La catégorisation de la clientèle par les agents immobiliers : entre adaptabilité et traitement différencié.
Spécialité : Psychologie sociale et du travail
La catégorisation de la clientèle par les agents immobiliers : entre adaptabilité et traitement différencié.
SOMMAIRE
CHAPITRE I: REVUE DE LITTÉRATURE.. 7-29
1.1. Le fondement théorique de la catégorisation sociale : 7-9
1.2. Les fonctions de la catégorisation sociale : 9-10
1.3. Les étapes du processus de catégorisation sociale: 10-11
1.4. Les nébuleuses de la catégorisation sociale: 11-13
2.1. Le principe des agences immobilières : 13-14
2.2. Les responsabilités des agents immobiliers: 14-15
2.3. La technique de vente des agents immobiliers : 15-19
2.4. Les enjeux de la catégorisation de la clientèle : 19-29
CHAPITRE II : EMERGENCE DE LA PROBLEMATIQUE.. 30-32
CHAPITRE III : ANALYSES EMPIRIQUES. 33-50
1.1. La méthodologie d’approche : 33-34
1.2. Les outils utilisés : 34-36
2.1. Présentation de la population étudiée : 36-37
2.2. Présentation des guides d’entretien : 37-38
2.3. Déroulement des entretiens : 38-38
2.4. Les limites des entretiens : 38-39
- Le traitement des données : 39-40
- L’analyse de contenu: 40-48
- La discussion : 48-49
- Les enseignements tirés de la recherche : 49-50
6.1. Les apprentissages de la recherche : 49-50
6.2. Les perspectives professionnelles : 50-50
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES.. 55-56
INTRODUCTION
Les gens ont tendance à penser que les français sont des bons cuisiniers, que les femmes ne savent pas conduire ou que les juifs sont des personnes intelligentes. Ces croyances partagées qui concernent les caractéristiques communes à un groupe de personnes sont une version simplifiée de la réalité qui nous entoure. Oui, le monde est d’autant plus vaste et plus complexe que nous devons le réduire en un modèle plus simple pour ne pas avoir à subir une surcharge mentale[1]. Plus précisément, notre système cognitif cherche en permanence un moyen de traiter économiquement les informations, dans la mesure où les données qui constituent notre environnement sont trop nombreuses. Toujours est-il que la production de ces raccourcis cognitifs est loin d’être le fruit du hasard. Elle découle de tout un processus que nous devons au mécanisme de la perception sociale, et plus précisément au mécanisme de la perception d’autrui. La revue de littérature concernant la psychologie sociale stipule que les individus procèdent à des jugements visant à classifier les stimulations et les idées qui leur parviennent en tête, afin de structurer efficacement les informations transmises par l’environnement[2]. Parmi les modèles d’organisation des connaissances, il existe le processus de catégorisation et la création des réseaux sémantiques[3]. Ce processus de catégorisation s’applique en fait dans tous les aspects de la vie quotidienne et est d’autant plus présent dans certains corps de métier dont le milieu de l’immobilier. De ce milieu est issu l’agent immobilier qui est un intermédiaire professionnel mettant en relation le propriétaire d’un bien immobilier et un acheteur ou un locataire. La nature de la prestation qu’il fournit varie selon la mission que le client désire confier à l’agence. En général, le métier d’agent immobilier s’articule autour de la vente de prestations immobilières[4]. En ce qui concerne la clientèle des agences immobilières, il existe les acheteurs/locataires et les vendeurs/propriétaires.
Il faut noter que la complexité de l’environnement de l’agent immobilier provient de la subtilité et de la diversité même de la clientèle. De plus, le marché immobilier est un marché très spécifique en ce sens que les biens immobiliers sont hétérogènes et difficilement comparables deux à deux. Cela suppose donc une simplification de l’environnement à travers la catégorisation de la clientèle. Par exemple, les agents peuvent les catégoriser en fonction de leur besoin et de leur motivation. En même temps, cela permet de s’adapter au comportement et aux attitudes des acheteurs. Pour ce faire, les agents immobiliers doivent cerner chaque acquéreur à travers les signaux verbaux et non verbaux qu’il émet, sachant que les clients sont comme des flocons de neige : il n’y en a pas deux qui se ressemblent totalement. La diversité de la clientèle augmente la probabilité de l’usage de la catégorisation afin de simplifier le réel et d’utiliser des informations stéréotypiques dans un but commercial. Ce mécanisme insidieux et parfois discriminatoire s’effectue grâce à l’étude du langage et de la communication verbale et non verbale. D’ailleurs, selon Austin (1962), « le langage est acte »[5].
Mais il existe bien des cas qui ne permettent pas l’usage de la stéréotypie, notamment lorsque les clients sont atypiques. Par exemple, un client plutôt humble dans son code vestimentaire ne recherchera pas forcément une maison modeste et un couple de retraités ne recherchera pas forcément une petite maison. Ces stéréotypes peuvent également mener à des mécanismes discriminatoires non conscients.
Ainsi, la profession d’agent immobilier suscite donc une certaine sollicitation d’un point de vue cognitif, du fait de leur rencontre avec une diversité d’individus. Cela nécessite d’être méthodique dans le traitement des informations fournies. Face à la limitation des ressources cognitives, notre questionnement de départ est alors le suivant : comment les agents immobiliers perçoivent-ils leur clientèle?
Afin d’être en phase avec son client, l’agent immobilier doit adapter son comportement, et ce, à travers l’écoute active, l’empathie et l’utilisation des connaissances intériorisées. De cette façon, l’organisation affichera une meilleure performance. En effet, la satisfaction des acheteurs potentiels passe par une adaptation de la vente à leur besoin. Selon Weil et al. (1986), la vente adaptative se caractérise par « un changement de comportement de vente, pendant une interaction avec un client ou à travers des interactions client, effectué en fonction d’une information perçue sur la nature de la situation de vente »[6].
L’adaptation de la vente au comportement naturel du client implique la théorie de la catégorisation sociale, d’autant plus qu’elle permette de simplifier la réalité et d’avoir une perception plus nette des attentes et des goûts des acheteurs. Selon TAJFEL (1972), « la catégorisation peut se définir comme étant constituée des processus psychologiques qui tendent à ordonner l’environnement en termes de catégories : groupes de personnes, d’objets, d’événements (ou groupes de certains de leurs attributs), en tant qu’ils sont soit semblables soit équivalents les uns aux autres pour l’action, les intentions ou les attitudes d’un individu »[7]. Cette technique trouve son intérêt dans la simplification du monde environnant à travers un découpage catégoriel de la masse d’informations obtenue, de façon à regrouper les items équivalents. Ainsi, le processus de catégorisation qui émerge des sciences sociales, découle d’un mécanisme de perception qui influe sur le comportement même du percevant. Ceci pour dire que la manière dont l’agent immobilier perçoit l’attitude de l’acheteur peut impacter le comportement et le style de communication de cet agent. Mais cette catégorisation de la clientèle ne marche pas toujours avec les clients atypiques, c’est-à-dire pour les clients hors-normes et, lorsqu’elle est poussée à l’extrême, elle peut engendrer des comportements inappropriés de la part des agents immobiliers, dans la mesure où cela peut impliquer un traitement différencié pour une certaine catégorie de clientèles. Ces comportements inappropriés peuvent se manifestent le plus souvent sous forme de discriminations à l’accès au logement. Il faut noter que la discrimination est « un comportement qui se traduit par un traitement méprisant et vexatoire d’individus ou de groupes qui sont l’objet de préjugés c’est-à-dire perçus comme inférieurs à nous…La discrimination stigmatise les individus en les classant dans une position d’infériorisation ou d’ exclusion sur la base de préjugés dont ils sont l’objet ; c’est un traitement inégalitaire accompagné d’un sentiment d’animosité et de rejet à leur égard »[8]. La catégorisation de la clientèle peut justement amener l’agent immobilier à effectuer un traitement différencié envers une quelconque catégorie dans la mesure où ils tiennent compte des facteurs discriminatoires liés à « l’être » tels que l’apparence physique, l’âge, la culture ou encore l’origine ethnique. Cette discrimination peut être directe ou indirecte et concerne tout particulièrement les Roms[9]et, dans une moindre mesure, les personnes d’origine étrangère[10]. En effet, les propriétaires ont une certaine préférence pour les acheteurs nationaux non saillants et avec une position sociale convenable.
Afin d’approfondir nos connaissances théoriques sur le sujet, nous avons procédé à des recherches bibliographiques à partir d’ouvrages et d’articles sur la catégorisation sociale d’une part et les techniques de vente des agents immobiliers et de l’autre. Les approches théoriques qui en découlent vont servir à énoncer des hypothèses. Ces dernières seront confirmées ou infirmées à travers des recherches empiriques dont la méthodologie est basée sur des entretiens réalisés auprès des agents immobiliers qui visent à comprendre la formation des stéréotypes et des implicites dans la perception de l’autre et la formation du jugement en vue d’élaborer une proposition commerciale. Il faut noter que cette méthodologie a permis d’étaler une vision harmonieuse du sujet, de manière à subdiviser l’ouvrage en trois chapitres bien distincts.
Dans un premier chapitre, il y aura lieu d’aborder la revue de littérature afin d’appréhender les concepts clés du sujet, de façon à assimiler le mécanisme de la perception sociale au contexte de la fonction immobilière et de la pratiques des agents immobiliers.
Dans un second chapitre, nous allons énoncer la problématique théorique qui consistera à orienter notre recherche empirique. Cette position du problème permettra de formuler des pistes de recherches ou hypothèses qui seront vérifiées lors des recherches empiriques.
Dans un troisième et dernier chapitre, il s’agira d’énoncer la méthodologie et les résultats de la recherche, de façon à vérifier leur correspondance avec les hypothèses de départ. Nous allons ensuite mettre en avant les apprentissages et l’intérêt professionnel de la recherche.
CHAPITRE I: REVUE DE LITTÉRATURE
Le concept de catégorie sociale n’est pas chose évidente, notamment lorsqu’elle s’applique au comportement de la clientèle. Dans notre cas, il s’agit de comprendre comment les agents immobiliers vont catégoriser les acquéreurs lors du processus de vente, et notamment lors de la phase de découverte des acheteurs. Mais qu’est-ce que la catégorisation sociale ? Comment les agents immobiliers l’applique-t-elle aux acheteurs potentiels ? Engendre-t-elle toujours des effets positifs ?
1. Le mécanisme de la perception sociale :
Sachant que l’homme possède une rationalité limitée, il va traiter les informations de manière biaisée à travers la catégorisation. C’est un processus élémentaire, involontaire et universel de la perception humaine visant à classer le monde environnant en catégories à partir de traits caractéristiques. Cette catégorisation peut également s’appliquer aux groupes sociaux et aux individus. Nous allons justement orienter nos approches théoriques. Il s’agit donc d’aborder respectivement les fondements théoriques de la catégorisation sociale, le processus de catégorisation, les fonctions de la catégorisation et enfin les nébuleuses de la catégorisation18.
1.1. Le fondement théorique de la catégorisation sociale :
La théorie de la catégorisation est puisée dans des études sur la perception menée par TAJFEL en 1959. Cette étude relate que le jugement perceptif que nous avons effectué sur des objets physiques dépend de la catégorie à laquelle nous les avons subjectivement affectés. La catégorisation a donc commencé avec la perception physique des objets non sociaux[11]. Ainsi, avant d’aborder la catégorisation des objets sociaux, nous allons mettre en lumière les expérimentations effectués sur les objets non sociaux :
1.1.1. La catégorisation des objets non sociaux[12] :
TAJFEL et WILKES (1963) avaient expérimenté le phénomène de catégorisation des objets sociaux en présentant 8 stimuli qui représentaient des barres de taille variable mais en continuum avec 5% de différences entre eux à des sujets différents. Ils avaient posé trois conditions d’appariement lors de cette expérimentation:
- 1er cas : condition d’appariement systématique : les 4 plus grandes barres sont associées à la lettre A tandis que les 4 plus courtes sont reliées à la lettre B.
- 2ème cas : condition d’appariement aléatoire : les lettres A et B sont associées à n’importe quelle barre sans distinction.
- 3ème cas : inexistence d’appariement.
Il a été demandé aux participants d’évaluer la taille de cette série de 8 lignes de longueurs variables. Il a été constaté que les participants ayant été confrontés à la première condition avaient tendance à surestimer la similitude de longueur entre les lignes d’une même catégorie et les différences de taille entre les lignes appartenant à des catégories différentes.
Après avoir vu la catégorisation des objets sociaux, il s’agit maintenant d’expliciter le phénomène de catégorisation sociale proprement dit.
1.1.2. La catégorisation des objets sociaux[13] :
TAJFEL et WILKES (1963) ont repris le même type d’expérience avec les objets sociaux en demandant aux participants d’écouter une conversation enregistrée entreprise par trois noirs et trois blancs[14], l’objectif étant de connaître comment les participants à cette expérience jugeaient la race de l’individu en fonction des propos tenus par les objets concernés. Les chercheurs ont pu déduire que les participants arrivaient sans difficultés à déterminer si une intervention a été effectuée par un noir ou un blanc. Car, ils avaient du mal à distinguer les noirs entre eux et les blancs entre eux.
Ceci pour dire qu’il existe dans notre perception d’autrui des catégories mentalement préétablies permettant de déterminer si un individu appartient à tel ou tel groupe social. Le regroupement des individus au sein de catégories permet de simplifier la réalité sociale et le traitement des informations. En ce qui concerne les objets sociaux, ce regroupement peut provenir de la première impression et de la perception d’autrui, qui constituent la théorie implicite de la personnalité. En effet, les individus ont des croyances naïves et subjectives sur la première impression qu’ils ont d’une personne. Ainsi, ils s’appuieraient sur la fréquence et la variabilité des traits de personnalité déterminant le comportement d’un individu, et ce en vue d’établir des catégorisations sociales. Autrement dit, en associant certains traits entre eux ou en dissociant d’autres via les premières impressions, les personnes peuvent émettre des jugements catégoriels. Toutefois, pour réaliser cette classification, les personnes ont tendance à exagérer les ressemblances entre les individus classés à l’intérieur d’une même catégorie et les différences entre les individus de catégories différentes. Nous pouvons donc constater que le processus de catégorisation produit deux effets :
- L’effet de contraste : accentuation des différences entre les individus de groupes distincts. La généralisation des différences entre les groupes peut conduire à un phénomène de discrimination.
- L’effet d’assimilation : accentuation des ressemblances entre les individus de même groupe. Cela entraînerait la généralisation d’un trait de caractère à l’intérieur d’un groupe. Par exemple, nous avons tendance à dire que les asiatiques se ressemblent tous alors que ce n’est pas forcément le cas. De cette façon, nous réalisons une nette séparation entre notre groupe d’appartenance et les autres groupes de telle sorte que notre jugement puisse être alterné.
Force est de constater que le processus de catégorisation est automatique et involontaire : il permet d’identifier des groupes sociaux ou des individus, de se repérer et de se positionner dans la société. Quelles sont donc les fonctions de la catégorisation sociale qu’il convient de connaître ?
1.2. Les fonctions de la catégorisation sociale[15] :
Connaissant la définition et le fondement théorique de la catégorisation, nous pouvons déduire que les catégories permettent une meilleure compréhension et une meilleure adaptation du monde environnant, tout en facilitant la communication à travers un consensus des catégories et un sens partagé (exemple : le langage). Ainsi, nous pouvons nous engager et nous projeter dans des actions, de telle sorte que le monde environnant devienne accessible et normal. De ces principaux avantages résultent deux fonctions importantes de la catégorisation sociale, à savoir :
- La fonction cognitive : elle permet d’avoir une vision claire et nette de notre environnement et ce, en structurant notre environnement en catégories qui soient pertinentes pour nous. Ainsi, grâce à ce processus, à partir d’un trait ou d’une caractéristique nous plaçons un individu dans une catégorie. Autrement dit, l’information catégorielle permet d’analyser un individu dans toute son individualité en utilisant des connaissances stockées en mémoire. L’idéal serait de constituer des catégories plutôt globales et peu nombreuses, plutôt que plusieurs catégories différenciées.
- La fonction identitaire ou fonction d’orientation et d’ajustement: elle consiste à identifier notre groupe d’appartenance, et à instaurer des représentations sociales d’un point de vue émotionnel et évaluatif. Dans cette optique, nous avons besoin d’avoir une image positive de nous-mêmes et de notre groupe, ce qui va entraîner un biais de favoritisme intra-groupe. Par ailleurs, cette fonction identitaire permet d’interagir de façon appropriée avec les membres des autres groupes. Par exemple, nous n’allons pas proposer à une personne musulmane de manger des aliments contenant du porc.
La catégorisation sociale détient alors une double fonction qui touche aux relations humaines et au fonctionnement cognitif. Mais comment fonctionne exactement ce processus de catégorisation sociale ? Quelles en sont les étapes ?
1.3. Les étapes du processus de catégorisation sociale[16]:
Nous savons que la catégorisation est un processus psychologique qui tend à ordonner l’environnement en termes de catégories. Pour illustrer ce processus en question, il s’agit de se baser sur le schéma de BRUNER (1957) :
Schéma 1: Le processus de catégorisation
Source: INGARAO A., “La théorie de la catégorisation : un concept de psychologie cognitive en marketing”, CERMAT, Université de Tours, p.7, En ligne http://enaso.fr/campus/psychologie-conso-m/res/UE352-1-A-PDF-La_theorie_de_la_categorisation_.pdf
- La catégorisation primitive : elle s’effectue lors du premier contact avec un individu non connu. Les critères généralement pris en compte lors de cette catégorisation primitive sont les critères de base tels que l’âge, le sexe ou encore la catégorie socioprofessionnelle.
- La recherche d’indices: c’est la phase pendant laquelle l’individu balaie son environnement afin d’y découvrir des éléments qui lui serviront d’indices pour la catégorisation sociale de l’autre individu ou groupe d’individus.
- L’épreuve de confirmation: cette étape vise à rechercher des données additionnelles qui puissent confirmer ou justifier la tentative de catégorisation de l’individu.
- La conclusion de la confirmation: l’individu est plus ou moins sûr de son placement et adopte des comportements et des attitudes qui découlent de cette catégorisation.
Sachant que le monde social est en construction perpétuelle, nous pouvons constater que les catégories ne sont pas figées dans le temps. La théorie de l’identité sociale comme la théorie de la catégorisation sociale s’intéressent alors au processus dynamique qui varie en fonction des comparaisons sociales. Il s’agit également d’un processus complexe qui dépend d’un ensemble d’opérations mentales très différentes[17]. Ces opérations consistent soit à affecter les données informatives dans des catégories préexistantes soit à créer des catégories à partir de données informatives.
Bien que le processus de catégorisation soit un processus complexe, il permet tout de même de simplifier la réalité. Mais il faut noter que cette simplification peut également aboutir à des dérives qui constituent les nébuleuses de la catégorisation.
1.4. Les nébuleuses de la catégorisation sociale[18]:
Nous avons vu précédemment que notre environnement était complexe et que pour pouvoir le simplifier et le traiter correctement, nous réalisons un processus de catégorisation. Lorsque cette catégorisation concerne des objets sociaux, l’expérience qui en découle conduit à la formation de stéréotypes, c’est-à-dire des catégories qui sont pensées et vécues comme des essences ou des réalités en soi. En effet, les stéréotypes sont des « croyances partagées concernant les caractéristiques personnelles, généralement des traits de personnalité, mais souvent aussi des comportements d’un groupe de personnes »[19]. Ainsi, les stéréotypes peuvent représenter des connaissances que nous avons sur notre propre groupe et des croyances communément partagées concernant les autres groupes sociaux. Il s’agit d’un processus majeur de la construction de l’identité sociale, de la sienne et de celle des autres, provenant d’une « activation » quasi automatique acquise avec le temps. Ces tendances spontanées à « sur-inclure et sur-généraliser » peuvent être aussi bien positives que négatives. Par exemple, le fait de percevoir les anglais comme des personnes « sportives», « intelligentes » et « conventionnelles » ou les noirs comme des « bons musiciens » sont des stéréotypes positifs. Tandis que le fait de considérer les femmes comme « mauvaises au volant » ou « imprévisibles » sont des stéréotypes négatifs.
Les stéréotypes ont pour fonction de permettre la perception d’une réalité sociale, c’est-à-dire une explication cohérente du monde qui nous entoure via la généralisation des traits de certains individus. Ensuite, ils permettent de justifier les rapports sociaux tout en renforçant la cohésion intra-groupe et la différenciation inter-groupe.
Mais il faut noter que la formation des stéréotypes n’est pas sans conséquences. Elles sont généralement source d’autocensure et de traitement différencié à l’égard des personnes visées. Dans cette optique, nous pouvons schématiser comme suit la gradation progressive d’un stéréotype à un comportement discriminatoire :
Schéma 2: Gradation progressive du stéréotype
Source: Les défenseurs du droit, « Déconstruction des stéréotypes et préjugés », En ligne http://www.defenseurdesdroits.fr/sites/default/files/upload/fiches-thematiques/discri-deconstruction-stereotypes.pdf
La stéréotypie découle du processus de catégorisation qui consiste à étiqueter des individus ou des groupes d’individus pour les placer ensuite dans des catégories, et ce en fonction des traits caractéristiques. Lorsque la mise en saillance d’un critère caractéristique du groupe ou de l’individu génère des attitudes visant à établir une différenciation sociale, nous parlons de préjugés, le préjugé étant la « correspondance attitudinelle » du stéréotype. Selon Gordon ALPORT (1954), le préjugé désigne « une attitude négative, une prédisposition qui pousse les sujets à afficher un comportement discriminant envers certains groupes sociaux et leurs membres »[20]. Il repose souvent sur une généralisation erronée à l’égard des personnes de n’importe quelle catégorie sociale autre que la sienne, de façon à créer un malaise et des sentiments négatifs. A ce stade, le stéréotype se définit à la fois comme une rationalisation et comme une justification du préjugé. Avec l’évolution des rapports sociaux, il peut exister des groupes d’individus qui sont affublés d’un stéréotype d’infériorité, c’est-à-dire catégorisés en tant que groupe social anormal ou inférieur au groupe auquel nous appartenons. C’est souvent le cas pour les personnes handicapées ou les personnes atteintes d’obésité. Jusque-là les jugements ne concernent que l’attitude et la considération envers les sujets concernés. Lorsque cette attitude engendre un acte ou un comportement ou négatif à l’égard des membres d’un exogroupe, cela renvoie au phénomène de discrimination, d’où le concept de racisme, de sexisme, de xénophobie ou d’homophobie.
Connaissant les causes et les conséquences de la catégorisation sociale, nous allons maintenant mettre en avant l’intérêt de la catégorisation sociale dans la fonction immobilière, et notamment dans le processus de vente mené par l’agent immobilier.
2. La catégorisation sociale dans la fonction immobilière :
Le marché immobilier possède des caractéristiques particulières d’autant plus qu’il s’agisse d’un marché imparfait, purement local et incomparable deux à deux. Cela implique l’unicité de chaque situation d’achat et justifie largement la nécessité d’une vente adaptative, c’est-à-dire une vente consistant à s’adapter aux comportements naturels du client pour gagner sa confiance à travers l’empathie et l’écoute active. Logiquement, cette adaptabilité requiert une catégorisation des clients en fonction de leurs besoins et de leurs styles sociaux. Sachant que nous traitons principalement la vente d’immobiliers en agence, il convient donc d’aborder respectivement le principe des agences immobilières, le rôle des agents immobiliers, leur technique de vente, ainsi que les enjeux de la catégorisation de la clientèle.
2.1. Le principe des agences immobilières[21] :
Les agences immobilières trouvent leur spécificité dans le déploiement d’une double stratégie :
- La réalisation d’un acte de vente avec le vendeur.
- La réalisation d’un acte d’achat avec l’acheteur.
Elles ont pour but de mettre en contact les personnes qui recherchent des locaux à louer ou à acheter et les personnes qui désirent louer ou vendre des logements. Elles ont pour objectif d’effectuer des transactions et de gérer les problèmes quotidiens des locataires et des propriétaires. Nous pouvons affirmer que les activités d’intermédiation qu’effectuent les agences immobilières concernent :
- La transaction dans l’ancien ;
- La location (rédaction de bail) ;
- La gestion locative (exécution des travaux et encaissements des loyers) ;
- La vente des logements neufs (programme de sous-traitance).
Les agences immobilières peuvent être spécialisées selon la nature des transactions qu’elles effectuent. En dehors des logements traditionnels, les transactions peuvent également porter sur la vente de terrains, de murs commerciaux, de bureaux ou de fonds de commerce. Pour notre part, nous allons nous axer sur l’achat de logement, d’appartements et de maisons.
Ayant connaissance des divers activités des agences immobilières, qu’en est-il des professionnels qui y travaillent ? Quelles sont leur droit et leur obligation ? Et par-dessus tout, quelles sont leur mission et leur attribution ?
2.2. Les responsabilités des agents immobiliers[22]:
L’agent immobilier est un intermédiaire qui met en relation un acheteur et un vendeur d’immobilier. Il a pour fonction de prospecter en trouvant un bien à l’acheteur et un client au vendeur. Outre son statut de commercial, il agit également en tant que négociateur et conseiller auprès des parties concernées, et ce afin que les opérations requises pour la vente des biens immobiliers soient réalisées dans les règles de l’art. En effet, les modalités pratiques, le contrôle de l’état des logements, la comparaison des prix, les démarches administratives auprès d’un notaire ou encore les négociations d’un emprunt à la banque justifient la nécessité du recours aux services d’un expert immobilier. Connaissant la double stratégie déployée par les agences immobilières, il faut noter qu’il existe deux catégories d’agents immobiliers :
- Les agents spécialisés dans la vente qui défendent les intérêts des vendeurs. Ces derniers doivent signer un mandat qui établit un lien professionnel entre eux et l’agent immobilier pour une période déterminée. Le mandat peut être exclusif (inexistence d’autres intermédiaires) ou non exclusif (possibilité de recours aux services d’autres intermédiaires ou de vendre soi-même).
- Les agents spécialisés dans l’achat qui sont au service des acheteurs et qui négocient en leur faveur.
Nous pouvons donc classer dans le tableau ci-dessous le rôle des agents immobiliers selon leur spécialisation :
Tableau 1: Le rôle des agents immobiliers selon leur spécialisation
Au niveau du processus de vente | Au niveau du processus d’achat |
– Calcul d’un prix de vente qui puisse être bénéfique pour le vendeur
– Mise en place d’une stratégie et d’une technique de vente – Organisation des visites ou découvertes – Accompagnement et conseil lors de la transaction immobilière – Assistance auprès du notaire |
– Défense des intérêts de l’acheteur
– Etude des besoins et des attentes pour l’habitation – Recherche de maisons appropriées et propositions commerciales. – Évaluation de la propriété et des facteurs environnementaux. – Négociations professionnelles avec le vendeur. – Réalisation des procédures juridiques et administratives. – Assistance auprès du notaire |
Source: CHAUDOIR R., (2012), « Agent immobilier », Rubrique Nouvelles, En ligne http://www.logic-immo.be/fr/nouvelles-immo/agent-immobilier-75.html
En ce qui concerne le mandat en particulier, il doit obligatoirement contenir la durée (qui est généralement de 12 mois pour un mandat simple et de 3 mois pour un mandat exclusif), les modalités de rémunération de l’agent, ainsi que la mention de la personne en charge de cette rétribution (acheteur ou vendeur), la portée de la mission, les formalités de maniement des fonds, ainsi que le numéro d’inscription au registre des mandants. Ainsi, en vertu de ce mandat et de la loi Hoguet du 2 janvier 1970[23] régissant les activités des agents immobiliers, il naît des droits et des obligations qui sont résumés dans le tableau suivant :
Tableau 2: Les droits et les obligations des agents immobiliers
Les droits des agents immobiliers | Les obligations des agents immobiliers |
– Droit à la commission dont la personne en charge est précisée dans le mandat.
– Perception des frais liés aux visites, à la constitution du dossier, à la rédaction de bail et à l’état des lieux et partagés entre le vendeur et l’acheteur. – Droit d’exclusivité de la vente dans le cadre d’un mandat exclusif. – Possibilité d’une convention d’honoraires signée après la réalisation de l’affaire en l’absence de mandat. |
– Possession d’un certificat d’exercice délivré par la préfecture.
– Obligation stricte de loyauté envers le client. – Divulgation par écrit d’une éventuelle relation avec l’autre partie ou de l’existence d’une rétribution venant de la personne physique ou morale recommandée par l’agent à l’acheteur. – Informations et conseils aux parties pour l’appréciation des services via des documentations pertinentes. – Publicité des tarifs de façon visible et lisible. – Possession d’un mandat écrit et régulier. |
Source: Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (2014), « Les fiches pratiques de la concurrence et de la consummation: Agent immobilier », Publications, En ligne http://www.economie.gouv.fr/files/files/directions_services/dgccrf/documentation/fiches_pratiques/2014/fp_agent_immobilier2014.pdf
Force est de constater que l’agent immobilier a de grandes responsabilités à l’égard du vendeur et de l’acheteur. Dans les paragraphes qui suivront, nous allons nous intéresser particulièrement le rôle des agents immobiliers au niveau du processus d’achat.
2.3. La technique de vente des agents immobiliers :
La vente est un processus qui passe par de nombreuses étapes que tout commercial doit suivre tout en maîtrisant les techniques et en utilisant des outils de la vente. Il faut noter qu’une technique se développe généralement en 4 phases dont la connaissance du métier, la recherche du client, le contact, l’entretien de vente et la signature[24]. Nous allons nous pencher particulièrement sur l’entretien de vente, sachant que l’intérêt de notre recherche porte sur le processus psychologique mis à l’œuvre par l’agent immobilier lors d’une découverte client en vue d’élaborer une proposition commerciale. Ce processus passe par la catégorisation de la clientèle de façon à adapter les propos de l’agent au comportement naturel de l’acheteur. Pour ce faire, l’agent immobilier se doit de détecter les signaux verbaux et non verbaux à travers l’empathie et l’écoute active de l’acheteur. Il s’agit donc d’aborder d’une part le déroulement de l’entretien de vente et d’autre part l’application de la vente adaptative au niveau de l’acheteur.
2.3.1. Le déroulement de l’entretien de vente[25] :
L’entretien de vente dans une agence immobilière se déroule entre le premier contact avec l’acheteur et la signature de vente chez le notaire. Il comprend la phase d’harmonisation et de préparation, la phase de découverte, la visite et l’argumentation, le débriefing et la signature.
- La phase de préparation et d’harmonisation :
Juste avant de recevoir le client ou l’acheteur, l’agent doit avoir pris soin de son aspect physique et préparé les documents et équipements nécessaires à son intervention. Bien que beaucoup de vendeurs négligent cette nécessité de présentabilité, elle permet d’avoir une certaine liberté d’esprit et de prendre l’ascendant sur l’acheteur. Il doit également avoir dressé la liste des mobiles d’achat probable, déterminé les objectifs spécifiques de l’entretien et réfléchi sur les questions susceptible d’être posées et les arguments à avancer. A l’arrivée du client, tout devrait être prêt car l’environnement est un facteur de confiance pour l’acheteur. Par exemple, des dossiers visibles et propres donneront un sentiment d’activité intense et les ordinateurs de nouvelle génération procureront un sentiment de sécurité et de modernité.
- La phase de découverte :
Il s’agit de l’étape qui nous intéresse parmi toutes les autres car elle permet de catégoriser les acheteurs en fonction de leur besoins, de leur capacité et de leur personnalité. La phase de découverte consiste donc à comprendre et à connaître l’acheteur en vue de faire une proposition commerciale. Il est primordial de s’intéresser au client pour éviter d’argumenter à tort ou à travers sur des points qui ne lui intéresseront peut être pas. Ainsi, par le biais de l’interrogation, de l’écoute active et de l’observation, l’agent immobilier doit discerner :
- L’objet de la recherche : que recherche-t-il exactement ?
- Les besoins et les motivations (rationnelles et irrationnelles) des clients : Quelle est la raison du virage ? Comment voit-il la maison idéale ?
- Le mode de vie, les habitudes et les goûts de l’acheteur : Quelles sont les caractéristiques de l’habitation actuelle ?
- L’état de la recherche en vue de situer le client par rapport à sa démarche : quels sont les inconvénients constatés au cours des visites antérieures dans les autres agences ? Combien y-a-t-il eu de visites?
- Le potentiel financier de l’acheteur : Combien a-t-il prévu ?
- Le mode de financement prévu : Comment a-t-il prévu de financer cet achat ?
Après avoir collecté les informations nécessaires pour la connaissance du client, l’agent immobilier doit reformuler les demandes des clients pour être certain d’avoir bien compris l’acheteur et inspirer confiance. L’agent doit également prévenir le client sur la suite des événements afin d’obtenir son accord.
Nous pouvons donc constater que cette phase requiert une grande qualité d’écoute et une certaine empathie. Toutefois, l’empathie ne doit avoir une quelconque emprise sur le jugement de l’agent immobilier qui pourrait faire une erreur de précipitation en anticipant les besoins de l’acheteur. Mais d’une manière ou d’une autre, cette phase se conclut par la proposition d’une offre commerciale.
- L’argumentation et les visites :
Les visites peuvent être effectuées virtuellement ou directement, immédiatement après l’entretien ou à la suite d’un second rendez-vous. Dans le premier cas, c’est-à-dire lors de la visite virtuelle, l’agent immobilier sélectionne un échantillon de biens qui correspondant aux attentes des acheteurs dans le fichier informatique et les fait visiter virtuellement grâce à des photos ou des vidéos. Dans le second cas, l’agent sélectionne environ trois logements en pratiquant la technique du logement ˝ repoussoir ˝, notamment lorsque le portefeuille est assez limité:
- 1ère visite : présentation d’un logement qui ne va sûrement pas plaire.
- 2ème visite : présentation d’un logement en parfaite adéquation avec la demande de l’acheteur
- 3ème visite : présentation d’un logement au-dessus du prix annoncé.
Il est recommandé de briefer l’acheteur sur les avantages et les inconvénients du logement visité, sachant qu’à chaque inconvénient doit être apportée une solution. Les argumentations doivent être établies dans le respect de la psychologie de l’acheteur. Par exemple, pour les clients Pour des clients à dominante Sympathie, nous pouvons lui faire sentir l’air frais du jardin.
- Le débriefing :
Après les visites, l’agent immobilier demande à l’acheteur de faire un bilan de ces dernières. S’il en existe une qu’il est prêt acheter, il peut faire directement une offre d’achat. Sinon, une grille d’analyse des visites peut être établie de manière à ce que les points positifs soient plus nombreux que les points négatifs. Si les inconvénients ne suffisent pas à être relativisés, l’agent immobilier peut proposer un prix auquel ces inconvénients ne seraient plus un frein ou positionner un autre rendez-vous pour effectuer d’autres visites.
- La signature :
Si l’acheteur accepte d’acheter le logement à un certain prix, il signe une offre d’achat en présence du négociateur et dont le prix est généralement en dessous du prix fixé au départ. Puis ce dernier va négocier le prix du bien avec le propriétaire de façon à aboutir à un compromis de vente entre les deux parties. Ce compromis va être transmis au notaire qui convoquera les parties pour la signature de l’acte définitif. En cette occasion, le chèque d’honoraire est ainsi versé à l’agent immobilier.
Force est de constater que lors de l’entretien de vente, les agents immobiliers doivent cerner les attentes et les besoins de l’acheteur. Cela implique un processus de catégorisation lors du traitement des informations, qui va servir à simplifier la réalité et limiter les attributions de l’acheteur aux seules caractéristiques de leur personnalité. L’expérience acquise par l’agent immobilier à travers la catégorisation lui permettra d’adapter son comportement à celui de l’acheteur.
2.3.2. La phase de découverte et la catégorisation de la clientèle[26] :
Nous avons vu précédemment que la phase de découverte consiste à connaître les besoins et les attentes des acquéreurs immobiliers. Mais pour notre part, il ne s’agit pas d’étudier directement la psychologie des acheteurs. En effet, nous allons nous focaliser sur le processus psychologique entamé par l’agent immobilier pour mieux cerner les acheteurs immobiliers en vue de simplifier la réalité et de mieux répondre aux attentes de ces derniers. Cerner la clientèle revient en fait la catégoriser de façon à lui faire visiter le logement type qui puisse lui convenir.
Pour ce faire, il doit communiquer avec les acheteurs et détecter les signaux verbaux et non verbaux qui puissent révéler les traits de personnalité de ces derniers. Les signaux verbaux concernent le sens et le poids des mots, ainsi que le registre de langues. Tandis que les signes non verbaux correspondent aux mouvements visibles et observables tels que les gestes, les mimiques, l’âge, la présentation, les regards, l’intonation de la voix et l’attitude générale ou la posture[27]. Ces types de signaux représentent en fait les deux aspects de la communication et peuvent révéler la culture, l’origine ethnique, l’appartenance sociale ou encore la catégorie socioprofessionnelle. A propos, selon Daniel LECLERC, « le logement est un marqueur social qui étaye l’idée que l’on a de sa position dans l’échelle sociale »[28]. Ceci pour dire que le logement est un élément constitutif de l’identité sociale et peut déterminer la place dans la société. L’agent immobilier peut donc déterminer les goûts et la position sociale de l’acheteur à travers la recherche de logement.
Toutefois, les signaux détectés ne sont pas toujours interprétés correctement et peuvent aboutir à des malentendus. Par exemple, les vêtements ne définissent pas forcément le statut social et les mouvements ne décrivent pas toujours le degré d’assurance. Ainsi, un couple bien vêtu peut rechercher la sécurité et non pas forcément l’orgueil ou le confort. Il est vrai que la communication non verbale permet de mieux saisir les véritables intentions et sentiments des interlocuteurs, mais elle représente un potentiel encore sous exploité et non maitrisé. De plus, il arrive que les agents immobiliers manifestent à l’égard des acheteurs une certaine discrimination qui entraîne une inégalité d’accès au logement. C’est surtout le cas des personnes immigrées en France ou des personnes à faibles revenus.
Force est de constater que la catégorisation de la clientèle n’est pas sans conséquence au niveau de la pratique professionnelle. Le paragraphe qui suit consistera donc à mettre en évidence les enjeux de la catégorisation de la clientèle.
2.4. Les enjeux de la catégorisation de la clientèle :
La catégorisation de la clientèle par les agents immobiliers est un mécanisme naturel et indispensable en raison de la complexité de l’environnement. Toutefois, cette catégorisation n’apporte pas que des retombées positives. Les enjeux sont colossaux et les impacts peuvent être considérables. Mais quels sont alors les différents enjeux de la catégorisation des acquéreurs immobiliers ?
2.4.1. L’enjeu positif : le comportement adaptatif de l’agent immobilier
Si les agents immobiliers imposent aux acheteurs leur fonctionnement, cela pourrait engendrer des tensions relationnelles et des frustrations, voire même un rejet de la proposition commerciale. Les modes et les moyens de communication doivent donc être adaptés au comportement de l’acheteur. Dans ce cas, nous parlons de vente adaptative. En effet, elle repose sur un changement de comportement permettant de sortir des méthodes de vente routinières, tout en répondant aux attentes spécifiques de chaque client. Autrement dit, la vente adaptative revient à comprendre les clients et à répondre à leurs attentes comportementales avant d’émettre une proposition commerciale. A travers l’écoute active et le sens relationnel, les agents immobiliers peuvent recourir à une vente adaptative[29]. Cela implique la connaissance de la typologie d’acheteurs auquel il fait face. Tel est l’intérêt de la catégorisation des acquéreurs immobiliers. Il s’agit donc d’énoncer d’une part les différentes formes de catégorisation qui puissent favoriser cette adaptation et de l’autre les effets qui en découlent.
2.4.1.1. Les différentes formes de catégorisation :
Au cours de la phase de découverte, l’agent immobilier procède à une détection de la typologie d’acquéreur afin de mieux cerner ses attentes. Le processus psychologique passe par une catégorisation qui, au fil de la discussion, devient de plus en plus filtrante. Dans la plupart des cas, l’adaptation se fait ici en fonction de la catégorisation des besoins et des styles sociaux des acheteurs, et ce à travers les signaux verbaux et non verbaux.
2.4.1.1.1. La détection des signaux à travers la catégorisation des besoins:
Il est évident que chaque acheteur possède sa propre personnalité qui influe sur son comportement et sa façon de penser. La personnalité est donc une variable explicative du comportement de l’acheteur. Ainsi, nous pouvons dresser une typologie des acteurs en fonction de leurs traits de personnalité dominants. En effet, les traits de personnalité des acheteurs peuvent révéler leurs besoins et leurs motivations[30], tout particulier étant guidé par une motivation basique dans son acte de décision. Pour notre part, nous allons considérer la typologie SONCAS (Sécurité, Orgueil, Nouveauté, Confort, Argent, Sympathie) qui est la plus couramment utilisée. Durant la phase de découverte de l’acheteur, l’agent immobilier doit repérer les signaux verbaux et non verbaux qui reflètent sa typologie dominante, et ce pour que l’agent puisse adapter son langage et son comportement durant les visites et le débriefing :
Tableau 3: Les différentes typologies d’acheteurs selon les besoins
SONCAS | Types de clients | Les signaux verbaux | Les signaux non verbaux | Le langage et le comportement à adopter |
Sécurité | Le maniaque de la qualité, de
l’efficacité. |
Je crains, précaution, tradition, risque,
je ne pense pas que, je ne suis pas sûr que, prudence, … |
– Attitude méfiante et hésitante (ex : quelqu’un qui fait la moue).
– Personne généralement âgée. |
– Rassurer le client et donner des conseils.
– Argumenter sur la qualité et l’efficacité des travaux, la sécurité du quartier, et l’existence de SAV. |
Orgueil | Le vaniteux narcissique. | Moi, je …, j’ai réussi, je suis fier de …, le mieux, le plus beau, le meilleur, … | – Tenue vestimentaire très soignée et snob.
– Attitude arrogante (ex : tête hautaine, se dominant physiquement). – Regard inquisiteur. |
– Flatter sa vanité et son besoin de s’affirmer.
– Insister sur la rareté et l’originalité de la construction. |
Nouveauté | Le fou de la branchitude. | Moderne, nouveau, innovation, création, avenir, progrès, original, récent… | – Tenue vestimentaire de dernier cri et coiffure à la mode. | – Satisfaire sa curiosité perpétuelle et son besoin de changement. |
Confort | Le fou du bien-être. | Pratique, facile, habitude, agréable, calme, à proximité… | – Personne d’un certain âge et sans enfant.
– Généralement patient. |
– Vanter l’aspect pratique, la proximité et la grandeur.
|
Argent | L’obsédé du
tiroir-caisse. |
Rentable, avantageux, profit, intéressant, affaire, cher, budget, économique, … | – Attitude sérieuse (regard soutenu, bras croisés)
– Rire nerveux. |
– Développer la rentabilité de l’affaire et les caractéristiques du logement. |
Sympathie | L’acheteur
impulsif. |
Les autres, social, faire plaisir à, offrir, aimer, trouver gentil, ma famille, mes enfants, mes collègues, … | – Attitude affective (Sourire chaleureux, bras décroisé). | – Faire tomber amoureux du logement en vantant ses avantages. |
Source: QMICHCHOU M. (2007-2008), “ La vente: Processus, outils et techniques ”, ISTA Témara, pp.20-37, En ligne http://www.marketing-etudiant.fr/docs/aa7aae617678944b81067028d47a2b1f-Techniques-de-vente-et-de-negociation.pdf
Après avoir abordé la détection des signaux à travers la catégorisation des besoins, il convient maintenant de détecter les signaux à travers la catégorisation des styles sociaux des acheteurs.
2.4.1.1.2. La détection des signaux à travers la catégorisation des styles sociaux:
Les agents immobiliers peuvent également catégoriser les acquéreurs en fonction de leur style social par le biais de l’observation de ses comportements. Il faut noter que la théorie des styles sociaux est puisée des travaux de Paul WATZLAWICK portant sur les différences de comportements individuels en société. La typologie de comportement qui en découle se répartit autour de 2 axes dont l’expression de nos sentiments et le pouvoir. Ces différents styles sociaux peuvent effectivement être adaptés à la vente. Dans ce cas, les deux axes sont remplacés par la démonstrabilité et l’affirmation.
.
Ces catégories de styles sociaux délimitant les zones de bien-être en matière de comportement sont très différents les uns par rapport aux autres et méritent que nous nous y adaptions pour être plus efficaces dans notre relation avec l’acheteur. Le tableau suivant met en évidence les spécificités de chaque style social :
Tableau 4: Les différentes typologies d’acheteurs selon les styles sociaux
Réfléchi ou analysant | Exigeant ou contrôlant | Expansif ou promouvant | Coopérant ou Facilitant | |
Besoin fondamental | Besoin de sécurité | Besoin d’accomplissement de soi | Besoin d’estime | Besoin d’appartenance |
Rapport au temps | Focalisé sur le passé | Focalisé sur le présent | Focalisé sur le futur | Pas de focalisation |
Comportement (signaux verbaux et non verbaux) | Patient, froid, consciencieux et méthodique. | Résolu, soucieux de l’objectif, impatient, intéressé aux résultats. | Énergique, créatif, optimiste, stimulant, ouvert aux dernières informations | Amical, coopératif, sensible, sympathique, détendu. |
Adaptation | – Sécurisation
– Apprentissage de l’acheteur au respect des objectifs de coûts et de délais. |
– Alimentation en challenges.
– Apprentissage de l’acheteur à la tolérance et l’empathie. |
– Valorisation de l’acheteur
– Alimentation de sujets novateurs. – Apprentissage de l’acheteur à respecter les contraintes. |
– Expression de l’intérêt.
– Apprentissage de l’acheteur dans la fixation des objectifs. |
Source: BANTTANDIER A., (2009), “Les styles sociaux”, Rubrique Management d’équipe, En ligne http://alain.battandier.free.fr/spip.php?article30
Les adaptations sont surtout nécessaires lorsque le vendeur a un style opposé à celui de son acheteur. Par exemple, un promouvant trouvera l’analysant difficile, indécis et incapable de montrer de l’enthousiasme, ce dernier étant un pessimiste de nature. Par contre, l’analysant trouvera le promouvant intrépide avec toutes ses idées novatrices qui ne pourraient pas forcément être réalistes. De même, un contrôlant trouvera le facilitant incapable de trouver des solutions radicales et risquées pour la bonne marche du projet, tandis que le facilitant trouvera le contrôlant trop ferme et dépourvu de sentiments.
Connaissant ainsi, les différentes classifications psychologiques qui peuvent être effectuées à l’endroit des acheteurs, comment pourrions-nous interpréter ces différents signaux ? Quelles en sont les conséquences ?
2.4.1.1.3. L’interprétation des signaux :
La détection des traits de personnalité de l’acheteur à travers ses besoins et son style social permet d’avoir une idée des goûts immobiliers, de la sensibilité qui a entraîné le virage, ainsi que de son potentiel budgétaire.
Tableau 4: La signification des typologies
Types de clients | Style social | Sensibilité | Type de logement adéquat | Budget |
Le maniaque de la qualité, de l’efficacité | Analysant ou réfléchi | Qualité, efficacité, contrôle | Logement avec peu de défauts et sécurisé (résidence principale) | Variable |
Le vaniteux narcissique | Promouvant ou expansif | Luxe, grandeur, rareté, beauté, cherté. | Logement luxueux et spacieux (résidence principale ou secondaire) | Grand |
Le fou de la branchitude | Promouvant ou expansif | Modernité et originalité | Logement peu commun et peu modeste (résidence principale ou secondaire). | Grand |
Le fou du bien-être | Analysant ou réfléchi | Tranquillité, proximité, simplicité. | Logement spacieux et pratique qui se trouve à proximité des écoles et des commerces (résidence principale). | Grand ou moyen |
L’obsédé du
tiroir-caisse |
Contrôlant ou exigeant | Rentabilité, intérêt, économie, rapport qualité / Prix. | Logement à prix réduit (résidence principale ou d’investissement prioritairement). | Suffisant |
L’acheteur
impulsif |
Facilitant ou coopérant. | Plaisir, accomplissement, partage. | Logement agréable et sympathique (résidence principale). | Variable |
Source: Adaptation personnelle
La sensibilité concerne la motivation profonde des acheteurs et peut expliquer les raisons qui leur poussent à changer d’habitation. En poussant plus loin notre analyse, elle peut également révéler le type de logement voulu, ainsi que le prix que l’acheteur serait prêt à payer pour avoir le logement en question.
Après avoir interprété les différents signaux qui découlent du comportement adaptatif de l’agent immobilier, il convient maintenant d’en dégager les retombées au niveau de la pratique professionnelle.
2.4.1.2. Le cas particulier des clients atypiques :
Qui n’a jamais entendu le célèbre adage qui dit que l’exception confirme la règle ? Si la mise en place de stéréotype peut être difficile dans certaines circonstances, c’est qu’il existe dans la pratique professionnelle des clients atypiques, c’est-à-dire des clients qui sortent de l’ordinaire dans la recherche de logements et dont l’interprétation des signaux verbaux et non verbaux nécessite une attention particulière. Dans ce cas, la typologie du client, le style social, la sensibilité et le type de logement recherché ne correspondent pas forcément entre eux. Par exemple, il peut arriver qu’un jeune client qui vit seul puisse rechercher une grande maison atypique avec une vue sur la mer et disposer du budget nécessaire pour l’achat de ce type de maison. Ici, il est difficile de savoir si ce client recherche le confort ou l’orgueil, et encore moins de savoir quels sont les éléments qui pourraient toucher sa sensibilité.
Il faut noter que les clients atypiques sont pour la plupart des clients branchés et guidés par la passion du bien et du beau, leur besoin n’étant non par forcément les types de besoins SONCAS mais plutôt un besoin de libre cours à l’imagination et à l’expression de la personnalité. Ce type de client nécessite donc une prise en charge unique et spécifique qui varie en fonction de chaque agence immobilière : il s’agit de procéder à un examen attentif de leur caractéristique. Cela permet de renforcer les compétences des agents immobiliers en ce sens que le traitement au cas par cas des clients atypiques permet de booster le concept de vente adaptative. De plus, d’un point de vue de la catégorisation sociale, ces clients atypiques ne rentrent dans aucune catégorie préétablie : les signaux qu’ils envoient, verbaux ou non-verbaux, ne sont pas congruents entre eux. Les différents éléments ne s’apparient pas. Alors comment l’agent immobilier s’y prend-t-il pour cerner cette clientèle ? De quelle caractéristique tiendra-t-il compte ?
Connaissant donc le déroulement de la prise en charge des acheteurs potentiels en agence immobilière, comment pourrions-nous relater les effets de la vente adaptative fondée sur la catégorisation de la clientèle ?
2.4.1.3. Les retombées de la psychologie fondée sur la vente adaptative :
Il faut noter que la catégorisation de la clientèle en fonction de leur besoin et de leur style social permet de mieux répondre aux attentes des différents acheteurs. Il s’agit donc d’une vente adaptative ou d’une vente intelligente qui consiste à adapter les comportements verbaux, non verbaux et proactifs aux besoins de la clientèle. La communication interpersonnelle entre l’agent immobilier et l’acquéreur y joue un rôle primordial dans la mesure où l’écoute active et l’empathie permettent d’avoir une présentation des ventes façonnée à chaque client. Ainsi, grâce à la vente adaptative, les agents immobiliers peuvent personnaliser les discours commerciaux pour s’adapter à chaque typologie d’acheteur : certains ont besoin de données concrètes et chiffrées, tandis que d’autres demandent plus de détails sur la sécurité et le confort ; certains ont besoin d’établir un contact direct quand d’autres ont besoin de proposition concrète et de temps pour pouvoir prendre leur décision. La mise en place de stéréotype qui en découle est donc constructive et professionnelle et permet :
- de maintenir une relation de confiance pérenne, qui, en elle-même constitue un avantage compétitif.
- d’abandonner des modèles mentaux routiniers et moindre monotonie[31].
- d’avoir une meilleure performance et meilleure orientation client via la catégorisation des clients et la détection des signaux[32].
- d’adapter le processus de vente au style de communication de l’acheteur[33].
Tout ceci pour dire que la catégorisation de la clientèle ne produit pas forcément des biais et peut être favorable aux personnes stéréotypées. Nous nous accordons à dire, que la catégorisation sociale, lorsqu’elle ne produit pas des comportements et des intentions discriminatoires, améliore la pratique professionnelle des agents immobiliers, tout en satisfaisant davantage les attentes de la clientèle.
Mais la réalité est bien tout autre en ce sens que les agents immobiliers, comme tous les professionnels, sont acteurs d’un mécanisme discriminatoire le plus souvent indirect. Comment se manifeste alors ce mécanisme dans les agences immobilières ?
2.4.2. L’enjeu négatif : l’apparition de mécanismes discriminatoires
« Le logement est devenu une vraie machine à exclure et à produire des inégalités », c’est ce
qu’a déclaré Christophe Robert, Directeur Général Adjoint de la fondation Abbé Pierre, dans le dix-septième rapport annuel de la fondation, publié le 1er février 2012[34]. En effet nous ne sommes pas tous égaux pour l’accès aux logements. Les mécanismes discriminatoires peuvent nous amener à des inégalités que nous allons voir à présent.
2.4.2.1. Les différents types de mécanismes discriminatoires[35] :
Il faut rappeler que la discrimination est une « rupture de l’égalité pour un motif prohibé, une différence de traitement défavorable, illégitime parce que fondé sur un critère illicite»[36]. Bien que la lutte contre la discrimination soit toujours de rigueur au sein de la législation nationale et des directives européennes, plusieurs formes de discriminations directes et indirectes persistent encore de nos jours, notamment au niveau de l’accès au logement. Cette discrimination n’est pas seulement basée sur des critères économiques mais également sur d’autres critères illégaux tels que la race ou la religion. Ce mécanisme n’est pas forcément intentionnellement commis par l’agent immobilier mais en tout cas il peut jouer plusieurs rôles dans ce processus : il est parfois l’initiateur, parfois un simple rouage du processus, et parfois même un modérateur dans le secteur spécifique du logement[37]. Dans toutes les circonstances, il en est un acteur.
Pour notre part, il s’agit de mettre en avant les différents mécanismes discriminatoires mis en œuvre volontairement ou involontairement par les agents immobiliers :
- La discrimination liée à la différence saillante :
La première forme de discrimination consiste à écarter ou à exclure les personnes ayant une différence saillante ou visible par rapport à une communauté. Ainsi, l’autre est perçu comme étant une personne étrange de telle sorte que l’agent immobilier perde ses repères et ses codes habituels de la communication avec l’acheteur potentiel. Les victimes sont souvent :
- Les personnes de couleur, notamment les noirs (considérés comme des voyous et ayant une famille nombreuse).
- Les personnes handicapées (considérés comme inaptes à entretenir un logement).
- Les personnes âgées (considérés comme difficiles à expulser).
- Les jeunes de moins de 30 ans (considérés comme facteurs de dégradations et de nuisances sonores).
- La discrimination liée à la position sociale :
Dans ce cas, l’agent immobilier discrimine les personnes selon leur place dans la société. Lorsque l’agent immobilier se trouve en face d’une personne de statut inférieur, il aura tendance à agir avec lui dans un rapport de statut actif/passif. Ce processus d’agentisation de la personne discriminée concerne souvent les personnes immigrées. Les personnes discriminées sont souvent :
- Les femmes monoparentales ou victimes de violences conjugales (considérés comme inaptes à entretenir un logement).
- Les personnes immigrées et les Roms (considérés comme ayant trop d’enfants et un faible revenu).
- La discrimination liée à l’appartenance communautaire :
La discrimination liée à l’appartenance communautaire par l’agent immobilier consiste à traiter l’acheteur comme étranger et étant affilié à un groupe différent du sien. Ce n’est plus son projet personnel ni son individualité qui est prise en considération mais tout simplement son appartenance à une communauté étrangère avec tous les préjugés et les stéréotypes qui y sont associés. Dans la plupart des cas, cette forme de discrimination s’apparente à du racisme et ce sont surtout les arabes et les africains qui en sont victimes. Les personnes discriminées représentent donc :
- Les personnes d’origine ethnique différente
- Les personnes de religion différente (fait surtout référence aux musulmans et aux arabes).
La mise en place de ces stéréotypes et de ces préjugés reste encore très ancrée dans la société actuelle et non seulement dans le domaine de l’accès au logement. Mais comment se manifeste donc les comportements discriminatoires des agents immobiliers à l’égard de cette partie de la population ? Quels sont les signaux qu’ils prennent en considération pour catégoriser cette partie de la population ?
2.4.2.2. Les comportements des agents immobiliers liés aux mécanismes discriminatoires[38] :
A la découverte des signaux verbaux et non verbaux qui déterminent l’appartenance sociale, l’origine, l’âge, la situation matrimoniale, la couleur de peau et l’origine ethnique des candidats à l’achat de logements, les agents immobiliers adoptent des comportements discriminatoires à l’endroit des personnes à risque. Ces comportements discriminatoires ne sont pas toujours adoptés de manière conscience, tant il existe de catégories mentalement préétablies. Mais qu’elle soit volontaire ou inconsciente, la discrimination porte atteinte à l’égalité d’accès au logement entre les acheteurs potentiels. Le tableau suivant met en relief les actes et attitudes qu’ils ont envers les personnes discriminées :
Tableau 5: Les mécanismes discriminatoires des agents immobiliers
Les types de personnes en demande de logement | Les signaux verbaux et non verbaux | Les comportements des agents immobiliers |
Les personnes saillantes | – L’accent
– Le registre de langue – L’apparence physique – Le nom de famille – L’âge |
– Déroutinisation dans les pratiques de vente
– Perte des marques de politesse et de bienséance. – Perte du fil du discours. – Refus formel de vente de logement. – Refus de vente masqué par des prétextes divers tels que la reprise par le propriétaire ou la mise en place de travaux. – Refus de vente fondé sur des motifs hasardeux tels que le surnombre d’enfants dans le quartier. – Octroi de logement de mauvaise qualité. – Demande dissuasive de pièces justificatives non obligatoires. – Diligence d’enquêtes sociales intrusives. |
Les personnes à position sociale inférieure | – Le revenu
– L’apparence physique – L’accent – La profession – La situation matrimoniale – Le nombre d’enfant |
|
Les personnes à appartenance sociale différente | – Le code vestimentaire
– La religion – Le nom de famille
|
Source: Conseil National de l’Habitat, (2005), « Discriminations dans l’accès au logement », Rapport du groupe de travail, pp.32-35.
En dehors des mécanismes inconscients, les comportements discriminatoires des agents immobiliers ne relèvent pas généralement de leur propre volonté. Certains ne font qu’exécuter strictement les consignes données par les bailleurs qui les mandatent, bien qu’elles soient parfois illégales et illégitimes. Mais il existe également des cas où ils agissent de leur propre chef ou font du zèle en durcissant les consignes données à demi-mots par des propriétaires qui n’explicitent pas forcément leurs instructions. Lorsque les agents immobiliers ne souhaitent en aucun perdre leur client, ils deviennent logiquement acteurs des pratiques discriminatoires, le mandat protégeant les différents protagonistes. Heureusement cette pratique n’est pas pour autant généralisée et certaines agences refusent encore de s’y soumettre. Mais parfois la discrimination est aussi réalisée de façon inconsciente38.
Telles sont donc les manifestations des mécanismes discriminatoires qui peuvent exister au sein des agences immobilières. Quels pourraient en être les effets sur la pratique de ces intermédiaires professionnels ?
2.4.2.3. Les effets constatés[39]:
Du côté des acheteurs potentiels, la discrimination liée à l’accès au logement conduit à un sentiment d’exclusion, de rejet social et de dévalorisation qui peuvent entraîner une réduction de la fréquentation des agences immobilières. Les candidats à l’achat de logement ne sont pas forcément conscients que les agents immobiliers agissent également dans l’intérêt du propriétaire. Il s’ensuit alors une détérioration de leur image, à laquelle s’ajoutent une baisse de performance et une moindre efficacité en raison de :
- la perturbation du système de communication habituel ;
- la négligence des projets personnels du demandeur de logement ;
- la négligence de la situation particulière de la personne discriminée.
Du côté des agents immobiliers, la discrimination envers la clientèle permet de satisfaire les attentes des vendeurs qui ont une préférence pour certaines catégories d’acheteurs comme les natifs ou les personnes à revenu élevé. Elle permet également de simplifier la procédure de découverte client lorsque le processus de catégorisation ou de stéréotypie n’est pas réalisable. Par exemple, lorsque les agents immobiliers ont affaire à des clients atypiques, il est possible que certains d’entre eux, au lieu de réaliser une prise en charge spécifique du client, pourraient se limiter à quelques éléments saillants tels que le code vestimentaire ou encore la capacité financière, de façon à ignorer le reste des traits caractéristiques de l’acheteur. C’est le cas lorsque l’agent immobilier est confronté à un client de couleur très bien vêtue avec des accessoires de marques, et qu’il se focalise principalement sur l’appartenance communautaire du client pour traiter sa demande de logements.
En définitive, l’application de mécanismes discriminatoires, bien qu’elle soit faite pour l’intérêt du propriétaire, contrairement à la vente adaptative, est loin de favoriser la pratique professionnelle des agents immobiliers.
Toujours est-il que la catégorisation de la clientèle via la détection des signaux verbaux et non verbaux par l’agent immobilier peut comporter des avantages et des inconvénients. Quelle problématique conviendrait-il donc de tirer de ces différentes approches théoriques ?
CHAPITRE II : EMERGENCE DE LA PROBLEMATIQUE
La connaissance du sujet dans son intégralité permet de poser le véritable problème de la recherche, celle-ci étant basée sur la psychologie sociale, et plus précisément sur la perception qu’ont les agents immobiliers vis-à-vis des acquéreurs. Dans ce chapitre, il convient donc de développer en premier la problématique principale et de formuler en second lieu les hypothèses de recherche.
1. Développement de la problématique :
L’étude du langage verbal et non verbal semble être un outil indispensable à la réussite du métier d’agent immobilier et tout particulièrement à la pérennité des relations sociales qui existent entre l’agent et l’acheteur. La capacité à « cerner » et « décrypter » les acheteurs joue un grand rôle dans l’appréhension de leurs goûts, de leurs besoins et de leurs motivations en ce qui concerne l’achat de logement de façon à établir une relation de confiance. Mais comme l’agent immobilier est en contact avec une diversité d’acheteurs de par leur culture, leur milieu social, leur appartenance, leur expérience et leur personnalité, il doit être appliqué et méthodique dans sa démarche. Autrement dit, face à l’hétérogénéité de la clientèle, l’agent immobilier doit organiser ses connaissances de manière à s’adapter au comportement et à l’attitude de l’acheteur quelque soit sa typologie : il doit trouver un logement aux besoins et au budget de l’acheteur. Tel est donc l’intérêt du processus de catégorisation qui consiste à simplifier les informations et l’environnement tout en permettant une meilleure organisation des connaissances. En effet, à travers le processus de catégorisation des besoins et des styles sociaux des acheteurs, l’agent immobilier fabrique consciemment ou inconsciemment des stéréotypes qui évoluent à travers l’expérience. La formation de stéréotype va donc influencer la perception que les agents immobiliers ont de leur clientèle.
Au regard de cette affirmation, les questions qui se posent sont les suivantes :
- Comment l’agent immobilier procède-t-il réellement pour cerner dans les temps les besoins spécifiques de sa clientèle?
- Quelles sont les stratégies spécifiques qu’il met en place pour avoir une idée des goûts des acheteurs?
- Le processus de catégorisation sera-t-il actif concernant les clients atypiques ?
Ces questions se résument en une seule et unique problématique qui est la suivante : Quel est l’impact de la catégorisation de la clientèle dans le processus de vente chez les agents immobiliers ?
La capacité d’adaptation de l’agent immobilier à travers le processus de catégorisation de l’environnement lui permet d’avoir un avantage compétitif et de maintenir une relation de confiance durable. Plus précisément, les agents immobiliers qui pratiquent la vente adaptative ont une meilleure performance d’ensemble par rapport aux professionnels qui ne pratiquent pas ce style de vente. C’est pourquoi il est nécessaire d’appliquer des stéréotypes sur les acheteurs, de conduire différemment chaque rendez-vous et de travailler de façon plus satisfaisante avec chaque client. Mais l’usage des stéréotypes n’est pas applicable dans le cas des personnes atypiques et peut également conduire à l’adoption de comportements discriminatoires.
La réponse à cette problématique sera dégagée à travers les études empiriques mais avant d’y parvenir, il convient de formuler de manière concrète les différentes hypothèses de recherche qui seront vérifiées au fur et à mesure de l’avancée des travaux.
2. Formulation des hypothèses de recherche :
Après avoir posé la problématique, nous allons énoncer les pistes de recherches qui serviront à façonner les outils d’investigation et qui seront confirmées ou infirmées aux termes de nos recherches empiriques :
- Hypothèse 1 : Les formations et les expériences de l’agent immobilier permettent la construction de catégories, c’est-à-dire de répertoires de références stéréotypiques.
Au cours de son exercice professionnel, l’agent immobilier a fait face à une diversité d’acheteurs. Son expérience lui permet de connaître les comportements de chaque type d’acheteurs. Et bien entendu, qui dit « type » dit « catégorisation » dans la mesure où l’agent immobilier catégorise les différents acheteurs en fonction de leur habillement, de leur métier, de leur situation matrimoniale, de leur nombre d’enfants, de leur lieu de résidence et surtout de leur besoin et de leur style social. En effet, la récurrence de certains types de clients tels que les fonctionnaires, les acheteurs de la classe moyenne, les personnes aisées ont permis leur association à des traits spécifiques. Ce processus de catégorisation entraîne directement la formation de stéréotypes qui sont des raccourcis cognitifs rassemblant des caractéristiques communes à un groupe d’acheteurs. Nous pouvons donc supposer que les formations et les expériences de l’agent immobilier lui permettent de disposer d’un large registre de stéréotypes au regard des acheteurs.
- Hypothèse 2 : L’usage des catégories est utile à l’action commerciale de l’agent car il permet de cerner rapidement les demandes des clients typiques.
Sachant que les stéréotypes sont une version simplifiée du monde susceptible de satisfaire notre besoin de voir les choses comme plus faciles à comprendre, elles permettent donc de connaître plus rapidement et plus efficacement les attentes de la clientèle. La formation de stéréotype est un élément essentiel de la vente adaptative, c’est-à-dire une vente au cours de laquelle l’agent immobilier est capable de s’adapter aux comportements, aux attitudes et à la personnalité de l’acheteur, de façon à satisfaire ses besoins en termes de logement ou d’habitation, et ce par le biais de l’écoute active et de l’empathie. Il existe donc bien une relation entre l’usage des stéréotypes et la satisfaction des acheteurs. Comme quoi, nous pouvons également supposer que le processus psychologique qui entraîne la formation de stéréotypes aide l’agent immobilier à mieux cerner les demandes des clients.
La confirmation de ces hypothèses de recherches permet de réaliser l’objectif suivant : voir comment l’agent immobilier procède lorsqu’il est confronté à un client atypique.
L’usage de stéréotypes par les agents immobiliers permet difficilement de cerner les demandes des clients atypiques. Les clients atypiques sont des clients qui sortent de l’ordinaire et donc de la typologie d’acheteurs habituels. Il s’ensuit que le processus psychologique de catégorisation qui découle de l’expérience de l’agent immobilier ne serait pas forcément approprié. Les agents immobiliers pourraient soit procéder à un examen attentif des caractéristiques des clients atypiques, soit procéder à une catégorisation se limitant aux traits saillants des clients concernés.
Ces différentes hypothèses étant puisées d’une part des lectures d’ouvrages et d’autre part des expériences vécues par certaines connaissances dans le milieu de l’immobilier, il apparaît opportun de les tester dans le cadre de nos recherche sur terrain.
CHAPITRE III : ANALYSES EMPIRIQUES
Afin de pouvoir répondre à notre problématique et confirmer nos hypothèses de recherche, il convient de procéder à des analyses empiriques qui consistent en des enquêtes exploratoires sur le terrain. Il s’agit d’enquêter auprès des agents immobiliers pour comprendre comment ils catégorisent leur clientèle, sachant que notre objectif consiste à prendre conscience des enjeux et des impacts de la catégorisation sociale. Ainsi, il convient dans ce chapitre d’aborder respectivement dans ce chapitre : la méthodologie de recherche, le recueil des données, dans l’analyse et les interprétations, la discussion et enfin les enseignements tirés de la recherche.
1. La méthodologie de recherche :
Avant d’établir les analyses, il y a lieu de mettre en avant la méthodologie de recherche qui a permis de mener à bien notre travail de recherche empirique. Dans cette optique, nous allons déterminer le choix du mode d’investigation et des méthodes de collecte et de traitement des données. En ce sens, nous allons détailler respectivement la méthodologie d’approche et les techniques d’investigation.
1.1. La méthodologie d’approche :
Ma méthodologie se base sur une approche qualitative dans la mesure où il s’agit de comprendre comment les agents immobiliers catégorisent leur clientèle. Il y aura lieu de prendre conscience de l’ampleur du phénomène de catégorisation sociale qui puisse exister dans le secteur de l’immobilier. Ce phénomène de catégorisation est utile à l’action commerciale de l’agent immobilier car il permet de cerner rapidement les demandes de clients typiques. En effet, sa formation et ses expériences lui ont permis la construction de catégories mais qu’en est-il avec les clients atypiques qui ne rentrent pas dans les catégories construite par celui-ci ? Ainsi, nos entretiens nous permettront d’interpréter et apprécier tout au long de notre analyse cela, à travers l’analyse du langage, le langage étant un moyen inévitable pour interagir avec autrui et pour se faire une perception d’autrui. Il s’agit en effet d’analyser le discours des sujets afin de comprendre comment perçoivent-ils les clients et comment comptent-ils satisfaire leurs besoins. Ce type d’analyse trouve sa spécificité dans la détection des mécanismes insidieux permettant d’aller au-delà du contenu pour repérer les intentions du sujet. A travers la détection de ces mécanismes, nous pouvons connaître le processus de catégorisation entamé par les agents immobiliers.
Cette approche qualitative se basera sur une étude clinique, c’est-à-dire sur une étude de l’activité d’un sujet dans un agir professionnel, d’autant plus que nous avons fait en sorte que la situation étudiée corresponde à une situation professionnelle concrète et réelle.
D’après Florence GIUST-DESPRAIRIES (2003), « C’est à partir d’une écoute, en vue d’une appropriation par le sujet du sens latent, que la clinique, débordant son acception médicale restrictive, est devenue une perspective des sciences humaines. Ce processus d’appropriation au fondement de l’approche clinique procède de la co-construction du sens qui se reprend dans les ajustements entre explications et associations du ou des sujet(s) et écoute et proposition interprétatives du clinicien »[40]. Nous allons donc co-construire avec le sujet interviewé une compréhension des éléments fournies par rapport aux différentes situations professionnelles. Cette méthode se justifie par la volonté d’appréhender la perception que les agents immobiliers ont de leur clientèle à travers leur expérience et leur ressenti. Pour ce faire, nous allons directement entrer en contact avec des agents immobiliers qui puissent donner leur opinion sur divers scénarios impliquant des catégories de clientèles différentes et donc des besoins différents.
Connaissant la méthodologie d’approche retenue dans le cadre de notre recherche empirique, il convient désormais de mettre en lumière les techniques d’investigation et les outils utilisés pour entrer en contact direct avec les sujets concernés et pour simplifier les différentes situations professionnelles auxquelles ils pourraient avoir affaire.
1.2. Les outils utilisés :
De nombreux outils ont été utilisés dans le but d’analyser le discours des professionnels interviewés qui nous intéressent. En effet, il y a lieu d’aborder respectivement la création de mini-vidéos, la mise en place d’entretiens directifs et enfin la mise en place d’entretiens semi-directifs.
- La création de mini-vidéos :
Afin de simplifier les différentes situations professionnelles auxquelles les sujets concernés pourraient avoir affaire dans l’exercice de leur activité, nous avons choisi de créer des mini-vidéos concernant des cas de découverte client lors d’un processus de vente de maisons dans une agence immobilière. A travers ces mini-vidéos qui durent entre 1 à 2 minutes, les agents immobiliers vont observer plusieurs situations durant lesquelles des acquéreurs vont rentrer dans une agence immobilière et réaliser une demande auprès d’un agent immobilier. Ainsi, cet outil permet d’avoir à notre disposition une diversité de clientèle. Pour notre part, il y a eu lieu de mettre en place trois scénarios :
- Le premier scénario relate le cas d’un couple de retraité qui cherche sereinement à s’installer dans un plain pied près de la Rochelle.
- Le deuxième scénario relate le cas d’un jeune client disposant d’un budget important et recherchant une très grande maison à proximité de la mer et des commerces.
- Le troisième scénario relate le cas d’un jeune couple avec un enfant en bas âge dans une maison avec petit jardin.
Ces scénarios seront visualisés sous forme de mini-vidéos qui seront présentés aux agents immobiliers pour qu’ils puissent faire part de leur opinion, de leur perception et de leur suggestion par rapport aux demandes des clients, et ce d’une façon spontanée. Autrement dit, il s’agira de détecter à travers les mini-vidéos les premières impressions des agents immobiliers. Ces première impressions serviront à catégoriser la clientèle d’une façon immédiate et sans prise de recul. Comme quoi la situation qui en découle sera similaire à un cas de découverte client réel, telle qu’un agent immobilier pourrait rencontrer dans la vie quotidienne.
- L’entretien directif :
Après avoir montré la vidéo aux agents immobiliers, nous avons effectué un entretien directif auprès de chacun d’eux afin de connaître ce que ces derniers ont retenu par rapport à ceux qu’ils ont vu. En effet, un entretien directif est une technique de recueil d’informations qui consiste à vérifier des faits ou à relever des opinions via une entrevue en face-à-face qui se caractérise par une déclinaison des questions les unes après les autres sans possibilités de relance, ni de développement[41]. Il s’agit de poser aux sujets concernés des questions directives qui ont traits aux caractéristiques physiques et comportementales des clients présents dans la vidéo.
- L’entretien semi-directif :
En ce qui concerne l’entretien semi-directif, il va permettre dans un premier temps de connaître la proposition commerciale que l’agent immobilier ferait aux divers types de clients en fonction des scénarios mis en place. La proposition commerciale concerne le type de maison à présenter conformément aux attendes et aux demandes du client en question. Ensuite, dans un deuxième temps, nous poserons des questions concernant les facultés qu’on les agents immobilier à cerner leur clientèle. Enfin, ce qui différencie l’entretien directif de l’entretien semi-directif est qu’il permet de laisser aux personnes interviewées une certaine marge de liberté dans leurs propos et dans leur justification. Le chercheur, de son côté, a la possibilité de demander des éclaircissements à travers des questions de relances[42]. A propos, selon Raymond QUIVY (1995), « La souplesse et la faible directivité du dispositif permettent de récolter les témoignages et les interprétations des interlocuteurs en respectant leurs propres cadres de références : leur langage et leurs catégories mentales »[43].
Dans cette optique, nous avons la possibilité de confronter les hypothèses de recherche avec les récits singuliers des personnes interrogées. Après avoir énoncé la méthodologie qui prévaut dans notre travail de recherche, il s’agit maintenant de faire part des éléments qui ont permis le recueil des informations.
2. Le recueil des données :
Sachant que les techniques d’investigation sont les entretiens directifs et semi-directifs, nous allons relater les critères de choix qui ont permis de mettre en œuvre les enquêtes exploratoires. Ainsi, il y a lieu de présenter la population étudiée, les guides d’entretien, le déroulement des entretiens et les limites du dispositif d’investigation.
2.1. Présentation de la population étudiée :
Les sujets concernés par nos entretiens directifs et semi-directifs sont les agents immobiliers. Nous avons donc choisi de mener une enquête exploratoire auprès de 20 agents immobiliers de Charente-Maritime provenant du réseau immobilier IAD (immobilier à domicile). Le choix de la population s’est fait grâce au réseau construit dans le milieu de l’immobilier. En effet, le tableau met en lumière les différentes informations concernant les agents interviewés :
Tableau 6: Informations sur les acteurs interviewés
Acteur | Genre | Expériences en IAD | Expériences antérieures |
Acteur 1 | Femme | 4 ans | 20 ans d’expériences dont les débuts à Century 21 |
Acteur 2 | Femme | 1 an | |
Acteur 3 | Homme | 10 ans | 4 ans d’expérience dans la Direction d’hôtellerie |
Acteur 4 | Homme | 2 ans | 20 ans dans la vente |
Acteur 5 | Homme | 1 an | 20 ans d’expérience dans l’immobilier |
Acteur 6 | Femme | 2 ans | Vendeuse en boutique |
Acteur 7 | Homme | 10 mois | 4 ans en agence immobilière |
Acteur 8 | Femme | 3 ans | |
Acteur 9 | Femme | 2 ans | 29 ans chez Guy Hoquet |
Acteur 10 | Femme | 1 an | 15 ans dans une agence immobilière |
Acteur 11 | Femme | 1 an | 8 ans dans une agence d’événementiels |
Acteur 12 | Homme | 9 mois | 5 ans chez Rex rotary (Grands comptes) et 5 ans dans l’immobilier dans 3 agences différentes. |
Acteur 13 | Femme | 9 mois | Responsable de syndic de copropriété. |
Acteur 14 | Femme | 1 an | 20 ans dans le commerce |
Acteur 15 | |||
Acteur 16 | Femme | 8 mois | 2 ans dans le milieu bancaire |
Acteur 17 | Homme | 3,5 ans | Direction Régionale Electronique |
Acteur 18 | Femme | 6 ans | 15 ans dans le commerce |
Acteur 19 | Homme | 8 mois | 10 ans dans la gestion d’une agence immobilière |
Acteur 20 | Femme | 6 ans | Plusieurs années dans la parfumerie |
Source: Adaptation personnelle
Les acteurs en question ont été sélectionnés en fonction de leur disponibilité, de leur volonté, et de leur intérêt pour le sujet de recherche.
Tel sont donc les éléments qui caractérisent le choix de la population étudiée tout au long de notre analyse. S’il en est ainsi, qu’en est-il des guides d’entretien qui leur a été fourni ?
2.2. Présentation des guides d’entretien :
Sachant qu’il existe deux types d’entretiens à passer auprès des agents immobiliers, nous allons présenter d’une part le guide d’entretien directif et de l’autre le guide d’entretien semi-directif.
2.2.1. Le guide d’entretien directif (Cf. Annexe 1):
Comme il a été énoncé précédemment, le guide d’entretien directif sert à connaître ce que les agents immobiliers ont retenu de la présentation vidéo ou plutôt ce qui a frappé leur attention pour pouvoir entamer le processus de catégorisation. Le guide d’entretien définissant la consigne de départ et explicitant les thèmes abordés lors de l’entretien, il y lieu de noter que les questions qui composent le guide sont catégorisées suivant les thématiques ci-après :
- Description des acquéreurs ;
- Description de leur besoin ;
- Elément pris en compte par l’agent immobilier à l’égard des acquéreurs.
Les premières questions posées aux agents immobiliers sont au nombre de 11 et sont construites de manière directive en ce sens qu’il s’agit de questions de rappel qui puissent en même temps révéler l’importance que les agents immobiliers accordent à certains détails.
Connaissant le contenus de guide d’entretien directif, qu’en est-il du contenu du guide d’entretien semi-directif ?
2.2.2. Le guide d’entretien semi-directif (Cf. Annexe 1):
L’objectif du guide d’entretien semi-directif est de connaître la proposition commerciale que les agents immobiliers auraient effectuée vis-à-vis des acquéreurs en fonction de leur motivation et de leur besoin, tel qu’il l’aurait été dans la situation réelle. Par rapport à ce qu’ils ont retenu des différents scénarios, les agents immobiliers sont censés donner leur opinion en ce qui concerne les stratégies et la proposition commerciales par les agents immobiliers envers les acquéreurs. De plus, nous allons les laisser s’exprimer sur leur faculté à cerner rapidement la clientèle.
Le guide d’entretien semi-directif constitue donc l’élément crucial de notre recherche d’autant plus qu’il permette d’analyser le processus de catégorisation. Mais comment se sont déroulé les différents entretiens menés auprès des agents immobiliers ?
2.3. Déroulement des entretiens :
Avant la réalisation des entretiens, nous nous sommes convenus d’un rendez-vous avec chacune des personnes interviewées selon leur disponibilité afin d’éviter tout sensation de panique et d’angoisse susceptible de nuire au bon déroulement de l’entretien. Il est d’une importance capitale que les sujets concernés répondent aux questions de manière détendue et spontanée.
Chaque entretien a débuté par une présentation de soi puis une explication sur le déroulement de celui-ci. En effet, l’entretien commencera avec la visualisation des trois petites vidéos et ensuite nous procéderons par un entretien directif et semi-directif avec un certain nombre de questions. L’entretien se déroulera sur une durée de 30 minutes plus ou moins selon le débit de paroles des agents immobiliers interviewés. De plus, il y a parfois eu lieu de poser des questions de relance en vue de demandes d’éclaircissements quant aux informations fournies. Les entretiens ont été effectués à un endroit de notre convenance.
Par ailleurs, les propos des sujets interrogés ont été enregistrés avant d’être retranscrits par écrit sur ordinateur.
Bien que les entretiens puissent se dérouler dans des conditions appropriées, il existe des limites inhérentes aux outils utilisés dans le cadre de notre recherche. Nous allons achever le recueil des données par l’énonciation des limites des entretiens.
2.4. Les limites des entretiens :
Il y a lieu de noter que les entretiens effectués comportent bien des limites. Par exemple, l’échantillon pris en considération n’est pas forcément représentatif de la population concernée, c’est-à-dire de l’ensemble des agents immobiliers d’un point de vue général. En outre, ces entretiens ont un caractère plus ou moins subjectif en ce sens que la plupart des questions se basent sur des opinions personnelles et sur des ressentis. Hormis cela, le temps qui nous a été imparti n’a pas permis de réaliser plus d’entretiens comme nous aurions pu le souhaiter, limitant ainsi notre échantillon au nombre de vingt-cinq professionnels du secteur immobilier. Mais en dépit ces limites, nous estimons que la qualité de notre travail de recherche n’en a pas été affecté que nous avons eu assez d’informations à notre disposition pour comprendre le processus psychologique de catégorisation de la clientèle par les agents immobiliers.
Telles sont donc les conditions dans lesquelles se sont déroulés les entretiens et les limites qui s’y rapportent. Après avoir explicité les informations nécessaires au recueil des données, il convient maintenant d’aborder le processus de traitement des données.
3. Le traitement des données :
Après la compilation des propos des différents agents immobiliers que nous avons interviewés lors de l’investigation sur le terrain d’enquête, nous avons procédé au traitement des données. Le traitement de ces données sera effectué par catégorisation d’idées. Pour plus de précisions, nous avons établi une analyse textuelle de façon à découper les citations des sujets en différentes unités de sens. Comme le stipule Roger MUCCHIELLI (1984), « Analyser le contenu (d’un document ou d’une communication) c’est, par des méthodes sûres dont nous aurons à faire l’inventaire, rechercher les informations qui s’y trouvent, dégager le sens ou les sens de ce qui est présenté, formuler et classer tout ce que contient ce document ou cette communication »[44]. C’est donc selon cette méthode de traitement de données que nous allons catégoriser les propos des différents interviewés. En effet, après la retranscription de l’intégralité des entretiens effectués auprès des agents immobiliers, nous les avons classifiés en fonction de leur champ sémantique de telle sorte que nous puissions comprendre la perception que les agents immobiliers ont de leur clientèle d’une part et l’influence de cette perception sur les propositions commerciales de l’autre. Ainsi, notre grille d’analyse des entretiens se divise en 05 parties bien distinctes, à savoir :
- la description des clients (catégorie 1) ;
- la description de leurs besoins (catégorie 2) ;
- les éléments marquants au niveau de chaque demande (catégorie 3) ;
- les stratégies et propositions commerciales (catégorie 4) ;
- la faculté à cerner la clientèle (catégorie 5).
Ces différentes catégories contiennent les sous-catégories suivantes :
Tableau 7: Grille d’analyse textuelle
Description des clients | Description des besoins | Eléments marquants | Stratégies et propositions commerciales | Faculté à cerner la clientèle |
Identification : couple/jeune/retraité | Type maison : maison contemporaine/plain pied/garage/piscine/chambres/terrain | Attention : cohérence/méfiance/curiosité/défi/risque/ | Démarche : questions/fiche/portefeuille/ sélection/financement/visites/ discussions/vrais rendez-vous/ | Existence de faculté : fibre commerciale/expérience/bonnes questions |
Age : vingtaine/trentaine/soixantaine | Localisation : Rochelle/centre-ville/à proximité des commerces/bord de mer | Elément marquant : hurluberlu/débrouillard/branleur/langage/budget/jeune âge. | Stratégie : affectif/ professionnel/convivial/rassurer/conseils/écoute/empathie/transparence | Absence de faculté : surprises/menteurs/longue étude |
Attitude : sûr/détendue/sympa/ | Délai : rapidement/en attente/ tout de suite | Type de bien présenté : maison moderne/faubourg/maison en construction/maison toit-terrasse. | ||
Vêtement : T-shirt/jean/veste en cuir/fourrure | ||||
Budget : 180 000 euros/360 000 euros/700 000 euros | ||||
Expérience : 5ème maison/primo accédant |
Source: Adaptation personnelle
Il faut noter que ces données textuelles ont été catégorisées en fonction de l’objectif de l’étude et de la présentation du guide d’entretien. Pour être plus précis, nous avons prise en considération les différentes thématiques des questionnaires. Il s’agit dans le paragraphe qui suit de faire une analyse du contenu de ces différentes catégories d’idées.
4. L’analyse de contenu:
Dans cette analyse de contenus, il s’agit d’étudier et d’interpréter les propos des 20 agents immobiliers qui ont été interviewés après qu’ils aient visionné les scénarios montrant quelques candidats faisant leur demande auprès de l’agence immobilière. Pour ce faire, nous allons aborder, conformément à la méthode de traitement des données, 5 grands thèmes dont la description des clients et de leurs besoins, l’intérêt des agents immobiliers par rapport aux demandes, le processus de prise en charge de la clientèle des acheteurs, les stratégies et propositions commerciales, ainsi que la faculté à cerner les demandes de la clientèle.
- Description des clients potentiels et de leurs besoins :
Sachant que les vidéos en question concernent différents cas de figure susceptibles de se présenter en agence immobilière, nous pouvons affirmer que les candidats ont des besoins différents et des attitudes qui leur sont propres. Ainsi, il s’agit de résumer dans le tableau suivant les éléments que les agents immobiliers ont retenu par rapport à la description de la clientèle et de leur besoin.
Tableau 8 : Profil et besoins des candidats
Candidat 1 | Candidat 2 | Candidat 3 | |
Profil des candidats | |||
Identification | Couple de retraités | Jeune homme | Jeune couple avec 2 enfants |
Classe d’âge | 55-65 ans | 20-30 ans | 30-35 ans |
Attitude | Sérieuse, conviviale, affichant de l’assurance. | Détendue mais désinvolte | Sympathique |
Code vestimentaire | Elégant | Décontracté | Bien habillés |
Budget | Budget de 360 000 euros | Budget de 700 000 euros | Budget de 180 000 euros |
Expérience dans le domaine immobilier | Achat de la 5ème maison | Primo accédant | Primo accédant |
Description des besoins | |||
Type de maison | Maison contemporaine avec une chambre parentale au rez-de-chaussée ou plain pied. | Grande maison ultramoderne avec tout le confort nécessaire
|
Plain pied contemporain |
Nombre de chambres | 2 ou 3 chambres | 4 chambres | 3 chambres |
Superficie du terrain | 300 m2 | 1000 m2 | 150 m2 |
Spécificités | Peu de travaux et petit terrain | Piscine et grand garage | Jardin avec une balançoire |
Secteur géographique | A proximité des commerces | A proximité des commerces et de la mer | A 20 km de la Rochelle |
Source : Adaptation personnelle
La majorité des agents interviewés ont à première vue, une belle impression des premiers et des derniers candidats, notamment des deux couples concernés. En effet, le premier couple de retraités, avec leur attitude sérieuse, des vêtements corrects laissant penser à une catégorie socioprofessionnelle plutôt aisée, et un budget cohérent avec la demande reflètent l’image d’un couple tranquille qui voudraient passer leur fin de jours dans une maison moderne pas très loin du centre-ville. Par ailleurs, le couple de primo accédant, avec son allure sympathique et son budget adéquat met tout de suite à l’aise les agents immobiliers, bien que le financement de l’achat de la maison provienne en grande partie d’un emprunt bancaire autorisé. Ceci revient à dire que c’est la demande standard qui existe pour ce type de profil, d’autant plus que ce couple est souvent qualifié de « couple classique » (acteur 5,7) ou de « couple lambda » (acteur 4).
Le jeune de la vingtaine, avec son style plutôt décontracté (T-shirt et jean troué selon l’acteur 1) par contre, et son budget colossal qui étonne plus d’un, passe en général pour quelqu’un de complètement louche et peu crédible. D’ailleurs, il est perçu comme étant un « branleur » par la majorité des agents immobiliers, sans parler de son langage familier et de son attitude parfois désinvolte. Par exemple, lorsque nous demandons à l’acteur 16 de décrire le candidat n°2, il nous répond : « 22-25 ans un peu branleur sur les bords ». Pour d’autres, il s’agit d’un cas spécial qui suscite la curiosité.
En définitive, les premières impressions des agents immobiliers sont d’abord centrées sur l’âge qui révèle à peu près l’expérience en matière d’immobilier. Ensuite, il existe le budget auquel il faut étudier la cohérence avec la demande du client. Enfin, l’attitude et le code vestimentaire jouent des rôles mineurs dans la catégorisation de la clientèle. La plupart sont bien conscients que l’apparence peut être trompeuse. Par exemple, l’acteur 6 affirme que « Sur leur demande, parfois j’ai un feeling avec eux, parfois je peux me baser sur leur vêtement mais euh en faite ça ne veut rien dire mais parfois en fonction de l’allure des gens je vais plus les emmener vers un bien plus moderne ou ancien. Parfois, la tenue ne veut rien dire, il y a des gens habillés vieux qui veulent du moderne ». En outre, il y a lieu de noter que les agents ont tous prêté attention aux détails et aux demandes spécifiques des clients. Ce qui permettrait déjà d’affiner leur recherche et de cibler les types de maisons par rapport aux besoins de ces clients.
- Intérêt des agents immobiliers par rapport aux demandes :
L’étude de l’intérêt que les agents immobiliers éprouvent pour la demande de chacun des clients potentiels est puisée des faits ayant le plus attiré leur attention ou des faits qui les ont le plus marqués lors du visionnage des mini-vidéos. Il faut d’abord noter que les faits qui attirent le mieux l’attention sont ceux qui donnent aux agents immobiliers l’envie et la volonté de traiter avec le client potentiel. Tandis que les faits marquants sont ceux qui sont pour ces agents, des faits sortant de l’ordinaire et qui impressionnent aussi bien sur le plan positif que sur le plan négatif. Dans notre cas, il existe trois types d’agents immobiliers :
- Ceux qui sont attirés par les demandes qui correspondraient de près au portefeuille afin que l’affaire puisse être conclue plus rapidement et sans encombre. En effet, il s’agit des clients idéaux et des projets classiques qui paraissent viables et cohérents avec le budget fixé par les clients. Ainsi, l’attention de la grande majorité des acteurs s’est penchée sur les premiers candidats. Par exemple, l’acteur 4 s’est plus focalisé sur les premiers candidats en raison notamment de leur catégorie socioprofessionnelle, de leur expérience et de l’homogénéité sur les critères de recherche. A propos, il avance que : « Clairement cela me parait les clients les plus potentiellement intéressant sur les 3 personnes qui se sont avancées dans l’agence». L’acteur 6 d’affirmer que : « c’est vrai que le premier couple c’est celui à qui je proposerai le plus de bien, c’est ce qui rentre dans mes critères, c’est ce que j’ai le plus en portefeuilles et je pense que je pourrai plus proposer de bien au premier couple par rapport à mon secteur et mon budget ». A l’inverse, ils sont moins intéressés par les clients peu cohérents et peu crédibles. Par exemple, le second candidat reste évasif lorsque les agents l’interrogent sur ses activités et l’origine de son budget, ce qui peut mettre la puce à l’oreille. Comme le relate l’acteur 7 : « bah un jeune âge, un très gros budget, on ne sait pas trop ce qu’il fait, il est restait évasif, voilà c’est très atypique comme client on ne les croise pas à tous les coins de rue… ».
- Ceux qui sont plus attirés par les demandes atypiques parce qu’elles méritent d’être creusées un peu plus. Plus la demande sort de l’ordinaire, plus certains agents sont curieux. C’est le cas de l’acteur 10 qui se focalise sur le deuxième candidat et qui affirme que : « Je pense que c’est quelqu’un qu’on peut faire visiter plein de maisons rigolotes et intéressantes. C’est quelqu’un d’ouvert». Ce type d’agent a donc le sens du défi et s’ennuie lorsqu’il s’agit des cas les plus habituels. De même, l’acteur 11 révèle que le second candidat et un client peu commode et donc intéressant.
- Ceux qui préfèrent porter une égale attention à tous les candidats de façon à les traiter de la même manière, que ces derniers soient typiques ou atypiques, dans la mesure où ceux sont tous des clients potentiels. Comme le stipule l’acteur 14, « Les trois retiennent mon attention avec un potentiel et un projet établi». Ce type d’agent ne se fie donc ni à l’apparence ni à l’attitude des candidats.
Par contre, tous ont été unanimes quant au candidat qui a été le plus marquant. Il s’agit effectivement du deuxième candidat : « hurluberlu », « évasif », « fou », « débrouillard », « louche », « peu crédible », « financement fait de bidouille »…autant de mots que les acteurs interviewés ont employé pour qualifier l’attitude de ce jeune actif qui ne laisse personne indifférent. Il s’agit effectivement d’un cas particulier ou atypique d’autant plus que ce dernier ait non seulement un budget très impressionnant pout son âge, mais encore recherche-t-il dans l’urgence des biens qui ne sont pas prêts de se faire trouver. Aussi paradoxal que cela puisse paraître, le type de maison le plus difficile à trouver doit être identifié dans les plus brefs délais. D’autres, par contre, ont été surtout marqués par son langage plus ou moins vulgaire. Tel est le cas de l’acteur 4 qui énonce que : « ah le petit jeune oui quand il parlait des ces “turvois” comme il dit ça m’a un peu fait rire mais c’est celui qui m’as le plus marqué ». Ainsi, cette demande s’avère être la plus délicate en termes d’engagements et de possibilité de transformer l’essai au niveau d’une vente. Au vu de cette demande, les agents selon la catégorie citée plus haut, n’ont qu’une seule idée en tête : approfondir sur la question de financement avant de traiter la demande ou alors ne pas la considérer du tout. Par exemple, l’acteur 9, avance que : « Un élément qui m’a marqué, c’est l’autre avec sa piscine et ses 700 000 euros car je ne suis pas habitué. Je pense que je ne traiterai pas son dossier après c’est peut être une erreur… je ne sais pas si je passerai du temps à lui proposer des maisons mais s’il n’est pas plus précis dans son budget et autres, je ne suis pas sur de rester longtemps avec lui ». L’acteur 17, lui, se montre plus conciliant et affirme que : « Le deuxième éveille une alerte qu’autre chose, une envie de creuser ».
En général, les éléments marquants attirent l’attention. D’ailleurs ceux sont des termes relativement similaires. Mais dans notre cas, les éléments marquants ne sont pas toujours ceux qui attirent l’attention car certains acteurs préfèrent ne pas prendre de risques. Autrement dit, ils choisissent de considérer soit les demandes qui se rapprochent de ceux qu’ils ont l’habitude de traiter, soit les seules demandes qui paraissent cohérentes dans l’ensemble.
- Processus de prise en charge de la clientèle des acheteurs :
Il s’agit ici de mettre en évidence le déroulement de l’entretien de vente en ce qui concerne les acteurs interviewés. Il faut remarquer que les démarches sont similaires à quelques différences près :
- Préparation des fiches ou des supports informatiques tels que les logiciels adaptés : dans certains cas, les modèles des maisons à présenter aux clients sont déjà enregistrés sur des supports informatiques ou dessinés sur papier. Ainsi, le client n’aura plus qu’à sélectionner le type de maison qui lui convienne et de cette façon, le temps des visites sera réduit.
- Découverte client en vue de l’étude des besoins en termes d’habitation. Hormis les questions concernant le type de maison qui convient au client, les critères de recherche sont le plus souvent axés sur le mode de vie du client qui se découvre à travers l’étude de son passé et de son expérience en matière d’immobilier, ainsi que le budget, la cohérence entre le projet et le financement, ainsi que les démarches de financement (financement constant ou à par crédit). Lors de cette phase de découverte, les acteurs soutiennent que des qualités personnelles sont requises pour instaurer entre les parties une relation de confiance qui facilitera le processus de vente. Ces qualités ont trait à l’écoute client, à l’empathie, à la disponibilité, à la réactivité et à la transparence.
- Visite des maisons conformément à al découverte client. C’est au cours de cette étape que les démarches des acteurs se distinguent car si certains opteraient pour la sélection des 3 ou 4 meilleurs produits, d’autres utiliseraient la méthode du repoussoir. Par exemple, l’acteur 7 propose la démarche suivante : « la première ça serait un produit qui ne correspondrait pas la deuxième celle que je voudrai vendre et la troisième ça serait la même chose mais trop cher pour eux», tandis que l’acteur 18 nous confie la démarche suivante : « Je vais sélectionner des biens pour qu’on en discute un peu ensemble, je vais commencer à faire au moins deux à trois visites avec eux à la fin de ces visites je vais voir si il y a le coup de cœur, si il n’y a pas de coup de cœur je vais essayer de savoir pourquoi avec ce qu’il leur a plus et ce qu’il ne leur a pas plus avec les trois maisons pour après affiner et aller rechercher ». En effet, il existe bien une partie de professionnels qui seraient prêt à faire visiter des maisons qui ne se conforment pas particulièrement aux besoins des clients et qui espèrent d’eux un éventuel coup de cœur. C’est le cas de l’acteur 10 qui énonce que : « mais moi je ne me cantonne pas à ce qu’ils demandent exactement… Je peux me fixer sur des points importants pour eux même si cela ne représente pas la totalité des points qu’ils veulent ».
- Le débriefing qui consiste à faire un bilan des premières visites avec le client potentiel. Cela permettrait à l’agent non seulement de connaître l’opinion et le degré de satisfaction du client, mais encore d’améliorer les prochaines visites et de faire plus efficacement une proposition commerciale. Comme l’affirme l’acteur 13, «le client qui décrit toujours des critères finie toujours pas acheter complètement l’inverse donc c’est plus les visites qui me permet de déterminer les critères ».
- Stratégie et propositions commerciales :
Dans l’ensemble, les agents immobiliers se disent adaptatifs par rapport à la demande de la clientèle. Cette adaptation requiert une prise en charge spécifique pour chaque type de client. Par exemple, au niveau de la communication, beaucoup d’entre eux seraient plus affectifs et entameraient une discussion plus conviviale avec le couple de retraités. Avec le jeune candidat peu crédible par contre, la plupart des agents opteraient pour un ton plus professionnel, car dans son cas, il est d’une importance primordiale d’étudier le sérieux de la demande. Quant au jeune couple, les conseils et les mots rassurants seraient au rendez-vous sachant qu’il s’agit d’un couple primo accédant. Ainsi, l’acteur 9 nous révèle que : « Les premiers, je serai plus sur un côté plus jouer le rôle de leur fille, du conseil, plutôt m’adapter en étant sur l’affectif qu’autre chose. Pour le deuxième je prendrai plus de recul, je serai plus professionnel… Pour les derniers je serai d’égale à égale car je peux être dans la même situation qu’eux…Je m’adapte en fonction des gens si par exemple des personnes qui sont un peu plus speed dans leur recherche je vais plutôt les accompagner plus rapidement ». Il en est de même au niveau des besoins. Les agents essayent de se mettre à la place des candidats et de les catégoriser en fonction de leurs priorités. A propos, l’acteur 8 relate que : « Je recherche ce que veulent les candidats, mon comportement ne va pas changer, si je suis face à des retraité je ne vais pas me comporter comme une retraité mais par contre je vais essayer de penser comme eux on va dire (d’accord), donc je m’adapte, donc si c’est des retraités, ils préfèreront le calme, les commerces à proximité, pour aller à pied donc tout ça je vais le privilégier ». Mais une minorité par contre, ne voudraient traiter ni les cas atypiques, ni les cas difficiles. Autrement dit, ils ne savent pas s’adapter aux clients dont les besoins ne correspondent pas à leur portefeuille. En effet, il convient de dresser dans le tableau suivant quant aux propositions commerciales que la plupart des acteurs auraient entamé auprès des divers candidats :
Tableau 9 : Les propositions commerciales
Candidat 1 | Candidat 2 | Candidat 3 | |
Classification de la clientèle | |||
Style social | Réfléchi ou analysant | – Promouvant ou expansif
– Facilitant ou coopérant. |
Réfléchi ou analysant |
Besoin | Confort, calme, proximité | Orgueil, confort, proximité, reconnaissance | Sécurité, sympathie |
Budget | Moyen | Gros | Abordable |
Comportement | Résolu et soucieux | Détendu | Patient et consciencieux |
Stratégie et propositions commerciales | |||
Adaptation | – Privilégier le relationnel (parent à enfant)
– Faire preuve de professionnalisme face à des clients très sûrs d’eux |
Faire preuve de professionnalisme face à un client peu crédible | – Privilégier le relationnel (entres jeunes ou entre parents),
– Conseils et apprentissages |
Type de bien proposé | Maisons BBC[45] ou plain pied confortable sur Chataillon, Marsilly, Lagord, Nieul sur mer, Dompierre sur mer, Périgny, Saint-Médard d’Aunis, à 3 min à pied des commerces et sans travaux. | Maison toit-terrasse, huisseries noires, carrelage gris, ultra contemporain avec une piscine d’intérieur sur la Genette, Saint-Eloi, ou Beauregard | – Maison plein pied classique en lotissement sur Courçon, Benon, Aigreffeuille, Andilly, Saint-Sauveur, Ballon à 20 min de La Rochelle
– Petit faubourg à la campagne – Maisons en construction sur de petits terrains |
Source : Adaptation personnelle
Force est de constater que la proposition commerciale faite par les agents immobiliers dépend effectivement de la personnalité des clients et de la catégorisation établie : un produit strictement conforme à la demande pour les premiers candidats, un produit tape à l’œil pour le second candidat et un peu de tout pour les derniers candidats. Sachant que le jeune couple représente la clientèle standard des agents immobiliers, les produits qui vont lui être proposés seront diversifiés et nombreux. A l’inverse, le jeune un peu « branleur » comme les acteurs le qualifie, n’aura droit qu’à une ou deux visites ou alors pas du tout. A ce propos, l’acteur 7 argumente que : « je présenterai une ou deux maisons mais pas plus et je demanderai au propriétaire de me laisser la maison vide car je ne serai pas crédible avec un jeune ; ça peut se retourner contre moi aussi ». L’acteur 16, lui, ne veut proposer de biens au second candidat sans avoir étudié au préalable le financement. Quant à l’acteur 17, il se montre catégorique et rétorque que : « pour l’instant je n’ai pas spécialement envie d’aller faire des recherches et perdre du temps ».
- Faculté à cerner la clientèle :
Il faut noter qu’une faculté désigne, dans notre contexte, une aptitude particulière propre à un individu. Nous l’associons généralement à l’aptitude intellectuelle. Les enquêtes sur terrain ont permis de constater que la faculté peut être soit puisée de l’expérience ou soit une vocation qui définit la personnalité. Toujours est-il que dans notre étude, il existe deux catégories d’agents : ceux qui se disent avoir la faculté de cerner facilement leur clientèle et ceux qui prétendent ne pas l’avoir.
Tableau 10 : Statistiques sur la faculté à cerner la clientèle
Absence de faculté | Existence de faculté | ||||
Expérience | Personnalité | Expérience et personnalité | Total | ||
Moins d’un an d’expérience | 2 | 1 | 1 | 2 | 6 |
Plus d’un an d’expérience | 4 | 6 | 0 | 3 | 13 |
Total | 6 | 7 | 1 | 5 | 19 |
Source: Adaptation personnelle
En se référant à ce tableau, nous pouvons constater que la plupart des acteurs interrogés estiment avoir la faculté de cerner facilement leur clientèle. Seulement, les avis sont partagés en ce qui concerne la source de cette faculté. 7 acteurs sur 13 prétendent que la faculté est issue de l’expérience. D’ailleurs, la plupart des acteurs qui sont de cet avis ont déjà accumulé plus d’un an d’expérience. Comme le confirme l’acteur 6 : « Il y a des choses avec notre expérience, on arrive à voir les différences quand on a plus de recul ». De même, l’acteur 14 énonce que : « Oui, ça fait des années des années que je suis dans le commerce donc je pense savoir assez facilement cerner les gens ». En effet, cette faculté se construit et se développe lors de la découverte client et dans une moindre mesure lors des visites. Il s’agit donc de poser les bonnes questions au client pour pouvoir mieux cerner ses envies et ses besoins. A propos, l’acteur 9 révèle que les agents immobiliers arrivent à détecter les besoins de la clientèle au fur et à mesure de la phase de découverte, mais à condition de construire une relation de proximité et de confiance avec le client en question. La tâche est d’autant plus facile lorsque les agents ont affaire à des clients primo accédants. Toutefois, 5 acteurs sur 13 estiment que la personnalité y joue un rôle prépondérant en ce sens que cette faculté peut être détectée à un très jeune âge. Ainsi, la faculté, dans certains cas, ne s’acquiert pas. Selon l’acteur 9 : « J’ai toujours eu un peu la fibre commerciale car quand j’étais petite ma mère me disait déjà que je parlais beaucoup et que j’avais beaucoup de facilité à parler avec les gens ». En outre, certains acteurs communiquent moins facilement au téléphone que d’autres et ont particulièrement besoin d’un premier contact en agence.
Mais aussi contradictoire que cela puisse paraître, les agents qui ont le plus d’expérience en matière d’immobilier (jusqu’à 10 ans d’expérience) ne pensent pas avoir cette faculté de cerner rapidement les besoins et la personnalité des clients. Pour argumenter leur propos, ils affirment que l’entretien de vente constitue un laps de temps assez court pour connaître son client. De plus, ni le code vestimentaire ni l’attitude ne permettent de découvrir de manière efficace la clientèle car l’apparence est trompeuse et la personnalité est complexe. D’ailleurs, le client ne reste pas toujours sur sa décision de départ : les coups de cœur sont très fréquents dans le domaine de l’immobilier et les agents doivent s’attendre en permanence à des « surprises ». Comme peut l’affirmer l’acteur 4, « Non ce sont des choses qu’il faut prendre le temps d’étudier ; de toute façon je ne juge pas sur ces critères là car on peut passer 20 de sa vie avec quelqu’un et ne pas le connaître ». L’acteur 1, lui non plus, ne se montre pas affirmatif et avance que : « On ne sait jamais, je me suis déjà fait avoir, je n’ai pas la prétention de dire à qui on a affaire, absolument pas ».
A travers ces divers entretiens, il y a lieu de ressortir deux conclusions majeures :
- Même si l’expérience semble jouer un rôle pour affiner la perception des agents immobiliers envers leur clientèle, cela ne semble pas déterminer la faculté. Certains agents immobiliers qui pensent avoir cette faculté ne semblent pas être conscients que cela serait plus lié à la personnalité qu’à l’expérience.
- La faculté à cerner la clientèle dépend également de la personnalité des clients et de leur expérience en matière d’immobilier. Plus le client s’y connaît, plus difficile sera la tâche pour l’agent immobilier. De même, il existe des clients qui ne savent pas se fixer sur une décision et qui sont susceptible soit de prendre l’agent immobilier au dépourvu.
L’analyse de contenus a permis de connaître la démarche intellectuelle effectuée par les agents immobiliers lors de l’entretien de vente, et notamment lors de la découverte client. Il convient maintenant d’établir une discussion concernant la perception de la clientèle par ces agents immobiliers.
5. La discussion :
Les différentes analyses ont permis de constater que les agents immobiliers effectuent bel et bien un processus de catégorisation de la clientèle. Ce processus commence dès le premier contact via les premières impressions. La perception que les agents immobiliers ont de leur clientèle dépend en effet de leur budget, de leur attitude, de leur style vestimentaire, de leur goût en matière d’immobilier, mais aussi de leur âge. Il ne faut pas non plus oublier le mode de vie et le passé immobilier. Il s’ensuit que pour faire la différence entre les clients typiques et les clients atypiques, les agents étudient la cohérence entre toutes ces variables. Et déjà à ce niveau, des différences se font ressentir sur la façon dont les agents traitent leur clientèle car si certains préfèrent traiter avec des clients crédibles aux profils standards, d’autres voudraient bien se lancer dans la prise de risque avec des clients avec une demande originale. Par ailleurs, bien que chaque agent ait sa manière d’entamer les découvertes clients et les visites, un même constat a émergé : beaucoup plus de questions et moins de visites pour les clients atypiques. Mais quoiqu’il en soit, les agents se montrent adaptatifs par rapport aux différentes catégories de clientèle, aussi bien en termes de proposition commerciale qu’en termes de style de communication. Toujours est-il que ce comportement adaptatif résulte pour la plupart de la faculté à cerner sa clientèle. Une faculté qui peut être innée et qui peut se développer à travers les expériences.
Au regard de cette étude, nous pouvons affirmer que la revue de littérature afférente à notre travail de recherche est valide. En effet, les propos énoncés par les 20 professionnels que sont les agents immobiliers attestent la cohérence des approches théoriques et conceptuelles. Mais le retour expérientiel a surtout permis de mettre en exergue les véritables réalités du terrain. Ceci pour dire qu’il existe certains détails qui ne sauront être trouvés qu’à travers les investigations menées sur le terrain d’enquête, tels que la manière dont l’agent immobilier procède lorsqu’il est confronté à un client atypique.
Outre cela, les résultats des enquêtes exploratoires ont permis la validation des hypothèses suivantes :
- Hypothèse 1 : Les formations et les expériences de l’agent immobilier permettent la construction de catégories, c’est-à-dire de répertoires de références stéréotypiques.
Il faut d’abord noter que durant ses expériences de vente, l’agent immobilier s’est vu confronté à une diversité de clientèle : des milieux sociaux différents, des besoins différents et des comportements différents. L’accumulation de ces expériences lui a permis de faire des similitudes entre les demandes de manière à dresser des profils standards. D’où la construction de catégories de clientèles et la création de mécanismes stéréotypiques. Ces catégories peuvent être des classifications primitives ou des classifications issues d’une analyse comportementale. Mais quoiqu’il en soit, le processus de catégorisation de la clientèle, en tout cas dans la fonction immobilière, est élaboré à travers un panel de variables dont il faut étudier la cohérence. L’étude de ces variables permet aux agents immobiliers d’avoir une certaine perception de la clientèle, qui leur permet non seulement d’associer un client à un besoin précis ou à un style de communication préétabli, mais encore à faire la différence entre les clients typiques et les clients atypiques.
- Hypothèse 2 : L’usage des catégories est utile à l’action commerciale de l’agent car il permet de cerner rapidement les demandes des clients typiques.
L’usage de répertoire de références stéréotypiques permet à l’agent immobilier de se baser sur ses fiches ou son portefeuille pour trouver le type de bien qui puisse le mieux correspondre aux besoins et aux attentes du client, ces fiches se complétant au fil du temps et en accumulant les expériences. Ainsi, il pourra rapidement cerner les demandes des clients et entamer plus facilement une proposition commerciale. Cela est d’autant plus facile lorsque l’agent immobilier détient en lui la fibre commerciale, une faculté très utile lors des phases de découvertes clients. Mais toujours est-il que l’usage des fiches n’est valable que pour les demandes standards ou les clients typiques.
Après avoir confronté la théorie et la pratique, il y a lieu de confirmer nos hypothèses de recherche. Ainsi, quels enseignements pourrions-nous tirer de ces analyses ?
6. Les enseignements tirés de la recherche :
La réalisation des recherches empiriques nous permettent de tirer des enseignements utiles pour la profession d’agent immobilier d’une part et pour le métier de psychologue sociale d’autre part. Ainsi, dans le but d’achever ce dernier chapitre, il apparait logique de relater respectivement :
- les apprentissages de la recherche ;
- les différentes perspectives professionnelles.
6.1. Les apprentissages de la recherche :
Les enquêtes réalisées auprès des 20 agents immobiliers ont beaucoup aidé quant à la compréhension de la perception que les agents immobiliers ont de leur clientèle et l’influence de cette perception sur les pratiques de vente. Afin de mieux cerner sa clientèle, l’agent immobilier use de répertoires de références stéorétotypiques qui s’améliorent avec l’expérience. Mais cela n’est pas toujours valable dans le cas des clients atypiques dans la mesure où ces derniers ont des besoins particuliers qui dévient des besoins des profils standards rencontrés dans les processus de vente. En effet, à travers les analyses empiriques, nous avons pu prendre conscience de la différence de traitement qui puisse exister entre les clients typiques et les clients atypiques dans le domaine de la vente. Il s’ensuit que le métier d’agent immobilier requiert un minimum d’empathie et d’ouverture d’esprit pour ne pas se tromper dans l’élaboration de propositions commerciales, notamment lorsque les demandes du client ne correspondent pas aux critères habituels.
En tant que futur psychologue sociale et du travail, une des missions consistera à comprendre et à expliquer les processus psychiques mis en jeu dans une activité professionnelle, comme par exemple les différents mécanismes qui conduisent à la création de stéréotypes dans le monde professionnel quelque soit le domaine d’activités. Ainsi, les différentes recherches entamées sur terrain ont permis de se préparer à la profession, notamment pour ceux qui ont trait:
- A l’importance et à la place des premières impressions dans la perception d’autrui ;
- Au fonctionnement du processus de catégorisation sociale dans le monde professionnel et aux stratégies associées ;
- A l’intérêt de la mise en place de stéréotypes face aux différentes situations professionnelles ;
- Aux enjeux qui pourraient découler des mécanismes stéréotypiques, notamment en termes de qualité de travail et de crédibilité.
- Aux différents effets possibles du processus de catégorisation sociale, aussi bien sur les activités du professionnel que sur le client.
Connaissant les divers apprentissages de la recherche, quelles perspectives professionnelles pourraient améliorer les pratiques en cours ?
6.2. Les perspectives professionnelles :
Conformément aux enjeux de la catégorisation sociale et aux difficultés des agents immobiliers à cerner leur clientèle, il est envisageable de mener quelques pistes de recherches permettant d’améliorer la pratique professionnelle des agents immobiliers. Sachant que le psychologue social étudie les différentes interactions qui puissent exister entre les individus, ainsi que leurs fondements psychologiques, nous choisissons d’orienter nos perspectives professionnelles à travers les réflexions ci-après :
- Il serait intéressant d’effectuer un test de personnalité sur les agents afin de déterminer si la faculté de cerner rapidement la clientèle découle des qualités propres à l’individu ou de l’extérieur. Bien que ce genre de tests puisse manquer d’objectivité, il permet d’évaluer de manière quantitative et qualitative l’aptitude de l’agent immobilier en termes de jugement de valeur, des versants plutôt conatifs que cognitifs. Ces tests de personnalité peuvent être présentés sous forme de questionnaire (autoévaluation), de tests de résolution (mise en situation) ou de tests projectifs.
- Il serait également envisageable de mettre en place des indicateurs permettant de mesurer la mise en place des stéréotypes lors de la découverte client et lors des visites. En effet, il s’agit de soumettre à l’agent immobilier une liste de traits de personnalité caractérisant les différents types de clients. Il faut noter que le stéréotype sera défini en fonction des items (propositions) qui sont choisis le plus grand nombre de fois. L’idéal serait en fait de procéder à des mesures implicites, c’est-à-dire des mesures qui ne permettent pas au sujet concerné de savoir que ses réponses sont susceptibles de donner des indications sur son degré de préjugés.
Telles sont donc les différents enseignements tirés de la recherche et c’est ainsi que s’achève notre dernier chapitre. Que convient-il donc de conclure par rapport aux approches théoriques, à la problématique et au retour expérientiel ?
CONCLUSION
Dans un premier chapitre, nous avons mis en exergue les différentes approches théoriques et conceptuelles afférentes à notre sujet de recherche dont le mécanisme de la perception sociale et son application dans le milieu de la fonction immobilière. Pour résumer, la perception sociale est une impression, un jugement que chaque individu effectue lors d’une interaction avec un autre individu. Il s’agit d’un mécanisme naturel qui existe chez toute personne consciente et douée de raison. Ce jugement perceptif sert à traiter les informations qui englobent de manière implicite ou explicite notre environnement. En ce qui concerne particulièrement les objets sociaux, la perception d’autrui conduit à la mise en place d’un processus de catégorisation mentalement préétablie, un processus dynamique qui varie dans le temps et dans l’espace. En effet, les individus ont des croyances subjectives qui leur permettent d’étiqueter les autres et d’établir des catégorisations sociales, via l’observation des traits de personnalité et des comportements. En rassemblant les individus disposant de mêmes traits de personnalité et en dissociant les comportements non ressemblants, le jugement catégoriel se forme. Ce jugement catégoriel, qui permet de reconnaitre et d’identifier un individu, rend les informations du monde environnement moins complexes et plus accessibles tout en contribuant à la fois aux relations humaines et au fonctionnement cognitif. C’est ainsi que se forme les stéréotypes, qui sont des croyances partagées quant aux caractéristiques d’un individu. La stéréotypie favorise alors la création de l’identité sociale et donne une explication cohérente aux différentes interactions sociales. Toutefois, ce phénomène de catégorisation ne se limite pas seulement à la formation des stéréotypes. Lorsque le stéréotype est fondé sur un sentiment négatif, nous parlons de justification de préjugés ; par ailleurs, lorsqu’il entraîne un comportement négatif à l’égard d’un individu ou d’un groupe d’individus, il s’agit de discrimination et de stigmatisation.
Pour notre part, nous nous sommes limités à la formation de stéréotypes dans la fonction immobilière. Dans ce milieu, le processus de catégorisation sociale est toujours à l’ordre du jour car il joue un rôle capital dans l’élaboration d’une proposition commerciale. Au cours de son activité professionnelle, l’agent immobilier est confronté à une diversité des clients qui peuvent être aussi bien des vendeurs que des acheteurs. Il est d’ailleurs chargé de mettre en contact ces deux parties pour ce qui a trait à la vente ou à la location de terrains, de bureaux, de fonds de commerce, et de logements. Dans cette optique, il se charge donc de prospecter la clientèle, de négocier les prix et de régler les paperasses administratives y afférentes. Dans la mesure où l’agent immobilier est confronté à un acheteur potentiel, il se doit de trouver un bien correspondant à ses attentes, et ce dans le cadre de son mandat. Ainsi, il suit tout un processus qui commence par le contact avec le client et qui se termine par la signature d’un contrat de vente, en passant par l’entretien de vente. C’est justement cette étape qui intéresse plus particulièrement le champ de notre étude, d’autant plus que c’est au cours de cet entretien que l’agent immobilier découvre le client et applique un processus psychologique de catégorisation qui consiste à associer un bien à un type de client en fonction de ce qui existe dans le portefeuille. Ce moment où il doit cerner le client est plutôt délicat en ce sens qu’il en censé détecter les signaux qui puissent révéler les traits de personnalité du client. A l’issue de cette découverte client, l’agent propose au client d’effectuer des visites au sein des maisons qui pourraient satisfaire les besoins des acheteurs. Il faut noter que c’est le bilan de ces visites qui permettra au professionnel d’entamer une proposition commerciale. Mais pour que cette proposition se fasse dans les délais impartis et sans encombre, encore faut-il que l’agent immobilier s’adapte à son client, de façon à connaître sa typologie à travers l’écoute active et l’empathie. Une typologie qui peut concerner tant les besoins primordiaux que les styles sociaux. Mais cela ne fonctionne effectivement pas pour les clients atypiques qui ont des besoins originaux et des comportements hors du commun. Ils ne rentrent dans aucune catégorisation préétablie et leurs cas nécessitent une prise en charge à part entière.
Il est donc constatable que le processus psychologique de catégorisation de la clientèle comporte de nombreux enjeux : l’obligation d’adaptation au comportement de la clientèle et la prise en charge spécifique à l’égard des clients atypiques. Nous devons noter que la maîtrise de ces enjeux permet de booster les vents, sachant que la formation de stéréotypes, qu’elle soit faite de manière consciente ou non, influence considérablement la perception que les agents immobiliers ont de leur clientèle. C’est pourquoi, nous avons choisi de formuler la problématique suivante : Quel est l’impact de la catégorisation de la clientèle dans le processus de vente chez les agents immobiliers ? Pour accompagner cette problématique, nous avons formulé deux hypothèses qui seront démontrées tout au long des recherches empiriques. En effet, la première hypothèse suppose que les formations et les expériences de l’agent immobilier permettent la construction de catégories, c’est-à-dire de répertoires de références stéréotypiques ; tandis que la seconde hypothèse suppose que l’usage des catégories est utile à l’action commerciale de l’agent car il permet de cerner rapidement les demandes des clients typiques. La démonstration de ces hypothèses ont en fait servi à comprendre comment l’agent immobilier procède lorsqu’il est confronté à un client atypique.
Afin de pouvoir répondre à la problématique et de pouvoir valider les différentes hypothèses de recherche, nous avons mené des enquêtes exploratoires auprès d’une vingtaine d’agents immobiliers, via des entretiens directifs et semi-directifs avec comme support l’usage de mini vidéos qui visionnent différents cas de figure que nous pouvons rencontrer en agence immobilière lors de l’achat d’une maison. Après la collecte et le traitement des données textuelles, il y a eu lieu d’analyser le contenu des propos des différents professionnels interviewés. A propos, en prenant connaissance de la description des différents clients et de leurs besoins par les agents immobiliers, nous avons remarqué que les premières impressions découlant du premier contact avec les clients se sont centrées sur l’expérience en matière d’immobilier et le budget, et un peu moins le style vestimentaire et le comportement. Toujours est-il que la cohérence entre ces différentes variables et le type de bien recherché permettent de faire la différence entre les clients typiques et les clients atypiques. Nous avons également constaté que la plupart des agents immobiliers ont plus porté leur attention vers les clients typiques, en raison de leur volonté de conclure l’affaire plus rapidement et de ne prendre aucun risque quant à la crédibilité de la demande. Cependant, ils ont tous été marqué par ce client atypique qui dispose d’un budget très impressionnant pour son âge et qui demande (presque) l’impossible en termes de besoins en immobilier. Ainsi, tandis que les clients typiques auront droit à une stratégie adaptative au cours de l’entretien de vente, le client atypique, lui, se contentera d’un minimum de propositions commerciales et d’une plus longue découverte client. Aux termes de cette observation, les agents immobiliers ont été interrogés quant à leur compétence sur la faculté à cerner rapidement la clientèle. Le constat s’est avéré catégorique : l’expérience ne permet pas de déterminer cette faculté, sachant que ceux ayant accumulé de longues années d’expérience dans l’immobilier ne prétendent nullement avoir une telle faculté. De plus, il y a lieu de constater que cette faculté à cerner la clientèle découle en partie de la personnalité même du client. Ce ne sont pas seulement les clients atypiques peuvent être difficile à cerner mais également ceux qui se montrent particulièrement exigeants à la base et qui réservent des surprises au final.
En réponse à notre problématique de départ, la catégorisation de la clientèle dans le processus de vente a des impacts considérables à l’endroit des agents immobiliers dans la mesure où lorsque les agents arrivent à cerner correctement leur clientèle, la stratégie adaptative permet à l’agent immobilier (même débutant dans le métier), d’avoir un avantage compétitif et de rentabiliser les ventes à travers l’instauration d’une relation de confiance avec les clients. Par contre, lorsque ce type d’agent immobilier est confronté à un client atypique, il risque de perdre ses moyens dans la mesure où sa motivation se porte plus sur la satisfaction des clients ayant un profil standard et dont les biens correspondent plus ou moins au portefeuille de l’agent en question. Ainsi, les ventes seront minimisées pour les clients atypiques. De plus, certains clients typiques ne sont pas toujours aussi prévisibles que nous aurions pu le penser. Ceci pour dire que la réussite d’un agent immobilier ne dépend pas seulement de sa faculté à cerner ses clients via la mise en place de stéréotypes qui se sont construites à travers ses expériences. Encore doit-il savoir gérer les clients imprévisibles et satisfaire au mieux les besoins des clients qui sortent de l’ordinaire. Au vu de ces affirmations, nous pouvons confirmer les hypothèses que les expériences de l’agent immobilier permettent la construction de catégories, c’est-à-dire de répertoires de références stéréotypiques, et que l’usage des catégories est utile à l’action commerciale de l’agent car il permet de cerner rapidement les demandes des clients typiques.
Ces recherches empiriques ont en fait permis de mieux comprendre le processus de catégorisation sociale et son impact sur les pratiques de vente des agents immobiliers. Elles ont également permis de prendre conscience de l’intérêt et des enjeux de la formation des stéréotypes dans le domaine professionnel, en particulier lorsque celui-ci est confronté à une diversité de clientèle. D’ailleurs, en tant que futur psychologue sociale et du travail, nous nous devons de connaître tous les processus psychiques qui entrent en jeu dans la réalisation des différentes activités professionnelles, afin d’en juger la légitimité et l’efficacité. En ce sens, il est bien de notre devoir d’améliorer la pratique professionnelle des agents immobiliers. C’est la raison pour laquelle nos perspectives professionnelles portent principalement sur la mise en place de tests de personnalité sur les agents immobiliers, afin de savoir si réellement, la faculté à cerner la clientèle dépend des qualités intrinsèques à l’individu ou elle s’acquiert et se puise à travers l’accumulation des expériences. Outre cela, nous projetons également d’instaurer des indicateurs capables de mesurer l’usage des stéréotypes lors de la découverte client d’une part et lors des visites de l’autre.
Force est de constater que dans tous les domaines de la vie, le processus de catégorisation sociale s’applique ; et cela s’avère même indispensable dans le milieu professionnel d’autant plus que la formation de stéréotypes permet de cerner rapidement de la clientèle, lorsque cela est utilisé à bon escient, c’est-à-dire lorsque le processus ne lèse pas les clients qui ne rentrent pas dans les catégories préétablies. Mais personnellement, la formation de stéréotypes ne sert pas seulement à s’adapter à la clientèle. En effet, ce processus peut jouer pleinement en faveur d’une entreprise d’autant plus que la classification des clients en fonction de leur potentiel, de leur impact sur l’organisation en générale et sur les ventes en particulier, ainsi qu’en fonction de leur niveau de fidélisation permet d’optimiser la gestion de la relation client. Dans un contexte de concurrence accrue dans le domaine de l’immobilier comme dans tous les secteurs de l’économie, l’heure est à la mise en place d’un processus de catégorisation sociale basée sur les meilleures pratiques d’affaires.
Ainsi, nous clôturons ce travail de recherche de manière à l’orienter vers une nouvelle problématique qui est la suivante : comment modéliser un processus de catégorisation mentalement préétabli pour qu’il puisse constituer un avantage compétitif dans la gestion de la relation client ? L’utilisation des stéréotypes qui en découle peut-elle engendrer dans certains cas de la discrimination, notamment envers les clients mineurs, c’est-à-dire ceux qui n’influent pas de manière considérable sur les ventes ?
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[1] SALES-WUILLEMIN E., (2006), « La catégorisation et les stéréotypes en psychologie sociale », éd. Dunot, coll. Psycho Sup (Psychologie sociale), (ISBN 2 10 049391 4), partie Introduction, Préjugés et stéréotypes, p. 6.
[2]LADWEIN R. (1999), “Le comportement du consommateur et de l’acheteur”, Economica.
[3] LADWEIN R. (1995), « Catégories cognitives et jugement de typicalité en comportement du consommateur », Recherche et Applications en Marketing, pp.89-100.
[4] INC HEBDO (2006), “Fiche pratique: L’agent Immobilier”, J. 187, pp.II-V, En ligne http://www.conso.net/bases/5_vos_droits/1_conseils/conseil_35_fj187-agent_immobilier.pdf
[5] AUSTIN J.L. (1970) « Quand dire, c’est faire » Paris: Seuil (pour la version française).
[6]WEITZ, B. A, SUJAN, H., SUJAN, M., (1986), “Knowledge, motivation and adaptive behavior: a framework for improving selling effectiveness”, Journal of Marketing, pp.174-191.
[7] TAJFEL, H. (1972), “La catégorisation sociale”, In S. Moscovici (Ed.), Introduction à la psychologie sociale, Paris: Larousse, pp. 272-302.
[8]FISCHER G-N., (1997), « La Psychologie Sociale », essais, Paris : Le Seuil.
[9]Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne (2009), “Les conditions de logement des Roms et des Travellers dans l’Union européenne”, Rapport comparatif.
[10] ÖZÜEKREN, A. KEMPEN, R. (2003), “Dynamics and Diversity: Housing Careers and Segregation of Minority Ethnic Groups”, Housing, Theory and Society, No. 20, pp. 162-171; ARBACI, S. (2008), “(Re)Viewing Ethnic Residential Segregation in Southern European Cities: Housing and Urban Regims as Mechanisms of Marginalisation”, Housing Studies, Vol. 23, No.4, pp. 589-613.
[11] DESBROSSES S., (2007), “Catégorisation sociale : définition et mise en evidence”, En ligne http://www.psychoweb.fr/articles/psychologie-sociale/126-categorisation-sociale-definition-et-mise-en-evi.html
[12] TAJFEL, H., & WILKES, A. L.(1963). Classification and quantitative judgment, British Journal of Psychology. 54, 101-114.
[13] TAJFEL, H., & WILKES, A. L.(1963). Classification and quantitative judgment, British Journal of Psychology. 54, 101-114.
[14]Canal blog (2005), « Cours de psychologie sociale : Relations intergroupes », En ligne http://psychosociale67.canalblog.com/archives/2005/01/13/259694.html
[15]KLEIN O., (2002), « Cours : Psychologie Sociale », En ligne http://www.ulb.ac.be/psycho/psysoc/oldocs/Cours%202001-2002.pdf
[16]INGARAO A., “La théorie de la catégorisation : un concept de psychologie cognitive en marketing”, CERMAT, Université de Tours, p.7, En lignehttp://enaso.fr/campus/psychologie-conso-m/res/UE352-1-A-PDF-La_theorie_de_la_categorisation_.pdf
[17] SALES-WUILLEMIN, E. (2006), « La catégorisation et les stéréotypes en psychologie sociale », Paris : Dunod.
[18] Cours en ligne “Les stéréotypes sociaux”, Vie des organisations, CSH, pp. 1-8, En ligne http://moodle.insa-toulouse.fr/pluginfile.php/43155/mod_resource/content/1/Les%20st%C3%A9r%C3%A9optypes%20sociaux-670Ko.pdf
[19] LEYENS J-P., (1999), “Stéréotypes et cognition sociale”, Madarga.
[20] ALLPORT G.,(1954), “The Nature of Prejudice”, Addison-Wesley.
[21] TARDIVON P., (2011), “Vente en Agence Immobilière”, T 02, Collection Thématique, pp.7-8, En ligne http://www.tardivon.com/e-books/T02_agencimmo.pdf
[22] Agence Nationale pour l’Information sur le Logement (ANIL), Fédération Nationale de l’Immobilier (FNAIM), (2009), “Vous et l’agent immobilier”, pp.3-7, En ligne http://www.anil.org/fileadmin/ANIL/Editions_grand_public/serie_vous_et_les_pro/agent_immo.pdf
[23]Loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 réglementant les conditions d’exercice des activités relatives à certaines opérations portant sur les immeubles et les fonds de commerce.
[24]TARDIVON P., (2011), “Vente en Agence Immobilière”, T 02, Collection Thématique, p.4, En ligne http://www.tardivon.com/e-books/T02_agencimmo.pdf
[25]TARDIVON P., (2011), “Vente en Agence Immobilière”, T 02, Collection Thématique, pp.60-71, En ligne http://www.tardivon.com/e-books/T02_agencimmo.pdf
[26] HIRSCHI J., (2012), “Les mécanismes de discriminations dans l’accès au logement privé à Toulouse », Thèse de Mémoire en Sciences Politiques, IEP de Toulouse, Toulouse, p.4, En ligne http://memoires.sciencespo-toulouse.fr/uploads/memoires/2012/DECR/memoire_HIRSCHI-JULIETTE.pdf
[27]QMICHCHOU M. (2007-2008), “ La vente: Processus, outils et techniques ”, ISTA Témara, pp.18-20, En ligne http://www.marketing-etudiant.fr/docs/aa7aae617678944b81067028d47a2b1f-Techniques-de-vente-et-de-negociation.pdf
[28] BIGOT R., HOIBIAN S., « Les difficultés des français face au logement », CREDOC, Cahier de recherche n°265, décembre 2009, p.137.
[29]Site officiel Dynamic Mag, (2014) « Trois actions simples pour mieux vendre », Rubrique Développer, En ligne http://www.dynamique-mag.com/article/actions-simples-mieux-vendre.5747
[30] Les motivations ou mobiles sont des besoins issus d’un état de tension psychologique d’une certaine intensité et dont les individus n’ont pas forcément conscience.
[31] MORGAN F., STOLTMAN J. (1990), « Adaptive selling – Insights from social cognition », Journal of
Personal Selling and Sales Management, pp. 43-54.
[32] GENGLER E., HOWARD D., ZOLNER K. (1995), “A personal construct analysis of adaptive selling and sales experience”, Psychology and Marketing, pp. 287-304.
[33] ROMAN S., IACOBUCCI D., (2010), “Antecedents and consequences of adaptive selling confidence and behavior : a dyadic analysis of salespeople and their customers”, Journal of the Academy of Marketing Science, pp. 363-382.
[34]Conseil National de l’Habitat, (2005), « Discriminations dans l’accès au logement », Rapport du groupe de travail, p.11.
[35] NAYROLLES I., “ Mécanismes discriminatoires non conscients en Situation professionnelle : étude auprès de conseillers de missions Locales », pp.4-5.
[36]Conseil National de l’Habitat, (2005), « Discriminations dans l’accès au logement », Rapport du groupe de travail, p.7.
[37] HIRSCHI J., (2012), Les mécanismes de discriminations dans l’accès au logement privé à Toulouse”, Thèse de Mémoire en Sciences Sociales, IEP de Toulouse, Toulouse, p.18, En ligne http://memoires.sciencespo-toulouse.fr/uploads/memoires/2012/DECR/memoire_HIRSCHI-JULIETTE.pdf
[38] Conseil National de l’Habitat, (2005), « Discriminations dans l’accès au logement », Rapport du groupe de travail, pp.32-35.
[39]NAYROLLES I.,“ Mécanismes discriminatoires non conscients en Situation professionnelle : étude auprès de conseillers de missions Locales », p.6.
[40] GIUST-DESPRAIRIES F., (2003), « La figure de l’autre dans l’école républicaine », Paris : P.U.F, p.33.
[41] Europeaid, « L’entretien individuel », p.2, En ligne http://ec.europa.eu/europeaid/evaluation/methodology/examples/too_itw_res_fr.pdf
[42] Europeaid, « L’entretien individuel », p.2, En ligne http://ec.europa.eu/europeaid/evaluation/methodology/examples/too_itw_res_fr.pdf
[43] QUIVY R., VAN CAMPENHOUDT L ., (1995), « Manuel de recherche en sciences sociales », Paris : Editions DUNOD, p 196.
[44] MUCCHIELLI R., (1984), « L’analyse de contenu des documents et des communications », Edition ESF, p. 17.
[45] Batîment de Basse Consommation
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