docudoo

La finance islamique : concilier les principes de la Shari’a avec le crédit et la finance moderne.

Crédit et Shari’a

Introduction

Tout récemment, nous avons vécu dans le monde entier une grande crise financière. Cette crise financière a été provoquée par la chute brutale du marché des crédits immobiliers, surtout aux Etats unis. Cette crise, même si son foyer était les Etats unis, a touché tous les systèmes financiers dans le monde entier.
Mais malgré la mésaventure qu’a connue le système financier mondial, le crédit est et restera l’un des premiers moteurs de développement. Aucun développement ne peut se faire qu’avec la mise en place d’un système financier puissant, une capacité à répondre aux besoins de liquidité que connait l’économie mondiale, autant les particuliers que les professionnels.
Beaucoup de produits financiers sont proposés par nos banques. Différentes formes de crédit ont trouvé le jour pour répondre à nos demandes. Aujourd’hui, ni l’industrie, ni les entreprises, ne peuvent se passer de crédit pour évoluer. Nous rappellerons ici les énormes prêts qu’ont dû contracter l’industrie de l’automobile pour éviter la faillite. Mais l’industrie n’est pas la seule, nous rappellerons également que les banques elles mêmes ont dû contracter des crédits pour faire face à la récente crise financière afin de sortir le circuit financier de l’impasse.
Tous ces faits nous démontrent l’importance que représente le crédit dans le monde entier. L’économie de chaque pays repose sur un système financier bien établi et fort, capable de répondre aux besoins de liquidité.
Le système de crédit est un fait quant aux pays dits « avancés ». On oppose souvent les pays occidentaux à l’Orient. Mais même en Orient, le développement exige à ce que les pays, même de l’Orient, mettent en place un circuit financier fort. Le crédit s’avère être le mal nécessaire de notre époque.
Les pays musulmans sont aujourd’hui parmi les pays les plus riches. Leur richesse se base sur les gisements, surtout en gisement de pétrole. Ces pays se dispersent entre le Golfe persique et l’Asie du Sud Est. Depuis les années 1970, le cours du pétrole n’a cessé de croitre. La crise pétrolière a vu naitre des pays nouvellement riches, à l’instar de l’Arabie saoudite, du Qatar. Ces pays représentent aujourd’hui des milliards de dollar en fortune pétrolière.
L’envolée du prix du pétrole a créé un effet boom quant au monde de la finance en Orient. C’est la vraie naissance de la « finance islamique ». Le développement spectaculaire de la Finance Islamique est une conséquence directe de la mise en exploitation des gisements du pétrole dans le Golfe Persique et des richesses que l’industrie du pétrole a généré.
Certes, avant 1970, une forme de finance islamique avait déjà existé. En 1960, en Egypte , des institutions financières avaient été érigées pour permettre à la population d’accéder aux produits financiers. Il s’agissait plus d’une aide apportée à une couche de population souvent démunie. Le système a pu diminuer le grand écart entre les riches et les pauvres de l’époque. Mais ces institutions n’avaient qu’une envergure locale et ne dépassaient pas les régions où elles étaient implantées.
Mais c’est en 1970 que l’on a commencé à considérer sérieusement la finance islamique. La finance islamique a réellement pris son envol avec le boom pétrolier de l’époque. C’était l’époque de la flambée des prix du pétrole. A cette époque, les pays musulmans se sont rassemblés pour mettre en place l’ l’Organisation de la Conférence Islamique (OCI). En 1973, en pleine crise, l’Organisation a décidée d’organiser un système d’entraide entre les pays musulmans. Elle a dés lors instituée une banque de développement pour faire face à l’embargo institué par l’occident.
De cette brève historique, les pays islamiques, les musulmans en général, ne sont plus en reste quant au domaine financier. Le progrès a incité tous les pays à adopter un système financier capable de répondre aux besoins de tous.
Mais les pays islamiques et les musulmans ne sont pas des clients bancaires ordinaires. Si le système financier occidental repose sur l’idée de profit, les musulmans obéissent aux règles posées par leur religion. Ces règles ont été édictées par le Coran. Le Coran suit les principes de la Shari’a. En principe, les règles commerciales adoptées dans les pays industrialisés ne sont pas admises par la Shari’a. En effet, en matière bancaire et financier en général, le principe est le profit.
Le profit est le moteur du développement de la finance occidentale. Le profit est le prix des services offerts à la clientèle. Elle se manifeste par les Agio, notamment les commissions, mais également et surtout l’intérêt.
En matière de crédit, l’intérêt n’est autre que le prix du crédit. C’est la contrepartie financière de l’opération. Le crédit est un prêt comme tous les autres. En prêtant une chose à une autre personne, le préteur a le droit d’être rémunéré. Le même principe est adopté en matière de prêt d’argent. Le banquier a le droit d’exiger une rémunération quand il offre ses services à sa clientèle. Le client doit un intérêt pour l’argent prêté.
Mais l’intérêt n’est pas simplement la rémunération du capital emprunté. L’intérêt est également une contrepartie du risque que prend le banquier. En effet, le banquier prend d’énorme risque en décidant de mettre à la disposition d’une personne ses fonds. Il se heurte à un risque d’insolvabilité de l’emprunteur. Il est alors considéré normal que le banquier prenne des dispositions. L’une de ces dispositions se manifeste dans l’intérêt du crédit.
Mais l’intérêt est tout spécialement prohibé par la Shari’a. En effet, il est considéré comme un gain ou un bénéfice illégitime qui n’aurait pour finalité que d’escroquer ses paires. C’est ce que la Shari’a appelle la « Riba » . Pour la Shari’a, la Riba n’est autre que l’usure. C’est une escroquerie, une malhonnêteté pure et simple.
En Occident, notamment en France, la loi a institué une limite quant au profit. L’usure est formée quand le taux utilisé par le préteur d’argent est de nature à faire gagner un profit déraisonnable et injustifié. L’usure est une opération indigne dont la seule conséquence n’est que le surendettement de l’emprunteur.
La tradition musulmane ne distingue pas l’usure de l’intérêt. En réalité, pour elle, tout intérêt est usure. En témoigne un verset du Coran qui préconise aux fidèles d’endiguer toute forme de profit tiré d’un intérêt . Pourtant, une rémunération doit être attribuée à un investisseur, ne serait-ce que pour la volonté dont il fait preuve. La finance islamique rejette toute idée d’intérêt mais admet néanmoins la notion de profit.
Le monde islamique en général est formé de principes qui sont le plus souvent opposés à ceux que l’on connait en Occident. Ces règles et principes s’appliquent à tout musulman et dans toute étape de sa vie. La finance n’y échappe pas. Ces principes sont encore sérieusement affirmés par la finance islamique. Qui dit finance dit crédit, et qui dit crédit dit profit. Alors comme concilier cet objectif du crédit avec les aspirations de la tradition musulmane ? C’est cette compatibilité du crédit que nous allons décortiquer dans ce travail.
Pour rationnaliser notre travail, nous procéderons en deux temps. D’abord, dans une première partie consacrée à la compatibilité du crédit avec la Shari’a, nous reviendrons sur les principes qui gouvernent la finance islamique et les modes de financement. Dans une seconde partie, nous exposerons de l’applicabilité de la finance islamique en dehors des pays islamiques. Nous nous consacrerons au cas de l’Europe et plus particulièrement celui de la France.

Première partie : la compatibilité du contrat de crédit avec la Shari’a.

 

Le crédit, sous son acception la plus simple et la plus générale, signifie confiance. Sur cette confiance se base toute relation, humaine, mais également commerciale. En effet, aucune relation ne peut prétendre durer s’il n’y a pas de confiance. La confiance est par exemple le ciment qui lie deux époux pour qu’un mariage puisse à jamais durer. Si cette confiance est altérée, c’est tout le mariage qui est touché. Une relation commerciale s’apparente à cette relation amoureuse qu’entretiennent les époux. Les commerçants forment un drôle de couples comme on dit.
Le crédit fait ensuite intervenir deux facteurs, l’argent bien évidemment, le capital, mais également le temps. Le crédit est l’argent en attendant le temps. Mais le crédit est également le temps en attendant l’argent. Ce processus qui s’étend dans le temps implique forcément une relation continue qui ne peut se mettre en place que sur la base d’une confiance. Un préteur doit accorder sa confiance en la personne qui emprunte pendant le laps de temps. L’emprunteur se doit de présenter tous les caractères nécessaires pour que le préteur lui accorde sa confiance.
Aucun commerçant, et aucun professionnel ne peut passer outre les services d’une banque, que ce soit juste pour des raisons légales comme pour certaines professions, ou pour des raisons d’ordre économique. Le professionnel, le plus souvent, démarre ses activités, avec l’appui d’une institution financière, la banque. Le crédit est soit disant monnaie courante dans une activité professionnelle.
Dieu a permis le commerce. La religion musulmane n’interdit pas le commerce. Qui dit commerce dit crédit. Mais les règles de la Shari’a sont plus contraignantes. De nombreux principes reconnus par tout professionnel classique ou occidental sont carrément rejetés par la Shari’a. Dans le monde occidental, le but principal du crédit est le profit. Pourtant, tous les principes édictés par la Shari’a tournent autour d’une interdiction, celle du profit.
La question étant comment la finance islamique concilie-t-elle les besoins et le but du crédit avec la Shari’a, nous exposerons les principes directeurs de la Shari’a en matière de finance. Pour appuyer notre revue sur cette compatibilité, nous nous attarderons sur quelques exemples choisis pour présenter cette compatibilité.

Chapitre I : Les principes de la finance islamique.

 

Les principes édictés par le droit musulman en matière de finance tournent autour de l’interdiction de l’intérêt. Pour la Shari’a, l’intérêt est un mal qui ronge les hommes et qui l’amène à un état de mauvaise personne. Le droit musulman ne condamne point le commerce. Il admet également le profit. Mais le profit doit être justifié et surtout juste.
La finance en générale se base sur cette idée de profit. Selon la conception la plus classique admise par tous, tout travail mérite salaire. En matière de crédit, l’intérêt représente la contrepartie, la rémunération du préteur. L’intérêt est également considéré comme la rémunération du capital .
Si l’intérêt est reconnu, l’usure ne l’est pas. L’usure est un profit démesuré et non justifié par rapport à l’effort entrepris. Les usuriers sont des arnaqueurs qui profitent d’un état de faiblesse des personnes pour leur accorder les prêts avec des intérêts allant jusqu’à 100% du montant prêté. La finance dans tous les pays poursuivent ces usuriers qui sont des plaies dans le circuit financier.
La finance islamique, plus que toute autre finance, est plus radicale. En effet, la Shari’a ne distingue pas entre intérêt justifié ou non justifié. Elle assimile usure et intérêt. Tout intérêt n’est que le commencement ou la manifestation d’un profit qui ne peut être que mauvais. En cela, la Shari’a est sans équivoque sur l’interdiction de la pratique de l’intérêt.
A côté de cette interdiction de l’intérêt, la Shari’a prévoit également d’autres principes qui doivent être honorés. Ces principes sont des corolaires de cette interdiction de l’intérêt. Ainsi, la loi islamique impose une relation égalitaire entre les parties dans une convention. Elle prévoit le partage des profits, mais également le partage des risques. Mais avant d’aborder ces principes, revoyons d’abord la notion de crédit.

Section 1 : Le crédit

Le crédit vient du terme latin creditum, du verbe credere qui signifie croire. Croire signifie donner sa confiance, en la parole d’une personne, en ce que l’on voit, à Dieu. Mais le crédit signifie avant tout la confiance qu’inspire quelqu’un. Le crédit peut se définir par ses attributs. Ce sont le facteur temps et la confiance.

§1 : Le temps

Lorsque nous évoquons le terme de crédit, la première réaction est de penser au prêt d’argent. Mais le crédit n’est pas que prêt d’argent, une avance de fonds. Nous pouvons d’ores et déjà nous retourner vers la vente à crédit. Il ne s’agit pas d’une avance de fonds proprement dit, bien que la finalité soit la même.
Mais que l’on parle d’avance de fonds ou de facilité de paiement, un facteur réel qu’est le temps doit être considéré. Boudinot et Frabot en ont donné la définition. « Le crédit, c’est du temps qu’on donne en attendant l’argent, ou de l’argent qu’on donne en attendant du temps » .
Le temps est un élément essentiel du crédit. D’abord, le crédit est du temps qu’on donne en attendant l’argent. En avançant une somme d’argent à une personne, le préteur s’engage à octroyer un délai à l’emprunteur pour rembourser et rendre l’argent.
Ensuite, le crédit, c’est l’argent que l’on donne en attendant du temps. Si cette deuxième vision du crédit semble renvoyer le crédit à la simple avance de fonds, il n’en est rien. En effet, le crédit génère une attente de celui qui consent au crédit. Pour un commerçant qui consent une vente à crédit, il ne sera pas payer au jour de la livraison, mais il sera payé au moment convenu. C’est comme si la personne avait consenti une somme d’argent à une personne, à charge pour cette dernière de la rendre au terme convenu. Le bien est synonyme de valeur appréciable en argent.
Mais cette affirmation des deux auteurs nous renvoie également à une autre réalité du crédit, néanmoins suivant la vision occidentaliste de la chose. Le crédit est de l’argent en attendant du temps, le temps peut être apprécié en une valeur pécuniaire. Nous retrouvons ici la justification de l’intérêt dans la pratique financière conventionnelle.

§2 : La confiance

Le terme de crédit lui-même signifie la confiance. Le crédit est la confiance que l’on accorde à une personne. Dans une opération de crédit, c’est la confiance qui prime. Un banquier qui consent une avance de fonds a une personne doit nécessairement faire confiance à cette personne en ce qu’elle rembourse la somme en temps et lieu voulus.
Le crédit, c’est faire confiance, c’est croire à la parole donnée par l’emprunteur, qu’il restituera après un certain délai, la chose prêtée, le plus souvent avec rémunération du service et du danger couru. Cette définition donnée par Petit-Dutaillis est très conforme à l’esprit et au concept occidental du crédit.
L’auteur confirme que le crédit ne concerne pas que de somme d’argent en préférant le terme de chose prêtée. La confiance, élément essentiel du crédit est le fait pour le prêteur de croire que l’emprunteur rendra la chose.
Mais cette confiance n’est pas aveugle. En effet, dans une relation entre deux commerçants, le crédit n’est pas chose courante et automatique. Il faut une relation durable et satisfaisante depuis une certaine période pour accepter un règlement différé. La confiance doit être prouvée et méritée. Une banque qui consent un crédit à un client procède à un examen minutieux de la situation de son client.
Cet examen se fait sur plusieurs plans. La banque procède à un examen de la situation financière et des antécédents du demandeur. Un client qui a déjà été insolvable auparavant n’obtiendra jamais un contrat de crédit dans la même banque ou dans une autre banque . La moralité du client doit également être analysée. Cette moralité s’apparente par les attentions que le client porte à ses affaires, comment un chef d’entreprise gère t-il sa société ?
La plupart du temps, la confiance doit être assurée. Cette assurance se manifeste par le mécanisme des suretés et garanties. L’emprunteur engage une personne qui se porte caution pour garantir le remboursement ou le paiement. La caution est le mécanisme par lequel une tierce personne s’engage à payer la dette d’une personne si cette dernière faille à son obligation.
La caution n’est pas le seul mécanisme recouru par les parties au crédit. Il y également le gage ou l’hypothèque qui sont des suretés réelles. En cas de non remboursement ou de non paiement, le préteur saisir les biens, hypothéqués et gagés en guise de règlement de la dette. La confiance n’est pas aveugle, le mécanisme de suretés est mis en œuvre pour garantir cette confiance entre les parties.
Petit-Dutaillis nous renvoie également à la réalité du concept occidental du crédit qui est la rémunération du prêteur d’argent. Il rejoint en tout point les propos de Boudinot et Frabot. Le crédit n’est pas à titre gratuit, il est accompagné par un intérêt. L’intérêt est considéré comme le loyer de la somme d’argent dont le prêteur renonce pendant la période du crédit.

§3 : La conception islamique du crédit

Pour le droit occidental, le crédit est un contrat purement commercial. Mais pour le droit musulman, le crédit est plutôt perçu comme un acte de charité et d’entraide. Celui qui a de l’argent doit partager avec celui qui n’en a pas. Cet esprit islamique reflète le Zakat qui est un des principes de l’Islam. Le Zakat est une sorte d’impôt religieux. Les fidèles musulmans doivent verser une somme d’argent suivant ses moyens à la communauté pour participer au développement de celle-ci.
Le crédit est un acte d’entraide. Les musulmans doivent vivre suivant un esprit de fraternité. Le fait pour un musulman d’avoir de l’argent et de la richesse ne doit pas engendrer un état de supériorité. Les frères doivent s’entraider dans le besoin.
C’es ainsi que tout idée de profit doit être écarté dans le crédit ou le prêt. Profiter du besoin de son frère est un acte répréhensible et ignoble. C’est ainsi que la finance islamique a banni toute idée d’intérêt dans le crédit. Si crédit doit être, il doit être effectué sans intérêt et dans le but d’aider son prochain. Le crédit musulman est un crédit basé sur de nombreux principes que nous relaterons ci après.

Section 2 : L’interdiction de l’intérêt, principe fondamental

§1 : La conception de l’intérêt

A. L’intérêt en finance conventionnelle
L’intérêt forme la principale rémunération du financier avec les commissions. L’intérêt est la rémunération du préteur de l’avance de fonds qu’il effectue pour l’emprunteur. En remboursant le préteur, notamment le banquier, l’emprunteur devra lui verser an plus du capital une somme d’argent calculée sur la base de ce dernier, en pourcentage.
La légitimité d’un tel profit a été longuement débattue au fil des années entre les auteurs, même occidentaux. Pourquoi le préteur doit il être rémunéré ? Certains auteurs considèrent que l’intérêt n’est pas légitime.

1. La théorie de l’argent oisif et la rémunération du capital
Si une personne prête de l’argent à une autre, c’est qu’elle n’en a pas besoin. C’est la première théorie que l’on avance. Le fait de mettre à la disposition d’une autre personne de l’argent que l’on n’utilise pas ne génère aucune charge ni d’effort. Le profit tiré d’un quelconque intérêt est dés lors illégitime et constitue un gain inexpliqué et déplacé.
Mais cette théorie pourrait recevoir un aval général s’il s’agissait de prêteur profane. Le métier de banquier et de financier est le maniement d’argent. Prêter est le métier du banquier. Il est dés lors impossible de considérer qu’il prête l’argent parce qu’il n’en a pas besoin. Le banquier est un professionnel.
L’autre théorie est celle du capital. L’argent doit être considéré comme capital et plus seulement en tant qu’argent. Le capital est un outil de travail. Courcelle avait émis cette théorie suivant laquelle le capital déploie son énergie lors de son mouvement. Cette énergie doit aboutir à quelque chose, d’où la rémunération du capital. Cette rémunération du capital se fait par l’intérêt.

2. L’intérêt et le prix
Le prix est un élément essentiel du contrat. Le prix doit être déterminé ou au moins être déterminable dans un contrat de vente. Mais ce principe est également retenu pour le contrat de service ou le contrat d’entreprise. Les services bancaires sont des prestations de service et des services professionnels. Le travail du banquier autant que tout autre travail mérite salaire.
Le prix permet d’établir l’équilibre du contrat. La contrepartie de la prestation doit être visible, sauf à considérer une opération à titre gratuit. Le prestataire a droit à une contrepartie raisonnable et suivant l’effort qu’il a consenti.
Plusieurs composants sont considérés pour la fixation du prix du financier, mais l’essentiel regroupe le temps et le risque. Le banquier doit être rémunéré pour le temps qu’il met à la disposition de son client pour rembourser le prêt. Time is money. Le temps c’est de l’argent. Si le travail est rémunéré, le temps passé au travail doit également être rémunéré. Mais l’appréciation pécuniaire de ce temps n’est sans doute pas évidente et elle s’apprécie suivant les mœurs et la pratique de l’époque et du lieu.
Le banquier doit ensuite être rémunéré du risque qu’il encourt. En effet, le prêt d’argent une opération à haut risque. Le banquier n’est jamais sûr du remboursement des fonds avancés. On estime que ce facteur doit être pris en considération dans la fixation du prix final du service.

B. L’intérêt et l’usure
Tous les principes de la finance islamique tourne autour de cette interdiction de pratiquer l’intérêt. Les causes se retrouvent dans les livres sacrés de la religion musulmane, le Coran et la Sunna. L’Islam n’a pas toujours été la seule religion qui prohibait l’intérêt. Les religions chrétienne et juive avaient également prohibé l’intérêt autrefois.
Les juifs ne pouvaient prêter avec intérêt qu’avec les non juifs, De l’étranger tu peux exiger un intérêt, mais de ton frère tu n’en exigeras point, afin que l’Éternel ton Dieu te bénisse dans tout ce que tu entreprendras dans le pays où tu vas entrer pour en prendre possession. C’est d’ailleurs ainsi que l’économie juive s’est autant prospérée, les opérations de crédit se sont grandement multipliées jusqu’au 16ème siècle .
Pendant l’ère de la Grèce antique, une telle prohibition avait déjà été observée. Aristote avait déjà une idée néfaste de l’intérêt. Il est tout à fait normal d’haïr le métier d’usurier du fait que son patrimoine lui vient de son argent lui-même et que celui-ci n’a pas été inventé pour cela. Il a été fait pour l’échange, alors que l’intérêt ne fait que le multiplier.
Et c’est de là qu’il a pris son nom : les petits, en effet, sont semblables à leurs parents, et l’intérêt est de l’argent né d’argent. Si bien que cette façon d’acquérir est la plus contraire à la nature .
L’église catholique n’a commencé à adhérer à l’intérêt qu’avec l’arrivée des réformateurs tels que Calvin au 16ème siècle. Mais l’intérêt était adopté par l’esprit de l‘église, l’usure était prohibée. Cette dernière est considérée comme un appauvrissement direct de ses semblables et un gain indigne.
Au final, toutes les sociétés ayant existées et existantes prohibent l’usure . Aujourd’hui, presque toutes les législations combattent le phénomène d’usure en prévoyant un plafond d’intérêt. Mais la société musulmane est la seule à avoir gardé une prohibition générale de l’intérêt au même titre que l’usure.

§2 : L’interdiction du Riba en finance islamique

Ce principe est clairement affirmé par le livre sacré qu’est le Coran. Il y est expressément recommandé, sinon dire interdit pour tous les fidèles musulmans, de s’éloigner d’un tel mal qu’est l’intérêt. « Ô croyants, ne pratiquez pas le riba qui va multipliant le double en double, mais craignez Dieu pour réussir dans le droit chemin » .
Les principes affirmés par le Coran et l’Islam sont impératifs pour les adeptes, les fidèles musulmans. Leur respect est synonyme de bien être pour arriver à un état de perfection dans une vie saine. Leur respect revient également à respecter les textes sacrés de Dieu et traduits par le Prophète Mahomet.
Le fondement d’une telle interdiction tourne autour de deux points, deux principes sous-jacents, le principe d’égalité et le principe de justice.

A. L’égalité

L’intérêt, pour l’Islam, vise à briser l’égalité qu’il y a entre chaque individu. Cette égalité se manifeste dans toute la vie, que ce soit d’un point de vue religieux, d’un point de vue social, mais également d’un point de vue financier ou économique. Cette égalité est synonyme d’équité, mais également d’égalité de chance entre toutes les personnes.

1. Egalité sociale et religieuse
D’un point de vue social, la richesse ne doit pas être synonyme de déséquilibre social. L’égalité ne doit être rompue par une différence de richesse, de bien, et surtout d’argent. En effet, toutes les personnes sont égales pour le droit musulman.
Du point de vue religieux, l’égalité devant Dieu est très importante. Les fidèles sont tous égaux devant Dieu, qu’importe la richesse ou l’argent dont dispose plus certains que d’autres. En réalité, l’Islam préconise l’entraide entre les croyants. Nul ne peut se prévaloir d’être un bon musulman s’il n’aide pas son prochain .
Si les fidèles sont considérés comme égaux, l’Islam tente néanmoins encore plus d’instaurer cette égalité. Par cet esprit de coopération, les livres sacrés veulent qu’aucun musulman ne soit délaissé ou laissé sur son sort. Pour l’Islam, le crédit cadre véritablement avec cet esprit d’égalité et d’entraide. Les riches doivent donner aux pauvres. Mais le crédit ne doit pas être un moyen détourné d’appauvrir les autres. Il ne doit en aucun cas être utilisé dans un but malsain de gagner de l’argent sur le dos des autres.
Les riches doivent offrir leur aide aux plus démunis. En ce sens, prêter est un moyen très honorable. Donner aux pauvres est la prescription de l’Islam. Mais la religion n’interdit pas non plus la propriété individuelle. Néanmoins, s’enrichir en prêtant et en recouvrant son argent avec un intérêt est perçu comme usure.

2. Egalité économique
L’égalité ou l’équité dans un contrat est reconnu partout, même pour les systèmes occidentaux. En France par exemple, le juge a le pouvoir d’apprécier l’équilibre du contrat. Les prestations de chaque partie contractante ne doit pas être trop élevée par rapport à celles de l’autre. C’est ainsi que c’est forgée le principe de la lésion.
Mais si cette lésion est assez difficile à mettre en œuvre en France, dans un système musulman, cette lésion est constituée dés que le contrat prévoit un quelconque intérêt. Le droit musulman n’échappe pas en un seul point aux prescriptions de la Shari’a, la loi musulmane suprême.
L’équité économique est rompue dés qu’une clause revêt cet aspect d’intérêt. Pour l’Islam, la richesse n’appartient pas aux hommes mais à Dieu . Ces derniers n’ont donc aucun pouvoir d’user de cette richesse sans l’accord de Dieu. Cette richesse que Dieu a accordée aux hommes doit être dépensée dans un but sain. Elle doit être partagée avec les autres, notamment les pauvres. Prêter aux pauvres est la finalité. Mais les prêts doivent être dépourvus de tout intérêt. L’insertion d’une clause attribuant un intérêt à l’une des parties, le prêteur, est synonyme d’exploitation de la partie la plus faible.

B. La justice

La notion de justice est étroitement liée à celle de l’égalité. La justice prévoit qu’aucune des parties ne doit être lésée, surtout dans un prêt d’argent. Comme pour l’égalité, la justice prend une envergure d’ordre religieux et socio-économique.
Le crédit ne doit pas engendrer une injustice. Le profit ne doit pas être injustifié ni injuste. Mais pour la religion musulmane, l’intérêt n’est qu’un profit injustifié puisqu’il constitue en tout état de cause de l’usure. L’usure est sévèrement réprimander par l’Islam. Elle est l’affirmation d’une volonté de léser les autres, de profiter d’eux, de leur ignorance, mais surtout de leur état dans le besoin. Les prescriptions de l’Islam est d’aider les pauvres et non d’utiliser ses derniers à ses fins.
Les prescriptions religieuses veulent éviter le monopole des richesses. En effet, par le biais de l’intérêt, les pauvres resteront toujours pauvres et endettés, les riches s’enrichiront d’avantage. L’intérêt est le meilleur moyen d’agrandir le faussé qui existe entre les riches et les pauvres.
1. Justice du point de vue religieux
Les prescriptions coraniques tendent à créer ou à recréer le sentiment de vie en société entre les croyants musulmans. Ce qui importe n’est pas la réussite ni l’argent ni la richesse mais la communion qui existe entre les fidèles. L’usure est la meilleure façon d’arriver à la désunion d’une communauté.
L’usure est considérée par la loi islamique comme un acte d’injustice car elle profite à une personne au détriment d’une autre. Elle reflète un enrichissement sans cause. Si un musulman cherche à gagner au détriment de son frère en profitant de son besoin pour le soumettre à un abus, il commet un acte d’injustice.

2. Justice sociale et justice économique
La justice sociale ne relève pas simplement d’une idéologie morale. En effet, la pratique de l’usure, donc l’intérêt permet à la fois de rabaisser la valeur de l’homme mais également de hausser la valeur de la matière, l’argent. La matière ne doit pas être la fin mais un moyen.
La richesse a été donnée par Dieu dans un seul but précis, les besoins de l’homme, mais de tous les hommes. La richesse doit être utilisée de la meilleure façon et doit profiter à la communauté. La communion des fidèles permet l’atteinte de ce but. Que ceux qui en ont donnent à ceux qui n’en ont pas. L’usure pratique le principe inverse, ceux qui en ont prennent à ceux qui n’en ont pas.
Au regard de l’économie, la pratique de l’intérêt qui ne mène qu’à l’usure est une source de blocage, dans le sens où il existe un monopole de la richesse. Le capital se retrouve entre les seules mains de ceux qui l’ont. La redistribution équitable n’existe pas. Elle crée un faussée entre dans la population.
Au final, la justice et l’égalité se rejoignent sur leur but. Chaque musulman doit avoir la chance de prospérer et chaque musulman a le devoir de contribuer au succès des autres. Telle doit être la mission de la communauté musulmane.
Du point de vue religieux, la pratique de la Riba est interdite. Mais les pays musulmans ont néanmoins encore conforté cette interdiction de façon législative. Pour le cas de l’Arabie saoudite, et certains pays arabes, la Shari’a fait intégralement partie du droit positif. Elle a la place de la constitution. Il est dés lors clair que dans ce pays les prescriptions charaïques ont force de loi. L’interdiction de la Riba est indéniable et garde une place constitutionnelle comme interdiction générale et absolue.

§2 : La mise en œuvre de l’interdiction

A. Evolution de l’interdiction
L’interdiction de la Riba a été consacrée par la Shari’a, notamment par le biais du Coran qui en est la source principale. Mais cette interdiction n’a pas été immédiate, elle s’est installée de façon progressive.
Autrefois, le coran avait seulement recommandé la non pratique de l’intérêt parce qu’elle ne coïncidait pas avec la volonté divine. A ce stade, il ne s’agissait pas encore de prohibition digne d’une peine ou d’un châtiment. Ce que vous donnez comme usure pour accroitre le bien des autres ne croitra pas chez Dieu, c’est ce que vous donnez en aumône qui sera doublé.
D’ailleurs, l’usure a été courante dans les communautés arabes. Mais avec l’avènement de l’Islam qui a gagné sa place en tant que religion dans les péninsules d’Arabies, l’usure a été condamnée, mais il n’existait pas encore de plate forme de répréhension à cette époque. I s’agissait uniquement d’une recommandation.
Par la suite, une interdiction implicite a été établie par le Coran. Les versets coraniques ont pris l’exemple des juifs qui pratiquaient l’usure pour interdire cette pratique répréhensible au regard de Dieu. Le même châtiment douloureux serait réservé aux fidèles musulmans qui pratiqueraient l’usure, autant que les juifs .
Pour arriver à l’interdiction explicite actuelle, le coran a complètement banni l’usure. Un fidèle digne de ce nom doit renoncer aux intérêts qui lui sont dû. A partir de là, la distinction entre usure et intérêt a disparu. Les deux notions se confondent pour asseoir une interdiction absolue.
L’interdiction touche quasiment tous les secteurs et toutes les formes de crédit ou prêt. Que ce soit dans le cadre d’un crédit particulier, crédit mobilier ou immobilier, crédit à la consommation, ou dans le cadre d’un crédit professionnel comme le crédit financement, le crédit financement ou encore le crédit bail.

B. Les comités de conformité à la Shari’a

Dans la religion musulmane, ce qui est autorisé, ce qui suit les principes de l’Islam est dit halal. Ce sont des produits qui s’alignent aux prescriptions du Coran. Le Coran interdit par exemple la consommation de viande de porc. Les boucheries qui n’en vendent pas et qui appliquent cette interdiction sont dites halal. Il en est également ainsi pour les produits financiers.
Les institutions financières islamiques se sont nettement développées depuis une trentaine d’année. Le circuit financier islamique mondial est estimé à 700milliards de dollar par an. Pour cela, ces institutions financières créent des mécanismes de financement qui reprennent les produits conventionnels mais adaptés aux interdictions du Coran, notamment celles de la pratique de l’intérêt.
Au niveau de chaque institution existe un comité de conformité à la Shari’a. Ce comité est en charge de se pencher sur le respect des préceptes islamiques des produits financiers que l’institution émet. Les produits ne peuvent être proposés par l’institution au public qu’après l’aval de ce comité. Chaque institution financière islamique dispose d’une structure de gouvernement bicéphale, les structures de direction classiques qui veillent à la gestion de la société, et une entité spécifique aux institutions financières islamiques, le Sharia Board.
Les membres de cette institution sont des spécialistes, à la fois des préceptes islamiques, mais également des préceptes et des modalités de la finance. Ils combinent le savoir faire financier aux prescriptions de la loi islamique pour offrir des services halal aux clients musulmans.

Dans cette mission, la Sharia board considère trois conditions pour prescrire un produit financier halal : Est-ce que les termes du contrat financier sont compatibles avec les principes de la Charia ? Est-ce que cet investissement est optimal pour le client ? Est-ce que cet investissement crée de la valeur pour le client mais aussi pour la communauté?
Le comité de conformité de la Shari’a examine en détail la structure et la documentation juridique des transactions, ainsi que les caractéristiques des produits qui lui sont soumis. Dans la plupart des banques, ce comité procède par ailleurs à l’examen global de l’activité de l’établissement et produit des rapports annuels portant sur la compatibilité des opérations réalisées .

Les textes sacrés musulmans fournissent uniquement les principes généraux de l’organisation de la vie économique et financière de la société musulmane. Il faut donc transposer ces normes éthiques dans des situations concrètes.
La jurisprudence joue un rôle prépondérant dans la Finance Islamique. Elle explique également, en grande partie, l’hétérogénéité de l’univers des produits islamiques. Certes, l’ensemble des spécialistes en droit musulman s’accordent sur les grands principes fondamentaux, mais de nombreuses divergences existent sur certains points de détail.
En effet, les opinions et les interprétations avancées par les différentes sharias scholars peuvent différer fortement, empêchant de ce fait l’harmonisation des produits ou des procédures financières islamiques. Cette diversité d’opinions parmi les sharia scholars qui composent ces comités religieux pourrait se révéler un des plus grands défis à relever.

Section 2 : Les autres principes de la finance islamique

L’interdiction de l’intérêt est le premier pilier de la finance islamique, mais elle n’est pas le seul. D’autres principes gouvernent la finance islamique, notamment la participation aux profits et aux pertes et l’interdiction d’investir dans l’alcool et le jeu. Mais il existe un principe qui est corolaire de l’interdiction de l’intérêt, l’interdiction de la spéculation et de l’incertitude.

§1 : L’interdiction de l’incertitude et de la spéculation

« Le Prophète a interdit l’achat d’un animal non né dans la matrice de sa mère, la vente du lait dans la mamelle sans mesure, l’achat du butin de guerre avant sa distribution, l’achat des dons de charité avant leur réception, et l’achat de ce qu’a récolté un pêcheur avant sa pêche ». Cette explication imagée donnée par le Hadith revient à l’interdiction de vendre un bien futur. Ces biens incertains n’appartiennent pas encore au vendeur, il est risqué de les proposer à des clients.
Ce que vise surtout cette prescription est le risque . Mais la Shari’a accepte la prise de risque. Par contre, ce qu’elle ne tolère pas, c’est de faire courir un risque aux autres. Il existe néanmoins cette confusion. Si la prise de risque est admis par la Shari’a, l’aléa est strictement interdit.
En droit conventionnel, l’aléa chasse la lésion. Mais en droit musulman, l’aléa doit être banni du contrat. Mais qu’entend le droit musulman par aléa ? La première réponse réside dans les jeux de hasard. Les jeux de hasard reposent sur une chance mais aussi un risque. Les jeux de hasard sont les activités que la Shari’a répugne et interdit aux fidèles musulmans.

Mais beaucoup d’activité font entrer en jeu l’aléa. Une aventure sociétaire repose sur un aléa majeur, le risque de tout perdre en cas de perte, les actions peuvent chuter et faire perdre beaucoup d’argent à son titulaire. Le droit musulman prohibe t-il dés lors l’activité sociale ? Si nous nous penchons sur la vie en générale, c’est toute la vie qui repose sur un aléa.
Le commerce présente le même trait. En effet, le commerce est une opération à risque. Le commerçant est exposé aux oscillations des prix. Le commerce peut à tout moment revendre les biens qu’il a achetés à un prix inférieur au prix d’achat. C’est le risque du commerce
Comment le droit musulman fait-il pour y faire face ? Nous pouvons considérer que certaines activités qui présentent et qui ne présentent qu’un risque, sont prohibés par la Shari’a. C’est le cas des jeux de hasard. Pour le reste, la Shari’a ne peut pas interdire les activités telles que l’achat d’action, l’investissement dans le commerce ou une entreprise. Ce que la Shari’a recommande, c’est l’attention et la vigilance que chacun doit porter sur ses activités et ses projets.

§2 : Le partage des pertes et profits

Le partage des pertes et profits s’inscrit parmi les éléments essentiels de la finance islamique. Ce principe reflète les valeurs de l’Islam, la justice, l’égalité sociale et la fraternité. Ce système est défini par comme un mécanisme financier qui lie le capital financier à l’industrie et au commerce sans utiliser un intérêt .
Le principe des 3P, partage des profits et des pertes est la mise en œuvre de cet esprit de la religion musulmane qui est l’entraide entre les fidèles musulmans. Il se manifeste également par l’interdiction de la pratique de l’intérêt. L’Islam interdit l’enrichissement au détriment des autres.
Le partage de profits et des pertes est l’alternative que le droit musulman a choisie pour pallier l’intérêt. Dans une relation, sociale ou économique, le rapport doit être « win-win ». il ne devrait pas y avoir de perdants.
Le 3P est utilisé par le Moudaraba et le Moucharaka, des produits financiers islamiques qui prévoient le parage et la participation active de l’investisseur et de l’entrepreneur. Nous développerons plus en profondeur ces techniques dans le chapitre qui suit. La finance islamique s’inscrit dans un esprit de partenariat.

 

 

§3 : Les activités illicites

A. Finance islamique, finance éthique

Les activités illicites prescrites par la Shari’a sont la vente d’alcool, de la viande porcine, les jeux de hasard, l’industrie pornographique, l’armement. Cette liste n’est pas exhaustive. Les accessoires de ces activités peuvent être interdits ainsi que d’autres activités.
L’interdiction de ces activités repose sur la responsabilisation des croyants. Les musulmans doivent être socialement responsables. La finance islamique se doit d’être une finance éthique. La finance éthique est celle qui est responsable. Le financement doit être mûrement réfléchi. Les musulmans ne mangent pas la viande de porc. Il est dés lors interdit aux institutions financières islamiques de financer une personne pour l’ouverture d’une boucherie non halal.
Il est également interdit aux banques islamiques de financer l’industrie pornographique, ainsi que l’alcool qui a une répercussion néfaste sur la vie de tous les fidèles musulmans. Le droit musulman interdit également le financement dans l’armement. Au final, la finance islamique se veut être une finance responsable et une finance éthique .

B. Le financement du terrorisme et le blanchiment d’argent
Si nous nous arrêtons sur les principes que la finance islamique s’efforce de suivre, la finance islamique est une finance éthique. Les principes de la Shari’a en matière de finance, et en toutes les matières en général, sont louables et méritantes. Néanmoins, certains auteurs expriment un certain doute sur cette réputation de louable de la finance islamique.
Le monde islamique a une autre réputation qui la précède, le terrorisme. Nombreux sont les personnes, parmi eux des auteurs, qui rapprochent automatiquement l’Islam au groupe terroriste. La finance islamique n’y échappe pas. La crainte du financement occulte du terrorisme reste la question majeure dans l’esprit de beaucoup.
Certaines personnes, à l’instar de M. Taqi Usmani , la finance islamique serait une sorte de djihad financier. Ces propos ont valu sa place au sein du comité de supervision islamique du Dow Jones Islamic Market Index. Quoi qu’il en soit, cet état d’esprit nourrit les préjugés et le rapprochement de l’Islam à la violence.
Le blanchiment d‘argent est un phénomène qui se répand aujourd’hui. Mais rien n’indique par contre que la finance islamique en soit l’outil utilisé. La Cour de cassation française a jugé cette accusation gratuite diffamatoire en ce qu’elle est une atteinte à sa considération, l’imputation faite à une banque d’être un circuit commun de financement des activités terroristes, parce que les faits relevés ne sont pas suffisamment précis pour l’objet d’une preuve et d’un débat contradictoire .
La finance islamique a hérité de ces accusations, préjugés et réputations. Néanmoins, toute finance peut être source de financement du terrorisme. Ce financement s’effectue à travers des blanchiments d’argent. Le blanchiment d’argent suit un circuit très long pour blanchir les fonds provenant d’activités illicites comme le trafic d’armes ou le trafic de drogue. Que ce soit le circuit financier islamique ou le circuit financier conventionnel, tous peuvent être victime de ce blanchiment sans s’en rendre compte.

La finance islamique peut prétendre à être une finance éthique. Elle diffère de la finance conventionnelle par les principes qui lui sont intangibles. Le premier de ce principe est l’interdiction de la Riba. Pourtant le métier de banquier est et reste une profession. Comment la finance islamique met-elle en œuvre cette conciliation entre le métier professionnel et l’absence d’intérêt ?

 

Chapitre II : Les modes de financement islamique.

Nous nous sommes attelé précédemment à évoquer les principes dictés par la finance islamique. Nous pouvons affirmer que la finance islamique s’éloigne de la vision conventionnelle de la finance et du crédit, en ce sens que la finance islamique tente de mettre en place plus un système d’entraide et de partage, plutôt que d’une profession commerciale.
La finance islamique a imaginé des mécanismes spéciaux pour mettre en œuvre un système logique mais qui suit les principes de la Shari’a. Dans les premières lignes de ces modes de financement, les mécanismes conventionnels sont repris. Mais la finance islamique a procédé à des remaniements afin de les rendre halal.
Les mécanismes mis sur pied par la finance islamique sont relativement nombreux. Nous nous contenterons de nous pencher sur quelques uns d’entre eux qui s’apparentent aux mécanismes conventionnels mais avec des spécificités. Nous verrons dés lors le Murabaha, le Mudharaba, l’Ijara et les Sukuk.
Nous verrons au cours de cette partie que si le principe de la finance islamique est l’interdiction de l’intérêt, les opérations financières ne sont pourtant pas dénuées de profit. D’ailleurs, le profit n’es pas condamné par l’Islam.

Le crédit est un contrat. Il obéit dés lors à toutes les conditions nécessaires pour la formation du contrat, le consentement, la capacité, l’objet et la cause. Pour ce qui est de l’objet et de la cause, nous avons déjà étudié précédemment les principes qui sous tendent la finance islamique, donc le crédit musulman. Certaines activités sont illicites pour le droit musulman, la charcuterie porcine, l’alcool, l’armement, la pornographie. L’objet et la cause doivent être éloignés de ces fins.
Pour ce qui est de la capacité, les parties doivent être capables de passer un contrat. La banque islamique a pleine capacité pour s’adonner à quatre opérations bancaires, la collecte de fonds, le financement ou le crédit, l’investissement sur les places boursières, et la zakat. Le client doit avoir la capacité de passer un contrat. Cette capacité change suivant le pays en question, mais elle rejoint en principe la capacité dans les pays occidentaux.
Mais s’agissant tout spécialement des femmes, la communauté musulmane tarde encore à donner une place prépondérante à la femme. Cette dernière reste sous le contrôle de son mari, même en matière de crédit. Nous pouvons affirmer que le consentement du mari doit être obtenu.
Le consentement doit être exempt de tout vice. Les parties doivent convenir des termes du contrat à l’avance. L’erreur, le dol, principaux vices du consentement, peuvent être invoqués pour l’annulation du contrat pour vice de consentement.
Pour plus de pratique dans cette partie, nous étudierons les divers instruments et techniques de financement sous deux rubriques, le financement basé sur un actif et le financement participatif.

Section 1 : Le financement basé sur un actif

Le financement d’actif est très répandu et répond tant aux besoins des particuliers que des professionnels. Certains de ces techniques s’apparentent à ce que l’on connait en finance occidentale. Un parallèle sera toujours effectué au cours de ce travail. Nous nous attarderons sur l’Ijara qui est une forme de crédit-bail ou de vente location, ainsi que sur le Mourabaha qui est le tronc commun du financement basé sur un actif.

§1 : Le Mourabaha

Les techniques de financement basées sur un actif sont liées au transfert de propriété d’une chose. Que le client ait besoin de l’actif ou de liquidité, le Mourabaha est le contrat typique du financement islamique.

A. Exposé du Mourabaha

Le Mourabaha est la technique par laquelle le banquier acquiert un bien, une marchandise ou un matériel, auprès d’un fournisseur, pour le revendre au client du banquier moyennant un prix majoré. Mais cette revente au client s’échelonne sur une période de temps convenue entre le banquier et le client acquéreur final.
Dans cette opération, aucune stipulation n’est perceptible, ce qui la rend entièrement compatible à la Shari’a. Néanmoins, le banquier a droit à une rémunération par majoration du prix d’achat initial. L’opération se rapproche plus d’un contrat de vente, mais une vente successive. Le banquier achète le bien dans le but de le revendre aussi tôt.
Pour que le Mourabaha ne puisse être considéré comme un contrat de crédit avec un intérêt, le banquier garde la propriété de la chose jusqu’à l’acquisition complète par le client. Mais dans la pratique, les parties font appel au mandat pour régler les détails.
Le banquier donne mandat au client pour l’achat du bien auprès d’un fournisseur. Ce dernier obtient dés lors la possession de la chose, mais la propriété reste au banquier qui a fourni les fonds. Le client agit au nom et pour le compte du banquier.
Ce qu’il faut remarquer, c’est que la propriété que le banquier garde génère des droits, mais aussi des obligations pur lui. On aurait pu rapprocher le mourabaha du crédit-bail classique. La différence en est que le banquier reste tenu quant à la chose. En effet, pour le crédit bail conventionnel, tout est fait pour décharger au maximum le banquier. L’acquéreur final, c’est-à-dire le client final, reste seul tenu de toutes les obligations inhérentes à la chose.
La différence avec la finance classique est également l’interdiction pour les établissements de crédit de s’impliquer activement dans des relations commerciales . Cette interdiction est contournée par la finance islamique, surtout en ce qui concerne le Mourabaha puisque le banquier participe activement à une opération commerciale ou industrielle, une tache interdite en finance conventionnelle .

B. Les obligations de chaque partie

Le Mourabaha est un contrat qui met en jeu trois personnes, le fournisseur, le banquier et le client. Il s’agit d’une opération triangulaire. Mais cette relation n’est pas complète. En effet, le fournisseur et le client de la banque ne se retrouve pas directement en relation. Le triangle s’opère seulement autour du banquier qui joue un double rôle, celui d’acheteur dans un premier temps et celui de vendeur dans un second temps.

1. Obligations et droits du banquier

a. Relation banquier/fournisseur
La première obligation que le banquier a est d’acheter le bien, matériel, fourniture ou marchandise. Le banquier doit convenir avec le fournisseur des termes du contrat de vente. Il s’agit réellement d’un contrat de vente. Le banquier reste seul tenu envers le fournisseur du bien par application du principe de la relativité du contrat.
Le banquier doit payer le prix convenu auprès du fournisseur. Le banquier pourra négocier le prix d’achat du bien. En cas de non paiement, le fournisseur se retournera vers le banquier et le banquier lui seul. Le fournisseur n’est pas tenu de connaitre la convention qui existe entre le banquier et l’acquéreur final, le client du banquier.
Le banquier a ensuite l’obligation d’enlever la chose après le paiement du prix. En principe, l’enlèvement s’effectue dans les locaux du fournisseur ou dans un autre lieu, dépôt ou hangar du fournisseur selon la convention entre es parties.
Le banquier a ensuite tous les droits en tant qu’acheteur. Il a le droit d’enlever la marchandise ou d’accueillir la livraison. Mais ce qu’il faut retenir, c’est qu’en tant qu’acheteur, le banquier est garanti des vices cachés. Si la marchandise ne convient pas aux prescriptions du contrat signé, le banquier peut se retourner vers le fournisseur.
Si le bien vendu n’est pas conforme, le banquier peut user de tous les droits d’un acheteur. Il peut refuser la réception de la marchandise ou demander une marchandise conforme. Le banquier est assuré contre les vices cachés.

b. Relation banquier/client acquéreur
Après l’achat auprès du fournisseur, le banquier entre en pleine possession du bien. Il pourra revendre ledit bien à son client. Dans cette relation, le client est l’acquéreur, l’acquéreur final de la chose. Le banquier prend la place d’un fournisseur.
Le banquier, en tant que fournisseur, a droit au paiement du prix. Le contrat entre le banquier et son client est un contrat de vente.

2. Obligations et droits du fournisseur

a. Relation fournisseur et banquier
Le banquier est l’acheteur aux yeux du fournisseur. Le fournisseur a droit au paiement du prix convenu entre les parties. Le fournisseur ne pourra exiger le paiement qu’auprès du banquier. Par la force de l’effet relatif du contrat, le fournisseur ignore l’existence d’un quelconque contrat entre le banquier et son client.
Le fournisseur pourra actionner toutes les garanties offertes par le banquier dans le cadre du contrat en cas d’insolvabilité de ce dernier ou en cas de refus de paiement. Le fournisseur pourra ester en justice contre le banquier en cas de non règlement du prix convenu.
Après le paiement, le fournisseur doit livrer le bien acheté. Cette livraison s’opère suivant la convention des parties. En principe, le contrat prévoit la livraison dans les locaux du fournisseur, magasin ou dépôt.
Mais les parties peuvent également convenir de la livraison auprès des locaux de l’acheteur. Dans ce cas, la volonté des parties doit être respectée. Le fournisseur doit effectuer la livraison dans les locaux de l’acquéreur.
Habituellement, le banquier ne dispose pas de locaux pour accueillir les biens acquis. La banque ne dispose pas de lieu suffisamment apte à contenir certains genres de marchandises ou de matériels. Le banquier stipule alors que la livraison s’effectuera dans un autre lieu, notamment les locaux de son client qui n’est autre que le client acquéreur final.

b. Relation fournisseur/client du banquier
En principe, l’effet relatif du contrat écarte toute relation entre le fournisseur et le client de a banque. Le fournisseur est censé ignorer toute convention passée entre ces deux derniers. Le fournisseur ne peut se retourner contre le client en cas de non paiement par la banque.

3. Obligation du client
Le client est en relation contractuelle avec son banquier. Le contrat d’acquisition qui lie le fournisseur au banquier est étranger au client. Le client n’a d’obligation qu’envers le banquier qui devient son fournisseur, son vendeur. Il n’a également aucune action contre le fournisseur.
Le client a l’obligation de s’acquitter du prix convenu entre lui et le banquier. Ce prix n’est pas le même que ce que le banquier a payé au fournisseur. Il est majoré de la rémunération du banquier.
Si en principe le client n’a pas d’action contre le fournisseur, il peut néanmoins se plaindre des vices qui pourraient être cachés et découverts sur les marchandises. Il devra se retourner contre le banquier qui, à son tour, pourra se retourner contre le vendeur initial, le fournisseur.

§2 : L’Ijara, le crédit bail musulman

L’Ijara est l’opération par laquelle la banque achète à un fournisseur un bien, une marchandise ou un matériel, en vue de mettre ce bien en location à une troisième personne. L’Ijara et le Mourabaha s’apparente à l’opération de crédit bail que l’on connait classiquement. Mais c’est l’Ijara qui se rapproche le plus du crédit bail. En effet, le Mourabaha ne dispose pas de ce contrat de louage. Il met seulement en œuvre deux opérations de vente successives.
L’Ijara est une opération triangulaire qui met en relation les trois personnes que sont le banquier, le fournisseur, et le client de la banque. Le banquier achète le bien et le met aussi tôt en location à un client. Cela nous rappelle toutes les conditions et formes du crédit bail.

A. Les obligations et droit des parties

Ces obligations sont celles inhérentes au contrat de crédit bail classique. Mais en finance islamique, le principe de participation au profit et aux pertes est très fort et joue un rôle clé pour la mise en œuvre d’un crédit bail classique. Pour comprendre ce mécanisme, nous devrons revoir le mécanisme conventionnel du crédit bail.

1. La relation fournisseur/banquier
a. Le banquier, acheteur
Le mécanisme de crédit bail est un procédé qui marie vente et location. Il peut d’ailleurs associer à ces deux contrats un mandat. La relation entre le fournisseur et le banquier est basée sur la vente. Le banquier est un acheteur aux yeux du fournisseur.
En finance conventionnelle, la tache de trouver la marchandise et le fournisseur appartient au client du banquier. Il doit trouver le meilleur matériel. Le banquier se contente de fournir les fonds nécessaires à l’achat. Cette situation n’est pas exclue en finance islamique avec l’Ijara. Mais dans son principe, le banquier se charge de trouver le fournisseur, la marchandise ou le matériel.
Le banquier est l’acheteur. Il a l’obligation de payer le fournisseur après la livraison convenue en temps et lieu. Le banquier est garanti de tous les vices cachés. En cas de non-conformité de la marchandise, il peut demander le remboursement ou l’échange de la marchandise.

b. Le fournisseur
Le fournisseur doit effectuer la livraison de la marchandise achetée par le banquier. Il doit fournir une prestation de bonne foi. Il garantit auprès de la banque la conformité de la marchandise suivant les termes du contrat. La livraison doit être effectuée au lieu et temps convenu par le contrat.
En tant que vendeur, le fournisseur a droit au prix. Après la livraison, le fournisseur pourra exiger le règlement de toutes les charges engendrées par les opérations, manutentions, transport, suivant toujours les termes du contrat.

2. La relation banquier/client
L’Ijara prévoit l’achat par le banquier d’une chose, matériels le plus souvent, dans le but de la louer aussi tôt à un client. Cette relation est gouvernée par un contrat de location. Jusque là, l’Ijara est un contrat de crédit bail. Mais ce qui différencie l’Ijara du crédit bail réside dans le dénouement du contrat. Le crédit bail est absolument accompagné d’une option d’achat offerte par la banque au client. Le client doit avoir la possibilité d’acquérir le matériel au terme du louage.
Le client est un locataire. Il a l’obligation de verser un loyer périodique, suivant les termes du contrat. En principe, le loyer est mensuel mais la liberté des parties prime. Le loyer n’est pas considéré comme un intérêt par le droit musulman. La conformité à la Shari’a de l’Ijara est ainsi reconnue, s’agissant non pas d’un prêt à intérêt mais d’une location.
Ensuite, pour un crédit bail conventionnel, le banquier se dégage de toutes les charges pouvant grever le bien mis en location. Le client locataire est responsable seul de toutes ces charges, telle la maintenance ou les charges fiscales du bien.
La spécificité de l’Ijara est le partage des pertes et des profits. Le banquier doit participer à certaines charges, notamment en ce qui concerne la maintenance du bien pour qu’il reste fonctionnel. Le banquier s’acquitte des taxes et impôts qui grèvent le bien.
Mais dans la pratique, le banquier se décharge de ces opérations de maintenance et charges fiscales en mandatant le client acquéreur de ces taches. Ce mandat sera convenu entre les deux protagonistes et les frais seront considérés dans le loyer dont le client devra s’acquitter.

B. Les Ijara dérivés

1. L’IjaraWa-Iktina’a

Ce dispositif suit les principes généraux de l’Ijara. Dans ce mécanisme de l’ijara wa-iktina’a cependant, le locataire, à expiration de la période de location, acquiert automatiquement la propriété du bien. Le droit d’acquérir l’actif repose sur un schéma de promesses d’achat et de vente. La faculté de lever l’option d’achat est un élément clé du crédit-bail et de la location-vente compatibles avec la Shari’a.
Cette technique est différente de celle du crédit bail classique en ce que le locataire s’engage en amont d’acquérir le bien. Il ne s’agit plus d’une option offerte au preneur comme danbs le crédit bail mais d’une obligation, une promesse d’achat.
Cette situation peut être délicate vis-à-vis du principe du crédit bail conventionnel. Néanmoins, le locataire n’est pas en mauvaise situation. Avec la considération de la durée de la location et des loyers déjà versés par le client locataire, ce dernier a plus intérêt à acquérir le bien pour assurer une épargne économique et financière. C’est d’ailleurs toujours le cas, la levée de l’option.
Mais en tout état de cause, l’exercice de cette promesse peut être nécessaire en cas de défaut du locataire et, en pratique, oblige ce dernier à acquérir l’actif. Si le locataire faille à sa promesse d’achat, le banquier pourra revendre le bien à un tiers.

2. L’Ijara Mawsufah Fi Al Dhimmah

Des structures de crédit-bail anticipé peuvent également être mises en place dans les opérations où il n’y a que peu ou pas d’actifs susceptibles d’être immédiatement utilisés dans le cadre du financement. Cette technique permet aux financiers d’être rémunérés avant même qu’un actif ne soit disponible à la location au titre d’un crédit-bail ou d’une location-vente.
Les financiers islamiques ont donc la possibilité de participer au financement ou au développement de projets leur fournissant une rémunération pendant la période de construction. Les loyers anticipés sont pris en compte lors du calcul du montant des loyers perçus pendant la phase de location. Techniquement, ces paiements doivent être remboursés si le bailleur ne met pas les actifs à la disposition de son client au jour de l’achèvement de la construction.

Section 2 : Le financement participatif
L’essentiel des instruments participatifs que la finance islamique utilise sont le Moudaraba, le Moucharaka et les Sukuks. Mai pour mieux expliquer et comprendre le genre de financement, nous nous attèlerons sur le Moudaraba comme participation du banquier aux affaires de son client et les Sukuks.

§1 : Le Moudaraba

Le Moudaraba peur correspondre à une société en Commandite en droit conventionnel. Mais il s’agit bien d’un financement que la finance islamique a imaginée pour développer le crédit musulman en accord avec la Shari’a. Il met en relation deux personnes qui font chacun des apports. Le premier effectue un apport en numéraire et le second un apport en industrie.
Le mécanisme retenu est alors la commandite. Le banquier prend la place de commanditaire et le client hérite de celle du commandité. Le banquier finance la totalité des opérations pour la mise en place d’une industrie ou d’un commerce. Le client apporte son savoir faire pour générer des bénéfices.
Les profits générés par l’affaire mise en place est partagée entre le commanditaire et le commandité. Cette répartition est convenue par le contrat qui établit la participation. En cas de perte qui ne sera pas imputable au commandité, le banquier assumera toutes les pertes. Il appartiendra dés lors au banquier de prouver la faute ou la négligence se son partenaire d’affaire.
Le banquier et le client deviennent alors des partenaires d’affaires. Les risques sont partagés, les profits, mais également les pertes. Ainsi, les prescriptions de la Shari’a sont respectées. Mais si le banquier couvre tous les risques de perte, le client répond de ses fautes et peut également endosser toutes les responsabilités.
L’explication d’un tel mécanisme se comprend à travers la Shari’a qui prescrit l’entraide entre les frères musulmans. Le client étant en situation inférieure, il est celui qui bénéficie le plus dans l’opération. Mais le banquier a droit à une rémunération néanmoins.
En principe, le contrat est révocable tant que le commandité n’ait pas encore commencé son travail. La faculté est reconnue pour les deux parties. Mais la doctrine reconnait également la possibilité de rompre le contrat sous un préavis minimum .

§2 : Les Sukuk

Les sukuk sont les mécanismes qui peuvent refléter le plus les principes d’interdiction de la stipulation d’intérêt et le partage des profits et des pertes. Ils répondent également aux critères selon lesquelles les financements doivent être adossés à un actif tangible. Les sukuk font intervenir deux parties, le banquier et son client toujours.
Le banquier participe à l’industrie de son client en acquérant certains actifs de ce dernier afin de lui fournir une liquidité dont le client a besoin. Les sukuk sont les titres de participations que le banquier obtient en finançant le client. Le banquier dispose de l’actif et fait en bénéficier au client l’usage.
« Les obligations islamiques dites sukuk sont des titres représentant pour leur titulaire un titre dont la rémunération et le capital sont indexés sur la performance d’un ou plusieurs actifs détenus par l’émetteur, affectés au paiement de la rémunération et au remboursement des sukuk. Leur porteur bénéficie d’un droit indirect sur ce ou ces actifs qu’il peut exercer en cas de défaillance de l’émetteur. Le ou les actifs concernés sont des actifs tangibles ou l’usufruit de ces actifs tangibles».
Les sukuk sont les mécanismes utilisés par les banques islamiques et les entreprises pour le financement des projets et des activités industrielles ou commerciales. Cette technique ne fait apparaitre aucune notion d’intérêt et les profits et les pertes sont partagés entre la banque et le client. Ce mécanisme est communément rapproché par les auteurs français à la fiducie. Le banquier participe à l’achat, devient le propriétaire, et partage cette propriété avec le client qui sera le bénéficiaire.

 

Deuxième partie : l’applicabilité de la Shari’a en Europe.

La finance a trouvé son application dans le monde musulman malgré les nombreux principes et interdictions qui gouvernent la communauté musulmane. La finance islamique a été mise sur pied et commence a trouver sa vitesse de croisière. L’essentiel de la finance conventionnelle a été repris par la finance islamique, notamment en ce qui concerne les mécanismes et instruments usités.
La finance islamique a repris le mécanisme du crédit bail avec l’Ijara et le Mourabaha. Les principaux tenants du crédit bail on été retenus. Mais la finance islamique se voulant d’être une finance éthique, des arrangements ont été apportés. Des agencements ont été imaginés par le droit musulman pour permettre aux musulmans de profiter du crédit qui est essentiel pour le développement économique.
Certaines fonctions de la fiducie que nous connaissons en France ont été reprises par le droit financier musulman, notamment avec les titres participatifs que sont les sukuk. Si les principes de la finance conventionnelle ont été adoptés, même reformulés à sa manière par la finance islamique, qu’en est-il de l’inverse ? Comment l’Europe réagit-elle face à la finance islamique ?
En effet, la finance islamique, bien que mal connue en Europe, présente un avantage réel. D’ailleurs, la société Renault projette déjà de recourir à la finance islamique pour pallier à la crise financière qui a frappé le monde tout récemment . Ceci pour dire que la finance islamique peut avoir son avenir en Europe.
Une autre réalité non négligeable, la finance islamique représente actuellement plus de 800 milliards de dollar par an . Cette recrudescence de la part financière de ce marché doit être comprise comme le commencement d’une nouvelle ère et une participation massive de la finance islamique dans l’économie mondiale.
Enfin, la communauté musulmane est loin d’être minoritaire. Nous retrouvons actuellement des milliers de musulmans en France, en grande Bretagne, et presque dans tous les pays d’Europe. La finance islamique est appelé à atteindre l’Europe.
Dans cette dernière partie, nous verrons la réception par le droit français de la finance islamique. Mais avant d’y arriver, revoyons d’abord le choix de la Shari’a comme droit applicable au contrat international.

Chapitre I: Le choix de la Shari’a comme droit applicable au contrat international.

 

En principe, le contrat obéit à la volonté des parties. C’est l’autonomie de la volonté. Cette force et prépondérance de la volonté des parties sont reconnues par quasiment tous les systèmes, notamment le système français. Cette autonomie de la volonté se manifeste sur tous les aspects du contrat, les obligations que les parties s’accordent, l’objet du contrat, les lieux de transaction.
Mais cette volonté s’exprime également par le libre choix des parties dans le mode de règlement des différends. Les parties peuvent choisir le tribunal de leur choix pour trancher des litiges. Elles peuvent également choisir de soumettre les différends à un arbitrage. Les parties peuvent également préciser le droit applicable à leur contrat.
Le principe de l’autonomie de la volonté existe et doit être protégé, qu’il s’agisse de contrat interne ou d’un contrat international. Les parties à un contrat international devraient avoir une entière liberté dans leur choix de règlement de différends, ainsi que le droit applicable au contrat et aux éventuels litiges.
La finance islamique étant appelé à s’épanouir, il n’est pas à exclure le recours à un contrat international d’investissement islamique dans lequel la Shari’a serait le droit choisi par les parties. Les entreprises françaises qui ont recouru ou qui projettent de recourir à un financement islamique international, seront confrontées à cette problématique.
Deux raisons peuvent pousser les juridictions européennes à connaitre des contrats de financement islamique international. La première est le résultat du principe de l’attribution de compétence au tribunal du domicile du défendeur, le lieu d’exécution du contrat. La seconde est l’exécution de sentences arbitrales prononcées en dehors du territoire européen mais à exécutée sur le lieu.
Le sujet est dés lors important car les juridictions européennes seront toujours amenées à se prononcer sur ces contrats internationaux dont le choix des parties s’est tourné vers l’application de la Shari’a comme droit applicable. Les pays européens, notamment la France, réagissent-ils positivement à l’application de la Shari’a dans les contrats de financement islamique international ?
Pour répondre à cette question, nous verrons le choix de la Shari’a face au règlement communautaire Rome I. En second lieu, nous verrons la position du droit français face à ce choix.

Section 1 : La Shari’a face au règlement communautaire Rome I

L’article 3 §1 du règlement communautaire Rome I pose le principe de la liberté de choix des parties quant à la loi applicable à leur contrat. « Le contrat est régi par la loi choisie par les parties. Le choix est exprès ou résulte de façon certaine des dispositions du contrat ou des circonstances de la cause. Par ce choix, les parties peuvent désigner la loi applicable à la totalité ou à une partie seulement de leur contrat ».

§1 : Le libre choix de la loi applicable de l’art 3 du règlement

Suivant l’exposé de cet article 3 §1, les parties peuvent convenir et préciser la loi applicable à la convention. Ce choix peut être également analysé suivant l’esprit et l’intention des parties en examinant les termes du contrat. Le choix peut être explicite ou non.
Le règlement prévoit que les parties peuvent choisir comme applicable la loi d’un pays autre que les pays membres. Cela n’affecte pas la validité de la convention, ni du choix des parties. L’autonomie de la volonté prime dans l’interprétation du contrat.
Le règlement n’a pas tenu ou a omis de se prononcer sur les caractères de la loi choisie par les parties. Doit-elle être une loi étatique ou peut-il s’agir d’une loi non étatique. Deux idées s’opposent sur cette question. Certains auteurs penchent sur ce que le silence amène une acceptation tacite de cette possibilité. D’autres auteurs préconisent la méfiance en cette solution.

A. Loi étatique et loi non étatique
L’article 3 du règlement qui offre une entière liberté de choix aux parties ne précise pas si ce choix doit être d’origine étatique. Selon Paul Lagarde, accepter le choix d’une loi non étatique nuirait à la prévisibilité et la sécurité juridique des solutions . Dans la Convention, le choix d’un droit non étatique n’est pas illicite mais ne relève pas du droit international privé.
Lagarde préconise dés lors à ce que la loi applicable dans ce cas sera celle applicable à défaut de choix suivant les dispositions de l’article 4 du règlement communautaire. Il appartiendra au juge de définir cette loi suivant les traits caractéristiques énoncés par l’article sus cité.

B. Les instruments optionnels du contrat international
La tendance grandissante des parties est de se référer, non plus à la loi de tel ou tel Etat, mais directement aux règles d’une convention internationale. Les parties choisissent de se réferer aux instruments optionnels du contrat international telle que la Convention de Vienne du 11 avril 1980 sur la vente internationale de marchandises, la CVIM, aux usages du commerce international, aux principes généraux du droit.
Les acteurs du commerce international choisissent également des codifications privées récentes telles que les principes UNIDROIT sur les contrats du commerce international. Cette pratique a fait l’objet de la question 8 du Livre vert. Il a été prévu la possibilité pour les parties de choisir d’appliquer au contrat des règles de droit matériel reconnus au niveau international ou communautaire.
Mais il nous est permis d’affirmer la réticence du règlement communautaire face à la possibilité de choisir la lex mercatoria comme loi applicable au contrat. « La Convention ne bannit donc pas l’utilisation de la lex mercatoria mais organise sa mise en œuvre. Si les parties l’invoquent devant un arbitre international, celui-ci n’étant pas soumis au respect de la Convention, peut lui donner plein effet. En revanche, invoquée devant un juge étatique, sa validité et sa portée doivent être évaluées à l’aune du droit étatique applicable, éventuellement par le biais d’une stipulation contractuelle » .

§2 : La Shari’a comme choix des parties

La Shari’a est l’ensemble des règles et des normes doctrinales, culturelles, morales et relationnelles édictées par la Révélation. Le terme signifie dans un sens large « le chemin pour respecter la loi de Dieu ». La Shari’a est donc la loi divine. La Shari’a est aussi appelée loi islamique.
La Shari’a règlemente tous les aspects de la vie, publics ou privés, individuel ou social, personnel ou économique. La Shari’a touche toutes les branches, du statut personnel aux activités commerciales, en passant par la religion.
La Shari’a, la loi islamique a prévu des prescriptions sur le commerce, ainsi que sur la finance. Ces prescriptions doivent être respectées par tous les musulmans. Elles sont obligatoires. Les contrats doivent respecter les prescriptions de la Shari’a. En matière de finance, la Shari’a se base sur quatre grands principes, l’interdiction de l’intérêt, l’interdiction de l’incertitude, le partage des pertes et profits, et enfin la prohibition d’investir dans des activités illicites comme l’alcool ou encore la viande de porc.
En finance islamique, la Shari’a doit être respectée à la lettre. Les contrats de finance islamique désignent parfois et nommément l’application de la Shari’a comme droit applicable. Qu’en est-il dés lors face au règlement Rome I.
Deux solutions pourraient être adoptées. Soit la Shari’a subit le même sort que la lex mercatoria parce qu’elle serait jugé trop vaste et imprécis. La Shari’a sera considérée comme une norme non étatique qui ne trouverait application que subsidiairement et suivant la loi applicable à défaut de choix. L’art 4 du règlement sera appliqué.
Mais pour certains pays arabes, à l’instar de l’Arabie saoudite, la Shari’a est la loi suprême. Elle entre dans l’ordre juridique. Elle a la valeur et la place d’une loi constitutionnelle. Elle doit recevoir dés lors une application en tant que la loi choisie par les parties. Elle est dans ce cas une loi étatique. Le règlement européen respecte le choix des parties en vertu de l’autonomie de la volonté. L’art 3 reconnaitra ce choix.
Mais pour voir la réaction des pays européen face à ce choix de la Shari’a comme loi applicable dans le contrat, nous nous pencherons davantage sur la position du droit et du juge français.

Section 2 : La position du droit français

§1 : La juridicité de la Shari’a pour le droit français

A. Shari’a, force de loi

Le droit français reconnait la juridicité de la Shari’a dans un contrat international de financement islamique. Le rapport du groupe de travail de la commission sur la finance sur le droit applicable et le règlement des différends dans les financements islamiques a tranché en faveur de l’acceptation de la Shari’a et pose le respect du choix des parties.
Pour les tribunaux français, les règles de la Shari’a, surtout en matière de finance, sont des règles de conduite impératives et suffisamment contraignantes pour être sanctionnées par un tribunal. La Shari’a a donc toute la valeur et toute la force d’une loi. Ces règles s’appliquent à ceux qui ont choisi de s’y astreindre.
Les tribunaux suivent le même raisonnement que pour l’application de la lex mercatoria dans les contrats internationaux. La lex mercatoria choisie par les parties prend la force d’une loi non étatique . La lex mercatoria et la Shari’a pourront être appliquée subsidiairement.
Mais pour le cas de certains pays dont la Shari’a fait partie intégrante du système juridique, la Shari’a peut être considérée comme une vraie loi étatique. La commission sur la finance islamique reconnaissait même une forme de loi pluri-étatique à la Shari’a. En effet, plusieurs Etats, à l’instar de l’Arabie saoudite, appliquent à titre de loi la Shari’a.

B. La Shari’a et le règlement Rome I
La force obligatoire et le respect du choix des parties concernant la loi applicable repose sur l’autonomie de a volonté que le règlement communautaire n°593/2008 sur la loi applicable aux obligations contractuelles reconnait.
Cet accueil de la Shari’a se base sur le choix d’une loi autre que celle du for et la possibilité donné par le règlement Rome I de choisir une loi non étatique, ou même les règles de convention internationale, comme la convention CVIM ou UNIDROIT .
Au Royaume uni pourtant, l’arrêt BEXIMCO avait rejeté l’applicabilité de la Shari’a par application stricte de l’art 3 du règlement Rome I. La cour britannique avait exclu la juridicité de la Shari’a.
L’Europe a dés lors suivi la position jurisprudentielle française qui a fortement recommandée l’accueil de la lex mercatoria dans le contrat international. Il en devrait être ainsi également pour la Shari’a.

§2 : Les règles de la Shari’a à appliquer

A. La méthode casuistique d’interprétation

La méthodologie utilisée pour appliquer les règles pertinentes de la Shari’a est l’approche casuistique et syncrétique. L’identification se fait à parti des sources de la Shari’a. Les sources principales de la Shari’a sont le Coran et la Sunna. Les règles les plus pertinentes pourront être dégagées de ces deux sources. Les règles dégagées profitent de la normativité accrue si elles bénéficient de l’ijma, le consensus des jurisconsultes musulmans.
Les juges, les arbitres et les parties contribuent pour dégager les règles à appliquer au contrat quand le choix porte sur la Shari’a, au même titre que pour la lex mercatoria. Ils seront assistés d’experts en droit musulman, experts en Shari’a.

B. La codification de l’AAOIF

L’AAOIF s’est attelé de dégager une normativité générale des règles de la Shari’a. La codification apportée par cette organisation peut à terme réaliser une harmonisation et une systématisation des principes charaïques, au même titre que les principes d’UNIDROIT qui a permis la simplification et l’applicabilité des principes de la lex mercatoria.
Les normes financières de la Shari’a synthétisées par l’AAOIFI peuvent faire l’objet d’une incorporation dans les contrats par référence contractuelle . Les parties peuvent convenir d’entendre l’application de la Shari’a suivant cette codification de l’AAOIF. Les juges et les arbitres peuvent également y prendre référence pour trancher des litiges.
Les Shari’a board joue également un rôle important dans l’établissement de cette norme charaïque. Leur décision en matière de conformité à la Shari’a des produits financiers facilite la compréhension et l’application de la Shari’a. Elles constituent des précédents qui peuvent être appliqués aux différends contractuels.

§3 : La Shari’a et l’ordre public français

Le droit positif français et e règlement Rome I prévoit que les lois choisies par les parties sont celles à appliquer. Mais il ne faut pas que ces lois portent atteinte à l’ordre public du pays dans lequel l’exécution d’un jugement étranger ou d’une sentence arbitrale sont demandés. Les lois de police sont impératives pour la sauvegarde des intérêts publics.
Les parties ne peuvent écarter les lois de police. Le règlement institue cette prépondérance des lois de police en son article 9. A priori, il n’existe aucune contrariété entre les lois de police française et les principes financiers de la Shari’a. Mais en cas de conflit, seule la règle contraire à l’ordre public français sera paralysée .
Les principes de la finance islamique qui sont au nombre de quatre, l’interdiction de l’intérêt, de la spéculation ne sont aucunement contraire à l’ordre public français. Au fond, la Shari’a peut être appliquée par les tribunaux français sans contrariété avec les lois de police française.

 

Chapitre II : La réception de la finance islamique en France

 

La communauté musulmane représente une large partie la population en France. Cette partie de la population doit être considérée et la finance islamique doit être envisagée à l’ordre du jour. Le Ministère de l’économie a pris conscience de l’importance que la finance islamique peut apporter à l’économie française. Tous les efforts sont entrepris pour établir un cadre juridique et fiscal qui répondent aux besoins de la finance compatible à la Shari’a.
La finance a déjà fait ses premiers pas en France. En 2010, BPCE avait octroyé le premier prêt à l’habitat conforme à la Shari’a. En septembre 2009, Crédit Agricole Asset Management a lancé une sicav « Caam Islamique ».
Malgré la réticence que l’occident porte envers les pays islamiques et la religion musulmane, la finance islamique présente des avantages qu’il ne faut pas sous-estimés. Si la France a adopté une loi contre le port de voile islamique pour asseoir la laïcité de l’Etat, elle reconnait néanmoins l’utilité de la finance islamique dans l’avenir des entreprises françaises.
Certaines entreprises françaises ont déjà pu profiter du mécanisme de ce financement. Les entreprises françaises qui investissent dans les pays du Moyen orient ont intérêt à recourir à la finance islamique pour des raisons de pratique. La compagnie GDF-Suez , pour le financement de ses projets de construction de centrales électriques en Arabie saoudite en 2006, a puisé ses ressources dans la finance islamique. Pour un projet total de 2,8 milliards de dollar, 600 millions de dollar provenait de la finance islamique, un financement à hauteur de 20% .
D’autres entreprises françaises, comme Renault, qui entretiennent des relations permanentes dans les pays islamiques, prévoient de recourir davantage à la finance islamique pour les projets futurs. Ces entreprises peuvent avoir un intérêt dans ce choix, que ce soit en matière d’investissement ou simplement en matière de vente.
L’avenir de la finance islamique en France est incontournable et réel. D’ailleurs, le droit positif français présente des traits de similitude avec les principes de la finance islamique si nous n’évoquons que la règlementation de l’usure. La fiducie peut trouver son application dans les mécanismes élaborés par la finance islamique. Mais quelques améliorations peuvent être apportées au droit français pour fondre la finance islamique dans son ordre juridique.
Dans un premier temps, nous exposerons de la possibilité d’application de a finance islamique en France. Nous verrons par la suite les améliorations pouvant être proposées pour une meilleure réception de ce système en France.

Section 1 : L’adéquation du droit français à la finance islamique

Le principe de la finance islamique tourne autour de la prohibition du Riba qui est l’intérêt. L’esprit de la loi islamique, comme nous l’avions exposé au début de ce travail est d’éloigner le plus possible les fidèles musulmans de la tentation que présente l’usure. Si en France, la règlementation de l’usure passe par l’alignement du taux d’intérêt pratiqué par les établissements de crédit, la finance islamique a préféré éviter le risque au maximum en interdisant totalement l’intérêt.
Mais que ce soit la finance islamique ou le droit bancaire français reconnaissent les maux générés par l’usure et l’impact socio-économique que cette pratique engendre. Les principes de la finance islamique ne sont pas si étrangers à la finance conventionnelle française.

§1 : La finance islamique et la fiducie

Certains auteurs considèrent que la solution d’adéquation de la finance islamique au droit positif français est déjà toute trouvée avec le système de fiducie que le code civil prévoit en matière de garantie.

A. La fiducie en droit français

Si nous revoyons les grands axes de la fiducie prévue par le code civil, l’article 2011 du code prévoit que la fiducie est le transfert de la propriété d’un bien ou d’un droit au profit d’une personne pendant une période convenue jusqu’à ce que le constituant ou le bénéficiaire finale de l’opération hérite de la propriété.
Un transfert est réalisé dans l’opération de fiducie. Cette opération se réalise le plus souvent à titre de garantie d’une dette. Le constituant transfert la propriété de la chose, du droit à son créancier qui devient le fiduciaire. La propriété ne sera transférée à nouveau au constituant qu’après l’extinction de la dette.
Un alinéa second a été proposé à l’article 2011 du code civil pour permettre une meilleure compréhension de la fiducie. « Le fiduciaire exerce la propriété fiduciaire des actifs figurant dans le patrimoine fiduciaire, au profit du ou des bénéficiaires selon les stipulations du contrat de fiducie » . Cette stipulation de la loi relative à l’accès au crédit des petites et moyennes entreprises a toutefois été rejetée par une décision de non-conformité à la Constitution par le Conseil constitutionnel français. Mais cette disposition reflète bien l’esprit qui gouverne la fiducie du droit français.
La fiducie confère la propriété au fiduciaire. Celui-ci peut user de tous les droits qui relèvent du bien, l’usus, le fructus et l’abusus . Néanmoins, cette propriété n’est pas la même que celle prévue par l’article 544 du code civil. La propriété est limitée par le contrat entre le constituant et le fiduciaire . Ainsi, les droits du fiduciaire peuvent être limités. Il n’a pas le droit de disposer, de réaliser le bien, sauf en cas de défaut à terme du constituant ou du bénéficiaire. Le fiduciaire est le propriétaire du bien, mais ses facultés sont limitées. On parle de propriété fiduciaire.
La fiducie représente l’innovation du droit de propriété. Elle bouscule l’idée que l’on avait autrefois de la propriété comme étant le droit réel le plus absolu et sans limite. La propriété fiduciaire se veut être l’application économique de la propriété. Elle a trouvée le moyen le plus important d’utiliser la propriété à des fins économiques et financières. La propriété devient un moyen et non plus une fin.

B. La fiducie française et le crédit halal

La finance islamique a mis en place des crédits compatibles à la Shari’a. Cette loi islamique écarte toute idée d’intérêt dans les contrats de prêt. La solution que la finance islamique a trouvée est de suppléer les contrats de vente et de location aux contrats de prêts classiques qui portent intérêt.

1. La fiducie, le Mourabaha
Ainsi a été conçu le Mourabaha. Le mécanisme fait intervenir le contrat de vente. Deux ventes successives peuvent être observées dans ce mécanisme. Le banquier achète le bien auprès du fournisseur. Il en devient le propriétaire. Par contrat, le banquier revend le bien à son client à un prix majoré suivant un terme. Cette seconde convention est une vente à terme. Le banquier garde la propriété du bien jusqu’au règlement du prix par le client acquéreur final.
Ce type de contrat est compatible avec la Shari’a car il n’existe aucune stipulation d’intérêt dans la convention qui lie le banquier à son client. Il s’agit d’une vente à terme avec un prix majoré au prix d’achat, une astuce que la Shari’a reconnait.
Mais ce qui retient notre attention est la similitude qui existe entre le Mourabaha et la fiducie. Le banquier conserve la propriété du bien par lui acquis. Le client peut disposer du bien suivant les termes du contrat, notamment sur le délai d’utilisation jusqu’au paiement du prix et le mode d’utilisation. Le banquier peut hériter de la place du fiduciaire. Il a la propriété de la chose mais ses droits sont limités par le contrat. Il ne peut pas aliéner le bien, il n’a pas non plus l’usage de la chose. Le client serait le bénéficiaire de la fiducie. Il n’entrera en propriété de la chose qu’au moment du règlement total du prix.

2. La fiducie et les sukuk
Le moudaraba et les sukuk utilisent le même processus. Le banquier acquiert la propriété de la chose afin de la mettre à la disposition de son client. Tout est fait pour que le crédit soit assis sur un actif tangible pour assurer la conformité à la Shari’a des opérations financières. Les sukuk sont les plus rapprochés à la fiducie française.
Le système adopté par les sukuk n’est pas inconnu en France. En démontre l’existence de titres participatifs émis par certaines entreprises exerçant en France . Le code de commerce prévoit en ses articles L-228-97 et L. 228-36 prévoient ces titres participatifs. La rémunération du bailleur est fonction des performances d’un actif sous-jacent.
L’exigence d’un actif réel sous-jacent comme base de la rémunération du bailleur financier n’est pas non plus étranger au système français. Selon l’article 411-34, 1° du règlement général de l’Autorité des marchés financiers, certains fonds d’investissement ne doivent procéder à des investissements que dans les actifs dans lesquels « leurs porteurs ou actionnaires sont titulaires de droits réels opposables » .
Au final, le droit français connait à certains détails près les mécanismes mis en œuvre par la finance islamique dans l’émission de produits financiers compatibles à la Shari’a. Ces produits pourraient facilement s’acclimater à l’environnement juridique français. La fiducie joue un rôle important dans cette application. Néanmoins, le système français ne s’adapte pas parfaitement à ces produits halals. Des innovations doivent être entreprises pour une parfaite corrélation entre la finance islamique et le droit français.

§2 : Les nécessaires adaptations du droit français

La reforme de la législation française doit se faire autour de l’amélioration de la fiducie. Les auteurs veulent assimiler la fiducie française au Trust ango-américain. Cette nouvelle fiducie devra être conforme à l’esprit des sukuk. En effet, la difficulté actuelle repose dans la notion de copropriété entre le fiduciaire et le bénéficiaire. Les deux protagonistes détiennent chacun des attributs du droit de propriété que le droit français actuel a du mal à cerner.
Les tentatives de reforme législative, notamment sur l’amendement de l’article 2011 prévoyant la fiducie doit être réalisée mais mieux explicitée. En effet, cet amendement a été censuré par le conseil constitutionnel car il heurtait les principes généraux du droit de propriété. La fiducie crée-t-elle une propriété ou une copropriété ?
La solution se retrouve outre atlantique. Le mécanisme s’opère par un dédoublement du droit de propriété. Le fiduciaire devient le propriétaire en lettre et le bénéficiaire le propriétaire économique. Ainsi, la fiducie pourra s’accorder aux principes directeurs des sukuk.
Le même problème peut être rencontré pour les autres produits financiers islamiques. Si l’Ijara se rapproche du crédit bail tel qu’on le connait en droit français, certaines particularités ne sont pas comprises par le droit français. Les obligations inhérentes à chaque partie ne se définissent pas comme celles que le crédit bail classique présente. Des reformes doivent être effectuées pour accueillir la pratique islamique en matière de finance sur le territoire français.
Néanmoins, certains auteurs sont sceptiques quant à cette réalité de besoin d’adaptation du droit français à la finance islamique. La finance islamique doit encore attendre pour trouver une place importante en France. Mais les entreprises françaises recourent déjà à ces produits financiers islamiques, mais en dehors du territoire français.

 

 

Bibliographie
Ouvrages généraux :
BRANGER : Traité d’Economie bancaire, Edition PUF 1966
COURCELLE J.G-SENEUIL : Les opérations de banque, Librairie Felix Alcan, Paris 1920
COUSY, H ; TILLEMAN, B ; BOULAIRE, J et VERBEKE, A. Droit des contrats – France, Suisse, Belgique. Bruxelles, Édition Larcier, 2006

FERRONIERE J- De CHILAZ : Les opérations de banque Dalloz 1980
GAVALDA : Droit Bancaire, 2ème édition Litec 1994
PETIT-DUTAILLIS : Le crédit et les Banques, Sirey 1964

Ouvrages spéciaux :
ASSOCIATION LUXEMBOURGEOISE DES JURISTES DE BANQUE (ALJB). Droit
Bancaire et financier au Luxembourg: recueil de doctrine. Bruxelles, Larcier, 2004.
BANQUE ISLAMQUE DE DEVELOPPEMENT (BID). INSTITUT ISLAMIQUE DE
RECHERCHE ET DE FOMATION (IIRF). Introduction aux techniques islamiques de financement. Jeddah. 1996.
BROSSES, ARNAUD DE ABOUALI, GAMAL, Le développement de la finance islamique en France, ses applications et ses implications sur l’évolution du régime juridique de la fiducie, option finance 9\2\2009 1015 p.31-33

CHARLIN J., Fiducie, suduk et autres murabaha ou Ijara, À propos de la finance islamique, JCP E 2009, 1946.

DEUTSCHE BANK ACADEMIC PAPER (DB). Pioneering Innovativ, Shari’a Compliant Solutions. Deutsche Bank

FULCONIS-TIELENS, A. : La finance islamique : l’ouverture européenne La Revue Banque, N°696, Novembre, 2007

KARICH, I. : Le système financier islamique : de la Religion à la Banque .Bruxelles. Édition Larcier, 2002

LASSERRE CAPDEVILLE J., La finance islamique : une finance douteuse ?, RD bancaire et fin. sept.-oct. 2009, Études 32, p. 19.

MOHAMEDEN, O. Murabaha comme mode d’intervention des banques islamiques. Jeddah, IIRF, 1996

PASTRE O. et K. GECHEVA, La finance islamique à la croisée des chemins, Rev. Economie financière 2008, p. 197.

RONCALLI, T. La gestion des risques financiers. Paris: Economica, 2004
SAADALLAH R. Le financement islamique : concept et principes généraux, Jeddah : IIRF 1996.

SERHAL CH. J et I. ZEYAD CEKICI, L’application du taux effectif global aux contrats de financement islamique, Banque et droit juill.-août 2009, p. 11.

SUNIL KUMAR K. et IOANNIS A., Financial Risk Management for Islamic Banking and Finance. New York. Edition Palgrave Macmillan, 2008

ZEYYAD CEKICI, La prohibition islamique de l’intérêt et les opérations de crédit islamiques en France, Rev. Lamy dr. aff. oct. 2008, p. 107)

Sites internet :

AAOIFI. www.aaoifi.com

AL ISLAM. http://hadith.alislam.com/bayan/Display.asp?Lang=frn&ID=35

BANCO. http://www.banco.ch/article/1700

BNP PARIBAS. http://produitsdebourse.bnpparibas.com/fr/indexation.aspx
(consulté le 19.09.2008)

EURONEXT. http://www.euronext.com/fic/000/010/913/109137.pdf

EUREKAHEDGE. http://www.eurekahedge.com/news/07_july_EH_IFS_Key_Trends.asp

JURISPEDIA. http://fr.jurispedia.org/index.php/Promesse_unilat %C3%A9rale_de_vente_(fr)

RESEAU CAPITAL. http://www.reseaucapital.com/Association/Definition.html

ISLAMIC FINANCE UPDATES. http://islamicfinanceupdates.wordpress.com/2008/07/07/sharia-compliant-financeproducts

THE ISLAM FINANCE BLOG.
http://islamicfinancenews.wordpress.com/category/islamic-finance/scholars/sheikhyusuf-
talal-delorenzo/

WIKIPEDIA. http://fr.wikipedia.org/wiki/Th%C3%A9saurisation

Nombre de pages du document intégral:58

24.90

Retour en haut