LA TELEVISION ET LA REVOLUTION ROUMAINE DE 1989
LA TELEVISION ET LA REVOLUTION ROUMAINE DE 1989
PLAN DETAILLE
Introduction
- Inconvénients dans le tournage en direct
- Tendance à l’émotionnel plutôt qu’à la réflexion
- Qualité des informations
- Absence de préparation
- Fiabilité des sources
- Influences politiques
- Rôle des médias
- Diffusion d’images
- Choix des images diffusées
- Répétition d’images
- Témoignages
- Diversion
- Créer des problèmes puis offrir des solutions
- Les témoins
- Diffusion d’images
- Méthodes de communication des informations
- Désinformation
- Définition
- Cas typiques de désinformation
- Dramatisation
- Les faux
- Désinformation
- La course au scoop
- Cas de la révolution roumaine de 1989
- Ne dire qu’une partie de la vérité
- Donner à certaines informations une importance ou un poids très différent de leur poids réel
- Mensonge ou Invention
- Mensonge par omission
- Les rumeurs
Conclusion
Bibliographie
Introduction
Une série d’émeutes et de protestations marque la révolution roumaine en décembre 1989. La population roumaine était mécontente de sa situation, ce qui était le cas dans la majorité des pays de l’Europe de l’Est. A cause du remboursement de la dette extérieure par l’exportation de la production agricole combiné à des projets de constructions surdimensionnées, la politique économique de Ceausescu devenait inacceptable pour la population roumaine. Cette dernière s’appauvrissait tandis que la liberté d’opinion était limitée par la police secrète (Securitate). Tous ces motifs ont poussé la population roumaine à la révolte. Après la chute du mur de Berlin, nombreux pays de l’Est ont renversé les régimes en place au cours de l’automne et l’hiver 1989-1990, y compris la Roumanie. Mais parmi ces révolutions, seule la sienne a été très sanglante. En effet, le régime de Nicolae Ceausescu a été renversé tandis que le dictateur exécuté. Le bilan des morts et des blessés n’en est pas moins considérable : 1104 morts en totalité dont 564 à Bucarest, 93 à Timişoara 90 à Sibiu, 66 à Braşov et 26 à Cluj-Napoca contre 3 321 blessés dont un peu plus de la moitié à Bucarest (1761).
Des opinions divergentes ne cessent d’interpréter l’évolution de la situation à Roumanie, tentant ainsi de déterminer la nature exacte des évènements. Les explications sont fortement controversées, allant de la révolte spontanée de la population au coup d’État interne monté par des dirigeants du Parti communiste roumain avec l’aide de services secrets étrangers et accompagné d’une manipulation médiatique. Des analystes se demandent alors si les médias n’ont pas joué un rôle dans cette révolution qui s’est faite dans le sang. Si tel est le cas, la problématique posée cherche à identifier les moyens et la façon par lesquels les médias ont influencé la révolution roumaine de 1989, plus particulièrement la télévision. Des comparaisons entre ce qui a été montré à la télévision et ce qui c’est passé en réalité vont contribuer dans les recherches. Et pour résoudre la problématique posée précédemment, trois hypothèses relatives aux dangers nés du tournage en direct, à l’influence des images et des discours médiatiques agressifs sur le public et à la nature des informations diffusées seront traitées. Par conséquent, l’étude s’étendra sur trois parties : la première partie traitera des inconvénients dans le tournage en direct, la deuxième partie analysera le rôle des médias au cours de cette révolution et la troisième partie démontrera l’impact des moyens de communication des informations sur le public.
- Inconvénients dans le tournage en direct
La première critique portée à l’encontre de la télévision au cours de la révolution roumaine de 1989 concerne les inconvénients résultant du tournage des scènes en direct. La télévision a contribué à l’évolution des manifestations par le tournage en direct. Ce dernier présente effectivement des dangers pour les téléspectateurs car la qualité des informations communiquées laisse à désirer mais, surtout, l’information et l’image en temps réel empêchent toute prise du recul et toute réflexion pour les téléspectateurs, les privant ainsi du correctif nécessaire.
- Tendance à l’émotionnel plutôt qu’à la réflexion
Le danger du tournage en direct se situe au niveau de la perception des informations diffusées auprès des téléspectateurs. En effet, en sachant que c’est du direct, les téléspectateurs sont convaincus de la véracité des images diffusées, de l’absence de trucage et assimilent immédiatement ce qu’ils voient et ce qu’ils entendent. Ils ne raisonnent plus de façon rationnelle mais se laissent submerger par les émotions qui les envahissent en voyant les images. Faire appel à l’émotionnel est une technique classique pour court-circuiter la logique rationnelle, et donc le sens critique des téléspectateurs. En outre, l’utilisation du registre émotionnel permet d’accéder à l’inconscient pour y implanter des idées, des désirs, des peurs, des pulsions, ou des comportements…
Tel est le cas lors de la diffusion des événements violents successifs en Roumanie. Les téléspectateurs roumains sont choqués de voir de telles atrocités et réagissent en conséquence, sans prendre la peine d’effectuer une analyse objective de la situation. Ils ne se posent plus de questions comme : est-ce que cela s’est vraiment produit ? Si oui, quelles en sont les raisons ? Ces raisons sont-elles valables ou non ? Par conséquent, ces actes sont-ils répréhensibles et condamnables ou non ? Aucun n’avait pris le temps d’analyser car ils étaient tous sous le choc. La réaction immédiate reste toujours l’envie de vengeance. Restaurer la mémoire de tous ceux qui ont péri en réclamant une justice devient le principal objectif, marquant l’unicité du peuple roumain. Les téléspectateurs roumains ont oublié jusqu’à la notion de valeur de la vie humaine en pensant que celui qui est responsable de ces massacres devait périr. Ce qui fut le cas : le Conducator a été exécuté.
En bref, par le tournage en direct, la perception du public roumain ou plutôt l’opinion publique roumaine a été réorientée de façon à ce qu’elle se révolte. Même si les médias étaient assoiffés d’informations et ne pensaient pas à mal en diffusant les évènements en direct, le mal était fait puisque la répression était au cœur même de la population roumaine qui réclamait justice et vengeance. Cette dernière était trop submergée par ses émotions pour pouvoir penser rationnellement. Par ailleurs, les évènements se déroulaient rapidement et les roumains n’avaient pas le temps de prendre du recul pour réfléchir au calme à ce qui se passait autour d’eux. Ils préfèrent réagir immédiatement et condamnent toutes les atrocités qu’ils voient sans aucune analyse plus en profondeur.
- Qualité des informations
Beaucoup de personnes pensent que le tournage en direct est le meilleur moyen de réaliser une excellente communication. Selon eux, un des avantages du tournage en direct est la qualité des informations diffusées. Elles sont fiables et ne sont pas truquées, mais surtout elles sont communiquées en temps réel.
Par contre, d’autres individus dénoncent les effets néfastes de ce mode de tournage liés surtout à la qualité desdites informations. Même s’ils pensent comme les autres que ces informations sont exactes, ils pensent toutefois qu’elles peuvent être truquées. Le trucage peut être dans l’information elle-même car les sources ne sont pas fiables ou à cause de l’influence des dirigeants politiques. Cependant, il se peut que l’information soit vraie et de source sure mais la tromperie se situerait dans la manière dont les informations sont diffusée.
Le direct présente ainsi nombreux avantages mais n’en a pas moins des inconvénients. Ces inconvénients ont surtout été retracés lors de la médiatisation de la révolution roumaine de 1989. L’opinion publique a été manipulée car le tournage en direct présentait des défaillances, plus particulièrement en ce qui concerne l’absence de préparation, la fiabilité des sources et l’influence des hommes de pouvoir sur les médias.
- Absence de préparation
Le tournage en direct ne nécessite aucune préparation au préalable pour communiquer les informations. Ces dernières sont diffusées telles qu’elles sont, sans montage ou rectification des images. La conséquence en est que les images et les communiqués diffusés successivement sont perçus comme étant les reflets de la réalité par les téléspectateurs et qu’ils ne peuvent pas être remis en cause. Or, même si les informations diffusées sont la pure vérité, il arrive que la façon dont elles sont communiquées influence la perception des téléspectateurs et conduit ainsi à une déformation de la communication.
Pour le cas de la révolution roumaine de1989, la télévision s’est contentée de fournir les messages et les images les plus percutants, ceux qui angoissent, révoltent ou désespèrent. Ceci est le fruit du besoin d’audience des journalistes mais aussi le souci de générer à tout prix de l’émotion. La conséquence en est qu’à force de diffuser des atrocités et des massacres en direct à la télévision, et comme les téléspectateurs n’ont pas eu le temps d’analyser rationnellement la situation, ils se sont laissés envahir par les émotions résultant de ces images : de la pitié envers les anticommunistes massacrés, du désespoir concernant leur pays et de la révolte contre le dirigeant. Quoiqu’il en soit, l’effet de répétition de ce genre de message produit un résultat bien connu des spécialistes de la publicité : il finit par persuader la plupart des roumains que la situation est au plus mal, que la Roumanie a besoin de changements radicaux, que le dirigeant actuel est un satyre, un meurtrier, etc.
L’absence de préparation du tournage en direct a donc considérablement influencé l’évolution de la révolution roumaine de 1989. En effet, à force de diffuser continuellement des images d’atrocité et d’actes barbares, un sentiment de révolte s’est peu à peu insinué au sein de la population roumaine, conduisant ainsi à une soif de vengeance et de justice.
- Fiabilité des sources
Un risque présenté par le tournage en direct concerne la fiabilité des sources. En effet, les informations et images diffusées sont communiquées directement auprès des téléspectateurs et commentées par les journalistes selon les témoignages des personnes sur terrain. Les médiateurs ne cherchent plus dans ce cas à déterminer si les informations diffusées sont fondées ou non puisque les images diffusées sont la réalité. Or, il arrive que les témoignages ne soient pas objectifs mais dirigés par l’émotion dont subit le témoin. Les commentaires et explications des journalistes sont parfois le résultat de rumeurs, des rumeurs dont l’origine et l’authenticité sont sujettes à caution et souvent utilisées pour tromper l’opinion et l’amener à justifier des actions ou des décisions politiques.
Cette critique sur le fondement des informations est soulevée car elle est reliée à la révolution roumaine de 1989. En effet, la télévision roumaine diffusait de direct les manifestations et commentaient les images à partir des sources dont elle dispose. Elles diffusaient alors de fausses nouvelles faisant état de plusieurs dizaines de milliers de morts, ce qui n’était pas du tout le cas. Par exemple, le 22 décembre 1989, des images d’un charnier montraient 19 cadavres. Ces cadavres étaient présentés comme ceux des victimes de la répression à Timisoara. A l’émotion provoquée par la cruauté des images, s’ajoutaient aussi des bilans humains évoquant 4 630 morts dans la ville. Émis par des agences yougoslaves et hongroises, ces chiffres avaient été pris sans vérification par la télévision roumaine. Un mois plus tard, il est apparu que les corps étaient ceux de personnes mortes avant le début des événements. Le bilan officiel de la révolution roumaine fera finalement état de 93 morts à Timisoara.
Un autre exemple concerne l’annonce et la parution à la télévision de mystérieux assassins cachés qui tirent sur la population : la télévision parlait en ces temps de « terroristes ». Il a été affirmé aussi que ces terroristes attaquaient des lieux importants de la vie sociopolitique comme la radio, la télévision, le centre de presse, les aéroports et le ministère de la défense. La nuit du 22 au 23 décembre 1989, les citoyens ont décidé d’occuper les rues et les zones de siège pour protéger les institutions libérées. L’armée était appelée à défendre la télévision qui diffusait en direct. Bref, tout le monde était appelé à lutter contre les terroristes. Dumitru Mazilu lançait aux manifestants le slogan : « A bas le communisme, mort aux terroristes ». Or, nul ne parvenait à identifier ces fameux terroristes. En conséquence, des individus accusaient quelques policiers, membres présumés de la Securitate, d’être des terroristes. Des passants étaient pris à partie, tabassés et arrêtés, à cause de la rumeur indiquant qu’ils étaient des « moudjahiddin » prêtés à Ceausescu par Mouammar Kadhafi. Mais jusqu’à aujourd’hui, personne n’a retrouvé des moudjahiddin libyens ni des terroristes roumains. L’identité des ces derniers sont restés des mystères. Le résultat en est qu’actuellement, chacun tente de trouver des réponses à ces questions : les terroristes ont-ils vraiment existé ? Si oui, qui sont-ils ? Si non, qui a tiré sur qui ? Tout ceci était effectué dans quel but ? Bref, autant de questions qui resteront probablement sans réponse. L’important est d’analyser le rôle de la télévision dans cette révolution et d’améliorer aujourd’hui la qualité des informations.
Il est ainsi vital que les journalistes vérifient que leur source d’information soit fiable pour éviter la désinformation du public et orienter inconsciemment l’opinion publique. Ce qui a été le cas en Roumanie en 1989.
- Influences politiques
Qu’il s’agisse de média privé ou public, les politiciens y exercent une grande influence. Cette influence ne se présente pas uniquement sous forme de pression limitant ou dictant les informations et images à diffuser par les médias mais peut se refléter dans leur discours en direct à la télévision. Nul n’a le droit ni le pouvoir de contester les affirmations des politiciens à la télévision, sauf ses compairs s’ils en ont le courage plus tard. De ce fait, tout ce qui est dit à la télévision est acquis pour vrai.
Un exemple illustrant cette hypothèse est l’influence menée par les anciens partis communistes roumains. Ces derniers ont annoncé en direct à la télévision la fuite du dictateur tout en affirmant qu’ils envisagent de passer à un socialisme scientifique et à visage humaine. Electrisée par ces témoignages, la foule réclame alors un gouvernement sans communistes. Vient ensuite, Ion Iliescu, un ancien membre du régime communiste, qui annonça toujours en direct à la télévision la création du « Front du Salut national » pour lutter contre les terroristes qui attaquaient. Personne n’a osé remettre en cause ce discours qui a pourtant influencé beaucoup l’évolution des manifestations en Roumanie. En effet, accréditant ces informations de vraies, les citoyens ont décidé de défendre les institutions qu’ils ont pu libérer telles que la radio, la télévision, etc. Ils décidèrent alors d’occuper les rues et les zones de siège, devenant ainsi des cibles pour les soit disant terroristes.
Tout ceci pour dire que la nature exacte des événements de 1989 continue à alimenter la controverse. Chacun a son interprétation mais le rôle des dirigeants politiques, notamment le Parti communiste avec l’aide des services secrets étrangers, ne doit pas être minimisé. A travers les médias, ils auraient pu encastrer un coup d’État interne dans le but de permettre à certains de s’emparer des biens de la nation. Toutefois, il ne faut pas négliger le rôle joué par les médias pendant cette révolution.
- Rôle des médias
Comme il a été indiqué auparavant, le rôle des médias ne doit pas être amenuisé au niveau de la société, surtout dans le cadre de la révolution roumaine de 1989. A travers les images qu’elle diffusait constamment, la télévision roumaine manipulait l’opinion publique et encourageait cette dernière à se révolter. Quant aux témoignages des victimes et des membres de leur famille, ou encore ceux des politiciens, ils stimulaient les émotions du public et réorganisaient ainsi leur raisonnement.
- Diffusion d’images
Les images diffusées par la télévision roumaine jouent un rôle considérable pendant sa révolution de 1989. En effet, les images diffusées ont conduit à une manipulation de la perception générale de la révolution roumaine ayant en conséquence un impacte direct sur l’évolution du conflit. L’impact a été très fort puisque les images choisies et diffusées ne montraient que des actes de barbarisme, voire de terrorisme. En plus, ces images étaient diffusées tout le temps, à longueur de journée, pour s’assurer que tous les romains voient ce qui se passe dans leur pays. Ce qui donna naissance à un sentiment de révolte auprès de la population roumaine.
- Choix des images diffusées
L’intérêt porté aux images diffusées consiste à démontrer que même si la télévision roumaine affirme être innocente et a agit en tout état de cause au cours de la révolution de 1989, il n’empêche que les images qu’elle a diffusées à travers le pays, retransmises ensuite par tous les médias du monde ont influencé la perception générale de la révolution roumaine. Le cas le plus flagrant pour illustrer cette hypothèse est la transmission des évènements qui ont eu lieu à Timisoara, une ville située près de la frontière avec la Hongrie. Pour lutter contre l’expulsion du pasteur protestant Laszlo Tokes, opposant au régime, une manifestation a eu lieu le 17 décembre 1989. Mais elle a été réprimée dans le sang par le gouvernement de Ceausescu. Cette répression était transmise en direct à l’écran, montrant la tuerie de dizaines de personnes. Un sentiment de révolte naquit au sein de la population en voyant ces images et le soulèvement commença à s’amplifier dans la ville, puis gagna en quelques jours Bucarest où il prit une ampleur décisive, provoquant après la chute de Ceausescu.
Un autre cas typique d’images ayant un impact sur la perception du public est l’image des 19 cadavres présentés comme ceux de victimes de la répression à Timisoara. Cette diffusion a eu lieu le 22 décembre 1989 et s’est ensuite réalisée en boucle à travers toutes les chaînes internationales. Le monde entier pensait alors que Ceausescu était proche du génocide. Personne n’éprouvait de la pitié et ne tentait même pas d’excuser ou de comprendre les évènements. Pour la population roumaine, devant de telles atrocités, le seul châtiment qui convenait serait la mort. De ce fait, après leur arrestation à 60km de la capitale, les époux Ceausescu ont été jugé selon un procès sommaire, ils furent alors condamnés à mort par un tribunal militaire, puis exécutés. A cause des images diffusées à la télévision, nul ne se demandait si une condamnation à mort respectait les lois établies entre les nations. Et même si l’exécution d’un président sans un procès est considéré reprochable, la question n’a plus été soulevée puisque tout le monde avait été manipulé de sorte que chacun n’aspirait qu’à un sentiment de justice et une vengeance.
- Répétition d’images
La répétition des images diffusées à la télévision impacte sur le jugement des téléspectateurs. Par exemple, une télévision se contente de ne diffuser que les messages les plus percutants, ceux qui angoissent, révoltent ou désespèrent dans un pays. L’effet de répétition de ce genre de message est retracé négativement auprès de la population cible : cette dernière est persuadée que tout va mal. En effet, à force de n’entendre que des mauvaises nouvelles, les gens ont tendance à penser que plus rien ne va et n’analyse même plus la situation. Dès qu’une autre mauvaise nouvelle apparaît, ils son immédiatement sur la défensive, prêts à riposter.
Cet effet de répétition est intéressant dans la mesure où les images diffusées à longueur de journée sur les chaînes de télévision roumaine ont influencé la population roumaine pendant la révolution tandis que la retransmission de celles-ci dans le monde entier par les chaînes internationales n’ont fait que renforcer la diffusion répétitive desdites images. Comme ce sont des images intenses et agressives durant la révolution romaine (tuerie, cadavres, fuite, lancement de bombe lacrymogène, etc.) qui sont diffusées incessamment, la population roumaine se rebute et décide ainsi de participer à la révolte pour détruire le pouvoir en vigueur.
En bref, que la télévision roumaine se dit innocente dans l’affaire de 1989, elle y a quand même participé d’une manière inconsciente. Les images diffusées étaient sanglantes et rediffusées tout le temps à la télévision. Cette rediffusion incessante a donné naissance ou au moins renforcé le sentiment de révolte au sein de la population roumaine, une révolte ne demandant plus l’abdication du dictateur dirigeant mais son exécution afin qu’il paie pour ses crimes. Ainsi, la télévision roumaine a influencé la perception générale, ayant un impact direct sur l’évolution du conflit.
- Témoignages
Si une entreprise essaie de convaincre les clients d’acheter son produit, les témoignages représentent les clés de la conquête du marché. Ce qui signifie qu’il ne faut pas négliger le rôle des témoignages diffusés par les médias auprès des téléspectateurs. Ils influencent largement le processus de décision du public, soit son jugement. Par conséquent, il est important d’analyser la place des témoignages au cours de la révolution roumaine de 1989 : vérifier s’ils auraient pu avoir un quelconque impact sur la population.
Les témoignages influencent les téléspectateurs de différentes manières mais en général, ils font diversion, sèment l’idée de problèmes au sein de public pour en proposer ensuite des solutions et finalement le choix des témoins est considérable.
- Diversion
La diversion constitue un élément primordial dans le contrôle social. Cette stratégie de consiste à détourner l’attention du public des problèmes importants et des mutations décidées par les élites politiques et économiques, grâce à un déluge continuel de distractions et d’informations insignifiantes ou une suite d’informations graves qui ont des répercussions directes sur la vie du public, obligeant ce dernier à se concentrer sur ces informations sans rechercher d’autres explications à la situation. Un extrait des Armes silencieuses pour guerres tranquilles confirme cette affirmation : « Garder l’attention du public distraite, loin des véritables problèmes sociaux, captivée par des sujets sans importance réelle. Garder le public occupé, occupé, occupé, sans aucun temps pour penser ; de retour à la ferme avec les autres animaux ». La stratégie de la diversion est alors indispensable pour empêcher le public de s’intéresser aux connaissances essentielles pour ne se limiter qu’a ce qui lui est présenté.
L’étude de cette stratégie est utile dans la cadre de la révolution roumaine de 1989 car il semblerait qu’elle y avait été utilisée pour manipuler l’opinion publique. En effet, les seuls témoignages diffusés à la télévision étaient ceux des révolutionnaires victimes de la répression ainsi que ceux des dirigeants politiques anciens membres du partisan politique. Ces derniers affirmaient l’existence d’attaques faites par des inconnus présumés être des terroristes engagés par le dictateur Ceausescu. Le public n’entendait que cela et, en plus, tous les témoignages diffusés semblaient se rejoindre. De ce fait, tout le monde était convaincu que les terroristes existaient réellement et qu’ils représentent le principal problème à résoudre. Ce que le public ne voyait pas ce sont les avantages tirés par les dirigeants politiques témoins par une accusation du dictateur comme origine du terrorisme. Ces derniers avaient effectivement le champ libre et pouvaient excuser la punition appliquée au couple Ceausescu.
En bref, les témoignages ont contribué de près ou de loin dans l’évolution du conflit en Roumanie en 1989 car ils ont influencé le jugement du public ainsi que sa vision. Les témoignages n’indiquaient que les problèmes dont ils veulent montrer au public sans en expliquer en profondeur les objectifs et les intérêts.
- Créer des problèmes puis offrir des solutions
Cette méthode est aussi appelée « problème-réaction-solution ». Elle consiste à créer d’abord un problème, une « situation » prévue pour susciter une certaine réaction du public, afin que celui-ci soit lui-même demandeur des mesures qu’on souhaite lui faire accepter. Par exemple : laisser se déployer la violence urbaine, ou organiser des attentats sanglants, afin que le public soit demandeur de lois sécuritaires au détriment de la liberté. Cette stratégie reflète encore une manipulation du public. Mais son intérêt réside surtout dans le fait qu’elle avait été l’un des instruments utilisés par les dirigeants roumains en 1989 pour faire éclater une révolution. En effet, la politique économique de Ceausescu avait mené à l’appauvrissement de la population, provoquant ainsi un mécontentement de la population. De plus, six anciens membres du Parti communiste roumain avaient critiqué dans une lettre ouverte (un témoignage sous forme écrite) la politique économique de Nicolae Ceausescu. Néanmoins, ce dernier avait ensuite obtenu une victoire d’image due au remboursement de toute la dette extérieure de la Roumanie. Malgré cela une manifestation eut lieu plus tard à Timisoara : elle luttait contre l’expulsion par la Securitate du pasteur protestant László Tökés, membre de l’importante minorité hongroise de Roumanie. Mais cette manifestation eut bientôt fait de dégénérer car la foule commença à chanter des chants anti-communistes, soit elle avait maintenant un autre but sans aucune raison manifeste. La Sécurité avait réagi avec des gaz lacrymogène et des canons à eau. D’autres manifestations se sont ensuite poursuivies avec l’intervention de l’armée. La conséquence en est qu’elle est devenue sanglante. Elle n’était pas aussi sanglante que les médias montraient ainsi que les rebelles témoins l’affirmaient. Toutefois, aiguisée par ces témoignages indiquant que la Roumanie a des problèmes, que la situation roumaine est devenue insupportable, la population se révolta. Les rebelles leur proposaient déjà la solution : non à la dictature et au communisme, oui au socialisme. Tout le monde décida alors de déchoir le dictateur Ceausescu pour commencer une nouvelle vie politique dans le but de résoudre les problèmes sévissant la Roumanie.
Ainsi, à travers les témoignages, la population roumaine s’est rendue compte qu’il y avait des problèmes en Roumanie : la dictature est le problème. Pour y remédier, les rebellions incite la population à se révolter contre le pouvoir. A titre de diversion, les témoignages ont alors considérablement influencé l’évolution des conflits en Roumanie en 1989.
- Les témoins
Etant donné que les témoignages ont une influence sur l’opinion du public, ceux qui le font en ont encore plus. Effectivement, plus il y a d’indications permettant d’identifier et de contacter la personne qui témoigne, plus le témoignage est puissant. En conséquence, la force d’un témoignage se mesure par le témoin et par les indications fournies sur le témoin. A partir du moment où les nom et prénom du témoin sont communiqués au public, le témoignage devient plus personnel et réel. Si en plus, la profession du témoin y est ajoutée, le témoignage n’en est que plus convaincant, surtout si le témoin exerce une profession réputée dans le domaine de son témoignage. Ajouter ensuite les coordonnées du témoin (adresse physique, adresse e-mail) renforce l’effet du témoignage car la cible sait qu’elle a la possibilité de contrôler la véracité du témoignage. En bref, l’impact d’un témoignage varie en fonction du témoin, d’où l’intérêt à porter une analyse sur ce dernier.
Au cours de la révolution roumaine de 1989, celui qui a témoigné en direct à la télévision en affirmant que les terroristes attaquaient des lieux importants de la vie sociopolitique n’était autre qu’Ion Iliescu. Etant un ancien partisan du régime communiste, la population roumaine le connaissait et ne pensait même pas à mettre en doute son témoignage. Ce qui renforça après la conviction de la population roumaine que les terroristes existaient réellement et à réclamer alors l’instauration du socialisme en Roumanie. Le témoignage d’Ion Iliescu a ainsi influencé l’opinion de la population roumaine, il était encore plus convaincant puisque le témoignage était celui d’un politicien reconnu de tous.
Les témoins à la télévision influencent donc l’opinion du public, et plus ils sont reconnus du public, plus leur témoignage et déterminant. Tel avait été le cas en Roumanie lors du témoignage d’Ion Iliescu.
En somme, il ne faut pas négliger le rôle joué par les médias dans l’évolution des conflits au cours de la révolution roumaine de 1989. En effet, elle y avait la responsabilité de stimulateur de la révolte en diffusant des images agressives et intenses, et ce répétitivement. Par ailleurs, les discours médiatiques et témoignages des politiciens à la télévision ont également favorisé l’explosion de colère au sein de la population roumaine.
Mais outre son rôle de stimulateur, la télévision aurait participé à la révolution en manipulant aussi l’opinion publique par le biais des méthodes de communication qu’elle avait adoptées.
- Méthodes de communication des informations
Cette dernière consiste à étudier les moyens par lesquels les médias communiquent avec leur public cible, plus précisément elle examine les façons dont les informations sont communiquées auprès du public. Comme il a été indiqué dans la première partie, la qualité des informations diffusées laisse parfois à désirer. Mais cette critique ne suffit pas car la manière dont les informations sont transmises influence la perception du public et déforme ainsi leur jugement et leur opinion. Les cas typiques de manipulation de l’opinion publique les plus utilisés par les médias sont la désinformation et l’invention ou encore le mensonge.
- Désinformation
La désinformation ou le fait de désinformer ne constitue pas nécessairement la perte d’une ou de plusieurs données. C’est un mot apparu dans la langue française au cours du dernier quart du XXe siècle. Et afin de mieux cerner le phénomène, une définition doit être établie, vient ensuite l’étalage des cas typiques de désinformation avant d’analyser l’impact de ce phénomène pendant la révolution de 1989 en Roumanie.
- Définition
La désinformation a été révélée pour la première fois dans « Le montage » de Vladimir Volkoff, le Grand Prix du roman de l’Académie française en 1982. Dans son livre, V. Volkoff a essayé d’identifier les principales méthodes pour amener l’opinion publique à agir dans une certaine direction. Et dans « Petite histoire de la désinformation » en 1997, il a tenté d’en donner une définition précise. Il y a alors proposé une définition de la désinformation : « Une manipulation de l’opinion publique, à des fins politiques, avec une information traitée par des moyens détournés ». A l’inverse de la manipulation des dirigeants, il considérait la désinformation comme une forme d’intoxication psychologique avec une manipulation par des moyens directs. De ce fait, la désinformation serait une forme de propagande. Edward Bernays reprend ce terme pour désigner la désinformation dans son livre « Propaganda », publié en 1928. Enfin, le journaliste américain Walter Lippmann a employé le terme fabrication de consentement dans son livre intitulé « Public Opinion » publié en 1922. Mais quoiqu’il en soit, tous les chercheurs se rallient à une unique définition : la désinformation est une manipulation de l’opinion publique.
La désinformation est ainsi un simple transfert d’informations qui ont-elles-mêmes subi une transformation comparée à l’information initiale. Tout transfert d’information n’inclut pas forcément une transformation de cette information, mais il arrive parfois que certains transferts nient l’information initiale ou les informations (dénaturation de l’information initiale, regroupement des informations de manière intempestive et non raisonnée). Par exemple, les médias mélangent les informations ou communiquent beaucoup d’informations de façon incompréhensible. Par conséquent, faute d’incompréhension, le message reçu par le public ne correspond pas à la réalité.
En bref, la désinformation consiste à fournir des informations qui font croire quelque chose de contraire à la vérité. Bien que différent du mensonge pur et simple, la désinformation se fait par deux moyens :
- Ne dire qu’une partie de la vérité: c’est la désinformation par omission ;
- Donner à certaines informations une importance ou un poids très différent de leur poids réel : c’est la désinformation par exagération ou la sur-médiatisation.
Ces deux moyens seront analysés plus en détail dans la partie réservée à l’étude du rôle des médias, notamment de la télévision, dans l’évolution de la situation en Roumanie en 1989.Mais l’analyse va d’abord porter sur les cas typiques de désinformation.
- Cas typiques de désinformation
Il existe différents moyens pour désinformer le public à travers la manipulation des informations communiquées. Toutefois, trois cas typiques sont notés couramment : la dramatisation, l’usage des faux et l’effet de l’indépendance des médias.
- Dramatisation
La dramatisation consiste à donner de l’intérêt à un drame particulier. Un évènement, normalement anodin, prend alors de l’importance ou un caractère grave par la dramatisation. La meilleure façon pour dramatiser un évènement est l’utilisation d’images choc, d’interviews de personnes souffrantes. Dans ce cas, le risque de désinformation devient plus grand car la désinformation se fait par exagération.
L’origine de la dramatisation se situe dans l’envie des médias à attirer et choquer leur public. En effet, plus l’audimat est élevé, plus les médias en tirent des profits. Or, seules les situations dramatiques attirent le plus de public. De ce fait, les médias ne diffusent que les évènements très percutants. Ce qu’ils ignorent c’est que cette façon de procédé impacte beaucoup sur la perception des messages par le public. Le jugement de ce dernier s’en trouve alors déformé et son opinion est manipulée par les médias.
Cette partie de l’étude est surtout intéressante dans le fait que la dramatisation a été utilisée par les médias, plus particulièrement les télévisions, lors de la révolution roumaine de 1989. Seules des images agressives et intenses ont été effectivement diffusées à la télévision roumaine. Les autres chaînes internationales se sont empressées de rediffuser ces images dans le monde, sans se soucier des sources des informations mais aussi de l’effet de ces images sur le public. La conséquence en est que le public ne voyait que des cadavres en Roumanie. La conclusion évidente est qu’il ne peut s’agir que d’un massacre.
L’autre exagération se trouve dans le bilan des morts et des blessés au cours de cette révolution. En effet, la télévision roumaine constatait la mort de 4630 individus durant la révolte à Timisoara, des chiffres émis par des agences yougoslaves et hongroises, relayés ensuite sans vérification par les autres réseaux d’informations internationaux. A l’émotion provoquée par les images de charnier s’ajoutait alors cette information. Il apparaît évident que quiconque voit de pareilles images et prend note de telle massacre a envie de se rebeller. Or, plus tard, le bilan officiel de la révolution roumaine n’a fait état que de 93 morts à Timisoara.
Il apparaît ainsi que les médias, notamment la télévision roumaine source des informations dramatiques, ont joué un rôle dans la révolution roumaine. Ils ont contribué à la révolte de la population en dramatisant les évènements qui s’y sont produits. Cependant, d’autres moyens d’influence ont également été constatés.
- Les faux
Une des méthodes de désinformation la plus répandue destinée à semer des doutes ou à accréditer une thèse est l’utilisation de faux documents. Une méthode aussi vieille que le monde existait déjà durant le Moyen-âge. Effectivement, la fausse donation faite par Constantin avait permis au Pape Sylvestre Ier de se prévaloir de territoires et de privilèges sur la base d’un document suspect. Et pendant l’affaire Alfred Dreyfus, ce dernier avait été indûment accablé à cause des documents falsifiés que le colonel Henry avait présentés (le fameux « faux Henry »).
Malgré l’avancée des époques, cette méthode ne s’est pas éteinte mais s‘est au contraire évoluée. Au début du XXème siècle, dans le but de prouver que les Juifs avaient mis au point un programme pour anéantir la chrétienté et dominer le monde, la propagande russe avait rédigé puis publié les Protocoles des Sages de Sion. La propagande antisémite du Troisième Reich s’est basée sur ce texte.
Et à partir de la période d’après-guerre, l’usage de faux s’est considérablement amplifié avec l’apparition des agents d’influence et des campagnes médiatiques de la guerre froide. L’exemple illustrant cette époque est l’affaire Victor Kravtchenko et celles des époux Rosenberg, accusant ces derniers d’êtres des anti-communistes. Certains officiers traitants avaient même fourni des brouillons d’articles aux journalistes ou écrivains, compagnons de route des partis communistes à titre de preuves.
Néanmoins, l’usage de faux ne se résume pas à la fourniture de faux documents mais peut aussi porter sur de fausses informations. Même si aucun document ne démontre la véracité de la communication, comme il a été dit auparavant, tant que le témoin est influent et crédible, son témoignage ne peut être remis en question. Il s’agit ici de faux témoignages devenant authentique du fait de la force de persuasion et de conviction du témoin. Tel avait été le cas lord du témoignage annonçant l’attaque des terroristes. Cette annonce avait conduit la population à descendre en masse dans les rues et à se battre contre tous ceux qui les entouraient ou semblaient les attaquer. Alors, ne sachant si c’étaient réellement les terroristes qui attaquaient ou des alliés possibles, la population avait immédiatement contre-attaqué.
Les médias ont donc participé à la révolution roumaine en fournissant de faux documents, présentés par leurs instigateurs comme authentiques. La population cible avait alors été désinformée par des éléments fictifs ou des contrevérités.
- La course au scoop
Le taux d’audimat mesure l’efficacité des médias, plus précisément d’une chaîne de diffusion d’informations. Celle qui enregistre le plus grand taux correspond au meilleur taux d’écoute et est ainsi identifiée comme étant la meilleure chaîne d’informations. Sa popularité en devient alors plus grande tandis que son audimat ne cesse de s’agrandir. Le meilleur moyen pour augmenter son taux d’écoute est l’information scoop.
Le scoop se définit comme étant une information mise à la disposition d’une unique chaîne d’informations. Il signifie que les autres chaînes n’ont pas encore pris connaissance de l’information. L’atout d’un scoop pour les médias réside dans le fait que celui qui détient le scoop sera celui qui informera en premier le public. Toutes personnes abonnées à la chaîne seront ainsi privilégiées. Et pour avoir ce privilège, les autres cibles sont obligées de s’informer sur cette chaîne. La conséquence en est que le taux d’audimat tout comme son bénéfice risquent d’exploser pour la chaîne : c’est la finalité de tous les médias. Pour combler le déficit engendré par le scoop d’une chaîne, les autres chaînes vont aussi diffuser l’information, voire copier ce scoop. Les médias s’inspirent ainsi les uns des autres. Il est alors important pour les médias de trouver des scoops : c’est la course au scoop.
L’inconvénient de cette course au scoop est, dans les cas extrêmes, la contradiction dans les informations diffusées, parfois l’invention ou même le mensonge. En effet, les médias tendent à diffuser volontairement ou non de fausses informations pour augmenter son taux d’audimat. Quant au désinformateur habile, il lui suffit de mentionner une source politisée pour décrédibiliser l’information elle-même. Le public se trouve au final désinformé.
Cette course au scoop a surtout été sujette à des critiques lors de la révolution roumaine de 1989, en ce qui concerne plus particulièrement les télévisions. Assoiffé d’informations, les chaînes de télévision roumaine diffusaient toutes les informations qui leur tombaient sur les mains. Des contradictions sont alors notées dans les communications, mais les télévisions ne s’en souciaient guère du moment qu’elles communiquaient avec leur public. Il arrivait parfois que les communications ne soient pas exactes, ou du moins incertaines. L’impact immédiat de ce phénomène reste la désinformation de la population roumaine, provoquant après une erreur de jugement. Une erreur issue de la manipulation faite par les médias. Ainsi, ces derniers ont encore participé involontairement à l’évolution des conflits en Roumanie en 1989.
- Cas de la révolution roumaine de 1989
Comme il a été dit plus tôt, deux moyens existent pour désinformer : ne dire qu’une partie de la vérité ou donner à certaines informations une importance ou un poids très différent de leur poids réel. A titre d’illustration, une analyse des rôles de la télévision durant la révolution roumaine de 1989 est effectuée.
- Ne dire qu’une partie de la vérité
Cette méthode consiste à ne communiquer que les informations pouvant être utiles pour confirmer le point de vue à défendre ou celles qui génèrent le plus d’émotion. Il s’agit alors de la transmission des messages qui choquent ou qui sont certains d’attirer l’attention du public. Le fait est que le message transmis est perçu en dehors de son contexte initial par le public. Ce dernier va alors tenter de l’interpréter à sa manière, sans détenir tous les éléments d’informations nécessaires permettant une analyse objective de la situation. Son jugement s’en trouve erroné et son opinion manipulée.
Ce cas a été retracé durant la révolution roumaine de 1989. Tout commença lorsque le pasteur Laszlo Tokes, durant son sermon à l’église réformée de Timisoara le 10 décembre 1989, invita ses fidèles à venir voir comment on allait l’évacuer quelques jours plus tard. Sans aucune explication sur la nature exacte de l’expulsion. Une partie de la vérité est déjà, intentionnellement ou non, cachée de sorte que les prêcheurs ignorent ce qui se passe exactement. Seulement quelques dizaines de personnes avaient répondu à l’appel du pasteur le 15 décembre 1989. Le lendemain, ce nombre a augmenté et le dimanche 17 décembre, ce furent des milliers de personnes qui sont descendues dans les rues de Timisoara. En contrepartie, les médias diffusaient partout que le dictateur ripostait en envoyant son armée tirer sur les manifestants et en faisant ainsi état de plusieurs milliers de morts. Ils avaient annoncé le meurtre du journaliste français Jean-Louis Calderon. Ce que les médias avaient omis de dire était que l’armée avait riposté avec des gaz lacrymogènes et des canons à eau initialement. Ce n’est que lorsque les manifestants ont commencé à devenir violents envers l’armée que cette dernière a contre-attaqué. Par ailleurs, le journaliste français avait été tué accidentellement. Quoiqu’il en soit, le public pensait que le dictateur voulait effectuer une démonstration de sa puissance et condamnait de fait le meurtre, spécifié par la suite de massacre, voire de génocide.
La coupure et la faille dans les communications durant cette révolution représentent également une forme de désinformation de la population roumaine. En effet, il fut un temps où la télévision roumaine avait été interrompue (le 21 décembre 1989). Aucune diffusion n’était autorisée ni disponible. La population restait alors dans l’ignorance. La transmission reprit son cours le lendemain avec l’annonce de la fuite du dictateur par Mircea Dinescu et Ion Caramitru. Les tentatives d’explication restaient vagues ou incomplètes tandis qu’ils affirmaient en direct aussi la formation d’un nouveau gouvernement. En somme, la population roumaine ignorait ce qui s’était réellement passé entre temps, tout ce qu’elle voie c’est que la situation a évolué vers leurs attentes. Ceausescu n’est plus au pouvoir : c’est l’essentiel pour la population. Elle a ainsi accepté le jugement du général et sa condamnation sans analyser au préalable toutes les situations survenues durant la semaine. Leur opinion avait alors été manipulée par les médias.
- Donner à certaines informations une importance ou un poids très différent de leur poids réel
Se rapprochant de la dramatisation, cette méthode se base sur la prédominance d’une information sur d’autres informations. Même si toutes les informations sont de nature importante, la diffusion met l’accent sur celle où l’on veut attirer le public.
Cela avait été le cas en Roumanie lorsque les médias informaient la population roumaine des massacres. Pour renforcer l’effet recherché, l’accent avait été mis sur les actes condamnables du dictateur : diffusion d’un charnier montrant 19 cadavres, annonce de plusieurs morts dont le journaliste français, prise d’otage du pilote de l’hélicoptère par lequel le dictateur et sa femme aurait pris la fuite, etc. autant d’informations sur les mauvais actes du dictateur que le public en oubliait tout le bien qu’il a pu apporter au pays ou encore les actes condamnables des autres politiciens. La conséquence en est que la population roumaine se focalisa sur ces meurtres. Pour eux, la seule sentence dont mérite le dictateur est alors la mort. Mais n’est-ce pas l’objectif de ces diffusions acharnées sur le soit disant massacre dirigé par le général Ceausescu ?
Bref, il apparaît encore que les médias avaient influencé l’opinion de la population roumaine, mais aussi celle du monde entier en désinformant ces derniers : ils ont consciemment donné une importance majeure aux tueries de 1989.
- Mensonge ou Invention
La dernière question qui se pose consiste à savoir si les médias n’avaient pas menti ou inventé les informations qu’ils avaient communiquées en 1989 ? Si tel avait été le cas, ils ont fortement contribué à la désinformation du public. Intrinsèquement, ils ont alors participé à l’évolution des conflits mais surtout au jugement du dictateur. Les pistes présentées pour examiner cette hypothèse sont celle du mensonge par omission et la fiabilité des sources qui ne sont autres que des rumeurs.
- Mensonge par omission
Le mensonge par omission rejoint le concept de désinformation par omission ou encore le fait de ne dire qu’une partie de la vérité. La distinction entre ces deux principes se situe dans les intentions de celui qui détient l’information. En effet, la désinformation par omission apparaît non intentionnelle car celui qui diffuse les informations ignoraient tout des autres éléments complémentaires de ces informations. Par opposition, celui qui ment par omission dispose de toutes les informations mais décide lui-même de ne communiquer que les informations qu’il juge utiles. Il ne transmet alors que ce qui peut lui servir.
Il a été démontré au cours des précédentes analyses que la télévision roumaine avait sa part de responsabilité dans l’évolution de la situation en Roumanie en 1989. Elle y avait participé en désinformant son public par omission. Le quid soulevé maintenant est de savoir dans quelle mesure cette omission avait été faite. Etait-elle intentionnelle ou était-ce un accident ?
Si la désinformation était un pur hasard, la télévision roumaine aurait contribué malgré elle à la révolte en Roumanie. Le soulèvement se définirait ainsi comme une révolution populaire spontanée. Mais dans le cas contraire, qui aurait concocté cette mise en scène ? D’autres analystes tendent à affirmer qu’il s’agirait d’un coup d’Etat interne monté par des dirigeants du Parti communiste roumain avec l’aide de services secrets étrangers et accompagné d’une manipulation médiatique. Cette dernière étant la désinformation de la population roumaine. Ce qui pousse à affirmer que la télévision avait contribué à cette émeute.
- Les rumeurs
Une autre méthode destinée à tromper l’opinion et à amener la justification des actions ou décisions politiques est l’utilisation des rumeurs. Par définition, les rumeurs sont des bruits confus ; leur origine et leur authenticité sont alors sujettes à caution. Un des exemples les plus célèbres concerne le régime nazi, qui avait utilisé de fausses rumeurs pour lancer la « Nuit des Longs Couteaux », en inventant d’abord une tentative de coup d’État pour justifier ensuite l’opération contre les SA et enfin une affaire de haute trahison. Même aujourd’hui, les rumeurs occupent une place fondamentale dans la manipulation de l’opinion publique. Dans les milieux économiques, les rumeurs peuvent servir à faire monter ou baisser artificiellement le cours des actions.
Cette démonstration a pour objectif de prouver l’importance de rumeurs pour orienter l’opinion publique. Ainsi, leur impact sur l’évolution des conflits en Roumanie ne doit pas être minimisé. La plus grande rumeur jamais justifiée même actuellement est celle des terroristes. En effet, l’identité des terroristes est restée un mystère jusqu’à présent, ainsi que leur relation avec le régime du Front du Salut national. Aucun terroriste n’a jamais été retrouvé ou condamné. Leur « existence » avait été annoncée en direct à la télévision par Ion Iliescu. De plus, la télévision diffusait des images où apparaissaient de mystérieux assassins cachés tirant sur la population. Elle y avait identifié ces assassins de terroristes, ceux mêmes annoncés par Ion Iliescu. Et suite à ces rumeurs, la population était descendue dans la rue pour combattre les terroristes.
La télévision a encore sa part de contribution dans la révolution roumaine de 1989 en communiquant des informations dont les sources n’étaient pas du tout sures.
Conclusion
En résumé, la révolution roumaine de 1989 représente l’unique soulèvement de la population de l’Europe de l’Est qui s’est fait dans le sang. La cause en serait l’influence des autres pays révolutionnaires. Il ne faut pas non plus négliger le mécontentement de la population roumaine suite à son appauvrissement mais aussi la suppression de sa liberté d’opinion par la police secrète Securitate. Deux facteurs essentiels qui ont conduit les roumains à se révolter. Mais l’élément qui a mis le feu aux poudres est l’expulsion du pasteur protestant László Tökés, membre de l’importante minorité hongroise de Roumanie. Les manifestants luttaient contre cette expulsion pour réclamer ensuite la chute du dictateur. Le mouvement qui quémandait la libération du pasteur s’est alors transformé en mouvement libératoire de la Roumanie contre l’oppression faite par le dictateur Nicolae Ceausescu.
La suite des évènements reste toujours inexplicable mais tout porte à croire que les médias, plus particulièrement la télévision roumaine, avaient influencé la population, impactant ainsi sur l’évolution des conflits en Roumanie. Qu’elle l’ait fait intentionnellement ou non, la télévision roumaine avait manipulé l’opinion du public. Premièrement, la diffusion en direct présentait de nombreux inconvénients : une absence de préparation, des sources peu fiables et l’influence des politiciens. La qualité des informations communiquées n’était pas alors assurée et l’opinion du public manipulée. Deuxièmement, guidée par la soif d’augmenter son audimat mais surtout de captiver son public, la télévision roumaine communiquait des informations dont les sources n’étaient guère certaines ou bien les preuves existaient mais ne reflétaient pas la réalité. De ce fait, la télévision mentait par omission ou inventait les informations. Troisièmement, toujours en relation avec la qualité des informations diffusées, ces dernières étaient considérées comme exactes pour le public puisque ceux qui témoignaient à la télévision étaient des politiciens influents, ils n’auront jamais osé mentir à la population roumaine. En plus, même si les informations étaient exactes et de source sure, elles étaient incomplètes. Les téléspectateurs avaient du mal à replacer ces dernières dans leur contexte, conduisant ainsi à mauvaise interprétation de la situation. Finalement, la façon dont les informations sont communiquées représentait un autre style de désinformation de la population. En effet, ayant pour objectif de choquer son public et de soulever son émotion, la télévision roumaine diffusait tout le temps des images agressives, atroces et intenses. Elle apportait parfois un poids plus que nécessaire à certaines informations alors que toutes les informations devaient être traitées de la même manière. La conséquence en était que le jugement du public était modifié, il n’était plus basé sur des éléments objectifs mais selon la perception et l’importance que la télévision voulait montrer. Tout le monde était alors assoiffé de vengeance et ne pensait plus qu’à punir l’auteur de ce massacre. Au final, le dictateur a été jugé et condamné à mort avec sa femme. Personne ne s’était demandé si cette sentence correspondait réellement aux actes commis par le dictateur puisque ces derniers étaient même qualifiés de génocide et de crime contre l’humanité à la télévision.
En somme, la télévision avait joué un rôle dans cette révolution qui avait dégénéré et était devenue sanglante. Le quid suivant concerne l’intention de cette dernière : avait-elle manipulé intentionnellement la population roumaine ? Si oui, quel rôle avait joué les dirigeants du Parti communiste roumain ainsi que les services secrets étrangers dans cette manipulation ?
Bibliographie
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- 1 ère partie – La « révolution » de 1989
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- Retour sur une révolution
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- Le maljournalisme : la malinformation ou la maladie de l’information
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- L’impact de la télévision : réflexion à partir du docu-fiction de la RTBF
Documents d’analyse et de réflexion du Centre AVEC, Février 2007
- A propos des médias et de la « révolution roumaine » de 1989
Thierry DISCEPOLO, Le Plan B ressources, Décembre 2007
Laurent BRIXIUS, Août 2008
- WIKIPEDIA, l’encyclopédie libre de Wikimédia Foundation, Inc.
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