pharmacologie, et je ne rêvais que d’une chose : faire que notre entreprise familiale devienne une entreprise mondialement connue, un peu comme la trajectoire que L’Oréal a connu et qui est le grand succès d’aujourd’hui ». En somme, l’intégration d’Alexandra est un succès même si elle a dû casser la coquille pour faire une omelette. Ce succès est marqué par son acceptation à l’égard de ses parents, de son frère et du personnel de l’entreprise, une approbation qui conditionne la qualité de son management.
Par ailleurs, nous avons aussi étudié un cas particulier d’intégration dans le cas pratique n°4 où Jean-Paul RENOU, créateur du restaurant Restéco a décidé de laisser la direction à ses deux fils Grégory et Jocelyn après son départ à la retraite.
L’intégration de deux successeurs en même temps pour diriger l’entreprise familiale après sa transmission peut se passer dans les meilleurs des scénarios. La clé de voute de ce succès est certainement les efforts du père dans la préparation psychologique, technique et administrative des successeurs. Mais il faut aussi reconnaitre que l’organisation du restaurant et les acquisitions réalisées en son égard est l’une des conditions de ce succès parce que si les deux successeurs s’entassent au sein d’un même niveau hiérarchique, des éventuels conflits pèsent sur la qualité de leur relation.
Dans le cas de Grégory et Jocelyn RENOU, cette intégration est un succès. Les deux successeurs ont suivi la vision de leur père à conquérir et apposer une marque et cela constitue l’une de ses principales motivations selon les propos de Jocelyn : « Sur les bases de ce que notre père a voulu faire, nous avons souhaité consolider notre position dans la région Grand Ouest, avec l’idée de s’en servir comme base pour, dans un second temps, agrandir notre impact en Ile-De-France. C’est pour cela que nous avons multiplié les acquisitions d’entreprises. Elles viennent consolider des aspects historiques de notre activité ou viennent compléter le panel de ce que nous proposons ».
La préparation de l’intégration est de ce fait une étape cruciale à la transmission. Elle facilite la succession et l’entente entre les deux successeurs potentiels qui ont été initiés non seulement aux aspects techniques de l’administration d’entreprise mais aussi à l’esprit d’équipe, à la collégialité, à la fraternité et à la confiance en son binôme. Des conflits peuvent surgir tout au long de cette préparation, il faut que les successeurs apprennent à travailler en équipe et à détenir les postes selon leur compétence et non selon leur rang familial. Jocelyn Renou reconnait sans hésitation les efforts que leur père a mis en œuvre pour parfaire ce processus d’intégration : « Disons que notre père a été extrêmement bon pour nous préparer à prendre la suite, surtout en insufflant un esprit de coopération entre mon frère et moi, et non de rivalité. Je me souviens que pendant quelques mois en 2007, il y avait un peu de tension entre Grégory et moi. Nous avions tous les deux envies de faire le maximum pour cette entreprise, et pour nous, faire le maximum cela passait par devenir Directeur Général de l’entreprise et l’emmener le plus loin possible. Mais on a eu la chance d’avoir un père pragmatique qui a su nous expliquer une chose : les qualités qu’on demande à un DG ne sont pas les mêmes que celles qui sont demandées à son adjoint ».
Le reflet du succès de cette intégration est perceptible à travers la relation qui s’établit entre les deux successeurs et à leur manière de travailler côte à côte dans la direction de l’entreprise familiale. Il est aussi observable à partir de l’accroissement de la taille et des affaires de l’entreprise qui est devenue une très grande entreprise employant près de 1700 employés et réalisant un chiffre d’affaires d’un centaine de millions d’euros et demi en un an. La relation entre les deux frères est déterminant pour le management des équipes de travail. Jocelyn mentionne la qualité de cette relation et le partage de rôles dans ses propos. « Elle (la relation) est très bonne. Il est Directeur Général et je suis Directeur Général Adjoint. Mais il ne me fait pas ressentir qu’il y a une différence entre les deux. Nous marchons main dans la main sur les thématiques clés de l’entreprise. Mais il est de coutume de dire qu’un couple peut juger de sa solidité lorsqu’il est confronté à des difficultés. Evidemment, je ne nous le souhaite pas, mais je pourrai dire que l’entente avec mon frère est idéale lorsque nous aurons passé un orage et que nous aurons survécu ». Les deux frères ont obtenu la faveur de leur père, de la famille et des employés et réalisent autant d’exploit qu’ils ne l’imaginaient.
L’intégration non préparée (parachutage)
Des cas d’intégration inopinée existent aussi dans l’étude de la transmission des entreprises familiales. L’exemple du cas pratique n°2, concernant la succession non préparée de l’entreprise Inter Action Consultant, lancée par Daniel Petit, à son fils et l’impact que cela a engendré, le confirme. Ce phénomène de parachutage a des mauvaises conséquences sur la qualité de la relation entre les experts du cabinet, sur la posture du nouveau dirigeant et sur la performance opérationnelle du personnel en entier.
Le parachutage est une situation désastreuse et illusoire pour le dirigeant. Les propos d’Arthur, l’un des experts les plus brillants du cabinet confirme l’inefficience de cette décision : « les seules personnes qui étaient préparées pour recevoir la responsabilité d’un tel cabinet, qui brasse plusieurs millions par an, c’était les directeurs». C’est une succession forcée qui n’est pas du plein gré du successeur inopiné et décevant les experts et les anciens directeurs qui auraient dû être élus à la tête de la boite. Arthur déclare : « j’ai l’impression que le père a vraiment beaucoup insisté pour que cela se passe ainsi, même s’il devait y avoir de la casse sociale et que certains de ses éléments partent ». En plus c’est une solution vouée à l’échec parce que le successeur lui-même se sent mal dans sa peau en sus des reproches que lui font les employés : « quand on a vu arriver le fils du Président pour la première fois, on sentait qu’il n’était pas du tout dans son élément. Et il l’a admis lui-même. Ce n’était pas ce dont il rêvait ».
Le danger du parachutage réside sur l’inadéquation du successeur inopiné au profil exigé par le poste de directeur ou président de l’entreprise qu’il a hérité du père. Pour le cas pratique n°2, le successeur est au début un commercial dans une industrie alors que le cabinet opère dans le consulting, administré par les consultants avérés et dotés préalablement d’expériences fortes d’autres cabinets. Les vrais consultants qui ont développé l’entreprise sentent que cette inadéquation est destructrice pour le cabinet. Selon Arthur, la crainte lui gagne l’esprit : « Ce n’est pas un idiot, mais ce n’est pas un consultant. Il ne l’a jamais été », il estime que sauf par magie, le parachutage est un signe de déclin pour l’entreprise : «sauf s’il arrive à révolutionner le business model des cabinets de consulting, qui tourne depuis des décennies, il aura du mal à comprendre ses équipes (…) dans ce cas précis, cela ressemble à un véritable parachutage, et ça ne provoque que des effets négatifs sur l’entreprise ».
Dans cette situation, le personnel, y compris les consultants, est devenu hostile envers le nouveau dirigeant parce que d’un côté, il manque de socialisation avec les employés et d’un autre côté, le style de management d’un cabinet d’expertise et d’une boite commerciale n’est pas du tout similaire et il n’y a pas moyen de calquer les expériences. En effet, la rupture avec le personnel est une menace qui vient avec le parachutage. La perception d’Arthur sur cette situation penche plutôt vers une mauvaise impression des employés : « Les anciens sont tous très inquiets (…) il faut bien avouer que les équipes ont du mal à travailler sous les ordres de la nouvelle direction. Il y a une totale incompatibilité de points de vue sur le business et sur les orientations à prendre ». Suite à cette rupture totale entre le successeur, les experts et les employés, l’entreprise a subi un dédommagent colossale pour les chômages volontaires engendrés par le parachutage.
- L’acquisition du pouvoir de décision par le successeur familial
Le pouvoir de décision peut être acquis avec ou sans conflit selon le cas.
Dans le cas pratique n°1, l’acquisition du pouvoir de décision se fait progressivement pendant et après la transmission. Cette acquisition est soumise à quelques conditions.
D’abord, le pouvoir de contrôle provient du droit de propriété dans la gestion du patrimoine de l’entreprise et de la famille. Ce droit est selon le cas pratique n°1 difficile à exercer dans un premier temps parce que le frère du successeur désigné partage la propriété avec elle. Mais comme Alexandra a gagné l’intégralité de ce droit en dédommageant son frère suite à la cession de sa part, le droit de propriété lui est acquis entièrement.
Ensuite, le pouvoir de contrôle nécessite aussi une maitrise de la gestion opérationnelle des affaires de l’entreprise. Cela implique que le successeur dispose des compétences nécessaires en administration d’entreprise et en gestion des ressources humaines. Le cas d’Alexandra est tout à fait typique à cette situation. Sa préparation lui a permis d’accumuler les connaissances en pharmacologie, doublées des expériences obtenues tout au long de son stage d’ingénieure au sein de l’équipe de chercheurs de l’entreprise du père. En conséquence, la maitrise de la gestion opérationnelle n’a aucun secret pour ce successeur. En plus, les experts et les employés de l’entreprise connaissent cette capacité de gérer l’exécution des tâches opérationnelles. Elle se fait accepter par l’ensemble des employés.
Par ailleurs, le pouvoir de contrôle implique aussi l’existence d’une relation de bonne qualité avec les employés. Comme Alexandra a été initié auprès de ces futurs employés, ces derniers ont déjà pris connaissance que celle-ci deviendra leur futur chef et ont noué une relation stable avec elle. Elle l’a évidemment confirmé : « Au final, les différents employés ont appris à me connaître personnellement au fur et à mesure, en ayant à l’esprit que j’avais vocation à devenir l’héritière de mon père. Cette intégration relativement tôt et le fait d’avoir été impliquée dans pratiquement toutes les équipes a permis de développer un lien de confiance que je sens presque aussi fort que celui que mon père a construit durant toutes ces années ».
En effet, toutes les conditions nécessaires à l’acquisition du pouvoir de décision sont remplies par Alexandra. En plus, son père n’a manifestement aucune intention de brouiller ce pouvoir ainsi donc, le pouvoir lui est conféré.
Dans le cas pratique n°2, le pouvoir de décision n’est pas acquis par le successeur, parachuté et a conduit à une rupture de la relation avec les experts du cabinet.
Comme le confirme les consultants, ce sont les directeurs du cabinet qui ont dû mener les affaires après le départ du chef d’entreprise sous un système collégial. Mais l’arrivé brusque de l’enfant du père fondateur a profondément déçu ces consultants et le reste des employés d’ailleurs. Cette déception provient de la non préparation de ce fils du patron à la reprise de l’entreprise, à son désintéressement à conduire l’entreprise et à son manque de connaissance en matière de consulting, du moins en matière d’administration d’entreprise (il était commercial auparavant).
En effet, l’acquisition du droit de propriété, même si cela lui revient, a été bafouée parce qu’il ne sait exactement pas quelle est la valeur de cette propriété et comment la faire fructifier. En plus, ce sont les consultants qui aidaient son père à la fructification de cette propriété qu’après tous les efforts, ils ont été brusquement écartés. Donc, il y a un exercice de droit de propriété illégitime du fils aux égards des bras droits du fondateur.
De surcroit, les consultants ont déjà constaté que le successeur inopiné ne dispose ni de compétences ni d’expériences suffisantes pour diriger opérationnellement les affaires du cabinet. Donc, la gestion opérationnelle sera vouée à l’échec, ce qui compromet en quelque sorte l’acquisition du pouvoir de décision.
En outre, la relation avec les employés est quasiment inexistante notamment avec les consultants. Ces derniers trouvent déjà que la situation est inacceptable.
En conséquence, le parachutage peut boucher l’acquisition du pouvoir de décision.
- Le partage de propriété dans le cas d’une transmission à un manager externe
Dans le cas pratique n°5, le partage de la propriété de l’entreprise de Luc DesHours constitue un exemple intéressant qui permet de justifier l’efficacité d’une transmission à un manager externe.
Dans un premier temps, Patrick Gaillard a déjà été une bonne connaissance de la famille Deshours, de son patrimoine d’entreprise et surtout de son secteur d’activités. Il confirme « je suis un ami de la famille depuis des années, nous nous voyions suivant en semaine et durant les weekends, en particulier avec Jean-Pierre ». Cette relation a noué une confiance entre les deux camps et a augmenté la cote de popularité de Patrick aux égards des membres de la famille. Et pour le cas d’une succession non préparée, causée par un décès brutal du fondateur, le choix de la famille penche vers quelqu’un à qui ils inspirent confiance. Patrick est donc un candidat d’office. Dans ses propos, il a déclaré «Mon lien avec la famille a fait qu’ils me l’ont proposé parmi les premiers. Et je n’ai pas franchement hésité ».
Dans un deuxième temps, la confiance au nouveau manager s’étend jusqu’à lui confier un poste important dans l’entreprise. Par contre, cette accession à un poste de dirigeant fait semer le doute et la peur dans la peau des collaborateurs et des employés. Tout le monde a des idées mesquines de soupçonner à tort le nouveau dirigeant d’être un égoïste qui veut à tout prix et par tous les moyens prendre le contrôle de toute l’entreprise. Patrick confirme sa perception sur le sentiment de ses nouveaux collaborateurs « Quand un ami historique de la famille entre dans une entreprise comme actionnaire et en prend la direction, évidemment que des peurs émergent. En particulier, on se demande si le nouveau président n’a pas l’idée secrète de prendre le contrôle de toute l’entreprise ». Cela fait naitre un certain degré de méfiance et de conflit silencieux à l’esprit des collaborateurs du nouveau dirigeant, surtout les membres de la famille qui ont insinué que Patrick allait leur prendre la propriété de l’entreprise entière.
Afin de régler ce conflit, la meilleure solution est la définition de la frontière du droit de propriété. De ce fait, les idées sont claires et la confiance obtenue. Ce droit de propriété est une solution très intelligente de la part des deux camps. D’ailleurs, Patrick réserve une bonne estime de son défunt ami Jean-Pierre et pour sa famille au point de ne pas leur vouloir faire du mal. Il a affirmé « Donc on a mis en place une structure simple et transparente. J’ai pris environ 30% des parts. Les 70% restants appartiennent à la Holding familiale Eole ». Cet éclaircissement a rétabli la confiance et en outre, les deux camps ont procédé à un partage de responsabilité qui est une procédure très pragmatique de réussir la gestion d’une organisation quelle qu’elle soit. « Je suis devenu Président du Groupe Eole et Luc est devenu Président de la Holding » déclare-t-il.
En outre, après l’acquisition du droit de propriété de l’entreprise, il est indispensable de convaincre les employés. L’objectif est de faire valoir ce droit d’une manière sans heurt et d’obtenir la confiance du personnel en leur assurant la continuité de l’exploitation de l’entreprise tel que Jean-Pierre le voulait. Après un an d’effort, de pédagogie, de communication et de partage, le nouveau dirigeant des filiales se trouve dans une meilleure position vis-à-vis de leurs nouveaux collaborateurs comme il l’a confirmé « il faut tout simplement faire preuve de pédagogie, expliquer sans cesse, et il faut donner du temps au temps. On est maintenant quelques mois, presque un an, après ma prise de fonction, et l’entente avec les salariés est très bonne. C’est une chance de n’avoir qu’une grosse centaine d’employés, cela permet de connaître tout le monde individuellement et de convaincre chacun, un par un, qu’on est l’homme de la situation ». Il peut désormais s’initier et exercer son droit de propriété.
Enfin, il y a une condition à remplir pour que le droit de propriété soit exercé au profit de l’entreprise familiale. Le nouveau dirigeant externe doit manifester un intérêt commun avec le dirigeant successeur et les membres de la famille. Dans le cas de Patrick, cette manifestation est pétante car il a décidé d’être associé au lieu d’être un simple président. Cette décision a de nombreuses répercussions sur l’exercice du droit de propriété et de la gestion opérationnelle de l’entreprise. Un associé ne se contente pas d’une simple rémunération de dirigeant, il est étroitement impliqué à la situation de l’entreprise familiale, il supporte les mêmes risques que son homologue, le successeur familial, et il est dans l’obligation de renforcer le positionnement sur le marché. Cela peut être traduit comme une convergence d’intérêt et une volonté de faire évoluer l’entreprise conformément aux valeurs et principes familiaux avec lesquels elle était créée. Sur ce point, il affirme « Je suis désormais à 100% dans cette nouvelle aventure. J’apprends des choses tous les jours et tours les jours sont différents. Mon avenir professionnel s’écrit donc avec cette entreprise ».
Dans le cas pratique n°6, le partage de propriété entre les générations successeurs et avec les managers externes a amené l’entreprise Lacoste SA de René Lacoste aux mains des repreneurs externes.
La structure initiale de la propriété a une influence sur la transmission. Pour le cas de Lacoste, le patrimoine est divisé à 65% pour la famille (dont 10% pour la femme du fondateur) et à 35% pour un sous-traitant, Devanlay. De père en fils, la prospérité de Lacoste a amené les successeurs à être trop lucratif au point de se diviser en deux pôles opposés. Cette polarisation laisse aux managers externes, c’est-à-dire à l’autre propriétaire, la possibilité de profiter de la situation et d’avancer leurs stratégies. La proposition de ces managers, détenteurs d’une part de capital de l’entreprise est de racheter l’ensemble du patrimoine s’il n’y a aucune résistance et d’offrir aux successeurs et membres de famille des liquidités faciles à partager.
Lorsque les batailles entre les successeurs et la conjointe du père fondateur de Lacoste perdurent et qu’aucune des solutions mises en place sont toutes tombées à l’eau, la cession intégrale de la part de la famille est une issue incontournable. C’est ainsi que Maus Frère est devenu le nouveau propriétaire des 65% de la part familiale. Le partage de la propriété est donc un échec. Il a conduit à la perte du caractère familial de l’entreprise et la perte des droits de propriété des successeurs au profit des managers externes.
- La relation d’agence après la transmission à un repreneur externe
La relation d’agence est un type de relation souvent imperceptible à la communication entre les deux camps mais caractérisée par une stratégie individuelle propre sans recourir à la discorde.
Ce type de relation est constaté dans le rôle joué par Patrick Gaillard dans le cas pratique n°5 où il a dû remplacer la place de Jean-Pierre, décédé brusquement et sans successeur potentiel pour reprendre sa place.
Dans un premier lieu, le dirigeant externe commence à se tailler une place dans l’entreprise familiale en usant de sa relation de longue date avec les membres de la famille. Dans cette procédure, son rôle consiste à faire fleurir les affaires tel que son prédécesseur l’a voulu et en faisant croire aux successeurs et aux membres de la famille le respect des valeurs et principes initialement établis dans la charte familiale et charte d’entreprise. Comme Patrick l’affirme, « Dans ce cas particulier, la méthode n’est pas différente que dans le cas général. Il faut faire preuve de pédagogie, répéter les choses un maximum avec une conviction sans faille dans les yeux, et laisser le temps faire la démonstration de mes compétences et de mon engagement pour cette entreprise dont je suis devenu actionnaire », la prise de position dans l’entreprise n’est pas une affaire facile, il faut travailler pour devenir quelqu’un à la hauteur des attentes de la famille et des employés.
Dans un deuxième temps, le dirigeant externe commence à poser ses pions et jouer ses cartes gagnantes en s’infiltrant peu à peu à la gestion du patrimoine familial. Autrement dit, il cherche à être récompensé de ses efforts par l’acquisition d’un droit de propriété, même minime. C’est ainsi que choisir de devenir associé est une stratégie murement préparée afin d’avoir la main sur le capital de l’entreprise et se procurer un pouvoir de décision. Ce changement de posture est souvent embelli par les arguments péjoratifs fondés sur l’avenir de l’entreprise et la fructification du patrimoine familial. Mais au fond, il y a un désir d’accaparer le maximum de propriété possible sans s’engager dans une discorde destructrice. Les propos de Patrick évoquent d’une certaine manière cette intention : « En revanche, dès que le Président devient actionnaire, ses finances et sa réputation sont particulièrement mis en jeu. Cela devient également son entreprise. Donc les détails comptent. On fait le maximum, on est attentifs à tout ».
Dans un troisième temps, la relation d’agence commence à être aperçu car les deux camps essaient de protéger et fructifier ses parts de patrimoine en usant de son droit de propriété, son droit de contrôle et ses capacités en gestion opérationnelle. Ce type de situation est un jeu à information imparfait parce que chacun cache ses véritables intentions en établissant une relation à deux directions. Logiquement, le successeur veut à tout prix sauvegarder le patrimoine familial, à faire respecter les valeurs et principes familiaux et en continuant de diriger l’entreprise conformément aux aspirations du père. Par contre, le manager externe a d’autres attentions que de faire fleurir l’entreprise au profit de la famille. Il pense aussi à apposer son nom à l’entreprise et songe à léguer sa part à son successeur cependant, cela ne sera pas possible que si l’entreprise continue à tourner à long terme. Les propos de Patrick sont décisifs pour cela : « L’actionnariat est clair, partagé. J’ai des enfants qui voudront probablement jouer un rôle chez Eole Mobilité, mais avant même qu’ils puissent jouer un rôle, il faut que cette entreprise perdure et se développe dans un contexte économique qui n’est pas simple ». La solidité de cette relation d’agence réside dans la flexibilité et la patience des acteurs à se manifester. Elle est orchestrée par Patrick afin de reproduire le modèle de gouvernance actuel au moment où les successeurs des deux camps atteignent l’âge de reprendre le holding et les filiales.
3.2. Validation ou infirmation des hypothèses de recherche
1) Hypothèse 1
Dans le cas d’Alexandra du cas pratique n°1, l’acquisition des pouvoirs de décision a été un succès.
- Elle a acquis le droit de propriété de l’entreprise de son père après la transmission. Cela implique le dédommagement de son frère, un arrangement à l’amiable, sans conflit en plus de sa part de patrimoine et donc, le plein droit lui est donné. L’exercice de ce droit de propriété se passe dans les meilleures conditions.
- Elle dispose des compétences nécessaires à la maitrise opérationnelle des recherches en pharmacologie durant son cursus et le temps qu’elle a passé dans l’entreprise auprès des autres ingénieurs. Les expériences parlent d’elles-mêmes.
- Elle a su capter l’attention des employés pendant la phase de socialisation et la préparation à la succession. D’ailleurs, ils l’estiment déjà comme étant la future patronne de l’entreprise. La qualité de la relation avec les employés est alors caractérisée par le respect et la confiance.
L’analyse de ces trois dimensions nous conduit à confirmer que les pouvoirs de décision sont entièrement donnés à Alexandra que ce soit du côté de son père ou de son frère et bien évidemment des autres membres de la famille. L’impact sur le mécanisme de gouvernance est conséquent. Elle peut contrôler la gestion du patrimoine familial grâce à l’exercice de son plein droit de propriété. En outre, les compétences et les expériences accumulées pendant la phase de préparation lui permettent d’avoir une maitrise de la gestion opérationnelle, notamment la maitrise des procédés de fabrication des produits. Cela facilite le contrôle des opérations. Enfin, elle a déjà noué une relation basée sur la confiance et le respect avec les membres de la famille et les employés. Cela lui permet de gérer les ressources humaines. En conséquence, nous pouvons confirmer que, plus la transmission des pouvoirs de décision au profit d’Alexandra, est importante, les mécanismes de gouvernance sont elles aussi efficaces.
2) Hypothèse 2
Dans le cas pratique n°3, l’intégration de Jonathan à l’administration de l’entreprise familiale a été un processus longuement préparé par son père. Depuis son enfance, le futur successeur passe son temps à observer et à s’approprier le contexte d’entreprenariat durant les temps qu’il passait à l’entreprise. Cela a réveillé son intérêt pour l’entreprise et a stimulé progressivement sa motivation à prendre la relève de son père après sa retraite. Il a continué des études en administration d’entreprise et en langue anglaise pour pouvoir revenir en force à l’entreprise et porter le flambeau de la famille. Tout au long de son passage à l’entreprise, les employés l’ont bien reçu et le respectent comme étant déjà le futur chef de l’entreprise. La communication et l’aisance s’établissent entre eux. Et lorsque le successeur a accédé au poste de Vice- Président, puis au poste de Président de l’entreprise, il dispose de tous les atouts nécessaires à le mener à bien. Il dispose les atouts techniques et relations nécessaires à la tenue de la direction de l’entreprise.
Dans le cas pratique n°4, la situation de Gregory et Jocelyn Renou constitue un cas très spécifique et intéressant. Le père a préparé non seulement leur intégration dans l’entreprise mais aussi la manière de travailler cote à cote sans être jaloux ou rancuneux. Les deux frères ont réussi à s’approprier des expériences issues de leur socialisation et sont devenus Directeur Général et Directeur Général Adjoint. Ce duo rassure la confiance des employés et des collaborateurs.
Par contre, le parachutage dans le cas pratique n°2 est transformé en échec. Il a engendré un conflit avec les directeurs et les consultants du cabinet parce que l’intégration n’est pas du tout préparée à l’avance et que l’arrivée inopinée du successeur n’a pas été faite d’un objet de communication avec les employés. En sus, le successeur ne manifeste aucune motivation à reprendre les affaires de son père. Il ne dispose pas non plus des compétences en matière de consultance ni en administration d’entreprise parce qu’il a été un commercial auparavant. Cette intégration non préparée a des mauvaises répercussions sur l’exercice du droit de propriété, sur la maitrise de l’administration ni le contrôle des taches opérationnelles de l’entreprise, sur la relation qui s’est terminée en rupture (départ des consultants et indemnisation de chômage).
Ces trois cas nous accordent la possibilité de confirmer que, plus les mécanismes d’intégration sont importants et soigneusement préparés, plus les mécanismes de gouvernance sont efficients.
3) Hypothèse 3
Dans le cas pratique n°5, le partage de propriété entre les successeurs et le manager externe qui a repris la commande des filiales de l’entreprise constitue un argument patent à l’analyse de la validité de l’hypothèse 3.
La particularité de ce cas est que le partage de propriété se passe progressivement et sans heurt. Dans un premier temps, Patrick a gagné la confiance de la famille en tant qu’ami de très longue date. Il connait parfaitement l’importance du lien familial qui constitue un atout majeur à la prospérité de l’entreprise familiale. L’accès au poste de direction lui permet de confirmer ce lien en rassurant les successeurs de sa volonté à faire fructifier l’entreprise tel que son prédécesseur l’a voulu. Dans un deuxième temps, sa prise de participation dans le capital de l’entreprise en acquérant 30% du patrimoine a des impacts sur sa position et sur son pouvoir de décision. Mais ce partage a été réalisé dans la transparence et avec les accords de tous les membres de la famille alors il n’y a aucun conflit entre eux.
Après l’acquisition de cette part dans l’entreprise, Patrick a toujours eu le bon sens de faire prospérer l’entreprise sans bafouer les valeurs et les principes familiaux établis dans la charte familiale. En tant qu’associé, il a une grande responsabilité sur la gestion et supporte tous les risques qui en découlent. Mais il a aussi l’opportunité de céder sa part à son fils ultérieurement mais en attendant, il a la mainmise sur la gestion, la propriété et le contrôle sur l’entreprise proportionnellement à sa participation. Et pour éviter toute sorte de doute, il confirme qu’il a une vision unique, un intérêt commun avec les successeurs sur l’avenir de l’entreprise.
Par contre, le cas pratique n°6 constitue un contre-exemple à cette situation. Le partage de la propriété entre la famille et le manager externe aboutit à un échec total du mangement et une perte du caractère familial de l’entreprise. La dispute entre les successeurs potentiels est une situation favorable au détenteur de l’autre part du capital qui a ultérieurement racheté la totalité des parts de la famille. En effet, la famille a perdu le droit de propriété, le contrôle de la gestion opérationnelle et toute relation avec les collaborateurs et les autres détenteurs du capital. L’entreprise familiale a disparu suite à ces éventualités.
En somme, ces deux cas nous aident à confirmer la corrélation positive entre la convergence d’intérêt associé au partage de la propriété et l’efficience des mécanismes de gouvernance.
- Hypothèse 4
Le cas pratique n°5 relative au partage de propriété et à son impact sur la relation d’agence constitue un exemple typique nous facilitant l’analyse de l’hypothèse 4.
Après que Patrick ait acquis une part de la propriété de l’entreprise familiale (30%), son intérêt se divise en deux. Il travaille d’abord pour son propre intérêt et celui de son futur successeur et aussi il continue à faire fructifier l’entreprise dans l’intérêt de la famille qui lui a remis la confiance de diriger les filiales. Dans son jeu, il cache son intérêt individuel en essayant de donner une image positive aux successeurs et en déclarant à chaque situation qu’il pense avant toute chose à l’intérêt de la famille. De son côté, les successeurs pensent la même chose. Même si Patrick est un ami de longue date à qui est confiée la gestion des filiales de l’entreprise, le successeur lui met toujours en garde et essaie de sauvegarder l’honneur de la famille quelles que soit les stratégies adoptées ensemble. Les deux camps surveillent les attitudes et comportements de l’autre à chaque éventualité tout en privilégiant leur intérêt individuel. Comme cela se passe dans un jeu de collaboration et de cohabitation amiable et sans conflit, la relation d’agence est bien entretenue.
L’efficacité de cette cohabitation nous permet de valider que la relation d’agence élevée est un facteur positif à l’efficience des mécanismes de gestion. Les deux acteurs sont en position de protéger leur intérêt personnel mais ils se cohabitent pour faire fructifier l’entreprise parce que c’est en elle qu’ils puisent toutes les richesses et avantages. Et à un moment donné, chacun pense à passer la commande à leur propre successeur afin de reproduire et perdurer le schéma qu’ils dessinent pendant leurs années de gloire.
3.3. Recommandations pour maitriser les impacts de la transmission sur la gouvernance
1) Etablir une communication régulière et fréquente
Après la transmission, les successeurs et les membres de la famille sont tous en action et ont du mal à se rencontrer que ce soit pour les raisons personnelles ou pour une raison se rapportant à la vie de l’entreprise. Alors, les membres de la famille doivent tenir une réunion régulière et fréquente afin de discuter de la situation de l’entreprise, et afin de renouer et de renforcer les liens familiaux. La transmission est un processus humain entre deux générations. Elle nécessite un dialogue aux moins entre le cédant et les repreneurs afin d’harmoniser toutes les procédures qui s’y rattachent.
En outre, l’esprit de la transmission repose sur la continuité de plusieurs volets mis en œuvre par le cédant et en quoi il a foi. Cela implique une réunion post-transmission régulière et fréquente afin de vérifier si les valeurs et principes établis dans la charte familiale ont été bien respectés, ou ont besoin d’être actualisés par les aspirations de la génération actuelle. Autant pour les stratégies d’entreprise, la gestion des ressources humaines et les politiques et vision adoptées lors de la reprise de l’entreprise par le successeur.
Par ailleurs, la transmission est souvent source de conflit et de discorde entre le cédant et le repreneur, entre le successeur et les employés de l’entreprise. Une réunion régulière et fréquente donne une opportunité au cédant de régler ces discordes et conflits et d’adoucir leur impact sur le management de l’entreprise. Ces occasions permettent de concrétiser le rôle du cédant en tant que conseiller et médiateur, il peut partager ses expériences dans le règlement de conflit afin d’établir la relation entre les différentes parties.
De surcroit, la transmission a promis une performance meilleure pour l’entreprise. Les réunions régulières et fréquentes donnent la possibilité au cédant et aux successeurs de résoudre les problèmes qui obturent la performance de l’entreprise. Cela peut concerner l’agencement des structures, la correction des procédures de gestion, d’administration en générale et de contrôle ou les processus relationnels entre les différents collaborateurs. La fusion entre les aspirations innovantes du successeur et les expériences de longue date du cédant peuvent se transformer en un remède efficace pour les problèmes liés à la gouvernance de l’entreprise, à la gouvernance familiale et à la gouvernance publique.
2) Suivi de l’exécution et du respect des clauses de contrat de gouvernance conclue avec le repreneur externe
Le contrat avec le repreneur externe doit être bien défini par les différentes clauses qui y sont inscrites. Le suivi régulier de l’exécution de ce contrat est un devoir du conseil familial ou du successeur potentiel ou du successeur qui travaille côte à côte avec un manager externe. Ce suivi concerne tout d’abord l’exercice du pouvoir sur les employés et sur les collaborateurs externes de l’entreprise. Ensuite, il est indispensable de faire un suivi sur la gestion du patrimoine de la famille, l’évolution de la gestion du patrimoine cédé au repreneur externe ou à d’autres associés. En outre, il est utile de faire un test d’efficacité de la gouvernance afin de savoir si les objectifs et les stratégies d’entreprise ont été bien respectés et valorisés après la transmission. Dans les cas où il n’y a violation du contrat, le conseil familial doit recourir à un règlement de litige en toute confidentialité afin d’éviter de discréditer le nouveau gouvernant aux égards des employés.
3) Sceller définitivement la transmission avec la nouvelle génération
Le cédant ou le conseil de famille doit sceller officiellement la transmission en faisant une communiqué aux égards des ensembles des actionnaires, associés et collaborateurs de l’entreprise afin de rendre effectif le pouvoir du nouveau repreneur, interne ou externe, et d’effacer les soupçons sur le trafic d’influence de la famille sur la direction. Ce communiqué a un impact psychologique vis-à-vis du successeur concernant sa prise de position définitive et la mise en œuvre de toutes ses capacités à la conduite de la direction.
En outre, le cédant doit supprimer tout symbole de pouvoir envers l’entreprise. Il est tenu de donner le fauteuil de directeur ou président de l’entreprise à son successeur et s’écarte de la gestion opérationnelle. C’est une procédure qui accorde au successeur une véritable légitimité envers le personnel surtout. Elle rendra effective les pouvoirs de décision du successeur. Le détachement au pouvoir est aussi une question d’honnêteté envers ses paroles et ses promesses faites au successeur.
Conclusion
Les entreprises familiales ont leurs particularités et leurs traits de distinction par rapport aux entreprises non familiales. La performance supérieure de ces entreprises et leur résistance face à la crise économique et financière ont été observées comme les produits de ces particularités. C’est ainsi que nous avons choisi d’étudier un aspect particulier de la vie des entreprises familiales dans ce mémoire, il s’agit de la transmission et ses impacts sur les mécanismes de gouvernances. Dans la première section, nous avons apporté quelques éléments théoriques et conceptuels sur la transmission et la gouvernance des entreprises familiales qui nous ont permis de dégager quatre hypothèses à valider dans la partie empirique. Il a été exposé que la propriété et le pouvoir sont déterminants à l’analyse de la transmission d’une telle entreprise. Le patrimoine appartient à la famille et lors de la transmission, le cédant fait en sorte que le successeur saisit à quel point ce patrimoine est important. C’est ainsi que le choix d’un successeur interne implique la mise en œuvre d’un processus de socialisation dans l’entreprise afin qu’il apprenne le contexte, les valeurs et les principes auxquels tenaient la famille. Il y a aussi des cas ou le cédant est dans l’obligation de se recruter un manager externe à la famille pour reprendre l’entreprise provisoirement ou définitivement. Les valeurs et la culture de la famille sont les principaux éléments considérés comme une priorité dans la sélection de ce manager externe. En outre, la gouvernance d’une entreprise familiale se distingue par ses composantes. Il y a la notion de gouvernance familiale, matérialisée par le pouvoir et le droit de propriété de la famille et son influence sur la gestion et le contrôle de celle-ci. Une charte familiale, un conseil familial et un successeur sont les composants qui permettent de mettre en œuvre cette gouvernance familiale. Il est aussi indispensable de penser à la gouvernance d’entreprise matérialisé par la constitution du conseil d’administration, par les structures et organes de gouvernance, par le système de management, par la prise en compte des actionnaires, par la définition d’une stratégie et d’une culture d’entreprise. Ces éléments sont en adéquation avec la gouvernance familiale et complétés par la gouvernance publique avec laquelle doivent être administrées les relations avec les collaborateurs externes, l’Etat et les collectivités, les clients et les fournisseurs. L’analyse de ces éléments permet de dégager les composantes d’une gouvernance d’entreprise familiale qui sont le droit de propriété, la gestion opérationnelle et la relation avec les employés. Chaque type de transmission fait ressortir de nombreux scénarios basés sur ces composantes mais dont le produit de chaque scénario sur la performance post-transmission jugera l’efficacité. Nous avons avancés six cas pratiques mettant en relief quelques scénarios expliquant l’intégration du successeur, l’acquisition des pouvoirs de décision, définissant le partage de propriété et faisant apparaitre la relation d’agence. Leur analyse approfondie fait ressortir que l’efficacité des mécanismes de management après la transmission est positivement fonction de l’efficacité du processus d’intégration du successeur, de la façon dont sont investis les pouvoirs de décision. Dans le cas d’un repreneur externe, l’efficacité des mécanismes de management est en corrélation positive avec l’importance de la relation d’agence et l’instauration d’un intérêt commun après le partage de propriété. L’identification d’un cas pratique particulier, s’agissant du parachutage et son impact sur la rupture de la relation entre successeur et employés, sur la non-maitrise de la gestion opérationnelle et sur l’exercice abusif du droit de propriété, vient confirmer ces corrélations. Après cela, quelques recommandations ont été formulées. Ils concernent surtout l’obligation d’une réunion régulière et fréquente de la famille après la transmission afin de suivre l’évolution de la prise de position du successeur, de régler les éventuels conflits et de corriger les erreurs de gestion. Aussi, elles ont mis le point sur le suivi de l’exécution des clauses du contrat de reprise avec un repreneur externe.
Bibliographie
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- Johan Lambrecht, Fabrice Pirnay Transmission du pouvoir dans les entreprises familiales, Institut de l’Entreprise Familiale, 2008
- Leonhard Fopp, Tis Prager, Florent Ledentu, Guide de gouvernance pour les entreprises familiales : Une croissance durable des entreprises familiales, Université de Zurich, 2011
- Nathalie Crutzen, Fabrice Pirnay, L’impact de la crise sur la transmission dans les entreprises familiales en Belgique francophone, Ecole de Gestion de l’Université de Liège, Institut de l’Entreprise Familiale, Juin 2014
- Olivier Mellerio, Transmission de l’entreprise familiale, Octobre 2009
- Sami Basly. Propriété, décision et stratégie de l’entreprise familiale : une analyse théorique. Colloque de l’Association Française de Finance, Juin 2006, Poitiers, France
- Société Financière Internationale, Manuel de Gouvernance des Entreprises Familiales, Groupe de la Banque Mondiale, 2008
[1] Les centres suivants ont été créés afin d’approfondir les champs d’études des entreprises familiales en France : Wendel International Center for Family Enterprise, INSEAD, HEC Family Business Center.
[2] Christiane Bughin, Olovier Colot, alain Finer, Benoit Vander Cassyen, transmission des entreprises familiales et gouvernance cognitive, Centre de Rercherche Warocqué, Université de Mons, page 7
[3] Idem, page 8-9
[4] Définition de l’International Finance Corporation
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