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La prise en charge interculturelle des patients atteints de schizophrénie : l’importance de la culture dans la relation soignant-soigné en psychiatrie

 

Sommaire

Résumé / Abstract 2

  1. INTRODUCTION 3
  2. SITUATION D’APPEL ET QUESTIONNEMENT 4
  • CADRE CONCEPTUEL 5
  1. La culture 5
  2. Les soins : cadre législatif régissant le métier d’infirmier 7
  3. Culture soignante : prendre soin 8
  4. Problématique, question de recherche 9
  5. PROJET D’INTERVENTION : ENQUÊTE DE TERRAIN 11
  6. Présentation du dispositif et des modalités d’enquête 11
  7. Analyse des données recueillies 12
  8. ARGUMENTATION : SYNTHÈSE, LIMITES, APPORTS 17
  9. Synthèse 17
  10. Limites 17
  11. Apports 17
  12. CONCLUSION 19

BIBLIOGRAPHIE 20

ANNEXES 21

 

 

 

Résumé

 

Ce mémoire de fin d’études s’intéresse aux différents freins liés à la différence culturelle entre le soignant et le soigné, dans le cadre de la prise en charge d’un patient présentant une culture différente que l’infirmier et souffrants d’une maladie mentale, notamment la schizophrénie.

 

Dans un premier temps, le concept de culture est abordé et a permis de ressortir le fait que le patient est conditionné par son environnement culturel, et que celui-ci pourrait entraver le bon déroulement et la continuité de son traitement, d’où la nécessité de s’intéresser à l’approche interculturelle de la maladie mentale.

 

Un survol du cadre législatif de l’exercice du métier d’infirmier a également permis de tenir compte de l’importance de considération du patient dans sa globalité, et de ne pas négliger sa culture. Il convient alors de prendre soin du patient en lui portant de l’intérêt.

 

Dans un second temps, une enquête est présentée afin de mettre en évidence la nécessité pour les professionnels de la santé de prendre en compte la culture du patient souffrant de maladie mentale, et d’adapter la communication et l’approche à cette culture. Ceci afin de faire adhérer le patient au soin adapté de la meilleure manière possible.

 

Cette méthode ne pourra être réalisée que si ces soignants ne disposent pas d’une bonne connaissance en matière de culture, et principalement en matière d’ethnopsychiatrie. Il a alors été relevé que la réussite de la prise en charge d’un schizophrène dépend de la relation entretenue entre ce dernier et son infirmier.

 

Abstract

 

This fine dissertation deals with different brakes related to cultural differences between the caregiver and care, as part of a patient care with a different culture than the nurse and suffering of mental illness, including schizophrenia.

 

Initially, the concept of culture is approached and helped out the fact that the patient is conditioned by his cultural environment, and that this could impede the smooth running and continuity of treatment, hence the need to focus on the intercultural approach of mental illness.

 

An overview of the legislative framework of the exercise of the nursing profession also allowed to consider the importance of patient consideration in its entirety, and not to neglect his culture. It should then take care of the patient wearing her interest.

 

Secondly, an investigation is presented to highlight the need for healthcare professionals to take into account the patient’s culture, mental illness, and to adapt the communication and approach to this culture. In order to adhere, the patient care adapted in the best way possible.

 

This method can only be achieved if these caregivers have a good knowledge on culture, mainly in ethnopsychiatric. It was then noted that the successful management of a schizophrenic depends on the relationship maintained between him and his nurse.

 

 

 

  1. INTRODUCTION

 

Prendre soin d’un patient qui présente une culture différente de celui du soignant est un sujet important qui mérite une grande attention au sein des centres médicaux et des cliniques. En effet, ces endroits sont destinés à recevoir toutes sortes de patients quelles que soient leur origine, leur nationalité, et leurs cultures. Nous pouvons alors affirmer que le multiculturalisme est bien présent au sein des hôpitaux.

 

Cependant, ce concept n’est pas toujours appréhendé dans le milieu professionnel de la santé, car il n’est pas toujours évident de prendre en charge un patient présentant une culture différente et de réussir à la faire adhérer aux soins. Et même si dans certains cas, le patient accepte de suivre le traitement qui lui a été prescrit, ses proches, qui ne voient aucun intérêt à adopter une approche différente de leur croyance et de leur culture, se présenteront comme un obstacle à la réussite de la prise en charge.

 

Face à ce contexte, nous avons décidé de prendre en considération la place et la portée de la culture dans la prise en charge d’un patient, qui est notamment atteinte de maladie mentale. Dans le présent mémoire, nous étudierons particulièrement le cas d’un patient d’origine maghrébine qui souffre de schizophrénie.

 

Ainsi, le plan suivant sera alors abordé :

  • Présentation de la situation d’appel et du questionnement ;
  • Présentation du cadre conceptuel ;
  • Présentation de l’enquête réalisée ; et
  • Présentation de la synthèse.

 

 

  1. SITUATION D’APPEL ET QUESTIONNEMENT

 

Tous les patients qui sont admis au centre médical psychiatrique bénéficient d’un soin et d’un traitement spécifiques en fonction du type de maladie qu’ils présentent. Dans notre cas, nous allons nous intéresser à la schizophrénie. Cette dernière a la particularité d’affecter les sentiments et les émotions de la personne atteinte, et peut également impacter les proches du patient.

 

Lorsque les soins adaptés sont attribués au patient et le traitement défini est bien suivi, des améliorations de la santé du patient peuvent être constatées rapidement. Cependant, il convient de préciser la réussite ne dépend pas uniquement des soignants et aides-soignants du centre médical, car c’est aux proches du patient de veiller à ce que celui-ci prenne bien ses médicaments, une fois arrivé chez lui.

 

Or, certaines personnes sont réticentes à l’idée du fait que la schizophrénie puisse être traitée par voie médicale. En effet, elles pensent qu’il s’agit d’un problème présentant un aspect surnaturel et qu’un être humain ne pourra pas résoudre. Ces croyances sont notamment constatées auprès des personnes qui sont très impliquées dans la religion.

 

Ainsi, bien que les responsables de la santé proposent des traitements permettant au patient de guérir, si les proches de ce dernier ne sont pas prêts à lui faire suivre ce traitement, aucun résultat ne pourra être constaté. La culture joue alors un rôle important dans le soin des patients.

 

C’est la raison pour laquelle nous avons choisi de nous intéresser au sujet en nous référant au cas d’un patient d’origine maghrébine qui rencontre des difficultés car ses parents, religieux très pratiquants, ne souhaitent plus qu’il poursuive son traitement.

 

Comment la culture peut alors entraver la prise en charge d’un patient et comment doit-on l’allier aux soins ?

 

 

 

 

III. CADRE CONCEPTUEL

 

  1. La culture

 

  1. Définition de la culture

 

De nombreux auteurs et de nombreuses sources apportent une définition de la culture, et Edward Burnett Tylor la qualifie comme un « ensemble complexe qui englobe des notions, des connaissances, les croyances, les arts, la morale, les lois, les coutumes, et toute autre capacité et habitudes acquises par l’Homme en tant que membre de la société »[1].

 

Au vu de cette définition, nous pouvons constater que la culture représente alors toute la personnalité et l’être d’une personne. C’est la culture qui va influencer une personne et qui va diriger sa manière de penser et d’agir.

 

La culture est toutefois un élément qui n’est pas inné chez une personne, elle est acquise : auprès de la société, en apprenant à l’école, en travaillant, ou en s’informant.

 

Deux (02) types de culture sont alors relevés :

 

  • La culture individuelle :

Elle est propre à chaque individu. La culture individuelle résulte du fait que la personne a construit ses connaissances de manière personnelle. Ce qui lui permet par la suite d’avoir une culture générale. Elle a désormais une connaissance portée sur certains faits et sur certains sujets. Cette culture individuelle va également l’influencer dans son comportement, son point de vue, et ses prises de décisions. Ce type de culture évolue de manière rapide en fonction de la connaissance acquise par la personne.

 

  • La culture collective :

Elle correspond à la culture d’une société ou d’une collectivité au sein de laquelle appartient un individu. Ce second type de culture permet à ce dernier d’avoir des repères ainsi qu’une identité, car une personne est toujours amenée à vivre en société, et par conséquent, doit être représentée. La culture collective évolue également, mais à une vitesse plus lente que la culture individuelle, compte tenu du fait qu’elle doit être acceptée par tous.

 

Étant donné que l’individu représente un membre d’une société, il est important d’analyser son identité et son lien avec la culture. Pour ce faire, nous allons nous référer à la définition de l’identité selon P. Tap : « L’identité est un ensemble de sentiments et de représentation qu’une personne développe à son sujet »[2].

 

L’identité représente alors pour une personne un moyen de se singulariser, mais également de s’unifier. C’est également l’élément qui lui permet de se reconnaitre et d’être reconnu. Cette identité ne peut donc pas être ignorée lorsqu’il s’agit d’analyser la culture d’un individu.

 

Ainsi, nous pouvons en conclure que la prise en compte de la culture d’un patient revient à prendre en compte son identité individuelle, et dans le cas contraire, si la culture de celui-ci n’est pas considérée, son identité individuelle est pareillement ignorée. Or, une négligence de l’identité d’un patient pourrait entrainer des conséquences graves à l’adhésion thérapeutique. D’où la nécessité de tenir compte de la culture du patient, mais également de celle de ses proches dans le cadre d’un traitement d’un trouble psychiatrique.

 

  1. Approche interculturelle de la maladie mentale

 

La maladie mentale résulte d’un déséquilibre entre les exigences d’un individu et celles de son environnement[3]. Ces exigences sont à la fois conscientes et inconscientes. Les troubles ressentis par le patient sont d’ordre psychologique et psychiatrique, et l’évolution de la maladie mentale diffère d’un pays à l’autre. Cette situation s’explique par le fait que la maladie est également influencée par l’environnement social et culturel du patient.

 

Il est alors indispensable pour l’aide-soignante de cerner l’environnement culturel du patient lors du traitement de sa maladie mentale, et ce, afin de mieux appréhender le poids de la culture sur le patient, et par conséquent de lui proposer le traitement adéquat. D’un point de vue plus général, la maladie mentale est associée à deux (02) facteurs :

  • L’insensé : le patient ne présente pas de forme d’intelligence, cependant, il ne représente pas une menace pour la société ; et
  • La dangerosité : certains patients peuvent représenter un danger pour la société compte tenu du fait qu’ils ne sont plus habitués à la vie sociale.

 

La maladie mentale est également liée aux croyances, et c’est la raison pour laquelle il est important de tenir compte de l’origine du patient lors de son traitement. Comme le patient qui fait l’objet de notre étude est d’origine maghrébine, il convient d’aborder la perception de la maladie mentale au Maghreb. Pour les originaires de la région, la maladie mentale est due à des faits surnaturels tels que la sorcellerie. Ainsi, la folie n’est en aucun cas considérée comme une maladie pouvant être traitée par un soignant.

 

Afin de pouvoir mieux approcher le patient, nous avons décidé de nous intéresser à l’ethnopsychiatrie qui se porte sur les désordres psychologiques en lien avec leur contexte culturel, mais également avec les manières culturelles d’interpréter le traitement de la maladie, du mal et du malheur[4]. Elle tient également compte du parcours migratoire du patient, car ce sont généralement les migrants qui ont connu une rupture avec leur société qui connaissent le plus de souffrances.

 

La maladie mentale est alors exprimée différemment en fonction de la culture d’origine et de la migration du patient. Les types de manifestations qui ont été relevés sont présentés dans le tableau ci-dessous.

 

Tableau 1 : Les formes d’expression transculturelles (Source : adapté à partir de la Revue de référence aide-soignante)

 

Types de manifestation Détails
Désordres affectifs et troubles névrotiques Principaux troubles évoqués : inquiétude, angoisse, troubles du sommeil

Possibilité de présence d’hostilité, de nervosité et d’impulsivité

Dépendance alcoolique fréquente chez les hommes

Expression accentuée de la culpabilité et de la honte

Dépression

Troubles psychotiques Délire pouvant provoquer des manifestations spécifiques
Troubles post-traumatiques Constatés généralement auprès des personnes ayant été témoins d’une guerre dans leur pays
Troubles psychosomatiques Seul moyen d’expression du mal-être physique : plainte somatique

 

Face à ces manifestations, les approches thérapeutiques de la maladie mentale varient en fonction de l’origine du patient. Au Maghreb, ainsi qu’en Afrique subsaharienne, elle est considérée comme faisant partie intégrante de la vie. Par conséquent, les proches du malade préfèrent s’adresser à un guérisseur plutôt que de le faire traiter en clinique.

 

En fonction de la perception des causes de la maladie mentale, il existe trois (03) approches thérapeutiques :

 

Tableau 2 : Les approches thérapeutiques de la maladie mentale (Source : adapté à partir de la Revue de référence aide-soignante)

 

Approches thérapeutiques Détails
Approche séculière Perception de la maladie mentale comme un déséquilibre à identifier entre les humeurs du corps humain et leurs qualités
Approche scientifique Émergence des différents courants de pensée de la psychiatrie avec les facteurs favorisants et les modalités de traitement des maladies
Approche religieuse et spirituelle Maladie mentale : résultat d’un déséquilibre entre l’âme et l’esprit

Recours à un guérisseur pour rétablir l’équilibre entre le monde visible et invisible

 

Le cas du patient maghrébin qui fait l’objet de notre étude correspond à l’approche religieuse et spirituelle, compte tenu du fait que ses parents ne souhaitent plus qu’il poursuive le traitement qui lui a été attribué par les soignants, d’autant plus qu’ils pratiquent la religion.

 

 

  1. Les soins : cadre législatif régissant le métier d’infirmier

 

  1. Considération du patient dans sa globalité

 

Notre profession est régie par un cadre législatif auquel il convient de se référer dans toutes les circonstances. Dans la recherche de la meilleure manière d’allier les soins à la culture d’un patient, nous avons considéré en premier l’article R4311-2 du Code de la santé publique qui précise que les soins infirmiers doivent être réalisés « dans le respect des droits de la personne, dans le souci de son éducation à la santé et en tenant compte de la personnalité de celle-ci dans ses composantes physiologique, psychologique, économique, sociale et culturelle ».

Ainsi, le soignant, en apportant des soins à un patient, ne se limite pas uniquement à l’aspect physiologique et psychologique de ce dernier, même si l’on a tendance à croire que c’est principalement sur ces deux éléments que les soins interviennent. L’environnement culturel de la personne à qui les soins sont conférés doit alors être considéré et respecté non seulement parce que c’est indiqué dans les textes qui régissent la profession, mais surtout parce que la prise de connaissance de cette culture pourrait aider à mieux aborder le patient et à mieux adapter les soins pour assurer plus d’efficacité.

 

Le soignant doit de ce fait considérer le patient dans sa globalité lorsqu’il lui apporte des soins infirmiers. De plus, il doit aussi veiller à entretenir une bonne relation avec le patient, et le fait de comprendre sa culture y contribue de manière considérable.

 

  1. Traitement égalitaire de tous les patients

 

L’article R4312-25 du Code de la santé publique stipule également que dans l’exercice de sa profession :

 

« L’infirmier ou l’infirmière doit dispenser ses soin à toute personne avec la même conscience (…) quels que soient l’origine de cette personne, son sexe, son âge, son appartenance ou non-appartenance à une ethnie, à une nation ou à une religion déterminée, ses mœurs, sa situation de famille, sa maladie ou son handicap et sa réputation. »

 

Nous pouvons lors retenir que le soignant est dans l’obligation de traiter avec le même égard tous les patients qui sont placés sous sa responsabilité, et ce, quelle que soit sa religion et sa culture. Dans un souci d’apporter plus de lumière au sujet, nous avons jugé opportun de souligner que :

 

  • Le fait de traiter de manière égalitaire tous les patients signifie que le soignant ne doit pas se laisser influencer par le fait que le patient soit d’une culture différente des autres qu’il doit moins s’intéresser à celui-ci. Pour illustration, nous allons considérer le cas de notre patient dont la famille ne croit pas en l’efficacité du traitement et des soins prescrits par le centre médical psychiatrique du fait de sa religion et de ses croyances. Le soignant ne doit alors pas se laisser influencer par ces croyances pour abandonner le patient. Au contraire, il doit trouver la meilleure approche pour permettre à ce dernier de se rétablir.

 

  • Le soignant doit toujours tenir compte du patient dans sa globalité, et par conséquent de sa religion et de sa culture afin d’adapter l’approche et les soins à sa position.

 

 

  1. Culture soignante : prendre soin

 

  1. Porter de l’intérêt au patient

 

La notion « prendre soin » se rapporte au fait d’agir envers une personne avec attention et sollicitude[5]. Être soignant revient à prendre soin du patient, et cette action doit alors être effectuée avec attention et sollicitude. Pour ce faire, il est impératif de porter de l’intérêt au patient, action qui se traduit par le fait de :

  • Apporter au patient les soins adéquats ;
  • Considérer le patient comme un sujet dans la relation de soin ; et
  • Faire preuve de considération et de respect pour le patient.

 

Le soignant est alors plus qu’une personne qui réalise un acte de soin, car il est animé et motivé par une volonté de s’occuper de son patient, de tenir compte de ce que ce dernier, ainsi que sa famille, traversent dans le cadre de la maladie, afin de le partager avec eux.

 

  1. Prendre soin d’un patient d’une culture différente

 

Le patient est une personne qui se rend au centre médical pour recevoir des soins, car il est malade. Il est ainsi contraint de rester dans un endroit que ne lui est pas agréable et qui de plus l’angoisse, car il ignore ce qui l’attend (les diagnostics qui seront effectués sur lui, les conclusions quant à sa maladie, le traitement et les interventions qu’il pourrait subir…). Afin de réduire cette peur qui l’envahit, il se fie à son comportement d’origine, à sa culture, afin d’avoir des repères.

 

Il en est de même pour les proches du patient qui est venu le soutenir. En fonction de leur culture, la représentation de la maladie mentale diffère, comme il a été évoqué dans les parties précédentes.

 

Cette représentation de la maladie par le patient et ses proches pourrait influer sur leur adhésion au traitement prescrit au patient. Tel est le cas de notre patient qui s’est vu interdit de la poursuite de son traitement car ces proches avaient une autre vision de sa maladie, de ses causes et de la solution à adopter, qui était loin de correspondre au traitement prescrit par le centre.

 

Parfois, le patient peut avoir une culture très différente qui laisse à croire au soignant qu’il est étrange. Pourtant, le soignant ne doit pas considérer cette différence de culture comme une barrière, et doit communiquer clairement au patient en argumentant sur la nécessité du soin afin que celui-ci adhère.

 

 

  1. Problématique, question de recherche

 

Dans un contexte de prise en charge d’un patient de culture différente, nous avons constaté que l’adhésion du patient à un soin et à un traitement dépend de la qualité de la communication établie entre le soignant et le soigné.

 

Ainsi, nous avons décidé de formuler notre question de recherche comme suit :

 

« En quoi l’interculturalité peut-elle influencer le prendre soin dans la relation soignant-soigné ? »

 

Pour répondre à la question, nous avons décidé de réaliser une enquête auprès de professionnels de la santé qui sont spécialisés en psychiatrie, et en services traditionnels.

 

Afin de fonder notre étude, et à partir des éléments que nous avons pu voir dans les parties précédentes, nous formulons l’hypothèse suivante :

 

H : La connaissance de la culture du patient permet d’influencer le prendre soin dans la relation soignant-soigné.

 

 

 

 

 

 

  1. PROJET D’INTERVENTION : ENQUÊTE DE TERRAIN

 

  1. Présentation du dispositif et des modalités d’enquête

 

  1. Choix et construction de l’outil d’enquête

 

Notre enquête a été réalisée sous-forme de questionnaire. L’objectif étant de comprendre la prise en charge des patients présentant une culture différente auprès des différents services des centres de soins, la construction du questionnaire s’est déroulée comme suit : nous avons commencé par aborder toutes les questions se rapportant au sujet. Ensuite, nous avons regroupé les sujets en un thème en fonction du contexte.

 

La dernière étape a été la formulation des questions pour constituer le questionnaire. Les questions ont été ouvertes pour certains sujets, afin d’obtenir le maximum d’information auprès des personnes enquêtées. Certaines questions, nécessitant plus de précisions sont fermées, mais avec demande de justification. Ainsi, la démarche a été réalisée comme suit :

 

Figure 1 : Étapes de construction de l’outil d’enquête

 

 

Le questionnaire est présenté en Annexes[6], et les thèmes qui ont été définis sont les suivants :

  • La prise de connaissance du professionnel de la santé ;
  • La prise en charge de patients ;
  • La prise en charge de patients souffrant de schizophrénie ;
  • La prise en charge de patients de culture différente ;
  • La prise en charge de schizophrènes de culture différente ; et
  • La formation particulière dans la prise en charge de maladie mentale de patients de culture différente.

 

  1. Choix du lieu et de la population

 

Le sujet de notre étude se porte sur l’interculturalité de la maladie mentale, notamment la prise en charge des patients de culture différente. Il nous a alors paru opportun de nous intéresser aux professionnels de la santé œuvrant en psychiatrie, ainsi qu’en services traditionnels.

Ainsi, le questionnaire a été diffusé auprès de 50 infirmiers dont :

  • 25 en service de psychiatrie ;
  • 10 en service de consultation ;
  • 5 en service de gérontologie ;
  • 5 en service de chirurgie digestive ; et
  • 5 en service de traumatologie.

 

 

  1. Modalités de réalisation

 

Les questionnaires ont été diffusés auprès des professionnels de la santé suivant l’organisation suivante :

  • Envoi des questionnaires en fichier Word par voie électronique auprès de la majorité des personnes à enquêter avec précision de la date de retour ;
  • Réalisation de l’enquête de manière directe auprès de certains infirmiers ;
  • Réalisation de l’enquête par téléphone et via d’autres outils de communication auprès de certains infirmiers.

 

Tableau 3 : Répartition des modalités de réalisation de l’enquête

 

Modalité de l’enquête Effectif
Par voie électronique 70%
Enquête directe (face à face) 20%
Autres (téléphone, outils de discussion instantanée) 10%

 

 

  1. Traitement des données recueillies

 

Une fois tous les questionnaires remplis, le traitement des données s’est organisé comme suit :

  • Transcription des résultats dans un tableau permettant de mettre en évidence chaque élément (sujet) du questionnaire ;
  • Regroupement des réponses par thèmes, puis par sujet ;
  • Regroupement des réponses par personne enquêtée ; et
  • Regroupement des réponses par service concerné.

 

Cette démarche nous a permis d’avoir une vision sur le sujet dans tous ses aspects, et par conséquent, de mieux appréhender la situation en matière de prise en charge des patients souffrant d’une maladie mentale et présentant une culture différente.

 

 

  1. Analyse des données recueillies

 

  1. Prise de connaissance du professionnel de la santé

 

La prise de connaissance du professionnel de la santé consiste à connaitre son âge, son parcours professionnel, ainsi que la durée de ses expériences. L’enquête a relevé les faits suivants :

  • Les professionnels de la santé sont âgés de 23 ans à 60 ans, avec un âge moyen de 43 ans.
  • En ce qui concerne le parcours professionnel, 40% d’entre eux sont restés au même service depuis leur entrée dans le monde professionnel tandis que 60% ont pu travailler au sein d’autres services.
  • En matière d’expériences professionnelles, la durée varie entre 1 an et 33 ans avec une moyenne de 16 ans et 6 mois.

 

La synthèse des résultats est présentée en Annexes[7].

 

  1. Prise en charge de patients

 

Il a été constaté que, d’après les résultats du questionnaire, la prise en charge de patients diffère en fonction de la pathologie, car chaque patient présente une pathologie différente. En ce qui concerne la prise en charge des patients psychotiques :

  • 70% des infirmiers ont rencontré des difficultés dans la prise en charge ; et
  • 30% des infirmiers n’ont rencontré aucune difficulté.

 

Les difficultés rencontrées par les soignants sont alors répartis comme suit :

 

Figure 2 : Répartition des difficultés rencontrées lors de la prise en charge de patients psychotiques (Source : Obtenue à partir des résultats du questionnaire)

 

 

 

 

  1. Prise en charge de patients souffrant de schizophrénie

 

Lors de la prise en charge de patients souffrants de schizophrénie, 50% des soignants enquêtés n’ont ressenti aucun affect tandis que l’autre moitié a ressenti des affects. Les affects ressentis sont dus :

  • À un manque d’expérience pour 40% des soignants ;
  • À la prudence pour 20% des soignants ; et
  • À la crainte pour 10% des soignants.

 

En ce qui concerne l’importance de la surveillance :

  • 50% des professionnels ont jugé que le niveau de surveillance était le même que pour celui d’un patient normal ;
  • 50% ont jugé la surveillance importante.

 

  1. Prise en charge de patients de culture différente

 

En matière de prise en charge de patients de culture différente, la moitié des professionnels enquêtés accordent le même traitement aux patients de culture différente et aux patients qui partagent leur culture, tandis que l’autre moitié explique la nécessité de s’adapter à la culture du patient et de lui accorder une prise en charge individualisée.

 

Toutefois, la totalité des professionnels de la santé ont admis l’existence de difficultés lors de la prise en charge de ces patients, et elles sont présentées dans le graphique ci-dessous.

 

Figure 3 : Difficultés rencontrées lors de la prise en charge de patients de culture différente (Source : Obtenue à partir des résultats du questionnaire)

 

 

 

Ainsi, le langage représente la première barrière en matière de traitement de patients de culture différente. Le manque de connaissance et l’inadéquation de la nourriture proposée au sein du centre médical avec la culture des patients sont également des difficultés rencontrées par les soignants. Enfin, la non-maitrise de l’ethnopsychiatrie et l’inadéquation des soins à la religion sont aussi perçues comme des difficultés.

 

  1. Prise en charge de schizophrènes de culture différente

 

La prise en charge d’un schizophrène de culture différente est perçue et réalisée différemment par les professionnels de la santé. Si 20% des soignants considèrent leurs interventions comme une réussite, les 80% restants estiment qu’il est difficile d’apprécier la réussite d’une prise en charge et le mieux serait de se référer aux objectifs fixés.

 

Le graphique ci-dessous représente alors les moyens mises en place par les soignants afin d’atteindre les objectifs fixés lors de la prise en charge de schizophrènes de culture différente.

 

 

 

Figure 4 : Moyens mis en œuvres lors de la prise en charge des schizophrènes de culture différente (Source : Obtenue à partir des résultats du questionnaire)

 

 

 

Ainsi, le principal élément qui permet aux soignants de mieux prendre en charge les patients de culture différente qui sont atteints de schizophrénie est l’instauration d’une relation de confiance entre le soignant et le soigné. Il est également important d’accompagner le patient et de tenir compte de sa religion et sa culture.

 

Sur le plan organisationnel, l’équipe soignante doit faire preuve de professionnalisme, adopter un comportement adapté à celui des patients et fixer des objectifs à atteindre avec ces derniers.

 

  1. Formation particulière dans la prise en charge de maladie mentale de patient de culture différente

 

Lors de l’analyse des résultats de l’enquête auprès des 50 professionnels de la santé, nous avons relevé qu’aucun d’entre eux n’a bénéficié de formation particulière en ce qui concerne la prise en charge d’un patient de culture différente qui souffre de maladie mentale. Pourtant, la majorité de leur requête tend vers cette formation, ainsi que vers l’apport de plus d’informations concernant l’ethnopsychiatrie.

 

Les préconisations proposées par les professionnels de la santé sont alors présentées dans le graphique ci-dessous.

 

 

 

Figure 5 : Proposition d’amélioration de la prise en charge de patients de culture différente souffrant d’une maladie mentale (Source : Obtenue à partir des résultats du questionnaire)

 

 

 

Les principales attentes des professionnels de la santé en matière de soin des patients de culture différente se portent sur la formation, notamment en matière d’ethnopsychiatrie, ainsi que de culture et de religion. La nécessité de disposer d’un support présentant les pratiques culturelles à adopter est également exprimée.

 

Par ailleurs, l’organisation d’échanges de groupe sur des cas rencontrés permet aussi d’améliorer la prise en charge de ces patients, selon les soignants.

 

 

  1. ARGUMENTATION : SYNTHÈSE, LIMITES ET APPORTS

 

  1. Synthèse

 

Au vu de l’analyse des résultats de l’enquête qui a été réalisée auprès des  professionnels de la santé, les constats suivants ont été relevés :

 

  • Prise en charge des patients :

Chaque patient présente sa propre pathologie. Par conséquent, il convient d’adapter la prise en charge en fonction de chaque pathologie.

 

  • Prise en charge de patients souffrant de schizophrénie :

Les expériences acquises par le soignant jouent un rôle important dans sa perception du patient et dans son approche. En effet, un soignant peu expérimenté éprouvera des affects lors de la prise en charge.

 

  • Prise en charge de patients de culture différente :

Lors de la prise en charge d’un patient de culture différente, le langage représente une barrière dans la communication avec le patient, et la méconnaissance de la culture de ce dernier ne permet pas la compréhension de sa position.

 

  • Prise en charge de schizophrènes de culture différente :

Le développement d’une relation de confiance entre le soignant et le soigné est primordial dans la réussite de la prise en charge du patient. En effet, c’est grâce à cette relation que le soignant pourra être en mesure d’expliquer au patient l’importance des soins et du traitement qui lui sont prescrits, et que le patient pourra y adhérer plus facilement.

 

  • Pistes d’amélioration de la prise en charge de schizophrènes de culture différente :

Les soignants doivent en premier lieu être armés de connaissance en matière d’ethnopsychiatrie et d’approches culturelle des patients. Pour les aider, il convient d’organiser des formations ainsi que des séances de partage d’expériences. Dans les lieux de travail, il est important de mettre à disposition de ces professionnels de santé des manuels ou des guides pratiques qui leur permettent de faciliter la prise en charge et la communication avec des patients de culture différente.

 

 

  1. Limites

 

Notre étude, bien que se portant sur l’approche de patients souffrants de maladie mentale, n’a pas pu prendre en considération toutes les formes de maladie mentale existantes, ainsi que toutes les cultures et les origines des patients.

 

 

  1. Apports

 

En matière d’apports, nous avons pu apporter un éclairage quant à la situation des soignants qui sont amenés à prendre soin des patients atteints de maladie mentale. Et nous pouvons confirmer notre hypothèse de départ, car il est indispensable pour le soignant de connaitre et de comprendre la culture du patient afin de mieux communiquer avec celui-ci et d’adopter la meilleure approche dans sa prise en charge. Ce qui aura pour conséquence l’instauration d’une relation de confiance entre le soignant et le soigné, et l’adhésion de ce dernier aux soins.

 

Il en est de même pour les proches du patient avec qui, le soignant devra également développer cette relation de confiance. L’argumentation joue aussi un rôle important car l’infirmier devra justifier les soins apportés au patient auprès de ses proches en insistant sur leur efficacité et les raisons de les appliquer.

 

Ainsi, nous pouvons ajouter que dans le cadre de la prise en charge d’un patient, le soignant doit disposer des qualités suivantes :

  • Capacité à repérer les signes cliniques ;
  • Capacité d’écoute active du patient ; et
  • Capacité à se garder de toute interprétation.

 

 

 

 

  1. CONCLUSION

 

En guise de conclusion générale, nous avons pu constater à travers les études théoriques que la culture joue un rôle indispensable dans la relation entre le soignant et le soigné lorsque ce dernier présente une culture différente. Cette différence de culture a pour conséquence le fait que la perception du patient en ce qui concerne sa maladie mentale, les causes et les solutions qu’il devrait adopter pour guérir sont différents de ce que lui proposera le soignant.

 

C’est alors au soignant de trouver la meilleure approche pour faire adhérer les soins à son patient, et pour cela, il devra considérer ce dernier dans sa globalité. Ce qui implique une prise en compte de sa culture. C’est grâce à la compréhension de la situation culturelle de l’individu que le soignant pourra mieux communiquer avec lui et le convaincre à adopter les soins qui lui sont prescrits.

 

L’enquête auprès des professionnels de la santé œuvrant en psychiatrie et en services traditionnels nous a permis de réaliser que ces soignants éprouvent un besoin important d’accompagnement en matière d’ethnopsychiatrie et de pratiques culturelles, car ils sont également conscients du fait que la connaissance de la culture du patient leur permettra de le faire adhérer aux soins et de développer une vraie relation de confiance entre soignant et soigné.

 

Ainsi, nous formulons la question suivante :

 

Comment mettre en place un système de formation efficace en matière d’ethnopsychiatrie et de culture dédiée aux soignants ?

 

 

 

 

BIBLIOGRAPHIE

 

 

  • Catherine Lepain, L’approche culturelle en soins infirmiers pour les patients musulmans maghrébins relevant des soins palliatifs, Recherche de soins infirmiers N°72, mars 2003
  • Georges Devereux, Essais d’ethnopsychiatrie générale, Gallimard, 1970
  • Hamid Salmi et Catherine Pont-Humbert, Ethnopsychiatrie : Cultures et thérapies, Vuibert, 2004
  • Jean-Marc Lebret, Réflexion philosophique sur la relation soignant/soigné, Cadre de santé, 2015
  • Margot Phaneuf, La communication et la relation soignant-soigné. Vers l’utilisation thérapeutique de soi, Infiressources, 2012
  • Migrations, vulnérabilités, et santé mentale, Cultures&Santé ASBL, n°13, Janvier 2015
  • Myriam Héron, Accompagner les patients de cultures différentes, La Revue de référence aide-soignante, 2010, p.7
  • Robert Lowrie, Edward B. Tylor, American Anthropologist, New Series Vol. 19, n° 2, 1993
  • TAP P. cité par VORNAX N., FARMAN P., Soignés, soignants et représentations au pluriel : de la reconnaissance dans l’approche interculturelle de soins. Perspectives soignantes, Septembre 2008, n°32
  • Vigil-Ripoche Ma, Caring et care, prendre soin et soin. In : Les concepts en sciences infirmières, ARSI. Mallet-Conseil, 2009

 

 

 

Annexes

 

Annexe 1 : Questionnaire adressé aux professionnels de la santé……………………………22

Annexe 2 : Synthèse de la prise de connaissance des professionnels de la santé…………….23

 

 

 

 

Annexe 1 : Questionnaire adressé aux professionnels de la santé

 

 

1/ Pouvez-vous vous présenter brièvement ? Votre âge ? Votre parcours professionnel ? Depuis combien d’années êtes-vous diplômé ?

 

2/ D’après vous, les prises en charges des patients diffèrent-elles en fonction de la pathologie?

Relance : La prise en charge des patients psychotiques est-elle plus compliquée que celle d’autres pathologies ?

 

3/ Avez-vous des affects spécifiques dans le cas de la prise en charge de patients souffrant de schizophrénie ?

Relance : La surveillance est-elle plus importante que celle d’autres patients ? Si oui, de quelle manière s’effectue cette surveillance ?

 

4/ La prise en charge d’un patient de culture différente est-elle la même que pour un patient de votre culture ?

Relance : À quels types de difficultés avez-vous fait face ?

 

5/ Pouvez-vous nous résumer la prise en charge d’un schizophrène de culture différente au sein de votre service ?

Relance : Par quels moyens pensez-vous réussir la prise en charge ?

 

6/ Avez-vous bénéficié d’une formation particulière pour la prise en charge de maladie mentale chez les patients de culture étrangère ?

Relance : Que proposeriez-vous pour améliorer la prise en charge des patients de culture étrangère ?

 

 

 

Annexe 2 : Synthèse de la prise de connaissance des professionnels de la santé

 

 

  • Tableau de synthèse de l’âge des professionnels de la santé

 

Age 23 à 30 ans 31 à 40 ans 41 à 50 ans 51 à 60 ans TOTAL
Effectif 10 5 20 15 50
% 20% 10% 40% 30% 100%

 

 

  • Tableau de synthèse du parcours professionnel des professionnels de la santé

 

Parcours Même service Services différents TOTAL
Effectif 20 30 50
% 40% 60% 100%

 

 

  • Tableau de synthèse de la durée de l’expérience professionnelle

 

Durée 1 à 10 ans 11 à 20 ans 21 à 30 ans 31 à 33 ans TOTAL
Effectif 20 10 15 5 50
% 40% 20% 30% 10% 100%

 

 

[1] Robert Lowrie, Edward B. Tylor, American Anthropologist, New Series Vol. 19, n° 2, 1993

[2] TAP P. cité par VORNAX N., FARMAN P., Soignés, soignants et représentations au pluriel : de la reconnaissance dans l’approche interculturelle de soins. Perspectives soignantes, Septembre 2008, n°32

[3] Myriam Héron, Accompagner les patients de cultures différentes, La Revue de référence aide-soignante, 2010, p.7

[4] Georges Devereux, Essais d’ethnopsychiatrie générale, Gallimard, 1970

[5] Vigil-Ripoche Ma, Caring et care, prendre soin et soin. In : Les concepts en sciences infirmières, ARSI. Mallet-Conseil, 2009

[6] Cf. Annexe 1

[7] Cf. Annexe 2

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