La gestion des carrières et l’impact sur la motivation des salariés
AVANT PROPOS:
En préalable à toute lecture, j’attire le lecteur sur les éléments suivants :
Pour illustrer mes propos, je fais souvent référence à mon expérience interculturelle passée, qui m’a permis de collaborer aves des soignants issus de cultures et de formations professionnelles différentes de la mienne. De fait, certains exemples peuvent être déroutants tant les pratiques professionnelles peuvent varier d’un pays à l’autre. Pour autant, il ne s’agit nullement de stigmatiser un système de formation, ou de valoriser notre système de formation au détriment des autres. En revanche, je questionne une réalité vécue afin de comprendre comment le cadre de santé pourrait tirer parti de cette différence culturelle pour construire une synergie d’apprentissage au sein d’une équipe soignante multiculturelle.
D’autre part, l’aspect réglementaire qui a permis à des infirmiers étrangers (hors Union Européenne) de travailler sur le territoire français a été rendu possible au titre exceptionnel d’une autorisation d’exercice accordée par la DDAS de la Province Nord de Nouvelle Calédonie dans le cadre strict de l’infirmerie de chantier, placés sous l’autorité et la responsabilité du médecin chef de service de la Clinique Koniambo Nickel.
PAGE DE SOMMAIRE
Table des matières
INTRODUCTION…………………………………………………………………………………….. 1
1 HARMONISATION DES PRATIQUES PROFESSIONNELLES…………………… 4
2 LE CONCEPT DE MANAGEMENT INTERCULTUREL…………………………….. 9
2.1 LA CULTURE……………………………………………………………………………….. 9
2.1.1 Les dimensions culturelles de Hall…………………………………………….. 11
2.1.2 Les dimensions culturelles de Hofstede………………………………………. 11
2.1.3 Les dimensions culturelles de Trompenaars et Hampden Turner……… 14
2.2 LA MULTICULTURALITÉ……………………………………………………………. 16
2.3 LE DIRIGEANT D’ÉQUIPE MULTICULTURELLE…………………………… 17
2.4 LE MANAGEMENT INTERCULTUREL…………………………………………… 18
2.4.1 Contextualisation……………………………………………………………………. 18
2.4.2 Définitions…………………………………………………………………………….. 19
2.4.3 Ses objectifs…………………………………………………………………………… 21
2.4.4 Les facteurs d’influence dans le management interculturel…………….. 22
2.4.5 Mise en œuvre du management interculturel………………………………… 23
2.4.6 Les impacts du management interculturel……………………………………. 24
2.4.7 Les compétences interculturelles du manager………………………………. 25
2.4.8 Les spécificités de la communication interculturelle…………………….. 26
2.4.9 La différence de culture : une potentialité pour le manager……………. 27
2.4.10 La multiculturalité comme frein au développement de l’entreprise….. 28
2.4.11 La multiculturalité en structures de soins……………………………………. 29
2.5 SYNTHÈSE RELATIVE AU MANAGEMENT INTERCULUREL………….. 31
3 LE CONCEPT D’APPRENTISSAGE (Les théories de l’apprentissage) :……… 33
3.1 DEFINITIONS :…………………………………………………………………………… 34
3.2 LES THEORIES DE L’APPRENTISSAGE :……………………………………… 35
3.2.1 Le behaviorisme :……………………………………………………………………. 36
3.2.2 Le constructivisme :………………………………………………………………… 38
3.2.3 Le cognitivisme :……………………………………………………………………. 41
3.3 LES FACTEURS INFLUENCANT L’APPRENTISSAGE…………………….. 42
3.3.1 Les Facteurs personnels…………………………………………………………… 43
3.3.2 Les facteurs environnementaux…………………………………………………. 45
3.3.3 Facteurs liés aux caractéristiques du formateur……………………………. 47
3.4 AU CŒUR DE L’APPRENTISSAGE DES SOIGNANTS……………………… 47
3.5 LES OBSTACLES A L’APPRENTISSSAGE EN MILIEU INTERCULTUREL 50
3.6 L’APPRENTISSAGE EN CONTEXTE INTERCULTUREL :………………… 52
3.7 L’APPRENTISSAGE INTERCULTUREL DANS LE MILIEU HOSPITALIER : 54
4 DE LA SYNTHÈSE DU PÔLE THÉORIQUE À LA QUESTION DE RECHERCHE. 55
5 METHODOLOGIE DE RECHERCHE……………………………………………………. 57
5.1 LA RECHERCHE…………………………………………………………………………. 57
5.1.1 Définition………………………………………………………………………………. 57
5.1.2 Objectifs……………………………………………………………………………….. 58
5.2 CHOIX DE LA METHODE……………………………………………………………. 58
5.2.1 La méthode expérimentale………………………………………………………… 59
5.2.2 L’étude de cas………………………………………………………………………… 60
5.2.3 La méthode clinique sélectionnée………………………………………………. 61
5.3 Le dispositif méthodologique construit par le chercheur…………………….. 63
5.3.1 L’échantillon de population sélectionné……………………………………… 63
5.3.2 L’outil de recherche………………………………………………………………… 63
5.3.3 Le guide d’entretien………………………………………………………………… 64
5.3.4 Les modalités d’entretien…………………………………………………………. 66
5.4 L’ANALYSE DU CONTENU…………………………………………………………. 67
5.4.1 La description de l’analyse……………………………………………………….. 67
5.4.2 La technique utilisée……………………………………………………………….. 67
5.4.3 La grille d’analyse………………………………………………………………….. 67
5.4.4 Les limites de la recherche……………………………………………………….. 67
6 CONCLUSION PARTIELLE………………………………………………………………… 67
7 TRAITEMENT DES DONNÉES……………………………………………………………. 67
BIBLIOGRAPHIE…………………………………………………………………………………… 69
ANNEXES………………………………………………………………………………………………. I
INTRODUCTION
Lorsqu’une entreprise décide de s’internationaliser, elle entre dans une certaine complexité où devront être développées de nouvelles capacités d’apprentissage organisationnel et interculturel. Dès lors, les dirigeants d’équipe multiculturelle devraient être aptes à manager cette diversité. De la maitrise de cette compétence émerge une source majeure d’avantage concurrentiel. Il en est de même pour les structures sanitaires qui se sont internationalisées. Elles sont soumises aux mêmes contraintes que les entreprises : pour exister sur le marché, elles doivent avant tout être performantes.
Le concept de multiculturalité est un sujet de débat qui abonde dans la littérature depuis le phénomène de mondialisation dans les domaines politique et sociologique. En revanche, très peu d’études ont été consacrées à la multiculturalité au sein d’une équipe soignante. La plupart des études menées dans le domaine sanitaire s’intéressent à la multiculturalité exclusivement à travers la relation soignant/soigné dans le cadre des soins dits interculturels.
Pour autant, la multiculturalité de l’équipe soignante est une situation à laquelle, le cadre de santé, en situation d’expatriation, devra faire face dans l’exercice de son métier. Or, de par mon expérience, force est de constater que la mise en œuvre d’une stratégie de valorisation de la diversité au sein d’une équipe soignante ne va pas de soi.
En effet, lorsqu’en 2009, j’ai été recruté par une société internationale qui médicalise des sites industriels de grande envergure, en tant que superviseur d’une clinique de chantier située en Nouvelle Calédonie, j’étais responsable de l’encadrement d’une équipe multiculturelle composée d’infirmiers français, thaïlandais, coréens, philippins et chinois.
Durant trois années, les enjeux managériaux furent considérables dans la mesure où il m’incombait d’amener des soignants de nationalités, de cultures et de pratiques professionnelles différentes à collaborer ensemble tout en veillant à assurer la sécurité et la qualité des soins.
Or, dès ma prise de poste, les différentes données que je collectais sur le terrain, à partir de l’observation des soins prodigués par le personnel et du contrôle des informations retranscrites dans les dossiers de soins des patients m’indiquaient qu’il existait un écart important entre la qualité des soins attendue par l’institution et celle effectivement délivrée. La situation était d’autant plus alarmante que ces écarts concernaient des points cruciaux tels que le respect des techniques d’asepsie, le respect et l’application des protocoles en vigueur, ainsi que le manque de complétude notamment, en termes de traçabilité des actes censés être retranscrits dans le dossier de soins.
J’ai œuvré durant trois années pour tenter d’instaurer un processus d’apprentissage au sein de l’équipe afin d’harmoniser nos pratiques professionnelles. Pour ce faire, j’ai élaboré ce que nous appelions des « Tools boxes ». Il s’agissait de réunions d’équipe où, en collaboration avec l’équipe médicale, nous avions protocolisé nombre de situations et de pratiques professionnelles (ex : prise en charge d’un patient polytraumatisé, prise en charge de la douleur en milieu isolé, respect du secret professionnel…), afin que l’ensemble des membres de l’équipe soignante « adopte » un langage et une pratique professionnelle communs.
A travers ces ateliers d’apprentissage, j’ai cherché à développer les connaissances théoriques et les compétences de l’équipe soignante au sens précisé par Le Boterf (1998, p 150):
Les compétences peuvent être considérées comme une résultante de trois facteurs : le savoir-agir qui suppose de savoir combiner et mobiliser des ressources pertinentes (connaissances, savoir-faire, réseaux, …) ; le vouloir agir qui se réfère à la motivation et à l’engagement personnel de l’individu ; le pouvoir agir qui renvoie à l’existence d’un contexte, d’une organisation de travail, de conditions sociales qui rendent possibles et légitimes la prise de responsabilité et la prise de risque de l’individu.
Mais ne bénéficiant ni de formation, ni d’expérience antérieure en la matière, les obstacles se sont accumulés dans la mesure où la volonté de mettre en synergie l’équipe soignante en harmonisant les pratiques professionnelles, se heurtait inéluctablement au contexte multiculturel.
Ce travail de recherche, est donc pour moi, l’occasion de revenir sur ces évènements avec le recul et la distanciation nécessaire afin d’analyser cette situation de management en contexte interculturel.
En tant qu’apprenti chercheur, il devrait me conduire à m’interroger sur les méthodes pédagogiques et la posture managériale adéquates afin d’amener des soignants de nationalités, de cultures, de croyances et de pratiques professionnelles différentes à collaborer ensemble de façon efficace.
De surcroit, cette recherche revêt un objectif pragmatique dans la mesure où à l’issue de la formation de cadre de santé, il m’est donné la possibilité de manager de nouveau une équipe soignante multiculturelle. L’atteinte de cet objectif m’apporterait les éléments de compréhension et de connaissances nécessaires pour mieux appréhender cette future expérience de management en contexte interculturel.
Afin de mener à bien ce travail de recherche, je vais tenter dans un premier temps de répondre à la question de départ suivante :
Dans un contexte d’équipe multiculturelle, comment le cadre de santé prend-il en compte les différences culturelles dans ses méthodes d’apprentissage pour harmoniser les pratiques professionnelles ?
1 L’HARMONISATION DES PRATIQUES PROFESSIONNELLES
L’harmonisation des pratiques professionnelles est le cœur de ma problématique de recherche. Elle poursuit l’objectif d’obtenir une meilleure adéquation entre la qualité de soins délivrés par le personnel soignant et celle attendue par l’institution. En préalable à toute initiative de recherche, il me semble donc judicieux d’apporter un éclairage aux questions suivantes.
- Qu’est qu’une pratique, professionnelle?
Beillerot (2003) nous indique qu’une pratique consiste à « toute application de règles, de principes qui permet d’effectuer concrètement une activité, qui permet donc d’exécuter des opérations, de se plier à des prescriptions »
Il nous est précisé que :
La pratique est tout à la fois, la règle d’action (technique, morale) et son exercice ou sa mise en œuvre. C’est la double dimension de la notion de pratique qui la rend précieuse : d’un côté, les gestes, les conduites, les langages ; de l’autre, à travers les règles, ce sont les objectifs, les stratégies, les idéologies qui sont invoqués. (Ibid., 2003).
On qualifie la pratique de « professionnelle » lorsqu’elle s’attache à un métier. Dans notre étude, c’est au métier de soignant, et plus particulièrement d’infirmier qu’il est fait référence.
- Qu’entend-on par bonne pratique ?
Concernant les bonnes pratiques, le CNESMS stipule qu’elles passent par la mise en évidence « des passages obligés par rapport à des valeurs communes qui donnent du sens aux actes professionnels et éclairent sur les perspectives de l’action »[1].
L’UNIOPSS complète cette définition :
Les bonnes pratiques professionnelles n’existent pas dans l’absolu. Il existe en revanche des pratiques « interdites », ce sont celles qui sont hors la loi, et auxquelles sont confrontés les professionnels (…).Une bonne pratique doit se référer à la loi (…), aux grands principes théoriques de chaque secteur, ainsi qu’au projet de chacune des structures, et à la capacité d’interrogation permanente de la structure. Elle ne peut donc pas être immuable et semblable pour toutes les structures, même si un socle commun doit exister. [2]
- En quoi consiste l’harmonisation d’une pratique professionnelle ?
L’harmonisation désigne « l’action d’établir des proportions heureuses entre plusieurs choses, de les mettre en accord » (Dictionnaire Larousse).
En circonscrivant cette définition à l’objet de notre étude, elle consisterait à faire en sorte que toutes les parties concourent à un même but. Or, lorsqu’il existe une grande hétérogénéité d’intervenants comme c’est le cas en contexte interculturel, l’harmonisation des pratiques passe par « une organisation du travail permettant la concertation, l’utilisation des compétences des soignants, la reconnaissance de leur niveau d’expertise »[3] en visant l’optimisation des soins. En ce sens, elle se distingue de la standardisation.
Pour autant, l’harmonisation des pratiques professionnelles en contexte interculturel se heurte aux différences de perceptions des personnels soignants notamment, en ce qui concerne la conformité aux bonnes pratiques. Questionner sa pratique professionnelle, la remettre en cause, n’est pas une chose aisée surtout auprès de soignants expérimentés, qui bénéficiaient auparavant d’une grande autonomie professionnelle et dont les pratiques soignantes sont bien ancrées.
Ainsi, accompagner la construction de compétences au sein d’une équipe multiculturelle soignante au sens où nous le précise Scallon (2004, p262) : «capacité à mobiliser un ensemble de ressources (savoirs, savoir faire, stratégies et savoir être) en vue de résoudre les problèmes d’une même famille », nécessite que le cadre de santé se réfère à un guide de bonnes pratiques professionnelles. Dans cette perspective, deux documents ressources sont à sa disposition : le référentiel d’activités de la profession infirmière et le référentiel de compétences que l’on retrouve en annexe de l’arrêté relatif au diplôme d’Etat d’infirmier du 31 juillet 2009.
- Le référentiel d’activités : Tout d’abord, il nous précise que : « les infirmiers dispensent des soins de nature préventive, curative ou palliative, visant à promouvoir, maintenir et restaurer la santé, ils contribuent à l’éducation à la santé et à l’accompagnement des personnes dans leur parcours de soins ».
Ensuite, il permet d’identifier les activités que ces professionnels réalisent. La connaissance de ce document est donc indispensable pour le cadre de santé, afin de recenser l’ensemble des actes réalisés par les infirmiers en poste en unité de soins dans le cadre de ce qui est autorisé par la loi.
Le référentiel d’activités est inscrit dans la règlementation figurant au Code de la santé publique. A ce titre, l’infirmier soumis à la règlementation française exerce son métier dans le respect des articles R. 4311-1 à R.4311-15 et 4312-1 à 4312-49 du Code de santé publique. Les activités détaillées contenues dans le référentiel d’activités sont placées en annexe (Cf. Annexe 2).
- Le référentiel de compétences : Dès que les activités infirmières pouvant être réalisées au sein de l’unité ont été recensées, il convient d’identifier les compétences nécessaires à leur réalisation. Conformément à l’Annexe 2 de l’arrêté du 31 juillet 2009 relatif au diplôme d’Etat d’infirmier, elles sont au nombre de dix, cinq compétences « cœur de métier » et cinq compétences transverses communes à certaines professions paramédicales ( Annexe 3).
Ce travail de recensement des activités du service et les compétences nécessaires à leur mise en œuvre apparaît dès lors primordial pour le cadre de santé, d’autant plus qu’il évolue en contexte multiculturel. Ce travail est également important dans la mesure où la gestion prévisionnelle des métiers et des compétences, dont Gilbert & Parlier (2006, p 86) nous apporte la définition suivante :
Une démarche d’ingénierie des ressources humaines qui consiste à concevoir et à contrôler des politiques et des pratiques visant à réduire de façon anticipée les écarts entre les besoins et les ressources de l’entreprise tant sur le plan quantitatif, en termes d’effectifs, que qualitatif, en termes de compétences,
constitue un facteur clé de succès pour assurer la pérennité de l’entreprise.
Ainsi, la connaissance des activités du service et de la nécessaire maîtrise des compétences qui en découle permet au cadre de santé de savoir au regard de quoi on harmonise les pratiques soignantes.
Néanmoins, pour qu’il s’assure de la sécurité et de la qualité des soins prodigués aux patients, il est nécessaire qu’il vérifie que les pratiques de soins des membres de l’équipe soignante soient bien adéquates et conformes aux codes éthiques et aux valeurs en vigueur dans l’institution. Ceci nous amène à l’étude du sous concept qu’est l’analyse des pratiques professionnelles car il s’avère être un outil d’évaluation important pour atteindre cet objectif.
Phaneuf précise que l’analyse des pratiques professionnelles est: « une démarche métacognitive de formation professionnelle qui se réalise dans le groupe même de travail, un moyen informel de procéder à l’évaluation de la qualité de soin à petite échelle, sans complication méthodologique »[4]. De ce fait, elle vise particulièrement à faire une analyse objective et critique sur certains détails du travail dans le but d’améliorer ce dernier.
Beillerot (2003), spécifie que « l’analyse de la pratique professionnelle est nécessaire parce qu’elle accompagne profondément la transformation du travail, son organisation, ses activités ». Ainsi, elle renvoie non seulement aux connaissances théoriques et pratiques des soignants, mais se réfère entre autre au respect qu’ils ont pour eux-mêmes et pour les autres.
Sur un plan réglementaire, elle a pour but :
« L’amélioration continue de la qualité des soins et du service rendu aux patients par les professionnels de santé. Elle vise à promouvoir la qualité, la sécurité, l’efficacité et l’efficience des soins et de la prévention et, plus généralement, la santé publique, dans le respect des règles déontologiques » (Décret nº 2005-346 du 14 avril 2005).
Au total, elle poursuit l’objectif « d’analyser sa pratique pour comprendre le passé afin d’agir de façon adaptée dans les situations à venir ». (Viollet et al., p 79), de sorte qu’elle induit une posture réflexive sur sa propre action. Schön (1997) parle alors de « praticien réflexif ».
Or, ceci implique un suivi, une évaluation des pratiques professionnelles et des intervenants pour que les soins prodigués puissent bien répondre aux exigences de la situation et plus particulièrement, à la question de multiculturalité. Notons que les pratiques professionnelles évoluent de manière importante dans le monde de la santé, obligeant ainsi les soignants à actualiser leur pratique.
C.Seuret Faugier (2012, p 83) nous précise les modalités de déroulement d’analyse de la pratique professionnelle: « Concrètement, un participant expose une situation de travail qui pose problème. Les membres du groupe interviennent dans l’échange en faisant des associations avec leur propre pratique ou des situations qu’ils ont connues ». Ainsi, cette méthode pédagogique utilise les situations qui posent problème dans le champ d’intervention du personnel soignant afin de développer des habiletés de résolution des problèmes et asseoir des connaissances théoriques et cliniques nécessaires à l’exercice professionnel.
A partir de situations de soins qui posent problème (ex : la prise en charge d’un patient polytraumatisé victime d’un accident sur le chantier), le groupe réalise une simulation d’intervention afin de coordonner le travail d’équipe et optimiser la prise en charge du patient. Cette approche permet de mobiliser les connaissances acquises par les différents partenaires et apprendra à construire des stratégies plus efficaces dans la mesure où elles sont construites en commun au sein de l’équipe. Elles permettent ainsi d’acquérir des savoirs vivants susceptibles d’être mobilisés et transférables. La finalité d’une telle démarche repose donc sur la construction de compétences en communs sous la houlette de référents tels que le cadre de santé et/ou le médecin. Dans cette perspective, elle privilégie la communication au sein de l’équipe, encourage les discussions et les échanges de points de vue. Elle vise à développer les connaissances des infirmiers, leur capacité d’organisation, d’écoute, de respect, le sens de la communication, la capacité à travailler en équipe et à être autonome tout en prenant conscience de ses limites.
Pour le cadre de santé, l’harmonisation des pratiques de soins fait partie des méthodes utilisées dans le cadre d’une amélioration de la prise en charge des patients. Elle permet de donner un référentiel aux soignants devant telle ou telle situation en promouvant les bonnes pratiques.
Cette démarche s’inscrit dans le cadre de l’assurance à ce qu’un soin de bonne qualité soit fourni par la structure de soins. Certes, des procédures existent et ont été mises en œuvre, mais elles ne sont pas forcément respectées par les soignants. C’est la raison pour laquelle, le cadre de santé est amené à faire une évaluation de la conformité des pratiques aux normes ainsi établis.
Or, cette nécessaire analyse des pratiques s’avère difficile dans un contexte de multiculturalité parce que chaque soignant possédait auparavant ses propres normes et procédures à appliquer dans son pays d’origine qui s’avèrent parfois bien différente d’un pays à un autre.
De surcroît, les savoirs expérientiels issus de mon vécu professionnel me permettent d’avancer l’idée que la formation des personnels soignants dans un contexte de multiculturalité, dans une démarche d’harmonisation des pratiques en contexte interculturel, ne peut aboutir à moins d’accepter la différence et la singularité de chaque culture. En effet, cela ne peut suffire à inculquer les bonnes pratiques professionnelles surtout quand le niveau et le système d’apprentissage de ces derniers sont hétérogènes.
Notre hypothèse est donc la suivante : l’apprentissage des professionnels de santé dans un contexte de multiculturalité nécessiterait l’établissement d’un management adapté de la part du cadre de santé qui prenne en considération les particularités de chaque culture.
2 LE CONCEPT DE MANAGEMENT INTERCULTUREL
Dans un contexte de mondialisation et non seulement dans le domaine économique mais également sanitaire, apprivoiser les différences de chacun sans chercher à les gommer, tout en les valorisant est devenu un impératif pour les entreprises et les organisations confrontées au management interculturel.
L’objectif de l’étude de ce concept est de rendre compte des débats qui animent le champ du management interculturel afin d’en clarifier tout d’abord les principes, puis ensuite d’en extraire les applications concrètes transposables dans la sphère sanitaire. Cette étude devrait nous permettre d’apporter des éléments de compréhension et de connaissance nécessaires au cadre de santé confronté à la gestion de la différence culturelle au sein d’une équipe soignante.
Cela implique au préalable d’aborder certaines notions.
2.1 LA CULTURE
La culture est un concept polysémique car elle admet une pluralité de sens et de multiples usages. Son appréhension est importante pour notre étude car dans un contexte multiculturel, les stratégies managériales sont sous tendues par cette dernière dans la mesure où elle représente un facteur d’influence important. Nous l’aborderons sous un angle anthropologique et sociologique qui devrait nous permettre de décrire, analyser et interpréter les similitudes et les différences entre les diverses cultures humaines. Plus précisément, nous porterons notre attention sur les principales théories relatives aux dimensions culturelles car elles sont le socle sur lequel se fondentles recherches en management interculturel.
Selon Waxin et Barmeyer (2008, p 62) :« la culture est un système d’orientation et de références, de valeurs et de pratiques acquises durant la socialisation et vécues collectivement par les membres d’un certain groupe ou d’une certaine société et qui les différencie des autres groupes et des autres sociétés ».
Premièrement, elle est appréhendée comme « un système d’interprétation » (…), « de conceptions et de significations communes, perçues comme évidentes et naturelles, qui facilitent au sein du groupe la clarté, le partage de connaissances, la communication et la coopération ». (Chanlat, 2005, In Waxin & Barmeyer, 2008, p 62).Or dans un contexte multiculturel, les individus de cultures différentes possèdent leurs propres règles, leurs propres « schémas d’interprétation ».
Deuxièmement, selon Hofstede (In Waxin & Barmeyer, 2008, p 62), la culture est un système de valeurs acquis grâce à la socialisation tout au long de sa vie constituant « un système émotionnel et cognitif, caractéristiques de sa société ». Il est précisé que ces valeurs diffèrent d’une société à l’autre.
Enfin, la culture permet de solutionner des problèmes et l’atteinte d’objectifs fixés. Lorsqu’il existe plusieurs solutions, l’individu privilégie celles qui seront en harmonie avec ses valeurs (Schein, 1986 InMagakian et al., 2003), c’est ainsi que les solutions apportées à un même problème peuvent différer selon les groupes culturels.
L’appréhension de ces facteurs culturels nécessite à mon sens une adaptation fréquente du style de management par le dirigeant d’une équipe multiculturelle dans la mesure où contrairement à un contexte monoculturel, les règles d’interprétation au sein de l’équipe ne sont pas communes.
De mon expérience, j’ai pu retenir qu’un management plutôt directif envers les infirmiers asiatiques s’avérait souvent plus efficace qu’un style délégatif ou participatif dans la mesure où dans leur culture professionnelle, la prise d’initiative n’est que très peu encouragée.
Le choix d’un type de management qui pourrait s’adapter aux Asiatiques devrait considérer certains aspects de cette culture. Les Asiatiques se démarquent des autres pays par une culture communautaire. Dans cette optique, la communauté est considérée comme étant la source de protection des individus, ce qui fait que les Asiatiques accordent beaucoup d’obéissance et de dévouement au groupe auquel ils appartiennent. Mais il est admis que tout groupe est structuré. Le respect de la hiérarchie est de vigueur. Les individus doivent se conformer et se soumettre à la hiérarchie. Et ceci pourrait être la raison pour laquelle, ils n’expriment jamais leur mécontentement de manière directe, lors de mon travail au sein de l’établissement de santé.
Leurs conduites sont donc fortement codifiées et formelles. Cette démarche permet entre autre aux Asiatiques d’appartenir à un groupe pour maintenir un certain ordre social. La conformité au groupe en Asie suppose que l’individu se plie aux normes de ce groupe. S’il veut se distinguer, il doit le faire par rapport à un autre groupe auquel il n’appartient pas[5]. Dans cette culture, l’individu n’essaie pas de se distinguer du groupe comme en Occident. Il est amené par contre à se plier et à « accepter » les normes, les règles qui régissent le groupe auquel il appartient. Dans ce cadre, la prise d’initiative personnelle pourrait être mal jugée par les Asiatiques. Par contre, ils pourraient très bien se conformer aux règles qui sont fixés par l’établissement de santé. C’est la raison pour laquelle, les Asiatiques sont plus prédisposés à suivre un style de management directif que participatif ou délégatif.
Comme précisé supra, ce sont les dimensions culturelles qui sont au cœur du management interculturel car elles permettent de :
Représenter et de caractériser de manière comparative des systèmes culturels nationaux et organisationnels. Elles permettent ainsi une classification des particularités culturelles ainsi que la compréhension d’autres systèmes culturels, influençant la perception, les modes de pensée et de comportement des individus » (Waxin & Barmeyer, 2008, p 66).
C’est à partir de l’étude des théories de trois auteurs majeurs que nous appréhenderons les dimensions culturelles et leurs implications dans le management interculturel.
2.1.1 Les dimensions culturelles de Hall
Pour Hall, la culture est un système de communication. Anthropologue et donc centré sur l’observation des comportements, il émet l’idée que : « la culture nous dicte nos comportements, qu’elle programme chacun de nos gestes, chacune de nos réactions, de nos sentiments même ». (Hall et Hall, 1990, p 30). Les conduites à tenir lors des interactions sociales reposeraient donc sur « des modèles stéréotypés de comportement ». (Ibid., p 30).
Il définit la culture comme « un ensemble de règles tacites de comportements inculqués dès la naissance lors du processus de socialisation précoce dans le cadre familial ». (Hall In Chevrier, 2003, p 43).
2.1.2 Les dimensions culturelles de Hofstede
A l’issue d’une étude d’envergure menée dans les années 60 dans plus de 60 pays et auprès de 116 000 collaborateurs d’IBM, Hofstede proposa une typologie des cultures permettant d’analyser les facteurs culturels nationaux qui différencient les individus. Bien qu’ancien et critiqué, son modèle demeure le plus fréquemment utilisé pour étudier une situation de management interculturel.
La culture y est déclinée en quatre dimensions supposées collectives: la distance hiérarchique, le contrôle de l’incertitude, l’individualisme et la masculinité. Elles permettent de préciser comment s’expriment les principales caractéristiques des différentes cultures au sein de la sphère professionnelle puis d’en déduire des implications en termes de pratiques adéquates de management.
La première dimension est représentée par la distance hiérarchique qui symbolise le degré d’inégalité attendu et accepté par les individus. Elle se mesure par la perception que le subordonné a du pouvoir de son chef. Selon son milieu culturel, le sujet acceptera plus ou moins bien l’autorité alors que certains la rechercheront. Cette distance hiérarchique est forte au sein des sociétés qui tolèrent une inégale répartition du pouvoir. Dans ces pays, la dépendance des subordonnés vis à vis de leur supérieur est grande et le style de management est plutôt directif. À contrario, elle est faible pour les pays qui tolèrent mal l’inégale répartition du pouvoir. Le style de management y est plutôt participatif et les critiques constructives trouvent un plus grand écho.
Le contrôle de l’incertitude : L’indice de contrôle d’incertitude d’un pays est l’expression du niveau d’anxiété qui existe dans une société donnée face à un avenir incertain. Ce niveau d’anxiété fait partie de la programmation mentale des membres de cette société dans leur famille, à l’école, puis dans leur vie d’adulte. Le degré de contrôle d’incertitude d’un pays mesure donc le degré d’inquiétude de ses habitants face aux situations inconnues ou incertaines[6]. Ce sentiment s’exprime, entre autres, par le stress et le besoin de prévisibilité : un besoin de règles, écrites ou non. Dans les pays à faible contrôle de l’incertitude, les individus sont mal à l’aise face aux règles rigides. Dans les pays à fort contrôle de l’incertitude, comme les pays « latins », c’est l’absence de règles qui est déstabilisante.
L’individualisme/collectivisme : Cette notion fait référence au degré d’indépendance et de liberté que peuvent revendiquer les membres d’une société. Il oppose ainsi deux catégories : les sociétés communautaires où le temps passé pour le groupe est valorisé et, à contrario, les sociétés dites individualistes où c’est le temps passé pour la vie personnelle qui est privilégié. L’analyse de ces recherches met en évidence une importante corrélation entre la pauvreté d’un pays et le sens communautaire de ses membres alors que l’individualisme est plutôt l’apanage des pays riches. A titre d’exemple, les méthodes de résolution de conflits peuvent s’avérer différentes selon le type de culture. Si une société individualiste favorise la confrontation ouverte, une société communautaire privilégiera plutôt le maintien d’une harmonie au sein du groupe.
La dernière dimension est représentée par l’opposition entre masculinité et féminité : Elle révèle une tendance pour des valeurs considérées comme étant plutôt féminines telles que l’enrichissement personnel, la qualité de vie, les relations et la sollicitude où les conflits se règlent généralement par la parole et la recherche du compromis. La capacité de communication et l’aptitude à coopérer sont des valeurs intrinsèques à ce type de structure. Par opposition, la masculinité révèle une tendance pour des valeurs telles que la compétitivité et l’assurance. Dans ce type de société, « l’accent de vie est mis sur le défi, la compétition entre collègues et supérieurs, la reconnaissance est symbolisée par la carrière et le salaire ». (Waxin & Barmeyer, 2008, p 76).
Pour ses travaux, Hofstede utilisa une échelle cotée de 1 à 120 qui déterminait l’intensité de chacune de ces dimensions culturelles par pays.
A titre d’exemple, le tableau ci dessous présente les indices pour chaque nationalité avec lesquelles j’ai collaboré durant mon expérience professionnelle interculturelle. Ce type d’outil pourrait me permettre d’identifier à priori, les éléments susceptibles de représenter des points de blocage mais également les points d’ancrage que nous pourrions rencontrer. Il témoigne de la nécessité de prendre en considération ces dimensions culturelles comme éléments incontournables de la stratégie managériale.
Tableau 1 :[7] Les quatre dimensions de la culture selon Hofstede, en fonction des pays
Distance hiérarchique | Contrôle de l’incertitude | Individualisme / collectivisme | Masculinité / féminité | |
Chine | 80 | 30 | 20 | 66 |
Corée | 78 | 48 | 14 | 46 |
France | 68 | 86 | 71 | 43 |
Philippines | 94 | 44 | 32 | 64 |
Thaïlande | 64 | 64 | 20 | 34 |
L’interprétation de cette typologie de culture me permet point par point de confronter ces données à mon expérience de terrain.
De fait, nous constatons qu’à propos de la distance hiérarchique, la culture asiatique (à l’exception de la Thaïlande) tolère un style de management plutôt directif (ce qui est confirmé par mon expérience interculturelle) en opposition avec la culture française qui s’accommoderait mieux d’un style plus participatif où chacun peut être force de propositions.
Le management interculturel implique la considération et la reconnaissance de l’existence de cultures différentes que ce soit à l’échelle nationale ou à l’intérieur d’une organisation. Le cadre de santé est donc amené à mettre en adéquation les spécificités culturelles des infirmiers qui se trouvent sous sa responsabilité sans pour autant porter préjudice aux stratégies globales fixées par l’entreprise.
La culture influence de ce fait, l’organisation de l’entreprise, ce qui mène à une formulation des grandes tendances de management en fonction des pays et des parties du monde. Cependant, il est intéressant de noter que de telles études, ne devraient pas conduire à une vision stéréotypée dans la mise en place d’un système de management d’employés de différentes cultures. Le tableau suivant nous montre les différentes caractéristiques des modèles de management en fonction du pays et de la région du monde considéré. Mais les données fournies dans ce tableau sont loin d’être exhaustives et elles pourraient de ce fait, varier légèrement en fonction de la région, de l’entreprise et des dynamiques propres aux groupes considérés (Braflan-Trobo, 2009, p. 143.)
Tableau 2: Modèle de management en fonction des pays (source : Braflan – Trobo, 2009)
Modèle | Régions concernées | Grandes caractéristiques du management |
Français | France | Style de management directif
Rôle du statut déterminant Forte distance hiérarchique et contrôle élevé de l’incertitude Présence syndicale forte Régime de redistribution développé Sens de l’honneur Forte affectivité |
Asiatique | Asie | Influencée par le confucianisme
Liens familiaux solides au sein de l’entreprise Respect de la hiérarchie Orientation vers le groupe plutôt que l’individu Dimension sociale de l’entreprise forte |
Nord- Américain | Etats-Unis, Canada | Rôle déterminant des marchés et de la concurrence
Capital risque développé Faible taux de syndicalisation Inégalités fortes Rapports hiérarchiques limités (distance hiérarchique faible) Forte mobilité Grande flexibilité Grande autonomie et confiance élevée faite aux hommes |
D’après ce tableau, nous pouvons voir que les styles de management français, asiatique et nord-américain sont très différents. Nous pensons que pour diriger une équipe asiatique, il serait plus facile d’opter pour un management directif parce qu’ils ont un grand respect de la hiérarchie. Le pouvoir et la décision dans la plupart des pays asiatiques reviennent aux dirigeants alors que dans les pays européens, la prise de décision est concertée entre les dirigeants et les subalternes. Le contraire est observé en Amérique et en France, où les employés qui composent une organisation tendent à participer de façon dynamique au management de l’entreprise.
Les modèles de management Etatsunien et Canadien s’adaptent plutôt à un pays capitaliste où, les relations et les comportements au sein de l’organisation sont plutôt dictés par le marché et la concurrence. Les Américains adoptent un management plutôt flexible qui encourage les échanges et participe à une plus grande autonomie et une confiance de la part des employés. En France, le style directif pourrait également être adopté parce que la distance hiérarchique est forte et le statut influence fortement le management de l’entreprise.
Ainsi, il appartient au cadre de santé qui doit gérer une équipe multiculturelle de connaître d’abord, si les infirmiers sont issus d’un pays dont la culture est individualiste ou collectiviste. Pour les collectivistes comme les pays asiatiques, la distance hiérarchique est forte et le pouvoir est représenté par l’aîné ou par le dirigeant, le supérieur hiérarchique. La culture collectiviste ne discute pas les ordres des dirigeants. Pour les individualistes, l’important est de donner un sens à l’action. La participation des différents acteurs est vivement souhaitée. Mais dans la culture américaine, le management se base sur les résultats[8].
Devant ces deux types de cultures, nous pouvons dire que le management directif est adapté aux collectivistes comme les Asiatiques et aux pays où la distance hiérarchique est forte comme la France. Mais le management participatif est plus adapté aux individualistes comme les Américains ou les Canadiens. Dans ce cadre, le management des entreprises françaises et asiatiques ne présentent pas de différences notables. Ils adoptent une certaine autorité dans leur style de management et montrent une forte structure hiérarchique. La seule différence qui existe entre le style de management asiatique et français repose sur la réponse du collaborateur face au management du responsable hiérarchique.
En France, il n’est pas rare de voir que le collaborateur fasse des remarques en ce qui concerne les propos de son supérieur hiérarchique alors qu’en Asie un tel comportement est inadmissible. Il exprime de ce fait son insatisfaction ou sa désapprobation de façon non verbale, souvent par des silences, des contre questions et rarement, des déclarations verbales[9]. Mais dans la plupart des cas, les occidentaux n’arrivent pas toujours à saisir le sens des comportements ou les attitudes manifestés par les orientaux.
En matière de contrôle de l’incertitude, je corrobore les données au sens où j’ai pu remarquer que les infirmiers asiatiques s’accommodaient mal les règles et normes strictes en vigueur au sein de la clinique (respect des horaires de travail notamment, respect des protocoles établis..).
Troisièmement, la notion individualisme/collectivisme révèle une nette opposition entre les cultures asiatiques et françaises. En effet, j’ai pu constater que les infirmiers asiatiques avaient tendance à éviter la confrontation lorsque des désaccords ou des incompréhensions se présentaient au sein de l’équipe. L’expression de leur opposition s’exprimait non pas à travers une désapprobation ou une manifestation de mécontentement, mais par une certaine passivité voire une nonchalance sur les préconisations décidées par la hiérarchie. C’était un des points les plus éprouvants dans la mesure où il mettait régulièrement en péril l’harmonie de l’équipe.Je ne manquerai pas d’aborder ce fait au cours des entretiens prévus lors de l’enquête exploratoire qui pourrait m’apporter des axes d’amélioration sur ce point car pour ma part,je n’avais pas réellement réussi à apporter de solutions satisfaisantes sur le long terme.
Enfin, la dimension représentée par l’opposition entre masculinité et féminité situe la France proche des cultures coréenne et thaïlandaise en opposition avec les cultures chinoises et philippines.
2.1.3 Les dimensions culturelles de Trompenaars et Hampden Turner
Les recherches de Trompenaars et Hampden Turner nous permettent d’étoffer notre compréhension des différences culturelles dans le milieu professionnel en montrant en quoi les façons d’agir et de penser des individus peuvent être différentes selon les cultures.
Ces différentes dimensions culturelles nous amènent à nous poser un certain nombre de questions que tout manager soumis à un contexte interculturel pourrait se poser pour organiser et coordonner le travail d’équipe.
« L’universel ou le particulier » :Faut-il faire ce qui est établi comme correct ou s’adapter aux circonstances particulières ? Est-ce que nous favorisons les règles ou bien les relations personnelles ?
« L’individu ou le groupe » : Est-ce que nous fonctionnons dans un groupe ou en tant qu’individu ?
« La neutralité ou l’affectivité » : Est-ce que nous affichons nos émotions ?
« Le statut attribué ou le statut acquis » : Devons-nous faire nos preuves pour acquérir un statut ou nous est-il attribué par les autres ?
« Le spécifique ou le diffus » : Jusqu’à quel niveau devons-nous nous impliquer vis à vis d’une personne ou d’une situation ?
« Le temps synchronique ou le temps séquentiel » : Dans une conception mono-chronique, le temps est conçu d’une manière linéaire, il y a une grande attention accordée à l’horaire, à la ponctualité. Ces cultures ont alors une approche séquentielle des choses à faire. Les relations à court terme y sont privilégiées. A l’inverse, une conception poly-chronique du temps signifie une approche synchronique des choses à faire (on peut faire plusieurs choses à la fois).
« L’universalisme ou le particularisme » : Est-ce qu’il n’existe qu’une règle universelle ou différentes solutions s’appliquant à des cas particuliers ?
Les cultures universalistes préfèrent appliquer la norme, la règle. Elles sont généralement d’usage dans les pays individualistes. À l‘inverse, les sociétés particularistes se réfèrent aux circonstances particulières. De fait, elles accordent plus d’attention aux obligations relationnelles et aux circonstances conjoncturelles qu’à la règle qui peut être remise en question, du moment qu’elle apporte une solution adaptée à la situation.
Le modèle établi par Trompenaars et Hampden Turner permet d’établir des profils culturels afin de mettre en exergue des similitudes ou différences entre les individus dans le but d’anticiper les motifs de désaccord mais également d’identifier des passerelles susceptibles de constituer un terrain d’entente.
La connaissance de ces dimensions culturelles offre donc un aperçu des facteurs que tout manager confronté à la multicuturalité devrait prendre en considération. Il devient ainsi possible de minimiser les malentendus et les conflits liés à ces différences culturelles en les reconnaissant et en s’y adaptant. Néanmoins, il est prudent de les considérer comme un outil d’aide à la décision et non de tomber dans les stéréotypes (tous les individus d’un même pays confronté à un problème identique n’ont pas des réactions forcément similaires).
2.2 LA MULTICULTURALITÉ
Après avoir évoqué la notion de culture et avant d’aborder le management interculturel, il me semble opportun de définir ce que sont l’interculturalité et la multiculturalité.
Le terme « multiculturalité » évoque l’existence de plusieurs cultures. Elle désigne :
La coexistence plus ou moins pacifique ou conflictuelle, sur un territoire réel ou virtuel de plusieurs communautés culturelles ; ou encore : variété culturelle des sociétés et capacité des cultures à exister au sein d’une même société sans qu’elles se dissolvent dans un modèle unique. Par extension : capacité des cultures à interagir entre elles[10].
L’interculturel, pour sa part, fait allusion au « processus dynamique d’interaction entre individus et groupes porteurs de représentations et de valeurs différentes ». (De Villanova et al, 2001, p 198).Un groupe, une société, une organisation ou une équipe sont dits interculturels lorsqu’ils se composent de différents groupes culturels.
L’équipe multiculturelle peut se définir comme : « un groupe de personnes provenant de diverses cultures, qui travaillent ensemble et mettent leur expérience ainsi que leur vision au service de leur entreprise ». (Aoun, 2009, p 9).
2.3 LE DIRIGEANT D’ÉQUIPE MULTICULTURELLE
C’est un manager dont la fonction première est de diriger un ensemble d’individus tout en accordant une importance particulière aux relations interculturelles au sein de l’équipe. Outre les compétences classiques du manager, les qualités suivantes sont requises pour un dirigeant d’équipe multiculturelle : « sa capacité à reconnaître les différences culturelles » (…), « son habileté à nouer des relations interpersonnelles » (…) et enfin, « son aptitude à comprendre les diverses mentalités et à être à l’aise dans un environnement multiculturel ». (Ibid., 2009, p 10).
Les avantages et les inconvénients d’une équipe multiculturelle : [11]
AVANTAGES | INCONVENIENTS | |
POUR L’EQUIPE |
Créativité : suscite des idées plus nombreuses et plus fécondes. Oblige les participants à mieux tenir compte des apports de chacun (coopération). |
Difficulté de communication (car pas la même langue maternelle). Méfiance à travers les stéréotypes. Tensions interpersonnelles dues aux incompréhensions. |
POUR LE MANAGER |
Confrontation des idées pour une meilleure définition des problèmes et donc des meilleures solutions et prises de décision. Le groupe gagne ainsi en efficacité et productivité. |
Manque de cohésion qui rend difficile la validation des idées et l’obtention d’un consensus. Le groupe peut devenir moins efficace et moins productif. |
2.4 LE MANAGEMENT INTERCULTUREL
2.4.1 Contextualisation
Le management interculturel est né suite à la progression du mouvement d’internationalisation des entreprises notamment à travers les processus d’acquisitions et de fusions (Loth, 2006). Ces processus d’internationalisation ont ainsi multiplié les expériences de collaboration multiculturelle représentant autant d’opportunités de rencontres de cultures.
D’autre part, il a été observé que les mentalités et les attentes des différents acteurs au sein d’une même entreprise se sont diversifiées. Par conséquent, les firmes ne peuvent plus appliquer une technique de management universelle ou standard qui tiendraient compte peu ou proue de l’appartenance culturelle de ses membres.
Le phénomène de mondialisation a également contribué à développer la multiculturalité au sein de la société. Les collaborations, la réalisation des projets communs, les alliances entre les entreprises font que le management des interculturalités s’avère indispensable pour la réussite des affaires car ce concept ne manque pas d’impacter sur la gestion des entreprises (Barmeyer, 2007).
C’est donc à partir de processus d’internationalisation des entreprises que le management interculturel a vu le jour, porté par la nécessité d’appréhender et de faire cohabiter différentes cultures au sein d’une entreprise sans en menacer sa performance et sa compétitivité. En effet, nombre d’entreprises ont constaté à leurs dépens « les limites d’une politique qui ignore les différences ou tente de les gommer par l’imposition d’un modèle dominant réputé à vocation universelle ». (Chevrier, 2003, p 8).
2.4.2 Définitions
Pour introduire ce concept, Meier (2010, p 100) nous en propose la définition suivante :
On peut définir le management interculturel comme un mode de management qui reconnaît et prend en compte les différences culturelles et tente, par des actions organisationnelles et relationnelles, à les insérer dans l’exercice des fonctions de l’entreprise, en vue d’améliorer sa performance économique et sociale.
Partant de ce postulat, il avance l’idée que le management interculturel a pour but de favoriser « les perspectives de changement » tout en évitant « les crispations identitaires ».
Pour Kumar (1995, p 59):
Le management interculturel concerne les différences et les points communs culturels des membres de sociétés différentes dans des entreprises opérant au niveau international, qui apparaissent dans le cadre d’interactions. Ces différences et ces points communs se manifestent dans les modèles de perception et affectifs, les modes de pensée et les méthodes travail ».
L’auteur stipule entre autre, que ces différences culturelles pourraient avoir des influences positives dans la mesure où elles créent des « effets synergiques ». Mais il est évident que les différences entre les individus peuvent être également sources de conflits et de malentendus culturels. C’est ainsi qu’on parle d’incidents critiques.
Ceci rejoint la définition donnée par Waxin & Barmeyer (2008, p 65) : « le management interculturel est un champ de recherche et de pratique qui étudie les similarités et les différences entre acteurs d’origines culturelles – nationales et/ou organisationnelles – différentes, dans leurs interactions interpersonnelles ».
Il a été affirmé entre autre que le management interculturel est :
Un outil de gestion qui vise à construire des articulations entre porteurs de cultures différentes afin de minimiser les conséquences négatives des différences pour les individus et les entreprises et de bénéficier des ressources potentielles qu’offre chaque culture ». (Danvers, 2009, p 344).
Krewer (2003), quant à lui, souligne que la connaissance des règles, ou lois qui régissent une communauté bien déterminée permet de manager cette dernière. Les orientations de base du comportement d’un groupe culturel reposent sur l’identification des modèles de valeurs et d’orientation de l’entreprise.
Dupriez & Simons (2002, p 14) donnent la définition suivante pour le management interculturel :
Une forme de management qui, reconnaissant l’existence de cultures locales, tente d’intégrer les valeurs sur lesquelles reposent ces cultures dans l’exercice des différentes fonctions d’entreprise et, en même temps, s’efforce de coordonner ces fonctions au sein d’une politique d’entreprise.
Le management interculturel se focalise sur la stratégie, les fonctions et les comportements en relation avec le style de travail. Il cherche à analyser les différentes interactions qui peuvent exister au sein et entre les entreprises. Il se fonde sur les interactions avec des personnes de cultures étrangères et/ou avec un environnement culturel étranger (Barmeyer, 2007).
Cette discipline requiert de ce fait, une aptitude à percevoir et à comprendre les ressemblances et les différences qui particularisent les nations et les cultures (cf. partie traitant des dimensions culturelles). Elle requiert entre autre la capacité à poser les problèmes fondamentaux du point de vue organisationnel et stratégique (Hellriegel&Slocum, 2006).
En résumé, le management interculturel est considéré comme :
Une forme de management capable de connaître l’existence de cultures différentes, d’intégrer les valeurs sur lesquelles reposent ces cultures dans l’exercice des différentes fonctions de l’entreprise et de combiner la prise en compte des spécificités culturelles avec les impératifs stratégiques globaux. (Dupriez&Simons, 2002, p 125).
A partir des définitions citées ci dessus, nous pouvons extraire les trois invariants du management interculturel : la diversité des cultures (cf. paragraphe relatif à la culture), la notion d’interaction au sens où l’entend Chevrier (2003, p 5) soit : « la rencontre des cultures et non leur coexistence » ; et enfin, le contexte organisationnel car « la rencontre des cultures ne s’opère pas ici dans un but de découverte mutuelle mais (…) vise à identifier des voies pour assurer la coopération malgré les différences, voire pour profiter des ressources potentielles qu’offre la diversité culturelle » (ibid., p 6).
2.4.3 Ses objectifs
Cette discipline de gestion a pour but d’améliorer les interactions multiculturelles dans le milieu de travail. Dans ce cadre, elle se concentre sur l’influence de la culture, sur les perceptions, les interprétations et les actions des acteurs. La diversité culturelle devrait constituer dans ce cas, un outil et une ressource permettant d’optimiser la synergie des différents acteurs (Loth, 2006). Dupriez & Simons (2002, p 13) l’affirment en ces termes : « tenter de tirer parti de cette diversité plutôt que d’en subir les inconvénients, de tenter de concilier des pratiques de management qui en tiennent compte et les exigences d’une perspective globale qui reste nécessaire ».
Le management interculturel vise à améliorer la compétence interculturelle au sein de l’entreprise multiculturelle. Cette compétence interculturelle correspond à la faculté de comprendre les situations interculturelles et de s’y adapter (cf. partie sur la compétence interculturelle du manager). Il est évident que cette compétence interculturelle ne pourra être acquise à moins d’avoir des connaissances concernant les cultures étrangères, leurs valeurs et les comportements jugés adéquats (Loth, 2006).
Le management interculturel s’inscrit dans le cadre du maintien de l’équilibre entre la prise en compte des spécificités culturelles des individus qui la composent et des contraintes stratégiques globales de l’entreprise. Il a été observé que la mise en commun de plusieurs cultures permettait d’obtenir de nombreuses valeurs issues des divers groupes et de communautés humaines. Par conséquent, un des objectifs poursuivi par le management interculturel est de créer un terrain d’entente entre ces différents groupes en évitant toutes formes de discrimination afin qu’ils puissent trouver un accord et confronter leurs idées dans le but d’atteindre un objectif commun (Mutabazi & Pierre, 2008).
2.4.4 Les facteurs d’influence dans le management interculturel
Le schéma ci-dessous met en évidence les trois facteurs prépondérants qui ont une influence sur le management interculturel.
- le contexte qui représente l’ensemble des éléments environnementaux (lieu d’exercice, ressources disponibles pour la personne, etc.),
- les facteurs liés aux personnes (degré d’expertise),
- les facteurs liés aux différentes dimensions culturelles (valeurs, croyances, etc.).
Or, ces facteurs interagissent et s’influencent mutuellement, de sorte que les problèmes qui pourraient se poser en situation interculturelle nécessiteraient la prise en compte de l’ensemble de ces facteurs pour être résolu.
2.4.5 Mise en œuvre du management interculturel
Le management interculturel ne peut être une stratégie figée car sa mise en œuvre implique la considération de nombreux facteurs. Dans cette perspective, la démarche interculturelle nécessite l’établissement de stratégies qui permettent d’exploiter les différences culturelles pour les transformer en potentialités. Il est donc essentiel d’analyser les possibles interactions des cultures entre elles dans un contexte de travail (Loth, 2006).
Sa mise en place requiert également la recherche de champs d’équivalence entre les différentes cultures présentes au sein de l’entreprise dans le but de créer une synergie. « Il est question de synergie lorsqu’en interagissant, ces acteurs permettent d’atteindre des performances d’une qualité supérieure à la somme des performances individuelles de ces mêmes acteurs ». (Waxin & Barmeyer, 2008, p 89). On parlera de synergie interculturelle lorsque la diversité culturelle est au cœur de ce dispositif.
Ces différentes raisons nous conduisent à affirmer que la réussite du management interculturel est étroitement liée à la capacité de communication des collaborateurs et du manager. Cette communication implique également l’aptitude du manager à rapprocher les individus issus de nationalités et de cultures différentes. De cette manière, il devient plus facile d’écouter les revendications des collaborateurs afin de ne pas sombrer dans des polémiques difficilement contrôlables.
Ainsi, lors de mon expérience interculturelle, j’ai pu constater qu’il n’était pas facile pour les infirmiers étrangers, qui, bien souvent, pratiquaient dans leurs pays respectifs des actes qui outrepassent les compétences d’un infirmier en France, de distinguer :
- les actes relevant du rôle propre infirmier,
- des actes nécessitant d’être traités en collaboration ou relevant du domaine médical.
De fait, chacun d’entre eux a éprouvé à un moment donné une perte de repère lié au sentiment d’être reconsidéré comme novice. Ce qui est compréhensible dans la mesure où il me semble délicat d’exercer le métier de soignant dans un autre pays que celui où vous avez appris, avec un rôle infirmier différent ainsi que des coutumes et une langue étrangère (que vous maitrisez plus ou moins bien). Cette considération méritera d’être probablement renforcée lors de ma prochaine expérience interculturelle.
Un des facteurs clé de succès du management interculturel reposerait donc sur l’aptitude du manager à prendre en considération les caractéristiques d’une culture, et d’autres facteurs car les différentes subdivisions à l’intérieur de celle-ci telles que l’appartenance ethnique, la langue, la religion, le sexe, la génération, la classe sociale et le niveau d’éducation sont autant d’autres facteurs entrant en ligne de compte. On parle alors de caractéristiques subculturelles. Or, ces caractéristiques rendent encore plus subtil le management des différentes cultures existantes au sein d’une entreprise (Waxin et Barmeyer, 2008). L’analyse interculturelle ne devrait donc pas se focaliser sur un point de vue ou une seule rationalité.
2.4.6 Les impacts du management interculturel
Le management interculturel se base sur la gestion des ressources humaines afin de rapprocher les acteurs issus de cultures différentes et de développer des méthodes, des instruments qui pourraient limiter les différends entre les cultures tout en cherchant un terrain d’entente (Magakian et al., 2003).
C’est ainsi que l’intégration de la dimension culturelle dans le management a désormais conduit à l’évolution des modes de management de l’entreprise (Dupriez & Simons, 2002).
Comme nous venons de l’esquisser, ce nouveau mode de management implique, entre autre, la maitrise d’une communication particulière ainsi que des compétences interculturelles.
Dans cette optique, il nécessite une capacité du responsable à analyser des situations complexes mettant en scène des individus issus de cultures différentes (Mutabazi & Pierre, 2008).
2.4.7 Les compétences interculturelles du manager
Outre les compétences linguistiques et managériales nécessaires, une compétence spécifique, interculturelle est un facteur clé de succès majeur.
Si elle suscite peu d’études pour le moment en France, les théoriciens lui portent un vif intérêt outre Atlantique : Adler(1994), Bennett (1993), ainsi qu’en Allemagne, Barmeyer (2007).Elle peut se définir comme :
La capacité d’un individu à savoir analyser et comprendre les situations de contact entre personnes de cultures différentes puis à les gérer et valoriser dans le sens des objectifs de l’entreprise. Il s’agit par conséquent de la capacité à prendre une distance suffisante par rapport aux situations de confrontation, pour être à même de repérer et d’accompagner les processus de changement à venir. (Meier, 2010, p 186).
Cette compétence interculturelle admet selon Waxin & Barmeyer (2008, p 216), trois composantes :
- Une dimension émotionnelle relevant de la sensibilité interpersonnelle et culturelle. Parmi ces aptitudes, on recensera la propension à s’intéresser à autrui, la capacité d’ouverture, l’empathie, la flexibilité, la tolérance et enfin le polycentrisme.
- Un savoir cognitif : Il correspond à des connaissances spécifiques relatives aux différentes cultures, us et coutumes et langues étrangères ; mais également, cela implique de savoir tenir compte des différences culturelles même lorsque des objectifs communs sont poursuivis.
- Des aptitudes comportementales basées sur le sens du dialogue productif et de la coopération, la capacité à concevoir et à communiquer des représentations pertinentes qui encouragent et guident l’action collective et enfin, la capacité à « mettre en place des synergies en ne s’attachant pas aux structures existantes, mais au contraire, agir dans une perspective d’évolution et encourager la naissance du qualitativement nouveau » (Ibid., p 217).
Notons que la compétence interculturelle :
S’acquiert donc par l’apprentissage permanent dans lequel se situe toute rencontre interculturelle, mais aussi par la maitrise de méthodes actives d’expérimentation, de moyens d’observation, d’analyse et d’évaluation qui permettent de se situer dans l’échange, de prendre de la distance et de conduire dans de bonnes conditions le processus d’échanges. (Meier, 2010, p 186).
2.4.8 Les spécificités de la communication interculturelle
Les enjeux qu’elle sous-tend sont cruciaux dans la mesure où sa maitrise ou non maitrise de la part du manager « peut engendrer de nouveaux perdants et de nouveaux gagnants » (Schneider & Barsoux, 2003, p 233).
Le processus de communication implique un émetteur et un récepteur ainsi que le recours à un système de codage/décodage qui permettent d’interpréter le message. La compréhension de ce dernier pourrait être perturbée par des interférences, des distorsions ou des incompréhensions. De surcroît, les barrières culturelles peuvent avoir « des conséquences sur le processus de codage et décodage des acteurs, en fonction de leurs sensibilités respectives ». (Meier, 2010, p 191).
Il affirme également :
Qu’il importe dans le cas de relations interculturelles que la connexion établie puisse avoir un caractère positif et maitrisé. Il faut en effet éviter que le message renvoie à des interprétations stéréotypées, critiques ou négatives (…). C’est de cette façon que l’entreprise peut réussir à mobiliser et motiver ses équipes et valoriser les différences culturelles. (Ibid., p 192).
La communication ne se limite pas au seul contenu du message qui peut être véhiculé. Elle comprend également d’autres éléments caractéristiques de la communication non verbale tels que : le paralangage, les mouvements physiques, l’utilisation de l’espace, l’environnement et le rapport au temps qui revêtent une importance d’autant plus grande que nous nous situons dans un contexte interculturel. Les malentendus peuvent s’avérer préjudiciables ; à titre d’exemple, regarder quelqu’un dans les yeux lorsqu’on lui parle n’a absolument pas la même signification en Occident qu’en Asie.
2.4.9 La différence de culture : une potentialité pour le manager
Il a été affirmé que la différence entre les membres d’une équipe interculturelle pourrait être utilisée dans le but de tirer profit des singularités de « l’autre culturel ». Par rapport à un groupe issu d’une seule culture, nationalité ; une équipe hétérogène pourrait générer une multitude d’idées et de pratiques portant sur un même thème. L’analyse du problème et l’écoute des différents points de vue des acteurs rendent plus efficace la concertation entre les membres de l’équipe et permet d’obtenir ainsi une plus grande diversité de solutions. Cette démarche permet par la suite, d’avoir de nouvelles pistes de résolution face aux situations professionnelles. La confrontation d’idées pourrait mener l’entreprise à être plus innovante dans ses activités. Il a été observé dans ce même fil d’idée, que les équipes qui montrent une diversité culturelle sont plus productives et plus efficaces (Gérard, 2005). En effet, lors de mon expérience interculturelle, ce n’est que grâce à la coopération entre infirmiers étrangers et français que nous avons pu mener une campagne de prévention efficace sur le respect des règles hygiéno-diététiques saines auprès des travailleurs du site.
2.4.10La multiculturalité comme frein au développement de l’entreprise
Nous avons vu que l’environnement multiculturel est un environnement complexe auquel, le manager et les membres de l’équipe devront faire face. Il est évident que plus il y a des cultures différentes, plus les situations qui peuvent se présenter augmentent également. De plus, la différence entre les cultures pourrait menacer la cohésion de l’équipe. Ceci pourrait provenir du fait que le message est transmis dans un langage qui n’est pas compréhensible de tous. Par conséquent, l’équipe multiculturelle est plus prédisposée à avoir des problèmes de communication qui sont à l’origine des incompréhensions et de conflits (Gérard, 2005).
Outre à cela, une équipe formée de plusieurs cultures peut souffrir des impacts des stéréotypes de l’autre culture. Les caractéristiques de chaque culture se trouvent dans ce cas, englobées dans une image globale et simplificatrice. Ces stéréotypes constituent certes, des outils pour communiquer avec les personnes qui ne partagent pas les mêmes points de vue, mais en aucun cas, ils ne devraient être utilisés pour caricaturer un individu parce que ce dernier est unique. Bien que le concept de multiculturalité suscite la cohabitation de plusieurs cultures, il a été constaté que dans certaines situations, le groupe culturel majoritaire va tenter d’imposer ses valeurs et son mode de fonctionnement culturel au reste de l’équipe, ce qui revient à rejeter les autres cultures (Gérard, 2005).
Il a été remarqué également que les ambiguïtés qui existent au sein d’une entreprise pourraient provenir des différences de perceptions et des attentes d’individus de différentes cultures. Par conséquent, une même situation sera vécue et interprétée de façon différente d’une culture à une autre. Cette situation provoque des comportements différents chez les individus et peut nourrir les conflits au sein de l’entreprise.
La différence entre les cultures peut causer des erreurs de perception d’un message, d’un geste ou d’une situation. Par conséquent, elle pourrait affecter la dynamique du groupe en provoquant des problèmes de relations et d’incompréhensions entre les partenaires. La différence est également une source de tension entre les différents acteurs en créant des clivages au sein de l’entreprise. Dans les cas extrêmes, les personnes qui se sentent rejetés sont plus prédisposées à quitter l’entreprise (Loth, 2006).
Au cours de mon expérience, certains évènements trouvant leur source dans cette différence culturelle ont parfois porté atteinte au développement de l’entreprise voire même à sa pérennité. Parmi le plus significatif, les infirmières coréennes relataient à mon insu, sous forme de rapports écrits, les comptes rendus médicaux de l’ensemble des patients de leur entreprise venant consulter à leur hiérarchie. Nous nous en sommes aperçus après que plusieurs patients dont nous avions découvert fortuitement des maladies chroniques, aient été renvoyés dans leur pays sans autorisation médicale préalable. Or, ce qui en France est considéré comme une faute professionnelle grave et sévèrement puni par la loi : la rupture du secret professionnel ; n’était pas du tout perçu de la même manière par les infirmières coréennes qui ne comprenaient pas la gravité des faits qui leur étaient reprochés. Visiblement, nous n’avions ni les mêmes codes, ni la même lecture du secret professionnel.
Cette divergence est marquante à plus d’un titre et illustre bien la difficulté pour le manager de procéder à l’harmonisation des pratiques en contexte interculturel et les enjeux qu’elle représente, d’autant plus qu’elle aurait pu mettre en péril la confiance que les usagers portaient en la clinique. Elle témoignait d’autre part de deux conceptions soignantes antagonistes qui renforçaient les clivages déjà existants au sein de l’équipe.
2.4.11La multiculturalité en structures de soins
Force est de constater que si le management interculturel bénéficie de nombreuses recherches et publications, les recherches investiguant le secteur hospitalier sont en revanche, quasiment inexistantes.
Pourtant, l’hôpital est également un lieu empreint de multiculturalité. Elle se manifeste par exemple à travers les différentes croyances et les divers rituels qui entourent les situations rencontrées dans ces lieux (ex : lors de décès).
Par ailleurs, la venue massive d’étrangers a favorisé le développement de société multiculturelle dans laquelle, les équipes qui composent le personnel soignant ainsi que les patients, sont issus d’origine culturelle et religieuse très différentes. Cette situation complexifie les soins qui sont prodigués aux patients, ce qui implique que les infirmiers et les autres soignants qui prennent en charge le patient doivent disposer de connaissance de différentes cultures et de leur particularité, de leurs habitudes de vie, de leurs valeurs, et tous les autres éléments qui permettent de spécifier la culture du patient. Ceci exige du soignant entre autre qu’il améliore ses pratiques communicatives (Graber, 2002)[12]. C’est ainsi qu’ils sont amenés à remettre en question les rites qui tournent autour de l’alimentation, de la mort, des valeurs familiales, des représentations culturelles face à la souffrance, la maladie.
Les infirmières doivent assurer une prise en charge du patient, dans la considération de l’évolution technologique, l’environnement des usagers de soins et les compétences nécessaires pour donner un soin interculturel. Certes, les professionnels de santé ont acquis des connaissances qui les permettent de connaître le mode d’action et les effets d’un médicament, d’un type de soin sur telle ou telle maladie. Par conséquent, ils sont aptes à maintenir la santé de la population en exploitant ces savoirs. Or, ils doivent considérer le processus de guérison et les valeurs relatives à la pluralité de la conception de la santé.
Mais il est encore observé que les soignants peuvent éprouver peu d’intérêt pour la multiculturalité dans la mesure où la peur de l’inconnu les empêche d’entrer en contact avec le patient, ou provoque chez eux une réticence vis-à-vis de la prise en charge d’un patient dont la culture est différente de la leur. Il n’est pas rare de voir que les soignants semblent ne pas porter d’intérêt spécifique à la prise en charge du patient parce qu’il ne s’est pas habitué à la culture ou tout simplement à cause des préjugés portés à l’endroit des stéréotypes des patients (Lepain, 2003). Il a été observé en effet que certains patients peuvent se comporter de manière « déplacée » devant les soignants et devant des situations très précises, ce qui pourrait entraîner une gêne chez le soignant.
Dans un contexte de recherche d’une amélioration de la prise en charge des patients, le cadre de santé doit veiller entre autre à favoriser la communication entre les infirmiers qui vont assurer la prise en charge du patient, mais également, la communication et la relation entre le soignant et le patient. La culture soignante est à développer dans le cadre des échanges entre soignants de différentes cultures, mais comme nous l’avons précisé au début de notre étude, les échanges conduisent souvent à l’établissement d’un consensus et d’une pratique acceptée de tous. Et la culture soignante ne correspond pas forcément à celle du soigné, ce qui pourrait altérer la perception de la qualité des soins par ces derniers. Il est donc nécessaire de confronter et de trouver un consensus entre le point de vue du patient mais également celui du soignant[13].
C’est là qu’intervient la prise en charge spécifique des patients, ce qui implique la considération de la spécificité du patient. Cependant, le soignant ne devrait pas être influencé uniquement par des facteurs culturels. Certes, la culture est un facteur déterminant qui conditionne la perception, l’attitude et le comportement des individus. Cependant, il existe d’autres facteurs qui peuvent aussi impacter sur ces éléments tels que les déterminants socio-économiques, le parcours migratoire spécifique du patient, qui conditionnent aussi le comportement et l’attitude des patients[14].
Il convient de ce fait, de structurer un projet de soin comportant en premier lieu la formation des infirmiers et des autres intervenants à l’hôpital, l’adaptation du lieu d’accueil des patients, la facilitation de l’accès aux informations nécessaires pour le patient et pour les soignés et la création d’une cellule pluridisciplinaire d’accompagnement[15].
Ces rencontres interculturelles ont débuté grâce au développement de la médecine humanitaire qui a conduit au renforcement des échanges et des coopérations entre les pays du nord et du sud. De cette situation est apparue l’émergence de nouvelles techniques et de pratiques de soins mais cette technicisation des soins est difficile pour les pays en développement où les infrastructures médicales sont rudimentaires et où les matériels employés dans le milieu hospitalier s’avèrent souvent vétustes. Dans ces pays, la médecine traditionnelle occupe encore une place prépondérante. Devant la nécessaire rationalisation des moyens, les soignants doivent faire face à un choix dichotomique (médecine traditionnelle versus médecine occidentale) en sachant que ces derniers ont aussi leur propre identité, leur propre culture, qui influencent leurs croyances et par conséquent, influencent la prise en charge des patients en général.
De par notre culture soignante, nous avons tendance à penser que la médecine occidentale est plus efficace que la médecine traditionnelle alors que la médecine interculturelle repose plutôt sur un dialogue des rationalités entre les intervenants des deux cultures et non pas sur la domination d’une seule culture sur l’autre (Kopp et al., 2006).
Les études menées au sein d’hôpitaux parisiens constituées d’équipes soignantes multiculturelles ont permis de mettre en exergue : d’une part, que la multiculturalité en milieu hospitalier était difficile à manager et d’autre part, qu’il existe peu d’outils de gestion pour manager ces équipes. La composition d’une équipe multiculturelle se faisait, sans réelle réflexion de la part des tutelles en ne tenant pas forcément compte des compétences soignantes acquises à l’échelle internationale. Pourtant, la formation des soignants à l’interculturel (comme c’est le cas aux Etats Unis ou au Canada) s’avèrerait être une démarche précieuse visant l’amélioration des pratiques de soins dans les hôpitaux.
Or, ce problème concerne les cadres de santé au tout premier plan, dans la mesure où il est responsable de la sécurité et de la qualité des soins prodigués par l’équipe soignante placée sous leur responsabilité.
Un des objectifs de notre recherche est de préciser comment le cadre de santé peut-il mettre en synergie une équipe soignante multiculturelle ?
En préalable à cette recherche, prenons l’exemple d’un cadre de santé qui n’a pas bénéficié d’une formation à l’interculturalité. Faute de connaissances, il aura à sa disposition peu de leviers managériaux hormis la possibilité de fédérer les membres de son équipe autour d’une culture métier et de compter sur les compétences interculturelles supposées des soignants (Soleymani, 2011).
L’évidence de l’existence de plusieurs cultures aussi bien au niveau du personnel soignant qu’au niveau de la population de soignés a incité les hôpitaux à procéder à des médiations interculturelles. Ce phénomène s’est principalement accentué à la fin des années 90 au moment même où les flux migratoires ont augmenté et les obstacles à la communication entre soignants et patients et entre les soignants issus de différentes provenances commençaient à impacter sur le processus, mais également sur la qualité des soins.
La médiation interculturelle implique l’amélioration de la communication avec les patients, les familles et les professionnels de santé, grâce à l’information des soignants sur les caractéristiques culturelles et religieuses des patients et sur les modes d’expressions qui pourraient être utilisés en termes de santé, de maladie, de douleur, et des caractéristiques culturelles générales.
La médiation interculturelle implique entre autre l’interprétariat et la défense des intérêts des usagers. Cette démarche a notamment permis d’améliorer l’accessibilité et la qualité des soins prodigués par et pour les personnes d’origine étrangère. Les hôpitaux qui ont mis en place cette démarche ont observé une meilleure anamnèse, une amélioration au niveau de l’établissement du diagnostic et par conséquent, une amélioration de la qualité des soins (Gérard, 2005).
2.5 SYNTHÈSE RELATIVE AU MANAGEMENT INTERCULUREL
Les particularités des membres d’une équipe multiculturelle s’expriment par l’hétérogénéité des origines culturelles, des expériences et des compétences de leurs membres, mais également dans les styles d’apprentissage. « Chaque membre de l’équipe assimile de façon différente les éléments cognitifs et affectifs qui influencent son comportement. Il doit observer, réfléchir, organiser, conceptualiser et agir pour atteindre les objectifs fixés » (Waxin & Barmeyer, 2008, p 14). Plus précisément, selon Kolb (2005), chaque individu développe des « structures cognitives » personnelles qui lui permettent de répondre aux problèmes auxquels il est confronté.
Une équipe multiculturelle certes, tire des avantages dans la mesure où la diversité pourrait être considérée comme étant une richesse à exploiter par les différentes parties. Les différences entre les membres de l’équipe conduisent à une plus grande ouverture d’esprit concernant la situation problème, et donne de nouvelles visions concernant les situations qui se présentent, les perceptions des autres, et les pratiques qu’ils mettent en place pour soigner les patients ou pour résoudre le problème. Mais les différences sont aussi sources de conflits entre les différents acteurs. En effet, les conflits sont favorisés par les différentes incompréhensions.Force est de constater que même si la société actuelle est amenée à accepter les différentes cultures, les membres de l’équipe tendent inéluctablement à former des clans en fonction de leur appartenance culturelle, ce qui constitue un frein au développement de l’entreprise.
Or, le management interculturel est établi dans le but d’améliorer les interactions entre les différents membres d’une équipe en sachant qu’ils sont issus de cultures différentes. Vu sous cet angle, il se trouve confronté à la nécessité de favoriser la communication et les échanges entre les membres du groupe multiculturel d’une part, et de gérer les différents conflits qui pourraient découler des différences entre les cultures, d’autre part, afin d’assurer une bonne qualité de service.
Cela nécessite la considération de certaines compétences chez le manager interculturel afin de maintenir la cohésion entre les membres de l’équipe multiculturelle. Il y a d’une part, la dimension émotionnelle qui permet de s’intéresser aux autres et de faire preuve de flexibilité et d’ouverture devant une culture différente. D’autre part, il y a la dimension cognitive impliquant les connaissances spécifiques du manager concernant les différentes cultures. Enfin, il existe des aptitudes comportementales qui reposent sur la capacité de communication du manager et sa capacité à gérer l’équipe.
Dans le milieu sanitaire, les problèmes inhérents aux différences culturelles sont également observés. Or, ces obstacles ne devraient pas porter préjudice à la qualité des soins prodigués aux patients. Il faut noter entre autre que chaque culture possède ses propres visions concernant les pratiques de soins ainsi que les différentes méthodes qui peuvent être utilisées pour soigner le patient.
Au début de notre recherche, nous avons formulé l’hypothèse qu’un type de management spécifique, le management interculturel, permettrait au cadre de santé de gérer la diversité culturelle au sein d’une équipe soignante. Pour autant, la seule gestion de la diversité culturelle ne nous permet pas d’apporter des éléments de réponse à notre problématique initiale qui vise l’harmonisation des pratiques professionnelles au sein d’une équipe multiculturelle. Cette harmonisation recherchée passe par l’élaboration de stratégies d’apprentissage que le cadre pourrait déployer pour construire des savoirs en communs au sein de l’équipe.
Dans cette perspective, après nous être intéressés aux particularités d’une équipe multiculturelle et aux problématiques managériales qu’elles suscitent, il convient donc à présent, de préciser comment le cadre de santé pourrait, dans un tel contexte, induire ce processus d’apprentissage ? C’est à partir de l’étude des théories de l’apprentissage que nous allons tenter d’y répondre.
3 LE CONCEPT D’APPRENTISSAGE (Les théories de l’apprentissage)
L’étude de ce concept est motivée par les raisons suivantes :
Premièrement, les Sciences Infirmières ne sont pas une discipline figée et elle s’est intensifiée même. Je prends donc comme postulat qu’il y a toujours matière à apprendre de par la singularité de chaque situation de soins.
Deuxièmement, l’appréhension du concept d’apprentissage me parait être un élément de réponse aux questions que tente de résoudre le management interculturel. En effet, il semblerait que la construction de la compétence au sein d’une équipe soignante, le partage et la création des savoirs en communs reposent sur deux facteurs importants: d’une part, la manière dont les individus au sein du groupe ont acquis leur pratique professionnelle et d’autre part, identifier les méthodes pédagogiques que le cadre de santé souhaite utiliser.
Selon Rubenfeld & Scheffer (1999, p 60) :
Les essais de classification et de standardisation des soins sont trop simplistes et ne reflètent pas le caractère unique de l’individu d’une part, et d’autre part, les soins infirmiers et leur environnement sont trop complexes pour en déduire une relation de cause à effet entre soins et résultats obtenu.
Cela me conforte dans l’idée quel’harmonisation des pratiques soignantes ne peut pas être faite uniquement à partir de protocoles et de standardisations.
De surcroit, les théories de l’apprentissage représentent un socle de connaissance théorique sur lequel je pourrais m’appuyer pour construire ces apprentissages en commun.
Dès lors, leur connaissance ainsi que les facteurs qui favorisent l’acquisition de ces apprentissages nécessitent d’être abordés.
3.1 DEFINITIONS :
L’apprentissage est un concept complexe. Il peut se définir comme étant « l’acquisition par l’individu de nouvelles informations portant sur l’organisation de l’environnement ou sur les conséquences de ses propres actions sur cet environnement (…) Apprendre, c’est intégrer des informations nouvelles en mémoire ». (Roulin, 2006, p 231). Cette définition rejoint celle de Rigal (2008, p 274) selon laquelle, l’apprentissage est :
L’acquisition de nouvelles informations ou connaissances, leur compréhension et leur transformation par manipulation, afin de les adapter à de nouvelles tâches ou situations, soit l’acquisition de nouveaux comportements ou habiletés ou leur modification. Apprendre, c’est ainsi acquérir, organiser et mémoriser de l’information ou des habiletés en vue de les utiliser au moment approprié.
L’apprentissage correspond à l’acquisition de nouvelles connaissances, de nouvelles capacités qui peuvent provoquer des changements au niveau du comportement des individus. Or, l’acquisition de ces connaissances peut se faire de manière fortuite ou délibérée. Dans ce cas, l’apprentissage dépend fortement de la volonté de l’apprenant et de sa disponibilité. D’autre part, l’accent mis sur le changement de comportement implique la considération de l’apprentissage comme étant une transformation produite au niveau du cerveau quand une nouvelle information y est intégrée. Ce changement peut également être observé quand il y a acquisition d’une nouvelle habileté par l’apprenant. Dans ces deux définitions, l’apprentissage est donc appréhendé aussi bien par son produit que par son processus. Elles soulignent entre autre le fait que l’apprentissage est centré sur l’apprenant, puisque c’est ce dernier qui l’exerce dans un contexte bien déterminé (Ambassa, 2005).
3.2 LES THEORIES DE L’APPRENTISSAGE :
Elles peuvent être regroupées en deux catégories distinctes que sont les théories béhavioristes et les théories cognitivistes. Cette classification des différentes théories de l’apprentissage se base sur la participation cognitive passive ou active de l’apprenant à son apprentissage.
Ainsi dans la théorie du béhaviorisme, les modifications et les manifestations externes du comportement sont des effets de l’environnement. Pour les cognitivistes, l’apprentissage vient des processus internes de traitement de l’information, de la construction de l’action et de son intensification (Rigal, 2008). Le behaviorisme vient du mot « behavior » qui veut dire comportement. Les expériences menées en laboratoire ont montré que pour qu’un comportement soit automatique, il faut qu’il soit répété.
Le cognitivisme pour sa part, considère les processus cognitifs impliqués dans les différents comportements. Mais pour cette théorie, le comportement n’est considéré que dans la mesure où il permet de traduire l’activité mentale de l’apprenant. Le cognitivisme tente d’expliquer les processus mentaux qui se produisent chez l’apprenant. Il repose sur le fait que la perception du monde par l’individu repose sur son construit mental issu de son expérience et de ses schèmes mentaux (Boutin, 2000).
Le cognitivisme apparaît donc comme une réponse aux théories béhavioristes. Ce courant théorique souligne que la cognition, ou les phénomènes liés à la connaissance jouent un rôle décisif dans le processus d’apprentissage. Les cognitivistes mettent l’accent sur les représentations mentales symboliques et les traitements qui agissent sur ces représentations (Weil-Barais&Cupa, 2008).
3.2.1 Le behaviorisme :
Le behaviorisme se base sur les comportements observables et mesurables par l’approche par les compétences. Dans cette théorie, l’apprentissage est le produit d’une chaîne de modifications de comportements qui se fait par établissement, renforcement ou suppression d’associations stimuli-réponses. L’acquisition des connaissances et des compétences implique de ce fait, l’acquisition d’une somme de connaissances et de compétences élémentaires (Lebrun, 2007). Dans le béhaviorisme, l’apprentissage est donc :
L’acquisition d’un nouveau comportement par association entre un évènement et une réponse après de multiples répétitions, le conditionnement constituant le processus d’apprentissage. Le conditionnement repose sur le réflexe naturel de réponse à un stimulus. Mais cette réponse sera plus probable quand une récompense fait suite à la réponse. (Rigal, 2008, p 283).
Comme son nom l’indique, cette approche implique l’observation des comportements et des compétences de l’apprenant par l’enseignant. Le béhaviorisme implique de ce fait, une modification des comportements. Le comportement visé est celui de l’apprentissage. La modification des comportements des apprenants implique une certaine compétence. La théorie du behaviorisme suppose une modélisation du comportement. Or, la modification de ce comportement ne peut avoir lieu à moins que l’enseignant ne soit en mesure de stimuler l’apprenant au bon moment et selon des séquences prévues à l’avance (Boutin, 2000).
Il appartient donc à l’enseignant d’établir un programme qui puisse être abordé de façon progressive. L’apprenant apprend donc étape par étape afin qu’il puisse maîtriser les différents éléments qui composent le programme avant de passer à un niveau supérieur d’apprentissage. Dans toutes ces démarches, les relations établies entre l’enseignant et l’apprenant jouent un rôle important (Ibid., 2000). Dans cette optique, il appartient à l’enseignant de mettre en place des programmes de renforcement qui permettent de récompenser le comportement attendu au moment approprié (Lebrun, 2007).
L’apprenant, pour sa part, est au cœur de son apprentissage. Il lui revient de faire une autoévaluation. Cette démarche lui permet de connaître les raisons de sa réussite et l’origine de ses échecs. Par conséquent, l’autoévaluation lui permet de déceler les démarches à suivre, le comportement et la posture à adopter dans le but de faire des progrès. Le béhaviorisme se préoccupe principalement de l’activité de l’apprenant. Mais il considère entre autre qu’il est nécessaire de déterminer à l’avance les compétences attendues. Cette activité est assurée par l’enseignant. Le behaviorisme s’intéresse donc aux activités de l’apprenant et aux compétences de l’enseignant (Boutin, 2000).
Il a encouragé le développement des approches technologiques qui mettent en évidence les influences exercées par les facteurs environnementaux dans l’apprentissage. Mais cette théorie met aussi l’accent sur la qualité des feedbacks qui parviennent à l’apprenant. Ainsi, l’observation des conséquences de nos actes sur l’environnement pourrait devenir un outil d’apprentissage. La connaissance dans cette théorie, résulte de l’expérimentation, des essais et des erreurs rencontrés par l’apprenant (Lebrun, 2007).
Dans ce modèle d’apprentissage, le changement dans le comportement de l’étudiant après avoir assimilé ce qui lui est inculqué, traduit une compréhension de ce qui a été dit et appris. Dans les apprentissages techniques et professionnels, les enseignants visent à fournir un nouvel automatisme, à une connaissance de certaines actions et les conséquences de ces dernières sur l’apprenant.
Le béhaviorisme permet de renouveler les pratiques d’évaluation de compréhension et d’assimilation des apprenants. Toutefois, les limites du modèle behavioriste sont les suivantes :
D’une part, les enseignants sont confrontés à une multitude d’objectifs à atteindre si bien qu’ils n’arrivent plus à les suivre et à les atteindre.
D’autre part, si l’apprentissage complexe est disséqué en plusieurs apprentissages simples, il est probable que l’apprenant ne sache plus maîtriser l’apprentissage complexe dont il était question au début des cours, d’autant plus que le tout ne résulte pas forcément de la somme des parties qui la composent. En d’autres termes, l’apprentissage des étudiants à contourner certaines situations difficiles dans l’apprentissage pourrait les amener à ne plus apprendre suffisamment[16].
3.2.2 Le constructivisme :
« Quel que soit son âge, l’esprit n’est jamais vierge, table rase ou cire sans empreinte » (Bachelard, 1938, In Gatto, 2005).
La théorie du constructivisme stipule que les connaissances sont construites par les apprenants. Ceci implique qu’ils doivent faire des expériences, des manipulations d’idées, de connaissances et de conceptions. Dans cette théorie, l’apprenant est au centre de sa formation. Cela suppose que l’apprenant n’est pas seulement en contact avec les connaissances qu’il apprend, car il organise de manière progressive son monde tout en s’adaptant. Cette théorie se fonde sur le fait que l’apprentissage nécessite la production d’un conflit cognitif. Ceci est obtenu en confrontant l’apprenant à une situation problème qui va provoquer une déstabilisation capable de provoquer une réorganisation des connaissances ou l’acquisition de nouveaux savoirs et savoir-faire. Le constructivisme suppose que l’intelligence pourrait provenir d’un phénomène d’adaptation, d’organisation et de structuration. La capacité d’adaptation se base sur les interactions entre l’individu et son milieu de vie. Ces interactions peuvent se traduire par l’assimilation ou par l’accommodation.
L’assimilation se produit quand l’individu interagit avec son milieu de vie où il est confronté à un problème. Dans ce cas, l’individu intègre les données collectées au niveau du milieu et de la situation problème mais ne cherche pas à modifier ces données. L’individu se contente alors de relier ces différentes données et de les coordonner aux informations et aux connaissances qu’il a déjà acquises. L’assimilation implique une intégration de nouvelles idées, d’analyses, de notions ou de nouvelles situations à des cadres mentaux existants. L’action du sujet face aux objets qui se trouvent autour de lui dépend de ses connaissances et de ses structures cognitives. Dans ce cas de figure, la compréhension d’un problème se fait par intégration de ce dernier dans les cadres de compréhension et de connaissance maîtrisés par l’individu.
L’accommodation pour sa part, implique une adaptation de l’apprenant aux nouvelles situations, ce qui provoque un changement de ses cadres mentaux. L’accommodation est une action de l’environnement sur l’individu qui va entraîner des ajustements au niveau des manières de voir, de faire, de penser de l’individu. Cette réaction traduit une imposition de la part de l’environnement sur l’activité cognitive du sujet. Cette imposition induit une réorganisation des connaissances, un changement au niveau de la perception, des conduites et des structures de l’individu. Aussi bien l’assimilation que l’accommodation de l’apprenant traduit une volonté d’équilibration, d’adaptation de l’individu à son milieu de vie, ou entre l’individu et la situation problème[17].
Le constructivisme comporte encore deux subdivisions : le constructivisme cognitif de Piaget et le socioconstructivisme (constructivisme social) de Vygotsky.
Le constructivisme cognitif se focalise sur l’apprenant en l’encourageant à construire ses propres concepts et à donner des solutions aux situations complexes qu’il rencontre. Cette théorie pousse l’apprenant à être autonome et à avoir le sens de l’initiative. L’apprentissage repose sur les activités menées par l’apprenant et sa participation dans la résolution du problème. L’apprentissage nécessite selon cette théorie, une pensée critique pour les différentes situations qui se présentent et aux problèmes qu’ils devraient résoudre. Les différentes situations que l’apprenant a rencontrées et les notions qu’il a apprises devraient lui permettre de construire sa propre connaissance. Dans cette démarche, les nouveaux savoirs sont intégrés aux constructions intellectuelles qui sont déjà établies par l’apprenant. Dans le constructivisme cognitif de Piaget, l’activité de l’apprenant est au cœur de son apprentissage.
Pour Vygotsky par contre, l’apprentissage d’un individu devrait se faire en groupe. L’apprentissage est donc perçue conne une activité collective (Boutin, 2000). On parle de socioconstructivisme. Cette théorie se base sur le fait que l’apprentissage résulte d’activités sociocognitives reliées à des échanges didactiques entre l’enseignant et l’apprenant ou encore entre les apprenants eux-mêmes. La construction de l’intelligence est donc accompagnée d’une auto-socio-construction des connaissances par ces derniers. Les conditions de mise en activité des étudiants de ce fait, sont importantes dans la mesure où elles conditionnent l’acquisition de nouvelles connaissances ou encore, restructurent les connaissances existantes. Le socioconstructivisme implique la maîtrise d’outils et le développement de la capacité à apprendre. La confrontation à des situations problèmes permet d’apprendre tandis que les interactivités permettent la construction du savoir.
Etant donné que l’apprenant soit au centre de son apprentissage, l’enseignant joue le rôle de l’accompagnateur c’est-à-dire, qu’il facilite l’apprentissage de l’apprenant, mais il ne le guide pas. Il se charge de donner à l’apprenant un environnement d’apprentissage ouvert, qui lui permette d’explorer différentes possibilités d’apprentissage. L’enseignant n’envisage plus par conséquent une instruction prédéterminée. Cependant, il devrait optimiser la construction en commun de la connaissance de l’apprenant fondée en faisant des négociations, et en évitant la compétition. L’enseignant est chargé de favoriser la coopération entre pairs. Dans cette optique, le groupe d’apprenants est encouragé à évaluer les connaissances acquises par ses membres (Ibid., 2000).
Dans la démarche d’apprentissage, l’apprenant devrait appliquer les méthodes qu’il connaît déjà. En comparant les résultats qu’il obtient et les conceptions qu’il a déjà acquises, l’apprenant pourra construire ses connaissances.
Ceci semble être le schéma qui se rapproche le plus de ce que nous faisons lors des tools boxes. Dans cette pratique en effet, les échanges entre les pairs et les enseignants et entre les pairs eux-mêmes sont favorisés, afin de tirer le plus de profits possibles des expériences, des vécus professionnels, des savoirs et des savoir-faire de chaque individus pour mettre en place une pratique professionnelle acceptée de tous. Les soignants, peu importe l’établissement de santé dans lequel ils ont exercé auparavant, disposent d’un ensemble de connaissances et de savoirs que les autres pourraient exploiter, expérimenter à leur tour. De leur part, ils pourraient aussi tirer des leçons à partir des expériences des autres. Mais l’acquisition de ces nouvelles connaissances pourraient impliquer des modifications, des ajouts ou des restructurations des savoirs précédemment acquis par l’apprenant dans le cadre de soins. Il est donc amené à remettre en question les démarches de soins qu’il a appliquées jusque là en considérant les pratiques des autres et construire de nouvelles pratiques tirées des échanges avec autrui.
3.2.3 Le cognitivisme :
Il considère l’apprentissage comme étant « un changement durable dans les structures cognitives de l’individu ». (Noirhomme-Fraiture, 2002, p154). Il repose sur l’existence de représentations mentales. Ces représentations sont des modèles intériorisés construits par le sujet sur son environnement et ses actions sur cet environnement. Elles peuvent être permanentes ou transitoires.
Les représentations permanentes sont celles qui sont stables et qui sont intégrées durablement dans la mémoire sur du long terme. Les représentations transitoires pour leur part, sont des projections ou des extraits de représentations permanentes chargées en mémoire de travail.
Le cognitivisme souligne alors un facteur qui pourrait jouer un rôle important dans le processus d’apprentissage : la mémorisation (Weil-Barais&Cupa, 2008). Ainsi, la mémoire à long terme a été favorisée, contrairement au constructivisme piagétien (Weil-Barais, 2004). Vu sous cet angle, l’apprentissage est considéré comme le résultat de traitement d’informations par différents types de mémoires. L’apprentissage pour les cognitivistes correspond donc à « l’intégration d’informations nouvelles en mémoire ». (Noirhomme-Fraiture, 2002, p151).
Le cognitivisme implique que l’apprentissage se fait par un « processus d’interprétation d’informations externes par les modèles mentaux de l’entité débouchant sur l’acquisition de ces informations ». (Baron, 2001). Cette théorie met l’accent sur la structure. Elle stipule que les informations reçues par l’apprenant sont stockées au niveau de réseaux non linéaires, composés d’images, de noms, d’évènements, etc. Les structures cognitives sont propres à l’individu puisqu’elles sont issues d’expériences cognitives et affectives vécues par l’individu. Les changements qui s’opèrent au niveau de ces structures résultent donc d’un traitement d’informations. Mais, ce changement est durable d’où la nécessité de rappels et d’exercices. C’est ainsi, que le courant théorique cognitiviste a ouvert la voie à l’apprentissage par les multimédias (Noirhomme-Fraiture, 2002).
Le cognitivisme a provoqué des changements au niveau de plusieurs domaines comme la lecture, la compréhension et l’attention. Auparavant, l’apprentissage a été considéré comme étant un phénomène continu. Après les études de Köhler, il a été observé que ce phénomène était discontinu. Par conséquent, il peut être disséqué en plusieurs étapes successives. Ces périodes sont respectivement : le tâtonnement, la phase de réflexion et la découverte de la réponse correcte.
Dans cette suite d’idées, il est admis que l’apprentissage passe par un processus cognitif d’élaboration de solutions en réponse au problème rencontré. Or, l’obtention de la réponse correcte ne peut se faire à moins qu’il n’y ait une analyse et une compréhension de la situation problème. La situation à laquelle l’apprenant est confronté, devrait également être structurée. C’est l’organisation des différentes relations entre les éléments de la situation qui conditionnent la découverte de la solution (Roulin, 2006). Il est admis que la structuration de ces éléments conditionne l’apprentissage de l’individu.
Les cognitivistes admettent donc que l’apprentissage ne se reflète pas directement par une action immédiate liée à un évènement externe mais sur l’accroissement de gamme de comportements potentiels de l’apprenant. Au fur et à mesure de l’apprentissage, l’apprenant peut mobiliser sa capacité de réponse ou l’adapter aux situations qu’il pourrait rencontrer à l’avenir. Ainsi, les résultats de l’apprentissage ne peuvent pas être appréhendés à court terme (Baron, 2001).
3.3 LES FACTEURS INFLUENCANT L’APPRENTISSAGE
L’apprentissage est influencé par plusieurs facteurs. Ils peuvent être personnels ou environnementaux. Mais d’autres auteurs ont également mentionné que les facteurs inhérents aux comportements et aux caractéristiques du formateur pouvaient également influencer l’apprentissage de l’apprenant (Kozanitis & Chouinard, 2009).
3.3.1 Les Facteurs personnels
Ils englobent les différents aspects de la personnalité de l’apprenant qui vont influencer son apprentissage (Côté, 1998). Ils comprennent, d’une part, sa motivation, l’intérêt qu’il porte à l’égard du sujet, mais également sa faculté personnelle à traiter les informations qui lui sont transmises et à les comprendre. D’autre part, l’apprentissage de l’individu dépend des connaissances ou des savoirs qu’il a tirés de ses expériences antérieures (Ambassa, 2005). Karnas et al. (2003, p.518) ont ainsi mis l’accent sur le sentiment d’efficacité personnelle qui détermine la motivation de l’individu à s’investir dans sa propre formation.
Ces différents éléments liés à la personnalité de l’individu peuvent être catégorisés en facteurs cognitifs et en facteurs conatifs.
Les facteurs cognitifs impliquent les processus mentaux de l’individu, ils se focalisent donc sur la tâche d’apprentissage ; tandis que les facteurs conatifs se réfèrent aux facteurs affectifs influençant l’apprentissage de l’individu en se polarisant sur les interactions de l’apprenant avec ses pairs et son état affectif pendant cette tâche (Duquette & Renié, 1998).
- Le facteur cognitif prépondérant est représenté par la motivation intrinsèque que possède l’individu à apprendre. Elle peut être appréhendée selon trois dimensions :
- les attentes de réussite : de sorte que la motivation initiale du sujet implique une évaluation faite par ce dernier, de sa faculté à apprendre et des chances de réussite de son apprentissage.
- L’apprenant évalue également les risques qu’il échoue dans son apprentissage en confrontant ses habiletés au niveau de difficulté requis. Ceci constitue la deuxième dimension motivationnelle qui se caractérise par le degré d’anxiété que peut éprouver l’apprenant face à la tâche à accomplir.
- Enfin, la dernière dimension est représentée par le degré de stimulation que la tâche à accomplir suscite pour l’apprenant, en d’autres termes, sa volonté et sa détermination à apprendre et à réussir.
A partir de ces trois dimensions cognitives, les études menées par Vollmeyer & Rheinberg (2004, p 8) ont mis en évidence une typologie des groupes d’apprenants caractérisée par le degré de motivation dont ils font preuve pour apprendre. On distingue ainsi :
- Les apprenants motivés. Ils se caractérisent par le fait qu’ils sont motivés par le défi à relever et ne montrent pas d’anxiété par rapport à la tâche à accomplir.
- Les apprenants peu motivés, montrant un faible niveau d’intérêt ainsi qu’un faible niveau de défi et d’attente de réussite.
- Et enfin, les apprenants anxieux qui sont certes motivés par le défi à relever, mais tétanisés par la peur de l’échec.
Les expériences et les vécus de l’apprenant impactent sur sa perception et sur son apprentissage. Par exemple, une expérience à l’international est une opportunité de varier les milieux de référence de l’apprenant pour qu’ils puissent acquérir de nouvelles compétences et de nouveaux savoirs. Elle permet aussi de rendre l’individu plus adaptable et plus flexible pour qu’il puisse s’adapter au contexte interculturel. Elle permet, entre autre, à l’individu d’apprendre à apprendre (Belhaj, 2010) et de prévenir une dissonance cognitive lorsqu’il est soumis à des références culturelles autres que les siennes comme ce peut être le cas en milieu interculturel.
- Nous avons mentionné qu’il existait également des facteurs conatifs pouvant influencer l’apprentissage de l’individu. Ils sont représentés par les dimensions affectives et concernent notamment les liens qui se tissent entre formateur et apprenants. Ces facteurs agissent directement, de façon favorable ou non sur le processus d’apprentissage.
Ainsi, ces facteurs affectifs pourraient, en contexte interculturel, constituer un élément de blocage dans la mesure où ils impliquent l’attitude, l’émotion et la confiance en soi de l‘apprenant. En effet, la confiance en soi peut aussi impacter sur l’apprentissage dans la mesure où l’estime de soi est représentée par l’image que l’individu a de lui-même. Or, cette image est construite sur la base d’interprétation des différentes expériences vécues par l’individu. Ainsi, l’attitude des autres pourrait influencer l’apprentissage dans la mesure où elle construit une interprétation que l’individu a de lui-même.
A l’origine de la motivation à apprendre se trouve également le sentiment de compétence de l’individu face à la tâche à accomplir. Il influence les états affectifs de l’individu face aux défis de la vie quotidienne et professionnels. Lorsqu’il est faible, l’individu n’arrive plus à s’investir dans les tâches à accomplir. Sa capacité à accomplir une tâche serait donc plus liée aux représentations que l’individu a de lui même qu’à son réel potentiel[18]. Une pédagogie basée sur des renforcements positifs de ce qui va dans le travail de l’apprenant pourrait permettre d’élever son sentiment d’efficacité personnelle dans un contexte interculturel.
3.3.2 Les facteurs environnementaux
Les facteurs environnementaux qui peuvent impacter l’apprentissage de l’individu sont constitués par la culture et les méthodes pédagogiques (Lebrun, 2007, p 36).
D’une part, la culture semble jouer un rôle prépondérant dans la mesure où elle modèle la pensée de l’individu et impacte sur la collaboration des soignants au sein des équipes multiculturelles. Nous avons vu que la culture de l’individu est ancrée en lui-même, qu’elle influence aussi bien les interactions avec son entourage que sa manière de percevoir les choses et d’agir (Barmeyer, 2007, p 243).
D’autre part, l’environnement modèle le comportement de l’individu, ses convictions, ses croyances, mais le cas inverse est également possible.
Cette constatation est particulièrement importante dans le cas de l’apprentissage par observation. Un individu n’apprend pas uniquement en acquérant différentes notions et théories. Il peut également apprendre en regardant ce que les autres font, en se focalisant sur l’exemple d’une personne qu’il prend comme modèle de référence. Ensuite, les observations des comportements du modèle vont le conduire à faire une représentation symbolique. Au cours de cette phase, il effectue une comparaison entre ses représentations et celles du modèle de référence. Le modèle pourra ensuite être reproduit en fonction des aptitudes de l’individu à analyser le problème posé (Hansenne, 2003).
Compte tenu des facteurs qui influencent l’apprentissage développés supra, je prends pour postulat d’énoncer que la faculté d’apprentissage et la réceptivité des apprenants dans un contexte d’apprentissage interculturel seraient étroitement liées aux réactions des autres membres de l’équipe. Etant donné que les apprenants, au sein d’une équipe multiculturelle, ont différentes manières d’appréhender les pratiques de soins, à force de travailler ensemble, ils se trouveraient contraints de faire des échanges de sorte que ces interactions ne manqueraient pas d’impacter sur les perceptions qu’ils ont de leur propre pratique : « chaque membre de l’équipe assimile de façon différente les éléments cognitifs et affectifs qui influencent son comportement. Il doit observer, réfléchir, organiser, conceptualiser et agir pour atteindre les objectifs fixés » (Waxin & Barmeyer, 2008, p 14). Plus précisément, selon Kolb (2005), chaque individu développe des « structures cognitives » personnelles qui lui permettent de répondre aux problèmes auxquels il est confronté. Elles seront d’autant plus favorisées que les interactions avec ses pairs seront développées.
3.3.3 Facteurs liés aux caractéristiques du formateur
Il a été observé que les caractéristiques propres au formateur ont également une influence non négligeable sur la capacité de réussite des apprenants. En effet, le style d’enseignement, la motivation et l’énergie que le formateur déploie au travail comptent beaucoup pour ces derniers. Or, ces caractéristiques dépendent aussi de la propre formation de l’enseignant, des méthodes et du style pédagogique qu’il a choisi de mettre en place pour favoriser les apprentissages.
A l’instar des préconisations d’Altet (2001), le formateur pourrait ainsi jouer sur les dimensions constitutives du style pédagogique. Dans la dimension « style relationnel, interactionnel » c’est à dire dans sa manière dominante personnelle d’entrer en relation avec les apprenants, il veillerait de fait, à adopter une attitude de « questionneur échangeur mixte » en encourageant l’expression et la créativité au sein du groupe tout en régulant les échanges entre les apprenants.
Enfin, soulignons que certaines caractéristiques telles que la capacité d’écoute, la disponibilité, l’adaptabilité, son ouverture d’esprit et sa capacité à adapter ses pratiques pédagogiques sont des invariants nécessaires en matière d’andragogie. Il est également attendu du formateur qu’il soit neutre, impartial et ne porte pas de jugements à l’égard des apprenants. En effet, les réactions des apprenants sont fortement influencées par le jugement du formateur et impacte par conséquent, sur leur capacité de réussite. C’est par les encouragements qu’il prodigue aux apprenants que le formateur maintient une bonne dynamique motivationnelle.
3.4 AU CŒUR DE L’APPRENTISSAGE DES SOIGNANTS
Dans cette partie, il convient d’aborder la problématique de formation, plus précisément, j’ai voulu savoir comment les infirmiers issus d’une formation professionnelle différente de la mienne ont-ils appris ?
Le but ultime de notre recherche étant de comprendre comment le cadre de santé peut instaurer une harmonisation des pratiques professionnelles au sein de l’équipe soignante. A ces fins, nous sommes partis du postulat que cette harmonisation était sous tendue par la construction de savoirs en communs.
Or, la manière dont les soignants ont pu apprendre au cours de leur parcours professionnel me semble être une caractéristique importante à prendre en compte dans ma recherche.
Tout d’abord, soulignons que certaines similitudes apparaissent notamment dans les différents dispositifs de formation. Cela est rassurant dans la mesure où elles constituent un socle nécessaire à la construction de savoirs en communs.
En effet, toutes les formations se sont déroulées sur au moins trois années, hormis pour deux infirmières coréennes et un infirmier thaïlandais qui avaient acquis une spécialisation. Elles permettent d’accéder à un diplôme : « Registered Nurse» (équivalent du diplôme d’état d’infirmier). Elles sont professionnalisantes au sens où le sujet se forme à l’exercice de son futur métier à partir de la construction de compétences qui doivent être validées durant son cursus de formation afin qu’à l’issue de ces trois années d’études, il soit capable d’exercer la fonction d’infirmier. Enfin, elles ont toutes été échafaudées sur le modèle de l’alternance. Les temps d’apprentissage sont repartis entre les cours théoriques et les stages de terrain.
Quant aux points de divergence, ils concernent essentiellement les modèles d’apprentissage. J’ai pu constater qu’il y avait des différences notables entre les apprentissages.
Au sein des Collèges of Nursing des pays asiatiques, les apprentissages sont abordés selon un modèle essentiellement transmissif et béhavioriste.
- Transmissif : dans le sens où ils sont basés sur le présupposé suivant : l’apprenant est censé ne pas avoir de conception personnelle sur les savoirs à assimiler. Le rôle du formateur étant d’expliquer clairement les savoirs à acquérir afin qu’ils soient assimilés par l’apprenant. « Ce dernier est modelé de l’extérieur et doit s’adapter aux activités magistrales ou interrogatives proposées par l’enseignant dans une situation de communication collective et verticale ».
- Béhavioriste : le programme d’enseignement est divisé en objectifs à atteindre de sorte que l’apprentissage complexe se résume en une succession d’apprentissages plus simples à assimiler graduellement. Ainsi, « ces situations doivent permettre à l’élève d’agir, de le faire travailler par étapes, et de renforcer au fur et à mesure ses acquisitions dans le sens d’une modification des comportements programmés par l’enseignant. »[19]
- Par opposition, au sein des Instituts de Formation en Soins Infirmiers français, une approche plus constructiviste de l’enseignement est privilégiée. En effet, selon Gatto (2005) : « l’apprentissage ne se résume pas à une simple mémorisation, à une juxtaposition de savoirs, à un conditionnement ».
Et Piaget (1967) précise que:
La connaissance passe d’un état d’équilibre à un autre par des phases transitoires au cours desquelles les connaissances antérieures sont mises en défaut. Si ce moment de déséquilibre est surmonté, c’est qu’il y a une réorganisation des connaissances, au cours de laquelle les nouveaux acquis sont intégrées au savoir ancien.
Ainsi, les représentations initiales s’érigent souvent en obstacle aux nouvelles connaissances. Dans cette approche, deux traits méritent d’être soulignés :
D’une part, le fait que selon Gatto (2005) : «le sujet ne construit de nouvelles connaissances ou ne modifie d’anciennes connaissances, que s’il vit en interaction avec son milieu physique et social ».
D’autre part, cette perspective constructiviste et/ou socioconstructiviste encourage l’apprenant à adopter une posture réflexive sur ses actions. Elle lui permet de réfléchir sur l’action dans le but de transformer cette réflexion en savoir nouveau. Privilégier la posture réflexive, c’est pour Perrenoud (2001, p 15) «une réponse à la complexité des tâches et des situations professionnelles. ». Or, c’est cette pratique réflexive qui va permettre à l’apprenant de travailler les trois paliers d’apprentissage: comprendre, agir pour ensuite être capable de transférer.
3.5 LES OBSTACLES A L’APPRENTISSSAGE EN MILIEU INTERCULTUREL
L’apprentissage en milieu interculturel peut se heurter à différents obstacles. La communication peut constituer un premier obstacle. En effet, il n’est pas toujours évident pour le formateur de trouver un moyen efficace pour entrer en communication avec un apprenant dont la langue maternelle et la culture sont différentes de la sienne. Or, tout apprentissage comme nous l’avons vu, implique inéluctablement un processus de communication ; mais lorsque le message transmis par le formateur n’est pas décodé sous l’angle voulu, il se heurte à des incompréhensions et ce, même si l’apprenant et l’enseignant possèdent un code commun (Marmoz & Derrij, 2001, pp 259-261).
D’autre part, il est intéressant de constater qu’un des principaux obstacles à l’apprentissage réside sur le fait que le soignant ne se rend pas forcement compte de lui même que son savoir est insuffisant ou inadapté pour l’amener à résoudre certaines situations. Il continuera, de ce fait, à utiliser un savoir même inadapté pour des problèmes qui lui sembleront voisins. Et cela aboutit souvent à des échecs d’apprentissage. J’ai pu expérimenter ce type de situations, notamment avec les infirmiers asiatiques qui, bien que bénéficiant dans leur pays respectif de compétences étendues et d’une certaine autonomie, bafouaient des éléments fondamentaux lors des soins tels que le respect des techniques d’asepsie.
Ensuite, les acquis de l’apprenant en termes de savoirs, savoir- faire et savoir-être dépendent des styles d’apprentissages dont il a bénéficié au cours de sa formation initiale. Or, cette dernière pourrait être difficile à saisir pour le formateur ou le manager. C’est la raison pour laquelle, le Secrétariat International Des Infirmières et Infirmiers de l’Espace Francophone (SIDIIEF) a revu son rapport concernant les analyses et la mise en contexte des profils de formation infirmière dans les pays francophones en 2010[20].
L’apprentissage interculturel peut donc se heurter au rapport qu’entretient l’apprenant avec le savoir. Ce dernier implique la capacité de l’individu à construire de nouveaux savoirs à partir des savoirs qu’il a déjà acquis et surtout à les remettre en question.
Ces obstacles à l’apprentissage peuvent ainsi affecter la motivation de l’apprenant à poursuivre son apprentissage. A contrario, l’apprentissage multiculturel devrait favoriser l’ouverture d’esprit à d’autres cultures, à d’autres manières de voir le monde, et d’appréhender une situation problème. Ceci implique non seulement des échanges entre l’apprenant et le formateur, mais également, des interactions entre les apprenants eux-mêmes.
3.6 L’APPRENTISSAGE EN CONTEXTE INTERCULTUREL
Selon Gillert (2001), il s’agit d’ « un processus individuel d’acquisition de connaissances, d’attitudes ou de comportements, associé à l’interaction avec différentes cultures »[21]. Il implique un processus de modification des compétences et des savoirs précédemment acquis. Dans ce contexte, les apprenants sont amenés à « rejeter » les savoirs précédemment acquis et à les réévaluer. Cette démarche constitue le désapprentissage. L’apprentissage interculturel se fait donc par un processus d’apprentissage et de désapprentissage. Ce type d’apprentissage implique des processus articulés et ancrés dans la théorie et dans la pratique. Les liens qui s’établissent entre la théorie et la pratique permettent à l’apprenant de construire une théorie suite à des expériences (Glaser et al., 2007, p 41). Il vise à développer chez les apprenants une compétence interculturelle (Barmeyer, 2007, p 193).
En cela, l’apprentissage dans un contexte d’interculturalité est assez complexe dans la mesure où chaque culture possède sa propre structure de connaissances et son propre traitement cognitif des informations qu’elle reçoit.
De surcroît, le niveau de connaissances et l’environnement dans lequel, l’apprenant a été éduqué forge sa personnalité, son caractère, ses comportements et influencent inexorablement sa manière de penser, de voir les choses. Dès lors, il est judicieux de procéder à une confrontation de ces différents points de vue et manières de percevoir les choses pour pouvoir entamer des explications qui vont permettre de mettre tous les apprenants sur le même piédestal.
Dans cette optique, il s’agit non seulement, pour le manager, de protéger l’unicité de chaque culture et l’identité de chaque individu, mais également, de rendre efficace la transmission des informations à chaque individu en tenant compte de tous ces paramètres. Cela implique que l’apprenant soit aidé pour construire son savoir et acquérir les compétences requises pour apprendre. L’expérimentation faite par l’apprenant va l’encourager à observer et à questionner son environnement.
Sur un plan pratique, la première démarche dans l’apprentissage interculturel vise à parler la même langue.Une langue qui puisse être appréhendée par tous les membres de l’équipe. Des initiations aux cultures étrangères pourraient également être entreprises. Les attentes des différents participants, leurs motivations et leurs intentions initiales pourraient être recensées dans le but de parfaire ses connaissances vis à vis d’une autre culture.
Bien que l’apprentissage multiculturel soit plus difficile à mettre en place que l’apprentissage monoculturel, j’ai pu observer que les différences culturelles permettent d’apporter des alternatives aux différentes situations de soins rencontrées dans un contexte pluriethnique. La diversité est plus enrichissante. La construction du savoir dans ce cas de figure, se base sur un conflit cognitif entre les apprenants (Coulibaly, 2005).[22]
Néanmoins, les différences culturelles entre les apprenants peuvent aussi constituer un obstacle à l’assimilation des informations transmises par le manager. Ceci provient du fait que chaque apprenant a sa propre manière de travailler, d’organiser ses tâches, et de communiquer avec ses collègues (Ibid., p 7).
Enfin, soulignons que la communication constitue également un facteur important dans une démarche de compréhension de l’identité de l’autre et de l’acceptation de sa culture. Elle est à la base même d’une relation de confiance qui renforce la cohésion du groupe interculturel.
3.7 L’APPRENTISSAGE INTERCULTUREL DANS LE MILIEU HOSPITALIER :
Le milieu hospitalier est un lieu où la mise en œuvre de démarches d’apprentissage dans un contexte interculturalité s’avère complexe dans la mesure où il s’agit de soins délivrés aux patients. Ces difficultés reposent, entre autre, sur les différences culturelles et la communication interpersonnelle. Ces facteurs sont à l’origine des incompréhensions persistantes au niveau des personnels soignants malgré le fait qu’ils aient appris le même métier et parlent le même langage professionnel.
Les apports théoriques basés sur des publications nous précisent que d’une part, l’apprentissage en situation est adopté pour inculquer la posture à prendre devant une situation bien précise. Dans cette forme d’apprentissage, le contexte est à considérer[23]. Le parrainage interprofessionnel entre soignants pourrait s’avérer être un moyen efficace d’intégration au sein d’une équipe de soin. Dans cette démarche, l’apprenant devrait comprendre la logique de l’action, des contraintes et des enjeux conscients ou non qui peuvent se présenter face à une situation problème, étant donné que dans une équipe de soin, chacun détient un rôle spécifique et interagit avec d’autres personnes (Giqueaux, 2002, p 162).
D’autre part, des professionnels de santé se sont penchés sur la question de la relation, de l’apprentissage et de la communication interculturelle en milieu sanitaire. Certains ont œuvré tels que Phaneufpour promouvoir l’apprentissage et la sensibilisation ethnoculturelle des soignants dans le but d’améliorer la prise en charge des soignés[24]. Mais il est souligné que de nombreux efforts doivent encore être accomplis pour faciliter le travail de soignants en secteur interculturel.
4 DE LA SYNTHÈSE DU PÔLE THÉORIQUE À LA QUESTION DE RECHERCHE.
Au décours de cette phase conceptuelle, nous avons tenté de répondre à la question suivante :
Dans un contexte d’équipe multiculturelle, comment le cadre de santé prend-il en compte les différences culturelles dans ses méthodes d’apprentissage pour harmoniser les pratiques professionnelles ?
Nous avons apporté les éléments de réponse suivants :
D’une part, les études bibliographiques ont montré l’importance de prendre en considération la diversité culturelle dans les phénomènes d’apprentissage et d’harmonisation des pratiques professionnelles. Elle peut constituer un facteur d’amélioration lorsqu’il y a une complémentarité entre les connaissances et les savoirs construits par chaque individu suite aux expériences qu’il a vécues. Mais cette spécificité culturelle peut également constituer un facteur de blocage aussi bien pour l’entreprise que pour l’individu dans la mesure où elle induit la construction de stéréotypes, d’incompréhensions voire même de conflits dans les relations interpersonnelles.
D’autre part, la revue de littérature a montré que l’interculturalité est un phénomène que l’on ne retrouve pas seulement dans le milieu de l’entreprise, mais également au sein de structures sanitaires, même si peu de publications y font référence. Il est précisé qu’elle impacte non seulement sur les relations entre les soignants et les patients, mais aussi sur les relations entre les soignants eux-mêmes. Dans le cadre du management de cette interculturalité, très peu de démarches qui ont été entreprises sont accessibles à l’apprenti chercheur que je suis. Tout laisse à penser que l’interculturalité au sein d’une équipe soignante ne nécessiterait pas d’approche particulière, ce qui, à mon sens, rend plus intéressant mon travail de recherche. Pour autant, nous soulignons également, à partir des éléments pertinents que nous avons relevés sur le concept de management interculturel l’importance et la nécessité qui devraient être accordées au contrôle, à la gestion et à l’exploitation de la différence culturelle dans les équipes dans le but d’en tirer profit.
Or, nous avons vu que pour harmoniser les pratiques professionnelles, standardiser des pratiques de soins pour ensuite les inculquer aux soignants ne saurait suffire. En effet, les chocs culturels causés par les différences de conviction pourraient bloquer le phénomène d’apprentissage.
Au regard de ce que nous venons d’étudier, nous savons désormais que l’apprentissage est un phénomène centré sur l’apprenant lui-même qui est passé par certaines expériences mais qui a également développé des stratégies pour s’adapter à l’environnement auquel il appartient. En effet, l’apprentissage ne résulte pas seulement de l’intégration d’une représentation mentale d’un concept ou d’un objet par l’apprenant, mais également, de l’adaptation de ce dernier à son environnement et à ses expérimentations antérieures. Cela implique que les représentations sont inhérentes à l’individu et diffèrent de ce fait, d’un individu à un autre.
Notre questionnement initial a donc évolué. L’étude du management interculturel nous a permis de prendre conscience des principales dimensions culturelles qui différencient les individus en contexte multiculturel puis d’en proposer des solutions opérationnelles pour le manager. Mais, en dépit de sa pertinence, les solutions qu’il apporte ne répondent que partiellement à notre question de départ. En effet, il ne me permet toujours pas de savoir comment harmoniser les pratiques soignantes au sein d’une équipe multiculturelle.
J’ai pris pour postulat que cette harmonisation des pratiques nécessiterait un apprentissage en commun des individus pour construire des savoirs partagés.C’est donc à partir de l’étude des théories de l’apprentissage que nous avons tenté de comprendre dans quelle mesure le processus de professionnalisation des soignants pouvait influencer leur apprentissage dans un contexte interculturel.
La corrélation de ces deux éléments nous amène donc à nous questionner sur les stratégies qui pourraient être déployées par le manager pour favoriser ces apprentissages en situation interculturelle et in fine lui permettre d’harmoniser les différentes pratiques soignantes.
Ainsi, à l’issue de cette phase problématisation de notre recherche, la confrontation de mon expérience managériale interculturelle avec les savoirs extraits de la phase conceptuelle me permet de formuler la question de recherche suivante :
Par quelles stratégies managériales, le cadre de santé peut-il harmoniser les pratiques professionnelles au sein d’une équipe multiculturelle ?
C’est à partir de la construction d’un dispositif de recherche me permettant de réaliser une enquête de « terrain » auprès d’une population de cadres de santé confrontée à l’harmonisation des pratiques soignantes en contexte multiculturel que nous allons tenter d’y répondre.
5 METHODOLOGIE DE RECHERCHE
5.1 LA RECHERCHE
5.1.1 Définition
Notre travail se situe dans une approche d’initiation à la recherche. Selon EYMARD (2003 p.9), « la recherche en soins et santé a pour objectif l’élaboration et le développement d’un corps de connaissances scientifiquement validées selon une méthode clairement identifiée et reconnue, au service d’une pratique ».
A l’issue de cette phase conceptuelle et afin d’apporter des éléments de réponse à mon questionnement, je vais effectuer une enquête de terrain qui va nécessiter l’élaboration d’un dispositif de recherche reposant sur une méthode scientifique.
Pour Gagnon (2008, p 2), une méthode de recherche se définit par : «la production logique d’une science, c’est- à-dire, l’ensemble des pratiques particulières qu’elle met en œuvre pour que le cheminement de sa démonstration et de ses théorisations soit clair, évident et irréfutable».
5.1.2 Objectifs
La détermination de la méthodologie de recherche va permettre au chercheur de tester si les différentes hypothèses qu’il a émises au début de son travail suite à l’étude bibliographique qu’il a menée auparavant, se trouvent confirmées ou infirmées par les résultats découlant de la méthodologie de recherche. La méthodologie constitue de ce fait, un outil permettant au chercheur de répondre à son questionnement de départ. C’est également un moyen pour le chercheur de découvrir différentes façons de faire, et d’acquérir des savoir-faire en étant en contact avec d’autres chercheurs et des professionnels.
5.2 CHOIX DE LA METHODE
La méthode choisie dépend de la question de recherche, ainsi Combessie (1999, p 9) affirme qu’un « choix de méthode s’inscrit dans une stratégie de recherche ». De fait, il nous appartient de choisir la méthode de recherche la plus pertinente qui permettra d’éclairer notre problématique.
Eymard (2003) précise « qu’il n’existe pas de bonne ou mauvaise méthode de recherche (…). Chaque méthode de recherche possède à la fois de l’intérêt et des limites pour son objet d’étude. C’est l’intention du chercheur qui oriente le choix de la méthode ».page
Trois méthodes de recherche sont enseignées à l’IFCS de Nice. Pour faire un choix éclairé de la méthode à sélectionner, il convient, au préalable, de comprendre la méthodologie de chacune d’entre elles.
5.2.1 La méthode expérimentale
C’est une méthode de recherche qui, d’une part, consiste à relever des informations chiffrées quantifiables en valorisant les traitements statistiques des données. D’autre part, il s’agit d’une recherche hypothético- déductive au sens où elle poursuit l’objectif de valider scientifiquement une hypothèse qui a un lien de causalité entre deux variables. Elle est fondée sur les lois de « cause à effet », de sorte qu’elle permet d’établir un lien entre ces deux types de variables ; l’une indépendante que l’on fait varier, et l’autre dépendante que l’on observe.
Le but du chercheur est de tester une hypothèse générale par l’expérimentation d’une ou plusieurs variables observables (…) L’expérimentateur est en effet le chercheur qui organise un plan d’expérience en fonction des prévisions posées par l’hypothèse d’une relation de cause à effet étayée par une théorie. (Eymard, 2003 p 26).
Or, dans la réalisation de mon travail de recherche, je n’ai pas souhaité sélectionner cette méthode de recherche pour les raisons suivantes :
- Dans ma question de recherche, je n’ai pas émis d’hypothèse et je n’ai pas mis en avant un phénomène causal. Mon objectif était plutôt d’enrichir mon questionnement à partir de témoignages de vécus et de ressentis des cadres de santé.
- Elle n’est pas non plus formulée sous la forme d’un postulat mettant en lien deux variables. En posant ma question de recherche de cette manière : « Est ce que la pratique du management interculturel par le cadre de santé favorise les apprentissages au sein de l’équipe soignante ? » Je pourrais mettre en évidence une hypothèse. Il s’agirait de rechercher le lien de causalité qui relie la variable indépendante: le recours au management interculturel avec la variable dépendante : l’apprentissage. Or, ma démarche de recherche s’apparente plutôt à expliquer le « comment ?» qu’à explorer un quelconque lien de causalité.
- Enfin, cette méthode effectue une analyse plutôt quantitative des critères, alors que ma recherche s’oriente plutôt vers une analyse qualitative.
En ce sens, cette méthode est la moins appropriée à mon travail de recherche.
5.2.2 L’étude de cas
Elle consiste en une investigation approfondie d’un cas reconnu comme étant spécifique. Elle comprend : l’observation, des entretiens, l’analyse de documents et le recueil de données. A ce titre, elle vise l’explication de phénomènes complexes sous une forme narrative.
Selon GAGNON (2008, p 114) :
Elle offre la possibilité d’étudier un phénomène non seulement de l’intérieur, mais également dans son contexte naturel, que ce soit pour élaborer une théorie ou en vérifier une. Plus encore, elle permet une investigation systémique de ce phénomène, en rendant compte des interactions dynamiques entre les dispositifs de gestion et de régulation, les interactions sociales et les productions collectives liées au phénomène étudié.
Il est précisé que : « cette méthode de recherche est particulièrement appropriée pour des questions pratiques, où l’expérience des acteurs est importante et le contexte de cette expérience essentielle à connaître » (Ibid., p 15).
Selon les préconisations de GAGNON (2008, p 5), une étude de cas comprend huit étapes successives avec pour chacune d’entre elles, des objectifs à atteindre et des activités à réaliser.
1/ « Etablir la pertinence » du choix de cette méthode par rapport à l’objet de notre recherche.
2/ « Assurer la véracité des résultats ».
3/ « Préparer un cadre de recherche suffisamment développé et précis pour assurer une collecte rigoureuse des données ».
4/ « Préparer un cadre de recherche suffisamment développé et précis pour assurer une collecte rigoureuse des données ».
5/ « Collecter les données ».
6/ « Traiter les données ».
7/ « Interpréter les données ».
8/ Et enfin, diffuser les résultats.
A bien des égards, l’étude de cas s’intégrerait dans mon dispositif de recherche :
- Elle assure une forte validité interne car les phénomènes relevés sont des représentations authentiques de la réalité étudiée.
- Elle fournit une analyse en profondeur des phénomènes dans leur contexte.
- Compte tenu de la spécificité du contexte quant au thème abordé : l’interculturalité, l’approche du cas « in vivo » me semble être tout à fait adaptée à ma question de recherche. Cela nécessiterait la possibilité de partir à l’étranger et trouver une structure de soins dont le cadre corresponde à mon objet d’étude soit: un manager exerçant auprès d’un équipe soignante multiculturelle. Conséquemment, j’ai formulé une demande auprès du CHU Vaudois de LAUSANNE qui correspond à mes critères de recherche: des managers (Infirmiers Chefs responsables d’Une unité de Soins) exerçant leur fonction d’encadrement auprès d’équipes soignantes multiculturelles (composées d’infirmiers de l’Union Européenne).
Nonobstant les efforts déployés, à l’heure actuelle, ma demande n’a pas pu aboutir. Je préfère donc raisonnablement me tourner vers une autre méthode de recherche.
5.2.3 La méthode clinique sélectionnée
L’approche choisie pour notre recherche sera donc la méthode clinique.Elle vise la construction d’un cas clinique afin d’envisager « la transférabilité » des savoirs érigés, à d’autres situations. Vial (2001) nous spécifie que ce n’est pas le nombre de sujets rencontrés qui atteste de la qualité de la recherche, en ce sens elle s’inscrit dans une approche qualitative.
Eymard (2003, p 51) précise qu’« en méthode clinique, la quête du chercheur n’est pas d’obtenir du sujet qui lui livre des données en vue de confirmer ou infirmer une théorie, mais de découvrir dans le récit du sujet d’imprévisibles éléments qui lui permettront de construire un cas clinique ».
Dans la mesure où ma question de recherche commence par « comment », j’ai fait le choix d’un paradigme de recherche issu du courant interprétatif. Le choix de la méthode clinique devrait me permettre de m’inscrire dans une démarche de compréhension et d’interprétation du ressenti et du vécu des cadres de santé qui ont expérimenté le management dans un contexte interculturel.
« Réservée à ce qui s’entend et s’interprète en étant à côté de la personne ». (Ibid., p 51), le dispositif de recherche privilégié pour la méthode clinique est l’entretien.
Au cours de cet entretien, « le chercheur accueille les signes que le sujet veut bien lui livrer sur son histoire de vie, son vécu du phénomène étudié ». (Ibid., 2003, p 51).
Ainsi, dans ce processus de construction des connaissances fondé sur la compréhension empathique des représentations d’acteurs, il est souligné qu’ « écouter ne suffit pas (…) il s’agit aussi d’entendre afin de comprendre ce qui est exprimé sur le phénomène étudié ». (Ibid., p 53).
Dans cette perspective, un dispositif de recherche doit à présent être élaboré.
5.3 Le dispositif méthodologique construit par le chercheur
Il représente l’interface entre la partie conceptuelle du mémoire et une phase plus opérationnelle de recherche sur le terrain qui va lui succéder.
L’élaboration de ce dispositif a pour but de renseigner les éléments suivants : le choix de la population avec laquelle la recherche sera menée, l’outil de recherche ainsi que les modalités d’accès au terrain et de déroulement des entretiens. En ce sens, il me permet d’établir ma « feuille de route ».
5.3.1 L’échantillon de population sélectionné
La description de l’échantillon de la population sélectionnée a pour principal objectif de s’assurer qu’il permettra de légitimer l’analyse des données collectées.
L’échantillon a été défini à partir de quatre critères principaux :
– La personne est titulaire du diplôme de cadre de santé,
– elle a vécu une expérience multiculturelle en tant que manager et/ou formateur,
– cette expérience professionnelle s’est déroulée dans une structure sanitaire auprès d’une équipe soignante ou d’étudiants en soins infirmiers,
– la durée de cette expérience est significative (supérieure à un an).
En regard des critères d’éligibilité, l’échantillonnage s’est avéré fastidieux. Néanmoins, trois personnes remplissant les critères de sélection ont donné une suite favorable à mes demandes d’entretiens.
5.3.2 L’outil de recherche
Selon GRAWITZ (2002, p 644), « l’entretien est un procédé d’investigation scientifique, utilisant le procédé de communication verbale, pour recueillir des informations, en relation avec le but fixé ».
Il existe différents types d’entretien selon le degré de directivité que l’on souhaite leur donner.
Or, au cours de cette phase de « terrain », mon objectif est éminemment spécifique : il s’agit d’écouter et de comprendre des cadres de santé qui se sont questionnés sur les facteurs d’influence des apprentissages en contexte interculturel.
Pour ce faire, mon choix se porte sur l’entretien de type semi-directif pour les raisons suivantes :
«Il privilégie la richesse et la quantité des informations, et permet à la personne de s’exprimer librement ». (Grawitz, 2001). Dans cette perspective, il pourrait m’ouvrir des champs de réflexions possibles qui n’ont pas été abordés au cours de la phase conceptuelle.
« L’entretien est un parcours. Alors que le questionneur avance sur un terrain entièrement balisé, l’interviewer dresse la carte au fur et à mesure de ses déplacements ». (Blanchet & Gotman, 2007, p 19). Il s’apparente donc à un dialogue au cours duquel, l’interviewé peut exprimer son vécu et son ressenti sur les thèmes abordés. Sa pertinence est soulignée « lorsque l’on veut analyser le sens que les acteurs donnent à leurs pratiques, aux évènements dont ils ont pu être les témoins actifs ». (Ibid., p 24).
Cela implique une préparation en amont de l’entretien dans la mesure où les informations données par l’interviewé doivent être circonscrites aux thèmes étudiés. Pour ce faire, l’élaboration d’un guide d’entretien me parait nécessaire.
5.3.3 Le guide d’entretien
Selon Eymard (2003, p 136), « contrairement à ce que pensent parfois les personnes non expérimentées, un entretien se prépare, au risque, sinon, de recueillir des données peu utiles à l’objet de l’enquête ».De fait, il semble préférable d’utiliser au cours de l’entretien un guide où seront annotés les différents items à explorer se rapportant à l’objet de ma recherche.
A cet effet, l’élaboration d’un guide d’entretien devrait nous permettre de circonscrire le discours de l’interviewé à l’objet de notre étude tout en s’assurant que l’ensemble des thèmes à explorer a été abordé.
Pour ce faire, le guide d’entretien ainsi élaboré comprend d’une part, une grille d’analyse thématique afin de répertorier les thèmes et sous thèmes attendus, les unités d’enregistrement qui seront renseignés par du matériel verbal, ainsi que l’étude des éléments non verbaux observés. Cette grille n’est pas exhaustive et pourra être complétée dans la mesure où des éléments thématiques inattendus apparaîtraient dans le discours.
THEMES ABORDES | SOUS THEMES | UNITES VERBALES LIEES A CHAQUE SOUS THEME | NON VERBAL |
THEME ATTENDU Nº1 :
Management interculturel |
Communication |
Langage, difficultés, malentendus, médiation interculturelle. |
Posture
Expressions du visage : fermé ou ouvert, mimiques faciales.
Gestuelle corporelle : mouvements du tronc et des jambes, gestes des mains, mouvements de la tête
Gestes d’appui du discours (de fermeture ou d’ouverture).
Caractéristiques vocales (ton, intensité, vélocité)
Silences
|
Interculturalité | Multiculturalité, internationalisation, expatriation. | ||
Management | Styles de management, stratégie, compétitivité, changement (acceptation/ résistance), collaboration, leadership, accompagnement, synergie interculturelle, responsabilité, cadre de santé, manager. | ||
Intégration |
Adaptation, conflit, tolérance. | ||
Culture | Caractéristiques culturelles, différences culturelles, dimensions culturelles, distance hiérarchique, incertitude, ethnocentrisme, stéréotypes. | ||
Pratiques professionnelles | Analyse, bonnes pratiques, évaluation, harmonisation. | ||
Soins | Sens du soin, sécurité, qualité, soignants. | ||
Compétence | Savoir faire, savoir être, compétence interculturelle. | ||
THEME ATTENDU Nº2 :
Apprentissage |
Formation |
Dispositif de formation, Professionnalisation, référentiels (métier et compétences), évaluation. | |
Apprenant | Réflexivité, motivation, sentiment d’efficacité personnelle, posture. | ||
Méthodes pédagogiques | Apprentissage, socioconstructivisme, constructivisme, behaviorisme, cognitivisme, outils d’apprentissage, facteurs d’apprentissage, apprentissage interculturel, qualités du formateur, analyse des pratiques professionnelles. | ||
THEMES INNATTENDUS |
D’autre part, le guide d’entretien comprend les questions que je souhaite poser à mon interlocuteur. Dans cette perspective, j’ai prévu de débuter l’entretien par une question inaugurale. Elle revêt une importance non négligeable car elle a pour fonction d’introduire le sujet. Elle devra être à la fois précise pour indiquer le thème mais également suffisamment ouverte, pour favoriser l’expression de l’interviewé. Notons qu’après avoir testé le guide d’entretien auprès d’un cadre de santé correspondant à l’échantillon de population sélectionnée, il s’est avéré imprécis et peu fécond pour apporter des éléments de réponse à ma recherche. Je l’ai donc modifié de sorte que le terrain soit mieux balisé.
Q1 : En référence à votre expérience professionnelle interculturelle, comment avez-vous pris en compte les différences culturelles au sein de l’équipe soignante afin d’harmoniser les pratiques professionnelles ?
Cette question inaugurale permet à l’interviewé de parler de lui même, ce qui est primordial dans la mesure où je m’intéresse au vécu des cadres de santé et à leurs ressentis sur cette expérience interculturelle. De surcroît, elle cible d’emblée ce qui me paraît être le cœur de ma problématique, à savoir : la gestion de la diversité culturelle par le cadre de santé au sein d’une équipe soignante multiculturelle.
Dans un second temps, il me faut déterminer des questions qui me permettraient d’aborder les thèmes importants pour mon étude que l’interviewé n’aurait pas abordé spontanément. A ce titre, j’ai formulé deux questions secondaires :
Q2 : Les soignants d’une équipe multiculturelle ont bénéficié de processus d’apprentissages et de professionnalisations différents.
Comment le cadre de santé peut-il prendre en compte ces éléments dans son management?
Cette question vise à apporter des éléments de réponse sur l’influence présumée des méthodes pédagogiques dont les soignants ont bénéficié au cours de leur cursus d’apprentissage. Elle va permettre à l’interviewé de donner son point de vue concernant les avantages et les inconvénients d’une équipe multiculturelle et plus particulièrement, les différentes opportunités et les obstacles qui pourraient découler de la différence de systèmes d’apprentissages des individus.
Elle cherche également à mettre à jour dans quelle mesure une vision paradigmatique différente du soin et de l’approche de la santé influence en général la construction de la compétence collective au sein de l’équipe soignante.
Q3 : Comment le cadre de santé peut-il favoriser les apprentissages au sein d’une équipe multiculturelle ?
Cette question se trouve au cœur même de notre étude. Elle permet en effet à l’interviewé de donner les éléments, les moyens et les stratégies mis en place par le cadre de santé afin d’assurer la construction de savoirs en communs et promouvoir les bonnes pratiques au sein de l’équipe soignante multiculturelle.
Elle pourrait également lui permettre de conclure en ouvrant un champ des possibles sur des nouvelles perspectives managériales. En tenant compte de son vécu et de son expérience, comment aborderait-il désormais la question de la construction des apprentissages dans une équipe multiculturelle ?
Mon guide d’entretien prévoira également l’utilisation des relances qui « constituent les interventions les plus efficaces pour soutenir la production discursive de l’interviewé » (Blanchet & Gotman, 2007, p87).
Deux sortes de relance, utilisées avec parcimonie pourraient s’intégrer à l’entretien : la réitération (lorsque vous reprenez la même expression que la personne interrogée) et la reformulation. Toutes deux suscitent l’explicitation de ce qui vient d’être dit et confirme pour l’interviewé notre capacité d’écoute.
Enfin, il conviendra de respecter les temps de silence de l’interviewé, assimilés à une respiration du discours, il représente un temps nécessaire de réflexion pour le locuteur.
5.3.4 Les modalités d’entretien
Dans ma posture d’apprenti chercheur, je veillerai à respecter les règles déontologiques suivantes:
– Des demandes d’autorisation seront demandées auprès des directions des établissements et/ou des cadres de santé à interviewer en préalable à tout entretien.
– La date, le lieu et les conditions matérielles à la réalisation de l’entretien feront l’objet d’un consensus entre l’interviewé et moi même.
– La finalité de ma démarche de recherche est présentée au locuteur (mais en fin d’entretien, pour ne pas influencer son discours).
– Le recueil des informations délivrées au cours des entretiens nécessite des enregistrements. Néanmoins, l’autorisation de l’intéressé sera systématiquement demandée au préalable.
– Lors de l’usage de ces enregistrements, je veillerai à garantir l’anonymat du locuteur ou des personnes qui y sont mentionnées.
– Il sera précisé à l’interviewé l’éventualité de procéder à un entretien complémentaire afin d’étoffer la construction du cas clinique.
A l’issue de cette phase de récolte de données de terrain et après la retranscription tapuscrite des entretiens, je pourrais procéder à l’analyse de leur contenu.
5.4 L’ANALYSE DU CONTENU
5.4.1 Définitions et intérêts
Lors de l’élaboration de notre méthodologie de recherche, nous avons opté pour la conduite d’entretiens semi-directifs, dont l’analyse de contenu devrait nous permettre d’en préciser le sens.
Selon Berelson (In Bardin, 2007, p 42), « l’analyse de contenu est une technique de recherche servant à la description objective, systématique et quantitative du contenu manifeste des communications ».
Eymard explique que «le travail d’analyse de contenu consiste à réaliser un découpage en unités de sens et à procéder à un inventaire, une catégorisation, une codification. L’unité de sens peut être construite ou provenir d’un mot, d’une phrase, d’une causalité, d’une proposition » (2003, p 215).
Cette analyse discursive devrait nous permettre de confronter la théorie développée lors de la phase conceptuelle au prisme de la réalité de terrain pour, in fine, construire notre cas clinique à partir d’éléments qualitatifs contenus dans le discours.
Néanmoins, elle poursuit également un second objectif qui, selon le qualificatif utilisé par Eymard, est de « de déborder l’attendu des critères ». En d’autres termes, cela consiste à mettre en exergue, analyser puis exploiter des éléments, des possibilités inattendues de réponse à notre problématique. Dans cette perspective, Bardin (2007, p 32) nous précise que l’analyse de contenu vise « la découverte de contenus et de structures confirmant ou infirmant ce qu’on cherche à démontrer », mais également« la mise à jour d’éléments de significations susceptibles de conduire vers une description de mécanismes dont on n’avait pas à priori la compréhension. ».
5.4.2 La technique utilisée
Dans cette analyse de contenu, mon travail consistera en l’accomplissement de trois tâches distinctes et successives.
- La phase de pré analyse :
Elle nous permet d’organiser l’information contenue dans les discours. Elle consiste à repérer des indices « que l’analyse va faire parler (…) et leur organisation systématique en indicateurs » (Ibid., p 130)
Ensuite, le matériel soumis à analyse sera découpé « en unités comparables, de catégorisation pour l’analyse thématique » (Ibid., p131).
- La phase d’exploitation du matériel :
Cette phase consiste en l’élaboration des opérations de codages. Elle débute par une opération de catégorisation des principaux thèmes et sous thèmes qui ont été dégagés de la phase conceptuelle. Les catégories sont «des rubriques significatives, en fonction desquelles le contenu sera classé et quantifié». (Grawitz, 1993, p 560). Je devrais ensuite procéder à une opération de codage/comptage des unités d’enregistrement pour les soumettre à une grille d’analyse.
- La phase de décryptage et d’interprétation:
De ces opérations de codage/comptage, il s’agira d’en dégager les co occurrences[25] et les inférences[26]obtenues. Elles ont pour fonction d’expliciter le sens du discours afin de « justifier la validité de ce qu’on avance à propos de l’objet étudié en exposant les raisons de la preuve». (Robert & Bouillaguet, 1997, p 32).
Ainsi, les données brutes sont traitées puis soumises à l’interprétation qui consiste à « prendre appui sur les éléments mis au jour par la catégorisation pour fonder une lecture à la fois originale et objective du corpus étudié ». (Ibid., p 31).
Ce n’est qu’à l’issue de cette phase interprétative que nous devrions réellement comprendre le sens du contenu du discours dans sa globalité. Au final, ce sens donné construit le cas clinique qui est « une mise en ordre de l’inattendu recueilli, des différences, de l’imprévu » (Vial, 2001, p 147).
5.4.3 Les limites de la recherche
L’élaboration de mon cas clinique devrait me permettre de questionner les modèles théoriques développés au cours de la phase conceptuelle afin d’apporter des éléments de réponse à ma problématique managériale d’harmonisation de pratiques professionnelles en contexte multiculturel.
Pour autant, j’ai effectué cette démarche de recherche en tant qu’apprenti chercheur ce qui m’a confronté à plusieurs difficultés :
Tout d’abord, l’ampleur de la tâche quant à la revue de littérature des éléments se rapportant à mon objet d’étude : l’harmonisation des pratiques professionnelles, le management interculturel ainsi que les théories de l’apprentissage.
Ensuite, il y a eu la difficulté de recrutement du cas clinique compte tenu de la spécificité de ma population cible. Ainsi, le peu de personnes interviewées (trois) représentent probablement un biais pour la validation des résultats de mon enquête.
Puis, il y a eu le manque de technicité dans la conduite d’entretien qui ne m’a probablement pas permis d’extraire le maximum d’informations intéressantes qu’auraient pu me livrer mes interlocuteurs dans le cadre de ma recherche.
Enfin, je soulignerai l’absence de précédent en matière d’analyse de contenu, ce qui s’avère être pénalisant pour pouvoir tirer profit de l’ensemble des indices contenus dans le discours de l’interviewé et mettre « à jour des éléments de significations susceptibles de conduire vers une description de mécanismes dont on n’avait pas à priori la compréhension » comme précisé supra.
L’interprétation des données contenues dans l’entretien de mon cas clinique sera la dernière étape de ma démarche scientifique de recherche.
6 CONCLUSION PARTIELLE
Ce travail de recherche qui m’a accompagné tout au long de l’année représente l’aboutissement de ma formation à l’Institut des Cadres de Santé de Nice.
Il m’a tout d’abord permis de me familiariser avec la méthodologie de recherche, notamment la méthode clinique, mais également les outils de recherche tels que l’entretien et l’observation de sorte que je pourrais utiliser ce type de dispositif avec plus de sérénité en tant que cadre de santé pour de futures recherches.
Ce travail est empreint de nombreuses lectures, recherches, réflexions, échanges (avec différents professionnels de santé, mes pairs, ma directrice de mémoire). S’il ne m’a pas permis d’apporter des réponses à l’ensemble des questions que je me posais au début de ma réflexion, il a eu le mérite de questionner ma pratique professionnelle afin de me permettre de construire mon identité professionnelle de futur cadre de santé.
L’objet de mon étude est singulier dans la mesure où finalement, il s’intéresse à une situation peu habituelle pour les cadres de santé représentée par le management d’une équipe multiculturelle et les problématiques sous jacentes à un tel contexte.
Pour autant, les enseignements que je retire de ce travail de recherche sont les suivants :
Dans un contexte d’équipe soignante multiculturelle, le cadre de santé s’avère être, de par la place qu’il occupe à l’interface des différents pouvoirs (administratif, médical et soignant) la personne la plus à même pour créer une synergie interculturelle et faire en sorte que l’équipe soignante tende vers le mieux, au bénéfice du principal intéressé, le patient. En ce sens, le cadre de santé est « un fabricant de cohérence » (De Singly, 2009).
J’ai pu également appréhender dans le cadre de la présente étude, l’importance de la culture dans la prise en charge des patients, la qualité des soins qui sont effectivement donné aux patients, et l’harmonisation des pratiques professionnelles d’infirmiers ayant différentes cultures, et ayant bénéficié d’une formation très différentes de celle qui est attribuée en France.
Cependant, ce phénomène est inévitable dans la société actuelle, parce qu’elle est encouragée par des contextes politiques, sociaux et économiques. Peu importe l’établissement hospitalier dans lequel le cadre de santé sera intégré, il devra toujours faire face à de telles situations. Mais le risque qu’il devrait éviter par-dessus tout, est de tomber dans le piège du stéréotype. En effet, nous avons démontré tout au long de cette étude, que les acquis, les expériences et la société dans laquelle chaque individu s’est développé modèle son comportement, ses représentations mentales, et l’ensemble de ces actes peuvent refléter cet ensemble complexe qui le caractérise d’un autre individu.
Nous avons admis que le management multiculturel pourrait être un moyen pour harmoniser les pratiques professionnelles de ces infirmiers issus de différentes cultures. Cette étude m’a permis d’avoir un aperçu concernant la méthode de travail des différentes cultures, et notamment de la culture asiatique. J’ai également pu apprécier le fait que la divergence des pratiques ait pu nous aider à intégrer d’autres éléments dans la pratique de soins occidental, pour ne pas être tenté d’imposer uniquement notre façon de procéder aux autres cultures, étant donné que les pratiques et les expériences, les savoir faire apporté par ces autres cultures peuvent enrichir les pratiques de soins conventionnelles et aider les soignants dans un contexte de prise en charge de patient dont la culture est différente des leurs. Mais dans toutes ces démarches, les particularités de ces cultures et leurs impacts sur les soins constituent encore une énigme que le cadre de santé va devoir résoudre.
7 TRAITEMENT DES DONNÉES
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[1]Note d’orientation n°2 du 24 janvier 2006 – CNESMS, Guide de l’évaluation interne.
[2] Position politique de l’UNIOPSS (Union nationale interfédérale des oeuvres et organismes privés
sanitaires et sociaux) – CA du 16 mai 2006 – Document consultable sur le site : www.uniopss.asso.fr
[3] Journal des plaies et cicatrisations A. 2000, n° 23, pp. 13-17.
[4]Phaneuf Margot. L’analyse des pratiques professionnelles, http://www.infiressources.ca/fer/depotdocuments/Analyse_des_pratiques_professionnelles.pdf
[5] Jochim, P. 2005. Le management asiatique ou comment s’adapter et tirer profit d’une culture amenée à avoir un rôle international prépondérant, http://www.devesc.fr/mediadoc/20051107.pdf
[6]http://mipms.cnam.fr/servlet/com.univ.collaboratif.utils.LectureFichiergw?ID_FICHIER=1295877018033
[7] Adapté de la source: Hofstede G. (2005) –Cultures and Organizations. Software of the Mind – McGraw Hill, New York.
[8] Travailler avec des équipes internationales. Management participatif ou directif ? http://www.journaldunet.com/management/efficacite-personnelle/dossier/travailler-avec-des-equipes-internationales/management-participatif-ou-directif.shtml
[9] Lotzer F. France – Asie, deux modes de management, http://www.journaldunet.com/management/0409/040949_lotzer.shtml
[10]http://www.culturemedias2030.culture.gouv.fr/annexe/09-fiches-culture2030-9-.pdf
[11]Selon Adler N.1994. Comportement organisationnel, une approche multiculturelle. Editions Reynald et Goulet, p 149.
[12] Graber, M. 2002. « Communication interculturelle à l’hôpital : réflexion autour de la médiation », Tranel, 36 :113 – 122.
[13] La culture maghrébine vue par la culture soignante : Explication des différences psycho-socio-anthropologiques, http://www.diversite.eu/pages/La_culture_maghrebine_vue_par_la_culture_soignante_explication_des_differences_psychosocioanthropologiques-6230760.html
[14] Relation soignant-soigné en contexte multiculturel, Culture & Santé, n°9, http://www.google.mg/url?sa=t&rct=j&q=&esrc=s&source=web&cd=1&ved=0CCkQFjAA&url=http%3A%2F%2Fwww.cultures-sante.be%2Fcomponent%2Fphocadownload%2Fcategory%2F6-dossiersthematiques.html%3Fdownload%3D47%3Arelations-soignant-soigne&ei=UGuKUfG0CJCYhQeE4IE4&usg=AFQjCNFvxervSaSWMNWPiegeU_qoTSe1MA&bvm=bv.46226182,d.d2k&cad=rja
[15] Maccioni, J., Etienne, A., Efira, A., 2011. Accompagnement multiculturel de patients étrangers, Comprenne qui pourra, n° 289, http://www.cbai.be/revuearticle/566/print/
[16] Barnier G. Théories de l’apprentissage et pratiques d’enseignement, http://www.aix-mrs.iufm.fr/formations/fit/doc/apprent/Theories_apprentissage.pdf
[17] Barnier G. Théories de l’apprentissage et pratiques d’enseignement. In http://www.aix-mrs.iufm.fr/formations/fit/doc/apprent/Theories_apprentissage.pdf
[18]Regards sur l’apprentissage [ressource électronique] : recherche-action sur l’apprentissage chez des adultes en démarche d’alphabétisation populaire, Carrefour, http://bv.cdeacf.ca/bvdoc.php?no=24113&col=RA&format=htm
[19]http://www.irem.ups-tlse.fr/spip/IMG/pdf_Comment_apprend-on_.pdf
[20]Les profils de formation infirmière dans l’espace francophone en 2010, http://www.infirmiers.com/etudiants-en-ifsi/etudiants-en-ifsi/les-profils-de-formation-infirmiere-dans-l-espace-francophone-en-2010.html
[21]Gillert A. Concepts de l’apprentissage interculturel, http://youth-partnership-eu.coe.int/youth-partnership/documents/Publications/T_kits/4/French/2_concepts.pdf
[22] Coulibaly B. ( 2005) –Multiculturalité et apprentissage collaboratif assisté par ordinateur (ACAO). L’exemple du DESSUTICEF. Acte du 8ème Biennale de l’éducation de la formation. INRFP, p 6, Inhttp://www.inrp.fr/biennale/8biennale/contrib/longue/358.pdf
[23] OECD. 2000. Société du savoir et gestion des connaissances. OECD Publishing, p 256.
[24]Williams D. 2006. Who’s who in black Canada, vol. 2. D.P.Williams & associates, p.220.
[25]Co-occurrence: phénomène qui” s’attache à remarquer les présences simultanées de deux ou plusieurs éléments dans une même unité de contexte” (Bardin, 2007, p 69).
[26]Iinference:”operation logique, par laquelle on admet une proposition en vertu de sa liaison avec d’autres propositions déjà tenues pour varies” (Petit Robert, Dictionnaire de la langue francaise, SNL, 1972).
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