docudoo

La formation professionnelle continue pour améliorer les compétences des cadres de santé en Polynésie française: un enjeu RH

Titre : La formation professionnelle continue pour améliorer les compétences des cadres de santé en Polynésie française: un enjeu RH

Introduction

Ces dernières années, la société en général accorde beaucoup d’importance à la compétence considérée comme étant un pilier de la qualité lors de la conception de produits ou de services[1]. Désormais, elle se trouve au centre de différents discours et études. Il devient primordial d’identifier les compétences de chaque individu au sein d’une organisation, et de valoriser les compétences collectives construites par l’équipe[2]. Si auparavant, la gestion des compétences était l’apanage des entreprises, il a été observé que les hôpitaux adoptent aussi cette démarche dans leurs stratégies de gestion des ressources humaines[3]. Dans les établissements hospitaliers, les démarches de développement de compétences comptent parmi les démarches permettant d’assurer la qualité des soins prodigués aux usagers[4].

Dans le cadre du maintien et de développement des compétences la formation a été considérée comme étant une démarche importante de ressources humaines. La formation est une obligation pour assurer la qualité des soins, mais s’inscrit entre autres, dans le cadre de la promotion sociale et professionnelle des professionnels de santé[5]. Les compétences requises de la part des professionnels de santé changent en fonction des besoins des usagers. Dans cette étude, nous nous intéressons à la formation continue du cadre de santé qui est considéré comme étant un acteur clé de l’innovation et de la qualité des soins à l’hôpital. Ces dernières années, les maladies prises en charge ont évolué. A cela s’ajoute, les réformes au niveau du système de santé. Cela nous amène à nous demander : comment améliorer la formation professionnelle continue des cadres de santé pour qu’ils acquièrent les compétences requises dans un contexte d’évolution des besoins des usagers ?

Pour répondre à cette question, nous allons aborder dans la première partie de cette étude, le cursus des cadres de santé. Puis, les enjeux relatifs à la formation des cadres de santé seront étudiés. Par la suite, nous allons confronter la revue bibliographique avec les réalités sur terrain en analysant les entretiens menés auprès des cadres de santé en Polynésie Française.

Partie 1. Revue bibliographique

  1. Le cursus des cadres de santé
  2. Les missions du cadre de santé

Le cadre de santé est chargé du management de l’équipe soignante. Il est donc impliqué dans l’organisation de l’équipe de manière à assurer une meilleure coordination des activités et une plus grande qualité de services aux usagers. Le management de l’équipe soignante suggère l’animation de celle-ci, sa valorisation et sa motivation. Cela requiert aussi la gestion des relations qui peuvent parfois, être tendues entre les membres de l’équipe. Dans cette optique, le cadre de santé installe un climat favorable à la confiance et la proximité avec l’équipe soignante. Cette proximité favorise la communication entre les différents soignants afin que le manager c’est-à-dire le cadre de santé puisse discerner les difficultés rencontrées par l’équipe dans la prise en charge, les encourager pour les efforts qu’ils ont fournis et anticiper les actions et les tâches qui incombent à l’équipe. C’est de cette manière que le cadre de santé gère la prise en charge mais contribue aussi à l’élaboration du projet de soins des patients avec le reste de l’équipe[6].

Le cadre de santé est un acteur de proximité c’est-à-dire qu’il est l’interlocuteur le plus proche de l’équipe soignante. Mais il constitue aussi une interface entre les soignants et la hiérarchie. Et en cette qualité, il adopte deux postures complémentaires. D’abord, il peut se mettre à la place du soignant pour écouter ses collaborateurs et pour identifier les besoins des patients pris en charge. Mais d’un autre côté, il peut aussi devenir l’encadreur et identifier les besoins de son équipe soignante. Ce basculement de la mission de soignant à celui d’un manager ou d’un organisateur de soin découle de la volonté de faire évoluer l’organisation de l’hôpital pour la rendre efficiente (Fray, 2009 : 150).

Au sein de l’établissement, le cadre de santé assure la liaison entre le service RH et la Direction des soins, et le personnel paramédical. En d’autres termes, il assure la communication entre les employés et la Direction. La communication ramène directement à certains critères qui permettent d’organiser et de favoriser les échanges entre les différents acteurs. Il s’agit notamment du respect et de la conformité aux codes sociaux, aux traditions, aux habitudes, aux normes comportementales établies par le groupe et qui permettent aux cadres de santé de gérer l’équipe et de porter leurs paroles auprès de la Direction hiérarchique[7].

Les textes juridiques notamment le décret n°2001 – 1375 du 31 décembre 2001 concernant le statut du corps des cadres de santé, article 4 décrit une autre mission assignée au cadre de santé : « Les agents du grade de cadre de santé exercent des fonctions correspondant à leur qualification et consistant à encadrer des équipes dans les unités fonctionnelles, services, départements ou fédérations des établissements, des missions communes à plusieurs services ou de chargé de projet au sein de l’établissement ». D’après ce texte, le cadre de santé est un encadreur[8]. Le type d’encadrement mis en œuvre par le cadre de santé est un encadrement de proximité pour les soignants et la surveillance des activités de ceux-ci. L’encadrement suppose que le cadre de santé inculque de nouvelles procédures au sein de l’unité de soin, ce qui sollicite parfois, les échanges avec les acteurs externes. Or, cela ne peut se faire à moins qu’il ne décloisonne les services et les unités pour permettre la complémentarité et les échanges interdisciplinaires (Divay et Gadéa, 2008 : 679 – 680).

Le cadre de santé est aussi un acteur important dans la cohésion d’équipe. Il exploite les différences entre les différents acteurs et les  valorise pour le bien des usagers, mais aussi pour la motivation des membres de l’équipe. Le cadre de santé est un gestionnaire des compétences et des connaissances de chaque membre de l’équipe. Cette démarche permet de mettre à la disposition de l’établissement hospitalier les compétences et le capital de connaissances dont il a besoin. Mais il ne favorise pas seulement les interactions entre les différents acteurs, mais se charge entre autres, de la transmission des compétences entre les individus. Pour ce faire, il peut se focaliser sur la culture organisationnelle et la vision de l’établissement (Semache, 2009 : 362).

Lors de l’élaboration des projets d’établissements ou des stratégies de gestion, le cadre de santé veille à articuler la vision de l’établissement et développe les plans et les processus qui permettent d’atteindre les objectifs de celui-ci. Les valeurs et les principes défendus par l’établissement doivent apparaître dans les projets conçus par le cadre de santé. Dans ce cadre, il assure à la fois un rôle stratégique et un rôle dans la communication interne avec ses collaborateurs (Johnson, 2013 : 188).

La qualité des soins à prodiguer aux patients est assurée par le cadre de santé. Cela suppose qu’il garantit la sécurité des soins et la continuité de celui-ci. L’amélioration de la prise en charge s’accompagne souvent d’innovations tant dans les techniques que dans les démarches de prise en charge. En tant qu’encadrant il a pour mission de transmettre les connaissances et les compétences requises pour les changements induits par les innovations dans le domaine médical. Il a donc pour mission non seulement d’accompagner les soignants dans ces nouvelles démarches et les organisations qui en découlent, mais les anticipent. Dans cette optique, il intervient dans l’élaboration de politiques de santé dans les établissements hospitaliers[9]. Le cadre de santé s’assure que l’organisation de l’unité de soins voire même du service puisse être adaptée et flexible pour permettre des innovations et de répondre aux défis futurs (Johnson, 2013 : 188).

Un questionnaire diffusé auprès de neuf hôpitaux et de 124 cadres de santé a permis d’établir que lorsqu’ils sont questionnés sur leurs rôles, les cadres de santé mettent en avant principalement l’organisation, leur rôle de conseiller en ce qui concerne les soins et la coordination managériale[10].

  1. La formation du cadre de santé
  2. Le contenu de la formation du cadre de santé

La formation du cadre de santé a pour objectif de l’inculquer les compétences et les connaissances requises pour accomplir ses missions en tant qu’animateur, gestionnaire, formateur et pédagogue. Elle tente par la même occasion de transmettre à tous les cadres de santé, la culture commune du métier. La formation est proposée aux professionnels de santé ayant déjà acquis une certaine expérience dans le domaine de l’encadrement. Pour être éligible, le candidat à la formation doit avoir réalisé au moins autre ans d’exercice dans le domaine sanitaire. Puis, le candidat doit aussi passer par une sélection à travers des épreuves orales et des épreuves d’admission. Son travail sera évalué par des cadres de santé formateurs, des cadres de santé en établissement de santé mais aussi, de médecins et de directeurs d’hôpitaux[11].

La formation des cadres de santé est réalisée par les Instituts de Formation des Cadres de Santé (IFCS) et aboutit à l’obtention d’un diplôme d’Etat de cadre de santé. Cette formation dure 42 semaines dont deux sont allouées à la recherche personnelle de l’apprenant. La formation se fait en alternance. D’abord, l’étudiant doit suivre les cours et en même temps, partir en stage pendant 13 semaines. Il y a donc une alternance entre la formation universitaire qui va octroyer le diplôme d’Etat, et la formation sur terrain. Les stages ont pour objectif de familiariser les étudiants aux réalités professionnelles et aux situations qui peuvent se présenter dans les établissements de soin. Le choix du lieu de stage dépend des préférences de l’étudiant. Il constitue une des manifestations de l’implication de l’étudiant dans son parcours de formation qui doit être relié à son projet professionnel. En même temps, durant les stages, les étudiants commencent déjà à développer des réseaux professionnels qui vont l’aider dans l’exercice de son travail. La formation du cadre de santé comprend six modules :

  • Module 1 : Initiation à la fonction de cadre
  • Module 2 : santé publique
  • Module 3 : Initiation à la recherche
  • Module 4 : Fonction d’encadrement
  • Module 5 : Fonction de formation
  • Module 6 : Approfondissement des fonctions d’encadrement et de formation[12]

Comme le cadre de santé a des fonctions d’encadrement et de gestion des équipes, sa formation intègre des modules consacrés au management et à la gestion (Lépine et Parent, 2013 : 43).

Module 1 : Initiation à la fonction de cadre

Le premier module « initiation à la fonction de cadre » comprend sept thèmes qui permettent à l’étudiant de comprendre les missions de cadre de santé, sa place, son statut, ses fonctions ses activités, les problèmes auxquels il peut se confronter. D’abord, l’étudiant est amené à maîtriser le fonctionnement de groupes et la notion d’équipe au travail. Dans ce premier thème, il apprend à organiser l’équipe et les différentes démarches permettant de favoriser la participation et l’implication des membres de l’équipe dans le projet commun. C’est dans ce premier thème également, que le futur cadre de santé apprend à communiquer avec son équipe. La notion de leadership est donc incluse dans ce premier thème.

Le deuxième thème est l’introduction à l’analyse des systèmes complexes. Ce thème reprend les fondamentaux du système : sa définition, sa description, les problèmes liés au système. Il amène aussi à l’analyse systémique et aux principes de la pensée complexe. Au terme de ce thème, l’apprenant devrait être en mesure de modéliser un système complexe. Comme le métier d’encadrant demande un certain sens moral et éthique, un thème est alloué à cet effet. Etant donné que le cadre de santé va travailler dans le domaine hospitalier, un thème se focalise sur les problématiques hospitalières publiques. Dans cette optique, l’étudiant va analyser les points forts et les points faibles des hôpitaux publics, ainsi que les voies permettant de redresser la situation. La politique de santé est analysée ici.

Après ces thèmes fondamentaux sur les notions que les cadres de santé devraient maîtriser, ils sont amenés par la suite à entrer dans le vif du sujet à travers le thème concernant la représentation de la fonction cadre. C’est au cours de cette partie, qu’il va étudier les représentations des cadres de santé au sein du service, ainsi que les représentations personnelles et générales de la fonction. Cela est complété par un autre thème sur le statut, le rôle, la fonction, les activités des cadres de santé. Enfin, le module 1 se termine par l’étude de la théorie de l’information et de la communication au cours duquel, l’apprenant étudie les différents processus de communication à travers les réseaux et les structures de communication au sein du groupe, la communication non verbale, l’écoute, la rumeur et les enjeux de la communication[13].

Module 2 : santé publique

Ce module comprend six chapitres. Le premier concerne les alternatives à l’hospitalisation grâce aux centres de soins. Dans ce cours, les étudiants apprennent le fonctionnement et les vocations des centres de soins. Le deuxième chapitre du module est dédié aux concepts fondamentaux en Santé Publique. Il est suivi par le diagnostic en santé communautaire. A l’issue de ce chapitre, l’étudiant devrait détenir les connaissances concernant les démarches de diagnostic de la santé communautaire et les processus d’identification des besoins. La place et les rôles des professionnels de santé devant ces besoins sont alors abordés.

Après ces trois concepts fondamentaux, le module 2 aborde des éléments plus techniques, plus pratiques. Cela commence par l’épidémiologie descriptive, étiologique et évaluative. Au cours de ce chapitre, les indicateurs dans le domaine épidémiologiques et l’application de cette discipline sont inculqués. Par la suite, dans le cinquième chapitre, les apprenants étudient les indicateurs de paupérisation. Pendant ce cours, ils analysent les éléments qui permettent de définir la pauvreté et la précarité, ainsi que les dispositifs sociaux de garantie de ressources permettant d’affronter cette situation. Le module 2 se termine par l’étude de la démarche projet pendant laquelle, le futur cadre de santé apprend à planifier le programme de santé en partant de l’analyse de la situation, passant par l’identification des objectifs et se terminant par l’élaboration d’un dispositif d’évaluation[14].

Module 3 : Initiation à la recherche

Ce module se base sur l’analyse de situations de travail à partir de laquelle, l’apprenant va faire un travail de recherche. Cela va aboutir à la rédaction d’un mémoire professionnel.

Module 4 : Fonction d’encadrement

Ce module comprend un stage de trois semaines. Cette module inculque à l’apprenant d’établir et de piloter les projets. Cette partie va aider l’étudiant à acquérir les principales compétences lui permettant d’encadrer l’équipe notamment, l’organisation, l’animation et les interactions d’une équipe soignante interdisciplinaire. Ce module comprend entre autres des séances pour aider le formé à gérer toutes les ressources à la disposition de l’équipe soignante pour que le service soit de bonne qualité et soit efficiente.

Module 5 : Fonction de formation

Le cadre de santé est amené à transmettre des savoirs et des connaissances de ses collaborateurs. En ce sens, le module dédié à la fonction de formation vise à professionnaliser les approches de formation et de développement professionnel. Pour y parvenir, l’apprenant réalise également un stage de trois semaines. Pendant ce temps, l’étudiant va apprendre à évaluer les compétences des personnels de santé, et à prendre des mesures permettant de construire et de développer celles-ci. Deuxièmement, l’étudiant va aussi apprendre à gérer les compétences déjà à la disposition du service. C’est au cours de ce module par ailleurs, que le futur cadre de santé va s’initier à l’établissement, la mise en œuvre et le suivi de la réalisation des projets de formation initiale et continue ainsi que les projets d’éducation thérapeutique des patients pris en charge.

Module 6 : Approfondissement des fonctions d’encadrement et de formation

Ce dernier module se base sur le projet professionnel de l’étudiant. Comme son nom l’indique, l’apprenant va approfondir la fonction de formation et de management. Pour ce faire, l’étudiant va participer à des ateliers de son choix. Il va entre autres prendre des initiatives qui lui semblent pertinentes pour acquérir les compétences requises pour la réalisation de ses missions en tant que cadre de santé : voyage d’étude, analyse de nouvelles pratiques dans le domaine de soins, de gestion. Les démarches de l’étudiant seront réalisées en quatre semaines de stages. Le lieu de stage va dépendre de son choix mais doit uniquement être validé par l’équipe pédagogique[15].

Le contenu de ces six modules peut être synthétisé comme suit :

Tableau 1 : Les six modules de la formation des cadres de santé (source : http://www.anfh.fr/sites/default/files/fichiers/diplome_cadre_pour_site_0.pdf)

    Objectifs Durée de formation en institut Durée de stage
Module 1 Initiation à la fonction de cadre Comprendre le rôle et la place du cadre de proximité en s’appuyant sur des bases de psychologie, de sociologie, d’économie et de droit 3 semaines 3 semaines
Module 2 Santé publique Acquérir une approche interprofessionnelle et interdisciplinaire des problèmes et projets de santé publique 3 semaines /
Module 3 Initiation à la recherche Créer et développer une dynamique de recherche à partir de pratiques et des savoirs professionnels 3 semaines /
Module 4 Fonction d’encadrement Déterminer la place et le rôle du cadre dans l’institution sanitaire et intégrer les savoirs pour exercer cette fonction 6 semaines 3 semaines
Module 5 Fonction de formation Déterminer la fonction pédagogique du cadre dans une unité de soins et dans une école professionnelle 6 semaines 3 semaines
Module 6 Approfondissement de la fonction d’encadrement Approfondir les connaissances acquises au cours de la formation, perfectionner les pratiques de la fonction que l’étudiant souhaite exercer 5 semaines 4 semaines

 

  1. La formation continue

La formation continue fait suite à la formation des cadres de santé. Cette formation devrait être diplômante et conduire à la reconnaissance des acquis du cadre de santé. La reconnaissance fonctionnelle du cadre de santé s’accompagne aussi de sa reconnaissance salariale (Guillaumin, 2011 : 122). Dans le domaine de la santé, les infirmiers et les professionnels qui suivent une formation continue obtiennent un diplôme au niveau duquel est mentionnée sa spécialité. En général, la formation continue est une formation qui intéresse les personnes qui exercent déjà un métier. Son objectif n’est donc plus d’inculquer les connaissances de bases et les fondamentaux permettant à l’individu d’assurer ses missions, mais bien d’apporter des remises à jour ou de maintenir les compétences qu’il a déjà acquises (Nkoum, 2010 : 29).

La formation continue est proposée aux personnes titulaires de diplôme de cadre de santé. Elle se base sur le principe que la formation initiale permet déjà donné des connaissances et des savoirs qu’il va falloir étayer. Un dossier individuel est constitué pour demander la Validation des Acquis Pédagogiques. Mais avant cela, l’apprenant suit une formation en alternance dont la finalité est la rédaction d’un mémoire de recherche en Ingénierie de la formation. Les pratiques quotidiennes du cadre de santé sont mises en avant pour la pratique de formation. Elles sont articulées par la suite à la formation à la recherche classique qui se réalise à l’université (Guillaumin, 2011 : 126). La formation continue a pour objectif de développer chez l’apprenant, une professionnalité c’est-à-dire, les compétences requises pour ses fonctions (Nkoum, 2010 : 29). Dans le domaine médical, les offres de formation continue augmentent lorsque de nouvelles disciplines ou de nouvelles démarches sont trouvées (Dominicé et Jacquemet, 2009 : 10 – 11).

La formation continue découle de premier abord de la volonté de l’individu de prendre du recul et d’apprendre de nouveau. Dans cette optique, elle peut parfois être considérée comme étant une autoformation assistée (Dominicé et Jacquemet, 2009 : 30). L’autoformation pourrait alors être considérée comme étant une autre démarche de formation continue qui permet d’assurer l’employabilité du travailleur[16]. La formation continue est la garante de l’adaptabilité de l’individu face à un domaine d’activité changeant. Les compétences et les connaissances issues de telle formation permet à l’individu d’avoir une vision moderne, de faire évoluer sa pensée, de développer sa capacité d’innovations et surtout, de prendre du recul par rapport à ses pratiques. En d’autres termes, la formation continue est une forme de professionnalisation à travers l’autoformation. Mais outre à cela, il s’agit d’une approche pédagogique qui permet à la fois le développement personnel et professionnel de l’individu (Dugas, 2009 : 136).

La formation continue est une démarche d’adaptation aux évolutions qui se produisent au cours de la carrière de l’individu. La société actuelle favorise en effet, les changements dans le niveau du contenu des missions des travailleurs. Ainsi, il est probable que les compétences détenues par un individu avant son entrée et la prise de poste évoluent lorsqu’il exerce son activité. Mais au fur et à mesure que le temps passe, de nouvelles compétences sont requises (Dugas, 2009 : 135). Dans le domaine de santé, les changements sont fréquents. De nouvelles technologies, de nouvelles approches viennent améliorer la prise en charge et les professionnels sont amenés à suivre ces changements.

La formation continue peut être dispensée par les IFCS. Elle est proposée dans le cadre de la transmission de compétences connues à une discipline vers une autre. Il s’inscrit dans le cadre de la transversalité des formations car, les cadres de santé assurent de nombreuses missions et il paraît indispensable de faire en sorte qu’il y ait partage de connaissances entre les différents acteurs. La formation continue peut être croisée entre les différents cadres de santé hospitaliers, et faire intervenir des médecins, des directeurs qui interagissent avec eux aussi[17].

  1. Le cadre formateur

Le cadre formateur est responsable de la formation des professionnels de santé. Il identifie la pratique permettant d’inculquer la posture, les gestes et les compétences requis pour que le cadre de santé puisse mener à bien sa mission. Cette pratique est sélectionnée en fonction de son adéquation aux besoins des apprenants et en fonction du parcours  de ces derniers. La formation prodiguée par le cadre formateur repose entre autres, sur les caractéristiques du service et des personnels au sein duquel, l’apprenant va s’insérer (Guillaumin, 2011 : 125). Il est admis en effet que pour que la mission pédagogique des cadres formateurs serait plus pertinente si elle intègre des expériences de terrain dans la formation des cadres de santé. Mais cela requiert des retours des cadres formateurs dans les unités de soins. Cette démarche leur permet en effet, de faire une remise à jours de leurs connaissances et de leurs savoirs sur les unités de soins et les attentes, les besoins des formés (Lépine et Parent, 2013 : 45).

Le cadre formateur est aussi un cadre de santé, mais qui exerce dans un institut de formation. Il assure la formation initiale et la formation continue des apprenants qui souhaitent devenir cadres de santé. Il peut alors encadrer des professionnels de santé mais également des étudiants. Le cadre formateur peut élaborer les activités pédagogiques pendant une année, mais il est aussi un acteur influent sur le contenu de la formation des futurs cadres de santé. Dans cette optique, le cadre de santé formateur est la personne ressource de proximité et interlocuteur direct des formés, mais aussi des autres professionnels qui encadrent, ainsi que des personnes qui poursuivent leurs études sur le même lieu de formation, sur le même lieu de travail. Le cadre de santé formateur se trouve donc au cœur même de l’animation de l’équipe pédagogique. Il oriente sa démarche pédagogique pour être en harmonie avec le projet d’établissement, le projet pédagogique. En même temps, le choix des situations permettant de construire du savoir ainsi que les démarches d’apprentissage tiennent compte des besoins des partenaires régionaux ainsi que du formé[18].

La relation entre le cadre formateur et le futur cadre de santé est indispensable pour que celui-ci parvienne à construire des savoirs. Le cadre formateur est une personne ressource qui va accompagner l’adulte apprenant, qui est un professionnel souvent paramédical, ayant déjà vécu des expériences pendant un temps plus ou moins long, mais qui va devoir abandonner ce statut pour redevenir un apprenant. Les interactions entre ces deux personnes conditionnent la capacité de l’apprenant à mieux observer et à constater les écarts pouvant exister entre le travail prescrit et le travail effectivement réalisé. L’accompagnement suppose que le cadre formateur garde la bonne distance vis-à-vis de son apprenant. Il ne commande pas et n’influence pas les points de vue de l’apprenant, mais l’aide à construire son savoir. Certes, de par son expérience, le formateur détient déjà la résolution de la situation problématique, mais cela ne va pas lui pousser à donner directement à son apprenant la solution ou les pratiques fréquemment adoptées par les cadres de santé. Il s’agit pour lui, dans sa posture d’accompagnateur, de susciter la réflexion, le doute, la remise en question et l’observation des faits avant de prendre une décision. Le rôle du cadre formateur consiste alors à cultiver chez l’apprenant l’esprit critique et la réflexivité sur un fait (Cabaret, 2009 : 45). Le cadre de santé formateur adopte différentes postures professionnelles en tant que cadre de santé, responsable pédagogiques et accompagnateur de l’apprenant. Ces différentes posture sont résumées dans le tableau suivant :

Tableau 2 : Les différentes postures du cadre de santé formateur selon D. Pratt (source : http://www.editions-setes.com/extraits_pdf/E9791091515566-Chap4.pdf)

Perspectives d’enseignement-formation Croyances Intentions Actions Posture
Perspective de transmission Le formateur est un expert de contenu.

Les objectifs prédéterminés améliorent la qualité de l’enseignement.

L’enseignement est efficace s’il permet aux étudiants de réussir ses examens. Les objectifs donnés par le formateur sont précis, explicites. Le contenu est enseigné de façon précise, ordonnée, planifiée Animateur
Perspective d’apprentissage Les connaissances et leur application ne peuvent pas être dissociées.

L’environnement d’apprentissage doit proposer un contexte réel d’application

Le formateur se veut être un modèle que les étudiants peuvent imiter pour bien comprendre les savoirs, les savoir-faire, et les savoir-être qui lui sont reliés. Le formateur cherche à modéliser des habiletés associées à une bonne pratique. Modèle
Perspective de développement cognitif Le formateur soutient le développement de la réflexion des étudiants.

L’enseignement prend en compte les connaissances antérieures des étudiants et favorise le dialogue.

Le formateur développe des façons plus complexes et nouvelles de raisonner à propos des objets d’enseignement. Le formateur privilégie le questionnement comme stratégie d’enseignement et d’apprentissage et ce, dans une perspective de confrontation entre étudiants Médiateur
Perspective de réalisation de soi Les apprentissages ont lieu en développant une perception positive du soi. Le formateur développe la confiance et l’estime de soi des étudiants. Relation et climat sont primordiaux. Le formateur favorise l’expression des sentiments et des émotions.

Il favorise la valorisation et les encouragements.

Accompagnateur
Perspective de réforme sociale Le changement social et la construction d’un monde meilleur passe par l’apprentissage et par les institutions d’enseignement. Le formateur amène les étudiants à réfléchir sur leurs valeurs et à s’engager à améliorer les pratiques. Le formateur privilégie les valeurs sur les connaissances. Il tisse des liens entre les buts d’apprentissage et les changements à opérer dans les pratiques. Agent de changement

Ce tableau montre que le cadre formateur peut avoir cinq postures différentes dans le cadre de l’enseignement formation du futur cadre de santé. Il est à la fois un animateur, un modèle dont l’étudiant peut s’inspirer, un médiateur qui favorise les échanges entre les étudiants, un accompagnateur de l’étudiant pour chaque démarche et chaque épreuve et enfin, un agent de changement qui amène l’étudiant à appréhender les évolutions dans les pratiques.

Mais comme la société actuelle cherche l’amélioration du système de soins, il est probable aussi que les besoins en formation des apprenants évoluent. Devant ce fait, les formateurs doivent aussi s’améliorer. Les cadres formateurs ont conclu en effet à la nécessité de mettre en œuvre des stratégies permettant la professionnalisation de la formation à travers l’approche par compétences, la remise à niveau concernant les nouvelles technologies et leurs impacts sur la formation et la gestion des hôpitaux (Guillaumin, 2011 : 124).

L’approche par compétence suppose que l’individu apprend à travers les activités qu’il réalise, ses interactions avec son environnement qui vont entraîner un changement du contexte de départ ou de la situation problématique. C’est donc la situation de départ qui va conditionner la construction de compétences par l’individu apprenant. Le cadre formateur se positionne donc comme étant un médiateur entre l’étudiant et la situation, l’environnement de départ (Bouveret et al., 2012 : 97). Les cadres formateurs deviennent entre autres, des créateurs de situations d’apprentissage dans la mesure où ce sont eux qui choisissent la situation professionnelle à laquelle confronter l’apprenant pour qu’il ait des savoirs agir. Mais en même temps, ce sont des médiateurs entre les situations professionnelles et de savoirs. En ce sens, il doit faire en sorte que l’établissement de santé devienne un lieu d’expérimentation, d’exercice et de construction de savoirs et compétences (Bouveret et al., 2012 : 100 – 101).

  1. Les compétences du cadre de santé

En tant que responsable de la gestion et de l’animation de l’unité de soin, le cadre de santé doit être en mesure de résoudre les problèmes qui peuvent survenir au sein de son unité de soin. C’est à travers la résolution de ces problèmes que se manifeste les compétences du cadre de santé. La compétence suppose que l’individu est apte à déployer ses différentes ressources pour faire face à une situation de travail particulier et pour atteindre les objectifs fixés initialement. Quatre compétences ont été identifiées :

  • Aptitude à manager et à animer une équipe soignante dont les membres sont issues de différentes disciplines et accomplissant des missions différentes mais complémentaires : Le sens de l’organisation et l’adaptabilité sont deux caractéristiques qui permettent au cadre de santé d’organiser et d’animer son unité de soin. Certes, des conflits et des divergences d’idées peuvent souvent se manifester. Par ailleurs, chaque acteur au sein de cette unité a son propre tempérament, ses méthodes de travail et les idées sont diverses. Or, cette interdisciplinarité peut conduire dans certains cas, à des conflits. Le manager représenté ici par le cadre de santé a pour mission de gérer ces différences pour en faire, des ressources permettant d’aller de l’avant. Il doit entre autres évaluer systématiquement les compétences de ses collaborateurs afin de renforcer leurs capacités et mener des actions en faveur de l’acquisition des compétences requises pour le métier de soignant. Cela contribue en effet à assurer l’employabilité de ses collaborateurs. Le cadre de santé est aussi un encadreur et en cette qualité, il doit encadrer ses collaborateurs surtout, ceux qui n’ont pas beaucoup d’expériences. Il s’agit de les accompagner et de les évaluer.
  • Capacité à gérer les offres de soins et de services : L’organisation et l’ouverture d’esprit sont requises ici afin que le cadre de santé puisse promouvoir les entraides professionnelles avec les membres de différents services. Cela suggère la mise en place d’un réseau d’information et le suivi par le cadre de santé de la réalisation des prestations de l’établissement de santé tout en se référant aux règles et aux normes établies pour assurer la qualité de soins. Non seulement il gère les offres de soins et de service, mais il est le principal garant de la qualité de ceux-ci, ce qui ne peut se faire à moins de ne mettre à la place de l’équipe soignante les matériels et les approvisionnements dont elle a besoin. Cela demande aussi de la flexibilité pour gérer les crises.
  • Sens de l’initiative pour piloter les projets, les études et les travaux dans le secteur de soins et services : L’unité de soins comme son nom l’indique, est une unité ou un élément qui permet à tout le système de santé de fonctionner. Certes, pour chaque pays, il existe les objectifs globaux d’amélioration de la qualité des services fournis. Mais chaque établissement, tout comme chaque division, chaque discipline et chaque unité de soin a ses particularités. Le cadre de santé par sa vision, sa créativité, mais aussi par sa rigueur va faire en sorte que les projets de l’unité soit en adéquation avec ceux de l’établissement et du pôle région. Cela demande que le cadre de santé soit en mesure d’initier et de conduire des études et des recherches dans le domaine paramédical. En d’autres termes, il devrait être une partie intégrante des études et des recherches sur le domaine médical.
  • Sens de l’organisation permettant de gérer les informations sur le secteur d’activité : Le sens de l’ouverture est ici mis en exergue car, le cadre de santé va promouvoir la collaboration intra et interdisciplinaire. Il va collaborer avec d’autres personnes qui peuvent apporter des avantages à l’équipe de soin. Ces personnes ressources peuvent se trouver au sein du même établissement mais dans des unités différentes. Mais elles peuvent également être issues d’autres établissements. La gestion d’information pousse le cadre de santé à travailler avec elles en veillant à ce que la coopération et la collaboration respecte les valeurs institutionnelles et les valeurs professionnelles. Le cadre de santé doit être dynamique et à l’affût des informations concernant les évolutions dans le domaine médical. Cela ne peut se faire à moins de ne faire une veille documentaire que ce soit en anglais ou en français. Comme il travaille avec d’autres acteurs alors le cadre de santé organise les communications avec et entre ceux-ci. La gestion d’informations devrait être valorisée par la rédaction d’un article professionnel[19].

Le tableau suivant synthétise les différentes compétences requises de la part du cadre de santé.

Tableau 3 : Les missions et les compétences du cadre de santé (source : CHU Poitiers cité par Fray (2009 : 151)

Mission du cadre de santé
Responsable de la gestion d’une unité – référentiel professionnel – rôle d’encadrement et d’animation sur son unité – responsable de l’application de la prescription médicale. Il participe à la définition du projet de l’unité et à l’optimisation des ressources humaines. La prise en charge de la personne soignée est effectuée sous sa responsabilité
Compétences demandées
Par domaines  (s’y connaître en…) Gestion, organisation, communication, encadrement, animation, médiation, évaluation, …
Par activités (être capable d’agir efficacement en matière de…) Conception, réalisation, évaluations d’action collective. Gestion économique et financière de services. Gestion des ressources humaines. Accompagnement du changement et de développement de l’autonomie des acteurs.
Par actions spécifiques (savoir intervenir au niveau de…) Conception et mise en œuvre de programme et d’actions de formations. Evaluation des prestations et des personnels. Analyse des pratiques professionnelles. Professionnalisation des personnels. Analyse stratégique des situations et des systèmes. Médiation dans la conduite de projets.
Compétences transversales (pouvoir relier, coordonner) Intervention spécialisé étendue sur plusieurs sites, unités ou niveaux hiérarchiques.

 

  1. Les enjeux relatifs à la formation des cadres de santé
  2. L’évolution des besoins des usagers

Pour pouvoir parler des besoins des usagers, il est nécessaire d’analyser en premier lieu, les constatations concernant la santé des populations en Polynésie Française. La Collectivité d’Outre-Mer au fil du temps a su mettre en place des conditions de vie lui permettant d’augmenter son espérance de vie passant de 53 ans en 1952, pour atteindre 76 ans en 2013. Les maladies infectieuses diminuent et la mortalité de la population est réduite. Par contre, dans un contexte de vieillissement de la population à l’instar de ce qui se passe dans d’autres pays développés, la population de la Polynésie Française est témoin de l’augmentation progressive de maladies chroniques telles que le cancer, les maladies cardio-vasculaires, etc. Ces dernières sont devenues désormais, les principales causes de décès dans ce pays. D’autre part, comme la Polynésie Française se développe, de nouveaux risques de maladies causées par la pollution environnementale apparaissent[20].

Dans ce contexte, cette Collectivité d’Outre-Mer doit favoriser les offres de soins de proximité, mais cela est rendue difficile à cause de la distance géographique séparant les différentes îles. Les offres de soins pourraient être prodiguées si les professionnels de santé en Polynésie Française pouvaient travailler en réseau. Or, il existe encore un enjeu notable qu’est l’absence de pilotage. La montée en nombre de maladies chroniques devrait être palliée à travers l’amélioration de la qualité des soins. Et pourtant, force est de constater que ces démarches restent encore timides sinon quasi-inexistantes. Les patients précarisés tendent alors à se tourner vers les médecines traditionnelles. Or, ces dernières ne sont pas encadrées, exposant ainsi, les patients à plus de risque de dégradation de leur santé. Les usagers ont donc besoin d’une réelle professionnalisation des offres de soins à travers l’amélioration de la gestion administrative et financière des établissements de santé.

Et pourtant, la prise en charge de maladies chronique demande des moyens financiers. Le vieillissement de la population par exemple, entraîne avec lui des maladies qui pourraient rendre les personnes dépendantes physiquement et mentalement. La vieillesse en effet, est marquée par l’usure du corps, la fatigue, la diminution des activités physiques. Certaines personnes d’âge avancé ne peuvent même plus faire les activités quotidiennes comme se laver, s’habiller. Le vieillissement se manifeste entre autres, par la perte d’autonomie mentale causée par la maladie d’Alzheimer, les démences séniles[21]. Les coûts de la prise en charge de telles maladies sont assez importants. La Polynésie Française doit désormais répondre aux besoins d’accompagnement et d’hébergement de ces personnes. Outre à cela, il y a les coûts élevés de ce genre de maladie d’autant plus qu’il s’agisse d’une maladie qui s’étale sur une longue durée[22].

L’augmentation de maladies chroniques en Polynésie Française favorise entre autres, les demandes en soins palliatifs. Une étude menée au Centre hospitalier de Polynésie Française en 2014 a permis de démontrer que 34,3% des patients recourent à des soins palliatifs dont 20,4%, des situations palliatives complexes. Ces demandes sont élevées au niveau du service d’oncologie/hématologie, neurologie, hépato-gastro-entérologie et  pneumologie. L’augmentation de la demande des usagers nécessite la mobilisation d’une équipe mobile de soins palliatifs et l’adoption d’outil de suivi de la prévalence de ces situations palliatives à travers notamment des outils tels que Pallia 10. Cet outil facilite la prise de décision et l’ajustement des structures en place pour répondre aux besoins des usagers[23].

D’autre part, ces dernières décennies, la prise en considération de la dimension relationnelle de la prise en charge a été observée. La prise en charge du patient ne consiste plus uniquement à établir un diagnostic et à administrer des médicaments au patient. Certes, les médicaments ont des actions sur la physiologie et l’état de santé du patient, mais la dimension psychologique et relationnelle de la capacité de l’individu à vaincre la maladie ou à surmonter cette épreuve est aussi à prendre en compte. Il est admis que le patient tout comme ses aidants naturels ont besoin du soutien psychologique de la part des soignants. Il existe alors cette demande de l’établissement d’une relation particulière entre le patient et le soignant pour que la prise en charge soit efficiente.

Les patients, plus particulièrement ceux qui souffrent d’une maladie chronique demande la personnalisation dans le soin qui lui est procuré. La personnalisation suppose que le soignant bien qu’il exerce une certaine capacité d’action sur le patient, va considérer celui-ci en tant que sujet vulnérable à intégrer dans une relation de soin. Il amène donc le patient à connaître sa situation de maladie. Aussi bien  le patient que le soignant dans cette démarche de personnalisation est amené à faire des partages de leurs expériences quitte à se référer à leur vie privée pour encourager le patient. D’autre part, la prise en charge demande la responsabilisation du patient en tant qu’acteur de son état de santé. Cette approche suggère que le soignant va conscientiser le patient sur le fait que ses actions notamment sa compliance va améliorer son état de santé. La quatrième dimension de la prise en charge du patient est la protection du patient qui est vulnérable, sensible et fragile. Dans cette relation, le soignant doit retenir que le patient a un pouvoir très faible qu’il convient de protéger contre la maladie premièrement, mais aussi dans certains cas, contre son entourage. Les proches peuvent parfois prendre des décisions qui sont en contradictions avec la volonté du patient ou son bien-être. Enfin, il y a la réparation du patient. Réparer ne consiste pas uniquement à l’aider à vaincre la maladie, mais à restaurer son identité, son estime de soi, l’image qu’il a de sa personne, de son corps. En effet, la maladie et la dégradation physique entraînent souvent une démoralisation de l’individu. La réparation consiste donc à pallier à ce fait[24].

  1. L’évolution des missions du cadre de santé

Dans un souci d’amélioration de la qualité des services fournis par les établissements de santé, le rôle d’encadrement des cadres de santé est également renforcé afin que les soignants soient à l’aise avec les nouvelles techniques et processus modernes de prise en charge des maladies. Dans cette optique, le cadre de santé aurait besoin de l’aide de leurs pairs pour échanger leurs expériences. En France métropolitaine, les établissements de santé ont créé le collège de cadres, afin de pouvoir affronter les évolutions de leurs missions (Divay et Gadéa, 2008 : 683). Certains établissements favorisent les forums cadres pour favoriser les interactions des cadres et d’accélérer les retours d’expériences des différents cadres qu’ils soient cadres techniques, administratifs ou soignants (Lépine et Parent, 2013 : 50).

Les changements au niveau de la gestion de l’hôpital en France ainsi que la constitution de pôles d’activités a bouleversé l’organisation classique de l’hôpital. Ils se sont accompagnés en effet d’une nouvelle répartition des pouvoirs. Les soignants sont moins reconnus, mais le rôle des managers a été valorisé. En tant que manager, les responsabilités du cadre de santé se sont donc multipliées. Alors qu’auparavant, les cadres de santé étaient plus motivés par une logique de soin, ils se trouvent désormais dans l’obligation de joindre à la fois, les contraintes liées au soin et les contraintes liées à la gestion de l’hôpital. De tels changements sont à l’origine de nombreuses tensions de rôles au sein des services[25].

Une étude qualitative menée au sein de l’établissement Beausoin a montré que les changements organisationnels s’accompagnent de lancements de nombreux projets. Les cadres de santé sont donc amenés à ne plus se centrer sur les soins eux-mêmes ni sur les ressources humaines elles-mêmes. Les cadres de santé développent principalement des activités informationnelles mais pas communicationnelles. Informer revient en effet à transmettre des informations, mais elle omet de considérer le relationnel, le dialogue entre pairs et les échanges verbaux. Cela marque un des changements dans les missions et les attributions des cadres de santé et de son rôle (Detchessahar et  Grevin, 2009 : 35).

Les missions premières des cadres de santé semblent avoir été modifiées au profit de leurs nouvelles missions. En effet, Detchessahar et  Grevin (2009 : 36) décrivent l’ « évolution de la fonction de cadre, qui passe d’une position de « cadre de soin » à une position de « cadre de gestion » ». Par ailleurs, les cadres de proximité tendent à interagir non plus avec leurs équipes de proximité, mais avec la Directions et les niveaux supérieurs de la hiérarchie, ce qui semble détonner avec leur place auparavant. En effet, les cadres de santé ne doivent plus uniquement répondre à la logique managériale de l’équipe dont ils sont responsables, mais sont tenus de rendre compte des stratégies imposées par des organisations ou des structures externes de plus grande taille.

Auparavant, les cadres de santé agissaient sur l’activité. Ils avaient pour rôle d’animer l’équipe de soin et de gérer les matériels de manière à ce que toutes les ressources soient mobilisées et utilisées à bon escient pour l’optimisation de la prise en charge des patients. A l’heure actuelle, ces missions tendent à passer au deuxième plan. Désormais, il est attendu du cadre de santé qu’il organise, conseille et coordonne les activités au sein du service, ou dans certains cas, au sein du pôle, dans le souci de l’amélioration de la gouvernance de l’hôpital pour rationnaliser les coûts et améliorer la qualité des prestations. Puis, il a été constaté que la population de cadres de santé est déjà vieillissante, ce qui suppose que pour les années à venir, les relais sont à prendre et les compétences sont à transmettre au niveau des jeunes générations[26].

  1. Les enjeux relatifs à l’organisation des activités du cadre de santé et à la gestion des ressources humaines

Les changements induits par l’évolution des besoins des usagers contraignent les cadres de santé à s’adapter à de nombreuses évolutions au niveau de l’organisation interne de l’établissement de santé, mais également, dans les relations professionnelles qu’ils nouent avec d’autres professionnels de santé. Il est évident que la qualité de soin  ne peut être atteinte à moins que la diversité ne soit considérée et valorisée en tant qu’opportunités pour améliorer la prise en charge. L’enjeu qui se pose pour le cadre de santé réside donc sur sa capacité à mobiliser, gérer, fédérer une équipe de professionnels multidisciplinaires[27].

Cela implique que le cadre de santé joue le rôle d’interface RH et en ce sens, entre en contact avec plusieurs personnes. Il gère les compétences à la disposition de l’unité de soins, des équipes dans son ensemble et enfin, des processus mis en œuvre au sein de ces unités.  Le management des RH peut être schématisé comme suit :

Figure 1 : Les quatre dimensions du management des RH selon Ulrich (1997) cité par Coulon (2012)[28]

S’il est admis que le cadre de santé est un gestionnaire des ressources humaines alors il lui incombe selon cette figure de gérer le portefeuille de compétences à travers un management stratégiques dédiés à déterminer les rôles des intervenants RH et les partenaires stratégiques. Il lui revient alors d’aligner la gestion des ressources humaines avec la stratégie de l’établissement hospitalier. Mais comme les compétences requises évoluent au fur et à mesure que le temps passe et que les usagers éprouvent aussi de nouveaux besoins, il est indispensable alors d’actualiser le portefeuille de compétences dans les unités de soins. Le défi pour le cadre de santé réside sur l’identification des agents de changement qui vont faciliter l’innovation au sein du service. Par la même occasion, le cadre de santé est aussi amené à encadrer ce changement et à animer, à encourager les agents de changement.

Comme le cadre de santé promeut les changements, la gestion de ressources humaine s’accompagne également de management de processus ce qui fait intervenir, des experts administratifs. Le but de la gestion des processus est d’augmenter l’efficience des démarches adoptées pour la prise en charge des patients. Il revient au cadre de santé de réviser les processus organisationnels pour réduire les dépenses et optimiser la qualité de services. Outre à cela, il gère aussi les équipes. Mais dans cette démarche, il identifier les employés les plus intéressants, qui détiennent des compétences spécifiques et qui peuvent aussi aider leurs pairs dans l’accomplissement de leurs missions. Le management des équipes vise principalement à augmenter l’implication et les aptitudes des employés pour qu’ils puissent donner le meilleur d’eux-mêmes lors de la prise en charge. Mais le management des équipes suppose aussi le déploiement des équipements et des matériels dont celles-ci ont besoin, ce qui peut parfois, être un véritable défi pour le cadre de santé.

Partie 2. Partie empirique

  1. Méthodologie
  2. L’entretien semi-directif
  3. Principe de l’entretien semi-directif

L’entretien semi-directif est une démarche de collecte de données qualitative qui consiste à poser des questions ouvertes à partir d’un guide d’entretien. Les questions ne suivent pas un ordre particulier lorsqu’elles sont posées. Il s’agit d’une démarche qui met en interaction l’interviewer et l’interviewé. Ce sont les propos de ce dernier qui permet à l’interviewer de poser la question suivante, de demander plus de précisions ou de faire des relances (Gavard-Perret et al., 2012 : 112).

Comme il est question ici de questionner une personne ressource, alors la fiabilité des données et la réussite de l’entretien semi-directif repose sur le choix de la personne à interviewer. La personne ressource à rencontrer dépend de la discipline et du thème d’étude. Les experts constituent les personnes ressources par excellence. Mais il se peut également que la personne ressource soit une personne qui occupe un poste spécifique ou qui exerce un métier ou une activité spécifique pendant une durée plus ou moins conséquente et qui, de fait, est susceptible de détenir des informations permettant de répondre aux questions de recherche. Le chercheur peut questionner des individus ayant des points de vue contrastés pour enrichir sa réflexion. Le nombre de personnes à contacter dépend de la qualité des propos tenus par chacun d’entre elles[29].

  1. Avantages et justification du choix de la méthode

L’entretien semi-directif est une méthode très flexible et peu coûteuse. Il permet au répondant de s’exprimer librement et à l’interviewé de faire des relances pour éviter les hors sujets. C’est une méthode qui permet de faire de la comparaison et de comprendre une situation, un phénomène social. L’entretien semi-directif est adopté pour expliquer le comportement d’une population cible. Cette méthode requiert un faible nombre de répondants et ne nécessite pas de compétences très précises de la part des enquêteurs. D’autre part, c’est une méthode qui demande entre 30 minutes et  2 heures de temps (Gavard-Perret et al., 2012 : 112).

Notre étude n’a pas pour objectif de chercher des données quantitatives concernant la formation des cadres de santé. Nous cherchons à caractériser les besoins en formation des cadres de santé et les failles au niveau des approches et du système de formation. A l’issue de cette étude, nous devrions être en mesure d’apporter des préconisations concernant les possibles améliorations de la formation des cadres de santé pour qu’elle puisse attribuer à ceux-ci les compétences nécessaires face à l’évolution des besoins des usagers. L’entretien semi-directif nous semble alors pertinent pour collecter ces données et pour comprendre les besoins et les comportements des cadres de santé en Polynésie Française.

  1. Conduite de l’entretien
  2. Présentation de l’outil

Dans le cadre d’entretiens semi-directif, l’outil utilisé est une grille d’entretien composée de questions ouvertes permettant au répondant de s’exprimer sur les principaux thèmes d’étude. Trois thèmes ont été évoqués lors des entretiens avec les cadres de santé : leurs compétences initiales, les besoins des patients actuels et enfin, les nouvelles compétences des cadres de santé. Chaque thème comprend entre deux et cinq sous-thèmes. Ces différents thèmes, sous-thèmes et questions sont présentées sur le tableau suivant :

Tableau 4 : Guide d’entretien utilisé lors des entretiens

Thèmes Sous-thèmes Questions
Compétences initiales Formation initiale – Quelle formation avez-vous suivi ?

– Pourriez-vous décrire votre parcours jusqu’à l’obtention de ce poste de cadre de santé ?

Compétences initiales – Quelles compétences avez-vous acquises à l’issue de votre formation initiale ?

– Quels sont les savoirs et les connaissances que vous avez pu tirer de votre parcours avant de devenir cadre de santé ?

Besoins des usagers Evolution des besoins des usagers – Comment décririez-vous les besoins des patients actuels par rapport aux patients d’il y a cinq ou dix ans ?

– Est-ce qu’il y a des évolutions au niveau des besoins des usagers ?

Organisation – Quelles ont été les modifications managériales et techniques mises en place au niveau de l’organisation des activités pour répondre aux évolutions des besoins des usagers ?
Conséquences de l’évolution des besoins – Quelles ont été les conséquences de ces évolutions (des besoins des usagers, du management et de l’organisation) sur les missions du cadre de santé actuellement ?
Nouvelles compétences Nouvelles compétences requises – Quelles sont donc d’après vous les nouvelles compétences que le cadre de santé devrait avoir pour répondre à l’évolution des besoins des usagers ?
Formation continue – Est-ce que vous bénéficiez d’une formation continue ?

– Quelles sont les thèmes abordés lors de ces formations ?

-A quelle fréquence sont données ces formations et quelle est la durée de chaque séance ?

– Qui dispense cette formation continue ?

Disponibilité pour la formation – Est-ce que tous les cadres de santé peuvent venir à ces formations ?

– Quelles pourraient être les raisons de l’absence de certains cadres de santé à ces séances de formation continue ?

-Est-ce que l’organisation de votre établissement actuellement vous semble permettre la formation continue des cadres de santé ?

Autoformation – Que pensez-vous de l’autoformation ?
Besoins des cadres de santé en matière de formation Par rapport aux compétences actuellement requises et par rapport aux changements au niveau des besoins des usagers, quels sont donc vos besoins et vos souhaits en termes de formation ?

 

  1. Présentation de l’échantillon

L’objectif de cette étude est d’identifier les principales démarches à mettre en place pour améliorer les compétences des cadres de santé. Celles-ci en effet, sont amenées à évoluer dans le temps car les besoins des usagers et les politiques de gestion des hôpitaux changent également. Dans cette optique, les cadres de santé semblent les plus pertinentes pour répondre aux questions relatives à la gestion des ressources humaines et plus particulièrement, les besoins actuels et futurs en termes de compétences des cadres de santé.

Quatre cadres de santé ayant exercé pendant une période de 2 à 10 ans ont été choisis comme personnes ressources dans cette étude. La diversité au niveau du genre, du lieu d’exercice et de l’ancienneté pourrait être considérée comme étant un atout dans la mesure où elle permet de faire une confrontation d’idées. Ces personnes en effet, sont issues de générations et de promotions différentes. Il est donc probable que certains d’entre eux soient plus habitués avec l’ancien système de formation et est mieux disposé pour faire une comparaison entre la formation qu’ils ont eu et la formation qu’ils observent actuellement dans la société. Les jeunes générations qui viennent tout juste de faire leur entrée dans le métier constituent aussi une source non négligeable dans la mesure où ce sont elles qui sont les plus familières aux nouvelles méthodes d’apprentissage du métier de cadre de santé. La comparaison des points de vue des différentes générations pourrait donner des informations supplémentaires concernant la formation professionnelle continue des cadres de santé en Polynésie Française. Leurs profils sont présentés sur le tableau suivant :

Tableau 5 : Profils des répondants (CDS : cadre de santé)

Caractéristiques CDS1 CDS2 CDS3 CDS4
Sexe Féminin Masculin Masculin Féminin
Ancienneté 8 ans 2 ans 10 ans 9 ans
Promotion 2008 – 2009 2015 – 2016 2005 – 2006 2007 – 2008

 

  1. Résultats
  • Compétences initiales des cadres de santé en Polynésie Française

Tableau 6: La formation initiale et les parcours professionnels des cadres de santé

Répondant Formation suivie Parcours professionnel
CDS1 Formation cadre de santé – Etudiant infirmier à l’IFPS de Papeete

– IDE faisant fonction de cadre à Taravao

– Cadre de santé à l’hôpital de Taravao

CDS2 Formation cadre de santé – Cursus infirmier à l’IFPS

– IDE

– Faisant fonction de cadre en milieu hospitalier à Taravao

CDS3 Formation cadre de santé – Formation initiale en France

-Infirmier en Métropole

– Cadre de santé dans un hôpital parisien

CDS4 Formation cadre de santé – Etudes d’ADS et infirmière à l’IFPS

– Adjointe de soins

– Infirmière faisant fonction de cadre à Moorea

– Cadre de santé à Moorea

Ce tableau montre que la formation dispensée en Polynésie Française et le parcours professionnels permettant aux candidats d’accéder au poste de cadre de santé montrent des similitudes avec le schéma classique rencontré en France Métropolitaine. Les cadres de santé sont des infirmiers qui ont suivi par la suite une formation pour devenir des cadres de santé.

Tableau 7 : Les compétences acquises à l’issue de la formation initiale

Répondant Verbatims
CDS1 Heureusement que je travaillais avec des infirmières expérimentées. J’ai pu avec elles mettre en pratique ce que j’ai appris durant mon cursus et acquérir de l’assurance. Au fur et à mesure, j’aimais bien, je discutais avec l’équipe. J’arrivais à proposer des organisations au surveillant pour améliorer notre travail et la prise en charge des patients…. J’ai alors accepté d’assurer la fonction de faisant fonction de cadre en service de long séjour et en étant à ce poste, je devais aussi manager une petite équipe de trois infirmières et de deux aides-soignantes, planifier les gardes, les congés, parfois, donner mon avis sur le recrutement alors que je n’avais pas été formé à gérer une équipe et tout ce qui va avec.
CDS2 C’est vraiment au lit du patient que j’ai pu développer l’empathie, l’écoute et surtout l’observation. Comme actuellement, nous devions tous acquérir les compétences infirmières qui relève du rôle propre et du rôle médico-délégué pour avoir notre diplôme d’Etat. Les formateurs de l’époque étaient rigoureux et exigeaient de nous la bonne posture…. J’ai eu l’opportunité d’expérimenter la fonction de faisant fonction de cadre au service de long séjour qui accueille des personnes âgées avec multiples pathologies. C’est un service difficile où j’ai appris la prise en charge de la personne âgée…. Je reconnais que c’est vraiment dans ce service que j’ai appris à communiquer ave l’équipe et avec les patients. Je me suis débrouillé pour faire mon expérience de cadre. J’ai appris au fur et à mesure en fonction des situations.
CDS3 Evaluer une situation clinique et établir un diagnostic dans le domaine infirmier, concevoir et conduire un projet de soins infirmiers. J’ai eu l’opportunité de changer plusieurs fois de services pour acquérir plus de compétences…. J’aimais bien déjà quand j’étais infirmier, mettre en œuvre des projets, participer à des travaux, apprendre aussi aux étudiants infirmiers qui passaient en stage dans mon service.
CDS4 Alors c’est vrai, en tant qu’infirmière, on a acquis les compétences pour faire un diagnostic infirmier, organiser, planifier, prioriser et tout le côté relationnel. Avant que je passe le concours, j’ai fait faisant fonction. Ce n’était pas facile parce que tu n’as aucune formation. Tu apprends sur le tas, à animer les réunions, faire les recrutements, les plannings…. Après, qu’est-ce que cette formation m’a apporté ? Ca m’a beaucoup forgé le caractère et les compétences que j’ai développé c’est surtout le positionnement face aux autres. Dans le sens, il faut savoir se tenir, qu’est-ce qu’il faut dire…. Après, à l’école de Nice, c’était plutôt de la gestion administrative et comptable, un peu de management. Après ce que j’ai pu développer comme compétences aussi, c’est le travail de groupe, travailler à  plusieurs en ayant les mêmes niveaux…. J’ai donc appris que tu ne peux pas décider toute seule.

La formation initiale a permis aux cadres de santé d’acquérir les connaissances de bases concernant le métier d’infirmier et le métier de cadre de santé. Mais la formation par alternance et leurs expériences dans les établissements de santé les a beaucoup aidé à acquérir des savoirs expérientiels manifestés de différentes façons chez les répondants comme l’adaptabilité, l’écoute, l’empathie, la communication.

  • Les besoins des usagers en Polynésie Française

Tableau 8 : Les besoins des usagers en matière de prise en charge en Polynésie Française

Répondants Verbatims
CDS1 A Taravao comme tu le sais, c’est un hôpital de proximité, rural. On avait très peu de soins lourds puisque les patients compliqués étaient de toute façon évasanés sur le CHPF. Et puis, il arrivait très souvent que les patients et les personnels se connaissaient puisque nous étions tous de la presqu’île. Çà pouvait nous faciliter les soins, mais des fois, çà pouvait paraître délicat.
CDS2 Et puis, le médecin aussi a été d’une grande aide pour m’expliquer les pathologies, la psychologie des personnes âgées…. Et puis, les personnes âgées que j’avais dans mon service, pour la plupart d’entre eux, ils ne s’exprimaient plus par la parole alors, on leur parlait en faisant des signes. On observait toutes leurs mimiques. Heureusement que je pouvais compter sur une équipe expérimentée parce qu’elle avait l’habitude de comprendre les besoins de ces patients. Ce qu’ils voulaient surtout, c’était que l’on prenne soin d’eux, qu’on s’intéresse à eux, qu’on leur parle. Ils avaient vraiment besoin d’attention et d’échanges. Tu sais, ces personnes recevaient peu de visite. Pour les aides-soignantes les plus anciennes, elles disaient que c’était déjà comme çà il y a quelques années.

…. Avec les familles, c’était un gros travail de lien et puis parfois, çà ne marchait pas. On n’avait pas vraiment de demande de leur part.

CDS3 Alors, c’est vrai que je n’ai pas d’expérience du patient en Polynésie. Je ne peux pas faire de comparatif avec la France. De ce que je peux dire par nature, le Métropolitain est plus exigeant. Je crois que c’est pour ça que nous avions des tas de procédures pour tout sans compter les procédures internes à l’établissement, on avait bien évidemment les procédures de l’HAS qui nous dictent tout le cadre réglementaire de la prise en charge des soins. Ici, c’est la direction de la santé qui joue ce rôle mais les exigences ne sont pas du même niveau. Çà s’explique peut-être par le fait que le Polynésien est moins procédurier mais çà ne veut pas dire qu’ici, on n’a pas la préoccupation de la qualité et de la sécurité des soins. En France, il y a une telle pression. Et puis, les associations des usagers sont très actives et parties prenantes dans certaines commissions au sein de l’hôpital et en fait, les besoins sont remontés lors de ces commissions. C’est plutôt une bonne chose pour faire améliorer les soins. Et puis, depuis quelques années, j’ai pu assister à la montée des réseaux sociaux comme tout le monde qui peuvent parfois desservir le monde du soin…. Et puis, pour la gestion des plaintes, on avait un vrai service…. Et puis, ce que je peux dire, c’est qu’à l’ère d’Internet, les patients en France vont eux-mêmes chercher des informations sur leurs pathologies et parfois, ils pouvaient contrecarrer les soins parce qu’ils se prenaient pour des petits docteurs et remettaient en cause le diagnostic posé. Ce n’est pas toujours facile à gérer pour les équipes et c’est là où j’intervenais en majorité. Il faut prendre en compte ce que le patient te dit en tentant de le ramener à plus d’adhésion. A ce sujet, on faisait très souvent des débriefings avec les équipes pour réfléchir à comment répondre face à un patient de ce type. Pour ce travail, ça arrivait d’associer une psychologue pour nous aider à avoir la meilleure manière de communiquer avec un patient de ce genre.
CDS4 Avec mes collègues quelquefois, on se dit quelquefois qu’avec tout ce qu’on fait, on devrait être formé pour devenir des super cadres pour répondre à toutes les demandes de l’institution, des équipes, du médecin chef, des maires, des patients, et les exigences viennent de partout. Ce n’est pas facile de prioriser parce que chacun a une demande urgente…. Alors à Moorea, tu vois les patients assez souvent lorsqu’ils viennent en consultation ou en hospitalisation alors qu’a Tuamotu – Gambier, tu ne les vois pas souvent. Et quand tu vas faire de l’encadrement sur place, surtout dans les postes de santé, tu fais le soignant aussi…. En ce qui concerne les patients, je suis souvent interpellé par les soignants à cause des plaintes, par exemple des plaintes sur l’accueil. Il est vrai que l’on voit de plus en plus de plaintes de patients surtout sur l’accueil, sur les prises en charge. Ce qui pose des problèmes, c’est souvent avec les auxiliaires de santé qui sont peu formés…. En effet, çà arrive régulièrement que les usagers font des courriers de plaintes à la direction de la santé. Aux Tuamotu, les gens sont devenus de plus en plus procéduriers. C’est normal, ils veulent être bien soignés comme à Papeete. Je suis au TG depuis 4 ans, je ne sais pas comment c’était avant moi. C’est vrai que quand je vais en mission, je revois leurs pratiques pour améliorer leur travail de soignant et être plus professionnel. Il est important pour moi de renvoyer une bonne image de la profession, par exemple, quand on manque de personnel, je vais aider. Çà leur fait du bien. Ils se rendent compte qu’ils ne sont pas tout seul. Ils peuvent compter sur moi. Ici au Tuamotu Gambier, cette proximité est indispensable.

Les propos des répondants font ressortir deux points importants concernant les besoins des usagers à l’heure actuelle : la différence entre les comportements et les exigences des Métropolitains et des Polynésiens d’une part, et les particularités des besoins induites par le fait que la Polynésie soit composée de plusieurs îles. Les répondants ont mentionné des comportements différents d’une île à une autre en Polynésie. CDS1 a par exemple rapporté la recherche de la proximité et l’importance des relations entre les soignants et les soignés à Taravao. Ces relations conditionnent en effet, la prise en charge comme l’a dit le cadre de santé. CDS4 pour sa part, mentionne la proximité avec les patients à Moorea, contrairement à ce qui se passe à Tuamotu Gambier. Il est donc difficile de tirer des traits similaires en ce qui concerne les besoins des usagers en Polynésie Française.

Même en étant une collectivité d’Outre-Mer et Pays d’Outre Mer, les patients se comportent différemment et présentent des besoins différents en Métropole et en Polynésie. CDS 3 a mis en avant le côté « procédurier » des Métropolitains. Il a caractérisé le profil de ces patients en affirmant que ce sont des personnes qui lancent des recherches sur Internet et qui sont très exposées aux informations qui circulent dans les réseaux sociaux et sur les différents sites de recherche. Ce sont donc des patients informés qui peuvent parfois être fortement influencés par ce qu’ils voient sur Internet au point de devenir non-compliants aux soins des soignants. D’autre part, la prise en charge des patients suit des procédures déterminées par différentes parties prenantes. Et devant ce fait, le cadre de santé acquiert un statut d’interface entre les personnels, les patients et les autres parties prenantes qui interviennent dans la réalisation de ces procédures pour assurer la qualité des soins. En Polynésie Française, les procédures sont moins formalisées et les patients se montrent moins exigeants. Il n’empêche qu’à Tuamotu, la tendance vers la conformité aux procédures a été observée selon les propos de CDS4.

A l’heure actuelle, les usagers polynésiens semblent montrer un besoin de proximité et recherchent l’aspect relationnel lors de la prise en charge. CDS2 a mis en avant un aspect qui résume l’évolution des besoins des usagers : la recherche de l’empathie, de l’écoute, de l’attention et de la communication par des personnes âgées. Nous avons mentionné qu’en Polynésie Française, le vieillissement de la population est d’actualité et avec ce phénomène démographique, il y a aussi apparition de maladies chroniques ou des maladies liées à l’avancée en âge. CDS2 met en évidence les particularités de la prise en charge de personnes âgées (difficulté de communication, sensibilité concernant le côté relationnel, demande de plus de présence de la part des soignants car ils n’avaient plus de visiteurs et montraient un degré élevé de dépendance). Nous pouvons donc dire que les demandes vont augmenter alors que les soignants ne sont pas toujours disponibles, ce qui amène certains professionnels à assurer à la fois le rôle d’encadreur et de soignants comme le CDS4 pour assurer les charges de travail et pour véhiculer une « bonne image de la profession ». Seul CDS2 s’est exprimé sur le fait que les proches des patients pris en charge avaient aussi des souhaits, mais en général, ils se montrent peu exigeants. Il a souligné entre autres un autre point essentiel de la prise en charge actuelle : la pluridisciplinarité surtout lorsqu’il s’agit de convaincre un patient réticent.

Tableau 9 : Les ajustements managériaux et techniques des activités pour joindre les attentes des patients

Répondants Verbatims
CDS1 Les patients compliqués étaient de toute façon évasanés sur le CHPF.
CDS2 Avec l’équipe, nous avions à cœur avec les petits moyens qu’on avait, de mettre en place des projets de soins où l’adhésion des familles était sollicitée. Et pour l’équipe, on cherchait à améliorer l’ergonomie de ses conditions de travail. Avec le médecin, on organisait des staffs où on évoquait  les dossiers des patients. On travaillait en concertation avec le « Fare Amatahiapo », les services sociaux et le centre hospitalier bien-sûr.
CDS3 Les projets pouvaient concerner globalement l’amélioration des prises en charge des patients et des conditions de travail des équipes de soins.  Pour ma part, j’attachais une grande importance au bien-être des équipes. En effet, ma philosophie, c’est que tu ne peux pas donner ce que tu ne reçois pas. Voilà, c’est important pour moi d’avoir ces valeurs. Si tu t’occupes bien de tes équipes, elles vont bien s’occuper des patients. Il m’intéressait en premier lieu d’avoir les besoins des équipes pour leur donner les meilleures conditions de travail, déjà de se préoccuper au niveau de l’organisation des plannings. C’est important de vérifier que la charge des activités de soins soit bien répartie et que les équipes respectent bien ces plannings. Alors pour çà, je faisais des réunions d’équipe où on renvoie tout ça pour avoir un consensus et puis quand il n’y a pas de consensus, je suis obligé de trancher. Mais en général, les équipes arrivaient à s’accorder et puis ça permet de les responsabiliser et de les rendre plus autonomes…. A ce sujet, on faisait très souvent des débriefings avec les équipes pour réfléchir à comment répondre face à un patient de ce type.
CDS4 Ce qui pose problème, c’est souvent avec les auxiliaires de santé qui sont peu formés. Heureusement que depuis cette année, on a remis une formation continue pour eux…. Je revois leurs pratiques pour améliorer leur travail de soignant et être plus professionnel…. Par contre, au dispensaire de TG, pour développer les compétences, ce sont les infirmiers qui mettent en place la formation continue des auxiliaires de santé publique qui exercent dans les postes de santé et qui parfois, passent par le dispensaire. C’est l’occasion pour eux de retravailler les plannings d’activités. De fait, on peut voir la cohérence de l’organisation des activités de soins et des prises en charge. Parfois, en fonction du sujet, je délègue la formation aux infirmiers que je pense plus compétents que moi en matière de soins.

Pour les petites structures sanitaires, la réponse aux besoins des usagers se faisait à travers l’évacuation sanitaire en fonction de la situation du patient. Pour les structures de plus grande envergure, les projets de soins étaient l’approche la plus adoptée. Le projet de soin faisait intervenir la famille, mais aussi toute l’équipe de soins et dans cette optique, le cadre de santé joue le rôle d’animateur et de pilote du projet. Alors que le projet de soin était centré sur le patient, le CDS3 a mentionné l’importance de la considération de l’équipe soignante dans la démarche d’amélioration de la qualité des soins prodigués aux patients. Il a affirmé en effet que plus les équipes bénéficiaient de bonnes conditions de travail, plus elles étaient aptes à s’investir et à donner des services de qualité aux usagers.

Aussi juge-t-il important de revoir les charges de travail et la répartition des tâches ainsi que l’organisation des équipes. Le CDS4 pour sa part, montre l’importance pour le cadre de santé, de se rapprocher de son équipe et de donner aussi des soins pour pallier le manque d’effectifs au niveau de l’établissement de santé. En d’autres termes, pour répondre aux besoins des usagers, les cadres de santé déployaient le projet de soin et l’amélioration des conditions de travail des équipes, la réorganisation des activités des soignants pluridisciplinaires qui interviennent dans la prise en charge.

Tableau 10 : Les impacts des ajustements organisationnels sur les missions du cadre de santé

Répondants Verbatims
CDS1 C’est là que je me suis aperçu que le cadre n’avait pas la tâche facile. Tous les jours, il devait avoir plusieurs casquettes et surtout, répondre aux demandes des équipes paramédicales et médicales qui arrivaient sans cesse. Il faut avoir les épaules bien solides et puis je n’oubliais pas que c’était le patient qui était au cœur de nos préoccupations…. Donc, le cadre de santé dans son service, enfin à son poste parce que tu vois, la plupart d’entre eux ne sont pas cadre d’un service. Ils sont plus ou moins installés sur un poste de cadre de pôle ou peut-être parfois, limite cadre sup…. de fait, cette accumulation de fonctions fait que tu n’as pas le temps de sortir un petit peu de ta bulle. D’autre part, le polynésien n’est pas très… comment dire, n’est pas très euh…. C’est pas entré dans ses mœurs que de chercher à progresser davantage….
CDS2 J’avais vraiment à cœur de me soucier du bien-être des professionnels comme des patients. Je suis vraiment très intéressé par la qualité de vie au travail…. En tant que professionnel, nous avons le devoir d’actualiser nos connaissances pour bien prendre en charge les patients sauf qu’ici, ce sont des étudiants. Aussi, ce qu’on est amené à faire à l’IFPS, c’est d’apprendre aux étudiants à être des infirmiers responsables. C’est vrai que même en tant que formateur, le patient est au cœur de nos préoccupations. Notre mission est celle de former les infirmiers de demain pour être opérationnels sur le terrain, sans perdre de vue la prise en compte des besoins des patients. Ici, les compétences que je développe ce sont vraiment les compétences pédagogiques à mon avis que tout cadre devrait avoir en plus des compétences managériales.
CDS3 Déjà de se préoccuper au niveau de l’organisation des plannings. Alors pour ça, je faisais des réunions d’équipe…. Ce n’est pas toujours facile à gérer pour les équipes et c’est là où j’intervenais en majorité…. Quand j’étais moi-même démuni, j’en discutais avec mes collègues cadres ou alors quand je pouvais, je m’inscrivais dans une formation sur la communication. Ça permettait d’avoir du recul sur les évènements.
CDS4 Tu ne connais pas les agents, tu ne connais pas l’île, tu ne connais pas l’organisation. Il a fallu que j’aille sur place, que je les rencontre. C’est vrai qu’à l’école des cadres, on n’apprend pas ça. C’est compliqué de gérer les équipes quand toi tu es à Papeete et ton équipe est dans un poste de santé ou une infirmerie aux Tuamotu. Du coup, je communique par téléphone ou par mail quand Internet marche bien. C’est important pour moi de maintenir les liens avec mes équipes parce qu’elles sont souvent confrontées à des situations pas évidentes à gérer. … Et quand tu vas faire l’encadrement sur place, surtout dans les postes de santé, tu fais le soignant aussi. C’est ça qui est un peu difficile car tu vas pour encadrer et là tu te retrouves avec une double casquette car tu es avant tout infirmière…. Pour ma part, j’ai cœur de veiller à la qualité et la sécurité des soins parce qu’on est soumis de plus en plus à la pression de l’institution de répondre aux objectifs et aussi on subit la pression des maires et des usagers et de fait, je suis obligé d’avoir plusieurs casquettes. Comme tu le sais, je fais du management à distance et j’ai au quotidien à gérer à distance par téléphone des situations à distance. Et ce qui a beaucoup fait évoluer notre façon de travailler, c’est aussi la mise en place de la télémédecine qui a été plus que nécessaire et pour les patients et pour les personnels soignants qui, depuis, se sentent moins isolés. Du coup, j’ai moins de situation de stress à gérer même s’il y en a toujours mais elles ne sont plus du même ordre. Avec de la gestion à distance, ça m’oblige à être plus au fait du cadre réglementaire des professions de santé.

Les propos des répondants tendent tous à mettre en relief le fait que l’évolution des besoins des usagers et les stratégies mises en place pour y répondre tendent tous à favoriser la polyvalence des cadres de santé. En tant que professionnel de soins, le cadre de santé doit mettre au centre de ses décisions, le patient, sa prise en charge. Mais en tant que manager, il doit aussi veiller à la qualité de vie au travail, au bien-être, aux conditions de travail des équipes de soins. Ainsi, le terme « plusieurs casquettes » revient à plusieurs reprises pour décrire leurs nouvelles missions par les cadres eux-mêmes.

Mais les cadres de santé insistent principalement sur le basculement de leurs missions vers des orientations managériales : la gestion des équipes,  la formation des équipes de soins pour améliorer la qualité de la prise en charge, la construction de compétences chez les collaborateurs, la communication au sein de l’équipe et avec les autres parties prenantes de la prise en charge, l’encadrement de l’équipe. Nous pouvons constater donc à travers ces différentes affirmations, que c’est le rôle managérial qui tend à s’imposer chez les cadres de santé aujourd’hui, en Polynésie Française, au détriment de son rôle de soignant.

D’autres faits nouveaux ont émergé des propos des répondants : la gestion à distance et la télémédecine. La CDS4 a évoqué un enjeu lié à l’insularité de la Polynésie Française et qui affecte les missions du cadre de santé : l’éparpillement des équipes de soins dans différentes îles ce qui fait que le cadre de santé ne peut pas être présent partout. Il convient alors, de pallier les désavantages causés par cette insularité à travers la gestion à distance et la télémédecine. Le CDS4 seule à évoqué cette nouvelle approche, tous les autres répondants semblent travailler au niveau d’une seule île.

  • Les nouvelles compétences des cadres de santé en Polynésie Française

Tableau 11: Les nouvelles compétences requises chez les cadres de santé actuels

Répondants Verbatims
CDS1 Enfin pour moi, le cadre de santé, il est impulsé par ça. C’est pas seulement avec les outils qu’on lui donne, mais il va chercher aussi comment dire, le produit du jour. Donc, il va se mettre au parfum de toutes les nouveautés qui peuvent être mises sur le marché…. Après, ça t’appartient d’évoluer avec aisance dans ce que tu fais. Enfin, je ne sais pas mais moi, je suis quelqu’un de très pragmatique. J’aime chercher comme j’aime voir progresser les choses. Après, c’est vrai, quand tu peux apporter des améliorations dans ta vie pratique quotidienne, et bien, tu es satisfaite. Mais je pense que tu as toujours mieux, c’est-à-dire tu essaies de rectifier, tu modifies, tu changes.

….On sait maintenant à la RH que le cadre de santé est utile au sein de ce bureau alors qu’il a à la fois, un regard administratif, un regard financier et un regard RH. Alors pour assurer ce rôle, j’aimerais être mieux formée parce que dès fois, je me sens démunie…. Aujourd’hui, la bonne posture pour un cadre eh bien ! c’est que tu cherches, tu t’informes, tu creuses l’information pour vérifier.

CDS2 Ici, les compétences que je développe, ce sont vraiment les compétences pédagogiques à mon avis, que tout cadre devrait avoir en plus des compétences managériales…. On a régulièrement des réunions pédagogiques. Ça permet effectivement de développer certaines compétences grâce aux échanges avec les plus anciens. Pour moi, c’est plus dans le retour d’expérience.
CDS3 Même si nous ne sommes plus au lit du patient, le patient est au cœur de nos enseignements. Nous ne sommes pas déconnectés du terrain. Au contraire, nous nous mettons au fait de ce qui se passe sur les lieux de stage en milieu hospitalier ou extrahospitalier. Lorsque nous allons sur le terrain, nous rencontrons bien sûr les étudiants mais aussi les tuteurs de stage, les cadres de services. Nous revoyons des situations de soins et c’est à ce moment là que nous pouvons nous mettre au courant des besoins des patients…. En tant que formateurs, c’est à nous d’apprendre aux étudiants à être attentifs aux besoins des patients et surtout au langage non verbal…. J’avais surtout appris à déléguer parce que j’avais des responsables d’équipe et à faire confiance. C’est ce que j’ai appris dans les missions. En fait, en pédagogie, c’est pareil. Les étudiants, on peut les responsabiliser par rapport au délégué de classe, au responsable de semaine, parce qu’on a quand même tout un travail administratif à faire et donc, gérer le temps, c’est important.
CDS4 Tu apprends sur le tas, à animer des réunions, faire les recrutements, les plannings. …Ça m’a beaucoup forgé le caractère et les compétences que j’ai développés, c’est surtout le positionnement face aux autres. Dans le sens, il faut savoir se tenir, qu’est-ce qu’il faut dire, avant de parler devant des personnes, il faut préparer ton dossier. Voilà ce que j’ai pu apprendre. … après ce que j’ai pu développer comme compétence aussi, c’est le travail de groupe, travailler à plusieurs en ayant les mêmes niveaux…. Ce que j’ai acquis en compétence ici, c’est le travail en réseau, asseoir mon autorité parce que j’avais du mal à Moorea, c’était mes copines. Avec l’affectif en avant, c’était difficile d’avoir de l’autorité, il faut dire. Et puis, comme autre compétence que j’ai pu acquérir ici, c’est la gestion des ressources humaines : tout ce qui est de la gestion de carrières, les recrutements. Pour les recrutements, je fais du début à la fin jusqu’à l’accompagnement…. Pour ma part, j’ai cœur de veiller à la qualité et à la sécurité des soins parce qu’on est soumis de plus en plus à la pression de l’institution de répondre aux objectifs et aussi on subit la pression des maires et des usagers…

Les cadres de santé questionnés ont mentionné dans leurs propos différents types de compétences qu’ils jugent indispensable ou qu’ils ont développé pour faire face à la nouvelle situation des établissements de santé. Comme leurs parcours et leurs expériences sont différents au même titre que leurs statuts et leur année d’expérience, il est évident qu’ils vont aussi avoir des compétences différentes. Selon le CDS1, l’adaptabilité est une des compétences requises chez le cadre de santé. Comme elle a été cadre de santé pendant huit ans, elle a vu certaines évolutions dans le métier ce qui la pousse à confirmer que l’adaptabilité et l’ouverture d’esprit sont deux caractères qui permettent de s’adapter aux évolutions de la situation. Mais dans ses propos, elle mentionne que le cadre de santé ne subit pas uniquement ces évolutions, mais est également force de changement. C’est ainsi, qu’elle parle de « rectifier, modifier, changer ». Pour le CDS1, l’adaptabilité et l’ouverture d’esprit du cadre de santé font qu’il est apte à apporter à la fois « un regard administratif, un regard financier et un regard RH ». Mais cette compétence ne peut être acquise à moins que le cadre de santé n’ait la volonté de s’informer et de faire de la recherche.

Pour le CDS2, le cadre de santé devrait détenir à la fois des compétences pédagogiques et des compétences managériales. Mais il insiste principalement sur la notion de compétences pédagogiques. Pour ce faire, il affirme même que les échanges avec d’autres cadres plus expérimentés sont indispensables. Le CDS3 fait également allusion à cette compétence pédagogique. Le cadre de santé devrait être en mesure de transmettre des savoirs et des compétences aux jeunes étudiants. Mais dans cette optique, il ne s’agit pas uniquement de lui fournir des informations de base mais de s’inspirer de ce qui se passe « sur terrain » pour inculquer les jeunes.

Il évoque une autre compétence du cadre de santé qu’est la capacité à prendre du recul par rapport à son savoir et à remettre à jour ses acquis à travers les échanges avec les acteurs externes et à travers l’analyse des situations de terrain. Mais il insiste sur le fait que cette compétence pédagogique devrait toujours être reliée au besoin des patients car une autre compétence devrait être acquise par le cadre de santé : la capacité à inculquer aux étudiants à discerner les besoins des patients et à être responsables. D’autre part il évoque le fait de déléguer, une autre compétence que le cadre de santé devrait avoir pour assurer toutes ses missions.

Pour le CDS4, la capacité à nouer des relations avec les autres et à communiquer constituent les principales compétences requises de la part des cadres de santé. A cela s’ajoute la compétence du cadre de santé à « asseoir son autorité ». D’autre part, elle a souligné les compétences dans l’accompagnement des nouveaux recrus dans le service.

Tableau 12 : Les opportunités et le contenu de la formation continue des cadres de santé

Répondants Formation continue Thématiques de la formation continue Fréquence de formation continue Responsable de la formation continue
CDS 1 + Pratiques des cadres de santé Au moins une fois tous les deux ans BPM
CDS2 + – formation de formateurs

– gestion des conflits

– formation à la gestion du temps et des priorités

Non communiqué DGRH
CDS3 + Formation de formateurs Proposé annuellement DGRH
CDS4 + e-learning Santé publique 5 mois Université de Nancy

Ce tableau montre que les cadres de santé ont tous bénéficié d’une formation continue au moins une fois pendant leur carrière professionnelle. Les thématiques abordées lors de ces formations sont très diversifiées. Mais nous pouvons voir sur ce tableau que la formation des formateurs est très fréquente. Vient par la suite, les pratiques de cadres de santé et quelques thèmes techniques permettant d’aider le cadre de santé dans la réalisation de sa tâche comme la gestion du temps et des priorités, la gestion de conflits. Mais les répondants ont aussi leurs points de vue et leurs pistes d’amélioration de la formation continue dispensée aux cadres de santé.

Tableau 13 : Impressions des répondants sur la formation continue et pistes d’amélioration

Répondants Verbatims
CDS1 Pour moi par exemple, je n’aime pas du tout la formation. Je n’aime pas. Je déteste, mais c’est pas pour autant lorsqu’il y a un sujet de formation qu’à un moment donné dans mes journées de travail qu’il apparaît forcément, je vais chercher, mais je ne vais pas y passer beaucoup de temps. Après, par contre, si c’est sur du management ou de l’organisation, là oui, je vais passer plus de temps, quitte à passer des heures et des heures. Voilà, çà dépend du domaine dans lequel tu as des affinités. J’aurais voulu dire, des formations à des instants T mais on en a déjà fait. Jusqu’à aujourd’hui, je ne vois cependant pas d’évolution, peut-être que moi-même, j’ai une exigence qui n’est pas forcément la leur. Ça fait qu’on n’est pas sur les mêmes niveaux de volonté de se former mais j’ai le sentiment que si l’organisation, c’est pas leur truc. Eh bien, il faut en parler.
CDS2 Avant de parler de formation continue pour moi, il faut déjà parler de recrutement. Une fois que tu est sorti de l’école, où on te met. Là, il y a déjà des choses à faire. C’est vrai que  lorsqu’on sort de l’école de cadre, on a les compétences de cadres et puis, ce n’est pas parce qu’on a le diplôme qu’on est compétent. Déjà là, sur les orientations à la sortie d’école, il y a des choses à revoir…. Alors pour la formation continue, je dirais que les dispositifs mis en place par le pays sont quand même pas mal. Dans les formations de la DGRH, il y a des choses qui sont intéressantes, mais des fois, çà dépend des chefs de services. Y en a qui poussent à faire des formations et puis, y en a pas trop quoi…. En effet, tu viens de l’école des cadres. Cette formation était bien mais après, est-ce que cela ne nécessite pas un niveau 2 ? C’est vraiment une base pour des gens qui font des petites formations ponctuelles mais pour des personnes qui font çà toute l’année, je pense que faire un niveau 1 et un niveau 2 c’est mieux…. Pour cette année, je m’occupe des « soins relationnels » et j’ai vu que le pays proposait une formation sur la gestion des conflits. C’est une formation qui pourrait nous intéresser parce qu’on enseigne une unité d’enseignement qui est en lien et peut-être que l’on ne sera pas forcément intéressée par une autre UE ou d’autres formations qui n’est pas en lien.
CDS3 Ce qui me semble important tout d’abord, c’est de réaliser un bilan de compétences. Après plusieurs années d’exercice, 10 ans c’est raisonnable. 10 ans d’exercice professionnel parce qu’on a une formation initiale pour laquelle, on détient un poste en général. Et après 10 ans, les outils professionnels évoluent, les structures évoluent, et on reste souvent sur des acquis. On s’adapte bien sûr au poste de travail, aux nouvelles consignes, mais quelque part, ça peut être intéressant de voir ce qu’on est capable de faire avec un regard extérieur et avec quelqu’un qui t’analyse dans ta façon de travailler. Tu fais le point de ce que tu sais faire, de ce que tu pourrais faire et aussi la zone un peu sombre où tu n’es pas compétent au fait. Et donc, en fonction de ton projet professionnel, il te guide pour savoir ce qui serait intéressant que tu puisses développer ou renforcer. Voilà, ça te guide pour savoir si un déjà tu t’épanouis toujours dans ton poste, si tu aspires à faire autre chose et si tu es vraiment bien dans ton poste. Comment tu pourrais encore l’améliorer ?… à l’époque en tout cas en Métropole, il y avait un budget pour ça, dans la formation professionnelle continue, des entreprises à un fond collecteur qui a de l’argent et qui pouvait payer les bilans de compétences.

…ce qui était très bien, c’était les exercices pratiques adaptés à notre domaine. Tout ce que j’avais vu c’était général, adapté à l’aspect production de soins alors que c’était tourné à la pédagogie formation. C’était pratico-pratique. Là, il y a une autre formation qui arrive sur la gestion du temps. En fait ce qui se passe, comme la plupart d’entre nous, entre nous, on est multitâche. On a plusieurs missions et on a des priorités à gérer. On travaille beaucoup à comment être le plus efficace possible. Cette formation est sur deux jours et ce sont toujours des outils intéressants à aller capter. C’est ce dont j’ai besoin par un apport extérieur. En fait, ce que j’ai besoin a été défini avec la directrice. Ce qui est bien c’est que depuis l’année dernière, tous les cades reçoivent le planning de formation de la DGRH via notre secrétariat et on s’inscrit à celles qui nous intéressent. Pour moi, les formations, ça m’aidera pour la coordination des stages.

CDS4 Pour aider les personnels et pour m’aider moi, j’essaie vraiment de maintenir mes connaissances en lisant par exemple. Mais je ne suis pas forcément abonnée à des sites de formation sur le management ou la formation sur le Net. Alors on vient de me proposer une formation en e-Learning sur la santé publique…Je suis contente que l’on ait pensé à moi, … c’est un vrai challenge parce que je vais devoir me motiver à travailler seule…. Moi, c’est le Dr B. qui porte le projet du plan de formation de la direction qui m’a directement appelé pour me la proposer et c’est vrai que je n’ai pas demandé qui d’autre va faire cette formation en en-Learning. Mais je suppose que je ne serais pas la seule cadre à pouvoir faire cette formation puisque c’est nous qui sommes auprès des équipes de soins et de plus c’est en e-Learning même mes collègues des autres subdivisions si elles sont partantes, elles pourraient la faire. Mais seulement, il faut être motivé pour travailler seul. C’est ça peut-être qui peut être un frein.

Deux répondants se montrent satisfaits de la formation qu’ils ont eu. Un répondant montre un désintérêt pour la formation ou tout au moins la formation concernant des thématiques autres que l’organisation et le management. Un répondant a mis à l’avant l’e-learning, mais il ne peut pas encore évaluer la formation parce que celle-ci est encore à venir. Pour ceux qui se montrent intéressés par la formation, quelques critères sont nécessaires pour que la formation apporte de nouvelles compétences :

  • Il faut que le lieu de travail où l’individu va travailler lui permette de déployer toutes ses compétences
  • La formation continue devrait être en lien avec une unité d’enseignement
  • La formation continue devrait répondre à des besoins réels chez le formé ce qui suppose la nécessité de faire un bilan de compétences pour savoir les manques à combler en termes de formation
  • La formation continue devrait être reliée avec les pratiques des cadres de santé pour les aider à performer leurs pratiques.

Le cas de CDS4 est particulier dans la mesure où elle n’a pas été informée d’un planning des formations ponctuelles. Sa formation semble donc découler des initiatives d’une tierce personne. Par rapport aux autres formations qui se font dans un espace physique, la formation réalisée dans le cas de la CDS4 se fait dans un espace virtuel, ce qui demande alors de l’engagement et de l’implication de la part de l’apprenant. Elle soulève alors un problème probable qu’est la réalisation d’un travail individuel, sans pouvoir interagir avec d’autres personnes. Il est possible donc d’en déduire que les interactions physiques et les travaux collectifs sont des approches qui sont prisés par les apprenants dans le cadre de la formation continue.

Tableau 14 : La disponibilité des cadres de santé pour suivre la formation continue

Répondants Verbatims
CDS1 Les cadres de santé cumulent plusieurs fonctions et de fait, ils sont très souvent absorbés par leur quotidien. D’autre part, l’organisation même de la direction de la santé, elle est trop vague… donc en fait, ils sont déjà phagocytés par la masse d’activités dû au fait qu’ils sont multifonctions parce que très souvent, ils accumulent plusieurs responsabilités, déjà pour moi, de par cet aspect, leur quotidien est déjà lourd tu vois. Donc l’organisation n’est pas aussi suffisamment posée, je parle au niveau central…. Donc, du coup, quelque part, c’est pas déjà dans la politique de santé que l’on a au sein de la direction de la santé, la formation, c’est le dernier des soucis.
CDS2 Alors ces formations sont transmises à toute l’équipe et après, chacun voit ce qui l’intéresse. Je sais que pour la formation de formateurs, deux n’ont pas pu être du groupe parce qu’ils n’ont pas pu reporter les cours. Alors, ils ont dû assurer des enseignements. C’est dommage.
CDS3 Pour la formation des formateurs, les cadres de la première année n’ont pas pu venir parce qu’ils avaient des cours à assurer…. Alors pour la formation des formateurs, pratiquement toute l’équipe pédagogique a pu en bénéficier sauf deux cadres.
CDS4 Mais je suppose que je ne serais pas la seule cadre à pouvoir faire cette formation puisque c’est nous qui sommes auprès des équipes de soins et de plus, c’est en e-learning. Même mes collègues des autres subdivisions, si elles sont partantes, elles pourraient la faire. Mais seulement, il faut être motivé pour travailler seule. C’est çà peut-être qui peut être un frein.

Deux choses émergent dans le cadre de la formation des cadres de santé d’après les propos des répondants rapportés dans ce tableau. Il existe des obstacles différents en fonction de la démarche adoptée pour former en continue les cadres de santé : en e-learning et en formation classique. Le CDS4 rapporte que l’e-Learning est une démarche qui permet de toucher tous les cadres. Ils peuvent venir. Les contraintes temps et espaces n’ont pas été évoqués. Par contre, les facteurs inhérents à l’individu notamment sa volonté et son aptitude à travailler seul constitue un obstacle potentiel pour les cadres de santé.

Pour les trois autres répondants, le frein pour suivre les propositions de formation continue réside principalement sur l’organisation du travail au sein de l’établissement et la charge de travail qui incombe aux cadres de santé. CDS2 et CDS3 par exemple ont tout deux évoqué le fait que deux de leurs collègues n’ont pas pu venir parce qu’ils devaient encore assurer des cours. Du point de vue du CDS1, il existe un problème de fond qu’est l’organisation du travail elle-même qui « phagocyte » les cadres de santé à tel point qu’ils ne peuvent plus penser à autre chose ou à s’épanouir. Dans cette optique, il semblerait que ce soit la structure elle-même qui omet de considérer la nécessité pour un cadre de santé de suivre des formations continues afin d’améliorer la qualité des soins.

Tableau 15 : Les acquis de la formation continue

Répondant Poste Verbatims
CDS1 Cadre de santé responsable de la cellule des itinérants J’aurais voulu dire des formations à des instants T. mais on en a déjà fait jusqu’à aujourd’hui. Je ne vois cependant pas d’évolution. Peut-être que moi-même, j’ai une exigence qui n’est pas forcément la leur, ça fait qu’on n’est pas sur les mêmes niveaux de volonté de se former, mais j’ai le sentiment que si l’organisation c’est pas leur truc, eh bien, il faut en parler…. Et je crois que le cumul les missions et des activités, que les cadres sont tellement phagocytés par tout ça. Je comprends qu’elles n’aient pas beaucoup de temps à elles. Je vois par exemple, aux Australes, ce n’est pas quelqu’un qui est cadre de santé, elle n’a pas forcément la pertinence ni le bagage bien qu’elle ait suivi plusieurs formations. Déjà à la base, suivre la formation de cadre de santé, c’est le minimum parce que tu comprends bien, les cinq domaines d’actions. Après, y en a pour qui tu as plus d’affinités, mais tu comprends bien les cinq domaines de compétences. Déjà, ceux qui n’ont pas fait l’école des cadres même s’ils ont un vécu, ça reste quand même difficile à mon sens. Après, je vois AP, elle doit être surmenée avec la masse d’activités et d’ailleurs, j’aurais plus tendance à penser que si elle n’avait pas autant de missions à réaliser, peut-être qu’elle serait à jour des nouveautés et de la formation continue. Après, si je devais prendre les TG, alors là c’est pareil, c’est une grosse structure. C’est pour cela que je dis que la direction de la santé ne favorise pas la formation des cadres de santé.
CDS2 Cadre formateur à l’institut de formation des professions de santé C’est une formation qui pourrait nous intéresser parce qu’on enseigne une unité d’enseignement qui est en lien….  En interne, c’est plus dans la concertation, dans les échanges avec les autres cadres qui permet de se développer. On a régulièrement des réunions pédagogiques. Ça permet effectivement de développer certaines compétences grâce aux échanges avec les plus anciens. Pour moi, c’est plus dans le retour d’expérience. En interne, il n’y a pas vraiment de formation continue formalisée sur un sujet particulier. Ça manque.
CDS3 Cadre formateur à l’institut de formation des professions de santé Dans la posture de formateur…mmm, c’était surtout les outils de communication. Comment communiquer, c’était surtout des astuces de communication. Dans la posture de formateur, alors après une année et demi d’expérience spécifique…je dirais qu’au fait, on l’a ou on l’a pas. On a la fibre ou on l’a pas…. Cette formation a effectivement permis de décloisonner chaque année de formation et on était vraiment en silo quand je suis arrivé ici. La formation qui était sur cinq jours a permis de mieux se connaître quelque part, de briser la glace symboliquement. Cela a contribué à une meilleure communication au sein de l’équipe.
CDS4 Cadre de santé de la subdivision de l’archipel des Tuamotu-Gambier Globalement, avec l’expérience que j’ai déjà, j’aimerais juste renforcer des compétences en gestion des ressources humaines et pour le reste je crois que c’est OK. Et si je suis en panne d’idée, je me mets en contact avec mes collègues cadres des autres subdivisions et on échange…. Pour aider les personnels et pour m’aider moi, j’essaie vraiment de maintenir mes connaissances en lisant par exemple. Mais je ne suis pas forcément abonnée à des sites de formation sur le management ou la formation sur le Net.

Ce tableau montre deux comportements différents chez les cadres formateurs et les cadres de santé, par rapport à la formation continue et vis-à-vis des acquis de cette formation continue. Les cadres formateurs se montrent enthousiastes quant au fait de suivre une formation continue et pensent qu’à travers cette démarche, ils peuvent à la fois aider les étudiants ainsi que les usagers. Le CDS3 a énuméré plusieurs plus-values obtenues grâce à la formation continue : des compétences en communication et l’amélioration des relations au sein de l’équipe. Le CDS2 déplore l’absence de formation continue formalisée sur un sujet en particulier. Cependant, il pense que cette formation est toujours indispensable et constitue même un devoir pour le cadre de santé qui va transmettre son savoir aux étudiants. Aussi cherche-t-il à combler le manque à travers les réunions pédagogiques et les échanges avec les anciens pour acquérir plus de connaissances. Pour les cadres formateurs, la formation continue est une démarche indispensable pour aider les étudiants à améliorer leurs postures et leurs pratiques, dans un souci d’amélioration de la qualité de service donné aux usagers.

Les cadres de santé pour leur part, se montrent moins enthousiastes quant à la formation continue et ses apports. CDS1 a déjà mentionné que la formation continue relève presque d’une mission impossible pour le cadre de santé vu les nombreuses charges qui lui incombent. Par ailleurs, elle souligne le fait que certaines personnes ayant suivi une formation continue ne présentent pas forcément les compétences attendues. Les efforts de formation s’avéreraient donc vains à moins qu’il n’y ait reconsidération de l’organisation et de la structure de soin, pour alléger les charges des cadres de santé et leur permettre d’acquérir les compétences dans le cadre de la formation continue. A cela s’ajoute la volonté de chaque individu et ses affinités pour telle ou telle formation.

CDS4 pour sa part, n’a pas fait allusion à une formation continue particulière à laquelle, elle a participé et qui lui aurait permis d’acquérir des compétences ou des expériences. Par contre, elle met en avant la nécessité de maintenir et de développer ses compétences à travers la lecture et les échanges avec ses pairs. Ses propos laissent supposer un manque d’intérêt pour la formation continue. Certes, elle suit une formation continue pour les prochains mois à venir, mais nous ne sommes pas encore en mesure de connaître les apports de cette formation vu que cela est un fait à venir au moment de l’entretien avec la répondante.

Tableau 16 : L’autoformation des cadres de santé

Répondants Verbatims
CDS1 Tout à fait [même s’il n’y pas de politique de formation avec un plan de formation, on peut de manière individuelle, se booster]. Après, ça t’appartiens d’évoluer avec aisance dans ce que tu fais. Enfin, je ne sais pas mais moi, je suis quelqu’un de très pragmatique. J’aime chercher comme j’aime voir progresser les choses…. Tu te formes d’abord sur un petit service. Tu utilise des outils, tu mets en pratique…. Après, tu peux passer d’un petit service à un niveau plus large, là oui. Si je dis ça, c’est que moi j’ai commencé comme ça…. Petit à petit tu te formes et après, tu mets en place ce que tu acquiers et les erreurs par lesquelles tu passes. Tu sais qu’à une échelle plus large, tu vas y arriver…. Aujourd’hui, la bonne posture pour un cadre, eh bien, c’est que tu cherches, tu t’informes, tu creuses l’information pour vérifier. Pour moi, de ce que j’analyse, il y a une passivité dans l’activité de recherche. A mon sens, ça appartient à chacun en fonction des situations, tu vas au moins sur Internet. Tu cherches des possibilités de réponses.
CDS2 Je reconnais que c’est vraiment dans ce service que j’ai appris à communiquer avec l’équipe et avec les patients. Je me suis débrouillé pour faire mon expérience de cadre. J’ai appris au fur et à mesure en fonction des situations. Je me suis adapté…. Je ne vais pas trop sur Internet sauf pour visiter le site de la HAS et puis, avec les bouquins que l’on a à la bibliothèque.
CDS3 Je vais chercher sur internet. Il y a beaucoup de richesse sur internet…. Je vais aussi chercher dans les livres et je me dis comment globalement j’ai le contenu et comment je vais le transmettre ?
CDS4 Pour aider les personnels et pour m’aider moi, j’essaie vraiment de maintenir mes connaissances en lisant par exemple.

Les propos des cadres de santé questionnés en ce qui concerne les pratiques qu’ils mettent en avant pour maintenir ou développer leurs compétences laissent penser qu’ils mettent en œuvre des processus d’autoformation. Le CDS1 souligne ce fait en mentionnant qu’il est possible pour un cadre de santé de se former et de développer ses compétences même en absence de plan de formation. Cela est rendu possible par l’existence et la mise à la disposition des cadres de santé d’outils de recherche comme Internet et les livres. Ce sont les deux principaux outils d’autoformation adoptés aussi bien par les cadres de santé que par les cadres formateurs.

Tableau 17 : Les souhaits des cadres de santé en termes de formation

Répondants Poste Besoins en formation
CDS 1 Cadre de santé responsable de la cellule des itinérants Après par contre, si c’est sur du management ou de l’organisation, là oui, je vais passer plus de temps, quitte à passer des heures et des heures…. On sait maintenant à la RH que la cadre de santé est utile au sein de ce bureau, alors qu’il a à la fois, un regard administratif, un regard financier et un regard RH. Alors pour assurer ce rôle, j’aimerais être mieux formée parce que dès fois,  je me sens démunie face à des situations complexes. Je ne sais pas forcément quoi répondre à mes collègues des îles.
CDS2 Cadre formateur à l’institut de formation des professions de santé C’est vrai que je viens d’arriver. Ça fait un an. J’essaie de comprendre encore comment tout ça fonctionne. Mais effectivement, on essaie de faire ça en transversalité…. J’ai donc demandé à la directrice qu’on organise le tutorat d’un nouveau cadre parce qu’on  n’est pas performant les deux premières années parce que qui vont en pâtir ? Ce sont les étudiants et les usagers.
CDS3 Cadre formateur à l’institut de formation des professions de santé Certainement, bien évidemment, un renforcement des compétences pédagogiques en premier. Et puis, pourquoi pas des formations sur les techniques d’animations ? ça j’aimerais bien pour les avoir des TD plus dynamiques. Et pourquoi pas une formation sur la communication ? Y en a qui serait bien, c’est d’être bien formé à l’analyse de pratique, utile avec les étudiants…. Alors je peux dire qu’être formé une fois par an si c’est bien ciblé, ce serait déjà très bien. Et puis, on a pas mal de boulot administratif, c’est bien si on peut être formé aussi à la bureautique : Powerpoint, Excel, pour faire un tableur. Les fondamentaux, on peut aller les renforcer avec des Masters.
CDS4 Cadre de santé de la subdivision santé de l’archipel des Tuamotu-Gambier Je pense que j’ai bien développé les compétences en communication et en relationnel avec ce travail, mais parfois, j’avoue que je peux être démunie car je m’aperçois qu’il me manque des techniques un peu plus fines en communication. Globalement, avec l’expérience que j’ai déjà, j’aimerais juste renforcer les compétences en gestion des ressources humaines et pour le reste, je crois que c’est OK.

Ce tableau fait ressortir deux types des besoins chez les cadres de santé et les cadres formateurs. Chez les cadres de santé, la principale préoccupation est d’ordre managérial et relationnel. Dans cette optique, la formation qu’ils cherchent se réfère à l’organisation, au management et à la communication. De l’autre côté, les cadres formateurs sont plus orientés vers la pédagogie et les relations avec les étudiants. C’est la raison pour laquelle, le CDS2 manifeste un besoin pour l’adoption d’une approche de formation des étudiants par le tutorat. Le CDS3 cherche à se former sur les techniques permettant d’animer les cours et de susciter l’intérêt des étudiants. A l’instar des cadres de santé, le CDS3 montre aussi de l’intérêt pour la formation en communication. Enfin, comme il s’occupe aussi de l’administration, il a affirmé le besoin de se former en bureautique.

  • Discussion et préconisations

A l’instar de ce qui se passe en Métropole, la Polynésie Française connaît le vieillissement de la population et l’émergence de la maladie chronique. Ce type de maladies change les besoins des patients. Ces derniers demandent de plus en plus de proximité et de l’attention de la part du soignant. La communication est fortement requise alors pour établir cette relation soignant-soigné, mais également pour promouvoir la prise en charge interdisciplinaire chez les équipes de soin. Une des facettes de la prise en charge des patients actuellement réside sur l’interdisciplinarité. Les personnes qui perdent progressivement leur autonomie sont prises en charge dans la plupart des cas, par une équipe pluridisciplinaire.

Les entretiens réalisés auprès des cadres de santé permettent de déduire que les besoins des patients ne peuvent pas toujours être satisfaits pour différentes raisons. Premièrement, il y a le problème d’effectifs dans certaines îles. Deuxièmement, il y a l’insularité et la distance géographique qui limite les interactions entre les soignants et les soignés. Dans cette optique, il semble que les cadres de santé n’ont d’autres choix que de développer le management à distance et la télémédecine. Mais nous ne pouvons pas estimer les impacts réels de ces approches sur les usagers. Troisièmement, se pose le problème de pluridisciplinarité. Pour le cadre de santé qui constitue l’interface RH, il faut relever le défi de mobiliser les compétences nécessaires à la prise en charge du patient, de fédérer ces compétences issues de différentes disciplines et de les animer pour qu’ils puissent tous déployer leurs compétences et leurs efforts pour prendre en charge le patient.

Il faut noter entre autres, que les structures dans les différentes îles au même titre que les comportements des usagers et leur degré d’exigence en matière de soins diffèrent. Au niveau de certaines îles, les usagers commencent à devenir procéduriers pour bénéficier des soins adéquats alors que dans d’autres, ce comportement n’est pas observé. De même, la répartition et les spécialités des structures médicales ne sont pas aussi les mêmes. Il n’est donc pas étonnant que les patients doivent être évacués sur une autre île au cas où la maladie est trop complexe. Nous voyons entre autres, l’augmentation de la demande en soins des Polynésiens, mais une fois de plus, le cadre de santé se heurte au manque de ressources alors qu’il lui revient de mettre à la disposition du patient et des équipes soignantes, toutes les ressources humaines et ressources matérielles nécessaires à la prise en charge. L’évolution des besoins des usagers en Polynésie française renforce les missions de manager de santé, d’encadreur, d’animateur et de formateur des cadres de santé.

D’autre part, ces changements des besoins des patients, mais aussi le souci de rentabilité des établissements de soins de la Polynésie française contraignent également les cadres de santé à favoriser l’établissement de projets de soins. Ces derniers incluent les familles des patients. Dans cette optique, le cadre de santé doit aussi piloter le projet et faire le suivi de sa réalisation. D’autre part, il veille en tant qu’interface RH, à la fédération des différentes parties prenantes, tout en veillant à ce que les conditions de travail des équipes de soins puissent être bonnes afin qu’ils prodiguent des soins de bonne qualité. Les propos des cadres de santé ayant répondu à nos questions tendent tous à montrer que les conditions de travail dans les établissements de santé polynésiens actuels exigent la polyvalence des cadres de santé.

Il est donc évident que les cadres de santé doivent développer de nouvelles compétences. Premièrement, ils doivent être adaptables et ouverts d’esprit. Ils doivent détenir les compétences pédagogiques leur permettant de transmettre aux étudiants les savoirs faire, les savoirs être, les bonnes postures, les compétences et les connaissances requises pour produire des soins de qualité. D’autre part, le cadre de santé doit être organisé et capable de prendre du recul par rapport à ses activités et ses décisions. Il y a entre autres, l’aptitude à déléguer certaines activités pour responsabiliser les collaborateurs. Devant ces différents besoins en termes de compétences, la formation continue est donc indispensable pour aider les cadres de santé.

Nos investigations ont montré que les cadres de santé polynésiens bénéficient d’une formation continue sur différents thèmes et dispensés par différents organismes. Cependant, celle-ci ne peut apporter des résultats à moins qu’il n’y ait une reconsidération de la structure et des activités au sein des services. Au fait, les cadres de santé peuvent suivre une formation pendant une durée plus ou moins longue, mais après cela, il faut qu’ils aient l’opportunité de mettre en pratique ce qu’ils ont acquis lors de leur formation. La prise en considération du lieu de travail s’avère alors primordial. D’autre part, il s’agit aussi de motiver les cadres de santé à suivre une formation continue. Sur ce point, les cadres formateurs sont plus motivés que les cadres de santé. Il est indispensable que les thèmes étudiés rejoignent l’intérêt des cadres de santé et répondre à un besoin réel chez eux. Puis, il est nécessaire de revoir l’organisation des activités des cadres de santé pour leur donner un peu plus de temps pour suivre la formation continue. De son côté, les organisateurs de ces formations doivent également prendre en considération le temps propice pour réaliser la formation pour rejoindre les cadres de santé.

Un autre point émerge de notre étude : les cadres de santé privilégient l’autoformation pour compenser le manque perçu au niveau de la formation continue. Dans cette optique, la recherche via Internet et à travers les livres constituent une démarche d’amélioration des compétences chez l’individu. Les cadres de santé ont évoqué le besoin de suivre certaines formations concernant l’organisation, le management, la communication et la bureautique. C’est à partir de ces propos que nous pourrions tirer des préconisations concernant les démarches à entreprendre pour améliorer la formation professionnelle continue des cadres de santé et dans le développement de leurs compétences.

  • Optimiser l’e-learning

Nous avons déterminé que les cadres de santé peuvent parfois ne pas être disponibles pour suivre les formations continues. La réorganisation de l’activité des cadres de santé est une démarche intéressante et durable, mais provoque des basculements dans l’organisation toute entière. Dans cette optique, à moyen terme, il est possible d’envisager l’e-Learning. Cette démarche est flexible et ne demande pas de déplacements physiques. Par contre, il demande de l’implication de la part de l’individu. Il est donc nécessaire d’attirer et de motiver les cadres de santé à suivre cette formation à distance. Par ailleurs, cela permet de pallier à l’éparpillement des cadres de santé dans les différentes îles.

La motivation des cadres de santé pourrait être élevée si le contenu de la formation en e-learning rejoint leurs attentes et concernant les principaux besoins qu’ils ont évoqué notamment : l’organisation, la gestion, la communication et la bureautique. L’interface permettant d’accéder à la formation devrait être simple à manipuler et ne pas être lourd de peur d’induire chez l’apprenant une mauvaise expérience de formation. Le contenu doit aussi être facile et agréable à lire. Les interactivités sont à favoriser pour donner un aspect ludique à la formation.

  • Favoriser les échanges et les retours d’expériences entre cadres de santé par la création d’une plateforme de discussion virtuelle

Tous les répondants ont mentionné le besoin de faire des échanges avec les anciens, les cadres de santé expérimentés. Les retours d’expérience s’avèrent importants du point de vue des jeunes générations pour mieux accomplir leurs missions de cadre de santé. Or, il n’est pas toujours facile de trouver du temps et de l’espace pour rencontrer les autres cadres de santé qui peuvent constituer une personne ressource. Il pourrait donc être intéressant de créer une sorte de réseau interne au sein duquel, tous les cadres de santé peuvent se retrouver. Nous avons vu que l’insularité contraint parfois, les membres d’une équipe soignante à faire un management à distance, alors il pourrait aussi être envisageable de faire un partage de connaissance à distance aussi via les outils de la technologie de l’information et de la communication.

En d’autres termes, il serait intéressant de créer un espace de discussion virtuelle pour rallier les cadres de santé dans les différents établissements répartis sur les îles de la Polynésie Française. Le partage d’informations et les réactions se font en temps réels. Les professionnels de santé en effet, sont sous la pression du temps car ils prennent en charge la maladie, la souffrance des patients et de leurs aidants naturels. Or, parfois, il existe des situations complexes où le cadre de santé se trouve dans le désarroi. Devant ce fait, les échanges entre pairs pourraient aider à la prise de décision rapide et efficace. La mise en place de cet espace de discussion, nécessite le recrutement d’un modérateur qui va se charger d’animer la discussion et de jouer le rôle de médiateur au cas où les tensions montent lors de la discussion. D’autre part, cet agent va se charger aussi de la mise à jour des informations qui peuvent être diffusées pour informer les visiteurs.

  • Améliorer la communication concernant le planning des formations continues et diversifier les thématiques

Nous avons décelé à travers les propos des répondants que certains d’entre eux ne sont pas informés des offres de formation continue. Cela montre le manque de communication entre les prestataires qui proposent la formation, et les clients potentiels représentés ici par les cadres de santé. Il nous semble plus efficace alors de déterminer dès le début de l’année les différentes offres et la date à laquelle, ces formations vont se dérouler. Cela permet aux cadres de santé d’organiser leur emploi du temps pour pouvoir se libérer au moment de la formation continue sur le sujet qui les intéresse. Cela permet aussi aux directeurs de soins d’anticiper les actions à mener pendant l’absence des cadres de santé.

D’autre part, nous avons relevé que les thématiques évoqués par les cadres de santé sont peu nombreux. Et pourtant, dans une société sans cesse changeante, les compétences vont aussi évoluer. Il est probable que les compétences initiales pour lesquelles, l’individu a été embauché au départ, ne coïncident plus avec les compétences à l’heure actuelle. Devant ce fait, il semble nécessaire de proposer des formations sur différentes thématiques. Le choix de ces derniers doit tenir en compte de la tendance observé en ce qui concerne les besoins des usagers actuellement mais surtout, dans le futur. Les différentes préconisation peuvent être synthétisées comme suit :

Tableau 18 : Préconisations pour améliorer la formation continue des cadres de santé

Problèmes Actions Avantages Limites
Pas de temps pour se former Conception d’une plateforme d’e-learning – flexibilité des heures

– n’accapare pas trop le cadre de santé

– moindre coût

– demande beaucoup d’efforts et d’implication de la part de l’individu

– peut démotiver les individus en quête de contact physique et d’interactions dans un espace physique (formateurs, hôpitaux, etc.)

Pas de rencontres et d’échanges entre cadres de santé Création d’un espace de discussion virtuel – permet de réunir tous les cadres de santé dans les différentes îles

– partage d’expérience entre les cadres de santé

– renforce les relations entre les cadres de santé

– discussion et résolution des problèmes rencontrés par les cadres de santé

– moindre investissement

– le virtuel peut ne pas motiver les cadres de santé

– les outils informatiques et les technologies peuvent être difficiles à s’approprier

– réticence des cadres de santé expérimentés à utiliser la nouvelle technologie

Pas de visibilité concernant les offres de formation continue Etablissement d’un planning des offres de formations continues dans les établissement au début de l’année Capacité de gérer l’emploi du temps
Les thèmes abordés lors de la formation n’intéresse pas toujours les cadres de santé Proposer différentes thématiques – ouverture d’esprit vers de nouveaux horizons d’étude qui contribuent à la construction de compétences

– large choix de formation

– éparpillement des cadres de santé

 

Conclusion

Dans la société actuelle, les cadres de santé sont amenés à faire preuve de polyvalence. Ils sont à la fois des encadreurs, des promoteurs de projets, des formateurs, des soignants, des animateurs, des communicateurs, des vecteurs de changements, des innovateurs, des accompagnateurs. Le cadre de santé revêt désormais plusieurs postures et endosse différentes charges de travail en lien avec la recherche de la qualité des soins, la gestion des équipes et la formation des professionnels de soins. Si auparavant, il a été accepté comme étant un soignant, ces dernières années, le métier de cadre de santé a basculé vers le management. Et cela cause des bouleversements sur les compétences qu’il doit détenir.

Cette analyse nous a montré que les cadres de santé ont besoin de suivre des formations continues pour acquérir les compétences nouvellement requises par les usagers. Or, celles-ci ne sont pas toujours accessibles pour tous les cadres de santé à cause de l’organisation de travail et les charges qui incombent à ces professionnels. L’amélioration de formation continue des cadres de santé passe alors par une révision de l’organisation du système de santé lui-même. Mais elle demande entre autres, l’adoption de nouvelles technologies pour faciliter les échanges entre cadres de santé et pour leur permettre de suivre la formation selon leur disponibilité. Il semble que dans leur posture de départ en tant qu’infirmier et soignant, les cadres de santé n’ont pas acquis beaucoup d’expérience du côté managérial d’où l’importance d’orienter leur formation vers cet axe.

Cette étude a contribué à la compréhension de l’évolution des missions du cadre de santé et ses besoins en matière de formation continue. Elle a permis d’appréhender toute la complexité de la démarche de formation des apprenants qui, d’un côté, sont déjà des professionnels de santé et les enjeux de la mise en place d’offres de formation continue dans les établissement de santé en Polynésie française. Notre étude montre cependant, certaines limites. Elle a évoqué le fait que le système de santé polynésien ne favorisait pas la formation continue des cadres de santé. Mais nous n’avons pas pu faire cette analyse dans le cadre de cette étude. Cela constitue donc une autre piste de recherche ultérieure.

Références bibliographiques

  • Bouveret, A., Lima, L., Michon, D. et Grangeat, M. (2012). « Au cœur de la réforme des études en soins infirmiers : enquête auprès des enseignants formateurs en IFSI », Recherches en soins infirmier, 1 (108) : 95 – 105.
  • Cabaret, V. (2009). « Accompagner les futurs cadres de santé », TransFormations, n°2 : 37 – 51.
  • Detchessahar, M. et Grevin, A. (2009). « Un organisme de santé… malade de « gestionnite » », Annales des mines – gérer et comprendre, 4 (98) : 27 – 37.
  • Divay, S. et Gadéa, C. (2008). « Les cadres de santé face à la logique managériale », Revue française d’administration publique, 4 (128) : 677 – 687.
  • Dominicé, P. et Jacquemet, S. (2009). « Formation et santé », Savoirs, 1 (19) : 7 – 36.
  • Dugas, E. (2009). « L’influence d’un stage de formation continue en EPS : un autre regard sur les jeux traditionnels », Savoirs, 2 (20) : 134 – 157.
  • Fray, A-M. (2009) « Nouvelles pratiques de gouvernance dans le milieu hospitalier : conséquences managériales sur les acteurs », Management & avenir, 8 (28) : 142 – 159.
  • Gavard-Perret, M-L., Gotteland, D., Haon, C. et Jolibert, A. (2012). Méthodologie de la recherche en sciences de gestion : Réussir son mémoire ou sa thèse. 2ème éd. Montreuil : Pearson France.
  • Guillaumin, C. (2011) « Emergences ingénieuses en formation. La formation initiale et continue des soignants et des cadres hospitaliers », TransFormations, n°5 : 121 – 132.
  • Johnson, J. (2013) Introduction to public health management, organizations, and policy. Delmar: Cengage Learning.
  • Lépine, V. et Parent, B. (2013) « De la visibilité à l’individuation des cadres hospitaliers », Communication et organisation, n°44 : 41 – 52.
  • Nkoum, B. (2010). De l’évaluation scolaire à l’évaluation des pratiques professionnelles en santé. Paris : L’Harmattan.
  • Semache, S. (2009). « Le rôle de la culture organisationnelle dans la gestion de la diversité », Management & avenir, 8 (28) : 345 – 365.

[1] https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-00655464/document Albero, B. et Nagels, M. (2011). La compétence en formation : entre instrumentalisation de la notion et instrumentalisation de l’activité.

[2] https://www.dunod.com/sites/default/files/atoms/files/9782100589289/Feuilletage.pdf Dejoux, C. (2013), Gestion des compétences et GPEC. 2ème éd. Paris : Dunod.

[3] https://www.agrh.fr/assets/actes/2011baret-codello-guijarro-koffi-oiry.pdf Baret, C., Oiry, E., Codello-Guijarro, P. et Koffi, P. « Surmonter les difficultés de la mise en œuvre de la Gestion Prévisionnelle des Métiers et des Compétences (GPMC)  à l’hôpital public : les apports d’une approche en termes « d’effectivité » ».

[4] http://www.hcsp.fr/Explore.cgi/Telecharger?NomFichier=ad352943.pdf Fourcade, A. La qualité des soins à l’hôpital.

[5] https://www.cairn.info/revue-gerontologie-et-societe1-2004-4-page-199.htm Baur, M. et Noiré, D. (2004) « Les nouveaux enjeux de la formation à l’hôpital », Gérontologie et société, 27 (111) : 199 – 206.

[6] https://communicationorganisation.revues.org/941: Lépine, V. 2009. « La reconnaissance au travail par la construction d’une relation agissante », Communication et organisation, n°36.

[7] http://leg.u-bourgogne.fr/wp/1120601.pdf Coulon, R. (2012) Le cadre de santé comme interface RH, Cahier du FARGO, °1120601.

[8] http://sofia.medicalistes.org/spip/IMG/pdf/role_du_cadre_de_sante.pdf Quelle est la responsabilité du cadre de santé dans un service de soins ?

[9]www.onispe.fr/Mes-infos-regionales/Centre/Se-former-dans-ma-region/Focus-sur-une-filiere/Les-metiers-de-la-sante-et-du-social  Cadre de santé.

[10] http://www.cairn.info/revue-de-gestion-des-ressources-humaines-2013-1-page-42.html Dumas, M. et Ruiller, C. (2013) « « Etre cadre de santé de proximité à l’hôpital », quels rôles à tenir ? », Revue de gestion des ressources humaines, 1 (87) : 42 – 58.

[11] http://www.ancim.fr/formation-cadre-sante.html Association Nationale des Cadres Infirmiers et Médico-Techniques. Devenir cadre de santé.

[12] http://www.ch-sainte-anne.fr/Etablissement/Instituts-et-Sainte-Anne-Form-tion/IFCS-Institut-de-Formation-des-Cadres-de-Sante-Ile-de-France/Formation-des-cadres-de-sante/Le-deroulement-de-la-formation

Centre hospitaliser Sainte-Anne. Le déroulement de la formation

[13] http://cours-ifcs-brunopoupin.wifeo.com/module-1-initiation-a-la-fonction-de-cadre-de-sante.php#1123 Module 1 : Initiation à la fonction cadre.

[14] http://cours-ifcs-brunopoupin.wifeo.com/module-2-sante-publique.php    Module 2 : Santé publique

[15] https://ecoles-instituts.chu-toulouse.fr/images/ecoles/IFCS/Projet%20p%C3%A9dagogique%20Institut%20de%20Formation%20des%20Cadres%20de%20Sant%C3%A9%20IFCS%20Toulouse.pdf Institut de Formation des Cadres de Santé Midi-Pyrénées. Projet pédagogique.

[16] https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00798922/document D’Ortun, F. et Pharand, J. (2012). « L’autoformation d’enseignants comme dispositif de formation continue : Etat des lieux et recommandations », Biennale internationale de l’éducation de la formation et des pratiques professionnelles.

[17] http://www.ladocumentationfrancaise.fr/var/storage/rapports-publics/114000037.pdf, Yahiel, M. et Mounier, C. (2010). Quelles formations pour les cadres hospitaliers ?

[18] http://www.ancim.fr/mti-dwfic.aspx?PF=listedocs/&NF=Ref-activites-et-competences.pdf  Ministère des Affaires sociales et de la Santé. Direction Générale de l’Offre de Soins. (2012). Diplôme de cadre de santé. Référentiels d’activités et de compétences.

[19] http://formation.aphp.fr/ecoles/fichiers_ecoles/30/20151102111115/referentiel_DE_COMPETENCES_cadre_responsable_d_unite.pdf Institut de Formation des Cadres de Santé. Direction des ressources humaines de l’AP-HP. Référentiel de compétences du cadre responsable d’unité de soins (2010).

[20] https://www.ilo.org/dyn/natlex/docs/ELECTRONIC/101353/122067/F-2066324806/FRA-101353.pdf La politique de santé de la Polynésie Française : Orientations stratégiques 2016 – 2025.

[21] http://bibvir2.uqac.ca/archivage/000674979.pdf Ulysse, P-J. Le vieillissement des populations : les trente dernières années en perspective.

[22] https://www.ilo.org/dyn/natlex/docs/ELECTRONIC/101353/122067/F-2066324806/FRA-101353.pdf La politique de santé de la Polynésie Française : Orientations stratégiques 2016 – 2025.

[23] http://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S1636652216301386 Vanson-Grandjacquot, C., Lutringer-Magnin, D., Giroud, M., Velten, E., Bessout, L., Parrat, E. et Burucoa, B. (2017) « Prévalence des situations palliatives au centre hospitalier territorial de Polynésie Française : étude au moyen de l’outil Pallia 10 », Médecine palliative : soins de support – accompagnement – éthique, 16 (2) : 62 – 69.

[24] https://anthropologiesante.revues.org/1595#tocto2n3 Marche, H. (2015) « Au-delà de l’autonomie du patient : l’ « esprit de soin » dans les trajectoires de cancer avancé », Anthropologie & santé, n°10.

[25] http://www.cairn.info/revue-journal-de-gestion-et-d-economie-medicales-2013-2-page-142.html Rivière, A., Commeiras, N. et Loubes, A. (2013). « Tensions de rôle et stratégies d’ajustement : une étude auprès des cadres de santé à l’hôpital », Journal de gestion et d’économie médicales, 31 (2) : 142 – 162.

[26] http://www.cairn.info/revue-de-gestion-des-ressources-humaines-2013-1-p-42.htm Dumas, M. et Ruillier, C. (2013) « « Etre cadre de santé de proximité à l’hôpital » quels rôles à tenir ? », Revue de gestion des ressources humaines, 1 (87) : 42 – 58.

[27] http://www.ancim.fr/mti-dwfic.aspx?PF=listedocs/&NF=Ref-activites-et-competences.pdf  Ministère des Affaires sociales et de la Santé. Direction Générale de l’Offre de Soins. (2012). Diplôme de care de santé. Référentiels d’activités et de compétences

[28] http://leg.u-bourgogne.fr/wp/1120601.pdf Coulon, R. (2012) « Le cadre de santé comme interface RH », Cahier du FARGO, n°1120601

[29] http://homepages.ulb.ac.be/~jmdecrol/Upload_enseignement/GeogF419_EntretiensPP.pdf Decroly, J-M. Introduction à l’entretien semi-directif: recherché dirigées en géographie humaine.

Nombre de pages du document intégral:57

24.90

Retour en haut