La Fraude : Un Lien Indissociable avec l’Économie
Monsieur Fredj Ariche
Licence profesionnelle
MEMOIRE PROFESSIONNEL
Année 2012/2013
Je tiens à exprimer ma profonde reconnaissance à tout le corps enseignant et administratif de l’Université Panthéon ASSAS PARIS 2 MELUN, pour la qualité des enseignements et la circulation de l’information.
Ma pensée va aussi droit vers tous les étudiants de la promotion.
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PARTIE I – LE CADRE LEGAL REGISSANT LA PROFESSION D’ENQUETEUR PRIVE. 6
CHAPITRE I – LE STATUT DES ENQUETEURS DE DROIT PRIVE.. 7
Section I – Contrôles des agences de recherches privées lors de leur installation.. 7
Section II – Contrôles des agences de recherches privées au cours de leur activité. 12
CHAPITRE II – LES POUVOIRS DES ENQUETEURS DE DROIT PRIVE.. 14
Section II – Rapports d’enquêtes privées. 14
CHAPITRE I – FRAUDE : DEFINITIONS ET TYPOLOGIE.. 18
Section I – Typologie des fraudes. 18
Section II – Histoire de la recherche en matière de fraude. 21
CHAPITRE II – DETERMINANTS DE LA FRAUDE.. 24
Section I – Le conseil d’administration et la fraude. 24
Section II – Les dirigeants face à la fraude. 25
Section III – Le rôle des actionnaires dans la fraude. 25
Par essence, la fraude est en liaison avec l’économie. Il n’y a aucun système économique, aucune période de notre histoire, qui n’est pas associé à des cas de fraudes spectaculaires. Déjà, dans la mythologie romaine, le dieu du commerce, Mercure, était également le dieu des voleurs[1].
Durant les quinze dernières années, les cas de fraude ont eu la particularité, non seulement d’être plus fréquents, mais surtout d’atteindre des montants de plus en plus considérables. Selon le récent sondage Global Economic Crime Survey[2] fait par PricewaterhouseCoopers, 34 % des entreprises au niveau mondial ont déclaré avoir été victime d’un délit économique au cours de l’année précédente. Ce résultat confirme que la fraude est devenue un évènement récurrent et non exceptionnel. En termes de valeur, l’Association of Certified Fraud Examiners (ACFE) fournit une estimation de la fraude égale à 3,5 milliards de dollars pour l’année 2011, c’est-à-dire en moyenne 5 % du chiffre d’affaires mondial. C’est indubitablement l’une des raisons pourquoi l’ancien président de la Réserve fédérale américaine, Alan Greenspan, a souligné que la fraude détruit « le capitalisme et la liberté de marché, et plus largement, les fondements de notre société[3] ».
Dans un sens général, la fraude, « est l’action faite de mauvaise foi dans le but de tromper[4] ». Le dénominateur commun du droit pénal des affaires est bien la fraude : le fraudeur cherche à tromper l’administration fiscale, la douane, les actionnaires ou les consommateurs. De manière plus large, ce terme de « fraude », dans l’esprit du public, se confond pratiquement avec celui d’« infraction » en faisant abstraction des crimes et délits contre les personnes.
Les fraudeurs se rencontrent dans tous les secteurs : l’homme politique truquant des élections, le sportif qui se dope et le candidat à un concours s’étant procuré les sujets en sont des exemples parmi d’autres. En droit pénal de la consommation, l’emploi fréquent de ce terme provient essentiellement de l’intitulé de la loi du 1er août 1905 qui constitue la base de la matière. Cette loi est relative « à la répression des fraudes dans la vente des marchandises et des falsifications des denrées alimentaires et des produits agricoles ».
A cette époque, la volonté du législateur était de sanctionner les indications fausses ou équivoques permettant de tromper le consommateur sur l’exacte nature ou les caractéristiques des marchandises. A cette fin, la loi du 1er août 1905 avait créé le délit de tromperie, ce délit ayant comme fonction de sanctionner pénalement l’information déloyale donnée à un cocontractant. En outre, il convenait également de garantir la santé publique en imposant des normes sanitaires cohérentes : le délit de falsification, également prévu par la loi du 1er août 1905, concernait la fabrication de marchandises destinées à être vendues. En conséquence, le terme de « fraude » peut être perçu de manière générique, englobant les différentes infractions relatives au droit pénal des affaires. Il peut aussi, dans un sens plus restreint, être employé comme synonyme des délits de tromperie et de falsification.
Compte tenu de la période économique difficile qu’on traverse, les raisons qui peuvent pousser une personne à recourir à la fraude augmentent alors que d’une manière générale, la prévention et la détection de tel agissement ne reçoivent plus toute l’attention voulue. C’est d’ailleurs dans cette perspective que la directrice principe du groupe Enquêtes et juricomptabilité de PricewaterhouseCoopers, Sarah MacGregor a pu souligner que : « In a global economic downturn, need comes to the forefront and becomes intermingled with greed and opportunity, creating the perfect storm for fraudulent activity[5] ».
Par ailleurs, nonobstant le fait que la situation devrait aller pour le mieux, aucune société n’est à l’abri de la fraude. Aussi, est-il essentiel que les sociétés aient de la vigilance à l’égard des infractions économiques. Le fait est que les entreprises ne faisant pas de la lutte contre la fraude comme une priorité et ne procédant pas à l’élaboration de programme antifraude, surtout durant les périodes de récession économique s’exposent à un risque financier accru et leur image pourrait en être ternie.
Selon l’enquête menée par PricewaterhouseCoopers citée ci-avant, la fraude a touché en 2011 près d’une entreprise sur deux dans l’Hexagone (46 %), soit 17 points de plus qu’en 2009. Et selon toujours cette étude, en 2011, une société sur cinq dans le monde victime de fraude a déclaré avoir perdu plus de cinq millions de dollars. Ce qui ne fait que confirmer ce que MacGregor a signalé selon lequel « For many private companies, fraud equals big money lost […][6] ». Vu le coût de tel agissement pour l’entreprise victime, il est plus que jamais indispensable de lutter plus efficacement contre ce mal. Et pour ce faire, le recours aux services des enquêteurs de droit privé[7], une profession actuellement en plein essor, n’est pas inopportun et ce en raison principalement de la qualité des services qu’ils offrent. Selon l’article 20 du titre II de la loi n° 83-639 du 12 juillet 1983 modifiée par la loi n° 2003-239 du 18 mars 2003, l’agent Privé de Recherches exerce une profession libérale qui consiste, pour une personne, à recueillir, « même sans faire état de sa qualité ni révéler l’objet de sa mission, des informations ou renseignements destinés à des tiers, en vue de la défense de leurs intérêts ».
Ce qui nous amène dès lors à poser la question suivante : comment un enquêteur de droit privé peut-il efficacement aider les entreprises à lutter contre les fraudes ? Le développement qui va suivre se focalisera d’ailleurs sur ce sujet.
Peu importe la mission dont il est investi, il va sans dire que l’enquêteur de droit privé se doit de maîtriser le domaine de son intervention. Par ailleurs, il importe également qu’il connaisse bien les règles juridiques concernant sa profession. Aussi, pour une meilleure appréhension du sujet, on exposera, dans une première partie, le cadre légal de la profession d’enquêteur privé. Et dans une seconde partie, il sera question de ce qu’on entend par fraude.
PARTIE I – LE CADRE LEGAL REGISSANT LA PROFESSION D’ENQUETEUR PRIVE
Les récentes réformes de 2003 et 2006 renforcent considérablement les contrôles des agences de recherches et les professionnels font de louables efforts pour organiser leur profession par affiliation syndicale et rédaction de codes de déontologie ; des formations dignes de ce nom sont imposées. Tout ceci laisse espérer un assainissement et une renaissance de la profession[8]. Les réformes ont établi un véritable statut des agents de recherches privées (Chapitre I) ; les pouvoirs demeurent soumis au droit commun (Chapitre II).
CHAPITRE I – LE STATUT DES ENQUETEURS DE DROIT PRIVE
Comme l’observait le Conseil d’État, saisi d’un projet de décret relatif aux agences de recherches privées : « S’il n’est pas douteux que les agents privés de recherches exercent une profession libérale, la réglementation de leur activité, qui résulte de la loi du 28 septembre 1942 modifiée et du décret du 8 décembre 1981, se borne à édicter quelques interdictions concernant l’accès et l’exercice de cette profession sans en établir les conditions, et à soumettre à déclaration préalable l’ouverture d’une agence. Ces prescriptions ne suffisent pas à définir un statut. Par ailleurs, elles n’organisent aucune protection du titre d’agent privé de recherches. Dans ces conditions, la profession n’entre pas dans le champ d’application des Titres Ier et II de la loi du 31 décembre 1990, tel qu’il est défini par ses articles 1er et 22 »[9].
Les réformes récentes y ont remédié, imposant peu à peu des contrôles de la profession, lors de l’installation (A) et en cours d’activité (B),
Section I – Contrôles des agences de recherches privées lors de leur installation
Prévoir des interdictions professionnelles a été l’une des premières préoccupations du législateur car dès les premières lois concernant les détectives certaines interdictions d’exercer apparaissent déjà.
Il existe un grand nombre d’interdictions professionnelles, toutes pénalement répréhensibles. En plus des incompatibilités professionnelles, le législateur n’autorise pas les auteurs de certains agissements à exercer la profession d’enquêteur de droit privé.
Des sanctions pénales sont encourues :
- par les dirigeants de droit des agences de recherches privées, mais aussi par les dirigeants de fait, qui ne respectent pas ces interdictions (art. 31, I, 4° de la loi n° 83-629 du 12 juillet 1983 règlementant les activités privées de surveillance, de gardiennage et de transport de fonds);
- par les employés qui ne respectent pas ces interdictions (art. 31, III, 3° de la loi du 12 juillet 1983);
- par les employeurs qui emploient de tels salariés (art. 31, II, 2° de la loi du 12 juillet 1983);
- par les personnes morales agences de recherches privées (art. 33 de la loi du 12 juillet 1983).
Au titre des peines complémentaires, les personnes physiques encourent (art. 32 de la loi du 12 juillet 1983) :
- la fermeture des agences dirigées par la personne, pour cinq ans au plus, ou définitivement ;
- l’interdiction d’exercer l’activité de détective pour les mêmes durées ;
- l’interdiction de détenir ou de porter une arme soumise à autorisation, pour cinq ans au plus.
Quant aux personnes morales, pénalement responsables, elles encourent diverses peines (art. 33 de la loi du 12 juillet 1983) :
- le quintuple des peines d’amende encourues par les personnes physiques ;
- la dissolution dans certains cas que nous préciserons ;
- l’interdiction d’exercer pour les mêmes durées ;
- la fermeture définitive ou pour cinq ans au plus des établissements ayant servi à commettre les faits incriminés ;
- l’interdiction pour cinq ans au plus d’émettre des chèques ou d’utiliser des cartes de paiement ;
- la confiscation de la chose, le cas échéant, ayant servi à commettre l’infraction ;
- l’affichage et la diffusion dans les médias de la décision.
De même qu’ils ne peuvent exercer une quelconque activité rémunérée (sauf rares exceptions, telles que les œuvres littéraires et artistiques[10]), ils ne peuvent exercer les fonctions d’agents de recherches privées. Le but est se parer de toute confusion entre les enquêteurs privés et les services de l’État.
Cependant, en application de l’alinéa 3 de l’article 21 de la loi du 12 juillet 1983, les anciens policiers et gendarment sont autorisés à exercer la profession d’enquêteur privé, mais sous certaines conditions. En effet, durant les cinq années suivant la cessation de leurs fonctions, ces anciens fonctionnaires doit avoir une autorisation écrite du ministère de l’Intérieur ou de la Défense. Cette autorisation a pour but d’éviter une pratique dénoncée par les organisations professionnelles, consistant pour les policiers ou gendarmes à la retraite à continuer d’exercer leurs talents, obtenant ainsi un complément de revenus.
Selon l’article 31, II, 1° de ladite loi, les gendarmes et policiers ayant cessé leurs fonctions qui exerceraient cette profession de détective privé sans l’autorisation de leur ministère encourent une peine d’un an d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende.
Les personnes exerçant les activités de surveillance ou gardiennage de biens ou de personnes, de transport de fonds, bijoux ou métaux précieux sont également interdits d’exercer la profession d’agent de recherches privés (art. 21,al. 2 de la loi du 12 juillet 1983). Ici encore, le législateur a tenté d’éviter certaines dérives, consistant pour les agents de sécurité à proposer leurs services d’enquêtes au profit de leurs clients (notamment des enquêtes avant embauche), voire au profit des concurrents de leurs clients[11].
Le fait de ne pas respecter cette incompatibilité est pénalisé de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 € à titre d’amende.
Aux termes de l’article 22, 2° de la loi du 12 juillet 1983, les personnes ayant été condamnées à une peine correctionnelle ou à une peine criminelle ne peuvent pas exercer l’activité d’enquêteur privé.
La même interdiction s’impose aussi aux salariés des agences de recherches privés.
La transgression de cette interdiction professionnelle est sanctionné par trois ans d’emprisonnement et 45 000 € d’amende si elle est le fait du dirigeant de l’agence de recherches privées (art. 31, I, 4° de la loi précitée) ainsi que des sanctions complémentaires (fermeture, interdiction d’exercer et de porter une arme).
L’agrément nécessaire à l’ouverture d’une agence de recherches privées ne peut être délivré à une personne ayant fait l’objet d’une décision prononcée sur le fondement du « Chapitre V du Titre II du Livre VI du Code de commerce ». Ainsi, ne peuvent pas exercer la profession d’enquêteur de droit privé, les personnes condamnées pour faillite personnelle, ou à une simple interdiction de diriger, gérer, administrer une entreprise, à la suite d’une procédure de redressement ou de liquidation judiciaires, dès lors qu’il est constatés certains comportements démontrant que la personne a contribué à la faillite ou a exercé son activité malgré une interdiction.
Le non-respect de cette interdiction professionnelle est sanctionné par les mêmes peines que celles encourues en cas de condamnation pénale du candidat à cette profession ainsi que par des sanctions complémentaires
En application de l’article 25 de la loi du 12 juillet 1983 dans sa rédaction issue de la loi n° 2006-64 du 23 janvier 2006, lorsqu’une enquête administrative préalable révèle que la personne s’est livrée à des comportements ou agissements contraires à l’honneur, la probité, les bonnes mœurs, ou qui sont de nature à porter atteinte à la sécurité des personnes ou des biens, à la sécurité publique ou à la sûreté de l’État, l’agrément d’ouverture d’agence de recherches privés ne peut être délivré.
Le non-respect de cette interdiction professionnelle est sanctionné par les mêmes peines que celles exposées en cas de condamnation pénale du candidat à cette profession.
Les personnes physiques ou morales qui se destinent à cette activité doivent être immatriculées, comme activité libérale, éventuellement sous la forme de société commerciale (inscription à l’URSSAF ou au Centre de formalités des entreprises selon le cas), sauf le cas où elles sont déjà établies dans un État membre de la Communauté européenne ou d’un des États parties à l’accord sur l’Espace économique européen.
Selon l’article 31, I, 1° de la loi du 12 juillet 1983, l’exercice de cette activité sans être immatriculé est puni de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 € à titre d’amende.
Sous l’empire de l’ancienne réglementation, une simple déclaration de l’activité d’agence de recherches privées auprès de la préfecture suffisait.
Cette formalité, Le dispositif de contrôle administratif des agences a été considérablement renforcé en 2003 par la loi sur la sécurité intérieure. La loi impose désormais que toute personne qui exerce l’activité de détective ou qui dirige ou gère une agence de recherches privées soit titulaire d’un agrément. Par ailleurs, chaque agence doit obtenir une autorisation, les agences secondaires devant avoir une autorisation distincte de l’agence principale. Il faut bien distinguer l’agrément de la personne et l’autorisation délivrée à l’entreprise.
Il est à préciser que l’agrément et l’autorisation ne confèrent aucun caractère « officiel » ou « public » à l’entreprise ou aux personnes qui en bénéficient, l’activité demeure « privée ».
Cet agrément est délivré par l’autorité préfectorale dont dépend la personne.
La loi impose un certain nombre de conditions pour la délivrance de cet agrément :
- être de nationalité française ou ressortissant d’un État membre de la Communauté européenne ou d’un des États parties à l’accord sur l’Espace économique européen ;
- respecter toutes les dispositions en matière d’interdictions professionnelles ;
- détenir une qualification professionnelle ; celle-ci a été précisée dans un récent décret.
L’agrément est délivré à la suite d’une enquête administrative qui peut donner lieu à la consultation des fichiers de données à caractère personnel gérés par la police ou la gendarmerie[12].
Elle doit être demandée à la préfecture, ou bien auprès du préfet de police si l’agence (ou l’agent) est établi à Paris ou bien est ressortissant d’un État membre de la Communauté européenne ou d’un des États parties à l’accord sur l’Espace économique européen. Cette demande doit être formulée pour chaque établissement, principal et secondaire, s’il y a lieu, le dossier de la demande devant comporter (art. 25 de la loi du 12 juillet 1983) :
- le numéro d’immatriculation ;
- l’adresse de la personne physique si elle travaille en indépendant ;
- la dénomination et l’adresse du siège social de l’entreprise ;
- la liste des fondateurs, des dirigeants, du personnel ;
- la répartition du capital social et des participations financières.
Une modification de ces éléments en cours d’activité doit être signalée dans un délai de un mois au préfet (ou au préfet de police le cas échéant). L’absence de signalement est puni de six mois d’emprisonnement et 7 500 € d’amende (art. 31, III, 1° de la loi précitée).
La dénomination choisie doit mettre en évidence le caractère privé de l’activité, l’absence de caractère officiel (art. 21 de la loi du 12 juillet 1987). Tout document émanant de l’agence (publicité, contrat, information, correspondance) doit comporter le numéro d’autorisation ainsi que la mention du caractère privé de l’activité. Plus particulièrement, la dénomination choisie pour l’agence ne doit porter à aucune confusion avec les services de police ou de gendarmerie.
Une amende de 3 700 € est encourue si le numéro d’autorisation et la mention du caractère privé sont omis, ou s’il est fait état de la qualité d’ancien fonctionnaire (art. 31, IV de la loi précitée).
Une formation est désormais indispensable à l’obtention de l’agrément. La vérification des aptitudes professionnelles des nouveaux agents de recherches a débuté le 10 mars 2007[13].
C’est une nouveauté réclamée de longue date par une partie des professionnels (contestée par d’autres). Les difficultés d’organisation de la formation ont permis d’obtenir des délais supplémentaires pour justifier de ces formations et qualifications. Le décret sur la certification professionnelle est entré en vigueur le 10 mars 2007 et, à compter de cette date, les agents ont trois ans pour obtenir les titres exigés et justifier de leur qualification.
L’agrément pour exercer la profession n’est délivré qu’à la condition d’avoir suivi une formation initiale ou de justifier d’une certaine expérience (Décret n° 2005-1123 du 6 septembre 2005). L’exercice de la profession sans cette qualification ou aptitude professionnelle est sanctionné d’une peine de trois ans d’emprisonnement et d’une amende de 45 000 € (art. 31, I, 4°de la loi du 12 juillet 1987).
Section II – Contrôles des agences de recherches privées au cours de leur activité
Le contrôle des agences de recherches privés ne se fait pas uniquement en début d’activité. La loi du 12 juillet 1983 a également instauré un contrôle permanent de ces dernières. En outre, soucieuses de l’image de la profession et souhaitant se parer de certaines dérives, certaines organisations professionnelles ont mis sur pied des codes de déontologie.
Les agences de recherches privées, comme les agents qui y travaillent, sont contrôlés sur deux plans : ils doivent, en permanence, réunir toutes les conditions qui leur ont permis d’obtenir l’autorisation ou l’agrément, et leurs activités à proprement parler peuvent également être contrôlées. Les personnes morales, plus particulièrement, doivent tenir informée la préfecture des modifications de répartition du capital, du financement, des changements de dirigeants, d’adresse, de dénomination, etc.
L’agence peut faire l’objet de fermeture provisoire ou définitive, par le préfet ou en cas de condamnation pour l’une des infractions mentionnées précédemment.
Les activités des agences de recherches privées font, par ailleurs, l’objet d’une surveillance, confiée aux commissaires de police, aux officiers de police et aux officiers et sous-officiers de la gendarmerie nationale.
Le fait de mettre obstacle à ces contrôles) est puni d’une peine de six mois d’emprisonnement et 7 500 € d’amende.
Cette commission[14] est une autorité administrative indépendante qui contrôle le respect de l’éthique par les professions liées à la sécurité. Les agents de recherches privées ont un lien avec ces professions de sécurité puisque leur statut est fixé par la même loi.
Comme la plupart des codes professionnelles, les codes de déontologie de la profession rappellent les obligations légales des agents de recherches privées, en l’occurrence, les obligations statutaires et les limites à l’activité imposées par diverses dispositions de droit commun, ainsi que des recommandations d’information du client, avant, pendant et après la mission. Ces codes, en principe, préconisent un auto-contrôle par une commission réunissant quelques adhérents et organisent des sanctions de nature à entamer la crédibilité de l’entreprise mise en cause, ce qui est susceptible de porter ses fruits puisque les entreprises adhérentes à ces conventions recherchent essentiellement cette crédibilité.
CHAPITRE II – LES POUVOIRS DES ENQUETEURS DE DROIT PRIVE
Section I – Absence de pouvoir particulier des agents de recherches privées dans l’exercice de leurs missions
La loi du 12 juillet 1983 ne prévoit pas aucune attribution particulière de l’agent de recherches privées, il n’a aucun pouvoir particulier pour mener ses enquêtes. Il enquête dans un simple cadre contractuel de droit privé.
On peut hésiter, pour qualifier ce contrat, entre le mandat (art. 1984 à 2010 du Code civil) et le contrat d’entreprise (art. 1710 du même Code). Les organismes professionnels, tout comme certaines réponses ministérielles retiennent souvent la qualification de mandat[15].
Cependant, il est à rappeler qu’un mandataire s’engage à accomplir des actes juridiques pour autrui alors que le contractant d’un contrat d’entreprise s’engage à accomplir quelque chose pour quelqu’un. Enquêter, recueillir des renseignements, ne peut être considéré comme l’accomplissement d’actes juridiques ; le contrat entre le détective et son client est donc bien un contrat d’entreprise ou louage d’ouvrage, qualification qui fut d’ailleurs retenue par la Cour de cassation[16].
Comme tout professionnel prestataire de services, l’enquêteur privé est tenu à un devoir d’information vis-à-vis de son client consommateur : il doit, en application de l’article L. 111-1 du Code de la consommation, « mettre le consommateur en mesure de connaître les caractéristiques essentielles… du service ». Quoiqu’il paraisse judicieux de donner cette information à tout client, cette obligation légale n’est imposée qu’à l’égard des clients consommateurs, c’est-à-dire ceux qui contractent sans rapport avec leur activité professionnelle.
Section II – Rapports d’enquêtes privées
« L’agent de recherches privées exerce son activité en vue de la défense des intérêts de tiers, dans le cadre du droit commun, et notamment des dispositions du Code pénal et du Code de procédure pénale. Par conséquent, il n’apparaît pas nécessaire de prévoir de lui conférer des moyens spécifiques d’investigation[17] ».
La Cour de cassation a reconnu en 1962 la valeur de preuve des rapports d’enquête privée : tout en soulignant que ces rapports devaient être acceptés avec prudence, l’époque étant plus circonspecte à l’égard de cette profession que la nôtre, les juges ont pu considérer ce « témoignage » comme « crédible », l’adversaire n’ayant produit aucun élément contredisant les « faits précis relatés par les personnes chargées de sa filature, dont les déclarations n’étaient empreintes d’aucune animosité[18] ».
S’il est un principe général diversement appliqué d’une chambre à l’autre de la Cour de cassation, c’est bien celui de la loyauté et de la légalité de la preuve. Ce principe, jadis fondé sur la protection de la vie privée (art. 9 du Code civil), est aujourd’hui également fondé sur l’exigence d’un procès équitable[19].
Une question préalable doit être posée : les renseignements donnés dans un rapport d’enquête et utilisés éventuellement dans un procès sont-ils constitutifs de la « révélation » interdite par l’article 9 du Code civil ? On peut le penser : la justice est publique, les archives judiciaires sont aujourd’hui largement consultables sur Internet ; la Cour de cassation mène d’ailleurs une réflexion sur l’anonymat des décisions de justice afin que le site Internet de Légifrance (entre autres) ne devienne pas une sorte de casier judiciaire perpétuel et de libre accès. La Cour de cassation a rappelé que la diffusion de photographies non autorisée d’un domicile, dans le simple cadre d’une procédure, est bien constitutive d’une atteinte à la vie privée ; peu importe que ces personnes soient tenues au secret professionnel[20].
Les chambres civiles, sociale et commerciale de la Cour de cassation se montrent beaucoup plus strictes que la chambre criminelle qui gradue les exigences de loyauté en fonction de la qualité de celui qui rapporte la preuve. Partant, les de recherches devront donc graduer leurs actions et leurs recherches en fonction de la qualification juridique des faits sur lesquels ils enquêtent. Dans la pratique, ils interviennent beaucoup plus souvent en matière civile ou commerciale (qui ne connaît pas le juge d’instruction) qu’en matière pénale, où les détectives interviennent exceptionnellement, soit pour préparer la plainte et éviter aux clients les poursuites pour dénonciation calomnieuse (notamment en matière de fraude aux assurances), soit pour tenter, après condamnation ou relaxe, d’obtenir une réforme de la décision par le degré suivant de juridiction. Les agents de recherches privées bénéficieront donc très rarement du régime plus souple de la preuve pénale.
La profession ne dispose pas de pouvoirs matériels autres que ceux dont pourrait disposer n’importe quel citoyen. C’est uniquement grâce à des connaissances techniques, à certains matériels en vente libre, des filatures, des recherches sur Internet, … que les détectives pourront remplir leur mission efficacement.
Internet permet un accès très simple à de très nombreuses bases de données, parfois sous condition d’abonnement, qui constituent un appui précieux aux enquêtes privées : bases sur les entreprises, leur situation administrative, leurs résultats, bases de données professionnelles, nombreux annuaires…
Un organisme professionnel minoritaire a récemment sollicité une extension des possibilités d’investigation des enquêteurs privés, plus particulièrement un accès aux fichiers protégés et à accès confidentiel : ceux de la police, des cartes grises, de l’état civil, du casier judiciaire, des impôts, les numéros de téléphone sur liste rouge… La demande s’est faite récemment plus pressante, l’organisation arguant du fait que des fuites avaient lieu, à la faveur d’amicales demandes ou de corruptions… réalité ou manœuvre pour obtenir gain de cause auprès du législateur ?
La presse a récemment fait écho à la mise en examen d’un commissaire adjoint dans l’Essonne qui avait transmis des renseignements à un détective privé[21] et on constate une manifestation très explicite de corruption d’un fonctionnaire de police par un détective dans une affaire de 1995[22].
Les réponses ministérielles sont constantes : il est rappelé que le Conseil constitutionnel a jugé conforme à la Constitution la consultation des fichiers de données détenus par l’État si « la consultation a pour but exclusif de vérifier que le comportement des intéressés n’est pas incompatible avec l’exercice des fonctions ou missions envisagées ; qu’elle s’effectue dans la stricte mesure exigée par la protection de la sécurité des personnes et par la défense des intérêts fondamentaux de la Nation [et]qu’elle donne lieu à information des intéressés[23] ». L’agent de recherches privées exerce en vue de la défense des intérêts exclusifs de son client, il n’apparaît donc pas conforme aux objectifs du législateur de l’autoriser à accéder aux fichiers protégés[24]. L’agent de recherches privées qui remet à l’avocat l’ayant engagé pour enquêter dans une affaire de divorce une fiche d’archives de police, communiquée par un fonctionnaire de police, se rend coupable de recel de violation du secret professionnel[25].
Force est de constater que l’entreprise est un terrain de prédilection des comportements frauduleux. C’est d’ailleurs pourquoi, il est recommandé de recourir aux services des agences de recherches privées. Tellement, le coût de tels agissements, que ce soit pour l’entreprise victime que pour l’économie en général, est considérable qu’il est impératif de lutter contre.
L’objectif de cette deuxième partie est de mieux cerner la notion de fraude afin de mieux lutter contre un tel comportement.
Fraude : Définitions et typologie (Chapitre I).
Déterminants de la fraude (Chapitre II).
CHAPITRE I – FRAUDE : DEFINITIONS ET TYPOLOGIE
Ce premier chapitre est structuré en deux parties. On définit tout d’abord la fraude. On expose ensuite l’histoire de la recherche en la matière.
Section I – Typologie des fraudes
Selon le dictionnaire Petit Robert, la fraude est «une action faite de mauvaise foi dans le but de tromper ». La fraude est un acte accompli dans l’illégalité dans le but de tromper délibérément, à soutirer de l’argent contre la volonté de quelqu’un ou à falsifier intentionnellement un document et porter atteinte aux droits ou aux intérêts d’autrui. C’est d’ailleurs dans cette perspective que s’inscrit la définition de la fraude par le cabinet PricewaterhouseCoopers selon laquelle la fraude est un « acte intentionnel réalisé par un salarié (fraude interne) ou un tiers (fraude externe) de manière à retirer un avantage généralement financier selon un procédé illicite[26] ».
En général, la fraude comprend trois éléments principaux : un élément intentionnel, une volonté de dissimulation et un mode opératoire. Par exemple, la fraude comptable se distingue d’une erreur comptable par son caractère intentionnel.
Pour les entreprises, la fraude constitue un enjeu considérable car selon une étude menée par le cabinet précité, une entreprise sur trois dans le monde a été victime d’une fraude au cours les douze derniers mois de l’année 2010.
Graphique 1. – Fraude reporté par les entreprises
Source : Global Economic Crime Survey 2011
Peu importe le secteur d’activité, la fraude est toujours présente et ce nonobstant le fait qu’il y ait des disparités importantes selon les secteurs.
Graphique 2. – Fraude reportée par secteur d’activité
Source : Global Economic Crime Survey 2011
Généralement, quand on parle de typologie de fraude, on fait référence à la classification proposée par Joseph T. Wells[27] et l’Association of Certified Fraud Examiners[28].
Cette classification distingue trois groupes de fraude en entreprise, à savoir le détournement de biens et services, la corruption et la publication d’états financiers falsifiés.
Le détournement peut être défini comme un acte de vol ou d’appropriation d’un actif au détriment de l’entreprise. Parallèlement, la corruption est une utilisation abusive d’un pouvoir à des fins privées telles que l’enrichissement personnel ou d’un tiers en contrepartie d’un cadeau, d’argent ou d’autres avantages. Enfin, la fraude relative aux états financiers (ou fraude managériale ou comptable) est une manipulation comptable non conforme délibérément commise par les dirigeants, dans le but de tromper la perception des utilisateurs des états financiers (principalement les créanciers et les actionnaires).
A titre d’information, il ressort de l’étude menée par PricewaterhouseCoopers, intitulé « Global Economic Crime Survey 2011 », que 72% des entreprises que le cabinet a interrogé dans le cadre de son enquête leur ont indiqué avoir été victimes de détournement d’actifs, ce qui fait de tel comportement la fraude la plus répandue.
Graphique 3. – Fraude reportée par les entreprises (2003-2011)
Source : Global Economic Crime Survey 2011
La fraude et ses différentes facettes étant définies, il nous semble utile de porter notre attention sur l’histoire de la recherche en matière de fraude.
Section II – Histoire de la recherche en matière de fraude
Pour le non-initié, Sutherland est au monde de la criminalité à col blanc ce que Freud est à la psychanalyse. En effet, c’est Sutherland (1940) qui a inventé l’expression de crime à col blanc. Il utilisa cette expression pour définir les actes criminels des sociétés et des individus agissant dans un cadre professionnel. Depuis cette date, l’expression a été utilisée d’une façon plus large pour définir tous les crimes économiques et financiers, du service du courrier au conseil d’administration.
Donald R. Cressey fut l’un des plus brillants étudiants de Sutherland à l’université de l’Indiana durant les années 1940. Alors que les recherches de Sutherland se concentraient surtout sur les actes criminels réalisés dans le monde des affaires, Cressey a choisi une autre direction. Réalisant une thèse de doctorat en criminologie, il a décidé de porter son attention sur les escrocs. Dans le cadre de son travail doctoral, il obtint les permissions nécessaires pour se rendre dans des prisons et y interviewer plus de 200 criminels incarcérés.
Ces nombreux entretiens lui ont permis de développer un modèle permettant de comprendre la logique des fraudeurs : le modèle du triangle de la fraude (Cressey 1950).
Donald Cressey (1950) formule l’hypothèse que trois critères définissent les criminels en col blanc : ils connaissent une pression financière qu’ils ne peuvent partager ou faire subir à leur entourage, ils bénéficient d’une opportunité de réaliser une action frauduleuse du fait de leur connaissance approfondie de l’entreprise et ils arrivent à se convaincre que leurs actes ne sont pas criminels :
- Le sentiment de faire face à une très forte pression financière crée la motivation de la fraude. Un individu, par cette voie, cherche à résoudre un problème financier qu’il ne peut pas partager avec son entourage. D’un point de vue psychologique, un ego surdimensionné peut accentuer ce problème en freinant un individu dans sa volonté de partager ses problèmes ;
- L’opportunité identifiée par le fraudeur se manifeste de deux façons : la première est la perception de l’existence d’une faille dans le système de contrôle et la seconde est le sentiment du fraudeur que son acte ne pourra pas être détecté ;
- Enfin, la rationalisation supposée dans le modèle du triangle de la fraude est le processus par lequel le fraudeur réalise son acte tout en restant dans sa zone de confort moral. Cressey montre que l’individu n’a pas le sentiment de frauder lorsqu’il réalise son premier acte. L’exemple classique de cette rationalisation est le cas du vol par les employés qui estiment que leurs conditions de travail sont mauvaises et qu’il est normal de compenser ces dernières en s’appropriant les biens de l’entreprise.
Depuis plus de soixante ans, la théorie développée par Cressey est utilisée dans les nombreuses études académiques pour comprendre les déterminants de la fraude ou expliquer a posteriori les actes de fraudeurs. Toutefois, un nouveau modèle a récemment été développé pour comprendre non pas les acteurs de la fraude mais les actes de ces derniers : le triangle de l’acte frauduleux[29].
Figure 1 – Triangle de la fraude
Opportunité
Source : Cressey (1950)
Le modèle du triangle de l’acte frauduleux a été fondé à partir du triangle de Cressey avec pour objectif de s’intéresser non aux individus mais aux processus de la fraude. Dans cette perspective, les trois facettes de l’acte frauduleux sont les suivantes (Kranacher et al., 2011 ; Dorminey et al., 2012) :
- l’acte frauduleux consiste à développer une méthodologie et à la mettre en pratique (exemple : détournement d’actifs, vol) ;
- la dissimulation représente l’acte ayant pour objectif de cacher la fraude (ex. : fausses écritures comptables, destruction de fichiers informatiques) ;
- la conversion est le processus de transformation des bénéfices mal-acquis en des actifs utilisables par le fraudeur (exemple : blanchiment d’argent).
L’intérêt principal de ce modèle (figure 2) est qu’il permet de mieux appréhender les moyens pour lutter contre la fraude alors que le modèle traditionnel du triangle de la fraude permet lui d’identifier les fraudeurs.
Figure 1 – Triangle de l’acte frauduleux
Acte frauduleux
Source : Cressey
En étudiant de manière plus précise les déterminants de l’acte frauduleux, il est possible de le prévenir en mettant en place des moyens de détection et de lutte contre ceux-ci.
CHAPITRE II – DETERMINANTS DE LA FRAUDE
L’objectif de cette section est de présenter les déterminants de la fraude. Nous avons fait le choix de les analyser en portant notre attention sur les principaux acteurs de l’entreprise que sont le conseil d’administration, les dirigeants, les actionnaires.
Section I – Le conseil d’administration et la fraude
Le conseil d’administration joue un rôle déterminant dans la prévention des fraudes au sein de l’entreprise. Dans cette perspective, les premières études ont tout d’abord analysé la relation entre la composition du conseil d’administration et de son comité d’audit (pourcentage d’administrateurs indépendants, dualité de fonctions de président du conseil et du directeur général, nombre de réunions, pourcentage d’experts en finance ou en comptabilité, etc.) et la probabilité de détection de la fraude.
Les premiers travaux sur le sujet ont eu tendance à conclure à l’efficacité des administrateurs indépendants dans la lutte contre la fraude. Ainsi, Beasley (1996) observe que la présence d’administrateurs indépendants dans le conseil d’administration diminue la probabilité de fraude relative aux états financiers. Toutefois, la taille du conseil et le nombre de conseils externes auxquels siègent les administrateurs augmentent cette probabilité. Dechow et al. (1996) confirment également que la présence d’administrateurs indépendants atténue le risque de fraude aux états financiers.
Citons cependant, deux études ayant eu pour objet d’analyser l’ensemble des mécanismes de gouvernance associés au conseil d’administration.
Farber (2005) compare certains mécanismes de gouvernance entre un échantillon de firmes faisant l’objet de poursuite de la part de la SEC et un échantillon de contrôle avant et après la détection de la fraude. Les analyses comparatives suggèrent des différences significatives concernant le pourcentage des administrateurs indépendants dans le conseil une année avant la détection de la fraude. Les entreprises frauduleuses ont significativement moins d’administrateurs indépendants et d’actionnaires majoritaires.
De plus, leurs comités d’audit se réunissent moins fréquemment et ils ont moins de membres disposant d’une expertise en finance.
- 2. – Analyse de Beasley et al. sur les mécanismes de gouvernance associés au conseil d’administration
Contrairement à Farber, en examinant un échantillon de firmes ayant commis des fraudes et un autre de contrôle, Beasley et al. (2010) montrent qu’il n’existe pas de différences significatives pour le pourcentage d’administrateurs indépendants dans le conseil d’administration. De même, leur étude montre qu’il n’existe pas de différence dans le pourcentage des membres indépendants dans les comités d’audit. Le résultat le plus surprenant est que les firmes frauduleuses ont davantage d’experts en finance et en comptabilité dans leur conseil d’administration.
Section II – Les dirigeants face à la fraude
La politique de rémunération des dirigeants est, selon la théorie de l’agence (Jensen et Meckling 1976 ; Fama et Jensen 1983), un mécanisme de gouvernance permettant d’atténuer les conflits d’agence et d’aligner les intérêts des dirigeants avec ceux des actionnaires.
Toutefois, la rémunération à base d’actions ou d’options d’achat d’actions peut être détournée de son objectif initial fraude financière au détriment des actionnaires (Johnson et al., 2009). En période de difficultés économiques, Savage (2009) souligne que le risque de fraude par les dirigeants est accru lorsque la rémunération incitative représente une part importante de la rémunération totale ou lorsqu’elle est axée sur le rendement à court terme.
D’une manière générale, le choix d’un mode de rémunération à base d’options n’est pas un mécanisme permettant d’aligner les intérêts des dirigeants à ceux des actionnaires, mais plutôt une incitation aux pratiques frauduleuses. Rares sont les auteurs comme Armstrong et al. (2010) qui estiment que le mécanisme de rémunération à base d’actions ou d’options répond aux exigences des actionnaires et que les cas de fraudes ne restent que des exceptions.
Section III – Le rôle des actionnaires dans la fraude
La recherche en gestion a également examiné l’influence de la structure de propriété sur la prévention et la détection de la fraude. Dunn (2004) souligne que la concentration de la propriété des dirigeants et la présence d’un actionnaire dominant-dirigeant accroît leur pouvoir décisionnel, limite le contrôle exercé par le conseil d’administration et favorise ainsi le risque de fraude. En analysant un échantillon de 92 sociétés accusées de fraude par la SEC, Dechow et al. (1996) mettent en évidence une relation positive entre le niveau de propriété détenu par les insiders (dirigeants et administrateurs) et la probabilité de fraude aux états financiers. Dunn (2004) trouve également que la concentration de la propriété des initiés est positivement associée à la manipulation frauduleuse des états financiers.
Toutefois, des études plus récentes n’aboutissent pas aux mêmes conclusions. Tout d’abord, Farber (2005) souligne que le pourcentage d’actions détenu par les actionnaires majoritaires est négativement associé à la probabilité de fraude aux états financiers. Ensuite, Beasley et al. (2010) ne trouvent aucun impact significatif entre le pourcentage d’actions détenu par les actionnaires majoritaires et la présence de pratiques comptables frauduleuses.
OUVRAGES
Finet A., Gouvernance d’entreprise : Nouveaux défis financiers et non financiers, De Boeck Supérieur, 2009 ;
Kranacher M.-J. et al., Forensic Accounting and Fraud Examination, NY, John Wiley & Sons, 2010 ;
ARTICLES
Beasley M.S. (1996), An empirical analysis of the relation between the board of director composition and financial statement fraud, Accounting Review, vol. 71, n° 4, p. 443-465 ;
Belot L. Huit pistes pour réformer le capitalisme, Le Monde, 18 juillet 2002, http://www.lemonde.fr/economie/article/2002/07/18/huit-pistes-pour-reformer-le-capitalisme_285201_3234.html ;
Dechow P.M., Sloan R.G. et Sweeney A.P. (1996), Causes and consequences of earnings manipulation : An analysis of firms subject to enforcement actions by the sec, Contemporary Accounting Research, vol. 13, n° 1, p. 1-36 ;
Dorminey J., Fleming A.S., Kranacher, M.-J. et Riley Jr R.A. (2012). The evolution of fraud theory, Issues in Accounting Education, vol. 27, n° 2, p. 555-579 ;
Forget M., Renaissance de la profession, Actualités 26 janv. 2004 : www.snarp.org ;
Hollinger, Marie-Françoise, Qui sont les ARP, AJDP, nov. 2009, 11, p. 440-442
Le Monde, 25 janv. 2006, www.lemonde.fr ;
MacGregor S., Fighting fraude: How private company can reduce their exposure in bad times, and good, Let’s Talk, http://www.pwc.com/ca/en/private-company/lets-talk/fighting_fraud.jhtml ;
Wells J. T., Gill J. D., Assessing Fraud Risk, 2007
http://www.journalofaccountancy.com/Issues/2007/Oct/AssessingFraudRisk.htm
AUTRES
ACFE, Report to the nations on occupational fraud and abuse, 2012
http://www.acfe.com/uploadedFiles/ACFE_Website/Content/rttn/2012-report-to-nations.pdf
Global Economic Crime Survey 2011, PWC,
http://www.pwc.fr//assets/files/pdf/2012/01/pwc_ad_etude_fraude_2012_fr_dec_2011.pdf ;
Rép. min. n° 96328 et n° 100574 : JOAN Q 5 sept. 2006 ;
TEXTES JURIDIQUES
Code civil
Code pénal
Nouveau Code de procédure civile
Loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;
Loi n° 83-629 du 12 juillet 1983 règlementant les activités privées de surveillance, de gardiennage et de transport de fonds
–oo0oo–
PARTIE I – LE CADRE LEGAL REGISSANT LA PROFESSION D’ENQUETEUR PRIVE. 6
CHAPITRE I – LE STATUT DES ENQUETEURS DE DROIT PRIVE.. 7
Section I – Contrôles des agences de recherches privées lors de leur installation.. 7
- Responsabilités et sanctions aux incompatibilités et interdictions professionnelles. 7
- Incompatibilités professionnelles. 8
- Fonctionnaires de police ou de gendarmerie. 8
- Agents de sécurité. 9
- Interdictions à raisons de condamnations ou de comportements antérieurs. 9
- Condamnation pénale. 9
- Condamnation pour faillite personnelle. 9
- Agissements contraires à l’honneur, à la probité, aux bonnes moeurs 10
- Immatriculation.. 10
- Agrément préfectoral et autorisation.. 10
- Généralités. 10
- La délivrance de l’agrément 11
- La délivrance de l’autorisation. 11
- Dénomination de l’agence. 11
Section II – Contrôles des agences de recherches privées au cours de leur activité. 12
- Contrôle portant sur l’existence même de l’agence. 12
- Contrôle par la police ou la gendarmerie. 13
- Commission nationale de déontologie de la sécurité. 13
CHAPITRE II – LES POUVOIRS DES ENQUETEURS DE DROIT PRIVE.. 14
Section II – Rapports d’enquêtes privées. 14
- Reconnaissance des rapports d’enquêtes privées par la jurisprudence. 15
- L’article 9 du Code civil et les rapports d’enquêtes privées. 15
CHAPITRE I – FRAUDE : DEFINITIONS ET TYPOLOGIE.. 18
Section I – Typologie des fraudes. 18
Section II – Histoire de la recherche en matière de fraude. 21
- 1. – La fraude en gestion.. 21
- 2. – Le modèle du triangle de la fraude. 21
- 3. – Le modèle du triangle de l’acte frauduleux. 22
CHAPITRE II – DETERMINANTS DE LA FRAUDE.. 24
Section I – Le conseil d’administration et la fraude. 24
- 1. – Généralités. 24
- 2. – Analyse de Marc Faber sur les mécanismes de gouvernance associés au conseil d’administration 24
- 2. – Analyse de Beasley et al. sur les mécanismes de gouvernance associés au conseil d’administration 25
Section II – Les dirigeants face à la fraude. 25
Section III – Le rôle des actionnaires dans la fraude. 25
[1] Offenbach J., dans son oeuvre Orphée aux enfers, caricatura Mercure de la façon suivante : « Je dois comme dieu du commerce / Détester la fraude et le dol, / Mais je sais par raison inverse / Les aimer comme dieu du vol ».
[2] Global Economic Cime Survey 2011, PWC.
[http://www.pwc.fr//assets/files/pdf/2012/01/pwc_ad_etude_fraude_2012_fr_dec_2011.pdf]
[3] Belot L., Huit pistes pour réformer le capitalisme, Le Monde, 18 juillet 2002,
[4] Dictionnaire Le Petit Robert.
[5] MacGregor S., Fighting fraude: How private company can reduce their exposure in bad times, and good, Let’s Talk, [http://www.pwc.com/ca/en/private-company/lets-talk/fighting_fraud.jhtml].
[7] Egalement connu sous l’appellation de détective privée ou agent de recherche privée.
[8] M. Forget, Renaissance de la profession, Actualités 26 janv. 2004 : www.snarp.org
[9] Extrait du registre des délibérations, Sect. intérieur, séance 24 mars 1992 sur un projet de décret relatif aux sociétés d’exercice libéral constituées pour l’exercice de la profession d’agent de recherches privées.
[10] Art. 25 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires.
[12] Art. 1er, I, 1°, c du décret n° 2005-1124 du 6 septembre 2005 pris pour l’application de l’article 17-1 de la loi n° 95-73 du 21 janvier 1995 et fixant la liste des enquêtes administratives donnant lieu à la consultation des traitements automatisés de données personnelles mentionnés à l’article 21 de la loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 .
[13] Art. 22, 7° de la loi n° 83-629, du 12 juill. 1983 qui impose une qualification professionnelle. – Art. 106 de la loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure qui prévoit un délai pour justifier des qualifications professionnelles.
[14] www.cnds.fr
[15] V. le modèle de contrat de mission sur le site du SNARP ; v. également Rép. min. n° 89888 : JOAN Q 24 oct. 2006, qui cite les articles du Code civil consacrés au mandat.
[16] Cass. civ. 1re, 9 févr. 1977 : Bull. civ. 1977, I, n° 74. – Cass. civ. 1re, 4 oct. 1989 : Bull. civ. 1989, I, n° 301.
[17] Rép. min. B. Brochand, n° 100822 : Journal Officiel 3 Octobre 2006.
[18] Cass. civ. 2e, 7 nov. 1962 : Bull. civ. 1962, II, n° 700.
[19] V. visa de Cass. civ. 2e, 7 oct. 2004 : Bull. civ. 2004, II, 447 ; D. 2005, p. 122, note P. Bonfils.
[20] Cass. civ. 1re, 7 nov. 2006 : Bull. civ. 2006, I, n° 402.
[21] Le Monde, 25 janv. 2006, www.lemonde.fr
[22] Cass. crim., 26 oct. 1995 : Bull. crim. 1995, n° 328.
[23] Cons. const., déc. n° 2003-467 DC, 13 mars 2003 relative au projet de loi pour la sécurité intérieure.
[24] Rép. min. n° 96328 et n° 100574 : JOAN Q 5 sept. 2006.
[25] CA Paris, 27 sept. 1994 ; Cass. crim., 26 oct. 1995, préc.
[26] Global Economic Crime Survey 2011, préc.
[27] Joseph T. Wells and John D. Gill, Assessing Fraud Risk, 2007
http://www.journalofaccountancy.com/Issues/2007/Oct/AssessingFraudRisk.htm
[28] ACFE, Report to the nations on occupational fraud and abuse, 2012
http://www.acfe.com/uploadedFiles/ACFE_Website/Content/rttn/2012-report-to-nations.pdf
[29] Kranacher M.-J. et al., Forensic Accounting and Fraud Examination, John Wiley & Sons, 2010 ; Dorminey J. W. et al., The Evolution of Fraud Theory, A Journal of Practice & Theory, 2012.
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