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La féminité dans le monde du sport : entre transgression et stigmatisation

INTRODUCTION :

Il aura fallu presque un demi-siècle pour que les propos de madame Simone de Beauvoir dans l’essai philosophique « Le deuxième sexe » de 1949 ne soient plus associés à de la provocation mais seulement à un constat sociologique par notre société. Il aura également fallu autant, sinon plus, de temps pour que soit enfin admise en Sciences Sociales l’idée selon laquelle être une femme ne se résumera et ne résultera plus uniquement de sa nature biologique : fécondante et procréatrice.

En effet, dans sa conception traditionnelle, la féminité était définie comme étant la « mission première de mère et d’épouse » de la femme. Femme qui est alors cantonnée à un rôle éminemment domestique qui consiste en une « mission sociale et familiale » , tandis qu’aux hommes reviennent des rôles plus actifs. Ainsi que le souligne d’ailleurs P. BOURDIEU quand il énonce que « c’est l’action qui fait l’homme » .

Mais cette idée, longtemps établie, est désormais bousculée par la considération selon laquelle féminité et masculinité se définissent à travers le résultat de l’assimilation d’une construction sociale par les individus, au-delà des attributs assignés naturellement aux deux sexes, c’est-à dire au-delà de la simple nature biologique. En empruntant l’idée de madame De Beauvoir , on peut donc affirmer qu’on ne naît pas femme, ou homme, on le devient suivant le processus de socialisation dans lequel on évolue. Cela signifie que la notion de masculinité et de féminité « représente davantage l’effet de processus sociaux qu’un état naturel antérieur à tout » . Ainsi ce qui les détermine c’est d’abord « l’intervention d’autrui dans la vie de l’enfant » dans ses tous premiers pas.

On assiste alors au dépassement des anciennes réalités selon lesquelles les différences entre femme et homme sont surtout basées sur leur nature biologique, conception qui a pourtant été longtemps considérée comme intangibles et immuables. Ce dépassement a eu pour résultat de faire tomber peu à peu les cloisonnements édifiés par la société dans certaines pratiques sociales, et on assiste à une incursion des femmes dans des domaines jusque là réservés aux hommes et réciproquement par l’incursion des hommes dans le domaine des femmes.

Mais est-ce que ces cloisonnements sont réellement tout tombés ?
Comme nous le savons, certaines pratiques sociales ont été pendant longtemps considérées comme exclusivement masculines et pratiquement interdites aux femmes. Ainsi le domaine des études supérieures qui n’ont été accessibles (très difficilement d’ailleurs) aux femmes que vers les années 1871 , ou encore le domaine sportif (qui nous intéresse tout particulièrement dans ce travail). Le sport est généralement considéré comme un domaine réservé aux hommes. Comme le dit si bien madame Catherine LOUVEAU, la pratique du sport consiste à « montrer ou exercer sa force, se livrer à un combat, porter ou recevoir des coups, prendre des risques corporels (…) autant d’attributs que les femmes semblent ne pas pouvoir faire leurs et qui appartiendraient donc, en propre, à la masculinité. » . Or, comme dans le monde du sport, on a encore tendance à garder la conception selon laquelle « c’est l’image qu’elle donne à voir d’elle-même qui fait la femme, comme c’est l’action qui fait l’homme. » , cela peut amener à penser que les « pratiques sportives restent des territoires sexués » peu ouverts aux femmes, et celles qui s’y adonnent opèrent une rupture avec le rôle qui leur est imparti (fécondante et procréatrice) et qu’elles ne peuvent alors que se « masculiniser » .

Et pourtant des études menées dans le cadre de certaines disciplines sportives ont mis clairement en évidence la participation croissante des femmes à des sports habituellement pratiqués par des hommes (et vice-versa). C’est ce que Christine Mennesson évoque lors d’entretiens passées avec des femmes qui ont fait le choix de pratiquer des sports habituellement pratiqués par les hommes : haltérophilie, boxe, football. Elles sont ainsi de plus en plus nombreuses à s’adonner à ces pratiques, et elles commencent de plus en plus tôt, généralement pendant l’adolescence. Cela laisserait à penser que non seulement les femmes ont pu opérer une incursion réussie dans ce domaine resté très masculinisé , mais en plus, elles sont libres dans leur choix et peuvent pratiquer n’importe quel sport.

Il faut cependant remarquer que dans la réalité cela ne se vérifie pas toujours. D’ailleurs les études menées par Madame Mennesson lui ont également permis de démontrer qu’il n’est pas toujours facile pour une femme de trouver sa place dans ce monde historiquement sexué. Selon cette auteure, le modèle de socialisation et les valeurs qui fondent ces valeurs sont « organisés autour de la gestion de la puissance physique, de l’agressivité et de la violence », ils sont « particulièrement exacerbé dans les sports collectifs et les sports de combats », ce qui « ne facilitent pas l’engagement des femmes dans ces disciplines» .
Force est donc de constater que des obstacles persistent et entravent le libre accès des femmes à certains sports jugés trop masculins. On peut également observer le fait que la plupart des femmes qui ont choisi de pratiquer ce genre de sport peuvent éprouver quelques difficultés à s’adapter dans ce monde masculin et à persévérer dans la pratique du sport qu’elles ont choisi.

Il y a plusieurs raisons à cela, et elles sont toutes liées à la conception traditionnelle de la féminité qui relègue la femme à un rôle éloigné de toute activité physique autre que celle qui consiste à s’occuper des siens, une conception qui semble perdurer dans notre société. La première raison est donc que la pratique de sports tels le football, la boxe ou le rugby opère une rupture avec le rôle fécondant et procréateur de la femme. Selon Gertrud Pfister « Depuis les années 1920, un consensus s’est dégagé bien au-delà des cercles médicaux sur le fait que des pratiques appropriées peuvent être favorables aux filles et aux femmes, mais que les sports masculins, l’entraînement intense et les compétitions épuisantes possèdent des effets négatifs sur le corps féminin, notamment sur sa capacité de procréation. » Une autre raison est que la pratique de ce genre de sport par les femmes peut être perçue comme un bouleversement des rapports de pouvoir des sexes. Rapports qui sont encore très à l’avantage du masculin dans le domaine sportif.

Et enfin, cette pratique consacre également une forme de transgression à l’idée de la féminité qui prédomine dans la société post-moderne. Une idée qui est basée sur une image de « grâce et d’esthétique » qui est beaucoup véhiculé par nos médias (notamment dans le domaine du journalisme sportif). Images qui peuvent constituer un frein dans l’épanouissement d’une femme dans la pratique du sport car la met en butte à ce que l’on appelle «la « désirabilité social » . Cela signifie que finalement, les conceptions traditionnelles que l’on croyait définitivement révolues sont en réalité restée « tapie dans l’ombre » , conceptions qui consistent finalement en « des normes d’apparence corporelle » . Apparence qui se verra nécessairement modifiée par la pratique sportive, ce qui constituera une rupture avec cette conception. A plus forte raison dans les sports de combats comme les arts martiaux, et plus précisément dans les sports de contact, comme le judo.

Des interrogations surviennent alors: comment ces femmes vivent-elles la pratique du judo, où le corps est le moyen d’expression privilégié ? Comment vivent-elles cette socialisation sur un territoire masculin, que ce soit pendant et en dehors de la pratique ? Comment les femmes judokates, arrivent-elle à assumer leur féminité tout en s’adonnant au judo? L’adaptation de ces femmes ne portent-elles pas atteinte à leur féminité ? N’enraye-t-elle pas leur féminité ?

Là est l’intérêt de ce travail, il s’agit d’étudier les conséquences de la pratique du judo, sport historiquement constitué par les hommes pour les hommes, sur la conception de la féminité selon les judokates elle-même d’abord, et selon les judokas ensuite. D’étudier la façon qu’elles ont de réagir face à ces définitions et conceptions. Ce qui aidera à comprendre le concept de la féminité et sa place dans le monde du sport.

Pour mener à bien ce travail, il a fallu procéder en deux étapes. Dont la première a consisté à l’étude pratique, c’est-à dire à mener des recherches sur le terrain, auprès des judokates, mais également d’un certain nombre d’hommes. La deuxième partie consistera à rendre compte de cette étude pratique.

Cette deuxième partie a été ventilée en six chapitres distincts. Dont le premier est consacré à la définition de l’objet de la recherche, dans lequel sont développées les raisons qui ont conduit à l’émergence de l’acte d’objectivation, notamment en ce qui concerne les raisons personnelles qui ont poussées à l’étude de ce sujet, ainsi que l’intérêt représenté par le sujet et l’objectif poursuivi dans son étude. Mais également à l’étude de l’acte d’objectivation en vue de préciser le sujet de recherche, d’étudier plus clairement les normes dites traditionnelles de la féminité, puis de la confronter à la définition selon les personnes interviewées et ainsi pouvoir cerner les différente formes de transgression et de stigmatisions vécues par les judokates par rapport à ces normes de féminité.

Nous consacrerons le deuxième chapitre de notre travail à l’étude de la littérature qui aura pour but de nous aider à approfondir l’étude des thèmes sur lesquels ont été basées les études menées sur le terrain. Ainsi, nous aurons à parler de la féminité et de l’évolution de la notion ; du cadre de socialisation dans lequel ont évolué ces femmes (socialisation primaire mais surtout secondaire). Il nous faudra également y étudier la place des femmes dans la pratique sportive, avant de parler des formes de transgression aux « normes sociales » que peut constituer la pratique par les femmes de sports historiquement construits pour les hommes. Et enfin, nous y étudierons les interactions entre ces femmes et le monde dans lequel elles évoluent, autrement dit nous allons étudier l’influence d’une socialisation prolongée dans un monde masculin peut avoir sur les femmes judokates.

Suivant ce cheminement intellectuel, le fait d’étudier le judo, milieu choisit pour effectuer les recherche, dans le troisième chapitre est d’une grande pertinence, dans la mesure où cela aidera à la compréhension de l’ensemble du travail. Ainsi, sera étudié le fonctionnement de ce sport et l’évolution de la pratique, en quoi il est considéré comme constitué au masculin, et cela afin de pouvoir enfin donner plus de lumière sur la place et l’évolution des femmes dans ce sport.

Pour ce qui concerne le chapitre IV, il sera consacré à l’étude de la problématique, qui consistera à effectuer une mise en situation afin de bien se situer par rapport au sujet. Avant de faire une approche théorique qui permettra d’apporter la lumière sur l’état de la question et l’élaboration du problème et cela à travers la définition des concepts et l’étude de leurs variations, et ainsi le problème pourra être formulé plus clairement.

La méthodologie adoptée pour la conduite du travail de recherche sera étudiée dans le chapitre V. Il s’agira de retracer toutes les étapes suivies pour une meilleure compréhension du travail. Nous allons donc définir quel genre de population a été approchée (qui), les sujets qui ont été abordé pendant les entretiens menés avec elles (quoi). Y seront donc étudiés la méthode de recherche adoptée (la méthode qualitative), le choix de la technique d’entretien, et enfin la construction du guide d’entretient.

La dernière étape du travail consistera en une analyse objective de toutes les données recueillies pendant la première phase. Et ce sera notre sixième et dernier chapitre.

PLAN :

Introduction

Chapitre I : l’objet de la recherche

I- Emergence de l’objet de recherche
1. Un rapprochement personnel
2. Objectif de la recherche
3. Intérêt de la recherche

II- Construction de l’acte d’objectivation

Chapitre II : la revue de littérature

I- Nature, sport et domination masculine

1. De la condition des femmes
2. Féminité, masculinité et évolution de la conception
3. Femme et pluriel
4. Sexe, genre et fluctuation entre biologie et culture

II- Nature, sport, importance du processus de socialisation

1. La socialisation au sein d’une structure sociale

a. La socialisation primaire
b. La socialisation secondaire
2. L’interactionnisme symbolique

III- La femme dans le sport

1. La femme dans l’histoire du sport

a. La religion
b. La médecine
c. Les préjugés sur le corps des femmes

2. La femme dans le sport d’aujourd’hui

 

Chapitre II : le judo

I- De la notion du judo

1. Une discipline sportive de combat
2. Un sport constitué au masculin
3. Evolution de la pratique

II- Les femmes en judo

Chapitre IV : la problématique

I- Mise en situation

II- L’approche théorique

Chapitre V : la méthodologie

I- Le choix de la population

II- Le recueil des données

III- Les thèmes adoptés

Chapitre VI : analyse des données

 

 

 

 

 

 

Chapitre I : L’objet de recherche

I. Emergence de l’objet de recherche

Un rapprochement personnel

Depuis de nombreuses années je pratique le judo. C’est une passion qui m’est venue dès l’âge de onze ans. Je me forme à l’enseignement du judo afin d’obtenir mon brevet d’Etat, et parallèlement à mes travaux de recherches en Master 2, je donne des cours dans un club. C’est une situation qui me permet d’établir un lien entre l’étude et la transmission de mes acquis. Un lieu d’observation duquel je peux dégager plus facilement et plus efficacement les liens étroits entre la théorie et la pratique. L’initiation au travail de recherche de l’an passé était une sorte de portrait représentant l’environnement dans lequel j’évolue et correspond à une part de ma vie.

Après lecture de l’étude menée par Madame Catherine Louveau sur l’abandon de la pratique du judo des adolescentes, je me suis interrogée sur les causes de cette désaffection, qui fût l’objet de recherche de mon mémoire de Master 1. C’est un temps révélateur dans le parcours de mon cursus universitaire et qui ouvre des perspectives de connaissances et de compréhensions importantes notamment au travers de la méthode de type empirique employée.

L’objectif poursuivi dans le travail de recherche de cette deuxième année n’est plus seulement de chercher les raisons du désintéressement des femmes en général et des adolescentes en particulier envers le judo. Il s’agit plutôt d’essayer de comprendre comment se fait l’appropriation d’un univers aussi masculin par les femmes ? Le judo est un sport historiquement constitué au masculin, il n’est donc pas étonnant que ce sport soit considéré comme le seul apanage des hommes, ce qui fait de cet univers un univers assurément sexué. Comment dès lors les femmes qui pratiquent ce sport vivent-elles une immersion prolongée dans ce monde masculin ? C’est ce que j’ai voulu mettre au clair dans ce travail, et cela en cherchant à connaître l’avis des femmes qui sont concernées par cette situation à savoir cinq judokates, mais également celui de deux hommes, judokas eux aussi, pour mieux étayer nos explications.

Plusieurs questions se succèdent alors, notamment le rôle assigné au corps dans cette pratique à « tendance masculine » ? Pour quel genre de femme est destinée la pratique du judo, et quelle est la place de la féminité dans cette pratique qui sollicite autant d’effort sur le corps ? La perception et la construction de la féminité dans la pratique du judo est intéressant pour comprendre combien le concept de féminité est complexe et évolutive. Car si le statut de femme tel que traditionnellement admis est mis à l’épreuve par l’environnement et la pratique de ce sport, ce n’est pas forcément le cas de la féminité. En effet, on peut constater que de nouvelles normes de féminité peuvent se créer entre les judokates au sein de leur cercle.

Objectif de la recherche

Le but premier de cette seconde recherche est de d’approfondir le travail déjà effectué en master première année. Le travail de master 1 m’a permis d’apporter, sinon des réponses définitives, du moins des précisions sur les raisons qui poussent une population adolescente à abandonner le judo. Plus particulièrement sur les caractéristiques endogènes de la pratique qui constituent un frein dans la poursuite de la pratique de ce sport.

L’objectif poursuivi dans cette deuxième recherche n’est plus seulement de dégager des indices et constituer des hypothèses, mais de les mettre en rapport avec la réalité, et cela afin de mieux comprendre l’environnement des femmes sportives, des contraintes qu’elles doivent vivre dans la pratique de leur passions et de leurs conséquences sur elles et sur les conceptions qu’elles ont de la féminité.

L’intérêt de la recherche

Ainsi, il s’agira dans cette nouvelle recherche de répondre aux questionnements qui m’ont interpellée quant à un éventuel rapport entre ce sport et la définition de la féminité, sa constitution et ses incidences. Et cela en observant les femmes judokas. Il ne s’agira plus seulement de déterminer les raisons du désintéressement vis-à-vis de ce sport, mais bien d’étudier comment se comportent ces femmes vis-à-vis de la conception de féminité, et de la répercussion de cette conception sur les relations qu’elles entretiennent, non seulement avec les hommes qui pratiquent le même sport qu’elles, autrement dit les judokas, mais également entre elles. Bref, mener des recherches plus en profondeur et étudier la naissance d’une transgression par rapport à une norme préétablie de la féminité, et la stigmatisation qui en résulte.

Si les travaux de recherches effectués pour le mémoire master 1 (et les enquêtes antérieurs déjà établies) m’ont surtout permis de mettre en évidence le fait que de nombreux adolescents abandonnent la pratique du judo. Abandon surtout observé chez les jeunes filles, et cela généralement au bout d’un an ou deux de pratique. Cette année sera surtout destinées à creuser le problème plus en profondeur, d’ailleurs les recherches que j’ai mené jusqu’ici ont permis de dégager certains points intéressant. En effet, il apparaît qu’en fait le nombre de femmes séniors licenciées de la FFJ (Fédération Française du Judo) représente également une faible proportion . Finalement, quelles sont les conditions qui déterminent et justifient la présence de ces femmes dans la pratique du Judo, sport qui est historiquement un domaine masculin ?

II. Construction de l’acte d’objectivation

 

Tout d’abord il faut préciser que le fait d’appartenir à l’environnement étudié représente une très belle opportunité qui permet plus facilement et plus clairement de rendre compte de la réalité. Cependant, il ne faut pas croire que l’issu du travail est acquise à l’initié, car cette appartenance peut ne pas être un atout. Il peut fausser les recherches menées en ce sens que l’initié, très (ou trop) imprégné du milieu peut ne plus pouvoir apporter un regard objectif sur la situation, ce qui aura pour résultat de faire subsister les stéréotypes (les prénotions, E. Durkheim). C’est la raison pour laquelle il est nécessaire, comme l’a résumé G. Bachelard (1965) de raisonner et d’agir dans une démarche scientifique qui se fera en trois temps : d’abord par la rupture qui consiste à rompre avec les préjugés, les « illusions immédiates » (sociologie spontanée). Ensuite par la construction qui relève d’un système conceptuel/théorique organisé. Qui relève donc de références . Et enfin l’ultime étape est la constatation qui consistera à effectuer des observations destinée à vérifier les hypothèses, cette étape devra être consacrée à la vérification des faits dans une réalité concrète .

Lors de ce travail, ce cheminement s’est fait selon le schéma suivant. D’abord l’étude des normes de féminité traditionnelles, conception qui a été ensuite confrontée avec la définition selon nos interviewés, autant les hommes et les femmes d’ailleurs. Le but étant de parvenir à dégager et cerner les formes de transgression et de stigmatisation par rapport à ces normes établies dans l’univers des femmes judokates. Les transgressions et stigmatisations selon les perceptions des femmes, mais également de l’avis des hommes. Il s’agit d’en étudier les manifestations, dans quelle situation et à quel moment.

La question de départ de ce travail de recherche consistait à comprendre dans quelle mesure la rencontre entre les femmes au judo peut conduire à une « labellisation de la féminité » ? Est-ce que cela conduit à la création d’une forme de féminité spéciale aux femmes sportives en générales et plus particulièrement aux judokates ? Dans quelle mesure cette interaction peut donner lieu à des « étiquettes » de ce qu’est la féminité, et à engendrer des jugements ?

D’autres questionnements sociologiques interviennent, notamment sur la nécessité de comparer l’avis des femmes qui pratiquent ce sport sur la notion de féminité avec les normes traditionnellement établies ? Sur les rapports sociaux de sexe engendrés par cette situation (les femmes qui pratiquent des sports pourtant acquis comme réservés aux hommes) ainsi que sur les rapports au corps liés à la féminité ?

 

 

 

 

Chapitre II : la revue de littérature

 

1. Nature, sport et domination masculine

Selon P. Bourdieu, la « soumission » des femmes est inscrite durablement dans les corps et dans les choses sous la forme d’un « système de structure » qui limite les possibilités de pensée et d’action des opprimés . Selon lui, la domination masculine, notamment dans certaines pratiques sociales (comme le sport), désigne à la fois des structures symboliques et matérielles qui instituent l’infériorité des femmes par rapport aux hommes et reproduisent cette situation de domination.

Cet auteur a mené des analyses sur les processus qui mènent à ce que le féminin et le masculin, construits sociaux, soient inévitablement perçus comme production naturelle, ainsi que les effets bien réels de ces processus sur les corps et dans les cerveaux en tant qu’habitus sexué . Selon lui, la « sociodicée masculine » légitime une relation de domination en l’inscrivant dans une nature biologique qui est elle-même une construction sociale neutralisée . La domination est ainsi une contrainte par corps.

Cependant, cette perception est désormais mise à mal par l’un et l’autre sexe, car leurs caractéristiques tendent à converger. Convergence qu’on peut observer notamment sur leur apparence corporelle (notamment quand la morphologie de la femme se modifie peu à peu sous l’effet de la pratique du sport). Ce qui déstabilise la cristallisation des normes sociétales communément admises. On observe alors des changements dans différents domaines sociaux, en effet, la femme est de plus en plus visible sur la scène publique du monde du travail au monde politique, en passant par le monde sportif qui nous intéresse ici.

On s’aperçoit alors que même si l’on part du principe que le modèle sportif est un modèle sur lequel repose la manifestation des identités sexuées, l’attribution des rôles stéréotypés pour les hommes et les femmes, il semble que la domination masculine absolue ne soit plus le concept d’un monde contemporain.

 

a. De la condition des femmes

Au regard de la conception véhiculée par P. BOURDIEU, la réalité féminine ne s’inscrirait qu’au travers du sexe masculin. Cet asservissement (surtout tiré de la notion de patriarcat) a aboutit à de nombreuses revendications, manifestations de la volonté de la femme de s’approprier de nouveaux territoires de pratique, en dehors de ceux que la conception traditionnelle de la « féminité » leur octroi. En effet, selon cette conception, la femme, du fait de son infériorité devant l’homme, serait reléguée aux valeurs traditionnelles de femme-procréatrice ou femme-au-fourneau (mère et épouse). Cependant, au fil de son évolution s’opère dans le statut de la femme un déplacement qui perce les frontières qui ont été longtemps établis entre les sexes. Ainsi faire des études supérieures et pratiquer une activité physique comme le sport leur devient accessibles et défait les règles traditionnelles qui consistent en des privilèges fondés sur le sexe.

C’est surtout l’avènement du féminisme qui a contribué à faire progresser la cause des femmes dans son ensemble : au niveau social, économique, politique. Il a conduit à la réforme des institutions afin qu’homme et femmes soient égaux, malgré toutes leurs différences, devant la loi. Ce qui a permis leur accession à l’éducation, au travail et surtout au vote.

S’en suivent alors d’autres revendications comme celles émises par Simone de Beauvoir en 1949, qui, dans son essai philosophique intitulé « Le deuxième sexe », prône l’égalité par de nouveau rapports de sexe. Elle y étudie le processus de socialisation qui détermine une répartition de rôles sociaux attachés à l’homme et à la femme.

Dans cette perspective, le pilier central des ces revendications sera l’appropriation totale de son corps, en d’autres termes un corps à soi. C’est donc la possibilité de pouvoir disposer entièrement et librement de son corps, notamment par l’adoption d’un moyen de contraception et par le droit à l’avortement. Ainsi comme le fait d’être femme résulte d’une éducation, c’est-à-dire l’intériorisation d’une culture, cela signifie que la femme ne sera plus forcément prédisposée à occuper, de par sa nature, la sphère privée qui concerne spécifiquement les rôles d’épouse et de mère. Cet élan s’est décuplé et, même s’il a quelque peu délaissé le domaine , a permis à une majeure partie de la population féminine de pouvoir avoir accès aux pratiques physiques.

Les arènes de la masculinité sont alors contestées avec ferveur, mais cette contestation semble tout de même se heurter à divers obstacles : « Inégalités sociétales et économiques des individus selon le sexe, pression médicale, scientifique, religieuse et politique confortant l’héritage patriarcal et la différenciation hiérarchisée des rôles masculins et féminins , valorisation de l’immobilité, de la conformité et de l’intime pour elles, de l’action, du progrès et du visible pour eux ».(Thierry Terret, 2004).

Autant d’obstacles qui ne facilitent pas l’incursion des femmes dans le monde du sport de haut niveau, là ou les maîtres mots sont affrontement et rivalité, compétitions et records. Les conceptions traditionnelles qui persistent et l’idée de féminité qu’elles véhiculent ne s’accordent pas facilement avec les « normes masculines » qui prédominent dans le monde du sport. Les femmes qui s’adonnent à la pratique du sport à haut niveau ont alors à affronter les regards et les jugements qui suivent les modifications corporelles engendrées par la pratique et qui ne sont pas toujours conformes aux modèles imposés par la société. Malgré tout, on peut constater que l’usage du sport connaît une expansion favorable pour la femme à partir des années 70, même s’il faut avouer que l’incursion des femmes dans certaines disciplines reste assez timide et quelque peu censurée par notre société .

b. Féminité, masculinité, évolution de la conception

La recherche qui vise à délimiter le féminin du non-féminin entraine inévitablement la considération du masculin. Les interrogations sur les rôles et positions du masculin et du féminin sont liées au temps moderne et à la relation évolutive entre les sexes. Comme l’indique C. Louveau (96), l’histoire des rôles féminins a commencé par celle du corps et de ses fonctions : maternité, sexualité « uniquement sur le corps immobile non pensé comme corps en mouvement, un corps en sport ». Mais des mutations permettent de prendre en considération la femme pour ce quelle est, c’est l’existence pour soi , et non par ce qu’elle devrait être, c’est-à dire conforme aux attentes de la société, attentes à l’image de la conception traditionnelle.

Grâce aux mouvements féministes et la prise en compte de la femme par l’homme, ces dernières décennies ont vu apparaître de nouvelles formes de féminité et de masculinité.

C’est le cas des ces femmes qui s’engagent dans des sports de tradition masculine comme le foot, le rugby, la boxe (C. Mennesson, 2002), ou encore le judo ou dans d’autres pratiques sociales où on ne les attend pas forcément telles que les métiers de guide de haute montagne, les chefs d’entreprise… . Et parallèlement, certains hommes s’adonnent à leur tour à des pratiques dites esthétiques : danse, patinage artistique.

Ainsi, on peut dire que les contours de la féminité et de la masculinité ne sont plus figés, ils fluctuent suivant l’environnement de socialisation de l’individu considéré.

D’un autre côté, quand la femme sportive s’éloigne trop d’une apparence gestuelle, verbale et corporelle telle qu’établie par la société et les média, cela engendre des questionnements en ce qui concerne le corps, l’identité féminine et le socialement acceptable par les deux sexes. Comme le souligne C. Louveau c’est ce qui correspond à la « désirabilité sociale » qu’impose le caractère aliénant des discours publicitaires, des récits journalistiques à propos du corps de la femme. La conquête d’un territoire, le milieu sportif, a priori neutre se voit finalement constituer une pratique sociale sexuée (c’est-à dire réservée à un seul genre) tant la compartimentation est ancrée.

Des obstacles persistent encore car les conceptions traditionnelles n’ont pas encore été éradiquées. Ainsi, comme le révèle C. Louveau, les pratiques « gracieuses » restent prépondérantes dans le choix des femmes mais c’est une propension qui « n’est qu’une construction sociale, qui réglemente les représentations, et les pratiques acceptables du corps, et perpétue la division des rôles » .

Mais malgré ces obstacles la tradition n’est cependant pas immuable. En effet, la délimitation des deux sexes deviennent de moins en moins identifiables car l’un et l’autre s’autorisent un débordement sur les critères initialement établis. C’est ce que révèle l’étude menée par C. Louveau , les résultats attestent la possibilité de pratiquer des sports « d’homme » ou à connotation masculine et adopter conjointement des rôles et des attributs classiquement féminins. On peut considérer que l’inverse est également vrai en ce qui concerne les hommes qui pratiquent des sports « de femme ».

c. Sexe, genre et fluctuation entre biologie et culture

Ces termes renvoient aux définitions du sexe dit biologique et le sexe social et aux rapports qu’ils entretiennent. Le concept de genre est un renversement de modèle impulsé par les études menées sur les femmes, initié notamment par une phrase célèbre de S. De Beauvoir « on ne naît pas femme, on le devient » . La logique du constructivisme social a donc pris le pas sur celle du naturalisme, c’est la marque d’une évolution des critères traditionnellement répartis à chaque sexe.

C’est ce qu’évoque N-C. Mathieu dans un article qui a pour but d’analyser la catégorie de sexe dans la sociologie. Elle entreprend de démontrer qu’à l’instar des catégories d’âges et socioprofessionnelles, celle de sexe doit être analysée par des significations sociales et non biologiques. Ainsi ce sont les rapports sociaux de sexe qui produisent les catégories des sexes et non l’inverse. Mais cette idée admet qu’il y a toujours une composante « naturelle » dans les sexes (sens commun du terme) qui ramène bien souvent ce dernier à la fixité.

C. Guillaumin pour sa part nous décrit un ensemble de pratiques et représentation hiérarchisées du féminin et du masculin dans les mécanismes de pouvoir qui sont marqués par l’idée de nature. Les évolutions nous amène à considérer que le terme genre renvoi d’emblée au « social », (même si on continue de considérer également le naturel comme un fait social et historique). Finalement, le terme genre renvoie à un ensemble de règles implicites et explicites qui régissent les relations inters et intra-sexuées en leurs attribuant des valeurs, des travaux, des responsabilités et obligations distinctes. Ces règles s’appliquent à 3 niveaux : le substrat culturel (normes et valeurs de la société), les institutions (système éducatif et de l’emploi…) et les processus de socialisation, notamment au sein de la famille.

Par opposition le « sexe » renverrait aux caractéristiques strictement biologiques, morphologiques qui distinguent les hommes des femmes. Et l’appréciation des caractères imputés au sexe peut amener à tenir pour immuable ce qui relève du genre.
Les approches différentes que nous venons d’étudier ont abouti à un renversement de perspective (naturalise/postmoderniste) : « ce n’est pas le sexe, donnée biologique invariante, qui fonde la construction sociale du genre, mais le genre qui crée le sexe » . Le genre est un objet d’analyse qui permet de décrire un système d’attentes sociales et de prescriptions qui produisent la différence et la hiérarchie entre les sexes.

 

d. Féminin et pluriel

Une nouvelle référence se forme dans le domaine de la recherche en sciences sociales en ce qui concerne le caractère opératoire des catégories hommes/femmes et des possibles interactions inter et intra sexuée. C’est la construction du genre qui se fait à travers une complémentarité des deux sexes : les évolutions liées aux mutations contemporaines permettent d’inclure l’un et l’autre afin de saisir au mieux la complexité de chaque individu. Se sont ainsi dressés des rapports d’interaction, de collaboration, de rétroaction, en somme d’action réciproque. Ainsi les questionnements que soulèvent cette progression n’abordent plus exclusivement et spécifiquement le typiquement masculin ou féminin.

Selon C. Louveau « beaucoup s’accordent à dire que la démarche spécifique n’est qu’une étape spontanée, dépassable inévitablement pour connaître et comprendre les pratiques, les représentations et modes de vie… des femmes » . L’une des solutions possibles serait alors de prendre le masculin pour étudier le féminin et inversement, ils seront alors perçus simultanément, liés et indissociables. Reste tout de même que la construction du genre, des identités sexuées et les préjugés qui en découlent sont des phénomènes mouvants, contradictoires et politiques qui peuvent être tenaces.

Le monde sportif semble être un milieu idéal pour analyser ces phénomènes dans la mesure où les sportives doivent nier leur part de masculin pour espérer être acceptées. « Confrontées à la pratique intensive d’un sport masculin les femmes doivent en même temps faire preuve de compétences « masculines » tout en se distinguant du masculin pour éviter toute stigmatisation » . En effet dans le monde du sport, il est une réalité qui ne peut être ignorée, « les représentations traditionnelles se reproduisent sur les terrains de sport » , ce qui signifie que pour être considérées, la sportive ne doit pas seulement être performante, elle doit aussi et surtout être « gracieuse, souriante ou parée ». Ainsi pour affronter le pouvoir social des hommes, elles doivent s’efforcer de rester le plus proche possible de la « désirabilité sociale ». Elles sont dès lors « enfermées dans un système de représentations où leurs valeurs sportives disparaissent derrière les courbes de leur féminité. » . D’autant plus que cette forme de « pression » s’étend plus largement puisqu’elle existe également entre les sportives elles-mêmes, elle n’est pas seulement l’œuvre des hommes mais aussi celles des femmes entre elles.

D. Kergoat (1998) souligne que « tout se passe comme si la différence tapie dans l’ombre constituait un ultime recours pour maintenir la domination masculine ». Cette domination latente mène à appréhender hommes et femmes comme des groupes sociaux auxquels, sont assignés socialement et culturellement des fonctions et des rôles différents. Et si le concept de la domination masculine perd de sa force, il ne s’est pas encore dissipé entièrement. A titre d’exemple, on pourrait citer quelques éléments qui mènent à dire que le système sportif introduit encore le « masculin » comme un système identificatoire : les techniques sportives dont doivent s’approprier les femmes, les entraîneurs qui sont principalement masculins, les modifications corporelles et les réalités biologiques.

Au regard des ces éclairages qui mettent à jour notre problématique sur les « étiquettes » collées sur les femmes sportives (par les femmes sportives) qui ne sont pas souvent conformes aux stéréotypes classiques et traditionnelles, il est pertinent d’adopter la démarche visant à considérer le masculin pour pouvoir définir une nouvelle forme de féminité. Ce choix se justifie par l’idée que les limites du féminin et du masculin fluctuent selon les dires de chacun, les évidences et les critères de chacun sont nébuleux même si certains classiques perdurent. C’est la raison pour laquelle, dans une volonté de pertinence, nous avons réalisé des entretiens autant auprès d’acteurs féminins que masculins pour déceler leurs définitions de ce que représente la féminité au sens large. Les définitions et qualifications ainsi obtenues vont alors nous servir de base pendant la phase observatoire et nous permettent de comprendre comment se construisent les jugements et « étiquettes » de ces sportives qui transgressent un ordre établit.

 

 

2. Nature, sport, importance du processus de socialisation

 

a. La socialisation au sein d’une structure sociale

Par processus de socialisation on entend toutes les étapes de l’évolution vécue par un individu, que ce soit au niveau de son groupe social d’appartenance (socialisation primaire) ou au contact de sous-groupes qu’il rencontrera tout au long de sa vie (socialisation secondaire), car comme nous le savons, la socialisation n’est jamais complètement terminée, elle se poursuit tout au long de la vie de l’individu. C’est ce processus qui va déterminer la façon de voir, la perception des choses de l’individu. Ce qui signifie que la conception qu’il peut avoir du féminin et du masculin dépendra fortement de ce processus de socialisation.

Comme nous l’avons déjà vu plus haut, la conception actuelle veut que féminité et masculinité soient définies à travers le résultat de l’assimilation d’une construction sociale par les individus, au-delà de la simple nature biologique. Féminité et masculinité ne sont plus déterminées par le sexe biologique (naturel). Comme l’a d’ailleurs dit Madame De Beauvoir, « Aucun destin biologique, psychique, économique ne définit la figure que revêt au sein de la société la femelle humaine » , et l’auteure d’ajouter que « c’est l’ensemble de la civilisation qui élabore ce produit intermédiaire entre le mâle et le castrat qu’on qualifie de féminin. Seule la médiation d’autrui peut constituer un individu comme un Autre » .

On pourrait expliquer ce phénomène par le fait que l’individu se construit par l’incorporation des règles, des conduites et des croyances qui lui sont transmises par le groupe social auquel il appartient. L’individu va assimiler, voire incorporer, ces règles et croyances et avoir des comportements et des conduites en fonction de cela. La société imprime donc sa marque en l’individu qui va intérioriser toutes les valeurs ou manières de faire, de penser et d’agir considérée comme idéale par la société , le groupe social auquel il appartient (la famille et l’école d’abord, puis l’entreprise ou un groupe de pairs ensuite dans la socialisation secondaire).

L’auteur Pierre Bourdieu parle de « système de dispositions durables et transposables, structures structurées disposées à fonctionner comme structures structurantes, c’est-à-dire en tant que principe générateurs et organisateurs de pratiques et de représentations qui peuvent être objectivement adaptées à leur but sans supposer la visée consciente de fins et la maîtrise expresse des opérations nécessaires pour les atteindre. » , c’est ce qu’il qualifie d’habitus. C’est cet habitus qui va conditionner le comportement de l’individu et ses actions, sa façon de penser, car c’est un « système de disposition acquises par l’apprentissage implicite ou explicite qui fonctionne comme un système de schèmes générateurs, est générateur de stratégies qui peuvent être objectivement conformes aux intérêts objectifs de leurs auteurs sans en avoir été expressément conçues à cette fin. ». Notons que comme l’habitus est lié au groupe d’appartenance social, il varie selon la classe sociale et la place occupé par l’individu dans l’espace social. Ainsi, selon cette approche théorique, l’individu serait porteur plus ou moins conscients de structures sociales qui le précèdent et le dépassent.

Le processus de socialisation se déroule sur deux étapes ; par la socialisation primaire d’abord et par la socialisation secondaire ensuite.

i. La socialisation primaire :

Nous savons déjà que, par définition, la socialisation est le processus d’acquisition des connaissances, permettant d’intérioriser les valeurs et les normes propres au groupe ou à la société à laquelle on appartient. Nous savons également que cette socialisation débute dès l’enfance, durant cette première période de la vie de l’individu, le cadre de socialisation est la famille. Elle est déterminante dans la meure où elle peut conduire à l’incorporation profonde d’un ensemble de dispositions qui vont durablement guider les pratiques, les goûts, les choix, et les aspirations des individus .

C’est au sein de cette structure sociale que l’enfant commencera à prendre sa place dans la société en fonction de l’influence exercée par ses parents et les autres membres du groupe d’appartenance. Il n’est pas question d’instinct ou de prédisposition naturelle ici, Simone De Beauvoir nous le fait d’ailleurs remarquer dans son essai philosophique ; « Jusqu’à douze ans la fillette est aussi robuste que ses frères, elle manifeste les mêmes capacités intellectuelles ; il n’y a aucun domaine où il lui soit interdit de rivaliser avec eux » .

Cette influence des parents sera donc déterminante dans la construction de son identité sexuelle par l’enfant. Et ce que l’on peut constater actuellement, c’est que dès la naissance, les parents ont tendance à créer un environnement spécifique pour chaque sexe, les garçons et les filles ne sont pas socialisées de la même manière.

La famille est une institution traditionnelle qui contribue à ce qu’on appelle reproduction sociale, en effets les normes, croyances et conduites s’y transmettent d’une génération à l’autre. Elle ne laisse pas beaucoup de marge à l’habitus qui devient alors l’ « habitus sexué ». Cela se traduit notamment par l’implication différente des pères et des mères qui varient selon le sexe de l’enfant au niveau des pratiques éducatives et des types d’interactions. Cela signifie que « les pères jouent un rôle typiquement masculin auprès des garçons et un rôle apparenté auprès des filles ».

Pour le dire autrement, « Dès les premières années, les attentes et les comportements des adultes varient suivant qu’ils s’adressent à des filles ou à des garçons » . Tout ceci a finalement tendance faire perdurer les stéréotypes, dans les sens où l’imputation des rôles et des pratiques affectées au masculin et au féminin est fondée sur une « illusion naturaliste… qui serait tapie dans le corps » (F. Héritier, 2005). Elle consiste à répartir des fonctions, des qualités à chacun des sexes selon des différences physiques. Au fil du temps, s’inscrivent des déterminants qui s’imposent dans notre société et dont la provenance est basée sur un « tout naturel ».

Cette approche est largement relayée à l’école, comme le démontre d’ailleurs N. Murcier , dans son étude qui porte sur la contribution de la crèche à la socialisation différenciée entre les deux sexes. Ainsi les petites filles sont d’avantages sollicitées pour faire des activités « calmes » assises autour d’une table, les garçons participent aux activités motrices. Finalement, les valeurs et les habitus transmis par les institutions traditionnelles revêtent un aspect différencié sexuellement. Les parents, l’école et le milieu social « encouragent les enfants à se conformer à leur rôle de sexe et les découragent lorsqu’ils s’engagent dans des activités traditionnellement assignées au sexe opposé. Plus tard et « grâce » à cet apprentissage, les enfants continueront d’eux-mêmes à se conformer aux stéréotypes de genre. » .

 

 

 

 

ii. La socialisation secondaire

Le sport tient une part importante dans l’éducation des enfants et des adolescents, cette institutionnalisation du sport a commencé dans les années 60 et n’a cessé d’évoluer depuis. A tel point que de nos jours la pratique du sport est devenue banale, l’accès aux pratiques sportives devient ainsi plus fréquente . Selon M-C. Mollard, « Il s’agit d’une pratique instituée et enseignée tout au long de la scolarité obligatoire à tous les enfants » . Elle appuie ses dires en indiquant que « Le volume des cours de gymnastique dans les écoles est en moyenne de trois heures par semaine pour les jeunes en fin de cycle d’orientation (15 et 16 ans) » . Pour elle, « L’éducation physique fait donc partie du bagage scolaire qui contribue à organiser leur vision du monde et d’elles mêmes et à favoriser leur émancipation » . Cela signifie que normalement ces jeunes, garçons et filles, devraient pouvoir s’adonner au sport de la même manière et comme ils sont, théoriquement du moins , immergés de la même manière dans la pratique sportive, ils devraient pouvoir, de manière égale, choisir d’être sportif ou non.

Mais est-ce que c’est vraiment ce qui se passe dans la réalité ?

Les activités sportives sont considérées comme essentiellement masculines, surtout les sports collectif comme le volley (sport le plus rencontré à l’école). Ces sports ont été construits en terre des hommes, et sans les femmes , il est donc tout-à fait logique de penser et d’estimer que leur pratique ne correspond pas au sexe féminin. En effet, la féminité est encore, bien trop souvent, jointe à des représentations des plus banales telles que la tendresse, la sensibilité. Représentations très éloignées des valeurs véhiculées dans le milieu sportif (même à ce stade de l’éducation), telles compétition, l’effort, l’endurance, la rivalité. Ainsi, comme le souligne l’auteure précitée « pour les jeunes filles, faire du sport (et qui plus est de haut niveau) est une transgression à leur assignation de genre » .

Cela va entraîner un cloisonnement dans la pratique du sport : on décourage, explicitement ou implicitement, la pratique du sport (et des autres activités y afférentes comme l’organisation par exemple) par les filles et surtout on les oriente vers des activités jugées plus appropriées à leur sexe, comme la danse.

Et même si, de nos jours, on parle beaucoup de la mixité sur les terrains de sport, cela ne change pas grand-chose. En effet, mixité implique que les garçons et les filles soient considérés et accompagnés de la même manière durant les cours de gymnastique, pour reprendre l’expression de M-C. MOLLARD. Le problème, c’est que les garçons et les filles ne partent pas sur les mêmes bases, les filles n’ont pas le même rapport avec les activités physiques que les garçons , ils ne réagissent pas de la même façon : les adolescentes ne s’y prêtent que si on le leur demande expressément quand les garçons s’y adonnent volontiers. Les filles n’ont pas le même esprit de compétition, pourtant un des fondements de la pratique sportive. En France, en 1998, le Baromètre Santé Jeunes a effectué des études qui ont révélés que19 % des garçons citent le fait de gagner comme motivation de la pratique sportive contre seulement 6 % de filles( la principale motivation chez les filles serait plutôt de maigrir).

Cela va entraîner chez les filles une volonté de ne pas « s’investir dans les activités sportives pas s’investir dans des activités sportives qui contreviendraient à leur rôle de sexe. » . Finalement, on constate que, à ce stade de la socialisation secondaire, l’habitus acquis poursuit l’habitus hérité : les valeurs acquises au sein de la famille sont si bien intériorisées qu’arrivées à l’adolescence, les filles bougent bien moins que les garçons. Selon les études menées par certains auteur(e)s , « les filles placent physique au sixième rang des éléments essentiels à la bonne santé, loin derrière un sommeil suffisant, un poids idéal et l’absence de fumée de cigarette dans leur environnement ». Cela s’explique par le « sous-développement de leur habileté de base » , mais également par une « sous-évaluation de leur potentiel ». Au sortir de l’école primaire elles « sous-estiment leur capacité et leur potentiel de compétence dans l’activité physique. Ce point de vue est partagé par les autres membres de la société. Dès lors, la fille choisit souvent des sports traditionnellement réservés aux femmes ou, pis encore, elle délaisse toute activité physique » . C’est à partir de ce moment que se formera l’aversion des filles pour les compétions, ce qui ne les poussera pas à vouloir intégrer la sphère du sport à haut niveau qu’elles estimeront réservée aux garçons.

Mais le plus souvent aussi, le moment où une adolescente désavoue toute pratique du sport correspond à son intégration au sein d’un « sous-groupe » , une autre structure sociale que la famille, avec ses propres normes. Car la socialisation secondaire peut être considérée comme une « intériorisation de sous-mondes sociaux spécialisés », où l’agent socialisant est le groupe de paires constitué d’individus qui, contrairement à la famille, n’ont pas d’ascendance les uns sur les autres. Cela signifie que l’individu, ici l’adolescente, va intérioriser les valeurs et règles propres à chaque groupe dans lesquels il évolue : collège, club, etc…). On assiste à ce que l’on pourrait qualifier de « mobilité sociale » de l’adolescente pendant laquelle elle va intégrer de nouvelles valeurs.

Selon Suzanne Laberge, c’est surtout « le jugement du cercle d’amies qui influe sur le décrochage ou non d’une adolescente » du sport, « l’identification au style d’un sous-groupe (…) joue un rôle fondamental » . Ainsi, si l’adolescente intègre un groupe de sportive, elle va continuer à s’adonner au sport, ce ne sera pas le cas si elle intègre un autre groupe. Et cela même si elle continuera à vouer une certaine affection au sport .

Il ressort de tout cela que le processus de socialisation auquel elles sont soumises apprend souvent aux adolescentes à avoir peur du sport, ce qui les pousse à s’approprier leur corps comme un « corps immobile non pensé comme un corps en mouvement, un corps en sport» .

b. L’interactionnisme symbolique

Le processus de socialisation d’un individu ne se fait pas seulement dans le cadre d’une structure déterminée, l’individu est aussi socialisé par l’interaction avec l’environnement dans lequel il évolue ; c’est l’interactionnisme.
L’interactionnisme symbolique est une approche sociologique selon laquelle on ne considère plus seulement le lieu de structure mais l’interaction entre les individus dans les rapports qu’ils ont les uns avec les autres, on considère leurs actions. En effet, même si l’on doit reconnaître les apports et les pertinences du concept d’habitus de Pierre Bourdieu, il ne faut pas non plus minimiser la capacité de l’individu à dépasser sa condition, à évoluer. Car selon cette théorie déterministe, l’individu, l’habitus est condamné à suivre aveuglément et sans même en avoir conscience les normes préétablies sans jamais pouvoir y déroger.

Comment dès lors expliquer le fait que les femmes soient de plus en plus nombreuses à intégrer le monde historiquement sexué du sport, alors que les pratiques sportives sont basées sur « le défi, l’épreuve, l’affrontement physique » éléments sur lesquels les femmes et les filles n’ont pas de manière générales construit leur engagement et leur éducation , et surtout que le domaine sportif est le « lieu par excellence de naturalisation des différences sexuées et de reproduction de la domination masculine » ?

L’interactionnisme symbolique correspond à l’approche psychosociale de la socialisation, basée sur la théorie de G. H. Mead (1863-1931), selon qui la réalité sociale est le produit des « activités interagissantes », c’est-à dire du contact entre les individus, et « l’univers des significations émerge d’un processus de coopération et d’adaptation mutuelle au sein du groupe social. » . On parle donc ici de l’agir communicationnel, de l’action qui se fonde sur le sens, et cela à travers les interactions entre les individus dans une situation donnée.

L’interactionnisme symbolique est une discipline qui permet de dépasser le cadre déterministe et qui se fonde sur trois principes :
1. « Les humains agissent à l’égard des choses en fonction du sens interprétatif que ces choses ont pour eux.
2. Ce sens est dérivé ou provient des interactions que chacun a avec autrui.
3. C’est dans un processus d’interprétation mis en œuvre par chacun dans le traitement des objets rencontrés que ce sens est manipulé et modifié. »

Ce qui est pris en compte ici, c’est l’agir communicationnel, ainsi l’individu n’agit plus selon les règles et les codes instituées de l’extérieur, c’est-à dire par la société, il agit par la communication avec les autres, par le geste, le regard, la rencontre et l’échange et par l’interprétation qui apporte un sens nouveau à une chose pour chaque individu, ce qui peut donner une signification multiple pour un même objet . C’est cette capacité réflexive qui forme la base de la construction interactionniste, l’individu agit sur lui-même, il contrôle ses actions dans toutes les situations et toutes les circonstances.

Ainsi les femmes, et plus exactement les filles adolescentes, ne sont plus forcément enfermées dans le rôle social sexué que leur groupe d’appartenance leur on attribué. En réagissant à leur environnement, elles peuvent dépasser les attentes de ce groupe d’appartenance, elles peuvent alors définir elle-même leur individualité au sein du groupe et surtout le rôle qu’elles veulent y tenir. Dans ses études, Christine Mennesson nous rapporte le cas d’une jeune maghrébine qui apprend, au contact de ses frères, à apprécier les pratiques sportives. Elle avait pourtant commencé (dans son enfance) par se conformer au rôle qui lui était attribué par la structure sociale « famille » en jouant avec sa sœur à des « jeux de fille », mais après le départ de celle-ci elle opère une rupture avec ce rôle et se construit « des dispositions sexuées « inversées » » . Cette rupture correspond au moment de la construction de l’identité sexuée de l’adolescente, c’est-à dire durant la socialisation secondaire quand elle commence à se détacher progressivement du cocon familiale et à aller vers les autres. Elle s’éloigne alors peu à peu du « modèle féminin traditionnel valorisé dans sa famille » et se forge ses propres conceptions sur la féminité. Elle se construit progressivement ses propres normes de féminité qui correspondent mieux au nouveau cadre social qu’elle intègre, le monde du sport. Cette construction va se faire par le biais de l’interaction avec ses pairs, masculin et féminins, par la communication (verbal ou non) avec eux et l’interprétation du langage qui ont court dans leur groupe. En somme, elle agit et réagit par des « gestes symboliques » qui engendrent les mêmes réactions chez les individus appartenant au même groupe social ou sous-groupe qu’elle.

3. La femme dans le sport

a. La femme dans l’histoire du sport

Comme nous l’avons déjà vu, la femme n’a acquis son statut actuel dans la société postmoderne qu’au prix de beaucoup d’efforts, elle a du batailler dur pour pouvoir s’extirper du rôle « biologique » dans lequel elle était enfermée. Ainsi, elle a quitté, très difficilement, son rôle de femme procréatrice et fécondante, mère et épouse pour devenir étudiante et enfin cette femme émancipée de la société postmoderne. Emancipation qui se traduit par une réappropriation de son corps, notamment par le droit à l’avortement et à l’usage de la contraception. Désormais, elle peut avoir accès à l’éducation, au même titre que les hommes, elle peut s’exprimer en votant, elle peut exercer le travail qu’elle veut, même ceux qui étaient traditionnellement exclusifs aux hommes comme militaires ou pompier. La femme a donc revendiqué et obtenu le droit de faire carrière et de ne plus être cantonné à sa « mission première de mère et d’épouse » . Voilà pourquoi, « Aujourd’hui, dans notre société, domine tout un discours selon lequel l’égalité entre hommes et femmes serait acquise : il n’y aurait plus que quelques résidus ou niches d’inégalités. »

Il est cependant un domaine qui a résisté à cet « assaut » ; le domaine sportif. L’une des raisons à cela est qu’il était plutôt délaissé par les grands mouvements féministes de l’époque qui s’étaient surtout concentrés sur les domaines intellectuels. Ce qui a contribué à rendre le sport hermétique à la femme, on constate alors que des inégalités y persistent encore, comme le dit d’ailleurs la sociologue Catherine Louveau, « depuis le XIXe siècle et jusqu’à nos jours, l’expansion des activités physiques et sportives s’est accompagnée de différences et d’inégalités sociales » .

Selon cette auteure, « La culture sportive (comme pratique, institution, spectacle, lieu de sociabilité) soutient, historiquement et socialement, la construction de la masculinité » , ce qui fait du sport un domaine historiquement constitué au masculin, c’est-à dire, construit par les hommes pour les hommes , et sans les femmes . Dans l’antiquité, il était inconcevable qu’une femme s’adonne à des pratiques sportives, elle n’était pas admise aux Jeux de l’Antiquité et encourait la peine de mort rien qu’en y assistant. Et jusqu’à la moitié du XXè siècle environ, la pratique des activités physiques et sportives par les femmes était plus considérée comme un loisir, un « Passe-temps de femmes oisives ou fortunées, ces activités s’accommodent d’autant mieux de leur position qu’elles « ne nuisent pas à la grâce féminine » » . De ce fait elle restait inaccessible à la masse et « ne concerne, au regard des millions de femmes paysannes, ouvrières et petites employées, qu’une minorité d’aristocrates, de mondaines puis de jeunes femmes cultivées » . Ainsi, avant 1928, la femme était interdite dans l’Arène olympique et devaient organiser leurs compétitions hors du regard du public pour ne pas « choquer ».

Aujourd’hui encore le sport représente un fief de la masculinité qui résiste à l’incursion des femmes, un lieu de mise en scène de la masculinité . Le sport n’est pas un domaine neutre, il constitue un conservatoire des identités masculine et où persiste une conception très traditionnelle du rôle féminin, conception qui est pourtant tombée en désuétude dans les autres domaines comme l’éducation ou le travail. Différentes études ont démontré que « les pratiques sportives sont structurées par les rapports sociaux de sexe (…) lieu de mise en scène de la masculinité (..), excluant les femmes » . Pour cette raison, la femme doit encore batailler pour pouvoir ce monde qui reste très sexué.

 

Plusieurs raisons ont été avancées pour essayer d’évincer les femmes du monde du sport.

• La religion :

Ainsi dans les pays musulmans, on estime que les filles ne devraient pas faire du sport et cela pour deux raisons. D’abord à cause de l’obstacle vestimentaire, la religion musulmane interdit qu’une femme dévoile son corps devant quelqu’un d’autre que son époux, or pour courir et pour sauter, la femme doit porter des tenues qui dévoilent une partie du corps. Mais surtout, parce que le sport et la pratique sportive peuvent être considérés comme un plaisir et dans cette religion, le plaisir n’est pas permis à la femme. Ce plaisir-là comme d’autres plaisirs.

• La médecine :

La raison médicale a toujours été la raison la plus invoquée quand on parle de la pratique du sport par la femme. La raison à cela est que « La médecine sportive apprend aux femmes à être le sexe faible et aux hommes à être le sexe fort ».

Ainsi vers le début du XIXè siècle, certains auteur préconisaient que « Comparée à l’homme, la femme apparaît ainsi en état de déficience dans la mesure où le corps masculin « est tout bonnement plus simple et moins sujet à des dysfonctionnements, puisque qu’il ne lui pas été donné un appareil génital inachevé, comme en témoignent les menstruations, mais qu’il a été seulement doté du moyen de produire la semence » . Une norme apparaît alors, celle du corps masculin, le bon corps, celui de la femme est, quant à lui, jugé en de termes négatifs car présente des « déviations » de la norme masculine . On assiste alors à la naissance du mythe du « sexe faible », dont la femme, malheureusement, aura du mal à se défaire par la suite.
Dès lors, quand on parle d’activité physique pour la femme, on préconise surtout la gymnastique qui a pour finalité « l’amélioration de la santé et de la force […] et l’accroissement de la beauté du corps » , ce qui signifie que « l’orientation vers la compétition autant que l’intérêt pour la préservation de la santé, de la beauté et de la morale limitent la participation des femmes » au sport moderne dont les principes de bases sont : « rationalisation et instrumentalisation du corps, compétition, valorisation de la réalisation et du record » .

Vers la fin du XIXè siècle, on considérait que « Pour les femmes adultes, tous les exercices physiques doivent être évalués en fonction de leurs effets sur la reproduction » et également que « les exercices trop fréquents, comme ceux que pratiquent les hommes, masculinisent les corps féminins […]. Les organes abdominaux de la femme se fanent et le résultat est la création d’une virago artificielle » . La vérité est qu’on considère la femme seulement pour sa « nature », les discours de l’autorité médical se focalisent sur cette « nature » et « préconise une activité physique modérée, centrée sur le giron, hygiénique et éventuellement esthétisante. Consensus qui place la mère ou future mère comme légitimation de l’activité physique : on prône des exercices spécifiques pour elle et sa fonction première. Cette mère qui appelle protection et l’épouse au foyer n’ont guère d’appartenance sociale dans tous ces discours et recommandations : elle n’est pas pensée comme personne socialement située, paysanne, ouvrière, cousette, institutrice ou avocate » .

Aujourd’hui encore, certaines de ces argumentations sont invoquées pour justifier l’exclusion des femmes de certaines catégories de sports jugés trop masculins.

• Les préjugés sur le corps des femmes

Dans la conception traditionnelle de la féminité, la femme doit entrer dans ne certaine norme d’esthétique, elle doit être agréable regardé. Dès lors on parle beaucoup du sport pour les femmes comme du sport qui doit embellir son corps et non le déformer. On a dès lors cherché à protéger le corps de cette femme objet de touts les changements qui accompagnent forcément la pratique du sport à haut niveau.

b. La femme dans le sport aujourd’hui :

 

De tout ce qui précède, on peut dire que la collectivité masculine a traditionnellement détenu le pouvoir, même si elle perd de sa force et remet en question des valeurs, des attitudes et des comportements. Dans l’ouvrage coordonné par D. Welzer-Lang et J.P Filiod (1992), on notera une bipartition des rôles « tout se passe comme si la créativité masculine était réservée au domaine public : travail, sport de compétition, politique, la sphère privée, intime, du ressort de la femme ». Le sport est sans nul doute un territoire favorisant la masculinité traditionnelle bien que ces certitudes s’effritent unes à unes par l’affirmation progressive et ferme de la femme dans ce domaine.

En effet, les femmes se font de plus en plus nombreuses à investir le domaine sportif et à pratiquer le sport à haut niveau. Ainsi, en 1968, 9% de femmes pratiquaient une activité sportive au moins une fois par semaine, en 1997, le chiffre était grimpé à 32,5%, aujourd’hui, 64 % des femmes de 14 à 65 ans affirment pratiquer le sport régulièrement . Lors des Jeux Olympiques d’Atlanta, on a constaté que 17% des femmes contre 11% des hommes ont obtenu une médaille. Et au 31 décembre 2009, 37 % des sportifs de haut niveau inscrits sur les listes ministérielles sont des femmes.

Cependant, cette situation est loin d’être vraiment significative. Il est vrai qu’on est bien loin des déclarations dures du baron Pierre de Coubertin « Une olympiade de femelles est impensable, elle est impraticable, inesthétique et incorrecte. Le véritable héros olympique, c’est l’adulte mâle » !  » . Malheureusement, « Les constats, en ce qui concerne les femmes dans le sport, portent tout d’ abord sur le poids de l’histoire et de la culture qui entraînent des inégalités persistantes » . Les stéréotypes persistent et préjugés concernant les sport que les femmes peuvent pratiquer n’ont pas encore disparu. Après tout, on avait toujours admis la pratique de certaines activités physique par les femmes du moment que cela fortifie leur corps et les prépare à la maternité, et surtout du moment que cela embellisse leur corps et ne le déforme pas. Comme Catherine Louveau le souligne « les territoires sportifs sont des lieux où s’organisent des modes de relation qui permettent à un groupe dominant masculin d’imposer des normes, des valeurs, symboles, des pratiques et techniques ». Ainsi « Les tableaux des sports les plus souvent pratiqués par chacun des sexes frôle la caricature : les adeptes de la danse et arts chorégraphiques, de la natation synchronisée et de la gymnastique rythmique et sportive sont des femmes à + ou – 100 %, tandis que le rugby attire des hommes à 98 % » . Les filles et les femmes sont donc cantonnées à des pratiques plus esthétiques que productifs.

Cependant les femmes grappillent peu à peu des nouveaux espaces et permettent des alternatives face à une lutte idéologique concernant les interrogations sur la définition de la féminité. Elles interviennent alors dans des pratiques sportives de tradition masculines comme l’haltérophilie. Elles s’imposent également dans des activités qui voient leurs effectifs féminins évoluer, c’est le cas notamment du judo. Mais alors elles opèrent une transgression des normes préétablies de la féminité qui semblent tourner autour des normes esthétiques. Et sont alors exposées aux jugements des autres.

Le Baron Pierre de Coubertin disait déjà : « Techniquement, les footballeuses ou les boxeuses qu’on a déjà tenté d’exhiber çà et là ne présentent aucun intérêt, ce seront toujours d’imparfaites doublures. (…) si les femmes sportives sont soigneusement dégagées de l’élément spectacle, il n’y a aucune raison de les proscrire. On verra ce qui en résulte. » Finalement, on s’aperçoit que « le sport veut et forge des femmes idéales, belles pour (le) séduire, de même que des hommes idéalement virils, c’est-à-dire forts ou courageux pour (la) conquérir » , et il « se pose (…) en conservatoire d’une excellence féminine stéréotypée » Toutes celles qui échappent à cet impératifs sont alors exposés à une stigmatisions, on les qualifiera alors de « garçon manqués » elles subissent alors un « procès de virilisation ». Dès qu’elles se montrent plus un peu « trop » performante leur féminité est mise en doute, comme l’atteste les tests de féminité qui sont toujours d’actualité dans le monde sportif. C’est toujours ce « trop » qui déclenche le procès de virilisation, trop forte, « trop » musclées, et tout de suite on la soupçonne d’être un homme qui se déguise en femme. nous avons d’ailleurs pu le constater avec le cas de l’athlète sud-africaine Caster semenya qui avait été jugée « trop » performante durant l’épreuve finale des 800 m.

Ainsi donc, pour être considéré, la femme sportive doit être conforme à l’archétype de la féminité tel que défini par les hommes, elle doit suivre « une norme d’apparence corporelle qui « témoigne au contraire de la tradition masculine de mise en image de l’objet de désir » (B.Remaury, p15). C’est également ce que traduit C. Louveau (femmes sportives, corps désirables) où l’image de la femme dans la culture sportive se superpose avec celle de la beauté. Elle note que ces standards féminins sont les modèles à suivre et, elle pose la question du corps et de la féminité conforme à la désirabilité sociale (image, regard des hommes). En d’autres termes elle nous précise que le sport est le conservatoire d’une excellence féminine stéréotypé et celui des vertus viriles. Ainsi il existe un modèle de la femme sportive accepté, correspondant à un modèle morphologique unique à l’instar de celui des hommes qui a la possibilité d’être multiple. Ces corps esthétisés correspondent alors aux canons de la jeunesse et de la beauté c’est pourquoi le corps productif se soumet au corps esthétique.

Mais les inégalités peuvent sont surtout visibles au niveau des instances dirigeantes ; « Une seule femme en France est présidente d’une fédération sportive; trois sont à des postes de Directrices Nationales Adjointes. Les licences sportives de la catégorie « dirigeant » se répartissent de la façon suivante : 78% d’hommes, 22 % de femmes. » . Les femmes ont envahi le monde du sport mais on ne leur donne pas les moyens de le gouverner l’accès aux postes à responsabilité est verrouillé. Cathy Fleury, championne du monde de judo en 1989 et championne olympique en 1992, l’a constaté à ses dépens : « J’ai orienté toute ma carrière pour décrocher un job dans l’encadrement à la fédération. Mais c’est impossible ! On m’a dit que ce n’était pas le moment, que les personnes en place ne voulaient pas travailler avec moi. En revanche, tous les hommes qui ont mon palmarès ont été propulsés à des postes importants ».

 

 

Chapitre III : le judo

 

Le judo est une discipline d’origine japonaise relativement jeune, elle a été fondée vers la fin du XIXe siècle par un moine japonais qui s’est beaucoup inspiré de la nature pour mettre au point sa technique. Littéralement, judo signifie « voie de la souplesse », il et il est fondé sur le constat selon lequel, le souple peut vaincre le fort.

1. A propos du judo

 

a. Le judo une discipline sportive de combat

Le judo est une discipline sportive de combat fondée vers 1882 par un moine japonais du nom de Jogoro KANO. Cette période correspond avec l’essoufflement de l’art du combat à mains nues (ou presque) à cause de l’arrivée des armes à feu. Le moine en question s’est inspiré de la nature pour mettre au point sa technique, mais c’est surtout dans l’art et les techniques de combat ancestral du Japon qu’il puise l’essentiel de ses idées pour édicter les principes fondateurs, ce sont ces techniques qui l’on le plus influencées et on le voit à travers les techniques utilisées dans ce combat.

Mais pour le fondateur, le Judo n’est pas seulement une technique de combat, c’est aussi une doctrine qui doit être comprise comme méthode d’éducation à la fois physique et mentale. A l’instar du Jujitsu dont il est inspiré, le Judo est un combat à mains nues qui utilise scientifiquement la souplesse contre la force, il peut être utilisé autant en attaque qu’en défense et il doit véhiculer le progrès social et l’entente international.

b. Le judo, un sport constitué au masculin

Le Japon est un pays réputé pour ses techniques de combat qui remontent à l’âge des Bonzes dans le Moyen-âge. L’art du combat est profondément ancré dans la culture japonaise depuis l’arrivée au pouvoir de l’aristocratie militaire vers 1185. L’art du combat est alors propulsé au centre de la vie des japonais et durant les siècles qui ont suivi cette prise de pouvoir, les techniques de combats se sont forgées et améliorées au fil des guerres civiles.

Nous avons vu que le sport était une construction des hommes pour les hommes, cette idée se vérifie bien avec un sport comme le judo. Sport qui s’est largement inspiré d’une tradition militaire au sein de laquelle les techniques de combat se sont surtout construites sur les champs de bataille, endroit où il était impensable de voir les femmes, qui tenaient d’ailleurs un rôle très effacé. Et où l’esprit de compétition et le plaisir de l’affrontement qui constituent les bases des activités sportives s’exprimaient dans leur plus simple expression ; tuer avant d’être tué.

c. Evolution de la pratique

Le judo est une méthode de combat mise au point par Jigoro Kano en 1882, le Kodokan-Judo. C’est en 1886 que la discipline commence à être vulgarisée, plusieurs écoles vont se créer et en 1919, le judo est reconnu comme une institution nationale qui devient alors un sport scolaire obligatoire. Les premiers championnats de judo à caractères officiels auront lieu en 1930.

Ce sont les américains, à la fin de la Second Guerre mondiale, qui vont contribuer à la vulgarisation de judo à traves le monde, il s’étend alors à l’Europe, à l’Amérique, à l’Asie, à l’Océanie, à l’Afrique du Nord. La Fédération internationale du Judo sera créée en 1951, les premiers championnats du monde seront organisés à Tokyo en 1956 et en 1960, il est inscrit au programme des Jeux Olympiques de Tokyo, avec quatre épreuves au programme : -68kg, -80kg, +80kg, toutes catégories. Mais il faudra attendre 1974, aux Jeux Olympiques de Munich pour que le judo soit enfin définitivement inscrit et reconnu comme discipline olympique.

Pour la France, le judo fait son apparition dès les années trente, en 1938 plus exactement, avec l’arrivée à Paris de Mikinosuke KAWAISHI. Cependant, il ne se développera vraiment qu’après la Seconde Guerre Mondiale sous l’impulsion conjointe de Maître KAWAISHI et de Paul BONET-MAURY, président-fondateur de la Fédération Française de Judo et de jiu-jitsu (FFJJJ) en décembre 1946. Le premier championnat de France avait eu lieu le 30 mai 1943.

Le judo avait connu un si grand engouement en Europe que cela avait conduit à la création de le Fédération Européenne de Judo en 1948, sous la présidence de Aldo TORTI (Italie), qui est également devenu Président de la Fédération Internationale de Judo en 1951. Date à laquelle avait également eu lieu le Premier championnat d’Europe de l’après-guerre qui s’est déroulé à Paris. Le premier championnat mondial hors du Japon s’est déroulé à Paris en 1961, et pour la première fois, un Européen est parvenu à vaincre un japonais.

Le judo commencera à s’ouvrir officiellement aux femmes en 1975, avec l’organisation du Premier championnat d’Europe féminin. Un an plus tard, en 1976, la France organisera son premier championnat national féminin avec Mr Pierre GUICHARD comme Directeur Technique National. (1976-1986). Il faudra attendre encore quatre ans pour que le premier championnat du monde au féminin soit organisé, et en 1980, à New York, Jocelyne TRIADOU devient la première championne du monde du judo. Et les française brillent dans cette discipline, puisqu’en 1982, lors des Championnats du Monde féminins de Paris.
Béatrice RODRIGUEZ, Martine ROTTIER, Brigitte DEYDIER, Natalina LUPINO sont nommées championnes.

En 1988, le judo féminin fait une timide incursion aux Jeux Olympiques de Séoul comme sport de démonstration. Il faudra attendre 1992, à Barcelone, pour que le judo féminin soit reconnu comme discipline olympique. Les premières championnes olympiques seront françaises ; Cécile NOWAK et Cathy FLEURY Sont également titrés Laetitia MEIGNAN (3ème), Natalina LUPINO (3ème).

2. La femme au judo

Depuis les années 70, les femmes ont fait une percée significative, c’est le moment où elles ont commencée à être reconnues publiquement. Ainsi, les premières compétitions à l’échelle mondiale pour certains sports ont été ouvertes aux femmes à cette époque. Cas notamment du Judo avec l’organisation de championnat à l’échelle régionale d’abord (championnat d’Europe féminin1975), puis à l’échelle mondiale enfin (New York, 1980). Les valeurs traditionnelles selon lesquelles le sport n’étaient pas destinées aux femmes et qui ont été prôné et revendiqués par les grands hommes du sport d’antan sont tombée en désuétude. La femme est bien présente dans le domaine du sport et elle entend bien y rester. De plus, elle n’est plus là pour l’esthétique, pour « faire jolie » , elles sont là pour la compétition, elles sont là pour gagner.

Le judo féminin français le démontre bien. En effet, depuis le tout premier championnat international, les judokates françaises sont toujours très présentent. Jocelyne TRIADOU devient la première championne du monde du judo féminin, c’était à New York en 1980. Deux ans plus tard, les françaises s’illustrent encore au championnat du monde de Paris avec quatre femmes : Béatrice RODRIGUEZ, Martine ROTTIER, Brigitte DEYDIER, Natalina LUPINO. La première fois que le judo féminin a été classé discipline olympique, les premières femmes à être classées championnes olympiques sont Cécile NOWAK et Cathy FLEURY. Mais d’autres françaises ont aussi été titrées lors de cette édition. Ainsi Laetitia MEIGNAN (3ème), Natalina LUPINO (3ème). Remarquons que lors de ces Jeux Olympiques de 1992, les garçons n’ont pas réussi à décrocher le titre olympique, Pascal TAYOT est seulement parvenu à la deuxième place, et Bertrand DAMAISAN et David DOUILLET ont fini troisième.

L’exploit ne s’arrête pas là, ainsi en 1996, lors des Jeux Olympiques d’Atlanta, Marie-Claire RESTOUX est championne olympique (avec David DOUILLET), et la France remporte également le médaille de bronze avec Christine CICOT (ainsi que Christophe GAGLIANO et Stéphane TRAINEAU). L’année suivante aux championnats du Monde à Paris, la championne olympique, Marie-Claire RESTOUX, et Christine CICOT décrochent des médailles d’or et Magalie BATON la Bronze. En 1998, lors des coupes du monde par équipe de Nation, les filles ont décrochées la deuxième place, devant les garçons qui ont terminé à la troisième place. Et en 2002, à Bâle, les féminines se classent 5ème et les garçons se classent 3ème.

En 2003, lors des Championnats du Monde Individuels Féminins et Masculins à Osaka (Japon), Frédérique JOSSINET, Annabelle EURANIE décroche des médailles d’argents pour la France, aux côté de Larbi BENBOUDAOUD, Daniel FERNANDES et Ghislain LEMAIRE. Pour les Jeux Olympique d’Athène, la seule médaille remportée par la France, elle la doit à Frédérique JOSSINET (argent). En 2006, la France est classée première nation européenne de Judo avec 8 médailles : 3 en or pour Barbara HAREL, Emane GEVRISE et Anne-Sophie MONDIERE quatre médailles d’argent pour Lucie DECOSSE, Céline LEBRUN, Daniel FERNANDES et Benjamin DARBELET et une de bronze pour Frédérique JOSSINET aux Championnats d’Europe de Tempere (Finlande). La même année, l’équipe féminine est Championne du Monde face à Cuba en finale des Championnats du Monde par Équipes de Nations à Paris, alors que les garçons sont seulement troisièmes après s’être inclinés devant la Russie. Pour les Championnats d’Europe par Équipes de Nations à Belgrade en Serbie. Les équipes françaises féminines et masculines ont obtenues la médaille d’argent.

En 2007, lors des Championnats d’Europe Seniors Individuels à Belgrade en Serbie. La France est de nouveau première nation d’Europe en judo, avec cinq titres remportées par les filles (Lucie DECOSSE, Gevrise EMANE, Stéphanie POSSOMAI, Anne-Sophie MONDIERE et Teddy RINER), une médaille d’argent pour Audreay LA RIZZA, et enfin des médailles de bronze pour Frédérique JOSSINET et les deux seuls garçons présents sur le podium Benjamin DARBELET et Frédric DEMONTFAUCON.

Ces chiffres sont criants, les françaises assurent en judo, autant, sinon plus que les garçons. Cela signifierait-il que la femme a réussi à faire tomber ce bastion de la masculinité ?

La réponse est non, car malgré ces résultats exceptionnels, les femmes sont laissées en retrait dans le paysage du judo, comme dans tout le paysage sportif d’ailleurs. D’abord, elles ne bénéficient pas de la même couverture médiatique que les hommes, certaines fois elles sont même « boudées » par les médias. A l’image de l’équipe de France féminine de foot qui vient de se qualifier cet automne pour la Coupe du monde 2011, et qui reste portant presque totalement ignorée du public, loin du battage médiatique dont joui l’équipe masculine . Aujourd’hui, ce ne sont pas réellement les exploits sportifs qui ouvrent les colonnes de médias aux femmes, mais bien leurs courbes et leurs formes . Ainsi si on voit beaucoup de femmes qui pratiquent des sports « esthétiques » ,et qui sont considérées comme représentant « le « modèle » de la femme sportive » , les femmes qui pratiquent des sports traditionnellement masculines, comme le judo, sont quasiment invisibles des médias. Médias qui participent pourtant à forger les opinions et les conceptions.

Les femmes sont aussi invisibles des instances dirigeantes du sport. Ainsi, malgré les résultats que nous venons de relater, ce sont encore les hommes qui tiennent les règnent dans le domaine du judo féminin. Il a fallu attendre 2005 pour voir la nomination d’une femme, Brigitte DEYDIER, au poste de Directrice Technique Nationale. Mais de manière générale, les instances dirigeantes sont encore hermétiques aux femmes. Comme le souligne d’ailleurs Cathy Fleury, championne du monde de judo en 1989 et championne olympique en 1992, décrocher un travail dans l’encadrement de la fédération n’est pas évident pour une femme. Alors que les hommes qui ont le même palmarès qu’elle, peuvent facilement y faire carrière.

Même parmi leurs pairs masculins, les femmes judokates n’ont pas vraiment bonne image. A l’image de David DOUILLET, le judoka le plus titré de tous les temps, (4 fois Champion du Monde et 2 fois Champion Olympique) , qui trouve que « une femme qui se bat au judo ou dans une autre discipline, ce n’est pas quelque chose de naturel, de valorisant. » , et qui considère encore que « c’est la mère qui a dans ses gènes, dans son instinct, cette faculté originelle d’élever les enfants. Si Dieu a donné le don de procréation aux femmes, ce n’est pas hasard » .

Cela montre bien à quel point la place de la femme dans le sport en générale, et dans le judo en particulier est encore précaire malgré les efforts remarquables qu’elle fournit et malgré les performances.

 

 

 

 

Chapitre IV : la problématique

De l’idée de recherche à la définition du sujet…
Question initiale :

I. La mise en situation

Selon Gertrud Pfister, « le corps est la base de notre existence, le moyen de nous présenter et d’interagir avec notre environnement, l’interface entre l’individu et la société. La manière dont les individus comprennent, vivent avec et s’arrangent de leur corps est produite dans et par les interactions sociales et les pratiques. » . Cela tend à signifier que les individus, et donc aussi les femmes, ont une particularité dans leurs choix de pratique, de la pratique du judo notamment, leurs physiques et au regard de certains par rapport à d’autres. L’étude de la présence de la femme dans le sport, de sa relation avec le sport et des jugements (en bien ou en mal) que cela peut engendrer est indispensable à l’entendement du monde qui nous entoure. Avec comme exemple, et c’est le cas dans notre étude, de la participation des femmes dans une pratique historiquement constituée au masculin : le judo.

Ces dernières années, le judo est devenu une pratique moyennement féminisé et où il n’est plus, ou presque plus, marginal, « inconvénient », « impensable, impraticable, inesthétique et incorrecte » de voir les femmes s’adonner à la pratique intensive et à haut niveau et de gagner. Dans la pratique du judo, les femmes ne sont plus considérées comme « d’imparfaites doublures » des hommes, des judokas mais considérées comme des sportives à part entière. C’est une évolution importante dans le statu de la femme dans le sport qui n’est sans doute pas sans rapport avec les résultats exceptionnels des femmes judokates françaises .

Suite au développement connu par l’accensions des femmes dans la pratique sportive en général, et cela depuis le début du XIXe siècle , les études se sont multipliées, particulièrement ces trente dernières années et permet de dégager de nouvelles conceptions du genre grâce à l’expérience, aux différences (entre les sexes) et à l’assimilation. Sans cela, maîtriser le social, la notion de genre et par extension les rapports sociaux de sexe (inters-intersexués), qui sont affaire de savoir et d’expertise manqueraient, sans doute, de sens et d’intelligibilité (Berthelot, 1990). Cependant la portée de ces évolutions connaît des freins qui persistent dans la pratique féminine : proportion faible dans certaines pratiques dites « masculines » qui semblent rebuter les femmes, fédérations moyennement féminisées qui semblent préférentiellement attirer les hommes…, ce qui contribue à faire perdure l’idée selon laquelle « les territoires sportifs sont des lieux où s’organisent des modes de relation qui permettent à un groupe dominant masculin d’imposer des normes, des valeurs, symboles, des pratiques et techniques » (Louveau, 1996).

De nombreux facteurs, hypothèses peuvent être à l’origine de cette apparence, visibilité : idées reçues, prénotions (Durkheim), pratique socialement acceptable, obstacles institutionnels, pratique en elle-même, relations aux pairs, cadre de socialisation….rapport au corps. En vue de ces constats le but de notre recherche est d’analyser les conditions et les effets généraux de l’engagement de ces femmes dans un sport qui est une construction historiquement masculine, d’étudier le résultat d’une socialisation prolongée de ces femmes dans un fief de la masculinité. C’est aussi discuter de l’existence de normes sociales, de les caractériser afin d’élucider les rôles et attributs assignés à chacun au travers de situations concrètes dans lesquelles se répartissent généralement les fonctions inters-intra sexuées. Enfin, la tâche est de mettre en évidence les représentations, les points de vue des acteurs par les processus de désignation et d’interprétation.

II. Approche théorique : l’état de la question et l’élaboration du problème.

1. Définition des concepts et leurs variations

Le sport féminin doit être pensé à partir du sport masculin. Et cela du fait que, au départ, le sport était une construction masculine, destinée au masculin et donc qui fonctionne et doit fonctionner selon « des normes, des valeurs, symboles, des pratiques et techniques » , sans ou loin du féminin. Ce qui signifie que pour pouvoir opérer une incursion réussie dans le domaine sportif, le féminin doit donc se conformer à ces normes, ces valeurs et ces techniques. Ainsi Pour identifier une pratique féminine il faut conjointement aspirer à une logique de différenciation et de relations de sexe. A partir des années 70, la sociologie appréhende le masculin et le féminin mutuellement pour passer du typiquement féminin au féminin-neutre voire au féminin-masculin. Cette évolution s’articule autour du terme genre qui colporte une double assignation : le premier est biologique, elle délimite strictement l’homme et la femme selon le sexe « apparent », la seconde est une assignation sociale .

On parle alors de « rapports sociaux de sexe » (assignation sociale et culturelle sur les comportements sexués). Sur le plan quantitatif, les chiffres nous mènent à penser qu’actuellement la pratique sportive féminine est équivalente à celle de l’homme. Il est vrai qu’il apparaît clairement que celle-ci s’est massifiée mais des manques à voir la présence des femmes dans certaines pratiques nous démontre que la démocratisation n’est pas totale. C’est ce qu’attestent les constatations de C. Louveau, une distribution différente s’établit entre homme et femme dans les pratiques sportives. En effet, certaines femmes commencent à apparaître dans les pratiques où les effectifs sont traditionnellement masculins (comme les sports d’équipe, la boxe, le judo, l’haltérophilie…), d’autres sont surreprésentées dans des fédérations constituées au féminin : gymnastique, natation. Des fédérations restent peu féminisées mais les effectifs féminins ont rapidement évolué ces dernières années. C’est le cas du judo qui se situe au cœur de notre cadre de recherche. Le judo au féminin est méconnu jusqu’en 1975 où un 1er championnat de France sénior féminin est organisé à Paris. Il apparaît au Jeux Olympiques de 1992 à Barcelone, les hommes y accédaient déjà en 1972 à Munich mais dans une proportion étroite quant aux catégories de poids. C’est un sport majoritairement représenté par les hommes (institut, licenciés, média, entraineurs…) qui peut repousser ou attirer des femmes compte tenu de sa logique interne son histoire, l’image et les valeurs qu’il transmet… . Comme nous l’indique (C. Louveau, p.257-270, masculin/féminin, l’apport de l’analyse couplée) « Montrer ou exercer sa force, se livrer à un combat […] autant d’attributs que les femmes semblent ne pas pouvoir faire leurs et qui appartiendraient donc, en propre, à la masculinité ». Quelque part, il faut dire que les femmes licenciées au judo sont enclins à pratiquer le judo au travers d’un modèle masculin permanent, ce qui ne veut en aucun cas dire qu’elles font et qu’elles sont comme les hommes. L’un ne détermine pas l’autre .

D’ailleurs pour qualifier leur pratique et leurs agissements, les femmes se réfèrent à des aspects techniques voire esthétiques. Elles insistent sur le caractère « civilisé » de leur pratique a contrario de l’homme puissant, fort (Mennesson.C 2002). Ainsi des éléments de différenciation apparaissent dans les modalités de pratique (euphémisation de discours, enrichissement et valorisation du vocabulaire technique pour pallier à la différence biologique), comportements Tous ces paramètres mènent à penser qu’il serait juste de comprendre en quoi consiste la pratique judo ( logique interne) pour saisir au mieux les différents modes d’engagement de ces femmes et leurs spécificités : cadre de socialisation, situation professionnelle, diversité des modalités de pratique, de comportement ( attributs classiques bafoués). Ceci afin de tendre vers une vision pertinente qui consiste également à dire que bon nombre d’entre elles s’accordent sur l’idée, parfois, d’une « manière masculine » de pratiquer, d’agir ou de parler. C’est une négociation permanente de « faire comme l’homme » mais « être une femme ». Ces derniers propos mettent en relief ce qui de prime abord reste abscons, les normes de références auxquelles se définissent ces judokates et, qu’elles diffusent autour d’elles au gré de discussions, brimades. Nous reviendrons sur ces éléments après avoir défini la place de la femme dans le judo.

Par définition le judo appartient à la catégorie des sports de combat où le corps est très sollicité. C’est-à dire un sport qui correspond à « une mise en jeu réglée de la violence dans un affrontement individuel face à face » (Clément, 1987). Cela pose alors un doute sur la capacité des femmes à s’approprier cet univers quand on sait qu’elles ne se sont pas construites sur ces valeurs, le plaisir de l’affrontement. Faculté d’appropriation qui est d’ailleurs aussi mise en doute par les (ou certains) pairs masculins. Ainsi David Douillet n’a pas beaucoup de considération pour ces femmes qui pratiquent le judo ou une autre discipline de combat, car pour lui cela « n’est pas quelque chose de naturel, de valorisant » . Ceci est malheureusement une conception encore assez répandue, même si rarement avouée, dans le monde sportif en général et dans le judo également. Les conceptions traditionnelles du rôle de la femme restent extrêmement pugnaces. « Si Dieu a donné le don de procréation aux femmes, ce n’est pas hasard » .

Par ailleurs, comme nous nous l’avons souligné précédemment, dans tout groupe des codes sont formés par certaines judokates et font office de « gouvernail » quant aux lignes de conduite à tenir, à respecter. C’est à partir de la divulgation de ces références qu’apparaissent des individus qui se démarquent du groupe. Ainsi le regard posé sur ce groupe se doit d’être précis pour relever les situations et les processus par lesquels une norme est admise/transgressée, celle de la féminité, notamment au travers d’interactions (qui comprend les mouvements corporels qui convergent avec ceux de la parole, de l’esprit). Selon D. Le Breton (L’interactionnisme symbolique, P.U.F, 2004) « une interaction est un champ mutuel d’influence… . Les interactions ne sont pas des processus mécaniques se greffant sur des statuts et des rôles […]. Toute interaction est un processus d’interprétation et d’ajustement et non l’actualisation mécanique d’une conformité ». Ainsi, l’une des premières questions que soulève cette définition et qui semble essentielle comme point de départ est, de comprendre comment les normes sociales de ce groupe de judokate sont construites, interprétées et reproduites par elles-mêmes au cours de l’activité ? Mais également, quels sont les qualificatifs donnés, prescrits ou interdits par celles-ci pour définir le terme féminité, leurs représentations ? Enfin quelles sont les applications concrètes induites par leurs points de vue sur la féminité ?

2. La formulation du problème, « ce que l’on veut savoir »

Pour illustrer le bien fondé de notre étude, nous nous référons dans un premier temps à des données extraites de la Fédération Française de Judo (via intranet). Notre réflexion porte sur le club de judo de St Geneviève des Bois (Essonne) où le nombre de licenciés répertorié s’élève à 471, hommes et femmes comprises. Ce chiffre correspond à l’intégralité des personnes inscrites, du « baby judo » aux seniors. Afin de saisir au mieux notre question de recherche, il est judicieux d’analyser de plus près ces chiffres pour initialement comprendre un fait, le nombre d’hommes par rapport à celui des femmes. En effet sur ces 471 judokas, 350 sont des hommes pour 121 femmes. On comprend dès lors que la participation féminine, bien qu’évolutive, représente dans le cas échéant une proportion restreinte. Alors la présence des femmes ne s’exprime qu’à un quart de l’effectif total (25%). La prise en considération, plus spécifique, de notre population (femmes seniors) révèle les mêmes conclusions quant à l’effectif représenté.

Le lieu de notre étude, observation est la salle d’entrainement dite « dojo ». Là où la pratique est mixte a contrario de la compétition qui sépare les sexes. Cependant au regard de nos données il est évident que cette structure est imprégnée au masculin. Comme l’indique C. Louveau, dans le sport de compétition, de haut niveau on parle implicitement d’un univers sexué car surreprésenté par le sexe masculin pour ne considérer que les pratiquants. Ce constat s’étend plus largement : entraîneurs, dirigeants, préparateurs physiques…. A ce titre, notons que Les licences sportives de la catégorie « dirigeant » se répartissent de la façon suivante : 78% d’hommes, 22 % de femmes. C’est donc une pratique ou les hommes sont représentés plus expressément, où le sexe « fort règne ».

Alors divers questionnements surviennent : quels sont les visions et jugements de ces hommes sur ces femmes pratiquantes ? De surcroît donnent-ils naissance à des normes sociales de référence, à une intériorisation des rôles et statuts sexués? Quelles sont les actions qui mènent à penser que cela se répercute sur la population féminine ? Autrement dit, quels sont les fondements et les échanges qui permettent, à ces hommes de désigner une femme plus féminine qu’une autre, quels sont leurs opinions ? Tout en sachant que l’on tient compte plus spécifiquement des jugements entre ces femmes à propos de leur féminité, ceux des hommes sont complémentaires. De part sa logique interne, le judo favorise le contact corporel, le « corps à corps » dans un affrontement physique où il est le moyen d’expression privilégié. Ce sont donc, par exemple, les observations de combats, les préparations physiques et les vestiaires qui nous apportent des éléments concrets que l’on caractérisera ultérieurement. Précisons que dans les sports de combat, la domination est initialement caractérisée comme étant une « contrainte par corps » (Bourdieu, 1998, p.29). C ‘est une autre forme de réciprocité que le langage verbal mais qui a son importance. C’est ce que souligne D. Le Breton (2004) « le corps à corps compose une interdépendance symbolique qui rend solidaires dans leur violence les mouvements de l’un et de l’autre des adversaires. L’agressivité suscite parfois une attitude complémentaire de soumission marquant l’ascendance d’un individu sur un autre, et notamment l’imposition d’un rythme et d’une ligne de sens. […] rupture dans le système d’attente mutuelle, le malaise apparaît. Ainsi une main tendue pour saluer qui ne rencontre pas celle du partenaire ».

Parallèlement les propos de P. Bourdieu mettent en évidence que les rapports de sexe sont aussi de rapport de force. Autant de critères, de qualités (force, contact, affrontement) qui ne sauraient convenir à la fragilité de la femme qui doit se préserver et qui la rendrait IPSO FACTO inapte à certaines pratiques physiques (F. Baillette et P. Liotard) considérées comme dangereuses pour le corps féminin (santé-beauté). Mais la « loi biologique » n’établit plus autant les références et normes qui correspondent à un type de femme unique. Car ce processus initié par des différences naturelles ne tient compte des caractéristiques sociales de ces femmes, indispensables à la compréhension de leurs représentations qu’elles ont d’elles-mêmes et des autres. C’est pourquoi les normes de références pour certains ne sont pas admises par d’autres et inversement, chaque individu ou groupe fonctionne selon ces perceptions et interprétations personnelles. La force convenant à l’homme, la souplesse à la femme correspondent alors à une distinction naturaliste qui assimile le corps humain au corps social « c’est l’illusion naturaliste » (F. Héritier, 2005). Le dépassement de l’ordre biologique vers l’ordre social permet ainsi de saisir l’idée selon laquelle, autant qu’il y a des femmes il y a des féminités. La bi-catégorisation des sexes semble obsolète et se fonde sur des opinions devenant stigmates, comment peut-elle exister au sein d’interactions intra-sexuées ? En d’autres termes, est-il possible que les adjectifs classiques de la féminité puissent diriger, influencer les jugements et désignations entre femmes ? Quels sont-ils, sur quels critères se basent-elles et à quels moments ? Afin de clarifier notre exploration, pour entendre les significations telles qu’elles sont vécues par les acteurs nous nous baserons sur les échanges en tant qu’élément explicatif fondamental. De manière complémentaire, nous nous pencherons sur le cadre de socialisation et le statut socioculturel de ces femmes au sein du club pour tendre vers une réalité sur la différence ou l’association des avis, sur ce que représente à leurs yeux la féminité. Ainsi, ce travail amorce la phase suivante qui consiste à repérer celles qui sont jugées et transgressent ce cadre défini. Cependant il n’est pas le même pour toutes.

Le cheminement de notre étude poursuit son cours, nous devons à présent mettre en évidence la relation entre la classe sociale de ces femmes et leurs rapports à la féminité, à leurs corps. Cette étape paraît indispensable dans une pratique où celui-ci est « vital ». En effet, le rapport à la féminité et le rapport au corps sont intimement liés et induisent une pertinence sociale qui illustre l’intensité et les modalités de pratique. C’est par la représentation corporelle que l’individu est situé et classé par autrui. Ainsi le corps peut-être le reflet d’une position sociale de l’individu mais aussi d’une trajectoire de conduite, de vie. Plusieurs études, notamment celle de J.P Clément (1987), qualifie le recrutement social du judo comme étant varié. Cependant il précise que ce sont en majorité des agents issus des classes moyennes. Et, comme le précise L. Boltanski (usages sociaux du corps), les habitus corporels sont propres aux différentes classes sociales. Comment le statut socioculturel, la classe sociale agissent-ils sur les attitudes de ces femmes ? Quels rapports peut-on faire quant aux visions qu’elles ont de la féminité, comment la perçoive-t-elle dans un sport où le corps est prioritairement le symbole d’efficacité, « l’outil privilégié » ?

De nombreux indices répertoriés tissent la trame du rapport au corps, à la féminité dans le cadre de notre étude, des moins saisissables aux plus visibles. C’est ainsi considérer l’apparence corporelle (forme, tenue vestimentaire, démarche, allure, contact), l’expression verbale et gestuelle (regards, mimiques, caractères). Comment la mise en relation de ces déterminants aboutissent-ils à une mise en place de normes de référence ? Et, comment sont-ils imposés, transgressés par ces femmes ? A ceci s’ajoute l’idée selon laquelle ces femmes sont immergées dans une pratique mixte certes, mais autour d’une forte présence masculine. Cette immersion s’élabore en référence à un modèle masculin. Dès lors, l’auteur P. Liotard (2005) précise « qu’à haut niveau mais pas seulement, l’excellence sportive féminine résulte d’une conquête symbolique : celle des limites du corps qui doit composer à la fois avec les conventions sociales et avec les valeurs de la performance sportive ». Il est vrai que la formation à la discipline judo privilégie un cadre de socialisation particulier dont l’importance se spécifie compte-tenu d’un effectif quasi-masculin. D’ailleurs E. Goffman (2002) précise que le sexe est la base d’un « code fondamental auquel s’élaborent les interactions et les structures sociales ». Alors pour caractériser la féminité, le rapport au corps, peut-on considérer que les comportements en conformité du sexe masculin influencent-ils ceux des femmes ? Si oui, dans quels circonstances et à quels moments ? C’est pourquoi il est essentiel de s’atteler au travail d’observation des entrainements car il est le lieu privilégié de transmissions de la culture (interactions au groupe, entraineurs.

Parallèlement il faut noter les interactions dans les vestiaires en préparation physique et technique car les femmes se retrouvent souvent entre elles. Cette connivence d’angles de vues fournit l’occasion de tendre vers une analyse objective de notre sujet de recherche. L’adoption ou le refus de modes de conformité de ces femmes, la création ou l’imposition de normes communes par ces femmes révèlent des comportements qui « dévient du plan de route » et sont perçues au grand jour. On ne peut mettre de côté une absorption assez masculine dans l’emprunte de ces femmes pour étudier les mécanismes et processus qui mènent à penser qu’une femme est plus féminine qu’une autre. Finalement les effets de stigmatisation naissent dans un champ mutuel d’actions-réciproques et renvoient à la possibilité d’un monde ouvert à toute forme de féminité.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Chapitre V : la méthodologie

Rappelons que la démarche sociologique est basée sur l’observation objective de faits particuliers donnant lieu à des constats, des principes c’est donc une démarche inductive basée sur l’étude de cas singuliers. L’étude doit donc se tenir au fait (différent des préjugés-prénotions), reposer sur l’observation, l’interprétation et la comparaison de situations concrètes. Il s’agirait de partir d’observations plurielles, d’une multitude d’avis afin de faire ressortir des constantes, des relations, des successions significatives. Ainsi nous tentons de découvrir des normes qui pourraient expliquer les évènements observés.

1. Le choix de la population

Il s’agira ici de choisir la population sur laquelle va porter l’enquête. Comme notre travail porte sur l’étude des femmes qui sont présentes dans le cadre social du judo, notre étude portera donc sur la population féminine au judo. Mais pour bien mener l’étude concernant la participation des femmes à la pratique du judo, il a fallu affiner notre cadre de recherche et mieux définir la population sur laquelle porter notre analyse. Il nous est donc apparu plus approprié et plus intelligent d’orienter le choix de notre base d’observation est la salle d’entrainement (dojo) Gérard BAILO à Sainte Geneviève des bois.

Ce choix n’est pas neutre, car il représente un terrain d’étude reconnaissable puisqu’en étant nous-mêmes licenciée au sein de cette structure. Ainsi il nous permet une cohésion facilitée par cette inscription au sein d’un groupe, l’échange n’est pas une étape à construire. Cependant cet avantage peut révéler une contrainte, celle de ne pas pouvoir prendre de recul face à une situation observée, d’être trop subjective et de négliger les faits ou de passer à côté de ces faits.
Le club de judo de Sainte Geneviève des bois s’inscrit, en partie, dans une logique compétitive qui vise le haut niveau. Ainsi grâce à ses résultats, il constitue l’un des trois meilleurs clubs de France. D’ailleurs bon nombre d’athlètes figurent dans des structures aboutissant à la performance, aux résultats (I.N.S.E.P, I.N.E.F.). L’un des objectifs étant de décrire avec le plus de minutie possible le cadre de socialisation dans lequel sont incorporées ces femmes, afin d’analyser et comprendre les effets de cette pratique sociale. D’ailleurs pour être à même de cerner touts les questionnements posés dans ce travail, nous avons besoin d’observer les entrainements et les vestiaires qui correspondent à des lieux privilégiés d’échanges de ces femmes, ils sont complémentaires mais dissemblables. En effet, pour bie comprendre, bien saisir la conception de ces femmes et leur réaction au contact de l’environnement dans lequel elles évoluent, il est nécessaire de les suivre pendant la pratique, sur le Tatami, mais également après les entraînement , c’est-à dire en dehors des tatamis, dans les vestiaires donc notamment. Les relations et les réactions n’étant pas les même selon l’endroit. En effet les séances sont mixtes et rythmées par les directives de l’entraineur, on peut donc observer des attitudes chez les femmes selon qu’elles soient en présence ou non de leurs paris masculin. La réciproque étant vraie pour les hommes (les deux hommes) aussi. Ainsi, les deux groupes étudiés (les cinq hommes et les deux hommes) ne répondront pas de la même manière à nos questions quand ils sont en présence les uns des autres, alors que le vestiaire fait souvent office de lieu de confidentialité, d’intimité. Un « territoire » où les langues se délient plus facilement, où chacun se sentiront plus libres de s’exprimer et d’exprimer leur opinion dans un espace propre à chacun des deux sexes.

2. Le recueil des données

La base d’observation correspond au travail préparatoire qui au fur et à mesure nous amène à poser des hypothèses détaillées. C’est bien là le projet d’une démarche inductive justifiée par un travail à venir, celui du recueil des données au travers d’un guide d’entretien. Ce qui nous permettra de tendre vers des réponses, des justifications plausibles à ces évènements observés. Alors le recueil des données de notre étude repose sur deux moments consécutifs : observer et interroger, enquêter.

L’étape de l’observation effectuée auprès du club Sainte Geneviève des bois s’articule tout au long de l’année sportive 2010-2011. Nous avons donc mené notre étude pendant cette période et à raison de trois séances d’entrainement par semaine (dont deux séances entrainements types et une séance d’entraînement pour la préparation physique ou la technique).

Nous avons alors mené notre étude aussi bien sur le tatami, pendant les séances d’entraînement, cela afin de mieux saisir le langage, la communication gestuelle avec lesquels communiquent et interagissent les judokates, que ce soit entre elles ou avec leurs pairs masculins, les entraînements étant, comme nous avons souligné plus haut, mixtes. Qu’aux vestiaires, espaces « sexué » propres à chaque sexe où ils sont plus enclins à s’exprimer librement sans aucune crainte de subir le jugement de l’autre groupe.

Nous avons donc observé et noté les particularités du lieu d’entrainement, le déroulement des séances, les interactions (physiques et verbales et gestuels) entre les athlètes et auprès et envers les entraineurs, les interventions de ceux-ci (le moment de l’intervention, les rasons et la réaction des athlètes à ces réactions). Nous avons également bien observé les normes et les rituels qui accompagne cette pratique, les manières d’être et d’agir (les comportements). Nous avons effectué un rapide tour d’horizon des lieux « symboliques » de la pratique (sauna, salle de musculation, pesée, bureau…).

C’est un travail d’observation participante, une enquête de terrain pour tenter de saisir toutes les subtilités parfois au risque de perdre en objectivité. Mais l’avantage est clair, vivre la réalité des sujets observés et pouvoir comprendre certains mécanismes difficilement décryptables pour une personne extérieure. Presque paradoxalement il faut « être à la fois partie prenante du jeu social et observateur distancié » (Bourdieu, 1978). C’est l’une des raisons pour lesquelles je me suis restreinte à n’observer les athlètes et les entraineurs que dans le cadre de 3 entrainements pas semaine, sachant que je m’y entraine aussi. Tout l’enjeu est là, puisque je m’entraine et j’observe, savant mélange couplant proximité et distance.

A l’issu de cette période d’observation, nous avons procédé au recueil des avis. Ceux de deux hommes pour illustrer et comprendre le rapport qu’ils entretiennent avec la féminité, leurs perceptions, puis 5 entretiens auprès de femmes. Cet ensemble me permettant de répondre à ma question de recherche. Chercher les situations inversées pour permettre la mise en valeur du « milieu », interroger les rapports liés à la féminité et ces impacts (inter-intra) est prépondérant dans la compréhension des tenants et aboutissant de cette étude.

Les entretiens ont été menés dans les enceintes du club, dans une salle prévue à cet effet. Ces sont des entretiens semi-directs proposés aux sept interviewés, qui portent sur divers thèmes bien précis préparés à l’avance. Les thèmes abordés concernaient notamment :

– La famille, les questions étaient portées sur la profession, les activités physiques et culturelles qui y avaient cours.
– La féminité et les normes, il s’agissait de répertorier les conceptions de chacune et de chacun, de les classer et de les comparer avec les conceptions traditionnelles de la féminité. Il s’agissait également de dégager les formes de transgressions et de stigmatisations qui les accompagnaient.
– Les déviances, il s’agissait ici de chercher à connaître la perception et jugements intra sexuées des fonctions et critères de la féminité.
– Le corps, afin de connaître le rapport au corps de ces femmes et aussi leur réaction au regard de leur pairs. Il était notamment question de pesée, poids, régime alimentaire, et de blessures. Egalement de l’apparence corporelle, notamment en ce qui concerne les changements (à ses yeux et au regard des autres. Et enfin, les réactions lors des contacts physiques lors d’affrontement, que ce soit inter ou intra sexué.

– Le dernier thème abordé concernait le groupe, les questions, centrées sur les séances d’entraînement et les vestiaires, étaient destinées à connaître la conception des femmes en ce qui concernait le concept de déviance, il s’agissait de voir comment se forment les étiquettes, que ce soit entre les judokates ou entre les judokates et les judokas.

Notons que dans les entretiens menés, les deux hommes interviewés ne sont pas représentatif, dans la mesure où leur interview était surtout mené dans un but complémentaire , afin de mieux éclairer et de mieux comprendre le point de vue des cinq femmes judokates, et également dans le sens où ils sont ajoutés à la population principale représentée par les femmes, cependant ils nous apportent et révèlent des jugements qui ne sont pas anodins et qui peuvent avoir une grande influence sur la réactions de leurs pairs féminins. D’autant plus qu’ils sont à même d’interagir avec la population étudié.

Pour ce qui est du choix des acteurs, la sélection a été effectuée selon les différences du point de vue morphologique (catégorie de poids), par rapport à leur expérience, leur âge… La raison est que le rapport au corps de ces acteurs diffère selon le niveau de leur pratique ce qui est propre à engendrer des conceptions différentes. Il en va de même pour l’expérience, la durée de l’immersion au sein de l’environnement étudié influence aussi beaucoup sur leur conception de la féminité, sur les nouvelles normes qu’elles définissent au contact du judo.

 

 

 

Chapitre VI : analyse des données

La dernière étape de notre étude a porté sur l’analyse des données recueillies pendant les différentes étapes du travail de recherche.

Les différentes questions que nous avons posées aux judokates ainsi qu’aux deux hommes judokas, couplée avec les travaux d’observation que nous avons mené dans le cadre de notre étude on démontré la grande place que peut prendre dans l’orientation du choix de filles et des femmes de s’adonner à la pratique d’un sport en général, et du judo en particulier, le cadre de socialisation dans lequel elles ont évolué durant la première phase de leur socialisation. Il est alors apparu que l’orientation de ce choix dépend généralement de la socialisation précoce de la fille, lors de la socialisation primaire, par les membres de sa famille. Il peut s’agir de son père ou de ses frères. C’est ce qu’on appelle la « socialisation inversée » . Les filles sont orientées très tôt vers un rôle qui est contraire à celui qui leur est traditionnellement attribué.

Cette socialisation inversée conduit alors la fille puis la femme sportive à se construire une définition personnelle de ce qu’est la féminité, définition qui peut ne pas toujours être conforme à la définition de la « bonne féminité » reconnue par la société et qui consiste à conférer à la femme des rôles et des attributs classiquement affectés dans la vie sociale. Ce qui peut engendrer de la part de ces femmes des jugements et des qualificatifs sur la féminité. Le plus souvent, elles couplent la féminité avec la liberté du corps, qui est l’apanage des pratiques sportives, avec le plaisir de bouger et la possibilité d’opérer une affirmation de soi qui leur octroi plus d’indépendance et plus de confiance en elles. Bref autant de privilèges qui ne se rencontreront pas forcément dans la conception traditionnelle de la féminité qui encourage plus le sens de dévouement des femmes, et qui ne leur laisse pas beaucoup de place pour s’affirmer. Les situations d’échange et d’interaction au sein du groupe sont pour beaucoup dans cette nouvelle approche que les femmes judokates ont de la féminité.

En intégrant le monde du judo, la femme opère une forme de transgression par rapport aux normes traditionnellement admises dans la société postmoderne, elles incorporent alors de nouvelles règles et de nouvelles normes de la référence de la féminité qui sont admise dans le groupe qu’elles intègrent. Normes qui sont beaucoup influencées par la vision des hommes, de leurs pairs masculins qui sont en situation d’échange avec elles, qui sont en situation d’interaction au sein du groupe, interactions qui sont principalement observées lors des entraînements ou dans les vestiaires.

Nos études ont aussi montré que la conception de ces femmes dépend aussi beaucoup de leur rapport au corps. Ainsi, les avis diffèrent selon l’investissement dans la pratique. Ainsi les femmes qui misent plus sur l’esthétique dans la pratique (de jolis mouvements plus que de mouvement efficaces et productifs), n’ont pas toujours la même conception que celles qui privilégient la technique afin d’atteindre rapidement un objectif, gagner. Cela va se traduire généralement par l’adoption d’une tenue vestimentaire différentes, plus en rapport avec la norme traditionnelle pour les premières, et qui ‘éloignent de cette normes pour les secondes.

Nous avons également pu mieux comprendre comment ces femmes réagissent aux pratiques en vigueur dans leur cadre de socialisation. comment elles réagissent aux brimades , aux remarques et aux critiques, que ce soit de la part de leurs entraîneurs ou de la part de leurs pairs.

 

 

 

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