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La Mondialisation et les Fusions-Acquisitions : Enjeux et Impact sur les Ressources Humaines dans le Contexte Franco-Anglais

SOMMAIRE

 

INTRODUCTION   2
PARTIE I. CADRE GENERAL: LA CULTURE D’ENTREPRISE ET LA FUSION-ACQUISITION 3
  CHAPITRE 1. IDENTITE DE LA CULTURE D’ENTREPRISE FRANCAISE PAR RAPPORT A CELLE ANGLO-SAXONNE US/ UK 3
    SECTION 1. LA CULTURE D’ENTREPRISE 3
    SECTION 2. LES CARACTERISTIQUES DE LA CULTURE D’ENTREPRISE EUROPEENNE ET FRANCAISE 10
  CHAPITRE 2. LA FUSION-ACQUISITION 18
    SECTION 1. DEFINITION ET CONTEXTE 18
    SECTION 2. LES CONSEQUENCES SUR L’ORGANISATION ET SUR LE MANAGEMENT 28
       
PARTIE II. GESTION DE L’INTEGRATION D’UNE PME FRANCAISE AU SEIN D’UN SYSTÈME ANGLO-SAXON AU NIVEAU DES RH 32
  CHAPITRE 3. LE PROCESSUS D’INTEGRATION POST FUSIONS-ACQUISITIONS 32
    SECTION 1. CARACTERISTIQUES D’UN PROCESSUS D’INTEGRATION 33
    SECTION 2. LES CONDITIONS DE MISE EN PLACE D’UNE INTEGRATION 37
  CHAPITRE 4. LES TECHNIQUES DE GESTION DE L’INTEGRATION 44
    SECTION 1. LA GESTION DU CHANGEMENT 44
    SECTION 2. LA GESTION DES COMPETENCES 51
       
CONCLUSION   56

 

 

 

INTRODUCTION

A partir d’une évolution croissante observée depuis 1997, en 2006, le nombre d’opérations de fusion – acquisition s’accroît de manière impressionnante ; et intéresse de surcroît de nombreuses compagnies de différents domaines. Pétrole, Hi-tech, pharmacie, banques, assurance, aéronautique…en constituent des exemples évidents et accaparent en volume le marché de la fusion – acquisition. On enregistre dans le monde entier, en 2007, un volume record de 4.500 milliards de dollars américains de fusion – acquisition[1]. Ce phénomène n’est autre qu’un effet d’entraînement de la mondialisation ; et il est devenu un incontournable dans la vie, surtout, des grandes entreprises à l’échelle mondiale.

La fusion – acquisition concerne les différents aspects de rachat d’une entreprise par un autre acteur économique ; elle peut avoir une dimension nationale et transnationale, dans le cas une opération s’effectuant dans le cadre de l’international. Les fusions et acquisition sont un outil utilisé par les entreprises dans le but d’accroître leurs activités économiques et d’augmenter leur profit. On parle alors de croissance externe à l’opposé d’une croissance organique (ou croissance interne) faite par l’augmentation du chiffre d’affaires sur un même périmètre de sociétés.

Il est naturel qu’une opération de fusion acquisition entraîne plusieurs conséquences pour l’entreprise des deux parties, notamment au niveau de l’organisation et du management. Cette étude s’intéresse principalement aux effets de la fusion – acquisition par rapport à l’intégration de l’entité acquise au sein de l’entité acquéreur. Le contexte se définit dans le domaine de la technologie et informatique, dans le cadre d’une acquisition d’une PME française par un groupe anglais, et concerne spécialement les ressources humaines, par rapport à leur intégration parmi le groupe.

La question centrale de cette étude approche les techniques à adopter pour réussir l’intégration d’une PME française au sein d’un groupe anglo-saxon d’un point de vue RH. Cette étude est intéressante du fait qu’on peut observer une réelle différence entre la culture d’entreprise française et celle d’entreprise anglo-saxonne. Tenant compte de la mondialisation, des entreprises de différentes nature et origine sont amenées à se mélanger, quelles conséquences la fusion – acquisition peut-elle donc engendrer au niveau des ressources humaines.

A cet effet, en premier lieu, il est important de définir le contexte de la fusion – acquisition afin de connaître les spécificités de chaque système de management, tant français qu’anglais (partie I), pour ensuite déterminer les techniques de gestion de l’intégration d’une PME française au sein d’un groupe anglais (partie II) afin d’en conclure et émettre des appréciations et recommandations. La méthodologie de recherche a été cadrée dans la majeure partie sur internet.

 

Partie I. CADRE GENERAL : LA CULTURE D’ENTREPRISE ET LA FUSION – ACQUISITION

Toute entreprise, quelle que soit sa taille, forme un sous-groupe social composé d’individus appartenant à une ou plusieurs cultures nationales, régionales et professionnelles. Pour assurer la cohérence de cette mosaïque l’entreprise a besoin de créer une identité collective, qui deviendra le point de repère de tous ses membres. Au fur et à mesure que l’entreprise se transforme en institution, elle tend à développer une culture d’entreprise qui est l’élaboration d’un système à la fois culturel, symbolique et imaginaire. Toute entreprise a une culture spécifique, élaborée au long de son histoire. Toute entreprise est une affaire de société puisqu’elle est marquée par la culture nationale.

 

Chapitre 1. IDENTITE DE LA CULTURE D’ENTREPRISE FRANÇAISE PAR RAPPORT A CELLE ANGLO-SAXONNE US/ UK

Le concept de culture d’entreprise n’est pas récent. Depuis longtemps les chefs d’entreprise ont cherché à créer un  » esprit maison « , caractérisant la spécificité de leur savoir-faire vis-à-vis des entreprises concurrentes. Dans cette première constatation, la culture d’entreprise permet à un établissement de se démarquer de ceux qui l’entourent, cependant, ce concept touche l’intérieur même de l’entreprise. L’entreprise est, en effet, une zone de conflits et de tensions entre plusieurs cultures professionnelles, régionales, voire nationales. Cette communauté économique et sociale hétérogène à besoin de cohérence pour fonctionner de façon optimale. La culture d’entreprise contribue à une vision commune de tous les salariés qui composent cette communauté.

 

Section 1. LA CULTURE D’ENTREPRISE

Lorsque l’on parle de culture et singulièrement de culture d’entreprise on insiste plus sur ce qui différencie voire sur ce qui oppose que sur ce qui rapproche. Cela est vrai lorsqu’il s’agit d’entreprises considérées individuellement, cela l’est encore d’avantage lorsque le discours porte sur de grands ensembles continentaux, américains, européens, asiatiques au sein desquels on identifie aisément des singularités qui semblent irréductibles.

Mais on constate que les cultures elles-mêmes évoluent et que ce qu’il est convenu d’appeler culture d’entreprise, qui ne peut certainement pas être appréhendée en dehors du contexte de civilisation dans lequel l’entreprise évolue, présente néanmoins un niveau de stabilité moins grand que la culture avec un grand C. La raison en est que la culture d’entreprise intègre fortement un corpus de comportements professionnels individuels et collectifs qui sont eux-mêmes l’expression d’une rationalité d’adaptation à un contexte économique et social en évolution[2].

 

  1. LA CULTURE NATIONALE

La culture nationale est un constituant essentiel de la culture d’entreprise.  Elle peut être définie comme l’ensemble des éléments propres à un groupe humain spécifique, qui sont explicatifs des façons de penser et d’agir des membres de ce groupe. Plusieurs définitions cherchent à expliquer le concept de culture nationale et à montrer la dépendance du fonctionnement social (rôle de l’état, des institutions) envers les valeurs culturelles. Ainsi, la notion de culture est elle perçue comme générale et partagée, c’est à dire qu’elle explique le comportement de l’ensemble du corps social.

Ces valeurs peuvent être stéréotypées et mal interprétées par un autre groupe social qui ne les connaît pas. Ces images déformées sont révélatrices des barrières culturelles et des sentiments de rejet que peuvent exprimer des individus appartenant à des groupes sociaux différents. La connaissance de la culture de l’autre procure une meilleure compréhension des valeurs convergentes et divergentes qui s’établissent entre deux groupes. Connaître l’autre, c’est connaître sa culture, son identité en tant que membre d’un corps social spécifique. Vouloir imposer ses propres valeurs, c’est établir une relation de domination. Celle-ci se manifeste dans le processus de colonisation, mais également à l’intérieur d’une même société. Les membres des groupes minoritaires doivent adopter ces valeurs jugées  » normales « .

La culture nationale englobe l’ensemble des valeurs, des mythes, des rites et des signes partagés par la majorité du corps social. Les valeurs représentent les idées, les croyances fondamentales, la morale (le sacré, le profane) qui sont transmises d’une génération à l’autre. Les valeurs conditionnent les comportements admis, acceptés. La religion en tant que croyance, fait partie des valeurs culturelles et dans les sociétés religieuses elle devient la valeur centrale.

Les mythes sont associés à l’histoire nationale et fabriqués pour renforcer les valeurs admises. Quant aux rites, ce sont toutes les cérémonies qui font revivre les valeurs et les mythes. Les fêtes nationales, les mariages, les funérailles, sont commémorés d’une façon spécifique par les différents groupes sociaux. Le rituel de la représentation du pouvoir (une famille royale) est un rite fondamental dans la mesure où il conditionne les rapports de force instaurés dans la société.

Les signes sont des émetteurs qui permettent à ceux qui ne font pas partie du groupe social de référence de capter certains éléments de la culture du groupe. Le langage, les symboles nationaux, la danse et la musique, les vêtements folkloriques sont des exemples de ces signes émis par un groupe spécifique. La bonne réception du message dépend de la volonté de comprendre l’autre avant de porter un jugement de valeur.

La culture nationale n’est pas figée. Elle est évolutive. L’introduction de nouvelles valeurs, l’apparition de nouveaux mythes ou rites sont fortement marqués par l’ouverture de la société sur l’environnement. La culture est vitale pour la survie d’un groupe qui a besoin d’être structuré, c’est à dire d’avoir des règles, des normes qui guident les actes de leurs membres et servent à résoudre les conflits internes.

Elle apparaît comme le lien social à partir duquel le groupe bâtit son identité. Le partage des taches entre les membres du groupe, les relations de domination (de pouvoir) admises, les symboles et plus particulièrement le langage sont les traces visibles de la culture d’une société.

 

 

  1. DEFINITION DE LA CULTURE D’ENTREPRISE

La culture d’entreprise peut être définie comme l’ensemble des éléments particuliers qui expliquent les bases du fonctionnement d’une entité spécifique. Elle est, dans un certain sens, un sous-produit de la culture nationale et par conséquent un ensemble de valeurs, de mythes, de rites, de tabous et de signes partagés par la majorité des salariés.

La culture d’entreprise est une variable essentielle pour expliquer le vécu quotidien et les choix stratégiques réalisés par un groupe social.

  • Les valeurs sont les préférences collectives qui s’imposent au groupe, les croyances essentielles, les normes qui définissent les façons d’agir et de penser. Plus concrètement, les valeurs forment la philosophie de l’entreprise. Elles déterminent sa charte de conduite exprimée par le règlement intérieur, les descriptifs des postes, ainsi que par le système de récompense et de sanctions adopté. Les valeurs établissent les interdits, les tabous, les marges de liberté qui ne doivent pas être violées.
  • Les mythes sont les légendes, les histoires associées au passé de l’entreprise. Ils servent à renforcer les valeurs communes. Ils peuvent être liés aux personnalités qui marquent ou qui ont marqué la vie de l’entreprise. Le mythe du fondateur, du père de l’entreprise, est très exploité, en particulier dans les PME. Le successeur doit s’imposer aux salariés sans pour autant vouloir détruire le mythe qui entoure la personnalité de l’ancien patron.

Certains chefs d’entreprise deviennent des mythes dont la réputation dépasse le cadre de leur entreprise (cas de Georges Besse, ancien PDG du groupe Renault, assassiné à la porte de son domicile). Certaines entreprises créent des musées (Philips ou BMW) pour rappeler leur passé et les progrès accomplis par l’entreprise. Saint-Gobain et Alcatel-CIT ont fait appel à des historiens pour retracer leur passé. Pour que les salariés soient mobilisés, pour qu’ils s’identifient à leur entreprise, ils doivent s’approprier son histoire.

  • Les rites sont des pratiques qui découlent des valeurs partagées. Le recrutement, les réunions de travail, les réceptions, l’évaluation du personnel sont des exemples de ces pratiques. Le recrutement apparaît comme un rite d’initiation, de passage. De plus en plus, les entreprises cherchent des candidats techniquement capables, mais surtout ayant des valeurs et des aspirations correspondant à la culture en place. Si cette procédure favorise l’intégration de l’individu, elle freine néanmoins l’évolution de la culture interne dans la mesure où celle-ci n’est pas contestée et ne peut s’enrichir par un rapport externe. Le regard critique d’un nouveau salarié peut contribuer à la remise en cause de certaines pratiques.

La culture regroupe également les symboles tels que le port de l’uniforme ou d’un badge qui permet de distinguer les membres de l’organisation de ceux qui lui sont extérieurs. De façon plus subtile, le langage apparaît comme le symbole le plus expressif de la culture. La mise en place d’un langage commun facilite la circulation de l’information, la communication sociale et la prise de décision. Ce langage unique se manifeste non seulement par un vocabulaire spécifique, mais également par les formulaires adoptés, le style de communication retenu (lettres, rapports, ordres écrits), ainsi que par les procédures de contrôle.

Ainsi, au siège social de Peugeot, les différences de statut hiérarchique sont marquées par l’utilisation systématique de  » monsieur « ,  » madame  » ou  » vous « , signes de respects. Pour un cadre, le tutoiement est fait pour empiéter sur le territoire de l’autre et influencer ses décisions. Le groupe l’Oréal est fier de sa culture. Selon sa direction, celle-ci regroupe quatre valeurs fondamentales : la qualité maximale (respect des clients) ; la passion du produit (défi de l’innovation) ; la culture de la performance et un climat d’harmonie humaine, qui passe par le respect de la différence. Un salarié doit connaître et épouser ces valeurs pour être  » Oréalien « .

 

  1. FORMATION DE LA CULTURE D’ENTREPRISE ?

La culture d’entreprise est la combinaison de différents matériaux culturels, chacun ayant ses caractéristiques propres. Le schéma ci-dessous présente les différentes sources contribuant à l’apparition et à l’évolution de la culture d’entreprise.

 

 

La personnalité des fondateurs est un mythe majeur (mythe d’origine). Dans le groupe IBM, la vision de T.J Watson Sr (son fondateur) est toujours une référence primordiale dans la conduite du groupe : le respect de la personne, le meilleur service client, la passion de la vente. Lors de la création de l’entreprise, le créateur est plus qu’un apporteur de capitaux. Il prépare l’avenir de l’entreprise selon ses connaissances, mais également en fonction de ses croyances, de sa personnalité et de sa philosophie.

En ce qui concerne la culture professionnelle, certains travaux prouvent que, dans une même entreprise, il y a des profils culturels différents. La culture professionnelle étant la culture au travail acquise dans une autre entreprise. Les événements marquants sont les mythes héroïques, c’est-à-dire, les moments de gloire vécus par l’entreprise. L’histoire unique de l’entreprise forge les mythes et les rituels qui y sont admis.

La culture d’entreprise est en fait un ensemble complexe, peu palpable, qui permet à chaque individu de s’identifier à l’organisation. Il faut souligner qu’il arrive qu’un individu ne s’identifie pas à la culture de son entreprise. S’il a un esprit de  » leadership « , il peut essayer de la faire évoluer. S’il échoue dans cette tentative, il sera marginalisé par le groupe (postes de voie de garage). Il se peut qu’un individu refusant les valeurs de l’organisation décide d’y rester exclusivement pour son épanouissement financier. Il ne sera jamais mobilisé par les discours de l’entreprise.

 

  1. CULTURE D’ENTREPRISE ET MANAGEMENT

De plus en plus de domaines du management utilisent le concept de culture. Cependant, les entreprises ne s’intéressent pas à la culture pour elle-même mais travaillent sur la culture pour résoudre des problèmes concrets : problèmes de stratégie, de fusion, de mobilisation du personnel, de restructuration, voire de communication. La culture n’est qu’un moyen de mieux traiter ces problèmes.

 

  1. L’ACTIVITE DE MANAGEMENT

Trois aspects caractérisent l’activité de management : c’est une action concernant une collectivité, un groupe, et destinée à atteindre un résultat.

L’action de management ne se réduit pas à l’application de lois ou de modèles. Elle est basée sur les références et est le résultat de l’investissement personnel de celui qui la conduit. La culture a de l’intérêt pour le management si, et seulement si, elle permet d’accroître ses chances d’efficacité.

Pour piloter une activité, le management doit prendre en compte les personnes mais ce n’est pas suffisant car un groupe n’est pas que la somme des individus. La culture aide à comprendre la collectivité. Elle considère que toute collectivité se crée un patrimoine de références qui sont à la fois le résultat de son expérience et la référence pour traiter de futures situations. Mettre en évidence la culture, c’est clarifier la logique sous-jacente au fonctionnement d’un groupe humain. Associer la culture au management, c’est admettre que l’entreprise constitue une société humaine à part entière.

L’entreprise a une raison d’être, des objectifs, des contraintes et le management se consacre à leur réalisation. La culture constitue le niveau sous-jacent des règles et des systèmes de gestion. En effet, la réussite dans le management des personnes vient autant de la qualité du manager que de l’adéquation des systèmes de gestion du personnel.

La culture est aussi une source de comportement donc de performance parce qu’elle génère une certaine conception de l’activité de l’entreprise, de son métier ou de l’efficacité. Ainsi, dans sa définition, le management concerne une action collective et la culture semble être un produit de cette action collective.

 

  1. LE BESOIN DE REFERENCES

Toute personne doit un jour dans sa vie clarifier les vrais principes qui guideront ses choix. Il en est de même pour les organisations : plus les problèmes rencontrés sont importants, plus les situations rencontrées sont nouvelles et plus le besoin de références se fait sentir.

Dans chacune de nos actions, nous utilisons le plus souvent inconsciemment des références. Ainsi, face à une situation donnée, chacun va apporter ses propres cadres de référence pour comprendre la réalité. On ne peut fonctionner sans les références car elles aident à analyser et à anticiper.

On peut cependant se poser la question de l’origine de ces références. Peut-on les créer ou faut-il aller les chercher quelque part ? En tout cas, on est de plus en plus face à un besoin de références parce qu’elles sont à l’origine des comportements de chacun.

 

  1. LA CULTURE D’ENTREPRISE DANS LA PRATIQUE

La culture a été abordée comme un facteur de performance. On en attend la mobilisation autour d’objectifs communs, généralement ceux de la direction générale, et des références génératrices de performances. On peut toutefois distinguer deux types de relation entre culture et pratique du management. D’une part, l’impact de la culture dans les problèmes quotidiens de management et d’autre part lors de situations plus spécifiques telles que les situations de changement.

 

  • Les principes :

Comme on a vu précédemment, la culture est sous-jacente. On suppose dans la culture l’existence de références sous-jacentes au fonctionnement de l’organisation. Le problème est donc de savoir comment elle intervient.

Il y a problème lorsque les règles sont inadaptées à la nouveauté des situations rencontrées. Ce que l’on peut attendre d’un opérateur dont les règles et procédures n’indiquent plus ce qu’il doit faire, c’est qu’il agisse selon d’autres références. Il peut aller les chercher dans son expérience personnelle, ou dans ce qu’il partage avec l’organisation. C’est là un des enjeux du management : faire en sorte que les références soient suffisamment claires pour intervenir. Quoi qu’il en soit, cela montre que dans tout l’appareillage de contrôle qui influence le comportement de l’individu, règles issues de l’entreprise et références issues de la culture interviennent.

 

  • Intégration de la culture dans le management :

Le schéma ci-dessous montre le management par rapport aux problèmes qu’il est censé résoudre.

L’interaction avec l’environnement ne concerne pas simplement les réactions de l’entreprise mais aussi les modifications engendrées. La stratégie, et le marketing entre autre peuvent répondre à ce problème. Développer la cohésion interne, c’est la capacité à travailler collectivement de manière efficace.

La culture apparaît dans le schéma car c’est un ensemble de référence intervenant dans le management. Elles sont dissociées de l’action du management car elles interviennent en amont des modes de perception et des compétences acquises. La flèche allant des problèmes vers la culture indique quant à elle que la résolution des problèmes va faire évoluer la culture. Cela souligne l’importance des expériences de l’organisation dans la construction de la culture.

 

  • Présence de la culture dans les fonctions :

Depuis quelques années, la plupart des fonctions prennent en compte la culture pour atteindre leurs objectifs.

La gestion du personnel touche à la manière dont l’entreprise traite ses employés. On peut s’attendre à y trouver des références qui imprègnent les comportements, les modes de fonctionnement et donc la culture. De plus, cette gestion s’attache à des choix et à des évaluations importantes. Un système d’appréciation ou de rémunération témoigne de la manière dont l’organisation prend en compte la personne et son activité. Enfin, la gestion du personnel traite de l’individu et des relations dans l’organisation. A la base de celle-ci se situent des représentations dont une partie découle de la culture.

Pour le contrôle de gestion, les liens entre cette activité et la culture se situent au niveau de la pratique car la fonction recouvre tout un système doté de structure et de relations. En s’intéressant à l’évaluation de l’activité de l’entreprise, le contrôle de gestion touche à ce qui la caractérise le plus. En ce sens, il tire de la culture des références parmi les plus permanentes de l’entreprise.

Des liens existent aussi entre la culture et le marketing. D’une part, avec l’importance des symboles propres à l’entreprise qui apparaissent dans les transactions, c’est-à-dire les rites et traditions intervenants dans l’activité commerciale. D’autre part, dans le développement particulier des entreprises tournées vers le marché sous l’influence de leur fondateur : le passé oriente l’entreprise vers certaines formes du marketing.

En gestion de production, ce sont moins les outils qui changent par rapport à la façon de produire. L’intérêt de la culture est d’adapter les modes de gestion aux évolutions de l’activité.

Enfin, dans tout système d’information, le besoin de culture apparaît également. Il est utile pour comprendre et traiter les problèmes de mise en place de nouveaux systèmes. Cependant, la difficulté à analyser la culture limite fortement son implication dans cette fonction de l’entreprise.

 

 

 

 

 

Section 2. LES CARACTERISTIQUES DE LA CULTURE D’ENTREPRISE EUROPEENNE ET FRANCAISE

A chaque pays ses valeurs. L’observation de businessmen anglais, américains et français peut se révéler fort drôle. En voici quelques exemples, choisis parmi les plus savoureux[3] :

  • Les Anglais se sentent à l’aise avec les anglophones, avec lesquels ils établissent des relations efficaces quoique informelles. Les réunions de travail débutent souvent par quelques échanges plaisants, généreusement teintés de leur légendaire humour. Leur comportement est plutôt décontracté, tout le monde s’interpellant par son prénom en retirant sa cravate. Les relations qu’ils entretiennent avec leurs partenaires d’affaires, leurs supérieurs ou leurs collègues sont simples et amicales. Mille idées à la minute et un don d’improvisation certain les caractérisent, même s’ils pèchent par leur manque d’organisation ou de ponctualité. La prise de décisions rapides n’est pas leur fort, ils préfèrent souvent prendre le temps de peser longuement le pour et le contre et d’examiner toutes les possibilités. Ils réfléchissent à longue échéance, et sont soucieux de préserver l’équilibre entre leur vie personnelle et leur activité professionnelle.
  • Les Américains ont une réputation de « tueurs », et pourtant c’est bien souvent avec eux qu’il est le plus facile de négocier. Foncièrement individualistes, ils aiment agir comme ils l’entendent, sans demander toutes les deux minutes l’aval de leurs supérieurs. Ils cultivent une certaine absence de formalité, tant dans leur comportement que dans leur habillement, « tombant » facilement la veste pour s’interpeller par leur prénom d’une voix retentissante. Avec eux, les choses sont claires dès l’abord, et les négociations se déroulent sur le mode donnant-donnant. Ils prennent rapidement leur décision, n’hésitant pas à recourir à la contrainte, et ont le goût du risque. Curieusement, ils éprouvent également un certain attrait pour les procédures plus cadrées. Leur patriotisme patent ne cache pas une connaissance assez limitée des spécificités d’autres pays et cultures. Quant à leur mode d’expression, il est également très différent de celui des Anglais, plus formel.
  • Pour les Français, leur pays est le « centre du monde ». Peu enclins à se détendre, ils arrivent dans une réunion d’affaires en costume-cravate, se donnent du Monsieur Untel et se présentent avec toute la solennité voulue. Il y a bien souvent un « plan de table » qui tient compte de la fonction de chacun des participants. Ils font parfois preuve d’une certaine arrogance lors des négociations, et manient la logique avec art. Cartésiens enragés, ils relèveront le moindre détail offensant leur logique, et refuseront souvent le compromis. D’un naturel bavard, ils ont du mal à s’en tenir à l’ordre du jour. Leurs projets sont grandioses, mais ils prennent rarement de décisions importantes pendant une réunion, préférant en référer d’abord à leurs supérieurs. En général, ils sont peu au fait de ce qui se passe « ailleurs », les autres cultures ne suscitant pas un grand intérêt chez eux. Ils s’expriment généralement dans leur langue – le polyglottisme n’étant pas leur fort – et montrent une aversion toute particulière pour l’anglais. Ils sont pourtant créatifs et d’un bon niveau technique, bien que négligeant quelque peu l’aspect commercial.

 

 

 

  1. TENDANCES DE LA FORMATION MANAGERIALE : FORMATIONS UNIVERSITAIRES

Pourquoi une nécessité de comparaison des deux cultures ? L’idée par du fait que la mondialisation a fait immerger une tendance managériale qui induit chaque entreprise vers une intégration dans le système et/ou culture dominants. Cette réorganisation, mises à part toutes opérations de développement de l’entreprise (qui dans notre cas concernent les fusions-acquisitions) prend actuellement racine dans la formation des élites. La formation des élites européennes s’est profondément modifiée depuis une quinzaine d’années. C’est un phénomène récent mais qui paraît irréversible. Cette transformation revêt une double dimension :

Tous les systèmes de formation des élites en Europe ont accru considérablement l’exposition de leurs étudiants à l’international du double point de vue de l’organisation et du contenu des études. La circulation intra et extra européenne des étudiants des institutions éducatives les plus prestigieuses s’est formidablement accrue et a introduit une véritable rupture par rapport au curriculum type d’il y a une vingtaine d’années. Très tôt les futurs décideurs européens sont donc confrontés à la nécessité de gérer le multiculturel, ce qui signifie aussi gérer la relativité des cultures. Cette internationalisation de la formation n’a pas pris les mêmes proportions en Amérique du Nord et, pour un certain nombre de raisons, reste aujourd’hui davantage de l’ordre de l’aspiration que de la réalité concrète en ce qui concerne les étudiants des pays d’Asie.

Ce phénomène se superpose à l’extraordinaire capacité d’attraction du système universitaire américain singulièrement dans le champ des formations au management où le modèle MBA est devenu la référence universelle à un point tel que les formations qui se sont créées en Europe ces 20 dernières années et en Asie depuis 10 ans se sont majoritairement calquées sur le modèle dominant. Ceci signifie concrètement que les élites managériales du monde entier sont formées dans un système qui véhicule une culture imprégnée des références anglo-saxonnes et que la culture commune des dirigeants européens se forge dans les universités américaines ou dans leurs prolongements à l’étranger. L’avenir dira la puissance de l’outil de domination dont se sont dotés les Etats-Unis à travers leur système universitaire.

 

  1. LE SYSTEME FRANCAIS

La culture d’entreprise telle que nous l’entendons est en grande partie l’expression des relations sociales dans l’entreprise considérée comme un tissu de relations entre les salariés et le management. Ainsi perçue, la culture d’entreprise n’est pas figée ; elle évolue selon les relations sociales qui la créent, la transmettent et la transforment. Elle exprime l’état du lien social dans l’entreprise, elle est aussi l’expression de rapports entre l’entreprise et son environnement (les clients, les sous-traitants, les autorités publiques, par exemple). Les éléments culturels sont néanmoins inscrits dans des modèles ou systèmes en partie construits par les institutions politiques et juridiques, ce qui permet, par exemple, d’effectuer des comparaisons entre les modèles sociaux de différents pays.

 

  1. L’HERITAGE DES CULTURES JURIDIQUES : LES PAYS DE L’UNION EUROPEENNE

Les notions de relations de travail, de contrat de travail, de relations sociales sont le fruit d’une longue histoire dans les différents pays de l’Union Européenne. Il est communément admis, aujourd’hui, que ces notions portent l’empreinte de deux cultures distinctes : la culture romaniste d’une part, la culture germanique d’autre part. Au moment où s’élaboraient en Europe les premiers manuels de droit du travail et les premières synthèses doctrinales, quelques juristes ou historiens du droit, en particulier en France ou en Allemagne, ont montré de façon remarquable comment ces différentes cultures juridiques contribuaient à la construction du droit du travail et des relations sociales dans leurs pays.

Plus récemment Alain Supiot a développé une analyse comparative de la manière dont a été conceptualisée la relation de travail en Europe. Cette conceptualisation des relations de travail dans différents pays européens a conditionné l’évolution des cultures juridiques propres à chacun de ces pays. La tradition issue du droit romain a privilégié une vision individualiste et libérale de la relation de travail conçu d’abord comme une opération d’échange économique : le code Napoléon a inscrit cette conception individualiste de la relation de travail dans le droit français et l’a exportée dans d’autres pays comme la Belgique, le Luxembourg ou l’Italie.

A l’opposé, la culture germanique8 oppose dès ses origines une approche communautaire de la relation de travail. : La personne est pensée juridiquement dans son lien de dépendance avec la communauté, elle est d’abord dans un rapport de coopération (un peu comme ce qui se passe en droit de la famille) et non pas d’échange économique avec autrui. La reconnaissance du statut du travailleur repose sur des liens de solidarité. Elle a pour corollaire l’intérêt général qui se reflète dans l’économie.

Alain Supiot[4] montre très bien comment l’évolution des cultures juridiques dans les pays de l’Union Européenne résulte aujourd’hui de la combinaison de ces deux cultures. Elle a consisté à concilier l’approche en termes de contrat comme lien fondateur de l’échange salarial et l’approche en terme de statut comme reconnaissance des qualités inhérentes à la personne du travailleur lié à une communauté de travail. Quelque soit la méthode utiliser pour combiner ces deux approches (loi ou règlement en France, conventions collectives au Danemark) cette combinaison a contribué à la reconnaissance de droits collectifs dans l’entreprise attachés à la personne du travailleur. A la différence de la plupart des systèmes anglo-saxons, l’ensemble des dispositifs légaux ou conventionnels ont construit une sorte de « citoyenneté industrielle des travailleurs » qui doit être conciliée avec l’intérêt des investisseurs et l’intérêt général de l’entreprise.

Ce sentiment de communauté est par ailleurs difficilement conciliable comme le montre très bien Philippe d’Iribarne, à travers des études de cas d’entreprise, avec l’individualisme américain. La liberté contractuelle, tout comme la liberté des marchés d’ailleurs, constitue un dogme aux Etats-Unis. Le rapport de travail est d’abord un rapport d’échange économique où les éléments de subordination (en particulier le contrôle de l’employeur) sont très présents ; la responsabilité de l’exécution du travail pesant sur chaque salarié. Selon un modèle américain qui ressemble à la poupée russe, chacun travaille pour un supérieur qui travaille pour un autre supérieur pour enfin remonter jusqu’à l’actionnaire. Cette ligne hiérarchique est une des bases de la construction d’un système moniste de la gouvernance d’entreprise aux Etats-Unis où seuls les intérêts des actionnaires sont, finalement, pris en considération : la représentation des intérêts des travailleurs dans les rapports entre les actionnaires et les dirigeants est ainsi occultée

Cette pression sur le subordonné n’est supportable que parce qu’il existe un ensemble de normes d’équité ou de bonnes conduites qui entourent l’exercice de la relation de travail, comme celles relatives à la bonne foi et la loyauté dans l’échange, la reconnaissance de la qualité du travailleur. Le syndicat est le gardien de ces valeurs et des références morales, selon Iribarne, le syndicat se perçoit comme « administrant le contrat ». Cette recherche sans fin d’une conciliation entre la liberté économique, contractuelle et l’équité, est une caractéristique propre aux Etats-Unis et n’a pas d’équivalent dans les pays de l’UE précédemment mentionnés.

Il est remarquable que tous les systèmes d’Europe continentale, que ce soit de manière institutionnelle ou conventionnelle, ont été soucieux d’inscrire la notion de « citoyenneté industrielle » dans la gouvernance d’entreprise. Même s’il s’agit dans certains cas de la reconnaissance d’un droit à l’information et à la consultation des travailleurs (France par exemple) ou dans d’autre cas de la codétermination (Allemagne), ces expériences ont pour but de permettre aux travailleurs d’intervenir à des degrés divers dans la gestion des entreprises. Ces formes de participation concourent bien entendu à l’établissement d’une culture de l’anticipation stratégique ou opérationnelle dans les entreprises. Une telle culture est loin d’être aussi apparente dans le modèle anglo-saxon.

 

  1. DISTINCTION PAR RAPPORT A LA CULTURE ANGLO-SAXONNE

Ce qui distingue les modèles européens, du moins continentaux, de gouvernance d’entreprise des modèles anglo-saxons réside sans doute dans la manière dont chaque pays européen a progressivement permis aux représentants des travailleurs d’avoir une forme d’expression plus ou moins importante dans la gestion économique des entreprises à travers notamment des dispositifs juridiques d’information et de consultation. Ce faisant, le point de vue européen sur l’entreprise reconnaît un intérêt général à la gestion des entreprises, tout particulièrement des grandes entreprises.

Dans les systèmes anglo-saxons, la gouvernance d’entreprise se focalise plutôt sur la relation entre les actionnaires et les dirigeants, en négligeant, du moins en théorie, l’intérêt général ou communautaire, c’est-à-dire la conciliation des intérêts des salariés avec ceux de la firme. Une des originalités de la culture d’entreprise en Europe est d’incorporer dans cette gouvernance d’entreprise, au sens anglo-saxon, une sorte de « citoyenneté industrielle »3 qui permet l’exercice de contre-pouvoirs ou de « formes participatives » dans l’entreprise. Cette caractéristique s’inscrit aussi dans le droit fil de l’évolution du droit communautaire depuis 1975 et l’adoption en 1994 de la directive relative au Comité d’Entreprise Européen en est une bonne illustration. Mais une telle culture d’entreprise n’est pas immanente ni même éternelle, elle évolue. La pression qu’exercent les phénomènes de globalisation de l’économie représente de plus en plus un défi pour les modes européens de gouvernance.

 

  1. SPECIFICITES DU MODELE FRANCAIS

L’intervention périodique de l’Etat (lois, règlements..) dans le champ des relations sociales est une des caractéristiques du système français et les observateurs étrangers font parfois remarquer que la sous-estimation du rôle des partenaires sociaux semble, à cet égard, être ancrée dans la tradition française. Souvent accusé de rigidité car trop éloigné des réalités de l’entreprise, le système des relations sociales a évolué pour donner un rôle accru au dialogue social et à la négociation collective (ainsi qu’à sa décentralisation vers le niveau de l’entreprise) dans la création, l’adaptation et la flexibilisation du droit du travail.

Parallèlement, l’idée d’instituer des conditions à l’exercice de la démocratie industrielle a constitué un facteur important de transformation du droit du travail et des relations sociales. Cette idée qui vise au renforcement de la « citoyenneté industrielle » dans l’entreprise a inspiré à plusieurs reprises l’intervention du législateur, en particulier depuis les années 1980 : une évolution qui s’est illustrée à travers le développement de procédures d’information et de consultation des représentants des salariés, l’extension du champ de la négociation collective ou la promotion du dialogue social.

Cette évolution vers plus de démocratie économique dans l’entreprise pourrait être assimilée à l’introduction d’une forme de participation dans la gestion économique des entreprises, mais ce terme de participation ou de coopération est rarement utilisé par les partenaires sociaux : ils préfèrent parler d’un pouvoir d’influence sur les décisions de la direction plutôt que d’employer le terme « participation ». La démocratie industrielle passe ainsi, en France, par l’expression d’intérêts divergents. Ce droit d’information et consultation du Comité d’entreprise a pour corollaire le droit de recourir à l’expertise.

Tandis que la négociation collective ne jouait qu’un rôle limité dans l’anticipation et la conduite du changement dans les entreprises, l’accélération des phénomènes de restructuration a conduit le législateur depuis 2003 à promouvoir l’accord d’entreprise dans l’anticipation et le traitement social des restructurations. Les accords de méthode instaurés dans un premier temps à titre expérimental puis pérennisé par la loi de cohésion sociale du 18 janvier 2005 ouvrent désormais la possibilité aux partenaires sociaux (syndicats et direction) de se mettre d’accord sur les conditions d’exercice du droit à l’information et la consultation du Comité d’entreprise ou de mise en œuvre d’un plan social.

La pratique montre que le contenu de ces accords peut être très variable d’une entreprise à l’autre : accord de procédure dans certains cas, accord substantiel (mesures sociales par exemple) dans d’autres. Dans un même souci d’anticipation, le législateur a introduit dans le code du travail une obligation pour certaines entreprises (selon la taille) d’engager tous les trois ans une négociation sur la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC), ainsi que sur les mesures d’accompagnement susceptibles de lui être associées.

 

  1. LE TRANSFERT DE LA CULTURE ANGLO-SAXONNE : AMERICANISATION DE L’ENTREPRISE

La culture d’entreprise est un élément de communication interne et externe plus ou moins efficace selon qu’elle est largement partagée. Elle peut s’avérer un élément de gestion fédérateur, un appui à la pédagogie nécessaire aux changements auxquels l’entreprise se voit confrontée comme une notion relativement informelle ressentie « en creux » par les acteurs de l’entreprise si elle est peu nourrie ou prise en compte par les dirigeants.

 

  1. INFLUENCE DE LA GLOBALISATION/ MONDIALISATION

Au carrefour de la sociologie, de l’anthropologie comme des ressources humaines la culture d’entreprise ne se fige pas. En ensemble polymorphe mêlant les hommes et les faits elle absorbe l’histoire de l’entreprise pour se transformer au gré de ses expériences, de ses réussites ou de ses échecs. Il est remarquable que la culture d’entreprise en Europe, à la différence des Etats-Unis par exemple, conduise à des modes de gouvernance qui, en général, donne une priorité au dialogue social et à la reconnaissance de la « citoyenneté industrielle » dans l’entreprise.

Même si le droit des sociétés, dans le contexte de la globalisation, tend à converger vers un modèle orienté davantage vers le marché, le rôle des acteurs sociaux dans la gestion du changement reste une caractéristique de la gouvernance d’entreprise en Europe, par rapport aux modèles anglo-saxons.

Ces modèles ne favorisent pas l’émergence des modes de participation dans l’entreprise et sont peu orientés vers « la sécurisation de l’emploi des personnes» à travers une valorisation du statut professionnel. Certains y voient cependant l’expression d’un monde plus moderne : « The modernization of the world is in truth its Americanization ».

 

  1. MISE EN PLACE D’UNE CULTURE DE L’ANTICIPATION, DE L’INNOVATION ET DU CHANGEMENT

On peut considérer quatre niveaux de culture qui peuvent influencer la mise en place d’une culture de l’anticipation, de l’innovation et du changement :

  • Un premier niveau qui a un caractère plutôt institutionnel dans la mesure où il regroupe un ensemble de dispositifs réglementaires ou conventionnels destinés à assurer les acteurs nationaux (information-consultation, co-détermination, négociation collective,…) dans les processus de changement opérés au niveau global. Ces dispositifs existent aussi bien au niveau national que communautaire (Comité d’Entreprise Européen)
  • Un deuxième niveau qui est celui de l’entreprise ou du groupe où les pratiques et les comportements des acteurs sociaux participent fortement à l’émergence, l’établissement ou au devenir d’une culture d’entreprise dans le contexte des restructurations. Parmi les facteurs opérants, on peu citer :
  • La capacité ou non des acteurs à se mobiliser ;
  • La force ou la faiblesse de la représentation syndicale ;
  • Le charisme (ou le manque de personnalité) des dirigeants ou des représentants des travailleurs ;
  • Le professionnalisme et la crédibilité ou non des représentants des travailleurs (avec parfois l’aide d’experts internes ou externes) face aux directions ;
  • Les relations entre le management et l’actionnaire et les capacités d’influencer ou non les comportements de celui-ci ;
  • Les relations entre les représentants des travailleurs qui peuvent aussi être conflictuelles ou non ;
  • La possibilité ou non pour le management de l’entreprise de prendre part à la gestion d’une restructuration décidée au niveau du « headquarter » (voir aussi les cas de management direct par l’actionnaire lui-même). ;
  • La volonté ou non d’éviter le conflit social ou de veiller à la mis en place d’un « bon climat social » dans l’entreprise ;
  • L’instauration ou non de rapports de confiance entre les acteurs ;
  • La volonté ou non d’éviter le contentieux juridique ;
  • L’intérêt ou non à construire ou préserver une bonne image des relations sociales dans l’entreprise, face aux clients ;
  • Un troisième niveau est celui de la culture local dans laquelle s’inscrit l’entreprise : le type de territoire sinistré ou non, le caractère industrielle ou non du bassin d’emploi, l’évolution démographique, la présence ou non d’école professionnelle ou d’université sur le territoire, le rôle et la responsabilisation des politiques et des autorités publiques (voir même religieuses) territoriales, sont autant de facteurs qui peuvent influencer le processus de restructuration. Par ailleurs, le degré d’immatriculation territoriale de l’entreprise (isolement ou non par rapport à une dynamique de clusters, présence d’un directeur d’usine sur un territoire dont il ne connaît pas la culture, par exemple) conditionnent souvent les capacités ou non d’anticiper ou de gérer le changement. Ainsi que le souligne à juste titre Marie-Ange Moreau, « l’impact de la mondialisation, à supposer qu’il soit isolé, exige des études locales par pays, par région, voir par bassin d’emploi… »
  • Un quatrième niveau pourrait être le niveau de culture sectorielle dans la mesure où la culture des relations sociales peut varier d’un secteur à l’autre, chaque secteur portant l’emprunte de son histoire et de son héritage culturel : il suffit de penser au secteur du textile, de la métallurgie, des banques ou bien des nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC) pour s’apercevoir combien chacun d’entre eux exprime et imprime des cultures spécifiques liées à la fois aux particularités des métiers et des produits, à la structuration du secteur, aux modes d’organisation du travail, à la structure de la pyramide d’âge, à la nature des relations sociales et au degré de syndicalisation, à la taille des entreprises et aux relations qu’elles entretiennent avec leurs clients ou leurs fournisseurs.

Les facteurs qui concourent à une culture de l’anticipation et de la gestion des restructurations sont présents à ces différents niveaux de culture. La mise en relation de ces différents facteurs qui impliquent aussi une mise en synergie du rôle des acteurs au niveau local, constitue sans aucun doute, un des principaux moteurs et une source d’innovation sociale face à des stratégies de restructuration conduite au niveau global.

 

  1. LA CULTURE ET LE MANAGEMENT : LE MULTICULTUREL

La globalisation a amené les entreprises à nouer des liens avec des acteurs à l’étranger, ce qui se manifeste aujourd’hui à travers des alliances, des joint-ventures et des fusions – acquisitions, qui sont devenus des pratiques courantes. Par conséquent, cette internationalisation des affaires a de fortes implications pour le personnel dans tous les niveaux de l’organisation. En allant du réceptionniste jusqu’au «top management», les échanges avec des étrangers sont devenus une réalité inéluctable.

Le manager international n’est plus un manager expatrié. Grâce à l’évolution des moyens de communication tels que le fax, l’email et les téléconférences, les managers sont capables de faire du business à l’international sans quitter leurs bureaux[5]. Dans un tel contexte, il apparaît surtout nécessaire de développer des compétences culturelles ; les managers doivent faire preuve d’une sensibilité culturelle pour créer des relations fructueuses avec leurs partenaires à l’étranger.

La diversité culturelle existe aussi à l’intérieur de l’entreprise ; et le management des équipes interculturelles relèves des défis importants, du fait que si les différences culturelles ne sont pas assimilées par tous les membres du groupe, il y aura une incompréhension et un manque de productivité[6]. Ces difficultés de communication interpersonnelle se traduisent par un haut niveau de stress, de tension et de frustration qui détériorent encore la cohésion. Et ce manque de cohésion se solde par des difficultés à valider les idées et à reconnaître les personnes à leur juste valeur, à établir un consensus pour les décisions à prendre et à mettre en œuvre des actions concertées[7].

Chevrier définit la culture comme un univers du sens et affirme que l’articulation des différents univers de sens est nécessaire pour être en mesure d’inventer des compromis pratiques acceptables pour tous et mettre en place des méthodes de gestion adaptées à des partenaires ou collègues de plusieurs cultures et stables dans le temps ; quoique dans la plupart du temps, l’intégration à une culture dominante dans l’entreprise reste la principale option considérée, surtout dans le cas d’une fusion – acquisition. Il faut donc avant tout identifier les sources des différences qui relèvent des cultures nationales, de l’entreprise et des fonctions pour éviter ainsi l’incompréhension des différences culturelles qui semble être à la source de dysfonctionnements.

 

 

 

 

 

 

Chapitre 2. LA FUSION-ACQUISITION

Il y a eu dans l’histoire récente des entreprises qui n’ont cessé de fusionner et de se racheter mais ce qui est frappant aujourd’hui, c ‘est la concentration. Elle s’est accrue depuis 1997 avec des opérations de fusions acquisitions dans un laps de temps de plus en plus court, des sommes mises en jeu allant crescendo et des entreprises de plus en plus grosses. Les fusions acquisitions sont souvent le résultat d’un processus stratégique dans un secteur déterminé que l’action individuelle d’une entreprise. Ce comportement permet d’expliquer pourquoi dans certains secteurs des vagues de fusions peuvent émerger. Elles diffèrent selon le pays et le secteur.

Quelques tendances générales peuvent être dégagées. Les deux premières ont eu lieu au début du siècle et dans les années vingt. La création de grandes entreprises, avec des intégrations verticales, avait entraîné une augmentation du taux de concentration industrielle. La Troisième vague a été caractérisée par la formation de nombreux conglomérats dans les années soixante. La Quatrième vague, dans les années quatre vingt, était basées surtout aux États-Unis avec une logique plus financière que lors des trois premières vagues. Effectivement, avec beaucoup de financement par l’emprunt, cette quatrième vague était caractérisée par la réalisation de fusion acquisitions souvent hostiles.

L’Europe a été le lieu de beaucoup des fusions, à ce moment-là, avec comme cible pour les entreprises, les perspectives du marché unique en 1992. En 1994, une cinquième vague apparaît avec un motif souvent plus stratégique, conséquence des tendances de globalisation. Celle-ci permet d’accroître les économies d’échelles mais aussi une concurrence plus efficace. Cette cinquième vague a eu pour effet de relever encore plus le taux de concentration. Les rapprochements sont à présents dits ‘’plus amicaux’’ et se font généralement dans la même branche.

En Europe, la monnaie unique amplifie ce phénomène surtout dans le domaine financier. Dans l’actuelle vague de fusions acquisitions, les entreprises européennes semblent plus souvent reprises qu’acheteuses, contrairement à la quatrième vague. On dégage généralement trois types de fusion :

  • Celles horizontales ou l’élimination concurrentielle avec le regroupement d’entreprises produisant le même produit ou offrant le même service. Le stade ultime étant le monopole.
  • Celles verticales, avec le regroupement d’entreprises situées aux différents stades du processus productif. Le but étant de diminuer les coûts intermédiaires et d’assurer la sécurité soit des approvisionnements ou des débouchés.
  • Enfin, il y a celles conglomérales avec des entreprises qui sont sur différentes branches d’activités sans complémentarité technique. Ici l’objectif n’est que financier car on dilue le risque avec plusieurs activités.

 

Section 1. DEFINITION ET CONTEXTE

Décider d’un rapprochement d’entreprises ou d’un rachat d’actifs peut être lié à des facteurs différents, souvent multiples, entre autres :

  • Economie d’échelles : Regrouper la force de frappe de deux entreprises permet d’acheter moins cher grâce à des remises sur les volumes. De même, la somme des deux parties permet d’aligner les conditions tarifaires au moins cher. Enfin, des doublons d’outils de production, d’actifs immobiliers et de ressources humaines sont souvent identifiés.
  • Economie d’intégration verticale : Avoir une plus grande partie de la chaîne de production permet de mieux contrôler l’accès aux matières premières en amont ou au client final en aval et donc notamment contrôler les marges afférentes.
  • Synergies de recettes. Par exemple, une entreprise peut être en effet très bien établie sur certains marchés où elle possède un puissant réseau de distribution. Le rachat d’un concurrent lui permettra d’y vendre de nouveaux produits là où le concurrent ne disposait peut-être pas d’une force de vente suffisante (c’est typiquement le cas lors du rachat d’une partie des actifs de Seagram par Pernod-Ricard)
  • Raisons fiscales : Une entreprise disposant de crédit d’impôts importants est une cible intéressante pour une entreprise fortement bénéficiaire. En additionnant les deux parties, l’acquéreur paiera un impôt moins lourd sur ces bénéfices
  • Réduire la concurrence : Moins de concurrents entraîne moins de compétition sur les prix et donc promet d’un meilleur chiffre d’affaires, au moins à moyen terme.
  • Contrôler des ressources supplémentaires.
  • Utilisation de sa trésorerie : Lorsque des entreprises sont des marchés matures et rentables mais pour lesquels il existe peu d’occasions de développement et d’investissement, la trésorerie excédentaire peut être utilisée pour acheter de nouvelles activités plutôt que rendre cette trésorerie aux actionnaires par dividendes ou rachats d’actions.
  • Eliminer les inefficiences : Ceci en rapprochant les meilleures pratiques de chacune des parties.

Toutes les raisons citées au-dessus sont considérées par la théorie financière comme des raisons valables, car elles ont pour but de créer de la valeur financière. D’autres raisons sont moins évidentes, voire contestables telles que de créer des empires, de satisfaire de l’ego des dirigeants ou de se diversifier.

 

  1. CARACTERISTIQUES DE LA FUSION-ACQUISITION

Les classements des plus grandes fusions-acquisitions sont souvent réalisés à partir du montant de l’opération. Cette méthode favorise les opérations récentes alors que des opérations plus anciennes peuvent avoir été aussi importantes proportionnellement à la taille et au prix des sociétés de leur époque.

Les plus grosses opérations de fusion-acquisition de l’histoire (en montant, avant 2007) sont :

  • Vodafone/Mannesmann (télécoms) : 203 milliards de dollars en 1999/2000.
  • AOL/Time Warner (médias) : 182 milliards en 2000/2001.
  • BHP Billiton/Rio Tinto (mines) : 147 milliards en 2008 (si et seulement si elle se concrétise).
  • AT&T/BellSouth (télécoms) : 89 milliards en 2006.
  • Pfizer/Warner-Lambert (pharmacie) : 89 milliards en 1999/2000.
  • Exxon/Mobil (pétrole) : 85 milliards en 1998/1999.
  • Glaxo Wellcome/SmithKline Beecham : 79 milliards en 2000.
  • Travelers/Citicorp (finance) : 73 milliards en 1998.

 

  • CLASSEMENT

On distingue différents types de fusions-acquisitions en fonction des motifs qui les justifient. On distingue les opérations dont le but économique est l’intégration verticale, celles qui visent l’intégration horizontale et celles qui conduisent à des conglomérats visant une simple logique de portefeuille.

Lorsque les motifs sont essentiellement stratégiques et/ou productifs on parle de :

  • Concentration horizontale (rachat de concurrents sur le même marché)
  • Concentration verticale (rachat de clients et/ou de fournisseurs)
  • Conglomérats. Les groupes d’entreprises qui se forment sur la base de considérations financières sont souvent dénommés « conglomérats » (qui signifie agglomération d’activités pas forcément cohérentes d’un point de vue productif). L’une des principales raisons d’être des conglomérats est la diversification : en se diversifiant dans des activités différemment affectées par la conjoncture économique, les groupes financiers réduisent la variabilité de leurs performances, le risque d’être lourdement affectés par la conjoncture.

Les concentrations observent des modes ou de grandes tendances. Ainsi dans les années 1920, les concentrations verticales prévalaient, alors que les conglomérats se développaient dans les années 1960 et 70 aux États-Unis et dans les années 1980 en Europe.

 

  • CARACTERE

Pour les entreprises cotées en bourse, il peut y avoir opération

  • Soit amicale : accord entre les directions des deux entreprises avant de soumettre le projet aux actionnaires ;
  • Soit hostile proposition unilatérale de l’une des entreprises aux actionnaires de l’autre.

Le plus souvent, les fusions et acquisitions sont l’aboutissement d’un accord entre la cible et l’acquéreur, au terme d’un processus de due-diligence ou non, afin d’établir le juste prix pour les deux parties. C’est le cas pour les sociétés non cotées, et donc sur un marché de gré à gré, mais également dans la majeure partie des cas pour les sociétés cotées en bourse. Le processus a l’avantage – en théorie du moins – d’obtenir l’agrément des deux parties.

Toutefois, et essentiellement pour les sociétés faisant appel à l’appel public à l’épargne (bourse), des offres hostiles peuvent être effectuées dans le but d’acquérir une majorité du capital d’un tiers.

Le processus peut s’avérer alors :

  • plus long du fait des recours juridiques et médiatiques entrepris par la cible, temps pour convaincre les acquéreurs…
  • plus coûteux : prime de contrôle, budget communication, frais d’avocats et de banques d’affaires plus importants…
  • et expose l’ensemble des acteurs (couverture médiatique, critiques, fragilisation et perte de crédibilité de l’acheteur potentiel en cas d’échec mais aussi fragilisation de la cible.

Une offre hostile peut devenir amicale. Ainsi, une offre déclarée non souhaitée ou hostile par son management (Arcelor-Mittal, Saint-Gobain-BPB) peut finalement devenir amicale, lors du consentement des dirigeants. Plus rarement une offre amicale devient hostile, notamment lorsque la cible trouve un autre acquéreur.

Pour les petites entreprises, il n’existe pas de procédure organisée, mais des conseillers en « reprise d’entreprise » peuvent jouer un rôle d’intermédiaires, de même que des organisations professionnelles (Chambre de commerce…) peuvent recenser les propositions d’acquisition ou cession.

 

  • CRITIQUES ENVERS LES FUSIONS-ACQUISITIONS

Les fusions et acquisitions d’entreprises peuvent se faire sur le marché public, c’est-à-dire la bourse. Il s’agit du type le plus connu et le plus médiatique. L’essentiel du volume des transactions se font sur un marché privé, de gré à gré, et concernent essentiellement des valeurs bien moindres que lors d’opérations boursières. Toutefois cela est à nuancer par l’importance croissante des transactions de capital-investissement. Les opérations de fusions-acquisitions ne manquent pas cependant de critiques qui concernent surtout leur fonctionnement, leur effet sur le marché.

  • Destruction de valeur : 1+1 = 3 ? Alors que les fusions ont pour but de créer de la valeur supplémentaire à l’addition simple de deux sociétés (1+1=3), il arrive que le résultat d’un regroupement n’obtienne pas le résultat escomptés, on peut alors avoir 1+1 < (inférieur à) 2. Les raisons de ces échecs sont le plus souvent des cultures d’entreprise trop différentes, une mauvaise gestion d’une offre hostile (la proie se sentant humiliée) ou une mésentente des dirigeants.
  • Coût social : Du fait des synergies mises en place via restructurations.
  • Dissimulation d’un manque de stratégie : Les fusions-acquisitions peuvent également cacher un manque de vision ou de croissance interne d’une entreprise, tentant de le dissimuler par une fuite en avant dans une politique expansionniste.
  • Création de conglomérats : Comme vu plus haut, les investisseurs ne se fient pas beaucoup aux groupes trop diversifiés. La raison sous-jacente le plus souvent évoqué étant que les investisseurs estiment plus pertinent de diversifier eux mêmes leurs investissements.
  • Création de mastodontes : Les regroupements d’entreprises peuvent également mener à la création de géants incontrôlables.

 

  • REACTIONS DES MARCHES FINANCIERS

Dans le cadre d’une entreprise cotée, les risques sont les réactions des marchés financiers et donc l’impact sur son cours de Bourse, ce bien souvent avant même l’annonce officielle. Une simple rumeur permet parfois de faire chuter le cours d’une action lorsque le marché estime qu’une acquisition n’est pas pertinente (coût annoncé trop élevé, peu de synergies prévues, acquisition dans un secteur trop différent du prédateur, méfiance vis-à-vis d’une politique trop expansionniste…).

Frein indirect aux marchés des fusions-acquisitions, une offre mal menée peut amener l’acquéreur à être fragilisé. Celui-ci a en effet perdu du temps et de l’argent qu’il aurait pu consacrer ailleurs, et par ailleurs perd de la crédibilité auprès des investisseurs. Tout ceci conjugué peut faire diminuer sa valeur et donc le mettre à son tour en position de proie potentielle. Dans tous les cas, les hedge funds et les sociétés de bourse spécialisées dans l’arbitrage se chargent d’analyser les valorisations des offres.

 

  • CONCURRENCE

Afin d’éviter les concentrations d’entreprises et in fine les monopoles de fait, les économies de marché se sont pourvues d’instances destinées à contrôler la bonne concurrence au sein du marché. Certaines entreprises se voient donc refuser des projets d’acquisition ou du moins les restreindre à l’aide de cessions ultérieures pour éviter les suprématies.

Le premier cas de contrôle anti-trust fut le démantèlement de la Standard Oil. Si chaque pays peut avoir sa propre instance de lutte contre les monopoles économiques, les cartels et pour s’assurer de la bonne marche de la libre économie, les deux plus emblématiques autorités sont la Federal Trade Commission, aux États-Unis et la Direction Générale Concurrence de la Commission Européenne (aussi connue sous le nom de DG COMP) en Europe.

 

  • PROTECTIONS CONTRE LES FUSIONS ACQUISITIONS

Une ou plusieurs protections peuvent être efficaces pour une entreprise pour éviter d’être rachetée.

  • Contrôle du capital

Le contrôle du capital par un acteur stable et de confiance est la garantie la plus classique.

  • Majorité de la majorité du capital (Casino)
  • Majorité des droits de vote (grâce l’émission de droits de vote double par exemple)
  • Limitation des droits de vote d’un tiers. A défaut de contrôler les droits de vote d’une société, il est possible d’empêcher un des actionnaires de l’entreprise d’avoir le contrôle en bloquant le pourcentage de droits de vote. Cela a notamment été le cas lorsque l’État italien limita (date, source la Tribune jour) les droits de vote d’EDF dans l’énergéticien italien Edison.
  • Participations croisées. En France par exemple, ce type de défense a été popularisé par le Gouvernement Chirac de 1986 sous l’impulsion du ministre des finances Édouard Balladur. Les sociétés nouvellement privatisées étaient protégées d’acquisition non désirées grâce à un système de participations croisées entre sociétés amies, amenant à la création de « noyaux durs » (actionnaires stables) contrôlant une part importante du capital. Tel était le cas entre BNP et UAP.

 

  • Pilules empoisonnées (poison pills)

Les statuts de certaines entreprises peuvent détenir des clauses particulières destinées à empêcher ou du moins fortement handicaper les chances d’une offre hostile contre elles. Ce genre de défense est en général peu apprécié des marchés financiers dans la mesure où elles brident la spéculation sur les entreprises cotées. Ces défenses sont communément appelées pilules empoisonnées. Elles peuvent prendre des formes diverses :

  • Limitation des droits de vote
  • Autorisation d’émissions de titres ou obligations supplémentaires
  • Bloquer certains actifs. Dans le cadre de l’offre hostile de Mittal sur Arcelor, celle-ci avait pris la décision de créer une fondation néerlandaise qui détiendrait le capital d’une filiale américaine : Dofasco. En effet, Mittal avait annoncé vouloir revendre la société états-unienne aussitôt après le rachat d’Arcelor.

 

  • Législations
  • Loi. Les lois d’un pays ou d’un état peuvent également bloquer des intentions de rachat. Certains secteurs stratégiques tels que la défense ou le transport aérien. Aux États-Unis, le législateur a ainsi rendu impossible l’achat de ports américains par la société Dubai Ports en 2006.
  • Concurrence. Une offre peut être refusée ou amendée par les autorités régulant la concurrence. Ce fut le cas a posteriori lors de l’acquisition de Legrand par Schneider. Ce fut également le cas mais avant même le lancement de l’offre d’achat de General Electric sur Honeywell, suite au refus de la Commission européenne

 

  • Lobbying politique et médiatique

Les acteurs politiques peuvent également utiliser leur pouvoir pour faire échouer un projet qu’ils estiment contraire aux intérêts nationaux, parfois même sans avoir à faire passer de lois ou décrets. Cela a notamment été le cas lors de rumeurs d’OPA sur le groupe français Danone en 2005. Une cible peut faire appel à la puissance médiatique pour faire échouer une offre. Ce fut le cas en 1999 lorsque la Société générale réussit à faire échouer une tentative d’achat de la part de la BNP.

 

  • Stratégies de défense active
  • Chevaliers blanc

Une entreprise en passe d’être achetée par un concurrent non désiré peut faire appel à une autre entreprise amie. Ce fut le cas des AGF qui se choisirent Allianz comme actionnaire majoritaire plutôt que Generali.

  • Reverse take-over ou stratégie du Pacman

Une autre stratégie de défense consiste à contrer l’offre de son adversaire en effectuant également une offre contre lui. Ce fut le cas en 1999 lorsque le pétrolier Total lança une OPE sur Elf Aquitaine (Elf-Total).

 

  1. LA LOGIQUE DES FUSIONS – ACQUISITIONS

Les fusions acquisitions sont devenues un phénomène incontournable du monde des affaires. Pour l’année 1996 il avait été annoncé plus de 2000 fusions acquisitions pour une valeur de 252 milliards de dollars. Pour assurer le succès d’une fusion acquisition il est indispensable de respecter une logique stratégique et de mener un réel effort d’intégration. Ces principes sont valables aussi bien pour une fusion transnationale que pour une fusion nationale.

 

 

 

 

  1. FONCTIONNEMENT

Si on a pu constater une augmentation de près de 54% du nombre d’opérations de fusion acquisition en 10 ans[8], la majorité ne sont pas des succès et toutes les fusions ne permettent pas d’augmenter les performances de l’acheteur[9]. C’est pourquoi avant de se lancer dans une telle opération, les deux entreprises doivent s’attacher à déterminer d’un commun accord plusieurs points. Elles doivent déterminer quelle sera l’offre de produits et de services proposés ; qui sera responsable du groupe ; d’où proviendront les réductions de coûts attendues ; mais aussi quelle sera la répartition des responsabilités au niveau du management.

A toutes ces difficultés vient s’ajouter un ensemble de problèmes provenant des différences culturelles. En effet malgré une tendance à l’uniformisation des pratiques qui est instaurée par la mondialisation, les façons de faire des affaires en Europe, au Japon ou aux États-Unis restent très différentes. Ces différences concernent aussi bien le gouvernement de l’entreprise, le pouvoir du personnel, la sécurité de l’emploi que les attentes des clients. Il n’est donc pas étonnant que les fusions acquisitions soient considérées comme opérations à risque.

Pour faciliter le bon déroulement d’une fusion il faut respecter deux principes fondamentaux qui ne sont autres que le respect de la stratégie et l’intégration de l’acquisition.

 

  • Une logique stratégique :

Le premier facteur clé de succès d’une entreprise part toujours d’une stratégie ; et le respect de la logique de cette stratégie garantit plus qu’une simple valeur ajoutée pour elle. En effet, l’opération de fusion – acquisition doit justifier d’une exigence de processus en accord avec les objectifs préfixés, tant généraux que spécifiques.

Afin de respecter une logique stratégique l’entreprise doit se poser les questions suivantes :

  • Comment la fusion va créer de la valeur et à partir de quand ?
  • Pourquoi l’entreprise est-elle le meilleur acquéreur potentiel ?

Pour être efficiente une fusion doit apporter de la valeur en augmentant la compétitivité ou en apportant des compétences complémentaires. Souvent dans la course à la négociation les entreprises ont tendance à surestimer les véritables avantages de l’accord. La volonté de conclure, avoir la concurrence est souvent plus forte.

La logique stratégique est d’autant plus facile à respecter quand les deux sociétés ont des métiers de bases similaires et qu’elles partagent les mêmes objectifs. Cela permet de réaliser des économies d’échelle à différents stades (R&D, production, vente, marketing, distribution…). C’est ce qu’on appelle les gains de performance.

 

 

 

  • L’intégration de l’acquisition :

L’intégration de l’acquisition consiste à mettre en œuvre les avantages de la fusion. L’acte de fusion ne suffit pas pour réaliser des synergies, il faut mener une politique de coopération et de coordination entre les deux entreprises tout en tenant compte des difficultés liées aux ressources humaines. En effet, dans notre cas d’étude, il est également question d’un transfert de personnel, et qui se trouve en devoir de s’adapter à une culture d’entreprise différente celle d’entreprise française. En conséquence, l’application d’une fusion – acquisition induit les ressources humaines comme facteur de réussite de l’opération même.

 

  1. OBJECTIFS DE LA FUSION

Les opérations de fusions acquisitions répondent à certaines motivations.

  • Tout d’abord acquérir ou renforcer son pouvoir de marché. La fusion acquisition permet de réduire la pression concurrentielle et autorise une augmentation des marges, malheureusement au détriment des consommateurs. En effet une fusion peut permettre de s’approprier d’une part importante d’un marché quelconque, allant du marché national au mondial.
  • La garantie de débouché peut-être envisagée comme l’une des motivations de la fusion acquisition. Effectivement, les marchés pertinents que sont le développement des pays émergents, l’apparition de l’Euro et la création d’un marché unique à l’échelle du vieux continent, ont repoussé les frontières « naturelles » des entreprises.
  • Au même titre, la diversification du portefeuille d’activités peut-être une motivation. Le déclin ou le caractère trop cyclique de certains secteurs poussent les groupes et les entreprises à se développer par croissance externe, soit hors de leur activité de base, ou suivant d’autre possibilité de diversification, la mutation véritable du portefeuille.
  • Une opération de concentration, telle que la fusion peut-être un moyen de répondre aux actions stratégiques des concurrents. Soit de se repositionner par rapport aux concurrents qui se sont eux-mêmes engagés dans des opérations de concentration. Soit de dissuader des prises de contrôle hostile en se transformant en une cible plus difficile « à digérer». Outre la volonté de s’adapter aux actions des concurrents, il y a celle de s’adapter aux évolutions de l’environnement financier.

On constate que la recherche de l’effet taille est une conséquence de la recherche d’économies d’échelles. La pression des marchés financiers est telle qu’une fusion si elle est annoncée, sans information concernant le montant de la réduction des coûts qu’elle permettra, elle serait suspecte pour les investisseurs[10].

Le mouvement des fusions acquisition obéit aussi aux exigences des actionnaires. Il y a une modification du rapport de force entre les managers et les actionnaires. Ces derniers imposent des critères de rentabilité très élevés aux dirigeants. La généralisation des performances des groupes selon la création de valeur a permis l’émergence d’une norme de rentabilité, certes arbitraire, d’environs 15 %. Mais le maintien de tels taux de rentabilité impose, sauf dans les secteurs à concurrence explosive, le recours à la croissance externe. Cependant, souvent les fusions acquisitions qui en résultent obéissent plus à une logique de création de valeur à court terme voulue et dictée par les actionnaires, plutôt qu’une logique de développement à moyen et long terme.

La dernière décennie restera celle au cours de laquelle les grandes entreprises auront entrepris un travail de réduction des coûts, jamais vu auparavant dans de telles proportions malgré la crise économique de 1991 à 1995. Les grands groupes sont conscients de leurs interdépendances et peuvent avoir intérêt à se coaliser lorsque le profit réalisé conjointement est supérieur à ceux que chacun obtiendrait en poursuivant une stratégie individuelle. Malgré ces motivations à fusionner, quelques obstacles se dressent à la réalisation de certaines fusions acquisitions.

 

  1. LES OBSTACLES AUX FUSIONS

Les fusions-acquisitions sont considérées comme opérations à risque et dont leur mise en place est caractérisée d’une grande délicatesse. Il n’est donc pas plus étonnant de voir, malgré leur concentration en volume, plus d’une opération de fusion-acquisition avortées : certaines fusions n’arrivent pas à conclure réellement, et d’autres ont lieu mais se heurtent à des difficultés pratiques qui finissent par les condamner. Il faut savoir que 50 à 60% des fusions ne donnent pas le résultat escompté[11].

Les deux principales raisons à cela sont le manque de synergies et les différences culturelles et managériales.

 

  • l’inexistence de synergie entre deux activités.

La synergie se définie comme étant un manque d’actions, d’éléments (matériels ou non), qui forme un tout organisé, concourant au même résultat et dont l’interaction augmente le potentiel. De nombreuses « alliances » entre banque et assurance ou encore entre chimie et pharmacie n’ont pas fonctionné par manque de synergie, par exemple. L’histoire des fusions acquisitions est jalonnée de quelques fausses bonnes idées de ce type qui se sont révélées être des échecs.

 

  • les différences culturelles et managériales irréconciliables.

Une mauvaise intégration de l’acquisition mène généralement à l’échec. Ce cas est plus fréquent en matière d’opérations transnationales. Le plus souvent chaque pays a sa propre culture managériale. Un effort d’intégration des deux parties est nécessaire pour que la fusion-acquisition puisse aboutir et ainsi éviter les pertes qui, à la longue, peuvent devenir importantes et induisent à l’échec. Cela a été le cas de la fusion – acquisition entreprise entre Firestone (américaine) et Bridgestone (japonaise), ou celle entre Pharmacia (Suedoise) et Upjohn (américaine). A cet effet, une implication dans les processus d’association des deux cultures d’entreprise et des deux styles de management est nécessaire, ou mieux encore une volonté d’intégration de la partie acquise par rapport aux manières de faire de l’entreprise acquéreur, et surpasser ainsi les différences. Il est à noter que la majeure partie des opérations de fusions-acquisitions incluent les entreprises américaines, les traduisant telle une culture des entreprises américaines.

Les entreprises américaines se sont familiarisées avec un style de management directif. Ainsi, une fusion avec une entreprise ayant un style de management plus ouvert et souple induit parfois à un manque de cohésion dans le management. On peut dire que pour qu’une Fusion acquisition ait toutes les chances d’aboutir, il est important qu’elle respecte ces deux principes.

 

  • le rôle de l’Etat.

Néanmoins, ces deux principes ne constituent pas en elles tout le contexte des difficultés rencontrées ; les États peuvent également être un frein aux fusions acquisitions. Ils cherchent en général à attirer les investisseurs en se montrant attractifs en matière fiscale ou sociale… En même temps, ils éprouvent la nécessité de freiner les volontés monopolistiques de certains groupes en renforçant l’arsenal législatif. L’exemple frappant de Microsoft en justifie la situation. Son succès jugé dangereux est à l’origine du procès que le gouvernement américain lui a intenté.

 

  • le problème de nationalité naissant de la fusion.

D’autres problèmes apparaissent notamment quant à la nationalité des deux entreprises fusionnant. La localisation et la nationalité du nouvel ensemble pose de gros problèmes, surtout au niveau européen : il n’y a pas de véritable statut de sociétés européennes donc les fusions entre nationalités différentes sont très complexes. C’est pourquoi beaucoup d’entreprises optent pour le système de la joint-venture au lieu de réaliser une réelle fusion[12], et d’autres encore optent pour des fusions purement nationales.

Les inconvénients de fusions transfrontalières sont directement liés à la fiscalité des pays. Celle-ci diffère souvent et le partage des futurs dividendes devient compliqué lorsque l’on sait qu’ils peuvent être soumis à une double imposition.

De même au niveau des systèmes juridiques, ceux-ci ne sont pas toujours compatibles lors d’opérations entre deux pays. Il a cependant été effectué des changements de réglementations ayant pour vocation d’accélérer les mouvements de concentration mais cela n’est pas efficace sur tous les plans.

Au niveau européen et américain, par exemple, des commissions ont été créées afin de contrôler les fusions opérées. La commission européenne est l’instance de régulation de l’union et elle peut bloquer les fusions et acquisitions ou leur imposer des modifications, même si elles ne sont pas le fait de firmes européennes. Selon la loi, toutes les sociétés dont les ventes annuelles dépassent les 5 milliards d’euros (4.3 milliards de dollars) et dont les affaires dans les 15 nations de l’Union Européenne se montent à au moins 250 milliards d’euros (215 milliards de dollars) doivent avertir la commission de leur intention de fusionner.

Ainsi l’affaire de l’acquisition par General Electric de Honeywell, soit deux sociétés américaines, est devenue le centre des conflits commerciaux qui opposent union Européenne aux Etats-Unis.

Le comité anti-trust américain a approuvé ce projet d’acquisition, mais il y a peu de chance pour que la commission européenne ne permette que le rachat s’effectue malgré un lobbying intense de la part de l’administration des Etats-Unis. La commission européenne n’a pas caché sa crainte que le groupe issu d’une telle fusion contrôlerait une part trop importante du marché mondial de l’aéronautique. Si la commission décidait de bloquer l’accord, ce serait la première fois que des régulateurs européens rejetteraient une fusion entre sociétés américaines approuvée auparavant par le Ministère de la justice des Etats-Unis…

 

  • le rôle des investisseurs

Enfin, ajouté au poids de l’État, les investisseurs eux aussi ont un rôle important dans ce genre d’opérations. Ils sont de plus en plus exigeants et cela conditionne les fusions acquisitions. Il faut donc rechercher des financements moins coûteux, maximiser les résultats des sociétés rachetées, tout en intéressant les dirigeants. Cette augmentation d’exigence complique singulièrement les opérations rémunérées en titre surtout si les actionnaires de la société ciblée sont étrangers.

Prenons l’exemple de Canal+ qui a souhaité racheter la société sud-africaine Nethold en 1996. L’actionnaire de la cible a voulu obtenir la garantie que ses droits de minoritaires seraient respectés. Canal+ a alors dû créer des comités d’audit, d’investissement, de stratégie… ce qui a compliqué d’autant plus l’opération. Mais ces actionnaires voulant toujours plus ont des difficultés à contrôler leurs dirigeants lors de fusion, ce qui leur pose un vif problème.

Avec les fusions acquisitions, l’actionnariat se trouve éclaté en une multitude d’actionnaires institutionnels qui sont la plupart du temps des fonds de pension anglo-saxons ; cela confère aux équipes dirigeantes un pouvoir quasi absolu. Le monde anglo-saxon a su se doter de règles de transparence qui garantissent aux actionnaires un minimum d’informations et de contre-pouvoir. Mais toute l’Europe n’en est pas à ce stade et les actionnaires doivent porter une attention toute particulière aux dirigeants de leur société après une opération de fusion acquisition.

 

Section 2. LES CONSEQUENCES SUR L’ORGANISATION ET SUR LE MANAGEMENT

De fait, les fusions-acquisitions constituent un outil privilégié de restructuration, rapide et efficace. Depuis quelques années, elles se développent à grande vitesse dans tous les pays capitalistiques. Ce processus est de plus en plus médiatisé et de plus en plus, elles deviennent une composante de la vie des entreprises. En France, les opérations de fusion-acquisition ont atteint près de 840 milliards de francs en 1998. Leur croissance exceptionnelle est alimentée avant tout par l’augmentation de la taille des opérations. Elle n’est pas due à l’évolution du nombre d’opérations, qui a même légèrement décru en 1998. Elle ne s’explique pas non plus par le fait que les sociétés valent plus cher. En effet, la croissance de la valeur globale des fusions-acquisitions est plus rapide que celle, pourtant démarquée, de la bourse.

 

  1. LES FUSIONS-ACQUISITIONS, UN OUTIL DE RESTRUCTURATION QUI DEVIENT DECLENCHEUR.

En fait, les fusions-acquisitions ont changé de nature. Elles ne concernent plus les mêmes opérations qu’auparavant. Par le passé, les opérations de fusions-acquisitions répondaient surtout à des recherches de complémentarités, dans la gamme de produits ou au niveau géographique. Ce type d’opération n’entraînait que des recouvrements limités, et donc des besoins de restructuration encore plus limités. Les fusions-acquisitions entraient dans une logique de croissance de chiffre d’affaires. Enfin, on achetait les entreprises en les payant.

Les opérations qui fleurissent aujourd’hui sont vraiment très différentes. Premièrement, la logique en œuvre n’est plus la croissance du chiffre d’affaires, mais la réduction des coûts. Deuxièmement, on ne paye plus vraiment les entreprises acquises avec du cash, mais avec du papier. Troisièmement, les opérations portent sur des clones. Le cas général n’est plus une grosse entreprise qui mange une petite, mais une grosse qui se rapproche d’une autre grosse. Toute une terminologie de “ fusion d’égaux ” fait ainsi florès dans la pharmacie, le pétrole, les télécoms… La cible – sait-on toujours qui est la cible, d’ailleurs ? – présente à peu près la même taille, le même profil, et se trouve souvent dans le même pays (par exemple, Elf-Total, BNP-Paribas, etc.). De ce fait, les recouvrements sont très importants, d’où un fort besoin de restructuration. À cet égard, les fusions-acquisitions ne sont plus un outil de restructuration, mais en deviennent une sorte de déclencheur, et se situent un peu plus en amont.

 

  1. LES ACTIONNAIRES INITIATEURS ET BENEFICIAIRES DES FUSIONS – ACQUISITIONS

Des opérations délicates mais toujours plus pratiquées, pour satisfaire les actionnaires Les opérations de fusions-acquisitions sont particulièrement délicates. Beaucoup d’ailleurs n’aboutissent pas. Ces opérations, lorsqu’elles concernent des sociétés cotées, doivent être annoncées relativement tôt, mais peuvent avorter. Elles sont risquées en cas d’échec, pour plusieurs raisons. En lançant une annonce de fusion-acquisition, le management met sa crédibilité en jeu. Un échec public non seulement entame cette crédibilité, mais de plus, fragilise beaucoup le discours stratégique d’une société. En effet, il est assez difficile d’expliquer un revirement de situation, souvent dû à des raisons d’ego des présidents, alors que peu de temps auparavant, on vantait au marché tout l’intérêt d’une opération de rapprochement présentée comme la seule issue. Enfin, une opération avortée déstabilise le personnel.

Même en cas de succès, les opérations de fusions-acquisitions restent délicates, voire pénibles. Une telle opération est toujours traumatisante pour le personnel qui la subit. Elle est difficile pour le management qui doit mettre en œuvre le rapprochement. De fait, personne n’est content de ce type d’opération, ni d’un côté, ni de l’autre, et ce, même à supposer que l’arbitrage soit bien fait. Pourtant, les managers hésitent de moins en moins souvent à se lancer dans ces opérations particulièrement difficiles.

Les raisons doivent donc en être fortes. Certaines sont assez classiques :

  • La recherche d’économies d’échelle (R&D, logistique, distribution…) : asseoir une plus grande capacité de recherche-développement, essentielle dans cette activité, demande beaucoup plus de chiffre d’affaires. La recherche d’économie d’échelle peut porter sur la logistique. Dans la banque, par exemple, la mise en commun des back-offices permet d’en réduire le coût.
  • Le renforcement de la position de négociation. Dans la grande distribution en particulier, le rapprochement des distributeurs – et de leurs centrales d’achat – accroît le rapport de force en leur faveur, dans la discussion avec les fournisseurs.
  • L’investissement défensif. Une opération peut se décider sans avoir été prévue, pour interdire l’entrée sur un marché d’un nouveau concurrent redouté.

Au-delà de ces raisons classiques, les managers ont aujourd’hui une nouvelle préoccupation majeure : la satisfaction de l’actionnaire. Cette préoccupation peut sembler aller de soi dans un monde capitalistique, mais en France, elle ne jouait pas un rôle prédominant jusqu’alors. Certes, les PME familiales avaient déjà le souci de leurs actionnaires, mais il était contrebalancé par une grande prudence patrimoniale et une défiance vis-à-vis d’opérations de rapprochement. De plus, les managers et les actionnaires y sont souvent les mêmes, ce qui peut introduire un biais.

Dans les grandes entreprises cotées, au capital fortement dilué, la pression des actionnaires n’était pas très importante jusqu’à récemment. Dans ce capitalisme à la française, les conseils d’administration réunissaient souvent les mêmes personnes, qui évitaient de se faire des misères respectives.

Cette situation est en train de changer, pour plusieurs raisons :

  • Les fonds de pension étrangers. Au niveau des actionnaires, les fonds de pension étrangers, américains pour l’essentiel, sont de plus en plus présents dans les entreprises françaises. Ces fonds de pension peuvent détenir entre 3 % et 10 % du capital. Même sans faire partie du conseil d’administration, ils sont choyés par les managers. En effet, nul n’est jamais à l’abri d’une OPA. Il est préférable que les fonds de pension participant au capital restent fidèles à l’entreprise, car étant donné leur poids, leur entrée ou leur sortie influera sur le cours de l’action, et pas forcément dans le bon sens. Les managers soignent donc leurs relations avec les fonds de pension participant au capital de leur société. Tous les présidents des plus grands groupes font régulièrement une tournée aux États-Unis pour rencontrer ces fonds, souvent représentés par un jeune analyste. Le credo des gestionnaires de fonds de pension est le retour sur investissement, car ils sont dépositaires de fonds qui ne leur appartiennent pas, mais qu’ils doivent faire croître. Ils poussent donc les managers à faire des opérations qui créent de la valeur.

 

  • Les actionnaires minoritaires. Un certain nombre d’intervenants minoritaires sont devenus vindicatifs. Ce sont des gens qui s’invitent au capital d’une société et vont “ secouer le cocotier ” jusqu’à ce qu’il en tombe quelques noix. Ils choisissent des entreprises qu’ils estiment devant être restructurées.

 

  • Les analystes financiers. Leur métier est d’analyser les entreprises. Ils les jaugent avec un critère premier : la croissance des résultats.

 

  • Les marchés. Si le cours de l’action s’essouffle, l’entreprise risque davantage une OPA ou une OPE.

 

  1. CREER DE LA VALEUR : UN LEITMOTIV

Pour les dirigeants, toutes ces raisons convergent vers la même idée, devenue un leitmotiv : il faut créer de la valeur pour l’actionnaire. Qu’est-ce que la création de valeur, en deux mots ? L’actionnaire qui a placé de l’argent dans une société en attend un retour, qui tient compte des taux d’intérêt, du risque propre à la société, etc. Créer de la valeur, c’est créer plus de valeur que ce taux de retour.

Pour le manager, il s’agit non seulement de créer de la valeur, mais aussi de l’annoncer, vite et de manière convaincante. Là commence l’impact des marchés. Il y a deux méthodes pour créer la valeur : soit, dans un esprit “ bâtisseur ”, en investissant et en développant l’entreprise sur ses marchés, existants ou nouveaux ; soit, de façon plus urgente, en se lançant dans de grands rapprochements, suivis des restructurations rendues nécessaires. Or, les marchés ont toujours privilégié le court terme. Cette prédilection pousse les managers vers les stratégies de fusion suivie de restructuration.

En effet, ces opérations sont plus lisibles pour les marchés, plus faciles à comprendre. Leurs effets peuvent être plus rapides. Cette notion de vitesse est très importante pour les gérants de fonds et de SICAV, qui brassent beaucoup de titres et qui sont jugés en continu sur la performance de leurs produits. Aussi, les opérations de type fusion/restructuration se multiplient et continueront à s’accroître, même si elles présentent plusieurs désavantages.

Premièrement, elles induisent un véritable “ grand écart ” en termes de communication. Il peut être difficile, pour un manager, d’expliquer aux marchés, d’une part, que l’opération permettra de réaliser des économies drastiques et que les coûts seront réduits, et au personnel, d’autre part, qu’il n’y aura pas de licenciements et que tout se passera très bien.

Deuxièmement, ces grandes opérations ne sont pas toujours les plus performantes à moyen terme. Quelques années plus tard, certaines auront créé de la valeur, d’autres pas, comme le montrent diverses études sur le sujet.

Les fusions-acquisitions constituent un outil efficace de restructuration, pour les groupes qui en ont besoin. Au-delà de ce rôle, et sous la pression des marchés, elles peuvent apparaître comme des déclencheurs de restructuration pour des groupes sans besoins évidents en la matière. Toutefois, dans la pratique, il ne s’agit souvent que d’une simple anticipation de ce qui serait devenu nécessaire par la suite. Cette anticipation a un intérêt, car en fait, les cibles ne sont pas pléthore. La “ prime au premier ” est ici évidente. Le premier à lancer une opération de ce type aura plus le temps de la préparer et de choisir sa cible. Il aura plus chance de réaliser une opération créant de la valeur. Enfin, dans un monde qui bouge de plus en plus vite, les managers mettent en œuvre des fusions-acquisitions pour se prémunir contre les aléas futurs, en disposant d’une entreprise mieux armée pour affronter un avenir incertain.

 

Partie II. GESTION DE L’INTEGRATION D’UNE PME FRANCAISE AU SEIN D’UN SYSTEME ANGLO-SAXON AU NIVEAU DES RH

De nombreuses enquêtes se convergent pour démontrer que le taux d’échec des fusions et acquisitions est extrêmement élevé, l’une des principales causes d’échec visé est la sous estimation de la dimension humaine (Braymer et Mayerhofer, 2002). En effet, les managers ne pensent pas souvent en termes d’organisation et d’homme ce qui entraîne des dysfonctionnements humains importants et coûteux pouvant mettre en cause toute tentative de rapprochement.

La réussite d’une fusion est fondée sur l’existence d’une vision qui se traduit par un projet de développement commun, une structure organisationnelle efficace et une culture d’organisation adaptée à la gestion des ressources humaines. Il paraît dès lors important que les parties prenantes comprennent les avantages associés au regroupement et s’efforcent d’atteindre ensemble les objectifs fixés.

Au niveau de la gestion sociale et humaine, il convient d’anticiper et de définir les changements nécessaires à la réussite de l’opération. La création de la nouvelle entreprise nécessite la constitution d’équipes mixtes et le maintien d’un certain équilibre dans la composition des groupes de travail, la répartition des responsabilités et les affectations des salariés. Compte tenu des intérêts des différents acteurs, la communication joue un rôle important : elle doit être progressive, suivre et faciliter l’avancement du projet.

Par ailleurs, il convient d’amorcer les changements culturels, car chacune des parties cherche généralement à valoriser ses méthodes, ses outils de travail et son style de management. La création d’une nouvelle culture d’entreprise qui intègre les points positifs de chaque culture organisationnelle permet d’éviter des conflits. Dans cette optique, l’association d’entreprises de nationalité différente constitue une source supplémentaire de difficultés.

Aux différences de cultures internes viennent ainsi s’ajouter les différences culturelles entre pays (Egg 2000). L’intégration organisationnelle, qui est étroitement liée à la culture nationale et à la culture organisationnelle des entités associées, constitue un important facteur clé de succès des fusions. La mise en place d’une nouvelle structure organisationnelle efficace est en effet susceptible d’améliorer la performance des opérations réalisées (Desreumaux 1998).

 

Chapitre 3. LE PROCESSUS D’INTEGRATION POST FUSIONS – ACQUISITIONS

L’annonce d’une acquisition ou d’une fusion à la presse, aux milieux financiers, aux personnels se fait généralement dans un climat d’euphorie et de victoire. On évoque la «taille critique pour rester dans la course », comme les « performances de la recherche permettant de mettre sur le marché les produits les plus innovants », ainsi que « l’aptitude de la firme à faire face aux challenges du futur » ou encore la volonté de « continuer à satisfaire les clients, employés et actionnaires du monde entier ».

Cette perception très positive de l’opération est normale car elle se fonde sur des réalités financières et économiques. Les aspects bénéfiques d’un regroupement sont voulus, recherchés et attendus dans chaque domaine d’activité de l’entreprise. Pourtant, l’optimisme des dirigeants ne fait pas toujours l’unanimité. Chacun sait qu’après la période d’euphorie, la réalité reprend ses droits et qu’il faudra y faire face.

De nombreux changements se profilent et avec eux, les risques inhérents à toute période de déstabilisation, inévitable puisque toute acquisition ou fusion implique restructuration, réorganisation majeure et intégration, partielle ou complète. Cette notion d’intégration partielle ou totale s’applique à des opérations dans lesquelles de réelles synergies sont recherchées sur un plan à la fois stratégique et organisationnel. Plus précisément, cette étude s’intéresse à l’intégration du potentiel humain, qui peut être partielle au niveau opérationnel (unités de production), et complète au niveau des cadres et des fonctions si elle est nécessaire pour le bon fonctionnement de la nouvelle entité. Plus le degré d’intégration souhaité par les directions générales est élevé, plus l’impact sur les organisations concernées par le rapprochement, et donc sur leurs salariés, est à même de provoquer des difficultés potentielles dans la phase ultérieure de réalisation.

 

Section 1. CARACTERISTIQUES DU PROCESSUS D’INTEGRATION

La phase d’intégration, qui débute dès que la fusion est annoncée officiellement aux personnels des deux sociétés, a donné lieu à de nombreux travaux de recherche, la plupart visant à proposer des actions contribuant à réduire le nombre d’échecs de ce type d’opérations (Feldman et Spratt, 2000 ; Angot et Meier, 2000 ; Cartwright et Cooper, 1992). Il est aujourd’hui communément admis que la gestion de l’intégration post-fusion/acquisition est le seul véritable facteur-clé du succès d’une acquisition (Demeure, 2000). Le processus d’intégration est perçu par les dirigeants comme étant « difficile, incertain et générateur de risques importants » pour les sociétés fusionnées. En effet, après une phase de préparation souvent secrète qui implique un nombre d’acteurs limité, l’annonce d’une fusion ou d’une acquisition est un instant où tout peut basculer de façon accélérée.

Si l’objectif des dirigeants lorsqu’ils mettent en œuvre une opération de croissance externe est d’obtenir des résultats rapides, ils savent que pour y parvenir, de nombreux services, départements de chacune des deux sociétés vont devoir s’intégrer plus ou moins rapidement pour, à terme, ne plus en former qu’un seul. Le processus d’intégration est donc, à ce titre, très ambigu car d’une part, il vise à l’unification, et d’autre part, il va entraîner un élagage de tout ce qui est superflu, tant au niveau des produits ou des activités qu’au niveau des ressources humaines.

 

  1. PLANIFICATION DE L’INTEGRATION

Il est rare que la planification de l’intégration soit envisagée au début d’une transaction Fusions – Acquisition. Toutefois, les entreprises qui se livrent à une telle opération doivent reconnaître qu’une piètre planification de l’intégration risque de déboucher sur des résultats lamentables, allant de mauvaises prises de décision à la négligence de l’exploitation courante. Dans cette optique, on peut considérer quatre pratiques exemplaires en faveur d’une intégration profitable[13] :

  • Définir la vision et les bénéfices que peut apporter la fusion ou l’acquisition à l’entreprise. Il est impératif que la direction définisse clairement la vision de l’entreprise. Les entreprises doivent identifier chaque source de bénéfices anticipés, notamment la formulation de prévisions précises de l’intégration sur une période donnée. Elles doivent cerner nettement la synergie attendue d’une fusion-acquisition et la communiquer clairement pour bénéficier des avantages financiers résultant de l’affaire. Il est également utile à cet égard de choisir des parrains et des gestionnaires solides et capables d’atteindre les jalons fixés dans les plans d’intégration détaillés.
  • Élaborer un plan d’intégration efficace. Une intégration sans problème majeur dépend de l’identification, de la mesure et de l’importance des synergies bien avant la conclusion de l’affaire. Les entreprises qui réussissent à maximiser la valeur à long terme sont souvent celles qui planifient, dès l’étape de la vérification diligente, l’intégration et la mise à profit de la synergie. Grâce à cette longueur d’avance, elles sont à même de faire face non seulement aux questions à court terme comme la poursuite de l’exploitation, mais aussi aux enjeux à long terme, notamment celui de la transformation de l’entité nouvellement créée.
  • Désigner une équipe consacrée à l’intégration. Afin de s’assurer que le programme d’intégration ne détourne pas l’attention de l’activité courante, la direction doit en confier la gestion à des employés désignés. En nommant un gestionnaire de projet et en gagnant l’appui de la haute direction, les entreprises sont en bonne posture pour s’attaquer aux risques et assurer une transition sans problème à la suite de la fusion. Il peut même être utile d’offrir des incitatifs aux principaux membres de l’équipe tout au long de l’intégration ou, du moins, jusqu’à ce que les résultats soient réalisés.
  • Privilégier les ressources humaines. Les entreprises ne doivent pas négliger l’effet possible d’une fusion sur les employés. Celles qui ne parviennent pas à mettre en place rapidement une nouvelle structure organisationnelle risquent d’engendrer incertitude, ambiguïté et crainte chez le personnel. Il est indispensable de préparer l’équipe de gestion des ressources humaines à reconnaître et à résoudre, dès que possible, les différences culturelles. En plus de communiquer l’effet de la fusion à tous les paliers de l’entreprise, la direction doit aller au-devant des problèmes de gestion et répondre rapidement aux questions concernant les rôles et les responsabilités continus des gens.

Pour la plupart des entreprises, une fusion ou une acquisition demeure un événement rare. Pour cette raison, peu d’entre elles ont l’expérience qui leur permet de guider leur entreprise à toutes les étapes d’une fusion. En prenant de l’avance et en structurant un plan d’intégration efficace, les entreprises qui fusionnent peuvent maximiser la valeur pour l’actionnaire et réaliser les synergies escomptées.

 

  1. LE RAPPROCHEMENT DES HOMMES ET DES RESSOURCES

Fusionner deux entreprises ne consiste pas seulement à additionner des chiffres d’affaires et des parts de marché, mais également à réunir des hommes, des méthodes de travail et des cultures. C’est seulement à cette condition que l’opération peut être créatrice de valeur à la fois pour les salariés et pour les actionnaires. Ainsi, toute opération visant à rapprocher les personnels de deux entreprises jusqu’alors indépendantes comporte des risques qui ne peuvent être ignorés des équipes dirigeantes. Dans ce cas de figure il s’agit d’une fusion-acquisition portant sur les problèmes opérationnels, organisationnels et surtout humains auxquels sont confrontés les dirigeants durant la phase d’intégration.

L’intégration post-acquisition est définie par Haspeslagh et Jemison (1991) comme étant « un processus graduel au cours duquel les individus de deux organisations apprennent à travailler ensemble et coopèrent afin de transférer leurs ressources stratégiques ». Ces auteurs entendent par « ressources stratégiques » l’ensemble des compétences opérationnelles, fonctionnelles et managériales ainsi que les différents avantages détenus par les deux sociétés qui font l’objet du rapprochement[14].

Jemison (1988) précise cependant que les difficultés rencontrées lors du processus d’intégration ne portent pas seulement sur ce transfert, mais plutôt sur la façon dont les dirigeants vont parvenir à créer une atmosphère qui va favoriser ce transfert de ressources stratégiques. De nombreux problèmes sont en effet générés par les premiers échanges entre les deux firmes, c’est-à-dire dès le début de la phase d’intégration.

Ces interactions impliquent dès le départ de multiples acteurs à différents niveaux et provoquent brusquement un bouleversement des repères dont les conséquences ne sont pas toujours bien maîtrisées par les équipes dirigeantes. Cette dynamique de déstabilisation et de turbulence s’apparente fortement aux difficultés, réelles ou perçues, qui caractérisent les crises. Ce qui implique de multiples problèmes et menaces non circonscrits dans le temps, l’espace, les acteurs, le coût… (Lagadec, 1996).

Cette situation s’interprète également par des sentiments de peur qui se traduisent par une inertie considérable. L’annonce d’une fusion qui peut être considérée comme «l’événement déclencheur » de l’intégration, provoque des changements soudains dans le mental comme dans le comportement des salariés et des cadres. Ils se mettent alors à bâtir des scénarios dans lesquels ils sont vainqueurs ou vaincus, gagnants ou perdants selon le côté où ils se trouvent (ou croient se trouver).

C’est pourquoi la période de transition qui arrive immédiatement après l’annonce d’une opération de rapprochement est extrêmement importante et doit faire l’objet d’un management rigoureux par les dirigeants. Elle s’apparente à une période de turbulence organisationnelle. Cette période, relativement courte dans le temps puisqu’elle ne dépasse généralement pas quatre à cinq semaines, marque le début du processus d’intégration dans la mesure où la fusion est subitement révélée au grand jour et plus ou moins médiatisée. Les dirigeants doivent dès lors amorcer le processus en informant, en confirmant ou infirmant des rumeurs, tout en restant crédibles vis-à-vis des salariés et des actionnaires et en gardant le contrôle de ce qu’il se passe à l’intérieur de l’entreprise.

Lors d’une fusion, les changements prévisibles sont nombreux et submergent les organisations comme les individus. C’est pourquoi les dirigeants qui sont à l’origine de l’opération ont besoin de tous leurs moyens et en priorité des cadres-clés qui font les résultats et génèrent les profits. Il est donc essentiel que ceux-ci restent dans l’entreprise mais surtout participent et adhérent pleinement au processus d’intégration qui se met progressivement en place. Leur rôle durant la période de turbulence organisationnelle est d’autant plus important que cette période doit être la plus courte possible pour que la nouvelle société retrouve rapidement une certaine solidité vis-à-vis de ses salariés, mais aussi de ses clients, fournisseurs, banquiers et actionnaires (Feldman et Spratt, 2000).

 

 

Figure 1. Modélisation du processus d’intégration post-fusion/acquisition

 

 

  1. LES DIFFICULTES INHERENTES A LA PERIODE DE TURBULENCE ORGANISATIONNELLE

La phase de turbulence organisationnelle est une période de prise de conscience durant laquelle rien ne change en apparence. Les structures des deux sociétés demeurent intactes, chacun est au même poste et accomplit les mêmes tâches qu’auparavant, tout en réalisant qu’il a, dans la structure d’à côté, un homologue.

Dans les jours qui suivent l’annonce de la fusion, les homologues sont peu à peu amenés à se rencontrer et commencent alors à percevoir les différences qui existent entre les deux sociétés. Ces différences concernent aussi bien les méthodes de travail et les procédures que les salaires, les avantages en nature, ou encore les langages et les façons d’agir.

Même si une transaction rapide permet de réduire l’incertitude et de rassurer le personnel, les faits démontrent que ce n’est pas suffisant pour réussir durablement l’intégration. Il faut également que les dirigeants aient bâti une stratégie globale qui va bien au-delà de l’opération réalisée et que cette stratégie soit très vite exposée et bien sûr admise et partagée par les personnels des deux sociétés (Demeure, 2000).

Les principales difficultés inhérentes à la période de turbulence organisationnelle se situent donc lorsque le rapprochement des structures devient effectif et qu’il faut qu’à chaque échelon hiérarchique où se trouvent deux responsables, l’un soit choisi pour diriger la nouvelle division, le nouveau département ou le nouveau service.

Ce type de réorganisation interne provoque inévitablement un choc et libère des énergies qui peuvent être mises à profit pour gérer cette période de discontinuité. Malgré un niveau de stress et d’incertitude extrêmement élevée au cours de cette période, le potentiel d’ouverture au changement est également très important et offre aux dirigeants l’opportunité de créer une dynamique mobilisatrice pour le nouvel ensemble.

A contrario, c’est une dynamique de crise qui peut s’instaurer et entraîner un tourbillon d’événements qui peuvent, à l’extrême, conduire la fusion à l’échec. La période de turbulence organisationnelle n’est pas une situation de crise en tant que telle, mais c’est une période de transition qui implique certaines difficultés susceptibles de déclencher une dynamique de crise si elles sont mal prises en compte par les dirigeants de la nouvelle entité.

C’est donc précisément lors de la phase de turbulence organisationnelle que la gestion de crise pourra être utilisée afin de prévenir cette dérive et de permettre aux équipes dirigeantes de traverser la zone de turbulence en mettant en place les changements indispensables à la concrétisation des synergies attendues de l’opération.

 

Section 2. CONDITIONS DE MISE EN PLACE D’UNE INTEGRATION

La mise en œuvre de la fusion est délicate à réaliser, car elle s’opère dans un climat tendu où les salariés de la cible s’inquiètent de leur sort individuel et collectif. De plus, l’acquisition est souvent perçue comme la sanction d’une mauvaise gestion ce qui favorise l’apparition de relations types vainqueurs/vaincu où, d’un côté, se manifeste un sentiment d’arrogance et de supériorité qui inhibe tout échange et, de l’autre se développe un complexe d’infériorité qui interdit toute participation (Hayes, 1979).

Outre ce choc psychologique que crée l’annonce d’une fusion, des facteurs plus profonds constituent des obstacles à la mise en œuvre du changement souhaité par l’acquéreur : la perte d’identité et la redistribution des cartes du pouvoir défavorable aux cadres de l’entreprise acquise. Ces facteurs conduisent les cadres clés de l’entreprise à démissionner, ce qui constitue une menace lourde pour le bon déroulement de la fusion.

Il apparaît donc que la fonction ressources humaines joue un rôle prépondérant après une fusion ou une acquisition, dans la mesure où elle supporte la mise en place du processus d’intégration qui vise au rapprochement des deux structures d’entreprise. En effet, l’intégration est une phase déterminante dans une opération de fusion, puisque il s’est avéré que fusionner deux entreprises ne consiste pas à additionner des chiffres d’affaire et des parts de marché, mais également à mélanger des hommes, des méthodes de travail et des cultures.

Cette section s’intéresse donc, à cet effet aux conditions de mise en place d’une intégration efficace, qui sont surtout concentrées sur les valeurs et cultures du personnel, les participations et le rôle prépondérant de la GRH.

 

  1. COMMUNICATION ET IMPLICATION DU PERSONNEL

La meilleure façon d’éviter les problèmes organisationnels et humains est de chercher à les prévenir en les anticipant. Il est approprié par les dirigeants qui s’engagent dans une telle opération de prendre en compte d’une manière systématique des critères qui touchent à la fois les aspects organisationnels et humains. (Gosselin, 1987).

Dans cette période de grande anxiété qui suit l’annonce d’un changement profond, les salariés s’interrogent sur la pérennité de leur emploi et leur faculté d’adaptation à défaut de pouvoir répondre immédiatement, un dialogue peut s’instaurer, notamment par des rencontres informelles et conviviales. En effet, « mettre en place un véhicule de communication émotionnel, affectif, peut aider à gérer le stress individuel et collectif »[15].

 

  1. IMPLICATION DU PERSONNEL

Le succès ou l’échec des fusions acquisitions dépend, en effet, et pour une part significative des capacités réelles des personnes « survivantes » à s’impliquer dans un projet commun. (Guy Finné, 2000).

Les directions de ressources humaines ont une part centrale dans cette responsabilité cruciale de prendre en considération qui sont les personnes concernées, quelles sont leurs différences par rapport aux personnes antérieurement gérées dans d’autres circonstances et quelles sont les attentes réciproques des acquéreurs et des acquis ou plus généralement des dirigeants et des dirigés.

Il existe dans toute organisation un équilibre implicite qui s’est constitué au fil du temps par des ajustements réciproques. « Tout changement correspond à donner un coup de pied dans une fourmilière patiemment élaborée par la mise en place de brindilles apparemment entassées en vrac qui ménage en réalité des espaces de ventilation, de respiration pour toute la colonie. Rompre un tel équilibre laborieusement construit ne peut se faire nu pied si on ne veut pas se faire piquer par les fourmis qui défendent instinctivement leur bâti. »[16]

Toute organisation devra rebâtir une nouvelle façon de gérer les relations de chacun à son travail en respectant simplement le point d’origine de cette relation individuelle spécifique. La base de cette implication repose sur la capacité d’adaptation de chacun et donc le succès dépend de la reconnaissance des différences individuelles à s’adapter à cette nouvelle donne à laquelle chacun doit s’adapter. La prise en conscience de cet état émergent est une opportunité et donc un avantage à mettre au compte du changement.

 

  1. INSTAURER UN DIALOGUE CONTINU

La communication influence significativement le niveau de stress ressenti par les employés. Elle permet d’éviter le prolongement d’une période d’incertitude voire l’inquiétude. Elle joue un rôle crucial dans le succès de la fusion. Elle permet de réduire les incertitudes crées par la nouvelle situation, convaincre les employés du caractère inévitable du rapprochement et faciliter la mise en œuvre du changement. Dans ce cadre, les managers doivent être vigilants aux informations à communiquer et aux moyens à utiliser.

La communication doit porter sur la situation de départ, l’état de la concurrence, les contraintes du marché, les licenciements, la localisation des sièges et des équipes, les différences entre les partenaires… Elle doit être claire, cohérente et compréhensible et sans contradictions. Egalement il est indispensable que les informations soient à temps, répétées dans plusieurs médias et considérées crédibles par les employés. Ces derniers ne reçoivent pas nécessairement les mêmes informations étant donné que la communication dépend du niveau organisationnel, des besoins spécifiques de chaque groupe et des inquiétudes des salariés (Schweiser et Weber, 1989).

En outre, il est inutile de retarder les annonces aux salariés qu’elles leurs plaisent ou non. Ces retards peuvent résulter de la crainte des managers de fait que la notification anticipée de la fusion peut conduire à la réduction de la productivité. Toutefois, plusieurs études ont montré l’absence du changement significatif touchant la productivité et l’absentéisme suite à l’annonce anticipée de la fusion au personnel. Donc, chaque fois qu’une information est élaborée par la direction, elle est rapidement transmise aux employés. Même si une réponse ne peut pas être fournie, il est préférable de le dire aux salariés de façon honnête et franche que la décision n’a pas été prise.

 

  1. LA GESTION DU CHOC CULTUREL

Pour gérer efficacement le choc culturel, chaque organisation doit procéder à l’évaluation culturelle du partenaire et la formation des managers à l’intervention en milieu interculturel.

 

  1. L’EVALUATION CULTURELLE DU PARTENAIRE

Lors d’une fusion, les aspects financiers et stratégiques de la compatibilité des partenaires sont largement pris en considération au détriment des aspects culturels. En effet, il existe plusieurs modèles pour évaluer les synergies stratégiques avec le partenaire potentiel. Toutes fois, les critères utilisés pour évaluer le fit culturel entre les organisations sont vagues ou non élaborés. Donc leur importance est souvent négligée malgré le fait que le degré du fit culturel existant entre les organisations combinées soit directement corrélé au succès de la combinaison. Par conséquent, l’évaluation de la culture est défaite d’une manière intuitive plutôt que systématique (Cartwright et Cooper, 1993).

Si les partenaires manquent d’attention pour les facteurs organisationnels, c’est sans doute parce qu’ils disposent de plus de données pour faire l’évaluation financière. Les dirigeants sont plus à l’aise avec des données chiffrées qu’avec les éléments immatériels comme la culture. Ils estiment probablement qu’ils ont déjà pris la mesure des différences culturelles entre les organisations, notamment si celles-ci exercent dans le même secteur d’activité.

Ainsi il serait très dangereux de ne considérer la fusion que sous un angle financier, en ignorant l’aspect culturel. « La sous estimation du facteur culturel peut paraître surprenante dans la mesure où une fusion est surtout un rapprochement des hommes marqués par la culture de leur pays d’origine et ayant leur propre conception du management »[17].

 

  1. LES ETAPES D’EVALUATION CULTURELLE DU PARTENAIRE

Il est indispensable que l’entreprise initiatrice procède très tôt à une évaluation culturelle du partenaire puis à une analyse plus approfondie une fois que l’opération est conclue.

Au cours de la phase qui précède la fusion, l’entreprise doit procéder, en premier lieu, à une auto évaluation permettant d’identifier ses principes, croyances et valeurs. En deuxième lieu, elle doit nommer une équipe chargée de l’audit culturel du partenaire potentiel. L’objectif de cette équipe est d’apporter des réponses à des questions essentielles sur le fonctionnement, le processus de prise de décision, la structure du pouvoir… afin d’évaluer la distance culturelle entre les deux entreprises. Toutefois, cet audit est difficile à réaliser avant la signature de l’accord à cause des contraintes de confidentialité et la quantité limitée d’informations disponibles. Dés lors, l’estimation ne peut être qu’approximative à ce stade.

Si l’évaluation des cultures faite par l’équipe chargée de l’audit culturel indique qu’il y a de grandes différences entre les deux partenaires potentiels, il faut envisager d’autres options.

  • La première option consiste à abandonner le projet si les deux organisations concluent que les conflits culturels empêcheront l’intégration et détruiront tous les avantages de la fusion.
  • Lorsque le projet parait encore intéressant, les partenaires peuvent éviter les fusions en optant pour les acquisitions ou les alliances.
  • Enfin, si les deux organisations veulent poursuivre le projet de fusion, elles doivent faire une évaluation des coûts des conflits culturels qui vont survenir. Dans le cas où les bénéfices paraissent encore plus élevés que les coûts, elles peuvent s’engager dans la fusion (Jaeger, 1987).

Dans ce dernier cas, l’audit simplifié mené durant la première phase sera enrichi à travers l’observation, les questionnaires, les entretiens et les animations de groupe. Donc, l’évaluation culturelle sera exhaustive et plus approfondie après l’annonce de la fusion. Par ailleurs, les cadres supérieurs des deux entreprises se rencontrent pour identifier les valeurs partagées et les valeurs sur lesquelles il y a des conflits, confronter les suppositions que chaque groupe a de l’autre et commencer le processus de la construction des relations sociales (Marks, 1991).

Le style de management, les conditions de travail, l’ouverture au changement, les politiques d’évaluations et de rémunération des salariés sont autant de paramètres à prendre en compte lors de la comparaison des cultures. Cette comparaison permet d’identifier et d’anticiper les risques humains majeurs et d’éviter des erreurs qui se révéleront plus tard extrêmement coûteuses voire irréparables. Les points de convergence entre les cultures constitueront des points d’appui pour le déroulement de la fusion que le management pourra mettre en avant pour assurer et mobiliser… Inversement, les points de divergences permettront d’identifier les sources d’incompréhension, de résistance et de conflit qu’il est essentiel de prendre en compte et de traiter en amont. (Meston. F, 1989).

Les entreprises qui attendent la conclusion de l’opération pour s’intéresser aux aspects culturels réduisent fortement leur chance de succès. L’audit culturel doit être initié dès la phase d’identification et de sélection d’une part et poursuit pendant le processus d’intégration d’autre part.

 

  1. LA FORMATION DES MANAGERS A L’INTERVENTION EN MILIEU MULTICULTUREL

La fonction ressources humaines avec l’assistance des consultants externes doit jouer un rôle facilitateur pour aider les managers à focaliser leur attention sur le stress des employés, le choc culturel et les problèmes au niveau de management. En effet, plusieurs managers ont besoin d’être sensibilisés via des formations pour se rendre compte de l’impact de la fusion sur les comportements et les attitudes des employés. Ainsi, ils deviennent conscients qu’il n’est pas simple de changer la perception, les valeurs et les croyances des gens. Dès lors, ils comprennent les inquiétudes du personnel et anticipent les problèmes qui peuvent se manifester.

La formation compte parmi les pratiques des ressources humaines qui permet aux managers d’acquérir un ensemble de capacités à savoir[18] :

– Etre conscient de l’impact de la culture sur les processus de management impliquant des personnes d’origine différente ;

– Comprendre les caractéristiques de l’organisation les plus influencées par la culture ;

– Etre capable de développer une stratégie organisationnelle multiculturelle grâce à un travail d’équipe ;

– Créer une organisation transculturelle reposant sur des valeurs partagées par les différentes cultures de l’entreprise ;

– Etre capable de travailler avec des membres d’autres cultures ;

– Etre capable d’avoir les aptitudes nécessaires dans différents types de situation de management : prise de décision, communication, résolution des conflits, construction d’équipes…

– Etre flexible face aux changements internes de l’organisation et aux changements externes de son environnement.

Certes, les fusions exigent un effort significatif de la part des cadres et des managers. Ces derniers sont amenés à travailler ensemble et à constituer des groupes de travail mixtes. «La constitution d’équipes mixtes est désormais une formule largement utilisée. Elle s’avère d’autant plus efficace que des spécialistes extérieurs neutres peuvent assurer l’efficacité des travaux et l’objectivité des décisions »[19]. Cette technique permet de favoriser l’interaction entre les managers et de réduire la crainte du changement puisque ce sont eux qui le conduisent.

 

  1. ROLE CLE DE LA FONCTION RESSOURCES HUMAINES

La fonction RH a un rôle essentiel de conduite du changement dans le cadre des processus d’intégration post-fusion/acquisition. Les changements qui interviennent dans un tel contexte visent à apporter à la nouvelle entité une amélioration en termes de rendement, d’efficacité, de dynamisme et de créativité. Ils concernent donc directement les hommes qui composent la nouvelle organisation.

D’une part, la fusion va engager des modifications au niveau des structures organisationnelles, et entraîner par exemple des réaménagements de locaux ou l’apparition de nouvelles normes de fonctionnement ou de production. D’autre part, les rôles de chacun vont être redéfinis, les postes redistribués et les réseaux de communication internes et externes seront modifiés, de même que les zones d’influences et les jeux de pouvoir. C’est essentiellement à ce niveau que vont se positionner les interventions de la fonction RH.

 

  1. HARMONISATION DES POLITIQUES DE GRH

Avant de mettre en place un plan d’action visant à harmoniser les politiques de GRH, les responsables de la fonction seront, dans de nombreux cas de fusions, confrontés à un défi majeur. En effet, leur rôle consiste à la fois à limiter et compenser l’étendue des rationalisations d’effectifs qui accompagnent généralement ce type d’opérations, et dans le même temps, ils devront veiller à maintenir un niveau de motivation et de formation suffisant pour le personnel de la nouvelle entité. Dans les deux cas, une connaissance précise des changements qui vont être effectués est nécessaire afin de pouvoir estimer les besoins en compétences et en effectifs, ainsi que les impacts sur les ressources actuelles.

L’harmonisation des politiques RH présente généralement rapidement des difficultés à plusieurs niveaux : les rémunérations, la gestion des carrières, l’appréciation des performances, la formation, sont les principaux points sur lesquels il faudra agir en priorité. Ces difficultés vont souvent être accrues par le nécessaire rapprochement des pratiques quotidiennes (horaires de travail, systèmes de contrôle des horaires…).

L’objectif des responsables RH dans un tel contexte est donc de mettre en place une politique qui ne désavantage pas les membres des entités réunies, sans toutefois cumuler les avantages de l’une et de l’autre, solution qui s’avérerait rapidement ingérable, et surtout très coûteuse.

 

  1. MANAGEMENT DES CONFLITS

L’intégration de deux organisations peut déboucher sur des conflits entre les partenaires dont les sources sont multiples : différence dans les styles de management, choc des cultures organisationnelles, systèmes de fonctionnement opposés. C’est généralement toujours la remise en cause d’intérêts personnels qui va provoquer de tels conflits.

« Deux types d’interventions vont permettre de mieux gérer ces situations de conflits :

  • accorder un plus grand degré d’autonomie aux sociétés réunies dans le cadre d’une fusion, à l’acquis dans le cadre d’une acquisition, ce qui revient à réduire l’impact de l’intégration ; cette solution n’est pas toujours souhaitable, notamment lorsque des synergies opérationnelles sont recherchées par le biais de l’opération ;
  • faciliter l’assimilation en développant un sentiment de tolérance entre les individus qui composent la nouvelle entité, notamment à l’aide d’actions de communication appropriées, et en augmentant les contacts entre les membres des deux sociétés. C’est le rôle des directeurs des ressources humaines et des directeurs de la communication »[20].

Cette dernière solution peut être mise en œuvre grâce à des approches qui vont faciliter l’apprentissage interculturel et la gestion des conflits. Ces approches sont basées sur l’échange d’informations, la résolution des conflits intergroupes et le travail en équipes, techniques favorisant le rapprochement des unités ou des individus.

La réduction d’effectifs est parfois inévitable lors de la réunion des ressources humaines des deux partenaires. Les dirigeants doivent alors décider des moyens à mettre en œuvre pour parvenir à ces licenciements sans créer de sentiments de révolte parmi les employés. Lorsque les fusions et les acquisitions sont accompagnées de vagues de licenciements, seules des négociations entre les différents partenaires sociaux vont permettre de mettre fin aux conflits. Cependant, c’est une solution qui s’avère souvent longue et coûteuse.

Peu de recherches se sont intéressées spécifiquement aux pratiques de réduction d’effectifs spécifiques à un contexte de fusion-acquisition, et il semble qu’il y ait une grande diversité de pratiques, selon le niveau hiérarchique au sein duquel on souhaite réduire les effectifs. Dans la majorité des cas, la première étape est de précipiter les départs en retraite et de proposer des indemnités de licenciement intéressantes. Dans une seconde étape, il peut être décidé d’aider certains employés à se recycler grâce à des stages de formation, voire de les aider à créer leur propre entreprise.

Ces actions ont un impact fort sur les employés qui sont amenés à partir, mais également sur ceux qui restent, et qui voient les moyens mis en œuvre pour inciter leurs collègues à quitter l’entreprise. Ceci leur permet, par ailleurs, d’avoir un éclairage nouveau sur l’organisation à laquelle ils appartiennent désormais, et ainsi de mieux savoir à quoi s’attendre dans le futur.

Enfin, l’intégration implique également le transfert de certains employés, notamment lorsque les deux entités sont géographiquement éloignées. Il est évident que, dans ce cas, les responsables devront s’employer à motiver les individus sujets au transfert par des moyens essentiellement basés sur des avantages financiers et en nature.

Quel que soit le contexte, les responsables des ressources humaines vont devoir faire face à une certaine démobilisation du personnel qu’il va falloir gérer, de même qu’il faudra limiter au maximum les conflits qui pourraient émerger à différents niveaux. La négociation avec les instances représentatives du personnel est donc inévitable, même si elle ne permet pas de mettre un terme à tous les problèmes.

La littérature fait émerger une grande variété d’actions RH visant à faciliter le processus d’intégration post-fusion/acquisition. Cependant, leur efficacité reste à prouver, et dans de nombreux cas, elle est équivoque. Aucune intervention ne semble avoir d’applicabilité universelle car chaque opération est unique. Cependant, les effets de ces opérations sur les individus sont semblables, il est donc imaginable que certaines grandes lignes d’une organisation RH spécifique à un contexte de fusion ou d’acquisition puissent être mises en évidence.

 

Chapitre 4. LES TECHNIQUES DE GESTION DE L’INTEGRATION

La confrontation des organisations dans un contexte de fusion ou d’acquisition amène les dirigeants de part et d’autre à prendre conscience des différences de structure existant entre les deux entités. Lorsque ces différences sont importantes, les changements relatifs à l’opération vont toucher les salariés plus directement et plus concrètement, car ils vont concerner les postes, les emplois, les fonctions et les modes de travail[21].

En effet, une connaissance approfondie des conséquences organisationnelles et techniques est indispensable pour la bonne gestion des conséquences sociales. A cette occasion, chaque responsable, même de faible niveau, impliqué dans la nouvelle entreprise supporte pendant la fusion une charge considérable de travail. Il doit non seulement atteindre les objectifs qui lui ont été fixés dans le cadre du budget général mais en même temps participer, dans la sphère de compétences, à la réflexion et à la mise en place des structures, procédures et outils de travail de la nouvelle société.

 

Section 1. LA GESTION DU CHANGEMENT

La gestion du changement est une étape clé de la gestion d’intégration. Dans une vision globale du changement, on peut à cet effet se référer aux analyses de John Kotter[22] pour identifier les indicateurs de réussite d’un changement efficace.

  • Créer un sentiment d’urgence. Pour assurer une mobilisation suffisante, il est essentiel que chacun ressente que le statu quo est inacceptable. A défaut, dès que les premiers obstacles surgiront, beaucoup trouveront rapidement d’excellentes raisons de ne pas faire d’efforts. Il faut donc créer un sentiment d’urgence. Par exemple, en créant une crise, en fixant des objectifs impossibles à atteindre avec les méthodes traditionnelles, ou encore en incitant les employés à rencontrer des clients, des fournisseurs ou des actionnaires insatisfaits.
  • Former une coalition. Aucun dirigeant, aussi brillant soit-il, ne rassemble à lui seul les ressources nécessaires pour mener à bien le changement. Il est donc nécessaire de former une coalition avec d’autres personnes, qui regroupe l’ensemble des talents nécessaires : le pouvoir, l’expertise, le leadership, la crédibilité.
  • Développer une vision. Pour mobiliser les hommes et les femmes de son entreprise sur le changement, le leader doit définir une vision, c’est-à-dire une description de l’avenir visé, qui soit ambitieuse, mais réaliste, précise et souple. Cette vision motive chacun à fournir les efforts nécessaires, remplace des centaines d’ordres détaillés en fixant la direction à suivre, et permet de coordonner les actions de tous.
  • Communiquer la vision. Pour produire ses effets, la vision doit être partagée par l’ensemble de l’organisation. Le leader doit donc faire d’importants efforts de communication et de dialogue pour capter l’attention des employés, noyés sous une masse de communication interne. Il doit notamment tirer parti de tous les canaux disponibles : grands meetings, petits comités, newsletters, mémos, discussions informelles…
  • Lever les obstacles au changement. Le leader doit veiller à lever les obstacles les plus importants, pour que les équipes opérationnelles puissent mener à bien les travaux de changement. Il peut ainsi avoir à faire évoluer la structure, si celle-ci s’avère un obstacle au changement, ou encore les systèmes de management, comme les modes de rémunération. Et il ne doit pas hésiter à affronter les quelques irréductibles hostiles au changement.
  • Démontrer des résultats à court terme. Pour conserver dans la durée la mobilisation de tous sur le changement, il est essentiel de s’attacher à obtenir des résultats intermédiaires visibles. Un délai de six à dix mois est un maximum pour afficher de premiers résultats tangibles.
  • Bâtir sur les premiers résultats pour accélérer le changement. Les premiers résultats font souvent apparaître que d’autres évolutions imprévues sont nécessaires. Il est indispensable d’engager les efforts correspondants pour entretenir la dynamique de changement. Pour cela, il ne fait pas hésiter à accélérer le mouvement en lançant de nouveaux projets à un rythme soutenu.
  • Ancrer les nouvelles pratiques dans la culture d’entreprise. Pour opérer un changement durable, il faut ancrer les nouvelles pratiques dans la culture. Mais cette évolution ne peut se faire qu’à la fin du programme de changement : de nouvelles valeurs ne peuvent s’instaurer que si elles reposent sur de nouvelles façons de faire, au succès démontré.

 

  1. ADOPTION D’UNE NOUVELLE CULTURE

Les normes françaises et américaines se différencient à bien des égards[23]. La culture américaine repose, d’une part sur l’individu, l’explicite, le contrat et d’autre part, sur une vision communautaire, une communauté morale. Il existe un héritage anglais dans la culture américaine ; on félicite facilement mais on peut aussi changer d’avis. En France, la conception essentialiste signifie que l’on est bon. Un problème est d’ailleurs de trouver des reconnaissances car on ne félicite pas.

 

  • Culture explicite et culture implicite

La culture américaine est explicite tandis que la culture française est implicite. Aux États-Unis, la carte, c’est le territoire. Ce qu’on dit est ce que l’on veut dire. En outre, c’est une culture binaire qui oppose le oui et le non, ce que l’on connaît et ce que l’on ne connaît pas. Ce que l’on connaît s’incarne par exemple dans des processus et des modules éprouvés ici ou ailleurs sans qu’ils soient associés à des personnes particulières. On analyse les situations à la lumière de modèles ayant déjà fait la preuve de leur efficacité.

Ce mécanisme permet la sélection des processus efficaces et un fort apprentissage. Le modèle binaire est enseigné à l’école. On construit des arbres de décision pour résoudre les problèmes. Au passage, on mesure ; on évalue les options par rapport à des seuils. C’est une culture quantitative, digitale dans laquelle les gens ont une mémoire très développée des statistiques, par exemple, en matière de performances sportives.

En France, le décalage entre ce qui est dit et ce qui est signifié n’est pas dû à des erreurs ou à un problème d’approximation. Il prend sens quand on considère le contenu, le destinataire, celui qui s’exprime, le moment du message… Dans cette culture contextuelle, les relations et l’histoire sont des clés d’interprétation. Comme l’implicite augmente le risque d’être mal compris et de se fâcher, les multiples allusions, rappels historiques ainsi que tout ce qui contribue à créer du lien sont importants.

 

  • Culture de groupe, culture de l’individu

Observons des mères et leurs enfants sur un terrain de jeux. La mère américaine incite son enfant à aller jouer par la formule suivante « Go, have fun ! ». Lorsque l’enfant a un problème, elle le réconforte, lui explique ce qui s’est passé, lui indique comment faire la prochaine fois, l’assure qu’il en est capable « You can do it » et lui répète « Go, have fun » !

La mère française commence par établir des limitations : « Ne va pas là-bas, tu vas te salir »… Lorsque l’enfant a un problème, elle fait des attributions : « C’est toujours pareil avec toi », « Tu n’écoutes jamais ce qu’on te dit », etc. Puis, elle pose de nouvelles limites : «N’y retourne pas », etc. Ces processus créent des clivages différents.

Aux États-Unis, la coupure se fait entre la mère d’une part, et l’enfant et la réalité à laquelle il se confronte, d’autre part. Le scénario américain génère un sens du soi fort et la réalisation d’apprentissages hors du giron maternel. La version française instaure un clivage entre, d’un côté, la mère et l’enfant, et de l’autre, la réalité conçue comme hostile et dangereuse.

Chaque scénario a ses limites. Aux États-Unis, l’injonction « Go » induit une séparation violente. Le sevrage social est précoce pour l’enfant non préparé : derrière « You can do it », l’enfant entend « You must do it ». Dès lors, l’enfant américain, expulsé très tôt, n’aura de cesse de savoir s’il est vraiment aimé et l’adulte américain a toujours un doute sur le fait d’être aimé. À cet égard, il est significatif que lorsque l’armée américaine est entrée dans Bagdad, Donald Rumsfeld ait déclaré que les Américains devaient conquérir les esprits et les coeurs ! En revanche, autour de ce petit noyau de doute irréductible, les Américains développent un self fort qui ne se sent pas menacé par les autres et la vie sociale en général.

En France, les enfants retenus trop longtemps dans le giron maternel sont condamnés à se demander s’ils sont capables d’être indépendants. L’enfant, puis l’adulte, ne désire pas nécessairement être durablement indépendant, mais si jamais il en avait envie, le serait-il ? Cette inquiétude débouche sur une alternance de périodes de prévisibilité, de continuité, de foucades et de rebellions soudaines telles des grèves. L’enfant est défini de manière essentialiste par le message récurrent qu’il n’est pas capable. Le doute permanent sur ses capacités et une critique constante par son entourage le conduit à développer une carapace de protection vis-à-vis de l’extérieur menaçant. L’image d’une mangue avec un gros noyau et une peau fine et celle d’une noix de coco avec une coque externe dure mais un centre fluide peuvent illustrer la différence entre Américains et Français.

Les étrangers sont frappés par le fait qu’en France les gens ne sourient pas. Effectivement, quand ils ne se connaissent pas, ce n’est qu’une rencontre de carapaces ! Cependant, ce à quoi aspirent les Français est l’interpénétration des noyaux. En d’autres termes, des relations très fortes qui permettent de laisser tomber les carapaces. Ces relations sont à l’origine des clans et leur rivalité ne prend sens que dans le renforcement de chaque clan qu’elle suscite.

Au contraire aux États-Unis, la couche externe de la personne est plus perméable, ce qui permet de nouer aisément des amitiés, mais celles-ci ne supposent pas la fusion des noyaux ; l’intimité n’est pas pénétrée. En France s’opère un passage complexe de la séparation stricte à la relation à vie ; c’est le régime du tout ou rien. Ainsi, le mariage (et par conséquent le divorce) est conçu très différemment aux États-Unis et en France : partenariat contractuel pour les uns, il est interpénétration irréfragable pour les autres.

 

  • La perception de la réalité

Aux États-Unis, l’individu doit interagir avec la réalité. L’impératif « Go » signifie à la fois à l’enfant qu’il est capable mais aussi qu’il est obligé d’y aller. « Have fun » est une injonction à percevoir la réalité de manière positive. La position dépressive n’est pas admise ; on va tout de suite voir son psy. Dans les films américains, les héros, après un traumatisme initial, obtiennent une réassurance sur la nature positive de la réalité. « You can do it » renvoie à l’obligation de réussir. On a le droit à l’erreur… une fois !

En France, à l’image de la caverne de Platon, on théorise sur la réalité, que l’on laisse à distance. L’enfant reste dans une relation fusionnelle avec la mère et regarde la réalité de loin. C’est le lien qui compte. On raconte La chèvre de monsieur Seguin en France et The Little Engine that Could aux États-Unis. En France, la séparation expose au danger tandis que l’appartenance sauve ; aux États-Unis, la séparation permet aux individus d’agir et les rend capables.

 

  • La loi et la relation

C’est la séparation claire entre deux personnes qui leur permet de conclure un contrat pour réaliser une tâche dans le cadre de la loi qui s’applique aux deux. En France, les liens d’appartenance incitent à se faire confiance sans faire de référence à la loi. Lors d’acquisitions aux États-Unis, trop de patrons français font l’erreur de faire confiance et d’omettre les procédures de due diligence.

En France, deux personnes commencent par rechercher leurs appartenances communes pour construire la relation. Elles s’attachent à choyer cette relation dans le cadre de laquelle elles effectuent ensemble une tâche. Les lois existent, il y en a même quatre fois plus qu’aux États-Unis, mais elles ne sont pas systématiquement appliquées, les relations permettant faveurs et dispenses. Aux États-Unis, les deux personnes font allégeance à une même loi et pour réaliser une tâche commune, elles examinent en détail la loi applicable pour définir le mandat. Il n’y a pas d’attentes hors de ce mandat précis.

 

  • La justice

Aux États-Unis, la tradition protestante et la révolution américaine ont façonné une représentation “horizontale” : les justiciables existent d’abord, les juges n’étant que les garants du processus. Le droit de Common Law se développe selon les situations réelles rencontrées. C’est un droit jurisprudentiel (Case Law) à l’image du droit anglais. L’inflation du recours au judiciaire constitue selon moi un dévoiement de la culture américaine d’origine. Il suscite un enrichissement parasitaire des avocats qui ne s’inscrit pas dans l’esprit du droit américain mais qu’il est difficile de remettre en cause car les parlementaires sont majoritairement des avocats !

En France, la loi est d’essence divine, immanente. Le juge se présente comme un oracle qui révèle la loi comme en témoigne la brièveté des arrêts qui semblent aller de soi1. C’est une vision verticale ; en quelque sorte, l’institution judiciaire a remplacé l’Église. C’est un absolu de principes qui s’applique au vulgaire justiciable.

Dans ces relations verticales, un contrat implicite implique que l’on prête allégeance, en retour de quoi l’on reçoit protection. Par exemple, le problème des retraites découle de la disparition de cette protection implicitement attendue.

 

  • Culture critique, culture positive

La culture américaine est positive. Une ferme croyance dans l’abondance et la conviction qu’il y en aura pour tout le monde permet d’envisager des relations de type “gagnant-gagnant”, voire “gagnant-gagnant-gagnant” pour la version californienne dans laquelle “je gagne”, “tu gagnes” et la planète entière gagne aussi ! Dès lors, cela suscite l’envie, l’envie d’avoir autant que l’autre.

La culture française est critique. Elle se fonde sur une croyance dans la rareté. Les solutions sont des alternatives : ou ceci ou cela, voire ni, ni… Cette culture suscite la jalousie. De même si l’autre perd, je peux gagner, mais un seul peut avoir raison à la fois.

 

  1. LA DIMENSION «HUMAIN, CULTURE ET SOCIAL» D’UNE FUSION-ACQUISITION

Une fusion, c’est comme un mariage. L’aspect ressources humaines, le travail en bonne intelligence entre équipes de cultures différentes compte autant que les objectifs stratégiques et financiers. Transferts, mutations, mobilité… les périodes post-fusion doivent justement préparer le terrain[24].

 

  • Menace de la fusion-acquisition sur le personnel

Les fusions sont considérées comme une des voies privilégiées de développement des entreprises. Pourtant, un nombre important d’opérations de rapprochement n’apportent pas les bénéfices attendus. Les fusions-acquisitions se fondent logiquement sur des aspects stratégique, économique et financier. La question des salariés concernés, alors qu’elle est cruciale, est très souvent reléguée au second plan.

Dans plusieurs pays, une fusion sur deux est retardée ou échoue à cause d’une mauvaise prise en compte des problèmes humains, sociaux, culturels et de communication. Les facteurs d’échec les plus souvent observés sont de réelles oppositions de culture entre les deux sociétés concernées, un projet commun flou et donc peu motivant, des conflits de pouvoir. Pour mener à bien les changements, il faut avant tout l’implication des dirigeants, l’implication du management et la définition d’une vision stratégique claire.

 

  • Les moments d’incertitudes : position des cadres

La fusion de deux sociétés ayant chacune son histoire, et en concurrence depuis des années, n’est pas un événement naturel. Comme tout changement de cette ampleur, cela suscite des préoccupations et des inquiétudes chez les salariés. Dans un premier temps, les cadres n’échappent pas à cette réaction. Le premier réflexe est de penser aux postes de responsabilité en doublon. Vais-je pouvoir conserver ma fonction ? On guette l’organisation de l’autre société. Comment travaillent-ils ? Sont-ils organisés de la même manière que nous ? Concernant mon activité, sont-ils meilleurs que nous ou pas… ?

Dans un second temps, lorsque cette phase émotionnelle commence à s’estomper et que l’information sur la future organisation se dessine, les cadres raisonnent de plus en plus en termes d’opportunité. Une bonne partie d’entre eux sont conscients qu’une société plus grande peut leur apporter une nouvelle dimension et une nouvelle motivation. Même s’ils ne savent pas encore comment cela va se traduire concrètement, ils sentent que les possibilités en termes d’évolution de carrière augmentent.

Comment les rassurer ? Tout d’abord, en donnant du sens à l’opération. C’est le premier travail des dirigeants après l’annonce d’une fusion. En quoi ce rapprochement va-t-il être bénéfique à notre activité ? Comment va-t-il améliorer notre offre produit ? Pourrons-nous, grâce à cette opération, accéder à de nouveaux marchés ? Cette étape vise à faire partager par un plus grand nombre l’intérêt de l’opération par rapport au métier de l’entreprise.

La seconde priorité consiste à mettre en place une organisation provisoire pour gérer la transition vers la nouvelle structure. Il faut veiller à élaborer les règles du jeu afin que, durant cette période, chacun puisse continuer à exercer son activité. Cela donne du temps à la DRH pour étudier les postes en doublon, les transferts, les mutations et élaborer des solutions à proposer aux cadres concernés.

Les périodes post-fusion donnent l’occasion de mettre en place de nombreux chantiers techniques qui peuvent être confiés à des cadres. C’est aussi une manière de tester leurs aptitudes à manager, à développer et donc à évoluer au sein de la future organisation.

 

  • Les mesures à mettre en place pour accompagner le changement

L’implication des cadres très tôt dans le processus constitue un avantage déterminant. Sur le terrain, cela se traduit par la constitution d’équipes transversales, la tenue de séminaires d’intégration, l’identification et la fidélisation d’hommes-clés. Il faut également très vite sensibiliser les cadres à l’information interne sur le projet en les outillant afin qu’ils sachent communiquer avec leurs équipes.

Ensuite, il faut clairement faire connaître à chaque cadre son ou ses possibilités au sein de la future organisation. C’est l’exercice délicat qui consiste à permettre à chacun de trouver sa place, tout en tenant compte des inévitables arbitrages. Certaines fonctions, certains métiers, certaines compétences vont perdre en importance, parfois disparaître. D’autres vont se développer. D’où l’importance de l’existence et de la qualité d’un dispositif de mobilité interne.

La communication interne, l’harmonisation des statuts sociaux et des rémunérations, la construction d’une culture commune constituent également des chantiers-clés à mettre en place et dans lesquels les cadres doivent jouer un rôle central.

Une fusion est souvent très médiatisée, mais en réalité la mise en place opérationnelle d’une nouvelle organisation, suite à une fusion, s’étale sur une à deux années. Durant cette période, les cadres doivent aider leurs équipes à comprendre et à se préparer aux évolutions à venir. Intégration, développement des compétences… Ces nouvelles règles s’accompagnent nécessairement d’un développement des formations au management.

Il faut avant tout prendre le temps de comprendre la finalité du nouveau projet. Il doit pouvoir assurer la continuité de son activité même dans le cadre du nouveau contexte. Il doit aussi comprendre l’intérêt du projet de fusion et son impact sur le travail.

Il est clair que, dans telles opérations, il y aura des reconversions, de nouveaux métiers qui apparaissent, d’autres qui disparaissent… le cadre doit alors réfléchir sur son positionnement futur. Et donc ne pas agir avec précipitation. Il doit se montrer participatif, jouer la transparence… être en quelque sorte un relais du changement. Bien évidemment, il faut rester calme face aux rumeurs et ne pas se fier aux idées reçues. Tant que rien n’a encore été clairement affiché, le cadre ne doit pas se montrer inquiet. Il doit savoir que cette opération est une aventure qu’il va vivre et par conséquent se montrer compétent vis-à-vis de son entourage

 

  1. TRANSFERT DES PRATIQUES AMERICAINES DANS LE CONTEXTE FRANCAIS

Il est ici question d’une diversité culturelle dans l’entreprise, mettant en rapport la culture américaine et la culture française, dans le contexte d’un transfert de la pratique américaine en situation française.

 

  1. IMPLIQUER LES DIRIGEANTS AU PLUS HAUT NIVEAU

L’engagement du leadership en faveur de la diversité permet de donner une vision claire de la politique diversité de l’entreprise en interne comme en externe. Cela  génère une plus forte implication des collaborateurs et donne une plus grande crédibilité à l’entreprise face à ses parties prenantes. Cet engagement au niveau stratégique peut passer par plusieurs actions :

  • Communiquer en interne sur l’engagement du PDG en faveur de la diversité : lors de la procédure d’intégration, lors de grands évènements au sein de l’entreprise… ;
  • Créer un « Conseil/Comité de la Diversité » : constitué de dirigeants, cadres supérieurs et cadres ayant une sensibilité pour la diversité, ayant un rôle de recommandation et de conseil, et directement liés au PDG ;
  • Créer des groupes de travail pour les dirigeants : travaillant sur un sujet d’expertise en lien avec la diversité et l’enjeu business de l’entreprise, et s’appuyant sur les suggestions et bonnes pratiques remontées de la base par les collaborateurs ;
  • Indexer une partie de la prime des dirigeants sur des objectifs de diversité, sans référence à la performance financière (par exemple 25% des bonus des dirigeants pourraient être liés à leur performance en termes de diversité).

 

  1. CREER UNE EQUIPE DEDIEE A LA DIVERSITE ET ALLOUER DES MOYENS CONSEQUENTS

La création d’une équipe dédiée place la politique diversité à un statut égal aux autres politiques de l’entreprise et en faire un des axes stratégiques de l’entreprise. En voici les grands axes :

  • Nommer une équipe dédiée à la diversité, dirigée par un(e) Monsieur/Madame Diversité désigné(e) par le PDG; aidé(e) de responsables par thématiques (un(e) responsable mission handicap, gestion des âges, égalité professionnelle…), à temps plein ou en complément de leur fonction première ;
  • Lier l’équipe directement à la Direction ou aux Ressources Humaines ;
  • Allouer un budget annuel spécifique à la politique diversité, et les moyens matériels et humains attenants.

 

  1. NOMMER DES « RELAIS DIVERSITE » SUR LE TERRAIN

Les personnes « relais » sont les garantes de la déclinaison locale de la politique diversité nationale d’un groupe national ou international, en assurant la descente de l’information et la remontée des bonnes pratiques entre le siège et le terrain. Concrètement, les actions à mener sont :

  • Nommer des « relais diversité » parmi des collaborateurs volontaires et engagés dans la diversité, à temps plein ou en complément de leur fonction première ;
  • Répartir les personnes relais par direction, par filiale, par division, par département…
  • Assurer un lien entre les relais et l’équipe diversité, et un suivi par la Direction.

 

  1. ENGAGER UN REPORTING TRANSPARENT DE LA POLITIQUE DIVERSITE

Un reporting régulier et transparent sécurise l’entreprise contre une éventuelle attaque en justice, et permet à l’entreprise de se constituer son propre benchmark interne et d’améliorer ses performances. Les actions à mener se caractérisent ainsi :

  • Mettre en place des tableaux de bord quantitatifs et qualitatifs : avec des indicateurs quantitatifs et qualitatifs, pour faire un état des lieux de l’existant et engager une démarche de progrès dans le temps ;
  • Communiquer sur les objectifs et sur les progrès, en interne auprès de la direction, et en externe parmi les parties prenantes et les syndicats.

 

Section 2. LA GESTION DES COMPETENCES

«Bâtir sur les convergences» et «s’enrichir des différences», ces aspects de l’intégration recouvrent plusieurs facettes, depuis des actions sur l’intégration des systèmes d’information et des processus jusqu’à des actions qui visent à harmoniser l’intangible : les cultures et les valeurs. Les actions d’harmonisation doivent tenir compte d’un paramètre essentiel : l’obligation de retenir les compétences. Une bonne compréhension et une maîtrise de la gestion du changement, tant en termes d’actions et d’outils que de communication interne, jouent un rôle crucial dans cette phase.

Allant de paire avec la gestion du changement, la gestion des compétences constitue une autre dimension, toujours des ressources humaines à suivre de près en situation de fusion-acquisition. En effet, comme il a été vu précédemment, la répartition et les affectations des compétences clés sont primordiales à la réussite d’une intégration efficace en situation de post fusion-acquisition ; d’autant plus qu’une analyse des postes clés de l’entreprise partenaire a été effectuée dans l’étape de planification de l’opération. Ce qui implique qu’une politique de gestion de compétences peut être considérée comme élément facilitateur de succès d’un processus de fusion-acquisition. Plusieurs leviers sont à tenir en compte : l’adoption de modèle commun de gestion des compétences, la définition des méthodes pour chaque pôle d’activité, la mise en place d’un dispositif de formation aux compétences clés de l’entreprise, une gestion et un partage de connaissances et rôle moteur  de la direction des ressources humaines absorbantes.

La DRH joue un rôle clé tant pour retenir et valoriser les meilleurs que pour faire émerger la culture commune et les valeurs du nouvel ensemble. La clarté des objectifs, la simplicité de la structure et la pertinence de la constitution et de l’accompagnement des équipes contribuent sensiblement à éviter le risque de blocage lié aux problèmes interculturels. La gestion de carrières, la politique de rémunération, le suivi des hauts potentiels, la mobilité groupe, la langue, les évaluations, la formation, les séminaires, les lettres internes sont autant d’outils sur lesquels les ressources humaines peuvent agir afin de faire évoluer la culture du groupe.

 

  1. LA PROBLEMATIQUE DU TRANSFERT DE PERSONNEL

En vertu de l’article L.122-12 du code de travail, il résulte de l’opération de fusion-acquisition un transfert de personnel entre les deux entreprises. Pour autant, l’acquisition de ressources via une acquisition induit inévitablement dans le doute, de telle sorte qu’elle ne garantit pas toujours le succès de leur transfert entre les deux entreprises. Plusieurs facteurs peuvent compromettre  l’approbation par l’acquéreur des ressources de l’entreprise acquise.

  • L’inertie organisationnelle et les résistances aux changements peuvent rendre difficile le transfert de savoir-faire entre deux entreprises, notamment dans le cas d’acquisition non liées (Hannan et Freeman, 1989). Les difficultés de redéployer certains savoir-faire sur différents métiers se rencontrent quelle que soit la nature des compétences transférées (fonctionnelle, technique ou managériale). Les compétences de gestion d’un dirigeant ont généralement été développées dans le cadre d’un environnement industriel spécifique et ne constituent pas forcément un atout dans d’autres secteurs (Blair, 1972)
  • Certaines compétences sont difficilement transférables dans la mesure où elles ne peuvent pas être délimitées à un service ou associées aux compétences d’un individu. Elles sont tacites et diffuses et sont liées à l’organisation générale de l’entreprise (Nelson et Winter, 1982).
  • Le transfert de ressources d’un métier à l’autre peut non seulement s’avérer être un échec mais peut également détruire les compétences clés du métier originel de l’entreprise (Scott, 1992).

Plusieurs facteurs peuvent influer sur l’aboutissement d’un transfert de compétences, d’autant plus que c’est une approche à caractère délicat et témoignant d’une grande ambition de réussite. Manager le transfert de compétences est plus que jamais devenu un enjeu capital pour les entreprises, notamment en situation de post fusions-acquisitions : entretenir et développer suivant une gestion de l’intégration de l’acquis à la culture de l’acquéreur. Il s’agit dans ce cas d’un transfert de cinquante employés spécialisés dans des domaines techniques.

 

  1. APPROCHE DES RESSOURCES : IDENTIFICATION

Le développement des approches ressources et compétences d’une part et l’émergence d’une perspective basée sur la connaissance d’autre part, participe au développement de la vision stratégique de l’entreprise. En effet, ce n’est pas tant la possession des ressources/ compétences qui est susceptible de conduire à un avantage concurrentiel, mais l’utilisation qui en est faite et leur accessibilité. Les fusions-acquisitions se définissent entre autre comme un cadre d’acquisition de compétences fonctionnelles existant sur le marché.

Quélin (1997) souligne que la coopération peut avoir trois objectifs : accéder à des compétences existantes, combiner les compétences complémentaires et créer de nouvelles compétences. cette typologie est particulièrement intéressante dans la mesure où elle fait le lien avec le processus d’intégration post-Fusions-Acquisitions et précise ainsi le caractère automatique ou non des synergies à réaliser.

Selon Ahuja et Katila (2001), la nature des compétences à transférer détermine le niveau de difficulté à faire face pendant l’intégration post fusions-acquisitions. Le fait est que le principal obstacle au développement de ces compétences acquises par l’entreprise c’est la différence culturelle existant entre les deux parties à la transaction. A cet effet, la meilleure méthode à laquelle recourir se concentre sur les méthodes de maitriser de la diversité culturelle et de trouver un terrain d’entente, passage intermédiaire pour acheminer vers l’assimilation de la culture de l’entreprise acquéreur.

 

  1. LES DETERMINANTS DU TRANSFERT : CHOIX STRATEGIQUE DE L’ACQUEREUR

Plusieurs éléments constituent les déterminants d’un transfert de compétences, entre autre, les déterminants comportementaux basés sur la confiance et principalement la motivation ; les déterminants structurels et managériaux qui prennent un sens dans l’écart de taille des deux entreprises, la communication, la formalisation des compétences, l.expérience des dirigeants et la complémentarité des compétences.

Les choix politiques et stratégiques des dirigeants sont décisifs dans le processus du transfert de compétences (Guallino et al., 2005). En effet, il se trouve que la volonté des membres des entreprises partenaires de préserver ses compétences en vue d’un éventuel rapprochement contraint le transfert de compétences stratégiques. Guallino et al., (2005) expliquent que « cette volonté de limiter l’appropriation et l’exploitation des compétences par son partenaire ne résulte pas d’une erreur ou d’une ignorance des acteurs dirigeants. Elle est la conséquence des divergences fondamentales entre les deux parties quant aux intérêts stratégiques de la fusion ».

Varra (2003) avance que la prise de décision parfois irrationnelle des dirigeants en charge du processus d’intégration, peut contraindre le succès de la fusion. Les changements issus d’une fusion sont susceptibles de créer des confrontations et des divergences fortes ainsi que des conflits entre les dirigeants des deux entités (Varra, 2000), notamment afin de favoriser leur propre carrière (Hambrick et Cannella, 1993).

De Plus, Guallino et al., (2005) mettent en évidence le rôle de la dimension temporelle dans la réussite du processus de transfert. En effet, un échec du transfert de compétences pourrait venir du caractère d’urgence dans lequel s’est déroulée l’analyse pré opération. Ainsi, à travers une étude de cas de fusion technologique, les auteurs expliquent comment la perception de l’urgence de la situation par les acteurs les a conduits à mettre en place rapidement la nouvelle organisation (Jeminson et Sitkin, 1986). Dans une enquête par questionnaire auprès d’une centaine de dirigeants ayant réalisé des fusions, Guieu (1999) explore la situation d’urgence et son influence sur la décision des dirigeants. Selon l’auteur, « la décision prise dans un contexte d’urgence pousse à une identification hâtive du problème, la création de choix limités et à une procédure d’évaluation et de sélection tronquée » (Guieu, 1999).

 

  1. EFFICACITE DU «SHARED SERVICE»

Le principal objectif du «shared service» est la rationalisation des tâches administratives et donc de réduction des coûts, l’amélioration de la qualité et surtout la quantification de l’apport RH à la réussite de la société.

 

  1. TECHNIQUE DU «SHARED SERVICE» DES RH

Avec l’introduction des «Shared Services», les entreprises misent sur le développement de procédures administratives et transactionnelles RH plus efficaces. Tout en tablant sur une amélioration de la qualité de ces services.

Ce gain en efficacité passe notamment par des procédures standardisées – donc simplifiées – et automatisées. Mais aussi par des économies d’échelles, effectuées grâce à un plus grand volume de transaction. Parallèlement, l’amélioration de la qualité devrait être atteinte par la réduction des temps d’attente, des marges d’erreurs et par une meilleure capacité en terme de «Reporting».

Des procédures développées en «Shared Services» concernent plusieurs domaines d’activités. Gestion des salaires, plan de rémunérations, administration des collaborateurs, traitement des demandes des employés, gestion du temps, «Reporting», gestion de la formation et des recrutements en font partie. Le choix des activités qu’une entreprise désire passer en mode «Shared Services» dépend en définitive des spécificités de chaque société.

Le passage vers un modèle «Shared Services» implique également un changement dans les missions généralement adressées au personnel RH. Le modèle «Shared Services» implique de cultiver un certain sens de l’«efficacité opérationnelle». Une nouvelle culture RH dans laquelle l’efficacité des procédures et la qualité des services tiennent une place de choix. Les compétences liées à la maîtrise des langues gagnent également en importance. Surtout pour une entreprise active sur le plan international. L’ouverture d’esprit et une faculté d’adaptation aux changements sont d’autres facteurs de réussite. Ce qui parait favorable à l’intégration post fusions-acquisitions.

 

  1. LES FACTEURS D’INNOVATION DES RH SHARED SERVICES[25]

La réussite du modèle RH «Shared Services» repose sur plusieurs facteurs. Le recours aux nouvelles technologies informatiques est au centre du processus. Le choix du lieu et des méthodes de contrôle de la qualité fait également partie de la réussite.

Aux côtés des transformations liées aux stratégies, au personnel ou à l’organisation, les évolutions technologiques sont souvent les plus coûteuses en raison de leurs exigences et de leur complexité. Mais ce mal est nécessaire. Car la technologie est intimement liée aux objectifs de réduction de coût ou d’amélioration de la qualité.

Du point de vue des clients des ressources humaines, le modèle «Shared Service» est souvent vécu comme un changement fondamental, car ce modèle change le format dans lequel ces services sont rendus. En règle générale, un collaborateur disposera de deux canaux pour accéder à ses «Shared Services».

  • Les questions par téléphone seront traitées grâce à la technologie des «Call Center», comme le «Automatic Call Distribution » (ACD) ou le «Integrated Voice Response» (IVR). Ces applications créent un lien direct entre le collaborateur et le responsable RH. Ainsi, il obtiendra une réponse rapide et cohérente. Ce que le secteur IT connaît depuis longtemps peut aussi devenir une routine RH : une question est posée et le demandant reçoit un ticket avec un numéro. Et ce numéro sera effacé une fois la solution trouvée. En filigrane, la qualité du service rendu peut désormais être clairement mesurée.
  • La deuxième option est le courriel mais aussi un accès direct au travers d’un portail Internet. Le collaborateur est en mesure de modifier ses données personnelles directement. Les changements sont ensuite transférés à son responsable, qui peut les valider ou les contester. Fixer ses dates de vacances devient ainsi une opération relativement simple. Mais d’autres opérations bien plus compliquées peuvent également être réglées par ce système.

Le «Shared Service Center» doit-il nécessairement être situé à proximité de l’entreprise? La réponse est clairement non. Comme l’ont prouvé les expériences d’organisation IT ou de «Call Center» délocalisées, la question du lieu ne joue pas un rôle prépondérant. Sans même mentionner la question des salaires, c’est le degré de qualification des collaborateurs qui est central dans le cas des «HR Shared Services».

Avec les objectifs de réduction des coûts et d’efficacité stratégique, l’amélioration de la qualité figure parmi les raisons qui ont poussé plusieurs sociétés à choisir le modèle «Shared Services». A ce titre, la question centrale est de savoir comment mesurer cette qualité. Sur ce point, on admet volontiers que l’évaluation de la qualité des services RH a, par le passé, souvent manqué d’objectivité. Les données concernant la satisfaction des «clients» étant rares.

Mais avec l’introduction d’un «Shared Service Center», cette lacune devrait être comblée. Plusieurs entreprises ont par exemple opté pour une méthode de contrôle de qualité exhaustive. On peut même affirmer que l’augmentation de la qualité des services RH ne s’atteint que par des instruments de mesure efficaces (six sigma table, par exemple).

L’outil Six Sigma table sur une analyse complète des procédures, en isolant les paramètres-clés, afin d’obtenir une vue d’ensemble et détaillée des possibilités d’erreurs. L’outil offre ainsi des wagons de statistiques permettant d’analyser objectivement le déroulement des différents services d’une société. Sous l’œil de Six Sigma, cette capacité d’analyse et de regard critique des opérations prend une dimension quasi inédite.

Toutefois, des méthodes du genre Six Sigma ne doivent pas être employées si elles ne sont pas également appliquées à d’autres secteurs d’activité de l’entreprise (comme la production par exemple). Le risque est de perdre de vue l’utilité d’une telle démarche, qui reste une opération relativement onéreuse. Car il existe aussi plusieurs alternatives. Des méthodes plus simples qui sont également reconnues comme de bons outils de contrôle de qualité.

 

 

 

 

CONCLUSION

Bien que les fusions-acquisitions ne soient pas des mécanismes récents, la question des ressources humaines reste au cœur des débats aux vues du nombre important des échecs de ces opérations. L’aspect humain est d’une importance non négligeable dans la réussite d’une fusion-acquisition, il porte généralement sur le devenir des employés respectifs dans le nouvel ensemble. Réussir à créer un avenir commun et y faire adhérer l’ensemble des salariés est essentielle pour maintenir l’efficacité des équipes et des employés.

Une fusion-acquisition sur deux est considérée comme un échec, principalement en raison de la prise en compte insuffisante ou trop tardive des aspects humains, culturels et sociaux. C’est dire combien la réussite d’une fusion-acquisition repose pour une part non négligeable sur un projet de développement commun et une gestion des ressources humaines efficace. A cet égard, la valeur ajoutée de la fonction RH est déterminante.

Par ailleurs, le concept de culture suscite de nombreuses confusions et laisse le champ libre à toutes les interprétations. L’aspect dynamique de la culture est intéressant, particulièrement par son analogie aux efforts d’adaptation des organisations face aux contraintes externes. Le concept même de culture témoigne de nombreux changements.

La culture d’une entreprise se présente comme une composition construite sur une base naturelle. Elle est représentée par les différentes individualités du personnel qui élabore et construit en commun, au fil du temps et des événements qui surviennent dans l’entreprise une culture perceptible au travers de ses us et coutumes. Sa spécificité est lie aux instruments dont l’homme se sert, au milieu social qui l’éduque, le sert tout en le contrôle et au langage qui lui permet de communiquer, de penser et de produire des idées. L’homme affirme sa maîtrise et son détachement sur la nature. C’est la culture qui donne une connotation positive à l’homme en le libérant des contingences matérielles

En outre, la mise en comparaison de deux cultures d’entreprise, américaine pour l’acquéreur, et française pour l’acquis, semble trouver une justification, d’abord dans leurs différence et spécificité respectives, mais surtout dans l’objectif d’intégration pour une efficacité pertinente de la fusion-acquisition :

  • Les managers américains adhèrent à une logique fonctionnelle et instrumentale de l’organisation qu’ils perçoivent avant tout comme un système de tâches à accomplir et d’objectifs à atteindre. Le management considère la culture d’entreprise comme un outil de communication tenu d’adapter l’organisation aux exigences des situations. Ce modèle se rapproche de la culture dominante des Etats-Unis. Les valeurs matérialistes de réussite personnelle et de nécessité d’entraide sont fortes dans un pays d’immigration et de pionniers sous forte influence protestante. La fonction y reste prépondérante, quelque soit les statuts des acteurs concernés.
  • En France, l’organisation est perçue comme une collectivité de personnes à gérer. La culture d’entreprise ne revêt pas simplement la forme d’une constitution purement formelle d’une connaissance, mais bien de son insertion dans une réalité sociale déjà constituée. La culture française hérite d’une civilisation historique de terroirs, de traditions et de noblesse qui bien qu’amoindri s’exprime toujours dans le patrimoine culturel. Dans la civilisation latine, la communication se construit à partir de l’identité véhiculée par les rôles et les statuts de chaque acteur dans l’organisation.

Enfin, la diversité culturelle prise en compte, la gestion du changement et des compétences vient affirmer la maîtrise et ainsi la réussite d’une opération de fusion-acquisition. Néanmoins, toute est question de volonté de chaque partie de la transaction, partant des dirigeants aux simples employés à adhérer à cette nouvelle situation.

 

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[1] Le monde.fr

[2] Jean-Pierre Boisivon, La culture d’entreprise européenne est-elle soluble dans la mondialisation ?

[3] Paavo Wiro, président-directeur général de PW Consulting Partners, www.actu-cci.com.

[4] Alain Supiot est l’un des auteurs les plus importants du droit du travail français, Docteur d’Etat en droit (Bordeau, 1979) et agrégé des facultés de droit (1980), licencié de sociologie (1972).

[5] Scneider et Barsoux, 1997.

[6] Adler, 1986.

[7] Chevrier, 2000.

[8] fr.wikipedia.org

[9] C’est le cas du rachat de Columbia Pictures par Sony en 1989 qui a enregistré 3,2 milliards de $ de dépréciation 5 ans après.

[10] Exemple de BP et AMOCO qui anticipent des économies d’échelles annuelles d’environs 1 milliard 900 millions d’Euros

[11] fr.wikipedia.org

[12] C’est le principe qu’on choisi Rhône Poulenc et Höchst lorsqu’ils ont créé Aventis.

[13] Charles Knight et R. Brain, Une bonne planification de l’intégration peut maximiser la valeur d’une transaction, www.deloitte.com

[14] KARINE EVRARD SAMUEL, Prévenir les difficultés post-fusion/acquisition en utilisant la gestion de crise, Revue Française de Gestion, Lavoisier, n°145, 2003-2004.

[15] Nathalie Lorrain et El Hachimi Ben Ali, « l’impact des fusions acquisitions sur les RH : approche culturelle ». (2000). ARFORGHE.

[16] Guy Finné, « le rôle des direction de ressources humaines dans la réussite », (2000). ARFORGHE.

[17] Braymer C et Mayrhofer U, (2002), « Le changement organisationnel dans les fusions internationales : le cas EADS », 3éme colloque : la métamorphose des organisations, 23-25 octobre, université Nancy 2.

[18] Hirsh G et al. (1993), «  Formation au management interculturel », Personnel, N°345, octobre.

[19] Georges Egg, (2000), « Les principes plus importants que les outils ». Revue française de gestion.

[20] Karine Samuel, (2002), « le rôle de la fonction RH dans les fusions d’entreprises ».CERAG.

[21] Karine Samuel, (2002), « le rôle de la fonction RH dans les fusions d’entreprises ».CERAG.

[22] John P. Kotter, Leading Change, Manageris, Le journal du management.

[23] Pascal BAUDRY, à la découverte des différences entre français et américains, Séminaire Vie des Affaires, mars 2004, www.ecole.org.

[24] Laurent Weil, Une fusion sur deux échoue en raison de problèmes liés aux ressources humaines, La vie éco.

[25] «HR Shared Services» – vers une nouvelle organisation RH, HR today, mars 2006.

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