La Competence Des Juridictions Francaises En Matiere De « Cyber-Delits »
LA COMPETENCE DES JURIDICTIONS FRANCAISES EN MATIERE DE « CYBER-DELITS » |
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CA | Cour d’appel |
Cass. civ. | Cour de cassation, chambre civile |
Cass. com. | Cour de cassation, chambre commerciale |
CCC | Contrats Concurrence Consommation |
CJCE | Cour de justice de la communauté européenne |
CJUE | Cour de justice de l’union européenne |
Comm. com. électr. | Commerce communication électronique |
D. | Recueil Dalloz |
Gaz. Pal. | Gazette du palais |
J.-Cl | JurisClasseur (civil, pénal,…) |
JCP | Semaine juridique (E : édition entreprises ; G : édition générale) |
JDI | Journal du droit international (Clunet) |
LPA | Les Petites affiches |
Rev. crit. DIP | Revue critique de droit international privé |
RLDI | Revue Lamy de Droit de l’Immatériel |
RTD civ. | Revue trimestrielle de droit civil |
RTD com. | Revue trimestrielle de droit commercial |
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Internet[1] provoque des délits[2] complexes[3], voire hypercomplexes : une mise en ligne décidée dans un pays peut, en un clic, faire des dégâts dans une multitude d’endroits.
Le fait est que l’avènement d’internet, le réseau des réseaux, a bouleversé la communication entre les hommes, bouleversé les échanges économiques et sociaux, et semble même capable de bousculer les équilibres politiques, comme l’a récemment montré le rôle de la Toile et de ses réseaux sociaux dans le déclenchement et la propagation des révoltes au Maghreb et au Moyen-Orient. Ce que l’on appelait il y a vingt ans les autoroutes de l’information – l’expression paraît aujourd’hui désuète ! – a créé entre les individus un lien à l’échelle planétaire qui n’a pas eu de précédent dans l’histoire ; même l’imprimerie n’a pas produit d’effets d’une telle ampleur, dans la communication entre les hommes, faute d’être aussi rapide, aussi universelle.
Que les situations juridiques créées sur le web soient internationales par nature ne fait aucun doute. Corollairement, que la question ait été alors au cœur des nouveaux textes de droit international privé communautaire semblait tout aussi évident. Or, c’est à leur silence que l’on est confronté quand on y recherche des dispositions spécifiques à internet. Ainsi, ni « Bruxelles I[4] », ni, plus étonnamment car le texte est encore plus récent, le règlement « Rome II[5] » ne contiennent de dispositions particulières aux délits commis sur le web connus généralement sous le vocable « cyber-délits »[6].
Nonobstant le silence des textes sur le sujet, depuis de nombreuses années, le droit international de la responsabilité délictuelle est l’objet d’études fécondes et d’évolutions profondes. Siège de la remise en cause de la règle de conflit de lois savignienne[7], il a également été touché par le renversement de philosophie du droit interne – de la volonté de condamner un responsable à l’impératif d’indemnisation de la victime[8] –, ainsi que par la multiplication des hypothèses de dissociation géographique du fait générateur et du dommage.
C’est sur ce dernier point que le développement qui va suivre se focalisera et ce, sous l’un de ses aspects les plus actuels, celui des délits commis sur internet. Comme il a été évoqué ci-dessus, le fait qu’un pays donné mette en ligne un produit donné par exemple peut occasionner des dégâts dans plusieurs autres pays.
Or, pour fonder la compétence des tribunaux français, nous ne disposons que de textes très simples (dans leur formulation, tout du moins !) et très ressemblants : les articles 5, 3° du règlement « Bruxelles I »[9] et de la Convention de Lugano, applicables quand le défendeur est domicilié dans l’Union européenne, en Islande, en Norvège ou en Suisse, et l’article 46 du Code de procédure civile[10], utilisable quand le défendeur est domicilié ailleurs. Dans le développement qui va suivre, nous nous focaliserons sur l’article 5, 3 du règlement Bruxelles I (ci-après article 5, 3°). En effet, c’est ce texte qui est généralement mis en cause quand il est question de la compétence des juridictions françaises en cas de délits commis sur internet.
Ainsi que l’exprime la dénomination de la section II du chapitre I du règlement Bruxelles I, la règle de compétence prévue l’article précité est un règle de « compétence spéciale ». Elle offre une option au demandeur, lui permettant de saisir un tribunal déterminé situé dans un État lié autre que l’État du domicile du défendeur.
Une question se pose cependant : dans quelles circonstances un tribunal peut considérer qu’un dommage est survenu (ou menace de le faire) dans son ressort et s’il peut donc, de ce chef, en connaître. Plus précisément, eu égard à la règle de compétence judiciaire édictée par l’article 5, 3 du règlement de Bruxelles I, dans quelles circonstances une juridiction française peut connaître d’un fait dommage commis sur l’internet ?
On sait que l’expression « fait dommageable » désigne tant le fait générateur que le dommage lui-même, la victime bénéficiant dès lors d’une option de compétence entre les tribunaux du lieu de ces deux événements[11]. Or, lorsque le délit est commis sur le web, il est extrêmement difficile de localiser chacun d’entre eux. Pour le fait générateur, les difficultés sont même presque insurmontables[12], ce qui explique vraisemblablement que le contentieux qui se développe à ce sujet ne porte que sur la localisation du préjudice.
La question posée ci-dessus, en théorie, vaut aussi bien pour les textes européens que pour la disposition française mais, en pratique, les autorités interprétatives sont différentes : la Cour de justice de l’Union européenne a la haute main sur les premiers, la Cour de cassation reste libre à l’égard de la seconde. On voit apparaître par là une première source de variation – peu souhaitable en soi, non encore caractérisée pour l’instant mais à surveiller – dans la réponse à donner à la question posée… Surtout, au sein d’un même corpus normatif, point l’idée que « le dommage ne se localise pas de la même façon suivant le délit considéré » et cela, plus particulièrement encore quand il s’agit de cyber-délits[13].
En effet, les intérêts privés en cause ne se présentent pas tous de la même façon et la détermination de la compétence vis-à-vis des cyber-atteintes que subissent prétendument ces intérêts n’engage pas au même point les valeurs cardinales que sont la « prévisibilité de la compétence », la « bonne administration de la justice » et « l’organisation utile du procès ».
Pour une meilleure appréhension du sujet, il est opportun de faire une analyse des critères de compétence des juridictions françaises en matière de cyber-délit, ce qui fera l’objet de la première partie. Dans une seconde partie, on verra s’il y a unité ou pluralité de compréhension du chef de compétence des tribunaux français en la matière et ce compte tenu de l’hétérogénéité de cette infraction.
La détermination du « lieu où le fait dommageable s’est produit » a éveillé une difficulté d’interprétation qui n’avait pas échappé aux négociateurs. Mais ceux-ci avaient, néanmoins, souhaité conserver l’expression consacrée par les droits allemand et français[14].
Il n’est pas rare que le lieu où s’est produit l’événement causal qui a occasionné le dommage diffère de celui ou de ceux où les effets dommageables de cet événement ont été constatés ou subis. Le préjudice peut aussi avoir ses causes dans des faits générateurs situés dans plusieurs États. Un fait générateur unique peut provoquer des dommages dans différents États. Ces deux dernières hypothèses peuvent être additionnées l’une à l’autre. L’expression de « lieu où le fait dommageable s’est produit » est donc ambiguë. Néanmoins, cette expression a été conservée par les conventions successives et par le règlement (CE) n° 44/2001. En effet, la Cour de justice, en donnant une interprétation souple du texte, a satisfait aux exigences de la pratique. Le groupe de travail ad hoc chargé de la révision des conventions de Bruxelles et de Lugano a refusé, par prudence, de modifier la rédaction du texte aux fins de le rendre plus précis, même pour « confirmer une jurisprudence claire et non contestée dans un acte législatif[15] ».
Section I. – Option entre le lieu du fait générateur et le lieu du dommage
Il s’agit d’une décision en date du 30 novembre 1976, rendue par la Cour de justice de la communauté européenne[16]. En l’espèce, un pépiniériste néerlandais, la société G.J. Bier, et la fondation Rheinwater, dont le dessein était la promotion de la qualité de l’eau de Rhin, faisait grief à la société française Mines de potasse d’Alsace, de faire accroitre la salinité du Rhin en y déversant des déchets industriels sous forme de sels résiduaires. Aussi, une action en réparation des préjudices causés aux plantes avait été intentée devant le Tribunal de Rotterdam. En application de l’article 5, 3° de la convention de Bruxelles I, ledit tribunal s’était déclaré incompétent. Une telle demande relevait du tribunal français dans le ressort duquel le déversement litigieux avait eu lieu.
Saisi de l’appel, le Gerechtshof de La Haye a interrogé la Cour de justice : « Les mots
« lieu où le fait dommageable s’est produit » […] doivent-ils être entendus en ce sens qu’ils visent « le lieu où le fait du dommage s’est produit (le lieu où le dommage est survenu ou s’est manifesté) » ou plutôt « le lieu où a été commis le fait qui a eu le dommage pour conséquence (le lieu où l’acte a été accompli ou n’a pas été accompli) » ? ».
Les observations des gouvernements intervenants, de l’avocat général et de la Commission consistaient en une diverses solutions possibles entre lesquelles la Cour a dû trancher : lieu du fait générateur du dommage pour la société Mines de Potasse d’Alsace soutenue par le gouvernement français, lieu où le dommage dont il est demandé réparation s’est produit pour l’avocat général, « lieu où est situé le centre de gravité de la sphère juridique de l’acte délictueux » pour la Commission. Le gouvernement néerlandais suggérait une option ouverte au demandeur entre le juge du lieu du fait générateur et celui du lieu où le dommage s’est réalisé. La Cour devait trancher en faveur de cette dernière solution.
La Cour de justice constate que eu égard au rapport étroit entre les éléments constitutifs de toute responsabilité, choisir entre l’un des deux points de rattachement (lieu du fait générateur et lieu où le dommage s’est réalisé) à l’exclusion de l’autre ne s’impose pas. En effet, selon les circonstances, chacun d’eux peut fournir une indication spécifiquement utile du point de vue de la preuve et de l’organisation du procès.
D’une part, « l’option pour le seul lieu de l’événement causal aurait pour effet d’amener, dans un nombre appréciable de cas, une confusion entre les chefs de compétence prévus par les articles 2 et 5, 3°, de la convention, de manière que cette dernière disposition perdrait pour autant son effet utile[17] ». D’autre part, « l’option pour le seul lieu où le dommage a été matérialisé aurait pour effet d’exclure, dans les cas où le lieu de l’événement causal ne coïncide pas avec le domicile de la personne responsable, une connexion utile avec la compétence d’une juridiction particulièrement proche de la cause du dommage[18] ».
Effectivement, choisir de manière exclusive entre les deux points de rattachement aurait été convenable si l’article 5, 3° visait une seule catégorie de préjudices. Cependant, la Cour fait une objection : « par sa formule compréhensive, l’article 5, 3° de la convention (de Bruxelles I) englobe une grande diversité de types de responsabilité[19] ».
Par ailleurs, elle observe que le droit des Etats membres de la Communauté donne une place « bien que par des techniques juridiques diverses, à l’un et à l’autre des deux critères de rattachement envisagés et ceci, dans plusieurs États, à titre cumulatif[20] ». C’est dans cette perspective que la Cour a pu dire, pour droit que « l’expression « lieu où le fait dommageable s’est produit » […] doit être entendue en ce sens qu’elle vise à la fois le lieu où le dommage est survenu et le lieu de l’événement causal. Il en résulte que le défendeur peut être attrait, au choix du demandeur, devant le tribunal soit du lieu où le dommage est survenu, soit du lieu de l’événement causal qui est à l’origine de ce dommage ».
Il découle de ce qui vient de précéder qu’il ressort de la décision de la Cour une règle de compétence identique de celle prévue par l’article 46 du Code de procédure civile aux termes duquel : « le demandeur peut saisir à son choix, outre la juridiction du lieu où demeure le défendeur : […] – en matière délictuelle, la juridiction du lieu du fait dommageable ou celle dans le ressort de laquelle le dommage a été subit ».
Section II. – Portée de la distinction
Le choix entre l’Etat du lieu du préjudice et celui du lieu du fait générateur n’est pas sans conséquence sur l’étendue de la réparation.
De prime abord, il est à rappeler que la règle de compétence spéciale ne peut être appliquée que si elle aboutit à désigner un tribunal compétent d’un Etat autre que celui du domicile du défendeur. Bien que l’article 5, 3° édicte une règle de compétence spéciale, la Cour de justice de la communauté européenne a ainsi été amenée à établir des critères de distinction entre les Etats concernés par le fait préjudiciable.
Il en est ainsi dans une affaire dans laquelle une plaignante domiciliée en Angleterre avait attrait devant la High Court de Londres, pour diffamation, les éditeurs du journal France Soir, journal diffusé principalement en France, un tout petit nombre d’exemplaires étant distribué au Royaume-Uni. Saisie par la Chambre des Lords de diverses questions préjudicielles, la Cour de justice a affirmé qu’« en cas de diffamation au moyen d’un article de presse diffusé dans plusieurs États contractants, l’expression « lieu où le fait dommageable s’est produit » doit être interprétée en ce sens que la victime peut intenter contre l’éditeur une action en réparation soit devant les juridictions de l’État contractant du lieu d’établissement de l’éditeur de la publication diffamatoire, compétentes pour réparer l’intégralité des dommages résultant de la diffamation, soit devant les juridictions de chaque État contractant dans lequel la publication a été diffusée et où la victime prétend avoir subi une atteinte à sa réputation, compétentes pour connaître des seuls dommages causés dans l’État de la juridiction saisie[21] ».
Pour la Cour, « dans l’hypothèse d’une diffamation au moyen d’un article de presse diffusé sur le territoire de plusieurs États contractants, le lieu de l’événement causal […] ne peut être que le lieu d’établissement de l’éditeur de la publication litigieuse, en tant qu’il constitue le lieu d’origine du fait dommageable, à partir duquel la diffamation a été exprimée et mise en circulation[22] ».
Par conséquent, le lieu de diffusion des publications diffamatoires n’est pas le lieu du fait générateur, mais celui du préjudice subi, ce qui implique une limitation de la compétence du tribunal de ce lieu.
Toutefois, la compétence de la juridiction du lieu de diffusion n’est pas limitée aux seuls dommages subis dans le ressort du tribunal saisi, mais elle s’étend à l’ensemble du préjudice subi dans l’Etat de ce tribunal. En revanche, cette compétence ne s’étend pas au dommage subi dans d’autres Etats liés[23].
Section III. – Spécificité du préjudice subi par internet
De nombreuses juridictions sont saisies de demandes en réparation de dommages occasionnés par la diffusion d’informations et de publicités sur la Toile. La diffusion de ces informations est beaucoup plus large que celle qui peut être faite par voie de presse. Aussi, il importe de faire une certaine adaptation des principes posés en matière de préjudice résultant d’une diffusion par voie de presse.
À titre d’illustration, on peut citer une décision, rendue dans le cadre de la convention de Lugano, qui a déclaré les juridictions suédoises incompétentes pour connaître de la demande en réparation formée par le titulaire des droits d’auteur d’une photographie, protégée en Suède, qui avait été diffusée par voie de presse en Norvège, mais non en Suède, tandis que les mêmes juridictions étaient déclarées compétentes, en revanche, sur le fondement de l’article 5, 3°, de la convention, pour connaître de la demande relative à la diffusion de cette photographie sur internet, dès lors que cette publication sur internet rendait la photo accessible en Suède et produisait, par conséquent, un dommage direct en Suède[24]. La question qui se pose, néanmoins, est de savoir à quelles conditions il est possible de considérer qu’un dommage est subi par internet sur le territoire d’un État lié : suffit-il que le site soit accessible aux internautes de cet État, où faut-il que l’auteur du dommage dirige volontairement la diffusion de ses informations vers les internautes de cet État ?
L’Oberster Gerichtshof a considéré que le dommage causé par la diffusion sur internet de publicités impliquant une violation des règles sur la concurrence et sur l’autorisation d’exercer l’activité bancaire, commise par une société suisse, avait été subi en tout lieu où le site internet incriminé pouvait être consulté, c’est-à-dire non seulement en Suisse, lieu du marché financier, mais également en Autriche. Les publicités étant susceptibles d’être consultées en tout point du territoire autrichien, toutes les juridictions autrichiennes avaient une égale compétence territoriale pour connaître de la demande en réparation, sans qu’il y ait lieu de tenir compte des règles de compétence de droit interne[25].
À la différence de la décision précitée, l’Oberlandesgericht de Munich a considéré qu’il ne suffisait pas, pour que les juridictions allemandes soient compétentes au titre du dommage subi en raison d’atteintes à la concurrence causées par internet, que les informations soient accessibles sur le territoire allemand. Il fallait que l’auteur ait eu l’intention de les rendre accessibles sur le territoire allemand[26].
Observons, cependant, que, sous réserve du droit moral de l’auteur dans l’affaire jugée en Suède évoquée ci-dessus, les diverses décisions précitées, quelle que soit l’approche retenue quant à la diffusion d’informations sur internet, concernaient des préjudices de caractère essentiellement patrimonial.
Quid cependant de la jurisprudence française en la matière ? L’hésitation des juridictions nationales est patente, comme en témoigne l’évolution de la jurisprudence de la Cour de cassation française, qui a d’abord retenu le seul critère de l’accessibilité puis exigé, dans des arrêts plus récents, que les diffusions litigieuses soient destinées au public en France.
PARTIE I. – LES CRITERES DE COMPETENCE DES JURIDICTIONS FRANCAISES EN MATIERE DE CYBER-DELIT
Dans quelles conditions le préjudice peut‐il être considéré comme ayant été subi en France ? Condition sine qua non de la compétence des juridictions françaises, c’est avant tout à ce propos que juges du fond et Cour de cassation ont été amenés à répondre à cette question. On constate alors que la jurisprudence française est aujourd’hui marquée en la matière par l’opposition entre la première chambre civile et la chambre commerciale qui n’ont pas retenu le même critère : à celui, libéral, de l’accessibilité du site choisi par la première chambre civile s’oppose à celui, beaucoup plus strict et plus réaliste, de la disponibilité des produits pour lequel a opté la chambre commerciale.
Cependant, avant d’entrer dans le vif du sujet, il ne semble pas inopportun de faire un petit rappel afférent à la difficulté d’interprétation qu’a suscitée la détermination du « le lieu où le fait dommageable s’est produit ».
CHAPITRE I. – L’ACCESSIBILITE DU SITE EN FRANCE : CRITERE NECESSAIRE MAIS INSUFFISANT
Section I. – L’arrêt de la chambre civile de la cour de cassation an date du 09 avril 2003
Lorsqu’une action en responsabilité extracontractuelle est intentée en France contre un défendeur domicilié à l’étranger pour des faits accomplis à l’étranger, seule la réalisation du dommage en France permet de fonder la compétence du juge français. S’agissant des délits commis en ligne, la question se pose toutefois de savoir si le préjudice pouvait être localisé en France à la seule condition que le site litigieux y soit accessible. Dans le fameux arrêt Cristal, la première chambre civile avait répondu par l’affirmative[27].
Les faits de l’affaire soumise à la Cour de cassation opposaient la société Louis Roederer, producteur et négociant de vins de champagne réputée, à un producteur espagnol de vins mousseux, la société espagnole Castelleblanch. Titulaire en France de la marque « Cristal », la société Louis Roederer reprochait à la société espagnole de présenter sur son site Internet des vins sous une marque homonyme. La société Louis Roederer assigne en contrefaçon de sa marque française « Cristal » la société espagnole Castelleblanch en mettant en évidence le fait que le site de la défenderesse, accessible par définition sur le territoire français, présente ses produits sous la marque alléguée de contrefaçon.
La demanderesse fondait la compétence des juridictions françaises sur l’article 5, 3° de la Convention de Saint-Sébastien du 26 mai 1989 laquelle rend applicable à l’Espagne la Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 concernant la compétence judiciaire et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale[28].
L’article 5, 3° en question prévoit qu’en matière délictuelle « le défendeur domicilié sur le territoire d’un État contractant peut être attrait, dans un autre État contractant […] devant le tribunal du lieu où le fait dommageable s’est produit ». La défenderesse soulevait l’incompétence du tribunal français au profit des juridictions espagnoles au motif que « l’événement causal à l’origine du litige s’était produit en Espagne et que l’accessibilité théorique de son site Internet en France était une circonstance insuffisante pour caractériser un dommage subi en France ».
La défenderesse s’appuyait ce faisant sur la jurisprudence constante de la Cour de Justice des Communautés européennes, selon laquelle « le lieu où le fait dommageable s’est produit» vise à la fois le lieu de l’événement causal et le lieu où le dommage est survenu[29].
Saisie sur un contredit de compétence formé par la société espagnole, le Tribunal, puis la Cour de Reims, ont jugé que ces circonstances factuelles n’affectaient nullement leur compétence. En appel, la Cour de Reims a notamment estimé que « la distinction entre un site actif et un site passif […] n’a pas de conséquence sur la compétence juridictionnelle ratione loci en matière délictuelle, celle-ci dépendant du lieu du fait dommageable [et que] la question des difficultés pratiques de connexion d’un internaute français sur le site de la société Castellblanch SA qualifié de passif, sera tranchée sur le fond en ce qu’elle conditionnera l’étendue du dommage éventuellement subi […] ».
La Cour de cassation approuve cette solution et énonce qu’« en admettant la compétence des juridictions françaises pour connaître de la prévention et de la réparation de dommages subis en France du fait de l’exploitation d’un site internet en Espagne, la Cour d’appel qui a constaté que ce site, fût-il passif, était accessible sur le territoire français, de sorte que le préjudice allégué du seul fait de cette diffusion n’était ni virtuel ni éventuel, a légalement justifié sa décision ».
Section II. – Analyse du critère d’accessibilité du site
Dans l’arrêt ici rapporté, la société espagnole soutenait que son site internet étant destiné à une clientèle locale, avait un caractère passif rendant les juridictions françaises incompétentes. Cette argumentation s’inspirait de la jurisprudence de certains juges du fond français qui à l’instar des juges américains refusaient de statuer sur des litiges en matière de contrefaçon considérant que le seul fait que le site internet du défendeur pouvait être consulté dans leur ressort constituait un élément de rattachement insuffisant pour fonder leur compétence.
Aux États-Unis, après s’être déclarés compétents à l’égard de sociétés disposant de sites internet passifs, les juges ont retenu une nouvelle approche exigeant un minimum d’activités dirigées vers leur ressort de compétence et non une simple accessibilité théorique à un site web[30]. L’affaire dite « Blue note[31] » a été en 1996 le précurseur de cette évolution. Des juges new-yorkais se sont estimés compétents pour connaître de l’action en contrefaçon intentée par un cabaret de jazz situé à New York appelé « Blue note » contre un autre club installé à Columbia dans le Missouri portant le même nom et dont la promotion était assurée à l’aide d’un site internet. Les juges ont constaté que le site web avait un caractère passif dans la mesure où il se limitait à la fourniture d’informations sur le club et ne permettait pas l’acquisition de billets qui devaient être retirés sur place. L’activité promotionnelle n’était donc pas dirigée vers l’État saisi de l’action en contrefaçon.
En 1997, les juridictions de Pennsylvanie s’inspirant de la solution adoptée par les juges new-yorkais ont indiqué lors de l’examen de l’affaire « Zippo » que la compétence juridictionnelle dépendait de l’examen du degré d’interactivité et de la nature commerciale de l’échange d’informations réalisé au moyen du site web. Le litige opposait une société située en Pennsylvanie fabriquant des briquets de marque « Zippo » et une société californienne qui utilisait le nom de domaine « Zippo.com » pour l’exploitation d’un site internet donnant l’accès aux abonnés à des forums de discussion. La souscription d’un abonnement impliquait de remplir un formulaire en ligne et de transmettre son numéro de carte de paiement par internet ou par téléphone. Des abonnements ayant été vendus à environ 3 000 résidents de l’État de Pennsylvanie, les juges saisis ont admis leur compétence en raison des contacts suffisants du défendeur avec le for.
Le critère dégagé par la jurisprudence américaine de « activité dirigée » vers le pays où l’action est intentée a été repris par certains juges européens[32]. En France, des décisions de juges du fond y ont fait référence.
Dans l’arrêt Cristal, la première chambre civile de la Cour de cassation a refusé de suivre une telle approche en matière de compétence délictuelle bien qu’elle ait été retenue dans le domaine de la compétence contractuelle par le règlement no44/2001 du 22 décembre 2000. L’article 15 du règlement de Bruxelles I prévoit des règles de compétence spécifiques pour les contrats conclus par un consommateur avec un professionnel qui, par « tout moyen », dirige ses activités commerciales vers l’État membre sur le territoire duquel le consommateur a son domicile[33].
Le critère d’« accessibilité du site » n’est pas à l’abri des critiques et ce en raison principalement de sa vacuité : quel peut bien en effet en être la portée alors que, par hypothèse, il sera toujours rempli puisque c’est le propre du web que d’être consultable en tout point de la planète et sans restriction en France ?
Bien avant l’arrêt du 9 avril 2003, l’inadéquation du seul critère d’accessibilité a déjà été dénoncé par des auteurs tels que Charles de Haas[34] ou José Monteiro. Ce dernier affirmait ainsi, dès 1997, que « la compétence juridictionnelle à l’égard d’un site Internet ne peut être fondée sur la simple possibilité, par une personne située dans son ressort, d’accéder à ce site, ni même d’en télécharger des données et de les sauvegarder sur son propre ordinateur. Tous les tribunaux appliquant une règle aussi rudimentaire se déclareraient compétents à l’égard de l’ensemble des sites internet, ce qui ne serait pas conforme aux principes généraux du droit international privé[35] ».
La conséquence inévitable est que l’exploitant d’un site internet pourra être attrait devant les juridictions de tous les pays où la connexion au réseau est possible. Ce à quoi les premiers répliquent qu’il ne peut que s’y attendre puisqu’il est le premier à savoir que son site est consultable dans le monde entier. De plus, profitant économiquement des possibilités démultipliées de commercialisation qu’offre le web, il doit accepter en retour de subir les inconvénients intrinsèques à ce média.
On peut cependant répliquer qu’une compétence juridictionnelle française trop largement entendue est, d’une part, contraire à l’objectif de prévisibilité qui irradie l’ensemble du droit international privé communautaire et notamment le règlement « Bruxelles I », et ne peut, d’autre part, que faire obstacle à la reconnaissance des jugements français à l’étranger (hors Union européenne du moins). La compétence de nos juges, loin d’avoir été circonscrite par l’adoption du critère de l’accessibilité, est en effet à l’inverse déclarée universelle en matière de cyber-délits, même s’il ne s’agit alors pour eux de ne statuer que sur le seul préjudice prétendument subi en France.
Par cette décision de 2003, la première chambre civile n’a donc vraisemblablement pas su résoudre le problème central posé par les délits commis sur internet : comment contrôler ce qui circule sur la Toile afin qu’elle ne devienne pas un lieu de non‐droit où règne l’impunité sans pour autant la soumettre à une réglementation nettement plus contraignante que les autres médias par l’intervention de tous les juges du monde ? Il est évidemment nécessaire qu’un droit ou que quelques-uns puissent appréhender les « cybersituations » mais, tout autant qu’il ne peut s’agir de tous les droits. La mesure est en toute chose nécessaire et la Cour de cassation en a sans doute manqué lorsqu’elle a rendu sa décision de 2003.
On comprend alors la résistance des juges du fond qui exigent, pour retenir leur compétence, qu’il existe entre les faits prétendument délictueux et le territoire français « un lien suffisant, substantiel ou significatif[36] », lien établi notamment « lorsque les produits ou services proposés sur [l]e site [ont] été effectivement vendus ou exploités en France ».
Déjà, avant l’arrêt Cristal, une décision en date du 6 mai 2003, rendue par la Cour d’appel d’Orléans, concernait une action intentée par des sociétés françaises contre une société dont le siège était en Inde[37]. Pour se déclarer compétente, en application de l’article 46 du Nouveau Code de procédure civile, la Cour s’était basée non seulement sur l’accessibilité du site web de la société indienne, où figurait son catalogue, mais aussi sur le fait « que sa consultation donne toutes indications utiles pour des achats à partir de la France et permet même une commande directe, un bon de commande étant téléchargeable ». Autrement dit, les juges avaient veillé à justifier la compétence du tribunal français en tenant compte du caractère « actif » du site, qui était ciblé, dirigé ou focalisé délibérément par l’opérateur vers le public français[38]. Avec l’arrêt Cristal, on pouvait penser qu’une telle approche était battue en brèche.
Ce n’est pas l’impression qu’un arrêt du 9 mars 2004, rendu par la Cour d’appel d’Angers[39] produit. Pour confirmer la compétence du Tribunal d’Angers, la Cour commence par préciser d’abord que la société allemande défenderesse commercialise ses produits à l’aide de son site Internet, « ce qui permet à tous les internautes, quel que soit leur domicile, de s’y connecter et de commander ses produits en ligne. Le préjudice est ainsi subi [par la société française demanderesse] en tout lieu où ces informations ont été mises à la disposition des utilisateurs du site et donc à Angers[40] ». Elle insiste ensuite sur le fait que, même si le site est en langue allemande, il présente des photographies des modèles des produits et les prix en euros, ce qui permet, dit-elle, à « tous les internautes, même non germanophones, de comprendre et d’utiliser les informations essentielles mises à leur disposition ». La compétence française ne se justifie donc pas seulement par l’accessibilité du site sur le territoire national.
Il faut surtout mentionner une décision de la Cour d’appel de Paris, en date du 26 avril 2006, plus nettement en rupture avec l’arrêt Cristal, d’autant qu’il concerne aussi le contentieux de la contrefaçon de marque[41]. Selon cet arrêt, « sauf à vouloir conférer systématiquement, dès lors que les faits ou actes incriminés ont eu pour support technique le réseau Internet, une compétence territoriale aux juridictions françaises, il convient de rechercher et de caractériser, dans chaque cas particulier, un lien suffisant, substantiel ou significatif, entre ces faits ou actes et le dommage allégué ». Pour refuser la compétence du Tribunal de grande instance de Paris[42], la Cour relève que le site litigieux « n’offre aux consommateurs français aucun produit à la vente », qu’il n’est pas allégué que « les produits ou services proposés sur ce site aient été effectivement vendus ou exploités en France » et elle affirme que « la seule reproduction partielle de la marque litigieuse ne saurait caractériser, de ce seul fait, un lien suffisant, substantiel ou significatif, avec le préjudice allégué de nature à permettre au tribunal de retenir sa compétence territoriale ».
CHAPITRE II. – LE CRITERE REALISTE DE LA DISPONIBILITE DES PRODUITS DANS L’HEXAGONE
Section I. – Les contours du critère de la disponibilité des produits dessinés par la chambre commerciale de la haute juridiction
Aussi étonnant que cela puisse paraître de prime abord, le critère de compétence juridictionnelle retenu par la chambre commerciale en matière de cyber-délits a reçu le renfort de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) statuant à propos de la notion d’activité dirigée.
L’affaire tranchée en la matière par la chambre commerciale était emblématique des cyber-délits car, si les incriminations étaient classiques – concurrence déloyale et parasitisme – ces actes étaient commis d’après une technique propre à internet : le « cyber-squatting » qui consiste à enregistrer un nom de domaine correspondant à une marque, avec l’intention de le revendre ensuite à l’ayant droit, ou d’altérer sa visibilité, cette dernière hypothèse étant en cause en l’espèce. Une société Delticom utilisait ainsi, pour commercialiser ses pneus sur internet, les noms de domaine [pneuonline.com], [pneusonline.com] et [pneu‐online.com]. La société Pneus Online Suisse, ayant la même activité, intenta alors une action en concurrence déloyale et parasitaire contre le « cybers-quatter ».
A cette fin, la demanderesse saisit le tribunal de commerce de Lyon dont la compétence est contestée par la société défenderesse. Les juridictions du fond ayant cependant retenu leur compétence, cette dernière forme un pourvoi, rejeté par la chambre commerciale de la Cour de cassation dans un arrêt du 9 mars 2010, approuvant les juges du fond d’avoir retenu leur compétence au double motif de « l’accessibilité [aux] sites pour les internautes français [et] de la disponibilité en France des produits litigieux[43] ».
Le critère de l’accessibilité du site en France, s’il est évidemment nécessaire, n’est donc pas suffisant pour fonder la compétence internationale des juridictions françaises. Selon cette décision du 9 mars 2010, c’est la disponibilité des produits en France qui est le critère déterminant et il est établi lorsque la clientèle française est visée par le site internet litigieux. Ainsi, la Cour de cassation relève‐t‐elle, à la suite des juges du fond, la rédaction en français, pendant plusieurs mois, des pages d’accueil des sites incriminés ainsi que l’existence d’une rubrique de commentaires de satisfaction de la clientèle française, effectivement alimentée par des internautes ; de même, est‐il souligné que, lorsque la société Delticom s’est mise à rédiger les pages d’accueil du site en allemand, la clientèle française avait un accès très aisé au site [123pneus.com], site officiel de cette société en France.
On reconnaît à travers l’énoncé de ces différents éléments d’espèce la méthode du faisceau d’indices qui rappelle la théorie de la focalisation.
Dans l’arrêt rapporté ci-dessus, c’est sans détour que la chambre commerciale reproche à la cour d’appel de ne pas avoir recherché « si les annonces litigieuses étaient destinées au public de France ». On retrouve ici le jeu de la théorie de la focalisation développée par le professeur Olivier Cachard en s’inspirant de l’exemple américain[44].
La focalisation est une méthode d’interprétation qui s’attache à traduire en termes de localisation la volonté de l’opérateur ou l’éditeur d’un site de s’adresser au public de tel ou tel pays : « au lieu de s’attacher à la situation géographique d’une activité, il privilégie la recherche de la volonté des opérateurs. La focalisation désigne une méthode de vérification des conditions d’application d’un texte et non une méthode de rattachement[45] ».
Le point de départ de la réflexion du professeur Cachard était que, pour fonder l’appréhension d’une situation juridique née sur internet par un système juridique, « il [fallait] quelque chose de plus que la seule accessibilité locale des informations illicites […][46] ».
Ce plus devait être le fait que les informations aient été dirigées sciemment vers l’État concerné afin d’en retirer un profit économique. Le problème devient alors probatoire que seule la méthode du faisceau d’indices peut résoudre : ainsi de la langue utilisée ou de la teneur des annonces publicitaires figurant sur le site qui peuvent permettre de déterminer à la clientèle de quel(s) pays les informations sont destinées.
En exigeant que les annonces litigieuses soient destinées au public de France, la chambre commerciale a opté pour une conception plus étroite de la compétence du juge français. Deux remarques peuvent être faites sur les arguments avancés pour y parvenir.
D’une part, on peut se questionner sur la notion de destination. Doit-on entendre une destination objective ou implique-t-elle une volonté d’atteindre un public donné ? Autrement dit, doit-on apprécier d’une manière subjective ou objective le critère de disponibilité ? La première approche implique qu’il faut prouver l’existence d’une volonté du propriétaire du site de cibler le public français. Comme une telle preuve ne peut se faire directement, il importe alors d’établir une présomption d’existence d’une telle volonté. En revanche, la nécessité de la volonté et donc la possibilité de prouver son absence sont exclues en cas d’approche objective du critère. Si la preuve contraire peut être reçue, la question se pose alors de connaître comment la rapporter. Or, la seule façon de battre la preuve objective de la disponibilité des produits faisant présumer sa volonté de diriger son activité vers l’Hexagone serait pour le propriétaire du site d’établir qu’aucune convention n’a été conclue avec des clients français. Cependant, une telle preuve sera vraisemblablement jugée inopérante par les juges puisque l’article 5, 3° du règlement Bruxelles I prévoit la compétence du « Tribunal du lieu où le fait dommageable s’est produit ou risque de se produire ». Dans la mesure où le simple risque de dommage fonde également la compétence juridictionnelle en matière de délit, le fait que, potentiellement, le site litigieux, visant la clientèle française, rend disponibles en France les produits qui y sont proposés, la circonstance qu’au moment de l’action en justice, aucune transaction n’ait eu lieu ne pourra permettre de justifier l’absence d’intervention des juges français. En conséquence, on devrait faire abstraction de la volonté du titulaire du site[47]. Peu importe qu’un opérateur ait eu la volonté ou pas de causer un préjudice dans un État donné ; ce qui compte, c’est qu’il l’ait fait. Qu’on adopte une approche subjective ou objective du critère de la disponibilité, la preuve d’un faisceau d’indices concordants permettant de prouver que la clientèle française a été visée suffira à fonder la compétence des tribunaux français : que la preuve contraire soit irrecevable ou impossible revient à la même pratique. Les arrêts rendus par la chambre commerciale témoignent de ce que les deux approches se rejoignent. Ainsi s’appuie‐t‐elle, pour retenir ou exclure la compétence des juges français, exclusivement sur des éléments objectifs[48], ayant même précisé une fois expressément qu’il était indifférent que l’impact économique sur le public français ait été délibéré ou non[49].
Mais c’est surtout, d’autre part, la référence au « public » de France qui suscite la curiosité. La notion de « public », qui n’est pas une notion juridique, est en effet susceptible de revêtir plusieurs significations. Si l’on se réfère aux différentes définitions qu’en donne le Petit Robert, le public, c’est aussi bien « les gens, la masse de la population » que « l’ensemble des personnes que touche une œuvre (littéraire, artistique, musicale), un spectacle, un média ». Ainsi défini, le public ne se confond donc pas avec la clientèle ou avec les consommateurs[50]. Si c’est exact, c’est le public français dans son ensemble – et non la clientèle d’un marché sectoriel donné – qui doit être ciblé.
En exigeant le ciblage du public de France dans son ensemble, la chambre commerciale en rend la preuve plus difficile. On doit en effet admettre que la clientèle des jeans de marque n’est pas forcément la même que la clientèle des complets trois pièces ou des costumes d’audience. Les instruments de ciblage d’une clientèle donnée ne sont donc pas forcément les mêmes suivant le marché considéré. Ignorant ces subtilités, la chambre commerciale n’en précise pas moins que ce sont les annonces et non le site qui doivent cibler le public français.
- – Instrument de focalisation : les annonces
La question qui se pose est la suivante : pour juger établie la disponibilité des produits en France, il nécessaire de prouver que le public français est précisément visée par le site litigieux ou la seule internationalité de celui-ci, sans exclusion du public français – ainsi d’un site avec une extension géographique en [.com] et rédigé en anglais – suffit à la présumer ?
Adoptant une approche qui paraît résolument pragmatique, la chambre commerciale indique que ce sont les annonces litigieuses et non le site Internet qui les héberge qui doivent être destinées aux internautes français. On retrouve la même formulation dans un arrêt rendu le 13 juillet 2010[51]. La Haute juridiction y a reproché aux juges du fond de ne pas avoir « recherch[é] si les annonces litigieuses étaient destinées au public de France », jugeant donc insuffisants les indices retenus par les juges du fond pour se déclarer compétents. Or, il s’agissait d’une action de la société française LVMH contre notamment la société Google Inc. dont le site était en [.com] et rédigé en anglais. La Cour d’appel s’était jugée compétente du fait de l’accessibilité des sites depuis le territoire national, « dès lors que, d’une part ils reproduisent les produits argués de contrefaçon revêtus des marques en cause et que, d’autre part, il est mis à la disposition des internautes des fonctionnalités de traduction ». Or, ces éléments ont été jugés insuffisants par la chambre commerciale qui exige donc que les juges établissent que le public français est précisément ciblé par le site litigieux pour retenir la compétence des juges nationaux sans que suffise la seule possibilité de l’atteindre parmi d’autres publics potentiels.
On peut avancer que cette position de la chambre commerciale est la seule logique puisque cette formation de la Cour de cassation a adopté le critère de la disponibilité des produits afin d’éviter une compétence universelle des tribunaux français en matière de cyber-délits. L’apprécier par la suite de manière trop libérale serait alors incohérent et rendrait le critère ineffectif.
Il importe cependant de préciser que le critère de la disponibilité des produits se rapproche de celui de l’activité dirigée retenu par le droit international privé de l’Union européenne en matière de contrats de consommation.
Section II. – Le renfort de la cour de justice de l’union européenne
De prime abord, il peut paraître oser de résoudre avec les mêmes principes deux hypothèses que tout oppose. Il y a-t-il de commun entre des différends mettant en cause la responsabilité délictuelle de sociétés commerciales et ceux pouvait surgir de contrats conclus par des consommateurs ? Et pourtant, le rapprochement s’impose.
La notion d’activité dirigée est apparue pour la première fois à l’article 15, 1°, c) du règlement Bruxelles I qui précise que, en matière de contrats conclus par un consommateur, sont en principe compétents les tribunaux du domicile de celui‐ci (art. 16) « lorsque […] le contrat a été conclu avec une personne […] qui, par tout moyen, dirige ses activités[52] vers [l’] État membre » sur le territoire duquel le consommateur a son domicile. Une telle règle a été reprise en matière de conflits de lois à l’article 6, 1°, b) du règlement Rome I[53] pour justifier alors la compétence de la loi de la résidence habituelle du consommateur. Or, si cette notion a été introduite dans ces textes communautaires pour permettre d’étendre la protection des règles de droit international privé aux consommateurs internautes, ce que ne permettaient pas les dispositions précédentes des Conventions de Bruxelles et de Rome, et lors même que le droit international de la responsabilité civile reste encore aujourd’hui relativement indifférent à un éventuel objectif de protection de la victime[54], la notion d’activité dirigée n’en a pas moins été justifiée également en ce qu’elle permettait d’allier cet objectif protecteur avec celui de prévisibilité pour le professionnel des juridictions compétentes et des lois applicables. Rapprochement permis pour les raisons ci‐dessus exposées en matière de cyber-délits : c’est le professionnel qui décide de diriger ses cyber-activités vers tel ou tel pays. Il ne peut dès lors plus être surpris d’y être attrait ou de se voir reprocher de ne pas en avoir respecté la législation impérative.
Il résulte de ce qui vient de précéder qu’il n’existe aucun obstacle intellectuel au rapprochement de ces deux notions d’activité dirigée et de disponibilité des produits.
C’est donc parce que les concepts d’activité dirigée et de disponibilité des produits peuvent être considérés comme très proches, pour ne pas dire identiques, qu’une décision récemment rendue par la CJUE est riche d’enseignements pour la jurisprudence française en matière de cyber-délits : elle y a en effet, pour la première fois, été amenée à préciser les contours du concept d’activité dirigée. C’est en date du 7 décembre 2010 que la CJUE a statué en Grande Chambre sur deux affaires jointes Peter Pammer et Hotel Alpenhof en interprétation émanant de la Haute juridiction autrichienne et concernant la notion d’activité dirigée dans le cadre de l’article 15,1°, du règlement Bruxelles I[55].
Dans la première affaire, un consommateur autrichien avait réservé, à la suite d’une promotion sur le site internet d’une société allemande, un voyage de Trieste en Extrême-Orient sur un navire disposant de nombreux équipements et dont les escales permettaient des excursions. Jugeant la description non conforme à la réalité, il refusa d’embarquer et exigea d’être remboursé. Dans la seconde affaire, un consommateur allemand avait réservé par e-mail des chambres dans un hôtel autrichien après la visite de son site internet. Mécontent des prestations, il quitta les lieux sans régler la note. Dans les deux cas, la compétence des juridictions autrichiennes saisies, dans la première affaire par le consommateur arguant que la société allemande dirigeait son activité vers l’Autriche, son pays de domicile, dans la seconde affaire par l’hôtel, fut contestée. La société allemande excipa notamment de ce qu’elle n’exerçait pas d’activité en Autriche. Le client de l’hôtel estima que sa qualité de consommateur lui valait le privilège de la compétence d’une juridiction de son Etat de domicile prévu par l’article 15, 1°, c), du règlement Bruxelles I, dont l’attribution est conditionnée à l’exercice par le professionnel « d’activités commerciales ou professionnelles dans l’Etat membre sur le territoire duquel le consommateur a son domicile » ou au fait que le professionnel « par tout moyen, dirige [s]es activités vers cet Etat membre ou vers plusieurs Etats, dont cet Etat membre, et que le contrat entre dans le cadre de ces activités ». Les affaires conduisirent l’Oberster Gerichsthof, la plus haute juridiction autrichienne, à saisir la CJUE d’une question préjudicielle similaire. Il s’agissait de savoir si la seule consultation, par le consommateur, du site web de son contractant, conduisait à retenir que celui-ci dirigeait une activité vers un Etat au sens du règlement. A cette question, la Cour a répondu que « la simple accessibilité du site internet du commerçant ou de celui de l’intermédiaire dans l’Etat membre sur le territoire duquel le consommateur est domicilié est insuffisante […] » pour admettre que le professionnel y dirige ses activités.
Cette précision avait au demeurant déjà été donnée dans une déclaration conjointe de la Commission et du Conseil de 2000 à propos de l’article 15 du règlement Bruxelles I. De manière positive, la CJUE précise également que, pour déterminer si le professionnel dirige ses activités vers l’État membre dans lequel le consommateur est domicilié, il faut avoir recours à la technique du faisceau d’indices et indique les circonstances d’espèce qui peuvent être à cet égard considérées comme indifférentes[56] ou, à l’inverse, significatives[57].
Parmi les premières sont citées notamment la langue ou la monnaie couramment employées dans le pays du professionnel. Lors même qu’elles seraient celles également du pays du consommateur, cet indice ne peut être significatif d’une volonté du professionnel de diriger ses activités vers le pays de ce dernier. A contrario, souligne la CJUE, si « le site internet permet aux consommateurs d’utiliser une autre langue ou une autre monnaie que celles [du pays du professionnel], la langue et/ou la monnaie peuvent être prises en considération et constituer un indice permettant de considérer que l’activité du commerçant est dirigée vers d’autres États membres » (point 84). Aussi, peut‐on noter que, conformément à ces indications, la chambre commerciale, dans son arrêt du 9 mars 2010, a pris soin de souligner que c’étaient les sites d’une société allemande qui avaient été rédigés en français.
Parmi les indices pertinents, la CJUE cite, sans exhaustivité précise‐t‐elle[58], « la mention d’itinéraires à partir d’autres États membres pour se rendre où le commerçant est établi, […] l’engagement de dépenses dans un service de référencement sur internet afin de faciliter aux consommateurs domiciliés dans d’autres États membres l’accès au site du commerçant […], l’utilisation d’un nom de domaine de premier niveau autre que celui de l’État membre où le commerçant est établi et la mention d’une clientèle internationale composée de clients domiciliés dans différents États membres[59] », « notamment par la présentation de témoignages de tels clients[60] ». On peut classer parmi cette catégorie d’indices, dans l’affaire tranchée par la chambre commerciale le 9 mars 2010, le lien ménagé aux clients français vers le site officiel en France de la société allemande ainsi que la rubrique de commentaires de satisfaction dûment remplie par des clients français.
PARTIE II. – UNITE OU PLURALITE DE COMPREHENSION DU CHEF DE COMPETENCE DES JURIDICTIONS FRANCAISES EN MATIERE DE CYBER-DELIT
Le critère de disponibilité des produits est‐il applicable à tous les cyber-délits, malgré l’hétérogénéité de cette catégorie en droit international privé ? La question mérite d’être posée car la divergence de jurisprudence précédemment évoquée entre la première chambre civile et la chambre commerciale de la Cour de cassation a parfois été expliquée parce que, en matière de compétence juridictionnelle, ces deux formations n’avaient pas statué dans les mêmes domaines : commission de délits purs et simples (concurrence déloyale) pour la chambre commerciale, protection de droits de propriété intellectuelle (contrefaçon de marques) pour la première chambre civile.
La principale question qui se pose est : la solution à adopter doit‐elle être différente selon les délits commis ?
CHAPITRE I. – DISTINCTION SELON LES DELITS
Section I. – La position de la chambre civile
La question qui se pose est : l’explication de la divergence de solution entre les deux chambres (civile et commerciale) de la Haute juridiction en matière de compétence juridictionnelle en cas de délit commis sur la Toile réside-t-elle dans la particularité de la protection des droits de propriété industrielle qui étaient en cause dans l’arrêt Cristal ?
Une réponse affirmative à cette question paraît devoir s’imposer parce que, si l’atteinte portée à ces droits fait partie, en droit international privé, de la catégorie des délits civils, classification confirmée par le règlement Rome II qui consacre son article 8 au cas d’« atteinte aux droits de propriété intellectuelle », elle ne correspond pas à la véritable nature juridique des droits de propriété intellectuelle[61].
Ceux‐ci font naître en effet un monopole d’exploitation au bénéfice de leur titulaire qui justifierait bien plus leur classification dans le statut réel en tant que droits de propriété à part entière. C’est au demeurant la qualification retenue en droit interne par le Conseil constitutionnel[62].
Or, on le connaît, un acte attentatoire au monopole qui découle du droit de propriété est source de responsabilité en tant que telle, sans que la preuve d’un dommage soit nécessaire, ce qui la différencie de la concurrence déloyale relevant classiquement de l’article 1382 du Code civil[63].
Si la première chambre civile, dans sa décision précitée de 2003, a raisonné en termes de préjudice pour retenir la compétence des tribunaux français, c’est parce que la lettre de l’article 5, 3o, du règlement Bruxelles I l’y contraignait.
Elle a cependant retenue que « le préjudice allégué du seul fait de cette diffusion [sur internet] n’était ni virtuel ni éventuel » car, en matière de droits de propriété, l’atteinte au monopole reconnu par la loi est dommageable en soi.
On comprend dès lors que toute condition supplémentaire qui serait exigée pour reconnaître la compétence internationale des juges français en matière de contrefaçon, telle la disponibilité des produits, aboutirait à une diminution non négligeable de la protection des droits de propriété intellectuelle sur internet car cela reviendrait à exiger du titulaire de la marque qu’il prouve un préjudice autre que la seule atteinte à son monopole d’exploitation pour pouvoir faire sanctionner le contrefacteur[64].
Cependant, si logique qu’apparaisse la position de la première chambre civile, il faut reconnaître cependant qu’elle n’a jamais été celle de la chambre commerciale.
Section II. – La position de la chambre commerciale
Le critère de l’accessibilité du site n’a jamais commandé les solutions prononcées au fond par la chambre commerciale de la Cour de cassation en matière de contrefaçon de marques. Elle a, à l’inverse, toujours exigé pour admettre, dans le cadre de l’application du droit matériel français, que le délit de contrefaçon de marques était constitué en France, que les sites litigieux soient non seulement accessibles mais également et surtout destinés à commercialiser les produits en France[65]. Cette exigence de la disponibilité des produits, a été récemment reprise en 2010 par la chambre commerciale également comme critère de compétence juridictionnelle dans plusieurs affaires portant sur une contrefaçon de marques.
Il en est ainsi dans un arrêt en date du 7 décembre 2010 rendue par la chambre commerciale de la Haute juridiction[66]. En l’espèce, la société Louis Vuitton Malletier (LVM) ayant constaté que l’interrogation de certains moteurs de recherche, à partir de mots-clés reprenant certaines de ses marques avec parfois des fautes d’orthographe, générait l’apparition d’annonces publicitaires renvoyant les internautes vers les sites ebay.fr et ebay.com sur lesquels des objets étaient proposés à la vente, a assigné la société de droit américain eBay Inc et la société de droit suisse eBay international AG (les sociétés eBay) devant le tribunal de grande instance de Paris aux fins de les voir condamnées pour contrefaçon des marques dont elle est titulaire, subsidiairement pour atteinte à la renommée de ses marques ainsi que pour concurrence déloyale et publicité trompeuse. Les sociétés eBay ont soulevé l’incompétence de la juridiction française au profit respectivement des juridictions américaines et suisses mais la Cour de cassation approuva les juges du fond de s’être reconnus compétents, en faisant application du critère de la disponibilité des produits en France appréciée par la méthode du faisceau d’indices. L’arrêt relève qu’il ressort de constats d’huissiers de justice que, lors de la saisie de divers mots-clés (LV, vuitton, vitton) dans la zone de recherche de plusieurs moteurs de recherche (google, yahoo), l’internaute est orienté sur une plate-forme ebay puis sur le site ebay.com et le site ebayexpress.com. Il relève encore que l’ensemble des constatations a été réalisé en France, à Paris et que les liens commerciaux avec des mots-clés en liaison avec les marques de la société LVM dirigent l’utilisateur vers des vendeurs accessibles sur des sites eBay, y compris sur des sites étrangers. Il en déduit que l’internaute français est sollicité par des mots-clés litigieux conduisant à proposer en français et en euros des produits de maroquinerie sur les divers sites de ventes aux enchères d’eBay gérés par les sociétés eBay en cause. Sans doute, ces indices révèlent la volonté des sociétés eBay de viser le public français.
Il découle de ce qui vient de précéder qu’aujourd’hui, il est inutile de chercher à concilier la jurisprudence de la chambre commerciale avec la décision rendue par la première chambre civile le 9 décembre 2003. Elles sont frontalement contraires. La chambre commerciale, à l’inverse de sa consœur, applique aux délits de contrefaçon le même critère de compétence juridictionnelle internationale, celui de la disponibilité des produits. Elle n’a donc pas jugé qu’il faille se contenter de la seule accessibilité du site en France au nom d’une protection efficace des droits de propriété intellectuelle sur internet.
CHAPITRE II. – REQUISITION D’UN LIEN CAUSAL ENTRE LE DOMMAGE ET LE FAIT DANS LEQUEL CE DOMMAGE TROUVE SON ORIGINE
Comme il a été déjà évoqué au tout début de cette étude, le dommage ne se localise pas de la même façon suivant le délit considéré et cela, plus particulièrement encore quand il s’agit de cyber-délits[67]. Le fait est que les intérêts en cause ne se présentent pas tous de la même façon (par exemple le droit de marque est territorial, un droit de la personnalité est plus diffus et le premier a une dimension économique que le second n’a pas ; droits patrimoniaux et droits moraux de l’auteur ne sont pas de la même étoffe) et la détermination de la compétence vis-à-vis des cyber-atteintes que subissent prétendument ces intérêts n’engage pas au même point les valeurs cardinales que sont la « prévisibilité de la compétence », la « bonne administration de la justice » et « l’organisation utile du procès ». Aussi bien, sans verser jusqu’à la casuistique la plus complète (qui oublierait l’exigence de prévisibilité), il serait souhaitable de garder une approche nuancée et d’avoir à l’esprit que les compétences juridictionnelles spéciales se construisent en considération d’un « lien étroit » entre les faits litigieux et le tribunal saisi (ou, comme le dit la cour d’appel de Paris, en considération d’un « lien suffisant, substantiel ou significatif »[68].
Section I. – Ce qu’il en est en matière de contentieux des marques
Dans le domaine du contentieux des marques, le droit jurisprudentiel français garde la position qu’il a depuis quelques années désormais : une juridiction française ne saurait être compétente au motif qu’un préjudice s’est réalisé dans son ressort (ou risque de s’y réaliser) que ‘il est prouvé que les pages internet litigieuses étaient destinées au public de France.
Du moins, c’est ce qui ressort du courant jurisprudentiel de l’année 2012 qui concerne exclusivement, paraît-il, sur l’appréciation de la compétence française vis-à-vis des sociétés eBay.
Aussi, il y aura des cas dans lesquels les propriétaires de marques pourront saisir les tribunaux français compétents, spécifiquement lorsque le site ebay.fr pousse les internautes français à « consulter le site ebay.uk pour élargir leur recherche ou profiter d’opérations commerciales » et qu’il est constaté qu’il y a une « complémentarité » entre les deux sites. Il en est ainsi dans trois décisions rendues par la chambre commerciale de la Cour de cassation en date du 3 mai 2012[69]. Prenons l’arrêt portant le numéro de pourvoi 11-10.505, 481. En l’espèce, la société titulaire des marques « Louis Vuitton », ayant eu connaissance que des annonceurs offraient des produits à la vente, par l’entremise de sites d’enchères en ligne eBay, en utilisant ces marques alors que ces produits n’étaient pas authentiques, a fait assigner, devant le tribunal de commerce de Paris, les sociétés eBay Inc et eBay international AG en paiement de dommages-intérêts en leur reprochant de ne pas s’être assurées que leurs activités ne généraient pas d’actes illicites et d’avoir favorisé des actes de contrefaçon ; les sociétés eBay ont soulevé l’incompétence de la juridiction française. L’arrêt attaqué relève que le site ebay.fr a incité à plusieurs reprises les internautes français à consulter le site ebay.uk pour élargir leurs recherches ou profiter d’opérations commerciales pour réaliser des achats et qu’il existe une complémentarité entre ces deux sites. En l’état de ces constatations et appréciations, la Cour d’appel, qui a fait ressortir que le site ebay.uk s’adressait directement aux internautes français, a légalement justifié sa décision de retenir la compétence des juridictions françaises pour connaître de l’activité de ce site.
A l’inverse de ce qui a été exposé ci-dessus, si l’on ne peut se faire livrer en France que quelques produits annoncés sur le site ebay.com, et cela au prix d’une persévérance opiniâtre (utilisation d’un logiciel d’appoint pour parvenir au site en cause, respect d’instructions formulées en anglais, prix affichés en dollars et mesures en inches…), la démonstration que les annonces étaient destinées au public de France ne sera pas faite, la désinence en .com étant en outre trop peu significative et l’anglais pas encore intelligible par tout un chacun dans notre pays[70]. Sur ce point, les juges du fond ont raffermi leur position. Cependant, les marchandises en cause étant des produits « grand public », il se pourrait encore fort bien que, dans des secteurs plus techniques, l’anglais ou des spécifications étrangères n’aient pas cet effet rebutant[71].
En matière de contrefaçon de marque, la Cour de justice, pour sa part, a rendu un arrêt plutôt laconique et, à première lecture, radical[72]. Le conflit opposait deux concurrents.
Titulaire de la marque Wintersteiger enregistrée en Autriche, l’entreprise autrichienne éponyme produit et commercialise des machines pour l’entretien de skis. Une société allemande, qui vend des accessoires destinés à ces machines, a réservé sans son autorisation le mot-clé « Wintersteiger » dans le cadre du service AdWord exploité par la société Google. Cette réservation est limitée au domaine national de premier niveau allemand du moteur de recherche. Ainsi, lorsqu’un internaute effectue une recherche sur le site de Google Allemagne (« google.de ») en introduisant le terme « Wintersteiger », une annonce publicitaire de l’entreprise allemande s’affiche sur la page de résultat. En revanche, rien de tel ne se produit lorsque le terme est introduit sur un site de Google rattaché à un autre pays, et notamment sur son site autrichien (« google.at »). La société Wintersteiger a attrait la société allemande devant les tribunaux autrichiens afin qu’elle cesse d’utiliser sa marque. Estimant que le site « google.de » ne visait que l’Allemagne, les premiers juges se sont déclarés incompétents. La juridiction d’appel a infirmé sur ce point leur décision. Saisi d’un recours en révision, l’Oberster Gerichsthof a interrogé la Cour de justice. Selon celle-ci, l’article 5, 3°, du règlement Bruxelles I offre au demandeur la possibilité de s’en remettre soit aux juridictions de l’Etat d’enregistrement de la marque, soit aux juridictions du pays où est établi l’annonceur. La société Wintersteiger avait donc le choix entre les tribunaux autrichiens et les tribunaux allemands
L’article 5, 3° du règlement de Bruxelles I autorise toute personne s’estimant victime d’un délit à saisir le tribunal du « lieu où le fait dommageable s’est produit ou risque de se produire ». Depuis l’arrêt Mines de potasse d’Alsace, la Cour de justice considère que l’expression « fait dommageable » vise à la fois le dommage et le fait causal qui est à l’origine de celui-ci, de sorte que si ces deux éléments se produisent en des lieux différents, hypothèse communément qualifiée de délit complexe, le défendeur peut être attrait, au choix du demandeur, devant le juge de l’un ou de l’autre de ces lieux[73]. La Cour a énoncé cette solution à propos d’une pollution transfrontière, mais elle l’a depuis adaptée aux délits de presse dans l’arrêt Fiona Shevill[74], puis à la diffusion en ligne d’informations portant atteinte aux droits de la personnalité dans l’arrêt eDate Advertising et Martinez[75]. Elle se livre à nouveau à cet exercice de transposition dans la décision commentée. Prenant en compte les spécificités du litige, elle définit successivement le lieu de matérialisation du dommage et celui de l’événement causal.
La Cour attribue compétence, au titre de la matérialisation du dommage, aux juridictions de l’Etat membre d’enregistrement de la marque. Le principe de territorialité des droits de propriété industrielle est au cœur de son raisonnement. En vertu de ce principe, une marque n’est protégée que sur le territoire de l’Etat dans lequel elle est enregistrée. Par suite, en cas de contrefaçon, il ne saurait y avoir de dommage en dehors de ce territoire. Evoquant les objectifs de prévisibilité et de bonne administration de la justice, la Cour ajoute que les juridictions de l’Etat d’enregistrement sont les mieux à même d’évaluer s’il est effectivement porté atteinte à la marque nationale protégée. Elle précise, en outre, que ces juridictions sont habilitées à connaître, d’une part, de l’intégralité du dommage causé au titre de cette atteinte et, d’autre part, d’une demande visant à faire cesser celle-ci.
Concernant la définition du lieu de l’évènement causal, La Cour estime que, contrairement au dommage, l’événement causal peut se produire en dehors du territoire de l’Etat dans lequel la marque est enregistrée. Le principe de territorialité des droits de propriété industrielle est donc, ici, dépourvu d’incidence[76]. L’événement causal réside ainsi dans le fait brut qui est à l’origine de la contrefaçon alléguée. Au moment où il intervient, le délit n’est, pour ainsi dire, pas encore consommé. Peu importe, dès lors, qu’il se produise dans un pays où la marque n’est pas protégée.
En l’espèce, deux événements sont à l’origine de l’atteinte prétendue à la marque : d’une part, le choix par l’annonceur suspecté de contrefaçon d’un mot-clé identique à celle-ci, qualifié par la Cour de « déclenchement du processus technique d’affichage » ; d’autre part, l’injection sur le réseau de la publicité utilisant ce mot-clé, c’est-à-dire l’« affichage » lui-même. S’attacher au premier de ces faits conduit à désigner le juge du lieu d’établissement de l’annonceur. Se fonder sur le second implique, en revanche, d’attribuer compétence aux juridictions du pays dans lequel est situé le serveur de la société Google, prestataire du service de référencement. L’arrêt Wintersteiger consacre la première solution. Invoquant l’impératif de prévisibilité, la Cour estime que le lieu où est établi l’annonceur est certain et identifiable pour les deux parties, contrairement au lieu de situation du serveur. La solution est en harmonie avec la jurisprudence antérieure, qui a pratiquement toujours pris en compte, au titre de l’événement causal, le lieu d’établissement du défendeur. S’agissant des délits de presse, l’arrêt Fiona Shevill s’attache ainsi au « lieu d’établissement de l’éditeur de la publication litigieuse ». En matière d’atteintes aux droits de la personnalité sur internet, l’arrêt eDate Advertising et Martinez se réfère au « lieu d’établissement de l’émetteur [des] contenus ». De même, en ce qui concerne la protection des droits de propriété intellectuelle, la Cour de cassation prend traditionnellement en considération le « lieu d’établissement de l’auteur de la contrefaçon », que le délit ait été consommé hors ligne[77] ou en ligne[78]. Interprété de la sorte, le critère de compétence fait donc généralement double emploi avec l’article 2 du règlement Bruxelles I qui, rappelons-le, permet au demandeur de saisir les juridictions de l’Etat du domicile du défendeur.
La question de la portée de cet arrêt se pose avec acuité. Cette décision signe-t-elle la fin de la jurisprudence qui conditionne la compétence des tribunaux d’un pays où une marque est protégée au fait que les pages Internet litigieuses soient destinées au public de ce pays ou aient un impact sur ce public ? Ou bien ne devrait-elle pas être cantonnée au cas où il y a eu réservation de la marque d’autrui en vue de générer des liens commerciaux « sur le site Internet d’un moteur de recherche opérant sous un domaine national de premier niveau », comme le répète encore le dispositif de l’arrêt ?
En d’autres termes, dans une situation telle que celle de l’arrêt Cristal (deux concurrents, titulaires chacun dans son pays d’une marque sur le même signe, le site de l’un – purement passif – étant accessible dans le pays de l’autre), l’appréciation de la bonne administration de la justice, voire de la prévisibilité des compétences, conduirait-elle assurément la Cour de justice à admettre la compétence des tribunaux du pays d’enregistrement de la marque prétendument contrefaite ? Comme, à chaque paragraphe de l’arrêt Wintersteiger où la Cour de justice se prononce sur la localisation du dommage, elle spécifie les circonstances de l’espèce ou les évoque en utilisant l’expression « dans une situation telle que celle au principal[79] », il faudrait sans doute se garder de toute généralisation hâtive.
Section II. – Ce qu’il en est en matière de concurrence déloyale
Assez proche du contentieux de contrefaçon mais sans qu’on puisse recourir aussi facilement à la territorialité, le contentieux de la concurrence déloyale obéit toujours, du moins pour la chambre commerciale de la Cour de cassation, au critère de la destination. Une décision rendue par ladite chambre en date du 20 mars 2012 en est une illustration[80].
En l’espèce, la société Sanofi-Aventis reprochait à un concurrent danois d’avoir dénigré sur Internet le principe actif d’un de ses produits pharmaceutiques. Les juges d’appel avaient justifié la compétence française en se fondant sur deux éléments : d’une part, le fait que le produit pharmaceutique avait reçu une autorisation de mise sur le marché en France ; d’autre part, l’information litigieuse était accessible en France. L’arrêt est cassé pour manque de base légale, la chambre commerciale subordonnant la compétence française au point de savoir si « l’information prétendument dénigrante inscrite sur le site Internet […] était destinée aux internautes français ».
Une fois de plus, la Cour de cassation ne se contente pas de la seule preuve que le demandeur jouit d’un intérêt légitime en France (ici incarné par l’autorisation de mise sur le marché) ; elle requiert que le dommage soit plausible ou, pour le dire autrement, que le potentiel dommageable, en France, de l’information mise en ligne soit établi. Il est évident qu’avec l’arrêt Wintersteiger, une certaine tension s’instaure désormais entre la chambre commerciale et la Cour de justice. Il y a, comme on a voulu le montrer ci-dessus, moyen de faire coexister les deux approches mais, pour en avoir le cœur net, la chambre commerciale pourrait envisager, à la prochaine occasion, d’interroger la Cour de justice.
Section III. – Ce qu’il en est en matière de contrefaçon de droit d’auteur
En matière de contrefaçon de droit d’auteur, c’est chose faite : la Cour de justice a été saisie de deux questions préjudicielles au sujet de la compétence, et c’est la première chambre civile de la Cour de cassation qui formule ces deux questions[81].
Concrètement le requérant, prétendant être l’auteur, le compositeur et l’interprète de 12 chansons enregistrées sur un disque vinyle et indiquant avoir découvert que celles-ci avaient été reproduites sans son autorisation sur un disque compact pressé en Autriche par la société autrichienne Kdg Mediatech AG, puis commercialisé par les sociétés britanniques Crusoe ou Elegy sur différents sites internet accessibles depuis son domicile toulousain, a fait assigner la société autrichienne devant le Tribunal de grande instance de Toulouse aux fins d’obtenir réparation du préjudice subi du fait de la contrefaçon de ses droits d’auteur.
La société défenderesse a soulevé l’incompétence des juridictions françaises. Il reproche à l’arrêt d’appel d’avoir déclaré le Tribunal incompétent pour connaître de ses demandes. Au soutien de son pourvoi, il fait valoir qu’en matière de contrefaçon, le demandeur peut saisir les Tribunaux de l’État dans lequel le défendeur a son domicile ou le Tribunal du lieu où le fait dommageable s’est produit ou risque de se produire, ce dernier lieu étant soit celui où l’auteur de la contrefaçon est établi, soit celui où l’objet de la contrefaçon se trouve diffusé. Aussi, en relevant, pour juger que la contrefaçon invoquée par lui ne relevait pas de la compétence du Tribunal de grande instance de Toulouse, qu’il était indifférent que les contrefaçons aient pu être achetées sur internet en France et que cette juridiction était celle du domicile du demandeur, quand il était essentiel de déterminer, pour statuer sur la compétence des juridictions françaises, si les objets litigieux étaient diffusés sur un site internet accessible en France et avaient pu être vendus dans ce pays, de sorte que le dommage était susceptible de s’y réaliser, voire s’y était d’ores et déjà réalisé, les juges d’appel ont violé l’article 5, 3o, précité.
La Cour de cassation rappelle, tout d’abord, que « l’article 5, point 3, du règlement CE du 22 décembre 2000 (Bruxelles I), concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale, dispose qu’en matière délictuelle ou quasi délictuelle, une personne domiciliée sur le territoire d’un État membre peut être attraite, dans un autre État membre, devant le Tribunal du lieu où le fait dommageable s’est produit ou risque de se produire ».
Elle relève, ensuite, que la CJUE a considéré dans son arrêt Fiona Shevill, que « l’expression “lieu où le fait dommageable s’est produit” doit, en cas de diffamation au moyen d’un article de presse diffusé dans plusieurs États contractants, être interprétée en ce sens que la victime peut intenter contre l’éditeur une action en réparation soit devant les juridictions de l’État contractant du lieu d’établissement de l’éditeur de la publication diffamatoire, compétentes pour réparer l’intégralité des dommages résultant de la diffamation, soit devant les juridictions de chaque État contractant dans lequel la publication a été diffusée et où la victime prétend avoir subi une atteinte à sa réputation, compétentes pour connaître des seuls dommages causés dans l’État de la juridiction saisie ».
Elle relève dans le même sens que saisie notamment de la question de savoir si, pour que le titulaire d’une marque puisse s’opposer à l’offre à la vente, sur une place de marché en ligne, de produits de cette marque non auparavant commercialisés dans l’Espace économique européen, il suffit que l’offre soit destinée à des consommateurs situés sur le territoire couvert par la marque, la Cour a estimé que « la simple accessibilité d’un site internet sur le territoire couvert par la marque ne suffit pas pour conclure que les offres à la vente y affichées sont destinées à des consommateurs situés sur ce territoire […]. Il incombe, par conséquent, aux juridictions nationales d’apprécier au cas par cas s’il existe des indices pertinents pour conclure qu’une offre à la vente, affichée sur une place de marché en ligne accessible sur le territoire couvert par la marque, est destinée à des consommateurs situés sur celui‐ci[82] », se référant expressément, par analogie, à son arrêt Pammer et Hotel Alpenhof[83] concernant l’interprétation de l’article 15, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 44/2001 relatif à la compétence en matière de contrats conclus par les consommateurs.
La Haute Juridiction relève, enfin, que la Cour dans l’arrêt eDate Advertising et Martinez[84] a considéré que « l’article 5, point 3, du règlement (CE) n° 44/2001 doit être interprété en ce sens qu’en cas d’atteinte alléguée aux droits de la personnalité au moyen de contenus mis en ligne sur un site internet, la personne qui s’estime lésée a la faculté de saisir d’une action en responsabilité, au titre de l’intégralité du dommage causé, soit les juridictions de l’État membre du lieu d’établissement de l’émetteur de ces contenus, soit les juridictions de l’État membre dans lequel se trouve le centre de ses intérêts, que cette personne peut également, en lieu et place d’une action en responsabilité au titre de l’intégralité du dommage causé, introduire son action devant les juridictions de chaque État membre sur le territoire duquel un contenu mis en ligne est accessible ou l’a été et que celles‐ci sont compétentes pour connaître du seul dommage causé sur le territoire de l’État membre de la juridiction saisie ».
Dans le même temps, elle relève que « le présent litige présente la particularité de ne correspondre ni à l’hypothèse examinée dans l’arrêt L’Oréal SA e. a. c/ eBay International ni à celle analysée dans l’arrêt eDate Advertising et Martinez, dans la mesure où l’atteinte alléguée résulterait de l’offre en ligne d’un support matériel reproduisant illicitement l’œuvre sur laquelle le demandeur à l’action revendique des droits d’auteur ».
Aussi, la Haute juridiction a-t-elle renvoyé deux questions préjudicielles à la CJUE. La Cour de cassation commence par demander à la juridiction européenne comment apprécier la compétence fondée sur l’article 5, 3° du règlement Bruxelles I à propos d’une atteinte aux droits patrimoniaux au moyen de contenus mis en ligne sur un site Internet : l’accessibilité du site est-elle suffisante pour permettre au juge saisi de statuer sur le seul dommage éventuellement causé sur le territoire du for ou bien faut-il, en outre, que les contenus « soient ou aient été destinés au public situé sur le territoire de cet État membre, ou bien qu’un autre lien de rattachement soit caractérisé ? ». On retrouve là le débat entre accessibilité et destination du site, ménageant même la possibilité d’un troisième terme.
La difficulté, en l’espèce, est que cette question repose sur une situation factuelle qui n’est pas celle du litige au principal puisque les œuvres ne sont pas accessibles directement en ligne. La question apparaît hypothétique et la Cour de justice peut s’estimer en droit de ne pas y répondre[85]. Il restera encore la seconde question, qui réitère la même alternative au cas où il y a « comme en l’espèce, […] l’offre en ligne d’un support matériel [les CD] reproduisant [le] contenu ». À cet égard, on éprouvera tout de même encore quelque inquiétude car le défendeur n’était pas impliqué dans la gestion des sites litigieux (du moins tel que cela ressort de l’arrêt d’appel attaqué) : l’interprétation demandée à la Cour de justice risque donc d’apparaître comme n’ayant « aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal[86] »
Il est inutile de souligner que la décision de la CJUE a été attendue avec le plus grand intérêt.
Dans une décision en date du 3 octobre 2013[87], la CJUE précise que l’article 5, point 3, du règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil, du 22 décembre 2000, donne compétence, en cas d’atteinte alléguée aux droits patrimoniaux d’auteur garantis par l’État membre de la juridiction saisie, à cette juridiction pour connaître d’une action en responsabilité introduite par l’auteur d’une œuvre à l’encontre d’une société établie dans un autre État membre et ayant, dans celui-ci, reproduit cette œuvre sur un support matériel qui est ensuite vendu par des sociétés établies dans un troisième État membre, par l’intermédiaire d’un site Internet accessible également dans le ressort de la juridiction saisie. Cette juridiction n’est toutefois compétente que pour connaître du seul dommage causé sur le territoire de l’État membre dont elle relève.
Aussi, la Cour favorise-t-elle le critère de l’accessibilité. Elle n’a pas été sensible à la prévisibilité de la compétence et à la dimension patrimoniale de la prétention.
Section IV. – Ce qu’il en est en matière de contrats conclus avec les consommateurs
Avec l’arrêt Mühlleitner[88], la Cour de justice apporte une nouvelle pierre à l’édifice de la protection du consommateur transfrontière. On s’en souvient, l’arrêt Pammer et Hotel Alpenhof[89] explicitait la notion d’activité dirigée vers l’État membre du domicile du consommateur, une des conditions requises pour le déclenchement du régime protecteur sur le plan de la compétence juridictionnelle. Selon la Cour de justice, l’activité dirigée nécessite que le professionnel ait « manifesté sa volonté d’établir des relations commerciales avec les consommateurs d’un ou de plusieurs autres États membres, au nombre desquels figure celui sur le territoire duquel le consommateur a son domicile ».
L’arrêt Mühlleitner intervient dans une affaire où cette condition avait finalement été considérée comme remplie mais, en outre, la juridiction suprême autrichienne souhaitait savoir s’il était nécessaire, pour que la protection opère et que la consommatrice, en l’occurrence, puisse saisir le tribunal de son domicile en Autriche, que le contrat litigieux ait été conclu à distance. Le litige au principal opposait une consommatrice autrichienne à un commerçant domicilié en Allemagne, avec lequel elle avait pris contact en vue d’acheter une voiture de marque allemande pour ses besoins privés. Après s’être connectée à une plate‐forme de recherche allemande évoquant l’extension de l’État membre où ce professionnel était établi (« .de »), la consommatrice avait été renvoyée vers une offre de ce dernier, qu’elle avait contacté, au moyen du numéro de téléphone indiqué sur le site Internet, précédé d’un préfixe international. Le véhicule initialement souhaité n’étant plus disponible, un autre lui avait été proposé, dont les caractéristiques lui avaient été ultérieurement détaillées par courriel. Il lui avait encore été précisé que sa nationalité autrichienne ne représentait aucun obstacle à l’acquisition du bien. La consommatrice avait dès lors décidé de se rendre directement en Allemagne pour signer le contrat de vente et prendre immédiatement livraison du véhicule sur lequel elle s’était entendue avec le vendeur. De retour en Autriche, elle découvre cependant que sa récente acquisition est affectée de vices substantiels. Les parties défenderesses refusant de la réparer, l’acheteuse déçue entreprend de saisir la juridiction de son domicile autrichien d’une demande de résolution du contrat, qu’elle soutient avoir conclu en tant que consommatrice avec une entreprise ayant dirigé son activité commerciale ou professionnelle vers l’Autriche, hypothèse couverte par l’article 15, paragraphe 1, c), du règlement Bruxelles I. Mais les défendeurs allemands contestent la qualité de consommatrice de leur cocontractante, ainsi que la compétence des juridictions autrichiennes : le litige devrait, selon eux, être porté devant les juridictions allemandes, dès lors, d’une part, que leur activité n’était pas dirigée vers l’Autriche et, d’autre part, que la demanderesse avait conclu le contrat au siège même de l’entreprise des défendeurs, en Allemagne.
Les doutes relatifs à la qualité de consommatrice sont promptement dissipés devant les juridictions de première instance. Tandis que ces dernières considèrent par ailleurs que les défendeurs n’ont pas dirigé leur activité vers l’État du consommateur, la juridiction suprême autrichienne juge au contraire que ces activités étaient clairement dirigées vers l’Autriche, au sens de l’article 15, paragraphe 1, sous c), du règlement Bruxelles I, eu égard à la possibilité de consulter le site Internet des défendeurs en Autriche, ainsi qu’à l’existence de contacts à distance entre les parties contractantes, par téléphone et par courriels. Si l’Oberster Gerichtshof décide néanmoins de surseoir à statuer et d’adresser une question préjudicielle au juge de l’Union, c’est afin de savoir si la possibilité de saisir les juridictions autrichiennes suppose que le contrat entre le consommateur et le professionnel ait été conclu à distance. L’article 15, paragraphe 1, sous c), du règlement Bruxelles I, qui offre au consommateur la possibilité de saisir les juridictions de son État « lorsque […] le contrat a été conclu avec une personne qui exerce des activités commerciales ou professionnelles dans l’État membre sur le territoire duquel le consommateur a son domicile ou qui, par tout moyen, dirige ces activités vers cet État membre ou vers plusieurs États, dont cet État membre, et que le contrat entre dans le cadre de ces activités », est en effet silencieux quant au lieu de conclusion du contrat.
En l’absence de référence expresse à la conclusion d’un contrat à distance, il est permis de penser qu’un tel contrat ne constitue nullement une condition d’application de l’article 15, paragraphe 1, c) : si le législateur européen avait souhaité limiter le for spécial en matière de droit de la consommation aux contrats conclus à distance, il l’aurait très certainement précisé dans l’article 15 lui‐même. Cette interprétation littérale est cependant perturbée par la déclaration conjointe du Conseil et de la Commission concernant les articles 15 et 73 du règlement 44/2001, laquelle indique explicitement que le contrat doit être conclu à distance, déclaration qui est d’ailleurs reprise au considérant 24 du règlement Rome I. Elle est également troublée par la jurisprudence de la Cour Pammer et Hotel Alpenhof[90], dont les points 86 et 87 pourraient signifier que la mise en œuvre de l’article 15, paragraphe 1, c) dépend de ce que le contrat de consommation ait été conclu à distance. La Cour affirme en effet, s’agissant de la location d’une chambre d’hôtel, que « la circonstance que les clefs sont remises au consommateur et que le paiement est effectué par ce dernier dans l’État membre sur le territoire duquel le commerçant est établi n’empêche pas l’application de [l’article 15, 1°, c)], si la réservation et la confirmation de celle‐ci ont eu lieu à distance, de sorte que le consommateur s’est trouvé contractuellement engagé à distance » (pt. 87). La conclusion d’un contrat à distance comme condition impérative pour la désignation d’un for protecteur est d’ailleurs défendue par la Commission au point 31 de ses observations écrites dans l’affaire Hotel Alpenhof.
Dans l’arrêt Mühlleitner, la Cour exclut cependant que la possibilité pour un consommateur d’assigner, devant les juridictions de son État membre, un commerçant domicilié dans un autre État membre, soit subordonnée à la condition que le contrat ait été conclu à distance. L’interprétation littérale – précédemment évoquée –, la genèse, comme l’interprétation téléologique de l’article 15, paragraphe 1, sous c), conduisent unanimement à cette conclusion. Quant à la genèse et à la finalité de cette disposition – l’une et l’autre pouvant ici être présentées communément –, l’on sait que la protection du consommateur s’est très largement renforcée, au fil des années, en droit international privé des conflits de juridictions.
Sous l’empire de la convention de Bruxelles, seuls étaient initialement concernés par le régime protecteur, les contrats de vente à tempérament d’objets mobiliers corporels et de prêt à tempérament destinés à financer de semblables ventes. La portée de la protection a par la suite été élargie en 1978, lorsque la nouvelle section IV du titre II de la convention fut intitulée « Compétence en matière de contrats conclus par les consommateurs », section maintenue dans le règlement 44/2001. De la convention de Bruxelles au règlement Bruxelles I, les conditions nécessaires pour que les règles protectrices du consommateur puissent être invoquées ont évolué. L’article 13 de la convention de Bruxelles énonçait en effet deux conditions cumulatives : il fallait, d’une part, que la conclusion du contrat ait été précédée, dans l’État du domicile du consommateur, d’une proposition spécialement faite par le professionnel ou d’une publicité et, d’autre part, que le consommateur ait accompli dans cet État les actes nécessaires à la conclusion de ce contrat[91]. Il en découlait, dès lors, que seul le consommateur passif était protégé, c’est à dire, le consommateur « statique, que le professionnel [était] venu solliciter chez lui. Le consommateur actif qui, de son plein gré, est allé contracter à l’étranger, [était] écarté de la protection[92] ».
La nouvelle rédaction de l’article 15, paragraphe 1, c) du règlement est venue, au contraire, élargir les conditions d’application que les contrats de consommation doivent remplir « afin que soit assurée une meilleure protection des consommateurs eu égard aux nouveaux moyens de communication et au développement du commerce électronique[93] ». À dessein, le législateur de l’Union a ainsi remplacé les conditions incombant au professionnel et au consommateur, par des conditions applicables au seul professionnel[94]. Est ainsi supprimée la distinction consommateur passif/consommateur actif, présente, en substance, dans l’article 13 de la convention de Bruxelles, pour laisser place au concept de « consommateur semi-passif[95] », sinon, plus encore, ainsi que le confirme l’arrêt Mühlleitner, le consommateur actif. En l’espèce, en effet, la consommatrice autrichienne était à l’origine des liens contractuels : c’est après avoir consulté le site Internet des défendeurs, dont rien, dans un premier temps, ne laissait entendre qu’ils souhaitaient diriger leur activité vers l’Autriche, que la demanderesse au principal les a contactés. Les défendeurs n’ont fait que très naturellement saisir l’opportunité qui se présentait à eux de nouer une nouvelle relation commerciale, suite à quoi la consommatrice a décidé de se rendre au lieu de leur siège social.
L’arrêt rendu le 6 septembre 2012 vient ainsi directement confirmer la protection du consommateur actif : celui-ci ne saurait être écarté, en raison de son seul comportement, de la protection dont il peut bénéficier en vertu des articles 15 et suivants du règlement 44/2001. En particulier, le fait que le consommateur soit, de son plein gré, allé contracter à l’étranger, est, de ce point de vue, indifférent : seule compte l’activité du professionnel.
La solution répond pleinement aux observations relatives à l’article 15 du règlement et de la convention de Lugano, proposées par le rapport POCAR. Le rapport indique, en effet, que l’applicabilité de l’article 15 « ne dépend pas du lieu où le consommateur agit, ni du lieu où le contrat est conclu, lesquels peuvent se trouver dans un pays autre que celui dans lequel le consommateur est domicilié : seules comptent les activités de l’autre partie, qui doivent être exercées dans l’État où le consommateur a son domicile, ou être dirigées vers cet État, éventuellement par voie électronique ». Dans ces hypothèses, poursuit le rapport, « le consommateur peut saisir les juridictions de son propre domicile […] indépendamment du lieu où le contrat a été conclu […][96] ».
Bien que toute conclusion soit périlleuse et nécessairement partiale, quelques remarques peuvent être faites au terme de tout ce qui vient de précéder.
Quand il est question de la compétence des juridictions françaises en matière de délits commis sur le web, le problème principal réside dans la mise en œuvre de l’article 5, 3° du règlement « Bruxelles I » qui fait dépendre la compétence juridictionnelle en matière délictuelle de la localisation du « lieu où le fait dommageable s’est produit » (sur cette expression, v. supra Chapitre préliminaire). L’application de ce critère de compétence n’a pas manqué de susciter des hésitations, lorsque les juridictions françaises ont été saisies de contentieux suscités par des pratiques illicites empruntant le canal d’internet – typiquement, la vente en ligne de produits contrefaits.
Le premier épisode jurisprudentiel significatif, en la matière, a été l’arrêt Cristal du 9 décembre 2003. Dans cette décision emblématique, la première chambre civile de la Cour de cassation a jugé que la simple accessibilité en France du site incriminé suffisait à fonder la compétence des juridictions françaises, pour réparer la portion du dommage subie sur le territoire français. Comme il a été exposé ci-dessus, cette solution a fait l’objet de critiques : on lui a reproché de faire peu de cas de la dimension internationale inhérente au web qui ignore les frontières et de l’ubiquité des activités qui se développent sur internet. On a également souligné que cette approche, si elle devait se généraliser, déboucherait sur une « universalisation » de la compétence des juridictions de chaque État de sorte que tout individu pourrait se plaindre d’un dommage devant n’importe quelle juridiction du monde. La compétence au titre du dommage subi déboucherait ainsi sur une généralisation du forum shopping. Autant de considérations qui, aux yeux d’une partie de la doctrine, rendaient préférable une approche fondée sur l’idée de « focalisation », consistant à subordonner la compétence des juridictions d’un État à l’existence d’un ciblage de son public national par le site internet en cause.
Cette doctrine n’a pas tardé à influencer certaines juridictions du fond qui ont ouvertement résisté à la jurisprudence Cristal. Surtout, il faut croire que les mérites de la théorie de la focalisation ont convaincu la chambre commerciale, car celle‐ci, par une série d’arrêts récents, l’a très nettement consacré. Selon ces arrêts, la simple accessibilité du site en France ne suffit pas à fonder la compétence des juridictions françaises : il est nécessaire que les produits litigieux soient disponibles en France et, plus significativement encore, que le contenu du site soit destiné au public de France.
Il faut souligner que ce dernier critère va bien au‐delà du premier, tenant à la simple possibilité de passer commande et se faire livrer en France : la compétence des juridictions françaises suppose que le site cible spécifiquement le public français. On a pu s’interroger sur les mérites de la solution, qui fait la part belle à la casuistique et introduit un risque d’impunité préoccupant pour les sites « passe‐partout[97] », c’est‐à‐dire ceux qui ne visent aucun public en particulier et s’adressent concrètement à tous.
Cela dit, il faut reconnaître un atout au critère du ciblage : en dehors de celui qui corrèle la compétence à la simple accessibilité, c’est semble‐t‐il la seule solution concevable en dehors des cas où l’on raisonne sur un produit dont la production ou la diffusion est illicite. On peut maintenant s’interroger sur le devenir de cette jurisprudence. D’abord, il reste à voir si la première chambre civile se ralliera à la chambre commerciale. Ensuite et surtout, il ne faut pas oublier que le dernier mot reviendra à la Cour de justice, qui ne devrait plus tarder à se prononcer sur les modalités d’application de l’article 5, 3°, du règlement Bruxelles I aux cyber-délits.
Celle‐ci a d’ailleurs été saisie de deux questions préjudicielles, l’une comme l’autre posées dans des contentieux relatifs à des atteintes aux droits de la personnalité[98]. Certains voient déjà, il est vrai, les prémices d’une consécration de l’approche en termes de ciblage dans l’important arrêt Pammer-Hotel Alpenhof récemment rendu par la Cour de justice[99]. Il convient cependant de rester prudent, car la Cour ne s’est prononcée dans cet arrêt que sur les modalités d’application de l’article 15, 1°, c), du règlement Bruxelles I, qui délimite le champ d’application des règles de compétence protectrices des consommateurs. Or on a pu faire valoir que les problèmes ne se présentaient pas exactement dans les mêmes termes s’agissant de l’article 5, 3° du règlement[100]. Aussi, une part d’incertitude demeure-t-elle.
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Gaudemet‐Tallon H., Protection de la victime et évolution du droit international privé de la responsabilité délictuelle, Études à la mémoire du professeur B. Oppetit, Litec, 2009 ;
Guiziou G., Conflits de juridictions – Cyber-délits – Article 5-3° du règlement « Bruxelles I ». Conflits de lois – Directive « commerce électronique », JDI janvier 2012, n° 1, 6 ;
Idot L., Contrats conclus par les consommateurs, Europe nov. 2012, comm. 468 ;
Kilgus N., Applicabilité de Bruxelles I même en cas de contrat non conclu à distance, D. actualités, 5 oct. 2012 ;
Lagarde P., Compétence juridictionnelle en matière de délit commis par un organe de presse diffusé dans plusieurs Etats, Rev. crit. DIP 1996, p. 487 ;
Lardeux G., La compétence internationale des tribunaux français en matière de cyberdélits, D. 2010, p. 1183 ;
Malaurie-vignal M., Cyber-délits et compétence juridictionnelle, CCC n° 3, Mars 2011, n° 3, comm. 59 ;
Manara C., Responsabilité des hébergeurs : l’affaire est-elle dans le sac ?, D. 2012, p. 1261 ;
Nourissat C., Utiles précisions sur la notion d’activité dirigée vers l’État membre où le consommateur a son domicile, Procédures 2011, n° 2, comm. 58 ;
Pancrazi M.‐E., D’utiles précisions sur les critères d’appréciation de la « direction d’une activité » vers un État membre, D. 2011, p. 990 ;
Perreau‐Saussine L., Les mal‐aimés du règlement Rome II : les délits commis par voie de média, D. 2008, p. 1647 ;
Treppoz E., De la localisation d’agissements de concurrence déloyale et de contrefaçon accomplis via internet, Rev. cr. DIP 2008, p. 322.
TEXTES JURIDIQUES
Code civil ;
Nouveau Code de procédure civil ;
Règlement (CE) n° 864/2007 du Parlement européen et du Conseil du 11 juillet 2007 sur la loi applicable aux obligations non contractuelles ;
Règlement (CE) no 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale.
AUTRES
12e rapport sur la jurisprudence des tribunaux nationaux relative à la convention de Lugano ;
Rapp. Pocar sur la nouvelle convention de Lugano : Journal Officiel de l’union européenne 23 décembre 2009.
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Section I. – Option entre le lieu du fait générateur et le lieu du dommage. 6
- 1. – L’arrêt de principe.. 6
- 2. – Une conception large du « lieu où le fait dommageable s’est produit ».. 7
Section II. – Portée de la distinction.. 8
Section III. – Spécificité du préjudice subi par internet. 9
- 1. – Jurisprudence suédoise.. 9
- 2. – Jurisprudence autrichienne.. 9
- 3. – Jurisprudence allemande.. 9
PARTIE I. –. LES CRITERES DE COMPETENCE DES JURIDICTIONS FRANCAISES EN MATIERE DE CYBER-DELIT. 11
CHAPITRE I. – L’ACCESSIBILITE DU SITE EN FRANCE : CRITERE NECESSAIRE MAIS INSUFFISANT. 12
Section I. – L’arrêt de la chambre civile de la cour de cassation an date du 09 avril 2003 12
Section II. – Analyse du critère d’accessibilité du site. 13
- 1. – Rejet du critère « activité dirigée » de l’affaire « Zippo ».. 13
- 2. – La compétence dite universelle des juges français. 14
- 3 – La résistance des juges de fond à l’arrêt Cristal 15
CHAPITRE II. – LE CRITERE REALISTE DE LA DISPONIBILITE DES PRODUITS DANS L’HEXAGONE. 17
- 1. – L’arrêt de la chambre commerciale de la Cour de cassation en date du 9 mars 2010 17
- 2. – La théorie de la focalisation.. 18
Section II. – Le renfort de la cour de justice de l’union européenne. 20
- 1. – Rapprochement entre les notions d’activité dirigé et de disponibilité des produits 20
- 2. – Contours du concept d’activité dirigée.. 21
CHAPITRE I. – DISTINCTION SELON LES DELITS. 24
Section I. – La position de la chambre civile. 24
- 1. – Exposé du problème.. 24
- 2. – Les fondements du raisonnement en termes de dommage des juges suprêmes de la chambre civile.. 24
Section II. – La position de la chambre commerciale. 25
Section I. – Ce qu’il en est en matière de contentieux des marques. 27
- – L’arrêt Wintersteiger. 28
- – Analyse de la solution dégagée par la Cour. 29
- – Portée de l’arrêt. 30
Section II. – Ce qu’il en est en matière de concurrence déloyale. 31
Section III. – Ce qu’il en est en matière de contrefaçon de droit d’auteur. 31
- 1. – L’arrêt de la chambre civile de la Cour de cassation en date du 5 avril 2012 31
- 2. – La réponse de la CJUE.. 34
Section IV. – Ce qu’il en est en matière de contrats conclus avec les consommateurs 34
[1] Daburon B., L’ordinateur et internet (Windows 7) – Module 1, 2 et 7 du PCIE, Ed. ENI, 2010 : « Internet […] désigne un ensemble de réseaux informatiques reliés entre eux afin de permettre à de nombreux utilisateurs de communiquer à travers le monde. C’est le plus vaste ensemble de réseaux interconnectés du monde. Internet, contrairement à la plupart des réseaux, est un réseau ouvert : tout le monde peut se connecter afin de profiter de ses services ».
[2] Rép. dr. pén. et proc. pén., Dalloz, avril 1997, n° 1 et suivants : « Dans la classification des infractions, le délit est la catégorie intermédiaire entre les crimes et les contraventions. Les infractions étant classées dans le nouveau code pénal suivant leur gravité (NCP, art. 111-1), les délits correspondent donc à des comportements moins sévèrement réprouvés que les crimes, tout en étant synonymes de délinquance, ce que ne sont pas les contraventions, qui s’analysent quant à elles comme de simples manquements à la discipline sociale. Il s’agit incontestablement des infractions les plus nombreuses, et ce d’autant plus que le nouveau code pénal a porté de 5 à 10 ans le maximum de la durée de la peine d’emprisonnement, ce qui a eu pour effet de correctionnaliser un certain nombre de crimes ».
[3] Un délit est qualifié de complexe quand le fait générateur et le dommage sont dissociés de sorte qu’ils sont localisés dans différents pays, offrant ainsi au demandeur le choix entre la saisine de la juridiction du lieu de l’événement causal et celle du lieu de survenance du dommage. V. Gwendoline Lardeux, Sources extracontractuelles des obligations – détermination de la loi applicable, JCl. civil code, app. art. 1370 a 1386, fasc. 10, n° 52 et suivants.
[4] Règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale.
[5] Règlement (CE) n° 864/2007 du Parlement européen et du Conseil du 11 juillet 2007 sur la loi applicable aux obligations non contractuelles.
[6] Sur les cyber-délits, voir J.‐Cl. Droit international, Fasc. 553‐1, nos 57 et s. ; Bureau D., Muir Watt H., Droit international privé, PUF, coll. « Thémis droit », 2e éd., 2010, tome II, nos 1016 et s. Justifiant le silence du règlement « Rome II » sur ce point, Perreau‐Saussine L., Les mal‐aimés du règlement Rome II : les délits commis par voie de média, D. 2008, p. 1647, spéc. n° 13‐15. De même, Azzi T., Atteintes aux droits de propriété intellectuelle et conflits de lois. De l’utilité de l’article 8 du règlement Rome II, Propr. intell., oct. 2009, p. 324, spéc. p. 336 : « (…) dans un domaine où les évolutions techniques sont permanentes, mieux vaut confier le soin à la jurisprudence de forger des solutions nuancées à partir de règles générales que de figer dans un texte des solutions spéciales qui risquent de s’avérer rapidement dépassées ».
[7] J.-Cl. Droit international préc., n° 20-30.
[8] Dernièrement, pour une position nuancée, V. H. Gaudemet-Tallon, Protection de la victime et évolution du droit international privé de la responsabilité délictuelle, Etudes B. Oppetit, Litec, 2009, p. 261.
[9] Article 5, 3° du règlement Bruxelles I : « Une personne domiciliée sur le territoire d’un État membre peut être attraite, dans un autre État membre : […] en matière délictuelle ou quasi délictuelle, devant le tribunal du lieu où le fait dommageable s’est produit ou risque de se produire ».
[10] Article 46 du Code de procédure civile : « Le demandeur peut saisir à son choix, outre la juridiction du lieu où demeure le défendeur : […] en matière délictuelle, la juridiction du lieu du fait dommageable ou celle dans le ressort de laquelle le dommage a été subi ».
[11] CJCE, 30 nov. 1976, Mines de potasse d’Alsace, n° 21/71, D. 1977. 613, obs. Droz ; Rev. crit. DIP 1976. 1735, concl. Capotorti
[12] V. J.-Cl. Droit international, préc., n° 57 : « La localisation du fait générateur, réalisé au lieu d’émission de l’information, […] se heurte à une double impossibilité. En premier lieu, une impossibilité technique de déterminer de manière générale et abstraite le lieu du fait générateur : doit-il être celui du serveur, du fournisseur d’hébergement ou du fournisseur d’accès ? En second lieu, une impossibilité pratique de localiser les différents acteurs, notamment les serveurs qui peuvent être déplacés quasi instantanément. ».
[13] Cass. com., 20 sept. 2011 et CA Paris, 22 mai 2012 : JDI 2012, n° 3, p. 18, V. Pironon V.
[14] Rapp. Jénard, Journal Officiel des communautés européennes, 5 Mars 1979, v. p. 26.
[15] Rapp. Pocar sur la nouvelle convention de Lugano : Journal Officiel de l’union européenne 23 décembre 2009.
[16] CJCE, 30 nov. 1976, aff. 21/71, SA G.J. Kier et la fondation Rheinwater c/ SA Mines de potasse d’Alsace : Rec. CJCE 1976, p. 1735 ; JDI 1977, p. 728, obs. Huet ; Rev. crit. DIP 1977, p. 563, note P. Bourel ; D. 1977, p. 613, note G.A.L. Droz.
[21] CJCE, 7 mars 1995, aff. C-68/93, Shevill e. a. c/ Press Alliance SA : Rec. CJCE 1995, I, p. 415 ; JDI 1996, p. 543, obs. A. Huet ; Rev. crit. DIP 1996, p. 487, note P. Lagarde ; D. 1996, p. 61, note Parléani.
[23] Cette solution rejoint celle adoptée par les juridictions françaises : v. TGI Paris, 19 juin 1974, sol. impl. : Rev. crit. DIP 1974, p. 699, note P. Lagarde ; CA Paris, 19 mars 1984 et TGI Paris, 30 juin 1984 : Rev. crit. DIP 1985, p. 141, note H. Gaudemet-Tallon.
[24] Svea hovrätt, 4 févr. 2008, M.E. Aktiebolag c/ Hamar Arbeiderblad AS : site Curia, inf. n° 2009/62. V. également 12e rapport sur la jurisprudence des tribunaux nationaux relative à la convention de Lugano, p. 12.
[25] Obserster Gerichtshof, 20 févr. 2008 : site Curia, inf. n° 2009/25. V. également 12e rapport sur la jurisprudence des tribunaux nationaux relative à la convention de Lugano, p. 11.
[26] Oberlandesgericht Munich, 4 févr. 2008 : site Curia, inf. n° 2009/33. V. également 12e rapport sur la jurisprudence des tribunaux nationaux relative à la convention de Lugano, p. 11.
[27] Cass. 1re civ. 9 déc. 2003, n° 01-03.225, SA Castellblanch c/ SA Champagne L. Roederer.
[28] Ledit article a été transposé de manière quasi inchangée à l’article 5.3 du règlement (CE) no 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale : « Une personne domiciliée sur le territoire d’un État membre peut être attraite, dans un autre État membre […] en matière délictuelle ou quasi-délictuelle, devant le tribunal du lieu où le fait dommageable s’est produit ou risque de produire ».
[29] CJCE, 30 nov. 1976, préc.
[30] Sur ce point, v. O. Cachard, La régulation internationale du marché électronique, Bibliothèque de droit privé, T. 365, LGDJ 2002, nos 642 et s.
[31] Bensusan Restaurant corporation c/ King, 937 F. Supp. 295 (SDNY September 9, 1996), décision confirmée en appel par 126 F. 3d. 25 (2nd Circuit 1997).
[32] Sur la jurisprudence allemande, v. la décision de l’Oberlandesgericht de Brème du 17 février 2000, Comm. com. électr. 2000, Act. p. 6.
[33] Sur ce point, v. Ch. Bruneau, Les règles européennes de compétence en matière civile et commerciale, JCP 2001. I. 304, nos 17 et s., spéc. no 20.
[34] Ch. de Haas, L’omnipotence du juge français de la propriété intellectuelle face à l’Internet ou l’histoire d’une incompétence largement ignorée, LPA, 13 nov. 2001, no 226, p. 4.
[35] J. Monteiro, Contrefaçon et autres atteintes aux marques sur internet, Lamy Droit de l’informatique, bulletin no 98, 1997 (H), p. 17. V. également : O. Cachard, Juridiction compétente et loi applicable en matière délictuelle : retour sur la méthode de la focalisation, RLDI, n°63 Supplément, 2010 ; Compétence d’une juridiction française pour connaître de la réparation de dommages subis en France du fait de l’exploitation d’un site internet en Espagne, Rev. Droit int. Privé, 2004, p. 632.
[36] CA Paris, 26 avr. 2006, Comm. com. électr. 2006, comm. 106, Caron C. ; CA Paris, 6 juin 2007, JCP 2007, II, n° 10151, Ancel M.‐É. : « sauf à vouloir conférer systématiquement, dès lors que les faits ou actes incriminés ont pour support technique le réseau internet, une compétence territoriale aux juridictions françaises, il convient de rechercher et de caractériser, dans chaque cas particulier, un lien suffisant, substantiel ou significatif, entre ces faits et actes et le dommage allégué ; compte tenu de l’universalité de ce réseau, appliquer le critère de la simple accessibilité aurait nécessairement pour conséquence d’institutionnaliser la pratique du forum shopping ». Puis, positivement, la Cour décline sa compétence au motif « qu’il ne résulte pas des éléments de la procédure que les sites litigieux ont (…) un impact économique sur le public français ».
[37] CA Orléans, 6 mai 2003, SA Les Jolies Céramiques sans kaolin c/ Sté Mridul Entreprises, Sté Trademark Tiles LTD : Rev. crit. DIP 2004, p. 139, note H. Gaudemet-Tallon.
[38] M. Vivant, Internet, support publicitaire : régulation et déontologie : Gaz. Pal. 1997, 2, doctr. p. 1503.
[39] CA Angers, ch. comm., 9 mars 2004, HSM Schuhmarketing GmbH c/ GEP Industrie.
[40] CA Angers, 9 mars 2004, préc.
[41] CA Paris, 26 avr. 2006, préc.
[42] TGI Paris, 3e ch., 2e sect., 4 févr. 2005 : www.legalis.net/jurisprudence-decision.php3?id_article=1409.
[43] Cass. com., 9 mars 2010, n° 08-16.752
[44] O. Cachard, La régulation internationale du marché électronique, préc.
[46] Bureau D., Muir Watt H., Droit international privé, PUF, coll. Thémis droit, 2e éd., 2010, tome II.
[47] V. également en ce sens, note L. Marino sous Cass. com., 20 sept. 2011, n° 10-16.569 : Gaz. Pal. 2012, 15 févr. 2012, p. 22.
[48] Cass. com., 9 mars 2010, préc., et 7 déc. 2010, n° 09-16.811, Bull. civ. IV, n° 189.
[49] Cass. com., 23 nov. 2010, n° 07‐19543 ; D. 2011, p. 908, Durrande S. ; D. 2011, p. 2440, Bollée S..
[50] Comp. CJUE 12 juill. 2011, aff. C-324/09, L’Oréal SA e. a. c/ eBay International. : recherchant si l’offre à la vente est « destinée aux consommateurs situés sur le territoire couvert par la marque » pour déterminer le champ d’application du droit de l’Union.
[51] Cass. com., 13 juill. 2010, Bull. civ. IV, n° 124 : D. 2010, p. 1966, Tréfigny‐Goy P. ; D. 2011, p. 908, Durrande S. et 1379, Jault-Seseke F.
[52] Si on reprend les termes du fameux arrêt de la Cour de justice de l’union européenne en date du 7 décembre 2010 (CJUE, gr. ch., 7 déc. 2010, Peter Pammer, aff. C-585/08 et Hotel AlpenhoffGmbH, aff. C-144/09), la notion d’activité dirigée implique que le commerçant ait « manifesté sa volonté d’établir des relations commerciales » dans le pays du consommateur » (consid. 75).
[53] Règlement (CE) n° 593/2008 du Parlement européen et du Conseil du 17 juin 2008 sur la loi applicable aux obligations contractuelles.
[54] Gaudemet‐Tallon H., Protection de la victime et évolution du droit international privé de la responsabilité délictuelle, Études à la mémoire du professeur B. Oppetit, Litec, 2009, p. 261.
[55] CJUE, 7 déc. 2010, préc. : D. 2011, p. 908, note Durrande S. p. 974, obs. Poillot, p. 1374, obs. Jault-seseke F ; JCP G 2011, act. 129, note d’Avout L.
[58] Malheureusement en effet, les indices que la CJUE donne comme exemples sont marqués par les circonstances d’espèce des deux affaires qui lui étaient soumises. Si cela paraît de prime abord logique, on pouvait néanmoins s’attendre d’une décision rendue en Grande Chambre qu’elle ait une portée plus générale. Ainsi, d’Avout L., préc.
[61] Ancel M.‐É., Contrefaçon de marque sur un site web : quelle compétence intracommunautaire pour les juges français ?, Mélanges Linant de Bellefonds, Litec, 2007, spéc. nos 5-7.
[62] En ce sens, à propos de la propriété d’une marque, Cons. const., 8 janv. 1991, n° 90‐283 DC, Loi relative à la lutte contre le tabagisme et l’alcoolisme : Rec. p. 11. À propos des droits d’auteur, Cons. const., 27 juill. 2006, n° 2006-540 DC, Loi relative aux droits d’auteur et aux droits voisins dans la société de l’information : Rec. p. 88 ; RTD civ. 2006, p. 791.
[63] Article 1382 du Code civil : « Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ».
[64] V. note Pollaud-Dulian sous CA Paris, 25, sept. 2009, RTD com. 2010, p. 124.
[65] Cass. com., 11 janv. 2005, Bull. civ. IV, n° 8 ; D. 2005, AJ, p. 428, Manara C. ; Cass. com., 10 juill. 2007, Bull. civ. IV, n° 189 ; Rev. crit. DIP 2008, p. 322, Treppoz E.
[66] Cass. com., 7 déc. 2010, préc. V. également : Cass. com., 13 juill. 2010, préc. ; Cass. com. 23 nov. 2010, préc. : incompétence des juges français car les sites en cause étaient destinés aux publics allemand, britannique et canadien de langue anglaise et non « au public de France » et « qu’il ne résult[ait] pas des éléments de la procédure que ces sites aient, de manière délibérée ou non, un impact économique sur le public français ». D’où le rejet du pourvoi formé contre CA Paris, 6 juin 2007, préc.
[67] Cass. com., 20 sept. 2011 et CA Paris, 22 mai 2012 préc. – Adde M.-É. Ancel, Contrefaçon de marque sur un site Web : quelle compétence intracommunautaire pour les tribunaux français ? préc., p. 1 et s., n° 25.
[68] CA Paris, 26 avr. 2006, préc.
[69] Cass. com., 3 mai 2012, n° 11-10.505, 481/482/483 : Comm. com. électr. 2012, comm. 74, obs. Ch. Caron ; D. 2012, p. 1261, obs. C. Manara ; D. 2012, p. 1684, point de vue L. Maugier-Vielpeau ; JCP G 2012, 789, note A. Debet.
[70] CA Paris, 6 déc. 2011, n° 11/09179 ; CA Paris, 22 mai 2012, préc. ; Cass. com., 3 mai 2012, 3 arrêts précités, sur le fondement de l’article 46 du Code de procédure civile.
[71] Rappr. CA Paris, 4e ch., sect. A, 30 janv. 2008, n° 06/14524, Vallourec Mannesman Oil Gas France SAS.
[72] CJUE, 19 avr. 2012, aff. C-523/10, Wintersteiger : RJ com. 2012, p. 30, obs. M.-É. Ancel.
[73] CJCE 30 nov. 1976, aff. 21/76, D. 1977. 614, note G. Droz ; Rev. crit. DIP 1977. 568, note P. Bourel ; JDI 1977. 728, note A. Huet
[75] CJUE, 25 oct. 2011, préc.
[76] Contra, J. Passa, Droit de la propriété industrielle, LGDJ, tome I, 2e éd., 2009, n° 429.
[77] Cass. civ. 1re, 16 juill. 1997, JDI 1998. 136, note A. Huet.
[78] Cass. civ. 1er, 9 déc. 2003, préc.
[79] Arrêt Wintersteiger, : pts 27, 28 et 29.
[80] Cass. com.,20 mars 2012, n° 11-10.600 : Comm. com. électr. 2012, comm. 80, obs. V. Pironon
[81] Cass. civ. 1re, 5 avr. 2012, n° 10-15.890 : JurisData n° 2012-006447 ; l’affaire est enregistrée auprès de la Cour de justice sous le numéro C-170/12.
[82] CJUE, 12 juill. 2011, préc.
[84] CJUE, 25 oct. 2011, préc.
[85] Comp. CJUE, 1er déc. 2011, aff. C-145/10, Painer, pt 59.
[86] Arrêt eDate et Martinez, pt 33.
[87] CJUE, 3 oct. 2013, aff. n° C-170/12
[88] CJUE, 6 sept. 2012, aff.n°C-190/11 : JurisData n° 2012-020019.
[90] CJUE, 7 déc. 2010, préc. ; Nourissat C., Utiles précisions sur la notion d’activité dirigée vers l’État membre où le consommateur a son domicile, Procédures 2011, n° 2, comm. 58 ; Manara C., D. Actualités, 3 janv. 2011 ; Pancrazi M.‐E., D’utiles précisions sur les critères d’appréciation de la « direction d’une activité » vers un État membre, D. 2011, p. 990.
[91] Cf. par ex. CA Colmar, 24 févr. 1999, Rev crit. DIP 2001, p. 135, note Gaudemet‐Tallon H.
[92] Sinay‐Citermann A., La protection de la partie faible en droit international privé, in Mélanges en l’honneur de Paul Lagarde : Le droit international privé : esprit et méthodes, Dalloz, Paris, 2005, pp. 737‐748, spéc. p. 742.
[93] Cf. le point 59 de l’arrêt Pammer et Hotel Alpenhof et le point 38 de l’arrêt Mühlleitner.
[94] Cf. le point 60 de l’arrêt Pammer et Hotel Alpenhof et le point 39 de l’arrêt Mühlleitner.
[95] Fallon et Meeusen, Le commerce électronique, la directive 2000/31/CE et le droit international privé, Rev. crit. DIP 2002, p. 435 et s., spéc. p. 461.
[96] Rapp. Pocar sur la nouvelle convention de Lugano, préc.
[97] d’Avout L., note sous CJUE, 7 déc. 2010, citée supra.
[98] CJUE, 25 oct. 2011, aff. C-509/09 et C-161/10, eDate Advertising
[100] Bollée S., note sous CJUE, 7 déc. 2010, aff. C‐585/08 : D. 2011, p. 2440.
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