La Médiation Familiale dans la Justice des Mineurs en Suisse: Liens Parents/Adolescents et Réinsertion Sociale
Sommaire
- Introduction…………………………………………………………………………………………………. 3
- Réinsertion sociale des mineurs délinquants en Suisse………………….. 4
2.1. Cadre légal régissant la condition pénale des mineurs……………………………… 4
2.1.1. La loi fédérale portant sur les conditions pénales des mineurs……………………….. 4
2.1.2. La médiation pénale………………………………………………………………………………….. 5
2.1.3. Principes directeurs internationaux sur la protection des mineurs…………………… 6
2.2. Les dispositions prévues pour la réinsertion sociale du mineur…………………. 7
3.1. La médiation familiale…………………………………………………………………………………. 8
3.1.1. Définition et objectifs de la médiation familiale……………………………………………… 8
3.1.2. Champ d’application et fonctionnement……………………………………………………….. 9
3.1.3. Cadre déontologique et éthique………………………………………………………………… 10
3.2. La médiation familiale appliquée dans un service d’application de peines…… 10
3.2.1. La parentalité et la lutte contre la délinquance des mineurs…………………………. 10
3.2.2. Faisabilité de l’application de la médiation familiale…………………………………….. 12
3.2.3. Avantages et limites de la médiation familiale…………………………………………….. 14
- Conclusions………………………………………………………………………………………………… 16
- Bibliographie………………………………………………………………………………………………. 17
Le 01 Janvier 2007, la loi fédérale spéciale portant sur la procédure pénale applicable aux mineurs est entrée en vigueur en Suisse. Les mineurs qui commettent des infractions sont désormais régis par cette loi spécifique différente du code pénal suisse. Cette disposition judiciaire exprime la volonté des autorités suisses de : (i) de privilégier l’éducation, la protection et la prise en charge des mineurs, inversement aux sanctions systématiques de privation de liberté, (ii) de favoriser la prévention de la délinquance des jeunes à terme et de limiter la récidive, (iii). se conformer aux termes de la Convention des Nations Unies sur les droits de l’enfant.
Chaque infraction commise par un mineur a un impact négatif physique, moral ou financier sur sa victime, et sur la société en général puisqu’une infraction commise impunément constitue un risque de récidives pouvant causer plus de dommages que les infractions initiales. La réparation des préjudices causés par le mineur est prévue dans le droit pénal des mineurs suisses et elle peut aller du prononcé de mesures de protection au prononcé de peines incluant la privation de liberté. Des mesures pour la prise en charge éducative personnalisée de chaque mineur pendant l’exécution de sa peine sont également prévues dans cette loi fédérale pour garantir la continuité de l’éducation et de la formation du jeune ou pour le préparer à son intégration sociale et à son avenir professionnel après le purge de sa peine.
Outre les conséquences des infractions et les préjudices possibles causés à la victime, à la société, au mineur lui-même et à son avenir, la cellule familiale du mineur traverse également une crise intense pouvant être douloureusement vécue par chaque membre de la famille mais en particulier par le couple des parents. Cette crise peut causer la rupture, le déni du lien parental/enfant ou la démission parentale, ce n’est qui n’est guère souhaitable étant donné que les parents jouent un rôle primordial et central dans la socialisation, l’éducation, la direction morale et la surveillance de leurs enfants et que normalement, l’Etat ne peut pas également se substituer aux rôles des parents.
Dans le but de maintenir ou de restaurer les liens parents/adolescents en privation de liberté, ce mémoire s’interroge sur la possibilité de recourir à la médiation familiale dans un service d’application des peines.
Le présent mémoire présente dans une première partie le cadre légal régissant la condition pénale des mineurs en Suisse et les recommandations internationales des organisations en faveur de la protection des droits des enfants. Cette première partie permet de situer l’importance accordée par les autorités suisses au traitement des mineurs délinquants et leur réinsertion dans la société ainsi qu’à la place de la médiation dans le système judiciaire.
Il s’agit dans la seconde partie de définir comment la médiation familiale pourrait aider à maintenir les liens parents/adolescent, dans quelle mesure la médiation familiale peut être introduite dans un service d’application des peines des mineurs et de déterminer si le contexte légal et le cadre global y est favorable.
Des constatations et des recommandations générales concluront le présent document.
Les politiques généraux des autorités suisses face à la délinquance juvénile et les priorités de l’Etat sont exprimés dans la loi fédérale et leur loi d’application. Nous allons nous intéresser dans le cadre de cette première partie à étudier le cadre légal du droit pénal des mineurs et à dégager les priorités des autorités.
Les conditions pénales des mineurs en Suisse sont régies par une loi fédérale spéciale différente du code pénal applicable aux adultes. La mise en application de cette loi prend en considération les différentes règles internationales développées par les organisations internationales.
Les actes punissables commis par les mineurs suisses âgés de 10 à 18 ans révolus sont régis par la loi fédérale spéciale régissant la condition pénale des mineurs (DPMin) adoptée le 20 Juin 2003 et entrée en vigueur le 01 Janvier 2007 et par la loi d’application de la loi fédérale régissant la condition pénale des mineurs (LADPMin) adoptée le 14 Septembre 2006.
Les principes fondamentaux du droit pénal des mineurs en Suisse sont clairement définis dans l’article 2 de la loi fédérale portant sur la condition pénale des mineurs stipulant que :
‘’La protection et l’éducation du mineur sont déterminantes dans l’application’’ du droit pénal pour les mineurs, et
‘’Une attention particulière est vouée aux conditions de vie et à l’environnement familial du mineur, ainsi qu’au développement de sa personnalité.’’ La priorité éducative du mineur et sa socialisation constituent les principaux fondements du DPMin.
Conformément aux termes du DPMin, les mineurs qui ont commis une infraction condamnable par la loi se verront ordonner des mesures de protection ou des peines.
Les mesures de protection incluent :
- la surveillance des mesures prises par les parents ou les personnes exerçant l’autorité parentale pour l’éducation ou la prise en charge du mineur concerné par une personne compétente extérieure désignée par le juge des mineurs,
- l’assistance personnelle au mineur en termes d’éducation, de formation, de gestion de revenus et autres, elle se différencie de la surveillance par le fait que la personne compétente assignée par le juge des mineurs peut se substituer aux rôles éducatifs des parents au besoin,
- le traitement ambulatoire pour les mineurs sujets à des troubles psychiques, des troubles de personnalité ou de dépendances,
- le placement du mineur auprès d’une famille d’accueil ou d’une institution spécialisée lorsqu’il représente une menace pour lui-même ou pour la société.
Les peines incluent :
- la réprimande formelle pouvant être assortie d’une mise à l’épreuve,
- la prestation personnelle qui consiste pour le mineur à effectuer des travaux d’intérêt général ou à participer à des cours éducatifs pendant une période définie,
- le paiement d’une amende par le mineur,
- ou la privation de liberté pouvant aller de 1 mois à 4 ans lorsque le mineur est âgé de 16 ans et plus.
Les sanctions appliquées dans le cadre du droit pénal des mineurs suisses se fondent sur deux éléments essentiels:
- lors de l’instruction de chaque dossier d’infraction, l’autorité judiciaire fait procéder à une enquête approfondie sur la situation familiale, éducative et professionnelle du mineur concerné. Si à l’issu de cette enquête, le juge des mineurs estime qu’il y a besoin que le mineur soit pris en charge en éducation ou en thérapie, il peut ordonner une des mesures de protection citées ci-dessus. La sanction n’est donc pas fixée suivant la nature de l’infraction commise mais sur les résultats de l’enquête menée, soit sur la situation réelle et les conditions de vie du mineur. Les mesures de protection s’appliquent sur un mineur délinquant qu’il soit capable ou non d’évaluer le caractère illicite de son acte. Cet élément souligne l’importance accordée par cette loi fédérale spéciale à la prévention de la délinquance des jeunes, à la responsabilisation des parents pour la mesure de surveillance, à fournir une prise en charge personnalisée pour les jeunes en difficulté et à donner un environnement favorable éducatif au mineur.
- les peines s’appliquent lorsque le mineur ‘’possède la faculté d’apprécier le caractère illicite de son acte et de se déterminer d’après cette appréciation.’’ (art 11, al 2, LF). Les peines sont accompagnées de mesures de protection lorsque c’est nécessaire. Ce second élément met un accent sur la responsabilisation du mineur et l’incitation à une prise de conscience des conséquences de ses actes tout en privilégiant l’aspect éducatif et en gardant l’aspect répressif pour les délits les plus graves.
La possibilité de recourir à la médiation pénale est stipulée dans l’article 8 de la loi fédérale portant sur le droit pénal des mineurs. L’autorité compétente peut à tout moment suspendre la procédure d’instruction et de jugement pour renvoyer le dossier en médiation pénale, elle fait ainsi appel à une tierce personne ou organisation appelée médiateur et charge ce dernier de mettre les deux parties en litige, le mineur et la victime, dans un processus d’échange et de discussion. L’accord volontaire des deux parties constitue cependant une condition de faisabilité de la médiation. Ce processus a pour objectif de permettre l’instauration d’une communication entre le mineur et la victime ; de rechercher, de négocier et de se mettre d’accord sur une solution de réparation des préjudices qui soit acceptée par les deux parties. Lorsqu’un accord est trouvé aux termes d’une médiation pénale, l’autorité judiciaire accepte la décision prise et classe l’affaire au niveau pénal. Le mineur doit cependant s’engager à exécuter la solution de réparation. Lorsqu’un accord n’est pas trouvé, la procédure pénale est reprise.
La médiation pénale est assurée par des médiateurs compétents et expérimentés qui veillent à rester neutres pendant tout le processus et qui s’assurent à ce que les discussions se passent dans un climat de respect où chaque partie peut s’exprimer et être écoutée. Les médiateurs sont également tenus à la confidentialité de tous les propos échangés durant la médiation.
La médiation pénale présente l’avantage de confronter le mineur et la victime et joue un important rôle socio-éducatif. Le mineur entend ainsi de la victime en personne les conséquences négatives de ces actes, que ce soit psychologique, physique ou financier. Ce face à face provoque généralement un travail émotionnel auprès de l’adolescent qui ressent généralement par la suite des regrets, des remords ou d’autres manifestations émotionnelles. Les adolescents agissent parfois par bravache, défi de l’autorité, recherche d’émotions fortes, pour braver l’interdit, sous influence ou suite à une réaction mal contrôlée, sa confrontation avec la victime et la procédure pénale auquel il fait face, permet au mineur de prendre conscience de la portée possible de ses actes futurs et de reconnaître la loi en parallèle. Par ce processus, le mineur reconnaît la justesse de la réparation convenue et est plus enclin à l’exécuter.
La médiation ne constitue pas une nouveauté en Suisse : le canton de Fribourg fut le premier à mettre en œuvre cette méthode extrajudiciaire en 2004 par la mise en place d’un bureau de la médiation pénale bien avant l’institutionnalisation de la médiation pénale dans une loi fédérale. Fin 2010, le Bureau de la médiation pénale des mineurs enregistre un taux de succès de 75% sur un ensemble de 550 cas : 372 cas médiés ont été concluants, 84 cas n’ont pas abouti, 94 cas étaient encore en plein processus[1].
La Suisse a ratifié la Convention relative aux droits de l’enfant en Mars 1997 et s’est ainsi engagée à mettre en place les moyens nécessaires pour assurer entre autres un bon environnement familial et social, le développement de la personnalité, une éducation et de la formation aux enfants. Bien que les différentes règles préconisées par les Nations Unies portant sur la protection des mineurs privés en liberté, ou concernant l’administration de la justice pour mineurs (règles de Beijing)[2] ou la prévention de la délinquance juvénile (règles de Riyad)[3] ne revêtent pas un caractère obligatoire pour les pays, la Suisse a intégré plusieurs de ces principes dans la loi fédérale portant sur les conditions pénales des mineurs.
Dans les domaines de l’éducation et de la socialisation qui nous intéressent particulièrement, ces principes des Nations Unies préconisent par exemple :
- l’installation, la fourniture de services et toutes autres formes d’assistance au mineur,
- la mobilisation de tous services pouvant contribuer efficacement à la réinsertion du mineur dans un cadre communautaire et à l’intérieur de la cellule familiale,
- la prise de mesures pour fournir une assistance sociale aux parents qui en ont besoin pour maîtriser des situations d’instabilité ou de conflit,
- la mise en place de programmes qui permettent aux parents de se familiariser avec leurs rôles et leurs devoirs, d’instaurer des relations positives entre parents et enfants et de sensibiliser les parents aux préoccupations des enfants.
La loi fédérale pour les conditions pénales des mineurs explicite les dispositions prévues durant l’exécution de la peine de privation de liberté pour assurer la réinsertion sociale du mineur dans l’article 27:
Alinéa 2. ‘’La privation de liberté est exécutée dans un établissement pour mineurs qui doit assurer à chaque mineur une prise en charge éducative adaptée à sa personnalité et notamment, un encadrement propre à préparer son intégration sociale après sa libération.’’
Alinéa 3. ‘’L’établissement doit être à même de favoriser le développement de la personnalité du mineur. Ce dernier doit avoir la possibilité d’y entreprendre, d’y poursuivre ou d’y terminer une formation, ou d’y exercer une activité lucrative si la possibilité de fréquenter une école, de suivre un apprentissage ou d’exercer une activité lucrative en dehors de l’établissement, ne peut être envisagée.’’
Pour permettre la réalisation de ces dispositions dans la pratique, les cantons suisses doivent créer les établissements nécessaires pour le placement des mineurs en privation de liberté dans un délai de 10 ans après la date d’entrée en vigueur de la loi fédérale portant sur les conditions pénales des mineurs. A titre d’illustration, en se basant sur le projet de décret de construction d’un établissement d’incarcération des mineurs pour la Suisse Romande à Palézieux[4], il y est prévu qu’un éducateur serait assigné au mineur au lendemain de son arrivée au centre de détention. Ce dernier se chargera d’accompagner le jeune dans l’élaboration de projets individuels et d’activités collectives avec l’aide des enseignants socio-professionnels en fonction du régime de détention du mineur et de ses réels besoins évalués en fonction de sa situation personnelle, scolaire et familiale. L’éducateur est également chargé de veiller à la mise en œuvre de ces projets. Des ateliers petite mécanique, bois, fer, cuisine et autres, ou des formations visant le rattrapage des lacunes scolaires par le biais du système formation en classe/séance pratique sont mis en place. Bien que la durée de la peine de privation de liberté ne permette pas dans certains cas de finir tout un cursus scolaire ou professionnel et bien que les autorités de l’Etat ne peuvent pas garantir la faisabilité d’un module scolaire ou professionnel précis, l’objectif est de ne pas détacher le jeune du système éducatif et professionnel, de ne pas l’isoler, de lui faire découvrir le goût de l’effort et de la persévérance, le goût d’un travail bien fait, de favoriser sa socialisation, l’apprendre à se respecter et à respecter les autres, de le guider et le préparer à sa vie après sa détention.
La loi fédérale régissant la condition pénale des mineurs a instauré la base et le cadre légal et institutionnel pour favoriser l’éducation et la réinsertion des délinquants mineurs, permettre une justice réparatrice envers la société et pour punir plus sévèrement les délits et crimes graves. La priorité éducative et les mesures prises pour l’éducation et la réinsertion sociale des mineurs ont été étayé au cours de cette première partie. Après le purge de leurs peines qui s’étalent de 1 à 4 ans dans les cas les plus graves, les mineurs sont remis à la société, ils doivent avoir acquis les bases d’un comportement social pour ne pas replonger dans la délinquance et refaire d’autres infractions. Bien que des réseaux sont prévus suivre l’évolution des jeunes après leur libération, les mineurs rejoignent leurs familles sauf cas exceptionnel. Lors de l’incarcération d’un enfant, les familles subissent des crises intenses accentuées par le sentiment d’échec, d’incompréhension des jeunes et le rejet social. Certains parents s’estimant incapables de bien éduquer leurs enfants violents et mal socialisés ont jeté l’éponge avant, pendant ou après la mise en détention et deviennent des parents démissionnaires ou défaillants. Or, la famille, plus particulièrement les parents ou l’autorité parentale, doit continuer de jouer son rôle central dans la socialisation, l’éducation et la surveillance des mineurs. La deuxième partie ci-après examine la possibilité d’introduire la médiation familiale dans un service d’application de peines de privation de liberté.
- Maintien ou restauration des liens familiaux : proposition d’intégration de la médiation familiale dans un service d’application de peine
De nos jours, la pratique de la médiation gagne de l’ampleur pour régler toutes sortes de litiges incluant les litiges familiaux.
La médiation familiale se définit comme une procédure de règlement amiable de conflits, elle réunit trois acteurs principaux : les deux parties en conflit qui sont des membres d’une même famille, et le médiateur qui est une tierce personne. Le médiateur joue un rôle important dans la médiation familiale puisqu’il aide les parties en conflit à surpasser leurs différends et à trouver des solutions dont les enjeux sont généralement centrés sur l’intérêt et le bien-être des enfants. La médiation familiale peut être ordonnée par une autorité de justice ou initiée par une des parties en conflit. Elle est cependant plus connue comme un moyen extrajudiciaire pour régler les conflits et trouver des solutions communes. Dans le cas d’une médiation familiale judiciaire, les décisions adoptées par les deux parties à l’issue de la médiation sont rapportées par le médiateur auprès du juge pour être inclus et validé dans une décision de justice. Une médiation familiale ne peut cependant pas se faire sous la contrainte, les deux parties doivent être volontaires pour participer au processus.
La médiation familiale a pour objectif d’aider les parties en conflits à rechercher, trouver des arrangements et adopter des décisions adéquates au bien-être des enfants et satisfaisant autant que possible les besoins des parents. Les parties demeurent responsables de la formulation des arrangements, le médiateur œuvre principalement pour faciliter l’atteinte des objectifs. Elle présente de nombreux avantages puisque les parties engagées dans une médiation familiale et ayant abouti à des arrangements communs maintiennent des bonnes relations, favorisent et continuent le dialogue, sont satisfaites des dispositions communes décidées et sont plus motivés à les respecter car elles n’ont pas été imposées par un tribunal. Les solutions adoptées sont par ailleurs durables dans le temps et rarement contestées car les parties se connaissent et connaissent mieux les besoins de leurs enfants, elles restent les personnes les mieux placées pour prendre des décisions pour leurs enfants et dans l’optique de la médiation familiale, aucune partie n’est gagnante ni perdante. Ce processus réduit considérablement l’intensité des conflits, instaure le dialogue et améliore la communication. La médiation familiale vise uniquement l’intérêt supérieur de l’enfant, ainsi elle ne cherche pas à réconcilier les parties, ne prodigue pas de conseil et n’agit pas non plus comme une thérapie.
‘’La médiation familiale s’occupe de l’ensemble des litiges qui peuvent survenir entre les membres d’une même famille, qu’ils soient liés par le sang ou le mariage, et entre les personnes qui ont ou ont eu des relations familiales, telles que définies par la législation nationale’’.[5]
Elle concerne :
- les couples en séparation ou en procédure de divorce;
- les parents ayant des désaccords sur l’éducation des enfants;
- les adolescents ou jeunes adultes en conflit avec leurs parents;
- les enfants adultes et leurs parents âgés lors d’un placement en institution ;
- les familles qui veulent régler les questions d’héritage avant ou après le décès ;
- les familles recomposées,
- les conflits familiaux portant sur les liens entre les grands-parents-et les petits enfants.
La médiation familiale est majoritairement utilisée dans les cas de séparation des couples et des divorces surtout lorsque les couples ont des enfants. Plusieurs questions comme la garde des enfants, les droits de visite, le partage des biens déchirent les parents qui se perdent dans leurs querelles au détriment de décider ce qui est bien pour leurs enfants. La médiation familiale s’est alors positionnée comme une solution possible pour gérer les conflits et a été ainsi inclus dans la législation de certains pays. Même si les parties ne peuvent pas être contraintes à participer à une médiation familiale, le caractère volontaire de la participation étant primordial, certaines autorités organisent des séances d’information sur les caractéristiques, le fonctionnement, les objectifs, les avantages ainsi que les liens entre la médiation et les décisions judiciaires, pour les couples en séparation ou en divorce afin de les convaincre de la nécessité de la médiation.
Lors d’une médiation familiale, le médiateur adopte une approche structurée. Il doit cependant faire preuve d’une bonne dose de flexibilité pour pouvoir d’adapter aux caractéristiques de chaque famille. Les parties peuvent choisir un médiateur de leur choix, les Etats mettent généralement à disposition du grand public une liste des médiateurs agréés ou assermentés. La médiation commence toujours par un entretien individuel du médiateur avec chacune des parties ou par une séance collective avec d’autres personnes. Cet entretien a pour objectif d’expliquer le processus de la médiation. Des entretiens sont par la suite tenus entre le médiateur et les parties afin de trouver des arrangements acceptables pour tous dans la gestion et la résolution des conflits. Le médiateur utilise diverses techniques pour mener à bien les entretiens : fixation de temps de parole, énoncé des positions ou formulation résumée des propos des parties, formulation des éléments de discussion, recentrage des discussions sur les enfants… Le médiateur veille à ce que la médiation se passe dans un local garantissant la confidentialité des échanges. Il s’assure également à ce que le processus se réalise dans un délai raisonnable. Il arrive cependant que le juge fixe lui-même la durée prévue pour réaliser la médiation. Les parties ont la liberté de se retirer à tout moment de la démarche de la médiation. Lorsque les parties se sont mises d’accord sur des arrangements, ceux-ci sont rapportés sur un document qui sera signé par les deux parties. Si aucun accord commun n’a été obtenu, le médiateur rapporte l’échec auprès du juge.
Suivant les études antérieures effectuées, la médiation familiale est difficile à appliquer dans une famille où la violence règne et dans le cas d’aliénation parentale.
Le médiateur est soumis à des règles déontologiques dans la réalisation de sa mission :
- le médiateur doit demeurer impartial et ne prendre position pour aucune des parties. Il doit veiller à équilibrer les pouvoirs de chaque partie afin que personne ne se mette sur la défense et cherche à gagner à tout prix au risque de faire échouer la médiation. Le médiateur encourage une communication directe et franche,
- il doit également faire preuve de neutralité quelque soit les arrangements décidés par les parties. Celles-ci restent maître de la recherche et de la formulation de solutions. Le médiateur ne peut pas contraindre, manipuler, intimider, ou menacer les parties, il ne peut pas non plus imposer des solutions.
- le médiateur agit en toute indépendance,
- il veille à assurer la confidentialité des échanges et des discussions qui ne peuvent être utilisées même en justice sauf accord des deux parties,
- le médiateur ne doit pas conseiller les parties sur des questions relatives à des problèmes familiaux ou des problèmes de couples. Le médiateur peut par contre informer les parties ou les orienter auprès de professionnels pour les aider à résoudre leurs problèmes.
Pour pouvoir exercer le métier de médiateur familial en Suisse, les candidats potentiels doivent satisfaire un certain nombre de profil et de qualifications: être âgé de plus de 30 ans et ne pas avoir de casier judiciaire, avoir un diplôme universitaire ou avoir effectué une formation dans une discipline ayant attrait au social et autres, avoir une bonne expérience professionnelles, avoir effectué une formation en médiation auprès d’une association en Suisse, reconnu avoir les capacités et les qualités nécessaires d’un bon médiateur, connaissances approfondies et expériences dans la psychologie de l’enfance et l’adolescence, l’éducation et le travail social.
La loi fédérale régissant les conditions pénales des mineurs prévoit de l’emprisonnement pour les infractions graves commises par les mineurs. Bien qu’elle soit répressive, la loi priorise l’éducation et la réinsertion sociale. Un environnement familial sain est nécessaire pour une bonne prise en charge éducative des enfants et des adolescents.
‘’Des études montrent que les enfants soumis à un contrôle parental approprié sont moins susceptibles de se livrer à des activités criminelles. Des environnements familiaux instables – caractérisés par le conflit, un contrôle parental inapproprié, des relations et une intégration internes médiocres et une autonomie précoce – sont étroitement liés à la délinquance juvénile.
(…) L’importance du bien-être familial est de plus en plus reconnue. La réussite scolaire dépend grandement de la capacité des parents à offrir des possibilités «de départ» à leurs enfants.
(…) Il apparaît que la famille, en tant que première institution de la socialisation, joue le premier rôle dans la prévention de la délinquance infantile et juvénile. Les efforts de prévention les plus impressionnants s’axent sur les familles des jeunes à problèmes, y compris les jeunes présentant de graves troubles du comportement’’[6]
La grande majorité des organisations internationales reconnaissent l’importance du rôle parental dans la prévention et dans la lutte contre la délinquance des mineurs. En effet, l’insuffisance d’encadrement des enfants par les parents, les punitions corporelles sévères, les conflits entre les parents, la séparation ou le divorce à un jeune âge, la faible intensité des liens entre les parents et leurs enfants ainsi qu’un niveau de vie économiquement faible contribuent fortement à la délinquance juvénile.
Les parents jouent un rôle central dans la socialisation, la protection (la santé entre autres) et l’éducation des enfants. Ils doivent être continuellement présents et doivent surveiller leurs enfants même dans les petits détails car les premières infractions sont mineures, les enfants ou adolescents testent la réaction de leurs parents. Si celles-ci restent impunies, les prochaines infractions peuvent s’avérer plus graves. Il appartient aux parents de fixer clairement les limites acceptables, d’expliquer les raisons pour lesquelles les règles sociales ne doivent pas être contournées, d’exiger leur respect et de sanctionner en cas de besoin. Les parents doivent par ailleurs servir de modèle dans leur manière de se respecter, de respecter leurs enfants et dans leur manière de se comporter en général.
Même si un mineur a été sanctionné d’une réprimande, d’une prestation personnelle ou d’une amende à la suite d’une infraction, son éducation générale relève toujours de ses parents et même s’il a été puni d’une privation de liberté pouvant aller de 1 mois à 4 ans, le jeune est remis à sa famille après la libération. Ces peines génèrent habituellement des impacts sur le mineur sanctionné et sur ses parents :
- le mineur détenu peut perdre ses repères familiaux et sociaux dû à son isolement dans le centre de détention, pouvant ainsi causer une rupture possible dans les liens familiaux parents/enfants. Il peut s’habituer à la discipline imposée en prison (horaires, ateliers …) et perd ces nouveaux repères à sa sortie. Le maintien des liens familiaux est primordial pour préparer le mineur à sa vie après sa libération : visites régulières, correspondance et appels téléphoniques.
- les parents vivent également une grande souffrance lorsque leur enfant est détenu : ils ont parfois de la difficulté à le visiter régulièrement surtout si le centre de détention est éloigné de leur domicile et qu’ils n’ont pas les moyens financiers. Les parents se disent qu’ils ont échoué dans l’éducation de l’enfant. Ils ressentent également de la honte envers la société et se sentent rejetés par celle-ci. Ces sentiments sont accentués par le fait que les parents ont généralement du mal à communiquer avec un enfant délinquant violent qu’ils n’arrivent pas à comprendre. Les parents peuvent se sentir démunis face à un adolescent incontrôlable et peuvent tout simplement démissionner de leur rôle parental, ce qui n’est pas souhaitable puisque les mineurs doivent être fortement encadrés surtout pendant ou après l’exécution d’une peine pour qu’ils puissent retrouver leurs repères et se réintégrer à la société. Les parents qui connaissent des difficultés à éduquer leurs enfants ou qui ont du mal à reprendre ces derniers en main doivent bénéficier d’un soutien ou d’une assistance. Il est proposé dans le présent document que la médiation familiale pourrait jouer un rôle dans le maintien des liens parentaux/enfants.
La médiation familiale dans la gestion des conflits parents/enfants ou adolescents
Le soutien aux parents et aux mineurs délinquants est plus que jamais nécessaire pour lutter contre la délinquance juvénile et la récidive et pour aider les parents à éduquer les enfants dans une situation de communication difficile et de conflits entre les membres de la famille. Pour que la prise en charge éducative et sociale des mineurs délinquants se déroule dans les bonnes conditions, les parents et le jeune ont chacun des besoins :
- le jeune a besoin d’être respecté, écouté et compris par ses parents, il a besoin d’être encadré, guidé et savoir qu’il a sa place dans la famille. Il a besoin qu’on lui fasse confiance.
- les parents ont besoin que leur autorité parentale soient reconnu par leur enfant, ils ont besoin de savoir comment éduquer un adolescent, comment instaurer des règles, comment les surveiller sans les braquer, comment surveiller leurs fréquentations, comment les confier des responsabilités. Les parents ont par ailleurs besoin d’être respectés par les enfants.
Par définition, la médiation familiale peut aider à gérer l’ensemble des litiges qui surviennent entre les membres d’une même famille. Elle peut ainsi à priori s’appliquer pour gérer les conflits entre les parents et le jeune. Les parents peuvent ainsi faire appel à un médiateur externe qui mettra les parents et l’enfant mineur en discussion autour d’une même table. La médiation pourrait avoir comme objectif :
- d’instaurer des règles de conduite entre les parents et l’enfant afin d’améliorer leur communication comme dans le cas des divorces ou séparations où la médiation familiale aide par exemple les parents à fixer des règles sur les catégories de films que leur enfant peut voir pour que les parents s’alignent sur des mêmes règles afin de ne pas déstabiliser l’enfant,
- ou de résoudre un problème bien précis comme dans le cas des divorces ou séparations où la médiation familiale aide par exemple à statuer sur les droits de visite d’un parent.
Les cas de divorce et de séparation sont pris à titre d’illustration puisque la médiation familiale s’applique dans 80% des cas.
Une médiation familiale réalisée dans le cadre d’une gestion de conflits entre parents/enfants se déroulerait comme suit. Le médiateur effectue sa mission en cinq phases. Lors de la première phase, il explique son rôle et le fonctionnement général de la médiation, et ce qu’il attend principalement des parents et du jeune, soit une discussion franche et ouverte. Il s’assure que chacune des parties comprenne l’objectif de la médiation. La deuxième phase est orientée sur les causes du conflit: les points sur lesquels les parents et l’enfant s’accordent et les points sur lesquels ils ne sont pas d’accord, ce qui va permettre d’identifier les sujets de discussion. Le médiateur veille à ce que chacun a un temps de parole égal, à ce que la discussion soit bien équilibrée, à ce que les parties s’écoutent, à ce que chacun comprend et interprète de la même façon ce que l’autre dit en s’assurant à ce que les parties se respectent. Ce qui amènera à la troisième phase où les besoins de chaque partie sont définis et exprimés. Le médiateur pousse la négociation sur les besoins communs des parties et non sur les positions des parties au risque de faire échouer la médiation. La quatrième phase consiste à rechercher des solutions qui soient acceptées par les parents et l’enfant et dans la dernière phase, le médiateur inscrit les arrangements convenus sur un document, le fait signer par les parties. Les trois parties conviennent par la suite d’une réunion après deux ou trois mois par exemple afin d’évaluer la situation et de recadrer les arrangements si nécessaire.
Le service d’application des peines des mineurs en Suisse
Les tâches socio-éducatives des mineurs sont assurées à différents niveaux par : (i) les offices fédéraux et les cantons qui sont des organismes publics chargés de financer les établissements publics et de subventionner les fondations et associations privées intervenant dans le socio-éducatif ; (ii) l’Office de la Jeunesse et les tribunaux des mineurs qui demandent le placement des mineurs en dernier recours lorsque toutes les alternatives possibles ont été examinées ; ainsi que (iii) les institutions et les familles chargées de l’accueil des mineurs.
L’Office de la Jeunesse inclut le service médico-pédagogique et le service de protection des mineurs. Les mesures ordonnées par la Chambre pénale des mineurs relatives à l’assistance éducative sont déléguées aux professionnels du Service de Protection des Mineurs ou SPMi.
Le SPMi a pour mission de renforcer les compétences des parents à éduquer leurs enfants, à veiller sur l’intérêt des enfants, et à demander une procédure judiciaire de placement lorsque c’est vraiment nécessaire. Les activités du Service de Protection des Mineurs incluent l’information des parents et l’évaluation sociale des dossiers de séparation et de divorce ainsi que l’intervention socio-éducative auprès de la famille. Ce service intervient auprès des familles suite à la demande des parents ou des mineurs, à la demande d’une tierce personne ou suite à une ordonnance judiciaire. L’intervention peut être ponctuelle lorsqu’un simple conseil suffit à rétablir l’autorité parentale ou être à long terme lorsque les assistants sociaux du service estiment que le cas de la famille assistée nécessite une prise en charge plus complète. Les assistants sociaux du SPMi sont compétents pour travailler avec des familles qui veulent être entendus et soutenus dans des problèmes familiaux, éducatifs ou sociaux incluant les problèmes relatifs à la violence ou l’alcoolisme ou la toxicomanie.
Les peines de privation de liberté des mineurs sont exécutées dans des établissements de détention des mineurs conformément au Concordat cantonnaire et au règlement intérieur de l’établissement. Un éducateur qui est un assistant social du SPMi est chargé d’accompagner chaque mineur incarcéré jusqu’à sa libération. Il est principalement chargé de travailler avec le mineur afin d’établir un programme d’éducation et de réinsertion sociale. L’éducateur veille à travailler avec un réseau social afin d’assurer que la prise en charge éducative du mineur délinquant continue même après sa libération. Lors de l’instruction du dossier d’un mineur ayant commis une infraction, le juge fait procéder à une enquête sur la situation personnelle, familiale, scolaire, éducative et professionnelle de ce dernier. L’enquête pourrait faire ressortir dans certains cas que des conflits et des difficultés de communication existent entre les parents et le mineur délinquant ou que les parents expérimentent des problèmes d’éducation, problèmes qui seront pris en charge si nécessaire par le SPMi.
Exemple de programme de soutien parental à l’éducation : l’AEMO
Le dispositif AEMO ou Action Educative en Milieu Ouvert vise à soutenir les familles avec des enfants et des adolescents scolarisés âgés entre 8 à 18 ans afin de résoudre les problèmes d’éducation et scolaires, les problèmes personnels, familiaux, sociaux et professionnels professionnelles. Bien que les objectifs principaux de l’AEMO consistent à (i) protéger et développer l’enfant, (ii) maintenir les enfants dans un réseau de suivi social et (iii) éviter le placement des mineurs dans une autre entité que sa famille, les éducateurs travaillent principalement à instaurer et à maintenir une bonne relation parents-enfants. Les éducateurs organisent des ateliers éducatifs et des interventions de proximité intensives auprès des familles. Les changements attendus du programme AEMO sont l’amélioration de la capacité de dialogue entre les membres de la famille, la capacité des parents à écouter et évaluer les besoins des enfants et leur capacité à poser des limites. Les éducateurs ont recours à l’observation, l’entretien, l’aide et le suivi de l’éducation quotidienne, la mise en lien avec l’entourage, la médiation, l’orientation vers des réseaux professionnels, l’accompagnement dans des démarches administratives, l’élaboration de projets (scolaires, professionnels, culturels, etc.), le rappel des normes légales et sociales.[7]
Il ressort de cette brève analyse que des dispositions existent déjà au niveau de certains cantons pour répondre aux besoins d’accompagnement et de soutien parental afin de promouvoir l’éducation et la réinsertion sociale des mineurs.
Avantages de la médiation familiale
La médiation familiale présente l’atout majeur d’améliorer ou de réintégrer la communication entre les parents/enfants dans la vie de famille, de réinstaurer les repères familiales, de résoudre ou de réduire l’intensité des conflits, de fournir aux parents/enfants une ligne de conduite acceptée par tous si les parties ont pu trouver un arrangement.
Le médiateur en relation fréquente avec la famille :
- écoute, entend et comprend la complexité de la famille,
- oriente les parents/enfants sur des solutions possibles pour résoudre les conflits sans pour autant les forcer ou les manipuler. La famille décide de ce qu’elle veut et de ce qui lui semble bien.
Limites de la médiation familiale dans un service d’application des peines
Il arrive cependant que la situation de la famille soit plus compliquée et que la médiation familiale seule ne soit pas suffisante pour résoudre l’incapacité des parents à éduquer leurs enfants ou de les aider à mieux éduquer, et de répondre à des problèmes qui constituent des contraintes pour une bonne éducation de l’enfant (pauvreté, chômage, problème d’argent, consommation d’alcool, consommation de drogue, violence, appartenance du mineur à un gang…). Compte tenu des règles déontologiques s’appliquant au médiateur, ce dernier ne doit fournir aucun conseil relevant des questions éducatives et autres, il doit orienter et informer les parents sur des services professionnels ou sur des programmes d’éducation plus adéquats qui les aideront à mieux gérer leurs problèmes. Ces services d’assistance et programmes incluent par exemple le SPMi ou l’AEMO. Le médiateur passe ainsi le relais à des personnes plus expérimentées sur les problèmes de la famille capables de les aider et peut même aider les parents à effectuer le premier pas vers ces services.
Pour aider certaines familles dont les cas sont compliqués, il s’avère nécessaire d’étudier le passé ou le vécu de la personne, analyser son passé afin de permettre à la personne de mieux préparer son avenir. La médiation familiale ne s’intéresse pas particulièrement aux histoires du passé, il se concentre sur les faits du présent et sur ce qui sera décidé pour le futur. Ce processus n’est pas suffisant lorsqu’un des membres de la famille a besoin d’une thérapie familiale. La médiation familiale n’est pas en outre appropriée lorsqu’il s’agit de développer des réflexions sur la réinstauration de tout un système complet d’éducation.
Ainsi, la médiation familiale ne s’adapte pas à tous les cas. Elle peut aider à gérer des conflits assez simples où les parents et les enfants sont en désaccord. Elle peut également aider les parents à déterminer s’il leur faut l’assistance de services professionnels et plus suivis dans l’apprentissage de la manière d’éduquer et d’être des parents.
La médiation familiale est par ailleurs un processus ponctuel qui se déroule dans un délai raisonnable de trois à six mois maximum, un soutien parental peut s’étaler sur deux années pour les cas compliqués de certaines familles.
Contrairement à la médiation pénale où les arrangements convenus entre les parties sont formalisés en justice, les accords décidés lors d’une médiation familiale ne sont pas obligatoires. Les parties doivent ainsi faire preuve de bonne volonté et fournir les efforts nécessaires pour respecter ces arrangements. Pour réellement aider la famille dans la parentalité, le processus de soutien à la parentalité doit intégrer des réunions d’évaluation pour savoir où la famille se situe et si elle a respecté les accords convenus et si ils sont satisfaisants. Le suivi et évaluation ne font normalement pas partie du processus de médiation.
La médiation familiale semble en outre difficile à appliquer dans le milieu fermé d’un service d’application des peines : la relation parents/enfants est maintenue grâce aux visites régulières, téléphones ou correspondances. La discipline, la surveillance, l’éducation des mineurs délinquants sont temporairement prises en charge par l’établissement de détention durant la durée de la peine. Même si des résolutions futures sont décidées dans le cas d’une médiation familiale, la distance entre les parents et le mineur ne permettront pas leur mise en œuvre immédiate.
La médiation familiale est un processus de règlement amiable de litiges et de gestion de conflits entre les membres d’une même famille visant à rechercher, négocier et à définir des solutions communes à un ou des problèmes bien précis. La médiation familiale est appliquée à 80% dans les cas de divorces et de séparations. Quelque soit son domaine d’application, elle présente l’avantage majeur d’améliorer la communication et de désamorcer les tensions.
Le service d’application des peines des mineurs délinquants a pour mission principale d’assurer l’exécution par les mineurs des peines prononcées par le tribunal des mineurs, que ce soit en prestations personnelles, en amendes ou en privation de liberté. Le tribunal des mineurs demande l’examen de la situation personnelle, éducative, scolaire et professionnelle pour chaque dossier de mineur appréhendé. Le mineur détenu est accompagné dès son arrivée en centre de détention jusqu’à sa libération d’un éducateur du Service de Protection des Mineurs ou SPMi chargé de mettre en place des programmes d’éducation et de réinsertion sociale pour le jeune pendant sa détention conformément aux priorités éducatives de la loi fédérale régissant les conditions pénales des mineurs. L’éducateur doit également assurer la préparation du mineur à sa libération, ce dernier est généralement remis à sa famille qui joue un rôle central dans la socialisation et l’éducation des jeunes.
Par principe, la médiation familiale cherche à résoudre des problèmes précis sur un délai raisonnable. Elle ne s’adapte pas aux cas des délinquants mineurs détenus qui viennent généralement de familles connaissant des difficultés socio-économiques ou d’intégration, un environnement violent ou qui ont des parents démissionnaires ou défaillants. Un soutien parental de proximité accompagné d’un suivi fréquent par les assistants sociaux ou une thérapie familiale sont habituellement requis pour la majorité de ces cas. Ces programmes de soutien enseignent aux parents à éduquer leurs enfants sur une à deux années et soutiennent les mineurs en parallèle. L’éducateur assigné au mineur durant sa détention peut recourir à d’autres professionnels du service social pour assurer la prise en charge éducative du mineur pendant la détention et après sa libération en passant le dossier à d’autres assistants sociaux chargés de suivre ce dernier. Le soutien parental peut être demandé à tout moment par les parents, par le mineur, ou par un service social. La médiation familiale constitue un outil d’intervention durant un programme de soutien parental, il arrive en effet que l’éducateur ou l’assistant social peuvent joue le rôle de médiateur familial pour résoudre des conflits internes à la famille durant le programme de soutien familial.
Pour éviter un double emploi avec les services sociaux des cantons et étant donné les caractéristiques générales de la médiation familiale, il ne semble pas opportun de mettre en place tout un service de médiation familiale dans un service d’application de peines. Cependant, afin d’assurer une prise en charge éducative efficace du mineur pendant et à sa sortie de libération, il est recommandé à ce que le service d’application des peines ou le service social du canton:
- informe et sensibilise systématiquement la famille des mineurs délinquants sur la possibilité de recourir aux différentes formes d’aide aux familles et de programmes de soutien parental pour les aider dans l’éducation de leurs enfants incluant la médiation familiale,
- mette à disposition de la famille des mineurs la liste et les contacts des différents services sociaux et professionnels assermentés, médiateurs inclus,
- assure à ce que la prise en charge éducative effectuée par l’éducateur durant la détention soit effectuée d’une manière continue après la libération du mineur.
Il serait en outre intéressant d’étudier si les familles des mineurs délinquants incarcérés sont informées des formes d’assistance mises à leur disposition.
ANNE FLOOR, La médiation prend de plus en plus de place dans notre société : pourquoi, comment, jusqu’où, Analyse UFAPEC 2011 N°09.11.
EESP, Evaluation de l’action éducative en milieu ouvert dans le canton de Vaud, Septembre 2006.
JACQUELINE LURIN, MURIEL PECORINI, PIERRE-ALAIN WASSMER, Accueil et placements d’enfants et d’adolescents : Evaluation du disposition de l’éducation spécialisée à Genève, Octobre 2008.
LETIZIA VEZZONI, La médiation en droit pénal des mineurs : de la théorie législative à la pratique dans Jusletter 7, Septembre 2009
NICOLAS QUELOZ, Présentation de la nouvelle loi fédérale régissant la condition pénale des mineurs, Septembre 2004.
NOREAU Pierre, AMOR Samia, Médiation familiale : de l’expérience sociale à la pratique judiciarisée, dans Famille en transformation, la vie après la séparation des parents, entrepris par le Centre de recherche sur l’adaptation des jeunes et de la famille à risque (JEFAR) de l’Université de Laval, 2004, Presses Universitaires de Laval, p.269-297.
OFFICE GENERAL DE LA JUSTICE, Confédération Suisse, Les peines et mesures en Suisse : Système et Exécution pour les adultes et les jeunes : une vue d’ensemble, Février 2010
S.WYNANTS, N.WILLEMEN, C.GUISLAIN, J.MARQUET, Comment favoriser le recours à la médiation familiale dans les conflits familiaux, 2009.
Secrétariat de ChildONEurope, La médiation familiale dans l’Union Européenne, Juin 2005
[1] La Gruyère, article de journal ‘’La médiation civile sera gratuite’’, 27 Janvier 2011.
[2] Ensemble de règles minima des Nations Unies concernant l’administration de la justice pour les mineurs (Règles de Beijing) adopté par l’Assemblée Générale dans sa résolution 40/33 du 29 Novembre 1985.
[3] Principes directeurs des Nations Unies pour la prévention de la délinquance juvénile (Principes directeurs de Riyad), Adoptés et proclamés par l’Assemblée générale dans sa résolution 45/112 du 14 décembre 1990
[4] Canton de VAUD, Exposé des motifs et projet de décret pour le financement de la construction de l’Etablissement de detention pour mineurs ‘’Aux Léchaire’’ à Palézieux, Mai 2011
[5] Recommandation n°R(98) 1 du Comité des Ministres aux Etats Membres sur la mediation familial, adoptée par le Comité des Ministres le 21 Janvier 1998.
[6] NATIONS UNIES, Rapport mondial sur la jeunesse 2003 : La situation globale des jeunes, chap. 7, p. 195 et 202
[7] EESP, Evaluation de l’AEMP dans le canton de Vaud, Sept 2006
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