La Mondialisation et les Stratégies de Fusion Acquisition dans les Entreprises Multinationales
Table des Matières
Liste des tableaux et figures. 3
Partie 1 : Revue de littérature. 8
1.1 La première vague (fin du XIXe siècle). 9
1.2 La deuxième vague (années 20). 9
1.3 La troisième vague (1950-1970). 9
1.4 La quatrième vague (entre 1978-1989). 9
1.5 La cinquième vague (les années 90). 10
1.6 La vague actuelle (depuis 2000). 10
2.1 Principes d’une fusion. 11
2.2 Principes d’une acquisition. 12
3.1 Expansion de type vertical 12
3.2 Expansion de type horizontal 12
3.3 Expansion de type conglomérat. 13
4.1 Motivations stratégiques. 13
4.2 Motivations managériales. 13
4.3 Motivations financières. 14
Deuxième partie : Démarche méthodologique. 15
1.2 La décision managériale et la synergie. 16
1.3 La concurrence pour la cible. 17
2.1 Construction de l’échantillon. 20
2.2 Description de l’échantillon. 20
2.2.1 Le marché des fusions acquisitions européen. 20
2.2.3 Présentation des sociétés. 22
2.3 Élaboration du questionnaire. 26
2.4 Limites et validités de l’étude. 26
2.5 Synthèse des résultats du questionnaire. 26
Partie 3 : Présentation des résultats et discussions. 31
Prévisions et cours des actions LafargeHolcim.. 31
2.1 Les caractéristiques de la cible. 34
2.2 Les critères de l’acquéreur. 37
Liste des tableaux et figures
Figure 1: volume des fusions acquisitions par activité. 4
Figure 2: évolution des opérations de fusions acquisition sur trois ans. 5
Figure 3: synthèse de la problématique et des questions de recherches. 7
Figure 4:Volume de transaction par fusions acquisitions et leur nombre dans le monde. 8
Figure 5: Répartition des opérations de F&A selon l’acquéreur. 10
Figure 6: Les formes de fusions. 11
Figure 8: Bataille boursière entre deux acquéreurs. 18
Figure 9: Evolution fusions acquisitions sur le marché français et allemand. 21
Figure 10: Activités de F&A aux États-Unis et en Europe. 22
Figure 11: Évolution CA et Bénéfice net de Holcim ces dernières années. 24
Figure 12: AT&T Corp. après sa division en plusieurs filiales à AT&T Inc. 25
Figure 13: Évolution cours actions LafargeHolcim et Lafarge (cinq ans). 32
Figure 14: Évolution du cours des actions AT&T.. 34
Figure 15: critères de choix de la cible. 35
Figure 16: Matrice d’intégration d’une F&A.. 37
Tableau 1: Récapitulatif des études sur la performance à court et long terme de l’acquéreur. 18
Tableau 2: Compte de résultat de Lafarge. 23
Tableau 3: Prévisions chiffre d’affaires DirecTv. 24
Tableau 4: Transcription des réponses et synthèse. 27
Tableau 5: Évolution et prévisions CA Lafarge. 31
Tableau 6: Prévisions du bénéfice net et Dividende net Lafarge. 31
Tableau 7: Prévisions dividende et bénéfice net LafargeHolcim.. 31
Tableau 8: Prévisions CA de Lafarge Holcim.. 32
Tableau 9: Prévisions-bénéfices et dividende net AT&T.. 32
Tableau 10: Prévisions CA d’AT&T après fusion avec DirecTv. 33
Tableau 11: Les critères d’évaluation de cible. 39
Introduction
Le phénomène d’interdépendance des économies nationales favorisé par l’augmentation du volume des flux de capitaux sur le marché encourage les entreprises multinationales à multiplier les opérations visant à accroître leurs bénéfices et leur compétitivité au niveau international. À cause de la mondialisation, en effet, les entreprises sont constamment à la recherche de moyen pour relancer leur croissance et ceci hors de leur territoire régional ce qui nécessite alors une restructuration.
La restructuration est considérée comme l’un des phénomènes marquant du capitalisme financier du vingtième et vingt et unième siècle. Au début des années 2000, elle est surtout impulsée par la mondialisation économique à travers l’innovation dans le domaine de l’information et de la communication.[1] Les projets de restructuration s’effectuent de diverses manières à savoir par la fusion, la scission, l’acquisition ou encore la fusion absorption. Ces restructurations visent en une vente ou une acquisition des actifs qui de ce fait entraînent une modification de la structure organisationnelle interne et du capital de l’entreprise. [2]Les tendances actuelles démontrent des mariages entre des firmes européennes et en Nord-Américaines. Chacune apporte ses actifs et également sa part de marché, leur compétence technique pour mieux se positionner vis-à-vis des concurrents. Ce phénomène de fusion acquisition est très médiatisé et démontre une évolution de l’économie d’échelle.
Après la crise financière en 2007, les entreprises doivent se conformer à un marché plus concurrentiel qu’auparavant où les évolutions technologiques les contraignent à se mettre tout le temps au niveau de ses concurrents grâce au développement de compétences techniques. Les politiques de croissances des entreprises se divisent en deux parties : la politique de croissance externe et interne. Dans le cas de la croissance interne, l’entreprise vise à développer ses activités en misant sur un projet d’extension ou d’amélioration dans le domaine commercial ou productif. Toutefois, la croissance en interne exige des ressources que parfois l’entreprise ne dispose pas ce qui l’encourage à opter pour le développement externe. Actuellement, le mode de développement externe à partir de la fusion acquisition est l’un des plus courants particulièrement pour les firmes multinationales. La fusion acquisition correspond au politique de développement industriel et technologique des firmes, c’est une stratégie de diversification des activités ou encore de spécialisation.
À la fin du vingtième siècle, la fusion acquisition concernait notamment les entreprises de l’automobile, par ailleurs cette tendance a actuellement changée. Le secteur de la santé détient actuellement la tête suivie par l’immobilier et le secteur de la télécommunication. (Voir figure 1)
Figure 1: volume des fusions acquisitions par activité
En 2015, les opérations de fusion acquisition concernent surtout les grandes firmes américaines. Une tendance qui demeure le même depuis les années 90. (Waverman, 1991). Dans un contexte post crise, il ressort d’une étude effectuée que 34% des 6000 entreprises qui étaient l’objet de l’enquête prévoient une acquisition dans un futur proche. Cette tendance positive est surtout motivée par une nette amélioration de la conjoncture économique mondiale. Aussi, en 2014, le volume des flux de transaction est supérieur aux deux années précédentes. (Voir figure 2)
Figure 2: évolution des opérations de fusions acquisition sur trois ans
Cependant, les impacts de ce type de rapprochement demeurent défaitistes avec un taux d’échec pouvant aller jusqu’à 50%.[3]Notre étude se consacre particulièrement au rendement négatif à l’annonce pour l’acquéreur qui peut être à court terme ou à long terme comme le démontrent les opérations de ces dernières années. Dans leur recherche, Jensen et Ruback (1983) affirment que les acquéreurs enregistrent un rendement négatif à l’annonce contrairement à l’entreprise cible. Cette tendance est vérifiée des deux cotées de l’Atlantique. C’est le cas par exemple de Google qui rachète l’entreprise des smartphones Motorola dans le but de pénétrer le marché des téléphones haut de gamme. Dans le cas que nous évoquons, le rendement à long terme est également négatif ce qui pousse Google à vendre sa filiale au géant chinois Lenovo. Comme dans d’autres domaines, il existe également une concurrence au niveau des acquéreurs qui peuvent influencer négativement sur le rendement à l’annonce de l’acquéreur. (Schwert, 1996). C’est le cas de l’opération d’acquisition de l’entreprise de télécommunication Numericable qui met la main sur SFR. Le rendement de la firme à l’annonce est négatif à cause de son surenchérissement face à un autre acquéreur, Bouygues. Toutefois, des rendements positifs à l’annonce pour l’acquéreur peuvent se présenter. Dans leurs études, Boone et Mulherin (2008) mettent l’accent sur les rendements anormaux des acquéreurs. C’est le cas par exemple de l’acquisition d’Alcatel par la firme finlandaise Nokia. À l’annonce, les actions de la cible ont perdu 15% ce qui n’est pas le cas de l’acquéreur dont les actions ont grimpé.
Les rendements à l’annonce à court terme de l’acquéreur et de la cible font déjà l’objet de nombreuses études. Khemani (1991) évoque déjà plusieurs raisons qui incitent les entreprises à fusionner ou à racheter d’autres entreprises. Ces raisons sont regroupées selon les différentes théories suivantes : l’internalisation, la compétence technologique ou encore le coût de transaction. Les évaluations des fusions acquisitions s’appuient sur deux axes dont le premier est l’évolution des actions des entreprises concernées sur le marché boursière. Mitchell et Stafford (2001) démontrent que la valeur des actions à court terme est positive, mais deviennent incertains à long terme. À la suite, d’autres études (Ravenscraft, 1987) se penchent sur la performance des entreprises cibles et acquéreurs après une opération de fusion acquisition, les impacts sur l’emploi et la recherche et développement.
Aussi, le mémoire porte sur le rendement à long terme de l’acquéreur dans le cas d’une fusion américaine ou européenne. Nous allons voir la réaction des investisseurs malgré un rendement négatif à l’annonce pour l’acquéreur et effectuer une étude comparative entre une fusion acquisition américaine et européenne. L’objectif de l’étude est de voir le comportement des investisseurs à long terme lors d’une opération de fusion acquisition, de constater s’il existe une différence entre les comportements des investisseurs américains et européens, de déterminer les caractéristiques des entreprises acquéreurs et leur influence sur l’opération.
Nous allons alors essayer de vérifier les hypothèses suivantes :
Le rendement négatif de l’acquéreur européen à l’annonce est corrigé par un rendement positif à long terme.
Le rendement négatif de l’acquéreur américain à l’annonce est corrigé par un rendement positif à long terme.
Le mémoire se divise en trois parties bien distinctes. La première partie portera sur la revue de littérature sur la fusion acquisition. Cette partie relate l’évolution de la fusion acquisition au cours des années, les motivations des entreprises à opter pour ce type d’opération. Dans la deuxième partie, nous allons tenter de vérifier les hypothèses énoncées ci-dessus à partir de modèles théoriques et de questionnaire. Enfin, la troisième partie évoque l’analyse et la discussion sur les résultats et enfin, des propositions et recommandations.
Figure 3: synthèse de la problématique et des questions de recherches |
Partie 1 : Revue de littérature
Les plus grandes firmes multinationales particulièrement celles spécialisées dans la télécommunication développent depuis ces dernières années l’intrapreneuriat[4], qui renvoie à un développement interne. Cette stratégie est appliquée par des entreprises comme Google. Toutefois, ces entreprises ne s’appuient pas entièrement sur la compétence de cette stratégie, elles ont besoin de diversification et de changements radicaux pour propulser l’innovation. C’est ainsi que les entreprises optent pour la fusion acquisition.
Cette partie sera consacrée en premier lieu à l’histoire et l’évolution de la fusion acquisition depuis la révolution industrielle jusqu’à maintenant. Dans un second temps, il est important également de délimiter le cadrage du thème en explicitant les termes « fusions » et « acquisitions », enfin, nous allons voir les différents types de fusions acquisitions ainsi que les motivations des dirigeants à opter pour ce type d’opération.
1. Histoire de la fusion acquisition et sa place dans l’économie
Les opérations de fusion acquisition suivent une tendance cyclique alternant des périodes de baisse et de hausse. Par exemple, seulement en 2007, les opérations de fusions acquisitions étaient estimées à un montant record de 6 600 milliards de dollars alors qu’en 2009, dans un contexte post crise, le montant à baissé à 3 600 milliards de Dollars[5]. L’alternance de ces cycles s’explique par une période d’optimisme de la part des firmes et leurs dirigeants et les autres acteurs puis suivie par une phase d’excès de défiance dans les périodes de récession économique. (Voir figure 3)
Figure 4:Volume de transaction par fusions acquisitions et leur nombre dans le monde
Source : Thomson Financial |
Dans les œuvres traitant de la fusion acquisition, son évolution peut être divisée en plusieurs vagues bien distinctes. Certains auteurs divisent l’historique de la fusion acquisition en quatre vagues[6], qui s’étalent de la fin du dix-neuvième siècle jusqu’à la fin du vingtième siècle, par ailleurs, d’autres[7] le divise en cinq. Il est important de relever que les deux premières vagues de fusions acquisitions se concentrent exclusivement dans les pays anglo-saxons, particulièrement nord-américains. L’Europe continentale ne connaît ces méthodes de développement externe qu’à la suite de la Seconde Guerre mondiale[8].
1.1 La première vague (fin du XIXe siècle)
Cette première vague de fusions acquisitions est notamment caractérisée par des opérations horizontales qui tendent à réduire la concurrence sur le marché pour atteindre une situation de monopole, c’est le secteur de la sidérurgie qui est le plus concernée. Cette période est surtout marquée par l’intensification des infrastructures économiques à l’instar du chemin de fer, les innovations énergétiques spécialement l’électricité. Dans ce dernier domaine, en 1883, l’entreprise Standard Oil Trust détient 90% du marché de pétrole aux États-Unis. Cette première vague prend fin à cause de la Première Guerre mondiale.
1.2 La deuxième vague (années 20)
Cette nouvelle vague débutant à la fin de première guerre mondiale est caractérisée surtout par la naissance de firmes importantes dans le secteur de l’automobile, de l’énergie, etc. Les fusions acquisitions touchent de nouveaux secteurs à savoir le secteur financier, les services publics, ou encore le secteur de l’agroalimentaire. Les fusions acquisitions s’opèrent en intégration verticale qui crée une situation d’oligopole sur le marché. Cette seconde vague est également caractérisée par l’essor fulgurant de la bourse américaine. Son développement appuie la naissance de holdings importants. Cette seconde vague prend fin à cause de la crise de 1929.
1.3 La troisième vague (1950-1970)
Cette troisième vague est caractérisée par une nouvelle politique managériale de la diversification des activités afin de minimiser les risques. Aussi, voit-elle l’émergence de la concentration conglomérat particulièrement dans les années 60. C’est à cette époque également que les opérations de fusion acquisition en France prennent de l’ampleur, ce qui correspond à une première vague pour la France et l’Europe continentale. Cette troisième vague prend fin lorsque le Congrès américain vote une loi afin de limiter la création de conglomérat.
1.4 La quatrième vague (entre 1978-1989)
La quatrième vague est fortement influencée par le choc pétrolier en 1973. Suite à cette crise, les conglomérats sont démantelés d’où l’émergence de nouvelles théories économiques qui vont à l’encontre des théories des vagues précédentes c’est-à-dire la diversification. Cette époque correspond à l’arrivée de Reagan à la présidence, il instaure des dispositifs visant à atténuer la loi antitrust américaine. Par conséquent, les fusions acquisitions visent à un recentrage des métiers et des activités. En France, les firmes cèdent leur filiale pour se recentrer sur les activités de base.
1.5 La cinquième vague (les années 90)
Cette période est marquée par l’avènement de nouvelles entreprises grâce au progrès technologique. De ce fait, de nouveaux secteurs comme l’informatique, la téléphonie mobile ou encore internet dominent le marché. Les fusions acquisitions concernaient surtout la télécommunication ou le transport aérien ou encore le tourisme. Des entreprises qui se trouvaient dans des secteurs traditionnels tels que la sidérurgie s’approprient de nouveaux secteurs comme le tourisme grâce à la fusion acquisition. C’est le cas par exemple de Preussag AG, spécialisée dans la sidérurgie, qui opère actuellement dans le tourisme sous la dénomination de TUI AG. [9]
1.6 La vague actuelle (depuis 2000)
Les opérations de fusions acquisitions, bien que ne disposant pas encore de source empirique fiable, sont divisées par des revues financières en sixième et septième vague. La sixième s’étend entre le début du vingt et unième siècle jusqu’à la crise financière de 2007-2008, le ralentissement économique post crise marque la fin de cette vague. La reprise économique marque le début de la dernière de 2010 jusqu’à maintenant.
Toutefois, ce sont les pays développés qui occupent toujours la tête du classement particulièrement les États-Unis et l’Europe qui abritent plus de 80% des entreprises acquéreurs. (Voir figure 4) Les pays asiatiques comme le Japon et la Chine sont également des acteurs importants.
Figure 5: Répartition des opérations de F&A selon l’acquéreur
Source : Thomson Financial |
2. Délimitation du concept
Dans les médias économiques, la fusion acquisition est souvent à la une. Toutefois, ces deux termes qui sont toujours inséparables véhiculent deux concepts différents. Une « fusion » est une opération résultant d’une décision consensuelle de deux organisations de rassembler leur possession. Une « acquisition » consiste en un rachat d’une organisation dénommée « cible » par une autre organisation dénommée « acquéreur ».
2.1 Principes d’une fusion
Le principe d’une fusion consiste en la dissolution des deux entités qui souhaitent fusionner afin d’en créer une nouvelle. Aussi, ces deux entités qui peuvent être dans le secteur public ou privé mettent leur patrimoine à disposition de la nouvelle société sur une base proportionnelle et égalitaire.[10] C’est le cas par exemple de la fusion de plusieurs universités finlandaises dont la Helsinki University of Technology, la Helsinki School of Economics et la Helsinki University of Art and Design pour former l’université Aalto.
Il existe deux types de fusions :
Premièrement, il y a la fusion absorption. Dans ce premier cas, une entité dénommée « absorbante » reçoit l’ensemble du patrimoine de l’entreprise « absorbée » qui va être dissolue. Ce genre d’opération implique donc une augmentation du capital de l’entreprise absorbante grâce à la transmission du patrimoine de l’absorbée, mais également un échange de titres entre les deux entités.
Deuxièmement, l’autre option de fusion consiste en la création d’une nouvelle société suite à la dissolution des deux organisations. Dans ce cas de figure, les actions des deux entreprises sont transférées à la nouvelle entreprise issue de la fusion. C’est le cas de la fusion des Banques Populaires et la Caisse d’Épargne pour former un nouveau groupe BPCE en 2009.
Figure 6: Les formes de fusions |
2.2 Principes d’une acquisition
Dans une opération d’acquisition, une entité « acquéreur » rachète une autre entité et entend de ce fait exercer son contrôle sur cette dernière. Une acquisition peut être amicale, de ce fait, le rachat s’effectue en accord avec la société cible ou hostile dans le cas où le rachat se fait par vote des actionnaires et contre l’avis des principaux dirigeants. Un exemple d’opération d’acquisition est celui de l’ABN-AMRO par la Royal Bank of Scotland.
La fusion et l’acquisition sont toujours associées à une même opération de deux entreprises. En effet, il est difficile de déterminer si un rapprochement est dit fusion ou acquisition d’autant qu’une opération annoncée comme fusion peut finir par une absorption par l’une des deux entités.
3. Les différentes formes de fusion acquisition
Dans le cadre d’une expansion externe, les entreprises procédant à une fusion acquisition ont le choix entre un développement vertical, horizontal ou conglomérat.
Le but d’une croissance verticale est d’intégrer plusieurs secteurs qui opèrent dans le même domaine, c’est-à-dire qu’une entreprise est présente à différents stades de la production. Dans le cadre de cette opération, l’entreprise a le choix entre une croissance verticale en amont ou en aval.
Un exemple d’expansion verticale en amont est l’acquisition par Quebecor de son fournisseur Donohue afin de résoudre son problème d’approvisionnement, conditionné par de grandes entreprises.
Dans le cas d’une expansion verticale en aval, le but pour l’entreprise est d’intégrer les canaux de distribution de ses produits. C’est le cas de Walt Disney qui afin de mieux diffuser ses programmes rachète la chaîne ABC.
Ce type de fusion acquisition vise à contrôler les différents stades stratégiques de la production qui pourraient être facilement influencés. Par ailleurs, l’entreprise retire des avantages face à ses concurrents grâce à la suppression des coûts des sous-traitances des produits. [11]
3.2 Expansion de type horizontal
Cette forme de fusion acquisition est la plus répandue, elle représente plus de 50% des opérations de fusion-acquisitions réalisées aux États unies et en Europe.[12]
Une expansion à des fins horizontales consiste au rachat d’une entreprise dont le secteur d’activité est plus ou moins identique à celle de l’acquéreuse. L’entreprise cible est généralement un concurrent direct de l’acquéreuse et se trouvant sur le même marché géographiquement.
Ce sont surtout les entreprises dans le secteur de l’automobile qui procèdent à une fusion acquisition horizontale. C’est le cas par exemple de la fusion de Peugeot et de Citroën ou encore de Chrysler et Daimler.
Toutefois, ce type d’opération est souvent soumis à un contrôle par les autorités de la concurrence. De nombreuses tentatives de fusions ont déjà avorté suite à l’objection des autorités pour cause de situation monopolistique sur le marché qui pourrait avoir des retombées néfastes directes sur les consommateurs.[13]
3.3 Expansion de type conglomérat
Cette opération consiste en un groupement d’entreprises dont les activités sont divergentes. C’est une stratégie de diversification des activités, les activités de l’acquéreur n’ont aucun rapport avec les entreprises cibles.
Un exemple type de fusion acquisition conglomérat est les opérations de rachats du groupe indien Tata. C’est un groupe aux activités diversifiées allant de l’hôtellerie à l’automobile. Le groupe indien rachète également en 2007 une entreprise sidérurgique européenne Corus. Il rachète également une gamme de marques anciennes à Ford.[14]
4. Les différentes motivations d’une fusion acquisition
Les opérations de fusions acquisitions répondent à plusieurs motivations des dirigeants et des actionnaires d’une entreprise. Ces motivations peuvent être stratégiques ou managériales ou encore financières.
Les diverses motivations stratégiques et leur conséquence sur les entreprises en jeux dans une opération de fusion acquisition peuvent être classés sous trois catégories.
En premier lieu, la transaction répond à un motif d’internalisation d’une entreprise. Le but de l’acquéreur est de consolider sa place vis-à-vis du marché et de ses concurrents directs. Les entreprises acquéreurs rachètent des entreprises cibles qui possèdent un savoir-faire spécifique, et une réputation positive quant à la qualité des produits. L’entreprise cible doit être également haussement évalué de sorte que le seul moyen de se l’approprier est la fusion acquisition. C’est le cas par exemple de l’acquisition par le groupe pharmaceutique suisse Roche d’une entreprise de génie génétique américaine Genentech. Cette dernière est à l’avant-garde de la production de l’insuline humaine grâce à des avancées dans le développement de bactérie génétiquement modifiée. Le laboratoire suisse, expert dans la chimie, veut de ce fait acquérir Genentech dans le but de pénétrer sur le marché de la génétique.
L’entreprise cible se présente souvent comme un concurrent. De ce fait, le type d’opération est une fusion acquisition horizontale. Le rapprochement entre les deux organisations réduit la concurrence, mais également les coûts de production.
En second lieu, les motivations des dirigeants à opter pour une fusion acquisition peuvent être également d’ordre technologique. En effet, la compétence technologique d’une entreprise peut susciter l’attention d’autres firmes plus grandes qui accusent des retards technologiques. Il s’agit ici de coefficient technologique. Aussi, le but de l’acquéreur est de favoriser son département recherche et développement. C’est le cas par exemple des grandes firmes opérant dans la télécommunication et internet comme Microsoft ou Facebook. Ces entreprises rachètent des petites sociétés à succès et innovantes au lieu de favoriser sa capacité en R&D en interne. Pour Facebook, la firme rachète des startups comme Whatsapp.
Enfin, la fusion acquisition vise une pénétration de nouveaux marchés sur le plan géographique. Elle consiste alors en une opération d’extension. Cette stratégie consiste en une internationalisation d’une entreprise dans un délai rapide. C’est le cas par exemple du constructeur Volvo qui est racheté par l’entreprise chinoise Geely en 2010.
4.2 Motivations managériales
La décision d’une fusion acquisition découle parfois de l’ambition des dirigeants d’une entreprise aux dépens des actionnaires. Une opération de fusions acquisitions avantage les dirigeants sur de nombreux plans : leur rémunération sont revue à la hausse, car elle dépend de la croissance à court terme de l’entreprise qui est facilement atteinte grâce à une fusion acquisition, la dimension médiatique de l’opération profite également aux dirigeants qui accroissent leur notoriété. La décision de dirigeants est conditionnée aussi par la tendance sur le marché. En période où les vagues de fusions acquisitions sont à leur apogée, les dirigeants sont soient critiqués par les médias pour leur prudence soient par les actionnaires et les employés d’avoir laissé profiter des opportunités à la concurrence. Ces derniers craignent également d’être la cible plutôt que l’acquéreur si les dirigeants ne réagissent pas. Aussi, les dirigeants décident alors de suivre la tendance.
4.3 Motivations financières
Les motivations financières d’une fusion acquisition consistent notamment en l’utilisation des ressources financières. Dans ce cas, l’une des deux entités détient souvent un excédent financier important tandis que l’autre est très endettée. De ce fait, un rapprochement entre les deux entreprises permet au premier de procéder à une fusion acquisition amicale et profiter à la seconde afin de réduire ses dettes.
La fusion acquisition peut également être motivée par la réduction des coûts fiscaux. L’entreprise acquéreur rachète une entreprise cible se trouvant dans un pays où la fiscalité est moins élevée. Une firme acquéreur rachète également une autre firme endettée pour des motifs d’ordre fiscal. Cette opération lui permet de réduire la taxation sur le bénéfice.
Deuxième partie : Démarche méthodologique
Dans cette deuxième partie, nous allons étudier les différentes théories sur le rendement des fusions acquisitions. Puis dans un deuxième temps, exposer la méthodologie adoptée pour traiter la problématique et développer les hypothèses de base.
1. Cadre conceptuel
Dans une époque où le choix de développement des entreprises s’oriente davantage vers la croissance externe, les opérations de fusions acquisitions sont l’objet de nombreuses études que ce soit du côté de l’acquéreur que de la cible. Ces recherches se consacrent sur les performances des entreprises concernées post fusion, si on constate une amélioration ou une détérioration des rendements, les conditions de l’opération conditionnent-elles la performance ?
Les études effectuées sur le sujet divergent selon les époques. Par exemple, les études menées dans les années 80 suggèrent que la fusion acquisition n’apporte aucune influence sur la performance de la firme initiatrice (Ravencraft et al, 1987 ; Mueller, 1980). Toutefois, une nouvelle vague de recherches dans les années 90 contredit ces arguments. (Agrawall et al, 1992 ; Loderer et al, 1992) Ces auteurs affirment que le succès d’une fusion acquisition à long terme dépend du type d’acquisition effectuée. Par ailleurs, la situation sectorielle[15] de l’entreprise acquéreuse joue également un rôle important. (Anand et Singh, 1997).
À l’annonce d’une fusion acquisition, les actions de l’acquéreur sont toujours en baisse tandis que celles de la cible sont en hausse. C’est le cas lors du rachat par Microsoft la téléphonie mobile de Nokia en 2014. Les raisons de cette baisse des actions de l’acquéreur sont entre autres le mode de paiement de l’opération ainsi que la bataille boursière entre les acquéreurs potentiels.
1.1 Le mode de paiement
La méthode de paiement d’une opération de fusion acquisition est motivée par l’asymétrie informationnelle (Myers et Majluf, 1984), la croissance antérieure, la fiscalité ou encore la situation managériale de l’entreprise.
L’asymétrie informationnelle signifie que l’acquéreur potentiel ainsi que la cible détiennent des informations privées sur leur valeur respective, ces informations conditionnent la performance des investissements alors qu’elles sont méconnues des investisseurs. Le mode de financement de l’opération est révélateur de ces informations privées de l’acquéreur. Le mode de paiement et le choix de cette méthode influencent la réaction sur le marché des investisseurs à l’annonce de l’opération. Les modèles d’asymétrie informationnelle sont initiés par des auteurs comme Hansen (1987) ou Fishman (1989).
Dans le modèle de Myers et Maljuf (1984), leur étude démontre que dans un contexte d’asymétrie d’information, le choix de financement des acquéreurs révèle de nombreuses informations sur leur situation financière. La décision des dirigeants dépend de l’évaluation des titres de la société initiatrice sur le marché boursier. Dans le cas d’une surévaluation, le paiement s’effectue par les titres, dans le cas d’une sous-évaluation, les dirigeants écartent les investissements à valeur actuelle nette.
La décision de financement par un titre est alors mal accueillie par le marché. Les investisseurs perçoivent cette méthode de paiement de manière négative craignant la surévaluation des titres. De ce fait, les cours des titres de la société initiatrice vont considérablement baisser à l’annonce de la fusion acquisition.[16]
Par ailleurs, une proposition d’offre en cash est perçue par le marché comme une bonne nouvelle étant donné que les actifs de l’acquéreuse sont considérés comme sous évalués.
La réaction négative du marché face à ces opérations financières occasionnait statistiquement des pertes pour la société acquéreuse. Une offre en cash est perçue comme plus séduisante qu’une offre en titres.[17]
D’autres recherches viennent appuyer ces théories dans les années 90. Selon ces études, les entreprises initiatrices utilisent des titres surévalués pour payer leur acquisition tandis que d’autres effectuent une acquisition par ce même paiement sans l’existence d’une surévaluation. Toutefois, cette incertitude sur la valeur réelle des titres est difficile à distinguer sur le marché. De ce fait, les titres en bourse des firmes initiatrices connaissent une diminution à l’annonce d’une fusion acquisition.[18]
D’autres études contredisent ces théories informationnelles qui influencent le rendement à l’annonce de l’acquéreur. Pour Moeller, Schlingemann et Stulz (2003), la taille de l’entreprise initiatrice conditionne également le rendement d’une acquisition. Les petites entreprises réalisant une acquisition perçoivent un rendement positif malgré que ces acquisitions soient de taille réduite et par conséquent les gains aussi. Par ailleurs, les grandes firmes réalisant une opération importante enregistrent des pertes. Les acquisitions sont alors destructrices de valeur sans l’influence du mode de paiement.
Selon Cornett et De (1991), les sociétés initiatrices enregistrent une rentabilité positive à hauteur de 1%, peu importe la méthode de paiement de l’opération d’acquisition. Toutefois, leur échantillon est constitué uniquement de fusions acquisitions dans le secteur bancaire. Leurs hypothèses proposent donc que ce secteur soit insensible à l’asymétrie informationnelle et le paiement en titres.
1.2 La décision managériale et la synergie
Les dirigeants de la société acquéreuse, avant de prendre une décision, étudient d’abord les opportunités de la cible ainsi que les rendements occasionnées par la synergie de l’opération. Bien que le mode de paiement ne soit pas déterminant dans ce cas, elle reflète quand même les estimations du rendement attendu de l’acquisition par les dirigeants de ce fait. (Yook, 2003) Un paiement en cash reflète un degré de synergies supérieur qu’un paiement en titres par rapport au marché.
Du point de vue managérial, la théorie d’agence explique le rendement négatif à l’annonce des fusions acquisitions. Les dirigeants de la firme acquéreuses, désireux de renforcer leur fonction dans la société, effectuent des acquisitions afin d’accroître leur contrôle plutôt que d’optimiser la rentabilité. Cette théorie explique les fusions acquisitions destructrices de valeur pour les actionnaires.
Roll (1986) avance une théorie contraire qui stipule que l’offre proposée par les dirigeants à l’entreprise cible est involontairement surévaluée à cause d’une méconnaissance de la valeur de celle-ci sur le marché. Les acquéreurs proposent une offre généreuse à la cible dans le but de corriger la sous-évaluation de la cible sur le marché. Cette opération occasionne des pertes pour les actionnaires de la firme acquéreuse à l’annonce.
De ce fait, à l’annonce d’une fusion acquisition, les actions de la cible est valorisées supérieurement que sur le marché alors qu’elles étaient sous-évaluées avant l’annonce. C’est le cas par exemple de l’acquisition par Cirrus Logic de Wolfson Microeletronics. La première offre de l’acquéreur a fait augmenter la valeur des titres de Wolfson à l’annonce.
L’acquéreur a payé une prime de 77% supérieure au cours des actions de Wolfson, un jour avant l’annonce de la première offre. [19]Cette prime équivaut au taux des risques encourus par les investisseurs s’ils investissent dans l’opération. De ce fait, les actions de Cirrus Logic enregistrent une baisse après l’annonce.
Figure 7: Évolution du cours des actions de Wolfson Electronics avant et après l’annonce de l’acquisition |
1.3 La concurrence pour la cible
Le rendement à l’annonce de l’acquéreur peut également être négatif dans le cas d’une concurrence pour l’acquisition de la cible. Un premier acquéreur propose une offre dont le but est double ; intéresser la cible et décourager les autres acquéreurs potentiels. Ces derniers examinent cette première offre en vue de rechercher les opportunités relatives à l’acquisition de la cible. Dans le cas d’une concurrence entre acquéreurs, la valeur des actions de la cible augmente sur le marché tandis que celle de l’acquéreur décisif diminue.[20]
C’est le cas par exemple de la bataille boursière entre Pilgrim’s Pride et Tyson Food pour l’acquisition de Hillshire. Le premier a proposé une offre en cash de 45$ par titres. Tyson Food riposte par une offre de 50$ ce qui a fait grimper les actions de la cible. Le cours d’actions de la cible correspond au dernier offre de surenchère jusqu’à son acquisition. La seconde offre de Pilgrim est de 55$ contre 63$ pour Tyson’s qui a remporté la bataille.
Figure 8: Bataille boursière entre deux acquéreurs |
Si un acquéreur potentiel propose une offre dont l’évaluation de la cible est importante, il décourage les autres concurrents et même si ces derniers proposent une offre plus intéressante, le gain est faible ou nul s’ils gagnent. Dans l’étude effectuée par Fishman (1988), cette surévaluation de la cible par une offre en cash est un moyen de dissuasion des acquéreurs potentiels.
Tableau 1: Récapitulatif des études sur la performance à court et long terme de l’acquéreur
Auteurs | Résultats de l’étude |
Ravencraft et al, 1987 | Étude de la performance post acquisition de l’acquéreur sur les opérations ayant lieu dans les années 60. La rentabilité à long terme post acquisition est soit négatif soit nul. |
Agrawall et al, 1992 | L’objet de leur étude est la performance à long terme de l’acquéreur. La méthode de mesure de la performance est la rentabilité à long terme.
Leur résultat affiche une perte à hauteur de 10% cinq années après la fusion acquisition. |
Loderer et al, 1992 | Relation entre taille de la cible et performance post acquisition.
La performance de l’initiatrice dépend de la taille de la cible et du montant de l’offre. Les grandes firmes initiatrices accusent une performance post fusion acquisition négatif lorsqu’elles surévaluent la cible. |
Anand et Singh, 1997 | Relation entre phase sectorielle et performance.
La performance est négative ou nulle pour l’acquéreur se trouvant dans un secteur en croissance et inversement dans un secteur en déclin. |
Myers et Majluf, 1984 | Rendement à l’annonce et mode de paiement.
Un paiement par titres est perçu négativement par les investisseurs à l’annonce de l’offre. |
Hansen, 1987 | Asymétrie informationnelle et rendement à l’annonce.
Relation entre la taille de la cible et le mode de paiement. Plus la cible est importante, plus l’acquéreur paye en titre afin de partager les risques d’évaluation. |
Fishman, 1989 | Mode de paiement et rendement à l’annonce.
Relation positive entre le paiement en cash et le rendement de l’offreur. Le paiement en cash dissuade les autres concurrents de l’opération |
Travlos 1987 | Relation entre méthode de paiement et rendements à l’annonce.
L’acquéreur enregistre un taux de rentabilité négatif à l’annonce lors d’un paiement en titres et positif pour une opération payée en cash. |
Moeller, Schlingemann et Stulz, 2003 | Les opérations de fusions acquisitions effectuées en dehors du territoire n’ont pas un effet significatif sur la performance à long terme ; |
Cornett et De, 1991 | Performance post fusion dans le secteur bancaire positif et indépendant du mode de paiement. |
Yook, 2003 | Rendement positif à l’annonce pour l’acquéreur dans le cas où l’agence de notation dégrade sa note dans les deux jours suivant l’offre. |
Roll, 1986 | Formulation de l’hypothèse d’hubris selon laquelle la performance d’une fusion acquisition est nulle. |
Ravencraft et Scherer, 1987 | L’opération de fusion acquisition n’influence pas du tout la performance de l’acquéreur, elle génère même un rendement négatif |
Clark et Ofek, 1994 | Dans le cas d’une cible présentant des difficultés, l’absorption de la cible occasionne un rendement négatif pour l’acquéreur |
Ghosh, 2001 | L’influence d’une opération de fusion acquisition sur la performance à long terme n’est pas significative. |
Bruner, 2002 | Les bénéficiaires d’une opération de fusion acquisition sont les actionnaires de l’entreprise cible. Le rendement de la firme absorbante est nul ou négatif. |
Aiello, Watkins, 2000 | La synergie entre l’absorbante et l’absorbée est primordial, car elle conditionne le succès ou l’échec de l’opération de fusion acquisition. |
Haspeslagh & Jemison, 1991 | La performance post fusion d’une fusion acquisition dépend de la stratégie d’intégration de la cible. |
Datta et Puia, 1995 | Les opérations transfrontalières ne créent pas de la valeur pour la firme initiatrice. |
Moeller et Schlingemann, 2004 | Les grands acquéreurs enregistrent un rendement négatif par rapport aux petits acquéreurs. |
Linn et Switzer, 2001 | La performance post fusion est significatif lorsque l’opération est de grande taille c’est-à-dire une cible importante. |
Jensen et Meckling, 1976 | La divergence d’objectifs entre les dirigeants et les actionnaires occasionnent une contre-performance de la firme acquéreur. (théorie de l’agence). |
Mayer, 1996 | La dispersion des actions entre plusieurs détenteurs détériore le contrôle de l’entreprise. La concentration des actions permet un gouvernement plus efficace. |
Hanson et Song, 1996 | Lorsque les dirigeants de la firme acquéreuse détiennent valorisent le contrôle, la performance post acquisition est nul, voire négatif. |
Allouche et Amann, 1995 | Lorsque la propriété est détenue en majorité par une même famille, la décision de fusion acquisition est performante. |
Healy et al. 1997 | Une opération de fusion acquisition amicale génère un rendement significatif pour la firme absorbante. |
2. Méthodologie de recherche
Après avoir défini le cadre conceptuel de la recherche et la problématique, le choix de la méthodologie est de type quantitatif. Au vu des différentes théories évoquées et la contradiction des résultats selon les auteurs et l’époque, le mémoire opte pour deux études de cas. Le premier se consacre à une opération américaine : une opération franco-européenne. Par ailleurs, les données récoltées dans les revues financières sur ces deux cas sont complétées par un questionnaire adressé à des personnalités travaillant dans l’univers des fusions acquisitions afin de mieux cerner les deux marchés.
Nous allons prendre le cours des actions des quatre entreprises retenues pour les cinq mois avant l’annonce de la fusion acquisition puis les jours après l’annonce, après, six mois après l’annonce.
2.1 Construction de l’échantillon
Le mémoire se consacre sur une étude comparative du comportement des investisseurs sur les deux marchés : européennes et américaines. De ce fait, nous avons pris une opération américaine pouvant représenter les fusions acquisitions américaines et une opération européenne impliquant une firme française.
Les conditions pour l’échantillonnage sont les suivantes :
Premièrement, le premier cas implique deux entreprises américaines[21] dont l’opération est annoncée en 2014 pour qu’il soit possible de voir aisément la performance. Notre choix se porte sur la fusion acquisition entre AT&T et Direct TV, les deux firmes se trouvent dans le secteur de la télécommunication. Le second cas implique deux entreprises européennes dont la première est française. Ce sera la fusion entre Lafarge et Holcim.
Deuxièmement, à l’annonce de l’opération, les actions des acquéreurs doivent accuser un recul et celles de la cible, une hausse.
2.2 Description de l’échantillon
Avant d’effectuer une analyse approfondie sur les cas annoncés ci-dessus, il est important d’apporter une description du marché français et européen et du marché américain ainsi qu’une description générale des entités en jeu
2.2.1 Le marché des fusions acquisitions européen
Les plus grands marchés de fusions acquisitions en Europe sont entre autres le Royaume-Uni, qui a déjà vécu plusieurs vagues de fusions acquisitions par rapport à l’Europe continentale, la France et l’Allemagne.[22]
À la fin des années 80, le marché anglais recense 1125 transactions ce qui fait de lui le premier marché européen. Ce marché est plus sophistiqué que celui des autres pays. Comme aux États-Unis, les années 80 représentent déjà la quatrième vague pour la Grande-Bretagne, cette vague se caractérise par la taille des opérations et la part des transactions élevées au niveau international.
Par ailleurs, le marché allemand et français a rattrapé leur retard. Dans les années 80, les firmes allemandes étaient plus orientées vers les transactions transfrontalières, particulièrement avec les firmes américaines. Ce marché se caractérise par le dynamisme des entreprises dû notamment à l’inexistence d’obstacles économiques et juridiques.
Le marché français est relativement similaire. Vers les années 80, il devient plus ouvert que ce soit du point de vue fiscal ou réglementaire. Le marché se redynamise, notamment dans le secteur bancaire grâce à la privatisation en 1986.
Dans un contexte beaucoup plus favorable après la crise de 2007, le marché européen est moins dynamique. Le volume de transaction a connu son plus bas niveau en 2013 avec une chute de 43%, depuis 1997.
Figure 9: Evolution fusions acquisitions sur le marché français et allemand |
Par ailleurs, la reprise est annoncée pour les deux années suivantes. L’année 2014 marque cette reprise par les transactions d’envergures. Dans le secteur de la télécommunication, le rachat par Numéricable de SFR, dans l’agroalimentaire, le rachat par L’Oréal de 8% de ses actions à Nestlé, etc.
La France connaît une hausse de 23% du nombre de transactions par rapport à 2013, soit environ 20% de plus que le marché allemand. De leur côté, les investisseurs étrangers privilégient le marché allemand, en tête les États-Unis et la Grande-Bretagne. Rien qu’en 2014, près de 180 entreprises ont été l’objet d’un rachat par des entreprises américaines contre 110 pour les entreprises anglaises. [23]
2.2.2 Le marché américain
Le marché américain recense le plus grand nombre de transactions avec plus de 2000 opérations depuis la fin des années 70. Ce chiffre s’explique par une longue tradition de fusions acquisitions qui se traduisent par de nombreuses vagues comme le Royaume-Uni. Il a connu notamment une évolution lors de l’atténuation de la loi antitrust aux États-Unis depuis 1982.
À la fin des années 80, le marché américain se caractérise par le nombre important de revente et cessions de filiales, le financement par la dette et enfin la méthode de gestion à court terme des responsables et des dirigeants.[24]Il connaît une baisse au début des années 90 en valeur. Durant la mutation économique grâce à l’évolution technologique à la fin des années 90 et le début des années 2000, les opérations de fusions acquisitions ont connu également une croissance spectaculaire en nombre et en valeur. Cette vague est suivie d’un vif recul à cause des attentats en 2001 puis d’une reprise vers 2005 et 2006 avant de baisser à nouveau à cause de la crise des subprimes.
Figure 10: Activités de F&A aux États-Unis et en Europe
Source : Thomson Financial |
Dans un contexte post crise et de reprise des opérations de fusion acquisition, les entreprises américaines réalisent la moitié des transactions au niveau mondial, soit un montant de 400 milliards de dollars au premier trimestre de 2015 avec une hausse de 30% par rapport à la même période de l’année précédente.
2.2.3 Présentation des sociétés
Lafarge
Lafarge est une firme française, leader dans la production et la vente de matériaux de construction. Ces principaux produits sont : le ciment, le liant, les granulats et bétons, produits à base de plâtre, etc. Présent dans tous les continents particulièrement en Europe et en Afrique et Moyen-Orient.
En 2013, le chiffre d’affaires de l’entreprise française Lafarge tourne autour de 15 milliards d’euros. La firme possède une grande présence dans de nombreux pays, soit 62.
Tableau 2: Compte de résultat de Lafarge
2010 | 2011 | 2012 | 2013 | 2014 | ||||||
Chiffre d’affaires | 16 169 000 | 15 284 000 | 15 816 000 | 15 198 000 | 12 843 000 | |||||
Produits des activités ordinaires | 16 169 000 | 15 284 000 | 15 816 000 | 15 198 000 | 12 843 000 | |||||
Résultat opérationnel | 2 169 000 | 1 683 000 | 1 947 000 | 2 020 000 | 1 460 000 | |||||
Coût de l’endettement financier net | -773 000 | -841 000 | -889 000 | -834 000 | -798 000 | |||||
Quote part resultats des Sociétés Mises en Equ | -16 000 | -8 000 | 5 000 | 19 000 | 69 000 | |||||
RN des activités abandonnées | – | 492 000 | 16 000 | 46 000 | – | |||||
Résultat net | 1 114 000 | 736 000 | 621 000 | 782 000 | 274 000 | |||||
Résultat net (part du groupe) | 827 000 | 593 000 | 432 000 | 601 000 | 143 000 | |||||
2011 | 2012 | 2013 | 2014 | 2015 | ||||||
CA 1er trimestre | 3 557 000 | 3 353 000 | 3 136 000 | 2 633 000 | 2 779 000 | |||||
CA 2ème trimestre | 4 416 000 | 4 261 000 | 4 112 000 | 3 367 000 | 3 540 000 | |||||
CA 3ème trimestre | 4 211 000 | 4 393 000 | 4 236 000 | 3 636 000 | – | |||||
CA 4ème trimestre | 3 100 000 | 3 809 000 | 3 714 000 | 3 207 000 | – | |||||
CA semestriel | 7 973 000 | 7 614 000 | 7 248 000 | 6 000 000 | 6 319 000 | |||||
CA annuel | 15 284 000 | 15 816 000 | 15 198 000 | 12 843 000 | – | |||||
Source : Rapport Semestriel Lafarge 2015
Holcim
Holcim est une firme multinationale suisse, spécialiste dans le ciment dont le siège se trouve à Zurich.
A l’origine, c’est une entreprise familiale fondée en 1912 appartenant à la famille Schmidheiny dont la croissance est fulgurante grâce à la reconstruction de l’Europe après la première guerre mondiale.[25]
Après la seconde guerre mondiale, la firme pénètre sur le marché nord et sud-américain puis dans les années 2000, s’installe dans des pays du Moyen Orient et d’Afrique à l’instar du Liban et d’Afrique du Sud.
Premier producteur mondial de ciment et implanté dans de nombreux pays actuellement, Holcim est encore détenu à 20% par la famille Schmidheiny.
Figure 11: Évolution CA et Bénéfice net de Holcim ces dernières années
Source :
|
Compilation de l’auteur
Direct TV
DirecTv est le premier opérateur de télévision satellite sur le marché américain. Fondé en 1994, l’entreprise est siégée à Los Angeles en Californie.
Leader sur le marché américain, la firme exerce également ses activités en Amérique Latine, au Canada ainsi qu’en Europe et en Asie.
Elle possède un propre réseau et plusieurs droits de diffusion à l’instar des tournois de tennis du Grand Chelem.
Tableau 3: Prévisions chiffre d’affaires DirecTv
Réalisé 2014 | Prévisions 2015 | Prévisions 2016 | |
Chiffre d’affaires (En millions) | 33 260 +5% | 34 379 +3% | 35 911 +4% |
EBITDA (3) (En millions) | 8 352 +3% | 8 420 +1% | 8 693 +3% |
EBIT (4) (En millions) | 5 128 -0% | 5 490 +7% | 5 702 +4% |
Dette Financière Nette (5) (En millions) | 16 177 -7% | 12 809 -21% | 9 588 -25% |
Actif Net par Action (6) | -9,6 -24% | -4,1 -58% | 1,7 -143% |
Cash Flow par Action (7) | 12,17 +17% | 14,19 +17% | 12,65 -11% |
Source : http://www.six-financial-information.com/fr/home.html
AT&T
AT&T est une firme américaine, spécialiste dans la télécommunication. Leader sur le marché américain dans les services téléphoniques, elle est également le premier fournisseur de téléphonie mobile en Amérique à travers sa filiale AT&T Mobility.
Le développement d’AT&T inc. est le produit de l’éclatement d’AT&T Company en 1984.[26]
Anciennement Southwestern Bell Corporation, la firme change de siège, du Missouri au Texas et modifie également sa dénomination en tant que SBC Communications inc. La firme procède au cours des années 90 à l’acquisition d’autres entreprises de télécommunications régionales à l’instar de Pacific Telesis, SNET[27] et d’Ameritech.
En 2005, SBC fusionne avec AT&T Corporation et change d’appellation pour devenir AT&T inc. afin de le différencier d’AT&T Corp. et procède à l’acquisition de BellSouth en 2006 pour un montant de 86 milliards de dollars.
Le chiffre d’affaires d’AT&T se présente comme suit avant l’acquisition de Direct TV :
- 46,5 %, prestations de téléphonie mobile
- 42,7 %, prestation de téléphonie fixe et de services de câbles (longue distance, haut débit, internet)
- 10 %, autres
- 0,8 %, annuaires publicitaires
2.3 Élaboration du questionnaire
Le questionnaire est divisé en trois parties bien distinctes. Les questions sont toutes ouvertes de sorte que les personnes interrogées puissent répondre aisément. Le choix du type de question se justifie par le nombre de personnes interrogées ce qui nous a permis d’effectuer une interview directe avec ces personnes. Par ailleurs, la première partie consiste en quatre questions sur la fusion acquisition en général actuellement. La seconde partie également dispose de six questions concernant le comportement des investisseurs. Enfin, la troisième partie consiste en trois questions sur la ressemblance et les spécificités du marché européen et américain.
Le questionnaire est adressé à une vingtaine de personnes travaillant dans le secteur bancaire et spécialement dans le domaine de la fusion acquisition. Les personnes concernées sont : trois analystes fusion-acquisition, cinq spécialistes en arbitrage de fusion acquisition, cinq avocats conseillers en fusion acquisition, un directeur financier d’une entreprise française ayant déjà fait l’objet d’une acquisition, six actionnaires d’entreprises qui ont participé à une fusion acquisition.
Les questions sont toutes ouvertes de sorte que les personnes concernées puissent répondre librement. Le questionnaire s’est déroulé à travers un entretien face à face, c’est-à-dire une interview.
2.4 Limites et validités de l’étude
Le principal objectif de l’étude est de vérifier les hypothèses énoncées ci-dessus grâce à une étude de cas, appuyée par l’avis de professionnel. Nous allons tenter d’apporter des réponses s’il existe une différence entre les investisseurs sur le marché américain et européen.
Les limites de cette étude demeurent dans le choix des opérations. Nous avons tenté de trouver des opérations de fusions acquisitions franco-française ou Européenne et Américano-Américaine dans le même secteur, durant la même période, mais il n’en existe aucun à notre connaissance.
Prendre des opérations à des intervalles de temps différents fausserait les résultats étant donné que le contexte économique est différent.
Concernant les personnes interviewées, elles tiennent à la confidentialité des entreprises auxquelles elles sont associées.
2.5 Synthèse des résultats du questionnaire
Tableau 4: Transcription des réponses et synthèse
Questions | analystes fusion-acquisition | spécialistes en arbitrage fusion-acquisition | directeur ressources humaines | actionnaires |
1- Les opérations de fusions acquisitions ont considérablement augmenté depuis l’année 2014, quel en est la raison qui incite les entreprises à opter pour ce type de restructuration selon vous ? | Durant la période de crise, les entreprises sont méfiantes et se concentrent plutôt à se maintenir à flot qu’à la croissance | Les entreprises américaines et européennes disposent d’énorme stock de trésoreries après la période de crise. De ce fait, ils libèrent les fonds en les investissant dans des opérations de rachats et d’acquisitions de nouvelles entreprises. | La croissance externe est le moyen le plus rapide pour une entreprise d’utiliser sa réserve de trésorerie. | La méfiance et l’incertitude dues à la crise sont révolues, la situation s’améliore. |
2- Quels sont les secteurs les plus touchés par ce vague de fusion-acquisitions ? | Le secteur de la santé et de l’immobilier sont propices actuellement. Ces secteurs représentent une part importante des opérations de fusions acquisitions | Les secteurs en croissance sont la télécommunication, la technologie et enfin la santé. | Les dirigeants des grandes firmes sont en confiance, ce regain de confiance se manifeste particulièrement dans des secteurs de l’alcool, la pharmacie. Les firmes dans ce dernier secteur disposent d’un bilan positif. | Chaque cabinet d’étude avance leur pronostic. Certains analysent évoquent le secteur de l’énergie et de la haute technologie. D’autres parlent du secteur minier qui est relativement calme durant ces dernières années. |
3- Quelles opportunités offre cette vague aux investisseurs ? | Cette tendance permet aux investisseurs d’investir dans des entreprises appartenant à un secteur qui est l’objet de fusions-acquisitions | Les bénéfices sont valorisés à la hausse. En France par exemple, il a gagné 5 points, passant de 10 à 15 fois. | Dans le contexte actuel, les mois à venir verront des opérations de grande envergure | Le cours des actions d’une entreprise courtisée par d’autres firmes sont souvent à la hausse, la fusion acquisition offre alors aux investisseurs de réaliser des bénéfices importantes. |
4- Au vu du contexte actuel, cette tendance va persister ou pas ? | Les vagues de fusions acquisitions qui battent des records conduisent les cabinets d’analyses et les firmes de capital investissements à évaluer davantage de cibles potentielles | L’année 2014 voyait un regain du nombre de transactions, toutefois les fusions acquisitions ne représentaient qu’une petite part de la valorisation des firmes. La capitalisation boursière sera donc encore supérieure à l’année précédente pour l’année 2015. | Le premier trimestre 2015 a battu des records. Le marché réévalue toutes les entreprises, cibles potentielles. | Une opération de fusion acquisition suscite l’attention d’autres firmes dans le même secteur. |
5- L’augmentation de la valeur de la cible sur le marché induit-elle l’optimisme des investisseurs ? Pourquoi ? | La valorisation haussière de la cible incite les investisseurs à investir dans des fonds d’action. | Cela dépend de la notoriété de la cible ainsi que de l’acquéreur. | Il existe des cas où le cours des actions de l’acquéreur augmente tandis que celui de la cible diminue donc ça peut dépendre de l’entreprise concernée. | La réaction des investisseurs dépend de l’aboutissement de l’opération. |
6- Quels sont les risques encourus par l’investisseur ? | Les investisseurs sont exposés à de nombreux risques comme le risque de marché. | Les investisseurs risquent une chute des actions de la cible en cas d’annulation de l’opération; | Les investisseurs encourent de nombreux risques comme l’incertitude sur l’aboutissement de la fusion acquisition ou encore le risque de taux en cas de crédit. | Les investisseurs sont exposés au marché sans savoir si l’opération a des chances d’aboutir. |
7- Quels sont les éléments pris en compte par les investisseurs avant d’investir dans la cible ou l’acquéreur ? | Les investisseurs considèrent d’abord le contexte économique général et spécifique au secteur d’activité de l’acquéreur ou de la cible. | La réputation et la notoriété de la firme initiatrice sont primordiales. Les investisseurs ont plus confiance en une entreprise qui a déjà effectué de nombreuses transactions réussies antérieures. | La réputation des dirigeants des deux entreprises joue un rôle décisif dans le choix des investisseurs. | L’avis des cabinets d’analyse influence considérablement le choix des investisseurs. |
8- Quelles sont les raisons d’un échec d’une opération de fusion acquisition des deux côtés de l’Atlantique? | Il y a de nombreuses raisons qui expliquent l’échec d’une opération comme la divergence entre les dirigeants des entreprises concernées sur les termes du contrat. | Dans le cas d’une fusion de deux concurrents directs, l’autorité de la concurrence peut intervenir et être décisive sur l’aboutissement de l’opération de regroupement. | Les intérêts des employés des deux entreprises respectifs sont en jeu. Ils peuvent manifester leur désaccord avec la décision des dirigeants. | En dehors des autorités de la concurrence que ce soit européenne ou nord-américaine, les entreprises concurrentes dans le secteur peuvent manifester leur opposition à la fusion. |
9- La réputation et l’expérience de l’acquéreur jouent-elles un rôle déterminant dans la réaction des investisseurs ? | Les entreprises ayant déjà réalisé plusieurs opérations sont beaucoup plus appréciées par le marché. | Les dirigeants des entreprises acquéreurs ont acquis une certaine réputation et une certaine expérience ce qui met les investisseurs en confiance. | La taille de l’acquéreur ne garantit pas le succès de la fusion acquisition. | La connaissance de la firme acquéreuse et cible est décisive dans le comportement des investisseurs. |
10- Comment réagissent les investisseurs après le succès d’une opération suite à une réaction négative du marché à l’annonce pour l’acquéreur ? | Dès que les actifs de la cible passent à l’acquéreur, les investisseurs réagissent significativement. | Après l’aval des différentes commissions et des dirigeants des deux côtés, les actions de l’acquéreur réagissent en fonction du marché et du contexte économique actuel. | Les investisseurs réagissent positivement. | Non-réponse |
11- Quelles sont les spécificités du marché et des entreprises américaines ? | Le marché américain se différencie par son dynamisme. La plupart des transactions de fusions acquisitions ont lieu aux États-Unis. | Le nombre d’opérations de fusions acquisitions aux États-Unis est comparable au nombre d’opérations dans l’ensemble de l’Europe continentale ce qui est déjà un spécifique en soi. | Les associations de consommateurs sont plus élastiques aux États-Unis qu’en Europe, ce qui permet la fusion de concurrents. | Le marché américain se distingue par ces entreprises spécialisées dans l’informatique et internet qui sont très présentes dans les transactions de fusions acquisitions. |
12- Quelles sont les spécificités du marché et des entreprises européens ? | Le marché européen est très hétérogène en raison des différentes législations propres à chaque pays. | À cause de son hétérogénéité, le marché européen est inefficient à la prévision des arbitragistes, mais elle présente un potentiel important. | Le marché européen est moins dynamique au vu du nombre de fusions acquisitions de ces dernières années. | Le marché européen est peu exploité par rapport au marché américain. |
13- Comment s’opèrent les fusions acquisitions des deux côtés de l’Atlantique ? Existe-t-il une différence ? | La différence réglementaire au sein de l’Europe rend la négociation plus difficile. | Les opérations européennes présentent un rendement plus significatif que les opérations américaines. | Les investisseurs réagissent différemment sur les deux marchés en raison des crises de la dette de certains pays européens. (Grèce). | Non-réponse |
Partie 3 : Présentation des résultats et discussions
1. Analyse de résultats de l’étude de cas
1.1 L’opération française
Pour l’initiatrice, on constate un recul du chiffre d’affaires pour l’année de l’annonce. Toutefois, les prévisions de la firme après la fusion sont sur une tendance haussière.
Lafarge, qui a enregistré un recul de ses activités pour l’année 2014 prévoit une nette amélioration de sa situation pour les trois années suivantes.
Tableau 5: Évolution et prévisions CA Lafarge
Réalisé 2014 | Prévisions 2015 | Prévisions 2016 | |
Chiffre d’affaires (En millions) | 12 843 -15% | 13 841 +8% | 14 754 +7% |
EBITDA (3) (En millions) | 2 721 -12% | 3 023 +11% | 3 338 +10% |
EBIT (4) (En millions) | 1 875 -10% | 2 200 +17% | 2 462 +12% |
Dette Financière Nette (5) (En millions) | 9 310 -10% | 9 105 -2% | 8 817 -3% |
Actif Net par Action (6) | 53,5 +6% | 55,1 +3% | 57,9 +5% |
Cash-Flow par Action (7) | 3,99 -18% | 5,16 +29% | 5,83 +13% |
La prévision du bénéfice net par actions et le dividende par action sont également en hausse pour l’année 2015 et l’année 2016.
Tableau 6: Prévisions du bénéfice net et Dividende net Lafarge
Réalisé 2014 | Prévisions 2015 | Prévisions 2016 | |
Bénéfice Net par Action | 1.10 EUR -47% | 2.85 EUR +159% | 3.66 EUR +28% |
PER (1) | 52.10 +84% | 20.09 -61% | 15.66 -22% |
Dividende net par action | 1.01 EUR | 1.16 EUR | 1.32 EUR |
Rendement (2) | 1.75 % | 2.02 % | 2.29 % |
Cette prévision du bénéfice et du rendement par action en hausse démontre l’optimisme de l’entreprise après la fusion.
Prévisions et cours des actions LafargeHolcim
Pour la nouvelle entité issue de la fusion des deux entreprises, le bénéfice net par action est en recul pour l’année 2015, mais les estimations pour 2016 sont nettement significatives par rapport à 2014.
Tableau 7: Prévisions dividende et bénéfice net LafargeHolcim
Réalisé 2014 | Prévisions 2015 | Prévisions 2016 | |||||
Bénéfice Net par Action | 3.81 CHF | 2.66 CHF -30% | 3.68 CHF +38% | ||||
PER (1) | 15.88 | 22.74 +43% | 16.46 -28% | ||||
Dividende net par action | 1.30 CHF | 1.30 CHF | 1.58 CHF | ||||
Rendement (2) | 2.15 % | 2.15 % | 2.61 % | ||||
Le chiffre d’affaires de la nouvelle entité est également en hausse de 50%.
Tableau 8: Prévisions CA de Lafarge Holcim
Réalisé 2014 | Prévisions 2015 | Prévisions 2016 | |
Chiffre d’affaires (En millions) | 19 110 | 31 637 +66% | 33 216 +5% |
EBITDA (3) (En millions) | 3 747 | 6 263 +67% | 6 997 +12% |
EBIT (4) (En millions) | 2 317 | 3 515 +52% | 4 260 +21% |
Dette Financière Nette (5) (En millions) | 9 644 | 15 669 +62% | 13 974 -11% |
Actif Net par Action (6) | 53,4 | 56,5 +6% | 60,7 +7% |
Cash-Flow par Action (7) | 8,60 | 7,78 -10% | 8,60 +11% |
Les actions de Lafarge ont connu une baisse significative après l’annonce de la fusion jusqu’à la fin de l’année en cours. Par ailleurs, le cours des actions se relance pour l’année 2015. On constate également que les actions de la nouvelle entité sont en proie à une forte variance.
Figure 13: Évolution cours actions LafargeHolcim et Lafarge (cinq ans)
Source : Reuters |
1.2 Opération américaine
Pour l’entreprise acquéreur AT&T, les prévisions du bénéfice net par action et du dividende par action est en progression par rapport à l’année 2014.
Tableau 9: Prévisions-bénéfices et dividende net AT&T
Réalisé 2014 | Prévisions 2015 | Prévisions 2016 | |||||
Bénéfice Net par Action | 2.51 USD +0% | 2.52 USD +0% | 2.58 USD +2% | ||||
PER (1) | 13.05 -5% | 13.00 -0% | 12.72 -2% | ||||
Dividende net par action | 1.85 USD | 1.89 USD | 1.93 USD | ||||
Rendement (2) | 5.65 % | 5.77 % | 5.89 % | ||||
Le chiffre d’affaires de la firme évolue également positivement grâce notamment aux nombreuses acquisitions effectuées ces dernières années.
Tableau 10: Prévisions CA d’AT&T après fusion avec DirecTv[28]
Réalisé 2014 | Prévisions 2015 | Prévisions 2016 | |
Chiffre d’affaires (En millions) | 132 447 +3% | 133 836 +1% | 135 906 +2% |
EBITDA (3) (En millions) | 40 795 -1% | 41 490 +2% | 42 241 +2% |
EBIT (4) (En millions) | 11 746 -61% | 23 333 +99% | 23 987 +3% |
Dette Financière Nette (5) (En millions) | 73 464 +3% | 87 387 +19% | 84 727 -3% |
Actif Net par Action (6) | 16,7 -4% | 17,1 +2% | 17,6 +3% |
Cash-Flow par Action (7) | 6,02 -3% | 5,91 -2% | 5,99 +1% |
Le cours des actions de la firme a connu une baisse, les jours suivants l’annonce de fusion avec DirecTv. Le cours des actions de l’entreprise est relativement en recul durant l’année de l’annonce, mais connaît un rebond pour l’année 2015.
Figure 14: Évolution du cours des actions AT&T
Source : Reuters
2. Confrontation résultats et théories
De nombreuses études se sont consacrées sur la performance des entreprises après une acquisition pour l’entreprise initiatrice. En premier lieu, il y a ceux qui affirment que la performance post acquisition est soit nul soit négatif. C’est le résultat par exemple des études de Ravencraft et Scherer (1987) sur la rentabilité des entreprises acquéreurs américains dans les années 60. D’autres études plus récentes (Clark et Ofek, 1994 ; Hoshino et Yeh, 2001 ; Kruse et al.2002) démontrent une détérioration de la performance suite à l’acquisition.
Toutefois, leur étude est contestée par d’autres théories plus tard. (Ghosh, 2001 ; Moeller et Schlingemann, 2004 ; Sharma et Ho, 2002) Leurs recherches montrent une amélioration modérée de la performance des entreprises post acquisitions. Toutefois, du côté des firmes absorbantes, les études empiriques démontrent un rendement nul ou négatif tandis que pour l’entreprise absorbée sort grand gagnant de l’opération. (Bruner, 2002).
Les littératures existantes démontrent que le rendement des acquéreurs dépend de plusieurs facteurs comme la taille et les caractéristiques de la cible, les caractéristiques de l’acquéreur et enfin les contextes et caractéristiques du marché.
2.1 Les caractéristiques de la cible
Les critères de la cible répondent aux ambitions futures de l’acquéreur c’est pourquoi la sélection de la cible est tout d’abord une étape importante, car elle conditionne la réussite post fusion. (Aiello, Watkins, 2000)
Durant la période de recherche de la cible, l’équipe en charge doit chercher une entreprise qui répond aux objectifs fixés par les dirigeants et les actionnaires et concorde avec les valeurs de la firme absorbante. La recherche de la cible peut être déléguée à des cabinets de consultance privés, spécialistes des fusions acquisitions. En premier temps, une liste de cibles présélectionnées est soumise à la direction selon les critères stratégiques proposés. Leur concordance avec les objectifs de l’acquéreur est déterminante pour le choix de la cible finale.
Figure 15: critères de choix de la cible
La période post fusion est considérée comme importante pour déterminer la réussite ou l’échec d’une fusion acquisition. Un échec d’intégration peut conduire à un échec également de l’opération de fusion acquisition. La phase d’intégration commence dès la décision de fusionner jusqu’à l’incorporation de la cible par l’entité absorbante. L’intégration soulève deux problématiques majeures pour la cible : le besoin d’intégration purement stratégique et le besoin d’autonomie managériale. (Haspeslagh & Jemison, 1991) L’incompatibilité organisationnelle et culturelle soulève souvent un besoin d’autonomie chez la cible qui a du mal à s’identifier.
Selon Haspeslagh et Jemison, il existe deux critères dont les dirigeants de la firme absorbante doivent tenir compte avant d’adopter un tel ou tel type d’intégration. En premier lieu, l’interdépendance stratégique suppose une forte interdépendance entre les deux entreprises. Ceci implique donc une intégration forte. En second lieu, le besoin d’autonomie de la cible d’ordre organisationnelle implique une indépendance managériale de la cible. Ce second cas est une option favorable dans le cas où l’entreprise cible possède une identité culturelle forte ou encore des salariés qui sont des fervents conservateurs. Ce besoin d’autonomie peut se manifester également dans le cas où l’acquéreur et la cible sont géographiquement éloignés. C’est le cas par exemple de l’acquisition par le laboratoire pharmaceutique suisse Roche d’une société californienne de la génétique Genentech.
Fondé en 1896, le laboratoire pharmaceutique suisse Roche comptait 80 000 employés en 2009, avec un chiffre d’affaires mondial de 33,6 milliards de dollars. Roche détenait alors 56 % du capital de la société de génie génétique Genentech, implantée à San Francisco. Or, Genentech tenait jalousement à son autonomie et considérait que ses données scientifiques n’appartenaient pas à Roche. Genentech avait été fondée en 1976 par un jeune capital-risqueur et un professeur assistant de l’université de Californie à San Francisco. En 1977, l’entreprise fut la première au monde à faire exprimer un gène humain par une bactérie génétiquement modifiée.
Dès l’année suivante, elle fut la première à produire de l’insuline humaine grâce à ce procédé. Roche acheta sa participation dans Genentech en 1990, mais laissa une grande indépendance à sa filiale. En 2009, Genentech était la deuxième entreprise de biotechnologies aux États-Unis, avec 11 000 salariés, dont la plupart étaient des scientifiques de haut niveau, indéfectiblement liés à l’entreprise par une combinaison de salaires élevés, de stock-options et de liberté académique. Genentech autorisait ses scientifiques à poursuivre leurs propres recherches un jour par semaine et à publier leurs travaux dans des revues académiques. En 2008, Genentech avait déposé plus de brevets en biologie moléculaire que le gouvernement américain et les dix campus de l’université de Californie réunis. Le magazine Science lui avait décerné le titre de meilleur employeur pour des scientifiques sept années d’affilée. En 2008, l’ancien chercheur en biotechnologies Art Levinson, directeur général de Genentech depuis 1995, grand défenseur des fêtes de la bière organisées tous les vendredis dans l’entreprise, avait été désigné par un autre magazine comme le dirigeant le plus sympa des États-Unis. Bien que propriétaire désormais à 100 % de Genentech, Roche fut confronté à des difficultés managériales considérables. Laurence Lasky, un capital-risqueur de la Silicon Valley et ancien chercheur chez Genentech, commenta : « Ils sont suisses et Genentech est une bande de cow-boys californiens. » Roche avait en effet une culture très différente. Basé dans la ville sobre de Bâle, Roche était toujours possédé pour moitié par les descendants de ses fondateurs. Ses produits étaient issus de son expertise en chimie, très différente du génie génétique de Genentech. Sources : San Francisco Chronicle, 13 mars 2009 et 17 août 2008 ; International Herald Tribune, 13 mars 2009 Wall Street Journal, 17 mars 2009.
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Encadré 1 |
La différence culturelle est encore plus importante lorsque la cible se trouve dans un autre pays, voire dans un autre continent. Pour la firme acquéreuse, une cible de différente nationalité qu’elle génère de la valeur pour les actionnaires des deux parties.[29]L’opération de fusion acquisition profite à l’acquéreur dans le cas d’imperfection de ce nouveau marché. Par ailleurs, d’autres études (Datta et Puia, 1995 ; Morisini et al. 1998) Soutiennent que la différence de nationalité entre l’absorbante et l’absorbée accentue la différence culturelle qui influence négativement la performance post acquisition. Ces recherches soulignent les conséquences de la différence culturelle sur le processus d’intégration de la cible. Dans une étude comparative réalisée entre les acquisitions transfrontalières et domestiques démontrent une meilleure performance pour une opération intérieure. (Moeller et Schlingemann, 2004)
Il existe quatre types d’intégration selon les critères cités ci-dessus à savoir l’absorption si la cible ne manifeste pas un besoin d’autonomie. La préservation lorsque l’acquéreur décide de maintenir les cultures et l’identité de la cible. La symbiose est plus complexe que les deux autres, car elle implique l’autonomie de la cible tandis qu’il existe une interdépendance stratégique élevée entre les deux entreprises. En enfin, la holding dans le cas où l’autonomie et l’interdépendance stratégiques sont relativement faible ce qui n’exige pas alors une intégration de la cible. Ce cas est plus fréquent pour l’acquéreur qui décide de revendre la cible dans un avenir proche.
- Les facteurs de performance à long terme d’une fusion acquisition
Figure 16: Matrice d’intégration d’une F&A |
La taille de la cible constitue un facteur important de réussite d’une fusion acquisition également. En effet, la taille de la cible est déterminante tant pour l’enjeu d’intégration, mais également organisationnelle. L’importance de la cible peut produire deux effets contradictoires sur la performance post fusion de la firme absorbante. Soit l’envergure de la cible permet à l’acquéreur de réaliser une économie d’échelle soit elle conduit à une mauvaise intégration de la cible qui occasionne de ce fait une détérioration du rendement à long terme.
Deux études se confrontent quant à l’impact de l’envergure de la cible sur la performance post fusion. Switzer (1996) ; (2001) démontre par son étude comparative sur les grandes et petites cibles que la performance post acquisition est supérieure pour les grandes acquisitions que les petites. Par ailleurs, Clark et Ofek (1994) dénotent la difficulté de l’absorbante à intégrer la cible ce qui diminue les synergies escomptées de l’opération et détériore la performance à long terme.
2.2 Les critères de l’acquéreur
Le rendement à long terme de la firme absorbante suite à un regroupement a fait l’objet de nombreuses études suivant différentes méthodologies et différents angles à savoir le mode de paiement, le secteur d’activité, la méthode d’approche de la cible ou encore la structure de l’actionnariat. Par ailleurs, le contexte économique joue également un rôle important. D’autres études sur le sujet révèlent que les rendements à long terme sont positifs dans les années soixante, mais non significatifs durant les deux décennies suivantes.[30]
La structure actionnariale de la firme absorbante a fait l’objet de recherches par Jensen et Meckling dans la théorie de l’agence[31]. Selon cette théorie, le propriétaire et dirigeant de la firme décide d’ouvrir son entreprise aux nouveaux actionnaires, mais tentent de préserver ses prérogatives. Par conséquent, il existe une divergence d’intérêt entre les actionnaires et les dirigeants. Ces derniers prennent des décisions dans le but de renforcer leur place au sein de la firme même si cela va à l’encontre de l’intérêt des actionnaires. Dans le cas où les dirigeants détiennent une part considérable des actions, la prise de décision est plus efficiente et favorise davantage la relation de confiance entre les dirigeants et les autres par ailleurs, la dispersion des actions entre plusieurs acteurs accentue l’asymétrie informationnelle et le manque de confiance qui se manifeste lors des opérations de fusion acquisition. (Mayer, 1996)
Hanson et Song (1996) ont mis en place un ratio Valeur de Contrôle afin de mener leur recherche sur le sujet. Le ratio VC implique deux variables, dont le droit de vote et le droit aux flux monétaires. Un ratio élevé signifie que les dirigeants de la firme disposent d’un droit de vote plus important que les droits au flux monétaire. Cela signifie qu’ils privilégient le contrôle et la prise de décision.
L’enjeu de la structure actionnariale est encore plus important dans les entreprises familiales où la famille est un actionnaire majoritaire dans la firme.[32] Selon la théorie avancée par Allouche et Amann (1995), plus les actions sont concentrées par une même famille, plus la relation de confiance entre les propriétaires, les actionnaires et les dirigeants est meilleure. Par ailleurs, les dirigeants sont généralement les propriétaires dans les entreprises familiales où ils sont actionnaires majoritaires. Cette situation confère à ces types de firme une supériorité par rapport aux firmes dont les actions sont dispersées entre plusieurs personnes. Les études démontrent que la rentabilité des firmes familiales est plus significative que celle des firmes non familiales. Étant donné que la charge d’encadrement est très faible pour le premier cas, la valeur de la firme est donc plus élevée que dans le second cas. Cette performance se réduit, toutefois, lorsque la firme en est à sa deuxième ou troisième succession. Le conflit entre les héritiers minoritaires et majoritaires peut générer des conflits d’agence. (Allouche et Amann, 1998)
La négociation avec les dirigeants de la cible constitue une étape délicate dans la mesure où la firme absorbante effectue une fusion amicale ou hostile. En premier lieu, l’acquéreur évalue la cible suivant plusieurs éléments à savoir le bilan des dernières années, le compte de résultat, la réputation de l’équipe dirigeante, etc. La première offre de l’acquéreur retient alors plusieurs paramètres stratégiques et financiers. La négociation débute alors entre l’absorbante et l’absorbée sur les termes du contrat : la modalité de paiement et de prise de contrôle, la modalité d’intégration, etc. l’acquéreur propose la meilleure offre pour lui tandis que la cible négocie pour obtenir les meilleures termes et primes.
Les dirigeants de l’entreprise cible peuvent rejeter l’offre de l’acquéreur. Cette attitude hostile des dirigeants ont un impact sur la performance post acquisition de l’acquéreur. Un regroupement est dit hostile lorsque la cible rejette catégoriquement l’offre de l’acquéreur qui pour réaliser l’opération passe outre les dirigeants et négocie directement avec les actionnaires. La tournure hostile de l’opération se réalise lorsque l’acheteur et la cible potentielle ne trouvent pas une entente sur les termes du contrat. Une opération hostile peut se produire de différentes manières. L’acquéreur peut recourir à des voies judiciaires pour éjecter les membres du conseil d’administration[33], proposer l’offre directement aux actionnaires de la cible, etc.
Les études empiriques sur une fusion hostile sont mitigées quant à leur impact sur la performance à long terme de l’acquéreur. Selon Healy et al. (1997), les offres amicales ont un impact significatif sur la performance de l’acquéreur qu’une transaction hostile. Par ailleurs, Ghosh (2001) démontre qu’une opération hostile n’a aucun impact sur la performance à long terme de l’acheteur.
Tableau 11: Les critères d’évaluation de cible
Éléments | Explication |
Valeur accordée à la cible | La détermination de la valeur de la cible est l’élément le plus discuté dans la littérature et le plus négocié lors d’une fusion-acquisition. Le choix de la méthodologie, l’approche et des paramètres à prendre en compte sont importants pour cerner la juste valeur de la cible |
Modalité de paiement | Les deux parties sont invitées à s’entendre sur les points suivants :
· Le montant et la nature du paiement lors de l’annonce (cash, par échange de titres, mixtes, etc.) · Le nombre d’actions à acquérir ou à détenir pour officialiser la transaction · Le montant du règlement des dettes et des obligations de la cible (dans le cas d’une acquisition de titres) |
Termes de la transaction | Durant les négociations, les deux parties doivent s’entendre sur :
· Le nombre et les intervalles des paiements · Les ajustements envisagés en fonction de l’évolution du taux d’intérêt. · Les engagements restrictifs et affirmatifs contenus dans l’accord (comme clause de non-concurrence, utilisation des marques de commerce, garantie des comptes fournisseurs, etc.) · Les dispositions de transfert de valeur de l’acquéreur à la cible · Les garanties sur les paiements |
Autres considérations : allocation du prix par élément acheté | Les stocks et les actifs tangibles
· Une liste des clients · Un engagement de non-concurrence de la direction de la cible · Les brevets, les marques de commerce, les fonds de commerce · Les redevances à percevoir · Le « Good Will » Souvent, il est très difficile d’allouer des fractions du prix pour chacun de ces éléments. |
Sources: Machiz. B.R : « M&A Viewpoint : The value, price and cost of acquisitions », Acquisition Market Place Review, 2002 et SEC, « Best Price Rule », 14d-10(a)(2) under the Securities Exchange Act, le 16 décembre 2005 |
Conclusion
La performance à long terme des entreprises issues d’une fusion acquisition dépend de plusieurs facteurs. En premier lieu, la similitude entre les deux cas est l’intervention des autorités de la concurrence.
Le contrôle de concentrations américaine et européenne diverge sur de nombreux points. Par exemple, l’acquisition de Honeywell par General Electric reflète la divergence entre les deux entités. L’interventionnisme est plus présent en Europe ce qui repousse les investisseurs. Elle se manifeste entre autres sur les regroupements horizontaux et les tests de part de marché et de gains d’efficacités.
Le droit européen est plus sévère en matière de protection des consommateurs. Non seulement il se préoccupe de la concurrence, mais également des consommateurs. Le marché américain voit de bon œil les fusions acquisitions congloméras et verticales alors que les autorités européennes sont plus étroits.
Dans le présent mémoire, le succès des opérations de fusions acquisitions dépend de plusieurs facteurs à part les différentes commissions. En premier lieu, le caractère de la cible et de l’acquéreur jouent un rôle important. Ensuite, le mode de paiement de l’opération reflète également la situation réelle de l’acquéreur et l’importance de l’opération.
La performance à long terme de l’acquéreur intègre également la méthode d’intégration de la cible. Il existe plusieurs options d’intégration, mais l’acquéreur opte souvent pour la méthode qui offre l’optimum de synergie.
Dans notre étude de cas, nous avons pris deux entreprises américaines et européennes. La première fusion, celle d’AT&T et de DirecTv reflète la stabilité de la réaction des investisseurs. Le cours des actions est seulement de faible variation. Par ailleurs, la prévision de bénéfice net et de dividende pour les années après l’annonce est relativement non significative.
Pour la fusion entre Lafarge et Holcim, la variation du cours des actions est significative à cause de l’instabilité du marché américain. Par ailleurs, la prévision du bénéfice net et du dividende est significative.
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[1] Aglietta et Rebérioux (2004)
[2] Browman et Singh (1993)
[3] Schoenberg (2006)
[4] L’intrapreneuriat – ou entrepreneuriat interne – consiste pour une organisation à permettre à ses membres de développer de nouvelles activités en interne, comme ils pourraient le faire en tant qu’entrepreneurs en externe. (Gerry Johnson et ali, 2001)
[5] Schoenberg (2005)
[6] P Kohler &JL Mucchielli (2000)
[7] Golbe et White (1988)
[8] L Briciu & L Nivoix (2009)
[9] et Schneider (2008)
[10] Rousseau (1990)
[11] Boubakri et al. 2005
[12] Meier et Schier, 2003
[13] Allaire et Firsirotu, 2004
[14] Ce sont la marque Jaguar et Land Rover
[15] Phase de croissance ou Phase de déclin
[16] Travlos (1987)
[17] Tessema (1989)
[18] Nayar et Switzer (1998)
[19] Bloomberg
[20] Berkovitch et Narayanan (1990)
[21] Etats-Unis et Canada. Le Canada abrite autant de firmes multinationales impliquées dans des fusions acquisitions. Dans le cas d’une opération européenne, la fusion acquisition n’est accordée sans le feu vert des autorités de la concurrence américaine et canadienne.
[22] Mac Millan’s Mergers and Acquisitions Yearbook, 1987
[23] Rapport PwC 2015
[24] The Merger Boom, 1987
[26] La loi anti trust américaine oblige AT&T Corp. de se séparer de ses sept filiales répartit dans différentes Etats appelées également « Baby bell » dont Southern Bell Corporation.
[27] Southern New England Telephone
[28] (1) PER : Price Earning Ratio : Indicateur de référence de la valeur d’une entreprise. Obtenu par le rapport entre le cours de Bourse d’une action et le bénéfice net par action (BPA) ou par le rapport entre la capitalisation et le résultat net. Il mesure le nombre de fois où le BPA est contenu dans le cours de Bourse et servira d’instrument de comparaison entre les différentes actions, les secteurs économiques ou encore les marchés financiers.
(2) Rendement : Rapport entre le dividende par action et le cours de bourse.
(3) EBITDA : Il s’agit de l’EBE (Excédent Brut d’Exploitation). Contrairement à l’Ebit, l’Ebitda n’intègre pas les dotations aux amortissements et aux provisions pour dépréciation d’actif. L’Ebitda est souvent présenté comme le meilleur indicateur de profitabilité économique.
(4) EBIT : Il s’agit du résultat d’exploitation, c’est à dire du résultat avant prise en compte des éléments exceptionnels et financiers.
(5) Dette Nette Financière : dette à moyen et long terme impliquant des frais financiers structurels et des remboursements périodiques. L’endettement net fera le solde net entre l’endettement financier et la trésorerie (banque et valeurs mobilières de placement). Si le solde est négatif (trésorerie supérieure à l’endettement financier), on parlera de trésorerie nette positive ; s’il est positif d’endettement net. L’endettement net constitue finalement le véritable endettement extérieur de l’entreprise. Interprétation : La Dette nette reflète la structure financière d’une entreprise. Ramenée à l’Actif net ou à la Capitalisation boursière, elle est une mesure de la solvabilité et de la solidité financière de l’entreprise. Par ailleurs, une Dette nette négative signifie que la trésorerie de l’entreprise considérée est supérieure à sa Dette Nette financière.
(6) Actif Net par Action : Appelé également « Fonds propres » ou « Situation nette », l’Actif net désigne l’ensemble composé du capital et des réserves (formées par l’accumulation de bénéfices non distribués). Il est exprimé par action.
(7) Cash-Flow par Action : appelé également Marge brute d’autofinancement, le Cash-flow représente les ressources d’une entreprise disponibles pour l’investissement ou le remboursement de ses dettes. Il équivaut au bénéfice net après impôt et avant éléments exceptionnels, augmenté de la dotation aux amortissements et de la dotation aux provisions. Il permet de mesurer le cash utilisé ou procuré par les activités régulières d’une société. Il mesure ainsi sa capacité à générer des flux de bénéfices hors activités exceptionnelles et non récurrentes.
[29] Eun et al. (1996)
[30] Loderer et Martin (1992)
[31] Un contrat par lequel une (ou plusieurs) personne(s) (le principal) engage(nt) une autre personne (l’agent) pour exécuter en son nom une tâche quelconque qui implique une délégation d’un certain pouvoir de décision à l’agent. (Jensen et Meckling, 1976)
[32] Une entreprise est qualifiée de familiale lorsqu’elle remplit les conditions suivantes :
- Lorsqu’un groupe familial, bien que détenant seulement une minorité supérieure à 10% des droits de vote, exerce une influence directe ou indirecte sur le management ou sur le contrôle de l’entreprise (président-directeur général, directeur général, directeur fonctionnel, directeur ou membre dans le conseil d’administration;
- Lorsqu’un groupe familial détient plus de 50 % des droits de vote au sein de l’assemblée générale, qu’il exerce
directement des fonctions de direction et du contrôle ou non. (CHAARANI, 2009)
[33] C’est le cas par exemple de la brasserie belge Inbev qui a fait une offre de 47 milliards de dollars pour racheter son concurrent américain Anheuser Busch. Ce dernier ayant rejeté l’offre, Inbev tente de dissoudre le conseil d’administration de sa cible.
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