La Transmission des Savoirs et des Expériences dans les Services de Soins : Défis et Solutions pour les Cadres de Santé
Sujet : La transmission des savoirs d’expériences (infirmière expert à novice) au sein d’une unité de soins en cancérologie
Sommaire
2-1- Le savoir, les savoirs, et les compétences. 3
2-2- Expérience et savoirs d’expérience. 13
2-3- Transmission des savoirs professionnels. 16
2-3-1- Les savoirs professionnels. 16
3- Synthèse du cadre conceptuel 19
4-2- Les contraintes et les limites du tutorat 24
5- Le rôle du cadre dans la transmission des savoirs d’expérience. 24
6- Choix de la méthodologie. 27
6-2- Méthode expérimentale. 28
7-3- L’analyse de documents. 30
8- Population ciblée et lieux d’investigation. 30
1- Introduction
Comme le signale à juste titre une enquête effectuée par la Direction Générale de l’Administration et de la Fonction Publique (DGAFP)[1], toutes les entreprises, y compris le secteur sanitaire, vont devoir se heurter d’ici à 2015 à un départ massif à la retraite des infirmières. En effet, les générations du baby-boom, nées peu après la Seconde Guerre mondiale, atteignent progressivement l’âge de la retraite et cèdent logiquement la place à leurs enfants et petits-enfants. Avec le départ des seniors et l’arrivée de ces jeunes sur le marché de l’emploi, les organisations doivent, de ce fait, faire face à une préoccupation émergente : la transmission des savoirs. Comment, en effet, éviter la perdition de toutes ces connaissances emmagasinées par les anciens, comment recueillir ces sommes d’expériences irremplaçables, avant qu’elles ne s’éteignent irrémédiablement ?
Cette difficulté s’avère particulièrement perceptible dans le monde hospitalier d’aujourd’hui, tous services confondus, au moins pour trois raisons :
Premièrement, un rythme soutenu dans l’accroissement des connaissances et des techniques, qui exige la mise en place régulière de nouvelles formations, donc de nouveaux savoirs.
Deuxièmement, une augmentation considérable de la demande de soins, « sous l’effet conjugué de l’élévation du niveau de vie, du vieillissement de la population, de l’accentuation de la médicalisation, de la prise en charge et du développement de la prévention »[2]. Ce qui signifie plus de travail, donc moins de temps de communication disponible entre l’experte, détentrice du savoir et la novice en quête de ce même savoir.
Troisièmement, un turnover important, dont les départs à la retraite mentionnés plus haut constituent un élément majeur.
Infirmière depuis une vingtaine d’années dans un service d’hémato-oncologie au sein d’un établissement public de santé, situé à Saint-Pierre de La Réunion, j’ai pu constater, au cours de mes derniers mois d’exercice professionnel, l’augmentation progressive, puis massive (en 2011) de ce turnover. Le choc a été d’autant plus rude, que nous venions de connaître quinze années de stabilité. En l’espace de quelques semaines, deux de mes collègues ont pris leur retraite ; les autres sont parties réaliser un projet personnel. De plus, la situation d’isolement géographique de l’île participe à la fréquence de ces rotations. Ainsi, une partie du personnel d’origine métropolitaine, jeune pour la plupart et n’ayant pas encore de charge familial, choisit souvent de rentrer en métropole au bout de quelques années seulement. On assiste alors de plus en plus, comme le signale l’étude de l’ODIS[3], à « la lassitude des équipes soignantes à encadrer de nouvelles recrues qui ne vont rester qu’un temps dans les services. »
Sachant que notre service comporte trois unités fonctionnelles de soins, gérées par 25 infirmières, que la moyenne d’ancienneté dans le service jusque là de dix ans, est tombée soudainement à deux ans, la difficulté de perpétuer le savoir aux novices y a pris un tour crucial. Le cadre de santé s’est retrouvé confronté à une double difficulté :
la fuite des expertises et des savoirs des anciennes
la formation et l’encadrement corrects des novices.
Il faut ajouter à cela que notre service nécessite de solides qualités de patience, d’empathie, d’intuition, dans la gestion des rapports entre soignants et patients atteints de pathologies cancéreuses, en phase de rémission ou non et leurs familles. La transmission de ce type d’expériences ne se fait pas en un jour. Développer les capacités permettant de s’y adapter exige plus de temps que l’intégration d’un savoir théorique.
Dès lors, l’arrivée d’un nouveau professionnel infirmier dans nos locaux, compte tenu des exigences particulières de notre spécialité crée toujours des bouleversements au sein des équipes, qu’il revient au cadre de gérer. En effet, le nouvel agent ne connaît pas l’organisation du service, les lieux, les différents matériels, encore moins les soins spécifiques liés à la prise en charge psychologique des patients, et va se retrouver confronté à des situations nouvelles et sensibles. Ce qui pourra être à l’origine d’une prise en charge peu satisfaisante de ces patients. De plus, le départ des infirmières devenues expertes au fil des années, va engendrer non seulement la fuite des connaissances théoriques et des compétences issues de la pratique du terrain, mais aussi de ces expériences approfondies de la relation humaine, si indispensables à notre secteur. Comme le souligne P. Benner dans son ouvrage De novice à expert, l’infirmière novice ne devient experte que lorsqu’elle confronte des connaissances théoriques à des situations réelles (p23). Or, dans notre service d’Hémato-oncologie, on ne se contente pas de soigner une blessure physique, si grave soit-elle, on est confronté à une longue maladie, le cancer, qui aboutit souvent, après un dur combat, au décès du patient. Le face-à-face avec la mort est l’exercice quotidien, régulier des soignants, puisqu’il est celui des patients, le plus souvent lucides et angoissés. Le contexte psychologique et relationnel s’avère donc ici déterminant.
Par conséquent, l’infirmière novice, qui n’a aucune expérience de ces situations, a grand besoin de ses pairs les plus aguerris pour l’aider à adopter un comportement le plus adéquat possible dans un tel contexte. Selon M. Wenner[4], elle apprécie d’être en binôme avec une ancienne. L’expérience de l’aînée représente une sécurité. (2006 p145).
Il revient donc au cadre d’organiser la passation de ce savoir complexe, qui va au-delà du savoir théorique, au-delà du savoir-faire, tout en les intégrant, et qui touche au savoir-être, ou comme le dit avec finesse Le Boterf au « savoir y faire ». La responsabilité lui incombe de mettre en place un dispositif où expertes et novices vont fonctionner en bonne harmonie, afin que se transmettent de façon efficace les connaissances et l’expérience de l’aînée.
Car transmettre, ce n’est pas seulement communiquer quelque chose à quelqu’un, c’est avant tout s’assurer que le message est bien passé, ou comme le dit Littré: « faire passer ce qu’on possède en la possession d’un autre »[5]
La question fondamentale suivante se pose donc : Comment le cadre de santé peut-il organiser la transmission de savoirs d’expériences dans une unité de soins ?
2- Le cadre conceptuel
Il s’avère d’abord important de voir le cadre conceptuel pour bien comprendre cette étude. Ainsi, cette partie présentera les différents concepts développés par différents auteurs autour des termes savoirs et compétences, expériences et transmission des savoirs professionnels.
2-1- Le savoir, les savoirs, et les compétences
Au Moyen-âge encore, le savoir, issu du latin sapere, répondait à la double signification de “saveur” et de “connaissance”. Une parenté qui de prime abord peut sembler douteuse, mais qui devient logique, si on relie ces deux sens au mot “goûter”. N’est-ce pas, en effet, pour y avoir goûté qu’on apprend à connaître quelque chose ?[6]
De nos jours, toutefois, le sens ancien a disparu. Pour définir le mot, deux notions ressortent : D’une part, le Littré et l’Académie Française, comme beaucoup d’autres, considèrent qu’il s’agit de « la connaissance acquise par l’étude, par l’expérience ». Le Larousse, d’autre part, s’en tient à « l’ensemble des connaissances acquises par l’étude ». Pour Beillerot (2000), le savoir est défini comme « ce qui est acquis, construit et élaboré par l’étude ou par l’expérience ». Cette définition est amplifiée par le Trésor de la Langue Française Informatisé (TLFI), ainsi, le savoir c’est l’ensemble des connaissances d’une personne ou d’une collectivité acquises par l’étude, par l’observation, par l’apprentissage et/ou par l’expérience.
Ces deux notions citées au début de la définition de ce mot « savoir » correspondent à une réalité que le soignant, comme tout professionnel, comme tout individu, vérifie quotidiennement au cours de son activité et dans sa vie. Il existe en effet plusieurs formes du savoir, même s’il est de coutume de ne l’employer qu’au singulier. Le Littré différencie savoir, savoir-faire et savoir-vivre. Depuis quelques années, on parle aussi de savoir-être, même s’il n’est pas encore mentionné dans les dictionnaires. Le mot est à présent associé à de nombreux adjectifs : professionnel, procédural, expérientiel, savant…
Pour Telmo (2006), le savoir fait partie des connaissances utilisées et recherchées puisqu’il est défini comme « connaissance construite et située dans l’interaction sociale et sur la particularité des situations sociales ». Telmo considère que le savoir allie en même temps l’usage du savoir à sa recherche de connaissance, ce qui laisse l’acteur social accroître une connaissance adaptée à la particularité des situations-problèmes et des personnes qui interagissent réellement. De ce fait, le savoir conçoit le seul type de connaissance rendant l’acteur social libre et engagé indépendamment des autres dans un contexte d’interaction donné. Selon Lave et Chaiklin (1993), le savoir est défini comme la façon de procurer la connaissance la plus non formelle, tacite et intuitive, c’est celle qui a lieu le plus souvent au quotidien. Parallèlement à cela, Burns et Flam (2000) ont exposé que ce savoir est lié aux aptitudes sociocognitives des parties sociales, leur permettant de faire des interprétations et des transformations les règles sociales apparaissant comme déstructurées et tacites dans l’interaction sociale. Dans le cadre de la santé, ce savoir est important pour assurer la prise en charge des patients et de les soigner, non seulement chez le cadre mais aussi et surtout chez son équipe.
Par ailleurs, Malglaive (1998 p87) considère que dans le monde professionnel, ce sont ces savoirs qui régissent l’action. Ils ont été acquis soit d’une manière théorique soit suite à des pratiques sur terrain. En effet, ils ont été fondés au gré de la scolarité et de la formation et à juste titre identifiés grâce à diverses expériences privées et professionnelles. A titre d’exemple, dans une clinique, les équipes peuvent développer leur savoir théorique et pratique en construisant un savoir commun.
Le pédagogue allemand Kerschensteiner (1907) a, le premier, distingué le savoir théorique du savoir d’expérience, reprochant à l’École de se limiter au théorique, un « enseignement traditionnel [qui] provoque chez l’élève une solution de continuité entre le monde de son expérience pratique et le monde du savoir inculqué du dehors. »[7]
Les enseignements reçus par les soignants et particulièrement par les infirmières connaît-il la même opposition théorie/expérience, ou bien se complètent-ils ? La question mérite d’être posée ici.
2-1-1- Le savoir théorique
Le mot théorie, dont l’adjectif théorique est issu, est défini par le Larousse comme un « ensemble de théorèmes et de lois systématiquement organisés, soumis à une vérification expérimentale et qui vise à établir la vérité d’un système scientifique ».
C’est à cette forme de savoir et non à la « connaissance spéculative », second sens du mot, que l’infirmière aura accès au cours de ses trois années d’études en institut.
Pour Le Boterf[8], le savoir théorique peut lui-même se diviser en plusieurs savoirs et se décliner au pluriel. Pour cet auteur, les savoirs théoriques englobent la compréhension et l’interprétation, c’est l’un des types de compétences mobilisées et activées dans une situation donnée, c’est une des composantes de la compétence. Boterf (1994) caractérise les savoirs théoriques comme étant les acquis par les formations initiales et professionnelles, constituant une base de connaissances qu’on qualifie d’explicites en raison de leur caractère formel. Les professionnels de la santé puisent ainsi des ressources issues de leur métier d’origine, de leurs différentes formations où ils ont acquis de savoir théorique, et des situations de travail rencontrées dans leur exercice de cadre, de soignant ou d’infirmier.
On peut y trouver « des concepts, des connaissances disciplinaires, des connaissances organisationnelles, des connaissances rationnelles. » Ce savoir correspond à l’affirmation « savoir que », traduction littérale de l’anglais knowing that. Il s’agit de «savoirs d’intelligibilité » destinés à faire comprendre « comment ça marche ».
« Ce savoir général est le plus souvent diffusé par l’école et la formation ».
« C’est un enseignement général (…) qui permet d’atteindre des niveaux de connaissances dans diverses disciplines ».
Heber Suffrin (1998) explique que théoriser signifie sortir de sa propre expérience pour se rapprocher aux savoirs d’autrui; penser et rechercher à partir de l’expérience quelle peut en être la règle générale. Et ce mot vient du grec : observer, prendre du recul. A ce titre, cet auteur considère que le savoir théorique est relié au savoir-faire étant donné que l’on peut avoir un savoir-faire si l’on acquiert un savoir théorique, et ces savoirs théoriques sont la réponse à la question que les savoir-faire posent.
Plusieurs types de savoirs théoriques sont proposés par Mialaret (1996), ce sont:
- a) la composition des réflexions philosophico-historiques sur l’éducation et l’enseignement,
- b) le théorique institutionnel (les programmes),
- c) et les idéologies pédagogiques ou andragogiques.
Pour Raisky (1993), les savoirs théoriques sont définis semblablement à des savoirs scientifiques, c’est-à-dire par savoirs scientifiques, il met en opposition les caractéristiques du technicien de celles du scientifique. En effet, pour lui le scientifique est animé d’une envie de vérité mondialement reconnaissable. À ce titre, il ne peut s’agir que d’une vérité en question qui nécessitera, pour se construire, surmonter les épreuves, sans cesse renaissants, étant donné qu’ils sont dans la conscience même du scientifique. Quant à Roger et Maubant (2011), la théorie (Theoria) est le processus de construction et de conception, et elle est également le produit de cette construction et conception. Ainsi, la théorie est processus intellectuel et en même temps objet-produit de ce processus. Dans le cadre de la santé, entre novice et expert, ce savoir doit être enrichi et actualisé, étant donné qu’ils sont souvent amenés à analyser des situations et que la démarche de soins est un processus dynamique.
L’enseignement destiné aux soignants, comme tous les autres s’inscrit dans un savoir plus vaste, le savoir savant, que Jean-Pierre Ferrier, enseignant à l’Université de Nancy estime « très difficile à cerner ». C’est grosso modo, dit-il, le corpus de l’enseignement universitaire. (…) Pour le définir intégralement, on devrait pouvoir interroger tous les mathématiciens ou autres scientifiques actuels, et ressusciter ceux des générations précédentes. »[9]
En d’autres termes, c’est « le savoir des spécialistes du domaine », confirme Françoise Dubouchet, enseignante en chimie à Genève.[10] Ce savoir-là ne pouvant être enseigné tel quel, « sinon peut-être dans les troisièmes cycles des universités. Et encore… » s’interroge Yves Alpe, enseignant à L’IUFM d’Aix-Marseille[11], il doit subir des transformations pour devenir, en l’occurrence le savoir théorique qui sera dispensé aux élèves-infirmières. Pour cela, explique de manière très claire Françoise Dubouchet, « une transposition didactique » est indispensable. Elle se fait en deux étapes :
Une étape externe qui consiste en une définition des programmes d’enseignement.
Une étape interne, celle où le savoir est réellement enseigné, à partir des programmes. « Cette transposition est celle que fait chaque enseignant dans ses classes en fonction de ses élèves et des contraintes qui lui sont imposées (temps, examens, conformité à des canons scolaires [ou professionnels] établis, etc.). »[12]
C’est la part la plus importante de ce qu’apprennent les infirmières pendant les trois années d’enseignement couronnées par le diplôme d’État.
Ce savoir est constitué pour l’essentiel des savoirs théoriques dispensés dans les instituts et aussi par toutes les règles institutionnelles, les lois, et les recommandations des organismes professionnels (CLIN, CLUD…). Il est qualifié par Fijalkow, spécialiste de l’enseignement,[13] de « savoir déclaratif ». Ces connaissances sont en effet « d’ordre verbal, s’apprennent vite, sont explicites et sont directement accessibles ».[14]
Qu’ils s’apprennent vite ou pas (laissons à l’auteur la responsabilité de cette opinion), ces cours magistraux, parce qu’ils portent davantage sur le général, l’universel que sur le particulier, sont relativement aisés à transmettre.
De fait, en accédant au service d’Hémato-oncologie, la novice a assimilé normalement les connaissances requises indispensables pour travailler dans cette unité de soins. Elle a notamment appris les principes de la chimiothérapie, les diverses pathologies liées au cancer, etc. Elle connaît les risques des thérapeutiques liés aux effets secondaires.
Mais ses connaissances ne se limitent évidemment pas au seul savoir théorique. A ces cours magistraux suivis pendant ses études, se sont greffés, au sein même de l’institut, des exercices pratiques. En alternance avec ces cours, plusieurs stages ont eu lieu en milieu hospitalier pour enrichir sa formation. La novice a eu ainsi l’occasion d’expérimenter une autre forme de savoir, articulé à la théorie, que Fijalkow et Le Boterf qualifient de « savoir procédural ».
2-1-2- Le savoir procédural
Ce savoir, ainsi appelé parce qu’il est bâti sur une procédure, ne concerne dans le cas présent ni le Droit mais la technique. C’est une « suite d’opérations effectuées selon un processus méthodique » (dictionnaire multimédia). Elle a ainsi pu réaliser au cours des stages et en institut des actes de pratique tels que, une perfusion, une injection, une transfusion sanguine etc. Ces gestes minutieusement répétés lui auront permis d’évaluer sa formation théorique, d’y réfléchir, de confronter l’abstrait au concret.
Ces connaissances dites procédurales sont intimement liées à la connaissance de type déclaratif, réservée au domaine de la pure théorie. Elles relèvent de l’action, expriment le « savoir comment » (ou knowing how), en appui du « savoir que ». Pour distinguer le théorique du procédural, les images ne manquent pas. Fijalkow les emprunte à la géométrie et plus précisément au cercle. Le savoir théorique en décrit le principe : « un cercle est l’ensemble des points équidistants d’un point donné ». Le savoir procédural s’attache à la méthode permettant de le dessiner : « Pour construire un cercle, tourner le compas avec un bras fixé jusqu’à ce que l’autre bras soit revenu à son point de départ ».
Le Boterf (p. 121) utilise, pour sa part, l’analogie de la carte de géographie. Elle est « au savoir compréhensif [la théorie], ce que l’itinéraire recommandé est au savoir opératif [la procédure] ». Ainsi, pour Le Boterf (1994), ces savoirs procéduraux permettent d’expliciter les modalités de réalisation de telle ou telle opération ou procédure du travail. Relativement à l’unité de soin, les savoirs procéduraux correspondent aux savoirs techniques, méthodologiques, relationnels que les novices doivent considérer dans l’exercice de leur métier.
Les trois auteurs suivants Lenoir, Laforest et Pellerin (1995) parlent principalement de savoirs procéduraux quand ils considèrent la dimension empirique des savoirs professionnels. Pour eux, ce sont les différentes façons de faire, des procédures, des routines, de ce qu’il faut entreprendre et procéder pour agir. Ils considèrent que ces savoirs procéduraux sont transmis comme des procédures à appliquer dans des situations spécifiques, qui relèvent de guides d’action garantissant l’efficacité des procédures étendues au regard du diagnostic de la situation professionnelle rencontrée.
Pour Heber Suffrin (1998), les savoirs procéduraux répondent à des principes et des règles qui méritent d’être connus tels que le calcul ou règles de grammaire. Le savoir-faire, que nous verrons un peu plus en bas, est aussi relié à ces pouvoirs procéduraux, pour Suffrin le savoir-faire est le produit des savoirs procéduraux obtenu par transmission ou par expérience. De ce fait, ce sont ces savoirs que les infirmiers novices vont acquérir lors de leur formation via la transmission de savoirs faite par les expérimentés.
Le savoir procédural fait partie de l’un des deux types de savoirs définis par Delbos et Jorion (1984) autre que le savoir propositionnel. Inversement à ce dernier qui est délivré par les scientifiques étant dits « théoriques », les savoirs procéduraux sont reliés aux travaux pratiques sur le terrain et en laboratoire et montrent « comment il faut faire ».
Ce savoir du « comment », du mode opératoire, du « processus méthodique » est un complément indissociable du savoir théorique. Leur intégration par l’étudiante puis la novice exigent pareillement attention, concentration, mémoire, répétition (verbale ou gestuelle). Leur imbrication impose la réflexion. La novice peut chercher à imiter l’experte, mais elle doit aussi penser ses propres gestes, examiner leur logique, leur utilité. Sont-ils exécutés à bon escient ? Comment les rendre plus efficaces ? La procédure n’est pas qu’une suite d’actions mécaniques. Elle s’appuie sur le raisonnement, l’intelligence, le bon sens et implique parfois une analyse des pratiques professionnelles.
Lorsque ces actes qui prolongent la théorie sont répétés des dizaines, des centaines de fois, mais aussi intégrées, analysées et comprises ; lorsque l’infirmière améliore progressivement son « agir professionnel » (Schön) par une pratique réflexive, alors on peut dire que son savoir procédural est devenu un savoir-faire.
2-1-3- Le savoir-faire
Les dictionnaires sont, à ce propos, tous unanimes : le savoir-faire est avant tout une « habileté » dans un art, une pratique. C’est la capacité à résoudre au mieux un problème. On peut le considérer comme une forme de talent. En sport, les professionnels de football connaissent tous les règles du jeu. Moins nombreux sont les très bons joueurs, les musiciens classiques connaissent incontestablement le solfège, mais il n’y a qu’un Mozart. Le savoir-faire est défini par le CCAG-TIC (2009) comme une composition de connaissances techniques et méthodologiques, à cause de leur nature, ou par la volonté de leur propriétaire, ne font pas l’objet de titres de propriété et sont en principe tenus secrètement par leur propriétaire. A ce propos, une citation de Georges-Armand Masson dit que « Le savoir-vivre est l’art de ne pas montrer trop vite son savoir-faire. » |
Ça pourrait être aussi, une compétence acquise dans le monde du travail par l’expérience dans les problèmes pratiques, dans l’exercice d’un métier. Dans le domaine du soin, la transmission du savoir-faire reviendrait à exposer des gestes, à montrer « les astuces » pour réaliser parfaitement son métier. Actuellement, avec l’avancée de la technicité, l’infirmier effectue un travail avec des tâches plus typiques en choisissant un champ organique où certains actes initiés se répètent.
Pour Heber Suffrin (1998), le « savoir-faire » a une nature identique que les « savoirs », une continuité existe entre ces savoirs. Pour lui, il existe certains degrés d’habileté parce que les savoirs ne permettent pas tous la même habileté. Cet auteur pense que ceux qui « savent faire » se considèrent en infériorité par rapport à ceux qui « savent ». Ainsi, il définit, le savoir-faire comme étant un savoir pratique que la société a reconnu. Cette reconnaissance sociale se présente selon deux cas à savoir la reconnaissance par un groupe et l diplôme.
Le Boterf (2003 p. 125,126) se sert de plusieurs comparaisons évocatrices pour illustrer le sens du mot « savoir-faire »: c’est, dit-il, « “l’oreille” du fondeur de cloche pour s’assurer de la sonorité de la cloche ; “le nez” du parfumeur, le “coup d’œil” du radiologue, le geste sûr du maçon dans son lancé de ciment ». C’est aussi « “ le flair” de l’infirmière (né précisément de sa pratique réflexive) qui sait plus vite que l’interne, repérer le malade qui va, dans les minutes qui suivent, faire des complications ». C’est donc également « savoir se débrouiller face aux imprévus ».
En Hémato-oncologie, ce pourra être, par exemple, la dextérité d’une infirmière à poser une perfusion dans une veine fragilisée par des chimiothérapies à répétition. Ces gestes délicats nécessitent souvent un long apprentissage. C’est à ce prix que le « savoir-faire est un savoir agir sur, dans, avec l’environnement », écrit Boutte (2007, p. 79).
Ce savoir-faire que Le Boterf qualifie « d’empirique », « prend en compte ce que néglige la théorie ». C’est le savoir du « coup par coup », des « approximations », du « contingent ». A l’opposé de la théorie qui s’intéresse au général, à l’universel, le savoir-faire concerne des situations particulières, singulières, souvent inopinées. « Difficilement exprimables et formalisables, ajoute t-il, pris dans l’opacité de l’expérience, ces savoir-faire sont parfois appelés connaissances “tacites”. « Leur mise en mots est difficile ».
Tous les professionnels, tous les soignants ne possèdent pas le même doigté, la même capacité d’adaptation à l’imprévu. La motivation, la capacité à s’auto-évaluer correctement, mais aussi la personnalité de chacun peuvent faire la différence. La transmission de ces savoir-faire est de ce fait plus incertaine que celle des savoirs théoriques et procéduraux. A la répétition des comportements, des gestes doit s’ajouter une habileté personnelle ainsi qu’une qualité relationnelle, dont le cadre devra tenir compte lorsqu’il constituera une équipe experte-novice.
Car en milieu hospitalier sans doute plus qu’ailleurs, que serait un savoir sans cette façon d’être qui s’exprime dans nos attitudes, notre personnalité. Ce savoir-là se nomme le savoir-être.
2-1-4- Le savoir-être
Du savoir-faire au savoir-être, ou “savoir-y-faire”(Le Boterf), le lien, en effet, n’est pas forcément naturel. Un soignant habile qui pratique son métier avec intelligence, peut se révéler pauvre en qualités relationnelles, éprouver peu d’empathie pour les patients, Ces aptitudes ne se décrètent pas. Les cours théoriques, l’habileté manuelle, la pratique réflexive trouvent ici leurs limites.
L’expression étant récente dans les ouvrages (1970)[15], les définitions sont rares. Sandra Bellier[16] préfère, pour le cerner, utiliser le terme de notion à celui de concept. Dans la classification « savoir, savoir-faire, savoir-être », le savoir-être est l’équivalent de domaine affectif. Il concerne les traits globaux qui constituent la personnalité et qui ne relèvent pas du domaine cognitif (les valeurs, les émotions, la socialisation, la motivation…). Cela détermine la personne dans ses relations à elle-même, aux autres et au monde. Les Savoir être combinent à la fois les traits de personnalités, l’identité, la culture, le comportement, les attitudes mais aussi l’idée de volonté, de motivation.
Le dictionnaire encyclopédique de l’éducation et de la formation cite son interprétation (p. 402, 403) :
« Le savoir-être décrit les comportements permettant aux salariés d’agir de manière efficace, c’est- à- dire en conformité avec les normes sociales dominantes et le système de pouvoir. »
Puis le dictionnaire tente d’expliciter cette formule un peu abstraite :
« Le savoir-être correspond donc à une manière d’être (sa manière personnelle de s’adresser aux autres, d’agir, de poser les comportements pertinents par rapport à la situation), manière d’être souple, adaptée à l’environnement humain du sujet et modifiable en fonction des modifications éventuelles de cet environnement. »
Le savoir-être selon Le Boterf (1999) est un type de savoir très utile au métier de formateur. Toutefois, cet auteur l’associe aux autres savoirs comme les savoirs-faire sociaux ou relationnels (autrement dit l’ensemble des capacités qui permettent de coopérer avec les autres). En raison de contenu hétérogène (attitudes, qualités personnelles, valeurs éthiques, etc.), ces savoirs-être ne sont pas facilement formalisables, et même sont une notion à risque : la notion de savoir-être peut inférer un jugement sur la personnalité. Par ailleurs, cette notion est importante pour un formateur parce qu’elle évoque une posture d’écoute et d’accompagnement, et plus communément toute la communication inconsciente en partie et qui détermine le succès d’une relation pédagogique. Aussi, les auteurs Mienville, Grandjean et Schneidermann (2001) définissent le savoir-être par l’acquisition de la compétence de « savoir se comporter » qui résulte de l’application de savoir et de savoir-faire. Pour les infirmières, ce savoir constitue les manières d’agir et de se comporter face à un patient étant donné que les patients ont besoin des plus grands soins.
Le monde hospitalier est évidemment directement concerné par ce savoir-là, dédié à la relation en général, à la relation aux malades, à leurs familles, aux comportements entre collègues, entre niveaux hiérarchiques. Dans cet univers où la souffrance et la mort sont omniprésentes, trouver l’attitude qui convient pour chaque cas particulier est déterminant.
Tout patient, tout individu étant unique, l’infirmière doit pouvoir s’adapter à chacun, choisir le mot juste pour réconforter, comprendre leurs désarrois et celui des proches.
L’experte en charge d’une novice aura la double tâche de réconforter les malades et de soutenir sa collègue débutante, déstabilisée peut-être par la vision de souffrances inhabituelles, confrontée à la mort imminente de patients en fin de vie. Au cadre revient le choix pertinent d’une infirmière chevronnée, rompue aux situations difficiles, qui saura contrôler ses propres émotions. Car c’est par son comportement exemplaire, qu’elle transmettra un peu de ce savoir-être et donnera confiance à son équipière. La présence d’une aînée constitue alors une aide inestimable.
J’ai vécu ce type d’expérience, il y a quelques années, en faisant équipe avec une jeune infirmière, dans mon unité de soins d’Hémato-oncologie, qui n’avait jamais été confrontée directement à la mort. Ses savoirs n’étaient nullement en cause. Elle a d’ailleurs fait preuve de réactivité en contactant le SMUR pour une tentative de réanimation. La difficulté est venue de son incapacité à maîtriser ses émotions. En sachant garder une certaine distance avec des situations chargées en émotions, l’infirmière expérimentée peut aider la novice à prendre du recul dans un contexte difficile.
Dans ce genre de service, chaque jour, chaque nuit amènent leur lot d’incidents nouveaux. “Savoir être” une professionnelle, c’est savoir s’adapter à chaque cas, à chaque patient. C’est apaiser la colère d’une famille, comme je l’ai vu à plusieurs reprises ; ou à l’inverse, en consoler une autre atterrée par la perte imprévisible d’un proche.
Pour les cadres d’un service, organiser la transmission d’un pareil savoir relationnel, intimement lié à la personnalité du soignant, peut légitimement constituer une préoccupation. Car il s’agit ici d’éléments beaucoup moins mesurables que des savoirs théoriques, procéduraux et même des savoir-faire. Et pour cause : le savoir-être est affaire d’expérience intime et de vécu. Comment le conjuguer avec l’acte de transmettre, infiniment plus neutre ? Dans quelle mesure l’expérience personnelle et les savoirs d’expériences sont-ils communicables ? C’est ce que nous allons examiner à présent.
2-2-5- Les compétences
Nous avons déterminé ci-dessus ce qu’on entend par « savoirs ». Il arrive souvent qu’on rencontre le mot « compétence » lorsqu’on développe le terme « savoirs ». Afin de bien comprendre cette notion donc, on essaiera de voir différentes définitions de certains auteurs de cette compétence dans ce paragraphe, et surtout son application dans le cadre de la santé et dans le transmission de savoirs.
Généralement, la compétence peut être définie comme «« la mise en œuvre d’une combinaison de savoirs (connaissances, savoir-faire, comportement et expérience) en situation »[17],[18], [19] .
Matillon, Leboeuf et Maisonneuve (2005) ont donné la définition de a compétence d’un professionnel de santé en commençant par l’acquisition d’un diplôme initial, ensuite la mise en œuvre d’une formation, une activité professionnelle effective, et un mécanisme régulier de mise en œuvre de revue par les pairs.[20]
La définition de la compétence suivante a été proposée par Carré, Bélier et Caspar en 1999 «la compétence permet de procéder et/ou de résoudre des problèmes professionnels de manière satisfaisante dans un contexte donné, en mobilisant diverses capacités de manière intégrée ».[21] En considérant cette définition, dans le cadre de la santé, diverses capacités devraient ainsi être mobilisées en matière de compétences afin d’agir en face de difficultés dans la formation des novices et dans la réussite d’un établissement donné. Les novices sont amenés à apprendre à résoudre les problèmes et dépasser les obstacles en toutes circonstances.
Par ailleurs, Boterf (1995, 1997) considère la compétence par l’activation ou la mobilisation de divers types de savoirs, dans une situation et un contexte particuliers. Les différents types de savoirs que nous avons définis dans les parties précédentes font partie des types de compétences distinguées par Boterf [22]. Ce sont donc les savoirs intégrant les compétences mobilisées dans le cadre de l’activité d’un professionnel de la santé.
En 1974, Kartz a proposée une définition plus vieille où il catégorise trois types de compétences [23] telles que les compétences techniques (processus, procédures, méthodes, techniques d’une spécialité), en se référant aux savoirs, cette compétence peut être reliée aux savoirs procéduraux où dans le cadre de la problématique de cette étude, la novice doit déjà posséder les techniques. Ensuite, il y a les compétences humaines (dans les relations intra et interpersonnelles) que nous pouvons associer au savoir-être qu’un infirmier doit entretenir dans ses relations avec ses patients ou ses collègues. Il y a aussi les compétences conceptuelles (analyser, comprendre, agir de manière systémique) que les novices devront apprendre au cours de leur formation et mettre en application dans leur vie active.
En outre, quand on entre dans le cadre de santé, la compétence n’a pas encore une définition uniforme étant donné que c’est un concept assez nouveau. Habituellement, elle est interprétée comme la compétence de parvenir aux informations relatives à la santé, de les comprendre et de pouvoir les mettre en pratique dans la vie ordinaire. Selon une définition un peu plus large, en matière de santé « la compétence est la capacité de l’individu à prendre des décisions qui, dans sa vie journalière, ont des effets positifs sur sa santé et sur celle des autres. » Plusieurs modèles pour la catégorisation de la compétence en matière de santé existent. Le plus connu est celui de Don Nutbeam (2000)[24], qui comporte trois échelons:
La compétence fonctionnelle en matière de santé décrivant les compétences de base pour lire et comprendre les informations qui ont trait à la santé et pour l’utilisation d’offres dans ce domaine.
La compétence communicative et interactive en matière de santé concernant les compétences sociales et cognitives qui permettent l’analyse des informations et la traduction des ces dernières en actions. .
La compétence critique en matière de santé décrivant les compétences cognitives et sociales avancées qui permettent d’analyser et de traiter avec profondeur les informations.
Par ailleurs, en se basant sur la définition générale donnée par MEDEF, Le Boterf et Zarifian, une terminaison caractéristique pour les professionnels de santé a été agencée à partir de la littérature professionnelle. Sans viser à l’exhaustivité, les définitions suivantes peuvent être avancées :
A partir d’approches sectorielles comme les soins infirmiers généraux en 1998, la Communauté européenne a défini la compétence de manière similaire comme l’ensemble des « connaissances, aptitudes, et attitudes individuelles permettant à une personne d’exercer son activité de manière autonome, de perfectionner tout le temps sa pratique et de s’adapter à un environnement en mutation rapide (…) »[25],[26]. Les infirmiers sont donc appelés à posséder des caractéristiques individuelles quand ils exercent leur métier.
En 2000, la compétence a été définie par le Conseil National de l’Ordre des Médecins (CNOM)[27] comme « la principale exigence de la morale professionnelle ». Cette approche est conçue sur l’article 11 du Code de déontologie exprimant que tout médecin est obligé à entretenir et perfectionner ses connaissances ; il doit prendre toutes dispositions indispensables pour participer à des actions de formation continue ; et il doit participer à l’évaluation des pratiques professionnelles. Pour le CNOM, la compétence estime non seulement un savoir aussi large que possible mais elle doit aussi inclure une bonne adaptation à l’exercice de l’activité médicale. En effet, il n’est pas pertinent de ne concevoir la compétence que comme un ensemble de savoirs. Si l’exercice dans l’infirmerie ou de la médecine ne peut se faire sans une connaissance complète des « données acquises de la science », il ne peut se créer sans certaines aptitudes humaines et organisationnelles. Cette réunion de « savoir-faire» et de « savoir-être » est tout aussi indispensable à un exercice médical de qualité que les connaissances cliniques. A ce propos, le cadre de santé est amené à posséder ces compétences de savoir-faire et de savoir être étant donné qu’il est chargé de missions d’encadrement, s’il veut la reconnaissance légitime du personnel placé sous son autorité, il doit faire preuve de compétence, connaître et maîtriser le système relationnel avec l’environnement, instaurer un mode de communication efficace, connaître et maîtriser les règles fixées par l’organisation. En outre, il est en situation d’apprentissage de ces notions que nous venons d’énumérer mais aussi des aspects techniques de sa fonction.
En 2005, le Collège National des Généralistes Enseignants (CNGE) [28] a donné la définition suivante pour bâtir son cadre de certification des jeunes médecins généralistes : La compétence est aussi savoir agir complexe, en rapport avec le contexte d’apprentissage ou de l’exercice, intègre de nombreuses connaissances et permet à travers une famille de situations, non seulement l’identification de problèmes mais également leur résolution par une action active efficiente et adaptée à un moment donné.
Bref, la compétence médicale repose d’une part, sur des théories et pratiques acquises qu’il convient de décider a priori selon des spécificités de chaque spécialité médicale et de maintenir tout au long de l’apprentissage et de l’exercice professionnel ; et d’autre part sur des capacités et attitudes individuelles à déterminer de façon transversale et prendre en compte pour garantir un exercice médical de qualité, notamment chez les cadres de la santé et des infirmiers.
2-2- Expérience et savoirs d’expérience
Au vu des différents savoirs que je viens d’évoquer, il faut bien l’admettre : plus nos connaissances s’éloignent de l’universel et se rapprochent du particulier, plus leur transmission risque d’être imparfaite, voire impossible. Dans une étude sur la transmission de l’expérience professionnelle, Jean-Claude Mouton, enseignant à l’IUFM d’Aix-Marseille le reconnaît :
« Il est toujours difficile de parler de sa pratique réelle, de restituer dans le discours certains actes (perception, raisonnement, geste…) dans l’immédiateté du faire ou dans un moment décalé de l’action. Bien souvent les mots ne suffisent pas pour décrire tel geste, telle procédure. Mais surtout une part importante des actions échappe à la conscience. Il faut un effort important du sujet pour reconnaître ses actions comme gestes professionnels. Comment transmet-il cette expérience ? »
Pour tenter de répondre à cette question, des philosophes réputés (Locke, Kant…)[29], des enseignants tels que Perrenoud ont cherché à définir d’abord ce que signifie le concept d’expérience. Francis Karolewicz, consultant en ressources humaines, qui s’y est attaché, considère qu’il recouvre deux notions distinctes[30] :
L’une est fondée sur notre vécu. C’est ce que nous avons appris depuis la naissance (et même avant), à travers nos actions, notre éducation, nos rencontres, nos études. C’est notre passé, ce que nous avons acquis avec le temps, et sur cet acquis repose un savoir, un savoir-faire, des comportements, des croyances, un savoir-être. L’ensemble détermine notre identité, nos différences. L’auteur ajoute, en accord implicite avec Jean-Claude Mouton, qu’une part de ces expériences est tellement intégrée en nous, que nous n’en avons plus conscience. Pourquoi un tel aime t-il la mer et un autre en a-t-il peur ? Probablement parce que leur expérience respective est très différente.
L’autre notion a en perspective le futur. Ce sont des expériences voulues, conscientes, réfléchies, en vue d’un progrès. Les expériences scientifiques en font partie. Mais cela concerne aussi chaque individu, chaque groupe, dès lors qu’on cherche à tester quelque chose de nouveau : un produit, un protocole, un jeu… Ce sont des expériences destinées à s’adapter à une situation nouvelle ou à en créer.
« Faire l’expérience de quelque chose, c’est faire l’essai de cette chose ou tenter de la réaliser, bref agir sur le monde par rapport à un ensemble d’intentions »[31]
Ce second aspect de l’expérience est davantage fondé sur l’intellect qui cherche à comprendre, tandis que le premier se compose d’un mélange d’émotions, de croyances, de morale, de culture et d’études. Chacun de nous, toutefois, est constitué de ces deux aspects, mais en proportion inégale. Dans tout métier, un cadre attentif sait détecter les professionnels qui s’adaptent aisément aux évolutions et aux expériences nouvelles, et ceux qui sont davantage en échec. Ces qualités d’adaptation se révèlent plus nettement dans certaines circonstances. Claude Lévy-Leboyer( 2009 p.117), docteur en psychologie, l’a constaté :
Certaines expériences sont, d’une manière générale, plus formatrices que d’autres. C’est le cas, en particulier, de situations difficiles. Exemple : faire face à des subordonnés incompétents ou indociles, (…) prendre une décision importante, sans avoir toutes les informations nécessaires.[32]
Cependant, si ces expériences qu’on peut aussi qualifier de tests, d’essais, de pratiques réflexives, sont “digérées” par l’infirmière, elles vont alors devenir à leur tour un acquis et s’incorporer peu ou prou à son vécu. Pour Perrenoud[33], les savoirs d’expérience qu’il nomme aussi savoirs expérientiels, sont ceux qui s’enracinent dans l’expérience personnelle et n’ont pas besoin d’être mis en mots pour être efficaces.
Pour distinguer ces deux aspects l’un de l’autre, le professeur Claude Bernard s’était servi naguère de la grammaire : au singulier, l’expérience était synonyme d’identité, et au pluriel d’expérimentation[34].
Ce savoir d’expérience est un savoir qui s’apprend par l’exposition répétée à des situations diverses et variées. C’est un savoir qui pourra être reproduit ou adapté lors de situations similaires ou approchantes. On comprend alors que la réalité d’une situation pouvant différer de celle à laquelle on s’attendait, oblige l’infirmière à mobiliser des connaissances et des savoirs antérieurs pour faire face au nouveau contexte. L’infirmière novice, elle, n’est pas toujours en mesure de mobiliser toutes ses connaissances, lorsqu’il s’agit d’appréhender une situation inédite au sein d’un service.
Dans sa thèse, Phaneuf (2011) décrit les savoirs d’expérience comme les savoirs obtenus à l’occasion d’une démarche intellectuelle, de la mise en pratique d’un jugement, du développement d’une intentionnalité, d’une prise de décision à propos d’une action de nature émotionnelle ou affective, relationnelle, technique ou organisationnelle. Les savoirs d’expérience sont ceux qui devancent les connaissances livresques, formalisées, ceux qui ont été expérimentés par la réalité, qui ont supporté le feu de l’action. Ils ont été assujettis à la remise en question, à la mouvance des situations, aux troubles et aux ambiguïtés du changement. Ces savoirs ont soutenu les soins et d’une certaine manière, ils persistent dans les formes du fonctionnement actuel des services de soin. Relativement à ce que dit Huxley dans sa citation disant que « L’expérience n’est pas ce qui arrive à une personne donnée mais ce qu’une personne fait avec ce qui lui arrive. ». Les infirmiers acquièrent de l’expérience au fil du temps, et leurs savoirs se puisent dans diverses sources. En soins infirmiers, l’expérience demeure dans la tête et la main, mais elle réside sans valeur si elle n’implique pas aussi le cœur.
D’après Phaneuf (2011), les infirmières de carrière sont des sources vivantes de savoirs d’expérience. Ils sont d’abord détenus par certaines infirmières de carrière dont l’expérience très fortunée en fait des références vivantes. Il existe des soignantes expérimentées d’une adresse admirable, dont la main agit d’une manière si habile, si exact et si agile qu’elles sont reconnues universellement dans leur milieu. Des soignantes arrivent aussi à tourner un pansement avec facilité ou calmer une personne agressive d’une parole ou d’un geste adéquat. Elles sont dotées d’un savoir d’expérience qu’elles ne peuvent elles-mêmes expliquer l’impact de leurs collaborations. Leur savoir pratique est si assimilé à leur activité intellectuelle et à leurs processus émotifs qu’elles agissent avec une grande aisance, de manière inspirée et intuitive, que l’on pourrait presque croire automatique. Le foisonnement des mesures logiques, réalistes, organisationnelles, techniques, mais aussi affectives de ces savoirs d’expérience est si sérieux et si bien assimilé qu’il les rend difficiles à décrire et parfois aussi à transmettre. Ces savoirs sont le fruit à la fois, de longues périodes d’application, de concentration, de réflexion, de déloger l’intuition et au jugement sur le fait, de rectification de la précision du geste et de la prise de décision. Ils veillent sur une base théorique reconnue, mais s’enrichissent avec le temps, au fil des contextes vécus et se bâtissent dans la fatigue, la complication du service et parfois même dans la douleur. Ces connaissances se démontrent précieuses et pourtant, elles sont éminemment transitoires, éphémères même, puisque la instabilité du personnel et la renouvellement de poste, la maladie ou la mise à la retraite peuvent nous en priver pour toujours. Et avec le départ de ces infirmières, une partie de connaissances et d’habiletés disparaît, d’où la nécessité de motiver et de bien former les novices pour la relève dans cette profession.
Cette explication précédente rejoint la définition donnée par l’Agence Nationale pour l’Amélioration des Conditions de Travail stipulant que les savoirs d’expérience se bâtissent au fil des situations professionnelles et, en partie, extraprofessionnelles auxquelles on fait face. Ces savoirs d’expérience complètent les savoirs académiques acquis durant le cursus scolaire ou en formation. Les savoirs d’expérience ne sont pas faciles à formaliser et à expliciter, ils correspondent à un ensemble de qualités et de manières d’être, de penser, de confronter une situation de travail. C’est la possibilité d’analyser ces contextes (l’expérience vécue) et d’en tirer des leçons qui permettent d’accroître ces savoirs d’expérience. Si ce travail réflexif est spécifique, il s’inscrit très souvent dans un cadre global à travers des échanges entre pairs ou avec son encadrement. Les savoirs d’expérience permettent à l’infirmier de faire face aux risques et d’agir efficacement en fonction des conditions de travail rencontrées. Ils participent également à préserver la santé physique et psychique des personnes.
Les savoirs d’expériences des infirmières se construisent donc au jour le jour, à partir de leurs observations, de leur perception, et aussi en fonction de la réminiscence des actions entreprises auparavant. Elles peuvent ainsi établir des liens entre diverses données. Dans un service de soins, lorsqu’une infirmière expérimentée change de poste de travail ou passe d’une unité de soins à une autre, elle se retrouve à son tour novice en la matière. Mais son savoir d’expérience n’est pas perdu pour autant. Il constitue un « en plus » qui peut lui permettre une adaptation plus rapide. C’est la thèse que défendent trois enseignants à l’université de Toulouse[35] :
« Nous postulons qu’il existe une part du savoir qui n’appartient qu’à l’expérience, qu’au sujet expérimenté. Cet « en plus » de savoir est donc générique à toute expérience, mais spécifique à l’expérience personnelle de pratique. »
L’expertise infirmière se développe donc lorsque cette dernière est confrontée à des situations réelles. Lorsque l’infirmière novice arrive dans un service de soins, elle n’a pas forcément conscience des situations auxquelles elle pourrait être confrontée et qui risquent de lui poser problème. La présence d’une infirmière expérimentée à ses côtés est nécessaire pour l’aider à intégrer et à comprendre au mieux le contexte de soins auquel elle est exposée. L’infirmière “ancienne” peut lui faire partager son expérience de terrain. L’expérience combine donc à la fois le vécu, l’action et la prise de recul par rapport à cette action.
Fort de cette analyse, le cadre soignant soucieux d’organiser une bonne transmission des savoirs d’expérience, et plus globalement de l’ensemble des savoirs professionnels, va devoir choisir l’infirmière qualifiée et sachant s’adapter rapidement aux expériences nouvelles, afin qu’elle puisse encadrer la novice et l’aider à devenir professionnelle.
2-3- Transmission des savoirs professionnels
Dans cette partie, il s’avère important de voir d’abord ce qu’on entend par les savoirs professionnels et par la transmission, avant de combiner les deux termes pour comprendre et développer le concept de la transmission des savoirs professionnels si c’est un outil intéressant pour le tutorat puisque de nos jours la transmission des savoirs et des compétences et le tutorat sont des pratiques considérablement amplifiées dans les entreprises et dans le cadre de soins.
2-3-1- Les savoirs professionnels
Avant d’aborder la notion de transmission, il convient de définir d’abord celle de savoirs professionnels. Comme son nom l’indique, ce sont l’ensemble des savoirs qui permettent au professionnel d’exercer sa profession. Ils regroupent logiquement la totalité des savoirs énumérés dans cette étude.
Pour Edgar Schein (cité par Schön dans Le praticien réflexif, page 48) le savoir professionnel revêt trois composantes :
« La composante discipline sous-jacente ou science fondamentale sur laquelle s’appuie la pratique ou à partir de laquelle elle se développe
La composante science appliquée ou génie à partir de laquelle sont élaborés plusieurs des processus diagnostiques quotidiens et des résolutions de problèmes
La composante habileté et attitude qui se rapporte à la prestation concrète de services au client avec utilisation du savoir de base sous-jacent et du savoir appliqué »
Dans le même esprit, Maubant et Martineau, enseignants canadiens,[36] citent Raisky (1993) :
« Les savoirs professionnels ne sont ni la juxtaposition de savoirs pratiques, de savoirs techniques, de savoirs scientifiques, ni leur somme, mais des savoirs de ces trois types relus, réinterprétés par une logique de l’action dont les caractéristiques seront celles à prendre en compte : finalités, valeurs, inscription dans une temporalité ».
Ces définitions soulignent l’imbrication étroite entre les différents savoirs : savoir théorique, savoir procédural, savoir-faire et savoir-être.
Vu encore sous un autre angle, celui de Schön, « le savoir professionnel trouve sa source dans l’agir professionnel ».[37]
Le professionnel est donc celui qui est capable de mobiliser ses savoirs dans l’action. Au cours de sa formation, une infirmière apprend justement à faire les liens entre la théorie et la réalité du terrain, en se confrontant à des situations de soins concrètes, en effectuant différentes actions. Elle peut ainsi mettre en œuvre et combiner ses savoirs. L’agir professionnel, même s’il s’ancre dans l’action, ne se résume pas à une succession d’actes, comme il a déjà été dit, mais nécessite une réflexion sur l’action, au moment de l’action et après l’action, de la part du professionnel. (Schön p.11).
Les savoirs d’expérience se bâtissent au fil des contextes professionnels et, en partie, extraprofessionnelles qu’on confronte dans la réalité. Ils sont complémentaires aux savoirs académiques qui ont été acquis en formation. Cette interpénétration de savoirs différents fait du savoir professionnel un savoir complexe. Se pose donc à nous, et au cadre en particulier, de façon légitime, la question de sa transmissibilité.
Autour de cette notion des savoirs professionnels, la mise en place du tutorat en cancérologie devait participer à la transmission des savoirs et des pratiques. Certains auteurs[38],[39] développent l’idée qu’il existe des savoirs notamment les savoirs professionnels qui ne se transmettent pas mais qui s’apprennent ou se construisent dans les situations de travail rencontrées ; que ce soit par imitation, par identification au pair ou par assimilation de la bonne pratique. Ces savoirs professionnels sont difficiles à transmettre du fait des difficultés que ‘on a notamment à les décrire, tant ils paraissent subjectifs voire relever de l’intuitif ou d’une adaptation personnelle aux règles d’usage. Aussi, se pose la question de ce qui est à transmettre aux nouveaux professionnels dans le domaine clinique ou thérapeutique car les savoirs attendus aujourd’hui sont-ils conformes à ceux utilisés par la génération précédente quand on constate l’évolution des prises en charge des patients et la perte progressive des outils de soins forgés autour du travail institutionnel, et de la notion d’équipe thérapeutique. Pour voir la suite, qu’entend-on ainsi par transmission de savoirs et comment procéder pour résoudre la problématique émanée au début de ce mémoire ?
2-3-2- La transmission
Cet art de « la communication par l’enseignement » que décrit le dictionnaire multimédia est aussi ancien que notre humanité. Il fait partie intégrante de l’homme. Depuis toujours, celui-ci a ressenti le besoin de faire savoir : ses connaissances, ses expériences, ses valeurs, sa culture… Seul le mode transmission a évolué, en s’élargissant. Au geste, à la parole, sont venus s’ajouter l’écrit, puis l’image. Sans les écrits de Platon et d’Aristote, l’enseignement oral de Socrate ne serait pas parvenu jusqu’à nous[40]. La peinture, la photographie, mais surtout le cinéma, la télévision, Internet, concurrencent aujourd’hui sévèrement l’écriture.
Le goût de transmettre s’explique aussi par la valorisation qu’il confère. Le maître enseigne à ses disciples, l’artisan à ses apprentis ; le chaman, le marabout, le guérisseur du village choisissent précautionneusement leurs successeurs, qui deviendront à leur tour des personnages importants de la tribu, de la société. Les domaines où s’opère la transmission sont également très variés. Dans le cercle familial, ce sont les parents qui lèguent aux enfants leurs valeurs, leurs principes de vie. En sport, l’entraîneur apprend à ses joueurs les techniques et les règles du jeu. A l’école, c’est le maître qui s’efforce de fabriquer des têtes bien faites plutôt que bien pleines.
D’une manière générale, la notion de transmission suggère la relation d’un individu qui sait à un autre qui ne sait pas. Rappelons-nous la définition du Littré, déjà évoquée :
« Faire passer ce qu’on possède en la possession d’un autre ».
Dans le livre « les savoirs, la réciprocité et le citoyen », p. 175 : Claire et Marc Héber-Suffrin (1998) ont rédigé que « transmettre, c’est mettre en mouvement le moteur interne de ceux qui sont là pour apprendre quelque chose du savoir ; le moteur qui va faire désirer d’apprendre, placer la personne en projet d’apprendre. Transmettre, c’est relier les choses entre elles ».
Dans le cadre de transmission de savoirs pour la formation et intégration des infirmiers(ères), on entend parler des apprentissages professionnels informels (API). L’encadrement médical pèse sur la transmission des savoirs, et sur le rapport à la loi: les échanges les plus fréquents ont lieu entre infirmiers et médecins également novices. La prise de responsabilité apparaît comme un moment d’apprentissage particulièrement fécond : découverte de missions qualitativement ou quantitativement différentes, crainte d’échouer dans de nouvelles responsabilités et délai court voire inexistant d’adaptation sont les déterminants majeurs des API. Les feed-back de l’entourage au travail sont également cités comme éléments capables de déclencher ou d’ancrer un apprentissage.
Les pairs ont une large part directe dans les apprentissages professionnels informels (API). Ces API sont continus, rehaussent généralement des API d’ajustement et paraissent s’exercer de deux façons capitales : au moment d’une prise de fonction, et en continu, au quotidien, par un échange permanent de petits « trucs », de « ficelles » acquises par les uns et les autres et jugées utiles à tous (Carré et Charbonnier, 2003).
Ci-dessous donc, les processus d’apprentissage dans ce cadre de transmission: Ils peuvent provenir de la personne elle-même ou de quelqu’un d’autre.
De quelqu’un d’autre, ils peuvent se présenter sous la forme de :
– une démonstration c’est une posture générale que l’on donne à voir, parfois tout à fait délibérément en la renforçant même avec le discours, d’autres fois inconsciemment ;
– un conseil : quand l’accompagnant n’a pas le temps de montrer par exemple ;
– une prise de recul : par exemple à travers une réunion de concertation ;
– une imprégnation : due à la fréquentation rapprochée de personnes influentes, elle permet le changement progressif et inconscient de comportement et de conception.
De la personne elle-même : l’apprentissage repose sur une volonté de la personne. Cette dernière le construit à partir de ressources qu’elle sollicite et coordonne, dans une démarche active dont elle connaît ou pressent la finalité.
Si les domaines sont variés, la qualité de la transmission l’est également. Comme on l’a vu dans cette étude, tous les savoirs ne se laissent pas “passer” avec la même facilité. C’est le cas, en particulier, des savoir-faire et savoir-être, qui s’apprennent dans la pratique professionnelle ou à l’école de la vie, plutôt que dans les institutions. Pour exemple, prenons le simple geste de la prise de sang effectuée par les IDE : certaines taperont la veine avant de la piquer, d’autres tendront la peau, d’autres encore parleront au patient pendant tout le soin. Tous ces gestes qui ont une couleur bien personnelle à chacune, proviennent de leur expérience.
3- Synthèse du cadre conceptuel
Le mot qui semble résumer le mieux ce cadre conceptuel est celui de « diversité ». Il s’applique en effet autant aux savoirs, aux expériences, qu’aux différentes manières de les transmettre. C’est cette diversité qui constitue la richesse de notre savoir professionnel. Car la diversité, lorsqu’on en fait bon usage, est source de complémentarité et non d’opposition.
Ainsi, le savoir théorique de l’infirmière, au lieu de s’opposer à la pratique, lui sert de socle. Le savoir procédural appliqué avec intelligence et rigueur aboutit au savoir-faire. Tous ces savoirs, passés au crible d’une réflexion personnelle exigeante, utilisés avec un vrai souci de qualité relationnelle, déterminent le savoir-être.
Ce savoir-être défini par le dictionnaire[41] comme une « manière d’être souple, adaptée à l’environnement humain du sujet » est également le fruit de nos expériences, qu’elles appartiennent à notre quotidien ou à notre milieu professionnel.
Tout comme nos savoirs, nos expériences sont marquées par la diversité. Certaines sont vécues de manière inconsciente, subies ; d’autres sont voulues, recherchées. Toutes contribuent à faire de nous ce que nous sommes. Elles constituent notre singularité.
C’est à ce point de mon cheminement que se pose à moi une première question : comment transmettre à un autre ces savoirs issus d’expériences singulières ? Et plus précisément, comment une infirmière experte parviendra-t-elle, dans son service, à « faire passer » cette forme de connaissances à une novice ? De même, est-ce que tout est transmissible dans le champ de relation thérapeutique, engageant la personne du soignant, quelquefois à son insu. Si cela n’est pas le cas, comment sont construits ces savoirs par le sujet, et en quoi l’organisation peut devenir apprenante pour favoriser une telle transmission ou un tel apprentissage.
La notion de transmission fait clairement ressortir que cette capacité à « faire passer » fait partie intégrante du fonctionnement humain. Depuis toujours, l’homme transmet son savoir par tous les moyens dont il dispose : geste, parole, écrit, image. Celui qui sait, fait passer ses connaissances et son expérience à celui qui en sait moins. Le profit est mutuel, l’intérêt commun. Le cadre en tant que « diffuseur de l’information » (Minztberg, 2006, page 106) doit mettre en place le canal de diffusion le plus adéquat pour que la transmission des savoirs soit efficace entre expert et novice.
4- Le tutorat
La transmission des savoirs et des compétences et le tutorat sont des pratiques largement développées dans les établissements de soins même si elles ne sont pas toujours formalisées. Sa définition du tutorat dans les dictionnaires traditionnels (Le Robert, Le Larousse) renvoie sobrement à « fonction de tuteur ». Pour ce dernier, quel que soit le domaine, on retrouve partout la notion de soutien.
En Droit, il indique « la personne chargée de protéger les intérêts d’un autre (qu’il soit mineur ou non) ». Dans le monde agricole, l’image est plus parlante : c’est « la tige, l’armature de bois ou de métal fixée dans le sol pour soutenir ou redresser des plantes.[42] »
En milieu scolaire ou universitaire, il est « l’enseignant ou l’étudiant de haut niveau chargé des cours de soutien ».[43] Et dans le monde professionnel, c’est un membre du personnel « qui a la charge de transmettre des connaissances et des méthodes de travail à des stagiaires »[44]
Guy Le Boterf, (2006 p.106) apporte quelques éléments supplémentaires. Selon lui, le tuteur poursuit trois objectifs principaux dans ses missions :
Faire acquérir une maîtrise autonome des gestes ou des pratiques professionnelles ; développer la compréhension des gestes professionnels ; mettre en évidence les “savoir y faire” du métier (trucs, ficelles du métier, tours de main…) et entraîner à les acquérir ou à les consolider. »
Pour définir le tutorat, en revanche, il faut se tourner vers des sources traitant plus spécifiquement du monde du travail. Ainsi J.M. Barbier, professeur au CNAM, estime qu’il recouvre « l’ensemble des activités mises en œuvre par des professionnels en situation de travail en vue de contribuer à la production ou à la transformation des compétences professionnelles de leur environnement ».
Le Grand Dictionnaire terminologique de la langue française y ajoute la notion de personnalisation. C’est une « forme d’aide en enseignement individualisé ». Il se présente le plus souvent sous la forme d’un rapport entre deux personnes, le tuteur et le tutoré, plus rarement avec un petit groupe.
On parle en effet de tutorat quand « un apprenant est mis en doublure de façon plus ou moins permanente avec un professionnel compétent ».[45] Ce n’est toutefois pas un métier à proprement parler. « Tout repose sur le volontariat. Il doit y avoir de la part du tuteur une véritable volonté de transmettre ses compétences et ses pratiques professionnelles ».
Il doit également « faire preuve de compétences techniques, savoir formaliser l’information technique et fonctionnelle, organiser le travail du tutoré et gérer son propre temps de travail (…). Le tutorat est donc une activité non planifiée qui se réalise dans la situation de travail ».[46]
Le sens du mot a évolué avec le temps et les circonstances historiques.
Le principe du tutorat a été imaginé pendant l’Antiquité et serait à mettre à l’actif de Socrate mais c’est Comenius dans son « Didactica-Magna » qui en a développé l’idée en soulignant à l’époque l’utilité d’un « moniteur »[47] L’idée était de former des groupes d’élèves avec à leur tête un moniteur afin que les plus instruits aident les autres.
Ce système d’entraide qui permet au maître d’être secondé par ses meilleurs élèves sera aussi utilisé en France, sous l’Ancien Régime, dans les écoles accueillant des enfants défavorisés, car il permet de faire des économies et pallie le manque d’enseignants qualifiés.
Richard Wittorski le relie plutôt à la tradition plus ancienne du compagnonnage.[48]
Plus récemment, l’usage du tutorat sur une grande échelle va être particulièrement remarqué aux États-Unis. Confrontés dans les années 50, 60 à l’immigration massive de populations ne parlant pas l’anglais, ils mettent en œuvre ce qu’Alain Baudrit(2008 page 71) appelle un « tutorat interculturel »
Il s’agit de préparer dans les universités, les collèges, des étudiants du pays d’accueil, à la fonction de tuteur ; puis de leur confier des petits groupes d’étudiants primo-arrivants, afin qu’ils jouent un rôle de facilitateur dans l’apprentissage par ces derniers de leur nouvelle langue.
Dans de nombreux cas, le tutorat s’avère réciproque. Ainsi, à Boston, les enfants noirs bénéficient de cours en espagnol par les Portoricains, et inversement, les enfants portoricains reçoivent des cours d’anglais.
Ces techniques se sont progressivement étendues à l’Europe et à la France. Les conséquences, selon Baudrit, sont très positives : « Il y a de fortes chances pour que tuteurs et tutorés nouent des liens, restent proches, si les premiers ont permis aux seconds de progresser dans un apprentissage ou de s’intégrer dans une institution »[49].
Ce système de tutorat s’est étendu au monde professionnel. En France, la loi du 31 juillet 2009 portant réforme des études infirmières a instauré dans les Instituts de Formation en Soins Infirmiers un tutorat pour les étudiants. Il s’agit d’un dispositif d’apprentissage basé sur une alternance entre la formation théorique et les stages en établissements de soins. Cette réforme a repositionné sur le terrain le rôle et les missions des différents acteurs du soin.
Plusieurs acteurs participent de près ou de loin à cet encadrement : le maître de stage est responsable de l’organisation générale. Ce rôle incombe le plus souvent au cadre de l’unité de soins. Il accueille, intègre l’étudiant et assure le suivi de sa formation. Il est celui qui s’assure du bon déroulement de ces stages, de leur qualité et règle, le cas échéant, les difficultés éventuelles. C’est lui qui nomme le tuteur.
Le tuteur est responsable de l’encadrement pédagogique de l’étudiant. Il le reçoit, s’entretient régulièrement avec lui, l’aide à s’auto-évaluer, le guide, transmet ses savoirs. C’est à lui que revient la responsabilité de ratifier le portfolio qui détermine les compétences du futur infirmier.
Le professionnel de proximité est l’expert qui veille au quotidien à la formation correcte de l’étudiant sur le terrain en lui enseignant les bonnes pratiques.
Le formateur référent du stage est celui qui assure la coordination entre l’institut et l’établissement d’accueil. Il constitue le lien entre les différents intervenants.
Le but de cette organisation est double :
D’une part, permettre à l’élève infirmier d’acquérir progressivement les compétences nécessaires à l’exercice de son métier ; d’autre part l’aider à développer une démarche réflexive. Cette démarche consiste en une réflexion permanente sur les actions entreprises, une auto-observation de ses gestes. Elle exige des échanges avec les professionnels, avec son tuteur. Il s’agit d’éviter le mimétisme, l’imitation pure et simple des aînés. L’étudiant ne copie pas, il s’approprie le savoir. Pour Le Boterf, cette démarche « consiste, à partir des récits de pratiques, à se dégager de l’effet de contexte pour produire des invariants malgré et grâce à la variété des pratiques contextualisées ».[50]
Autrement dit, par les discussions, par la réflexion, par la prise de conscience, définir des situations emblématiques, établir des généralités, en somme conceptualiser les pratiques. Ainsi, à la question : « Comment je fais ? », devront s’en ajouter d’autres, telles : « Comment je m’organise ? », « Comment je communique dans cette situation ? », « De quelles connaissances ai-je besoin ? ».[51]
Cette démarche n’est possible que si les professionnels eux-mêmes s’interrogent sur leurs actes et mènent leur propre auto-évaluation, ce qui constitue pour eux également une source de progrès.
Un tel dispositif aussi systématisé, consacré aux étudiants, pourrait-il s’appliquer avec autant d’efficacité aux novices nouvellement diplômés ?
C’est une réflexion qui mérite d’être engagée, sachant qu’il s’agit dans le cas présent de relations entre pairs, sans notion de hiérarchie ou de statut de supériorité.
Maela Paul observe, à ce propos, que dans le monde du travail les rapports entre anciens et nouveaux ont changé depuis quelques années. On évoque désormais « une dimension relationnelle “partenariale” là où prévalait une relation structurée d’ancien à novice ». Selon elle, « Le tutorat d’aujourd’hui se construit en tension : entre un modèle traditionnel basé sur la transmission des savoirs, et des valeurs d’un corps de métier dans lequel la relation expert/ novice peut rappeler celle du compagnonnage ».[52]
Si on use avec intelligence de ce « dénivelé dynamique », on peut alors trouver dans le tutorat la possibilité à la fois d’une stabilisation de la novice (sa sécurité, son ancrage dans l’équipe…) et d’une incitation (dynamisme, motivation). Sur ces thèmes, et afin de clarifier les rôles de chacun, Maela Paul en profite pour opérer quelques distinctions sémantiques à propos de termes tels que coaching, mentoring et tutorat. Ce dernier ne sert « ni l’exigence de performance individuelle (qui caractérise le coaching), ni le désir de dépassement de soi mû par la perspective d’égaler un modèle (comme le mentoring) ».
« Il vise plutôt un projet d’adaptation, de conformité aux structures, d’intégration des normes professionnelles. Il reste une forme d’accompagnement centrée sur l’expérience pratique ».[53]
Ce dispositif expert-novice se compose ainsi d’une dimension dite praxéologique, c’est-à-dire d’efficience dans l’action en vue d’un progrès ou d’une adaptation, et d’une dimension relationnelle.
Le tutorat est, dès lors, pour les étudiants l’outil qui convient le mieux à une articulation entre l’institut et le lieu de stage ou de travail. Il est le lien privilégié entre connaissances théoriques, pratiques procédurales, savoir-faire, savoir se comporter, qualités relationnelles. Mais le tutorat peut être davantage encore qu’une simple transmission individualisée et flexible de ces divers savoirs.
Au cours de ce colloque sur le tutorat déjà mentionné, Alice Marmion, devenue depuis cadre de santé, raconte son expérience de stagiaire, lors d’une formation pédagogique réalisée à l’IRTS Aquitaine de Talence, sous l’autorité compétente de Jacques Berton, cadre pédagogique. Elle y soutient que dans cette relation avec son tuteur, tous deux se sont enrichis, grâce à ce qu’elle appelle une « réciprocité formative », un partage basé sur le respect et la confiance entre elle et son enseignant.
Exprimé sous une forme plus théorique, « la réciprocité formative apparaît alors comme stratégie pédagogique (…) qui opère un centrage sur l’apprenant ou le groupe [restreint] ».[54]
Pour que ce type de relation à l’intérieur du tutorat soit possible, le tuteur doit posséder des qualités telles que la disponibilité et la capacité d’accompagnement.
Mais cela ne suffit pas. Le tuteur doit pouvoir à la fois accompagner une novice, lui faire profiter de son expertise tout en accomplissant sa propre tâche. C’est là une des difficultés à laquelle est confronté le cadre, dans un contexte de pénurie de personnel et de rigueur budgétaire. Comment concilier dans son unité l’accompagnement des nouveaux, tout en ne découvrant aucun poste ? Quelle sera sa marge de manœuvre en la matière Une réflexion pourrait alors s’engager sur le champ d’action que couvrirait une infirmière détachée en tant que tuteur. Le rôle du cadre sera de trouver des réponses à ces incertitudes, dans la perspective d’une transmission satisfaisante des savoirs d’expériences.
La relation entre experts et novices, a trouvé un nouvel envol avec le développement des éducations et formations. Souvent basé sur une commode rappelant le compagnonnage, cette relation se fixait à transmettre les savoirs en usage avec l’idée que le tuteur formait un modèle à imiter. De nos jours, selon les auteurs[55], cette notion évolue autour de l’idée que le tuteur devient plus un facilitateur qu’un modèle, qui permet au nouveau professionnel de se familiariser et de se former au travers d’une expérience, dont il favorise l’assimilation. Le tutorat s’inscrit généralement dans une filiation intergénérationnelle. Toutefois, ce qui exactement caractérise la situation des professionnels infirmiers, c’est la rupture de cette filiation depuis 1992 ; tant en matière de formation professionnelle débutante que d’évolution des pratiques. Ceci nous paraît sérieux dans la transmission d’un savoir pratique appris au lit d’un malade qui relève d’un rapport avec le patient. Ainsi, il paraît en ce moment que la transmission des savoirs va transformer un axe fort de la politique de soins et de ressources humaines, et que le tutorat en représente un élément majeur. Pour le directeur des soins, amplifier cette fonction en la professionnalisant, c’est admettre l’affirmation de compétences spécifiques en cancérologie, tout en créant une dynamique institutionnelle valorisant le travail des soignants.
Le tutorat peut être un maillon indispensable à la condition d’en passer par une formalisation des expériences, et une homologation des savoirs par les pairs pour être transmis aux générations futures.
4-1- Les atouts du tutorat
Le tutorat constitue un outil d’attractivité et de recrutement. Une étude effectuée par Estryn-Behar et al. en 2007[56], réalisée auprès de 27 720 infirmiers, a montré que les activités de tutorat ouvrent des marges de manœuvre captivantes pour l’encadrement. Le tutorat progresserait la satisfaction de tous soignants novices ou expérimentés, et la proposition du tutorat lors de l’embauche constitue un facteur d’attractivité, ce qui intéresse particulièrement le directeur des soins et l’institution.
Le tutorat est aussi un outil d’accueil, d’intégration et de fidélisation. D’après des enquêtes effectuées par Touak (2009)[57] dans la région Ile-de-France, beaucoup de réponses issues des résultats confirment cet atout. De façon générale, les cadres de santé disent que le processus de tutorat est un élément favorisant l’intégration de nouveaux professionnels et 85% déclarent qu’il optimise la prise de fonction. Presque 80% des tuteurs répondent que le tutorat est une aide dans la fonction d’accueil et d’intégration des nouveaux arrivants, qui est aussi une opinion partagée par la plupart des tutorés. Le cadre de santé faisait part de son avis que les tutorés se sentent des professionnels à part intégrale au même titre que leurs collègues plus anciens. Le tutorat est bien un médiateur d’intégration, ce qui répond aux embarras des infirmiers novices.
Le tutorat est également facteur de valorisation et de promotion du tuteur, et permet une possibilité d’évolution professionnelle. Le tutorat apparaît comme l’opportunité d’une seconde carrière. Pour le cadre, il permet de découvrir une mission d’encadrement, étape intermédiaire d’un nouveau projet d’évolution ou promotion professionnel. Le tutorat est aussi un levier pour une cohabitation intergénérationnelle où le dispositif a permis de répondre une logique de transmission de savoirs entre générations.
Finalement, on peut dire que le tutorat est un médiateur d’apprentissage, puique grâce à cet outil, les novices prennent de l’assurance et cela favorisent des conditions de travai accueillantes. Ainsi, un climat propice à la production de sens et de développement des compétences et de bien faire se crée chez les novices.
4-2- Les contraintes et les limites du tutorat
Malgré les atouts que nous avons vus ci-dessus, des contraintes pèsent, notamment sur les acteurs. Pour l’encadrement par exemple, permettre aux agents de s’investir dans le processus de tutorat est contraignant du fait qu’il peut y avoir un risque de conflit entre l’équipe lorsque l’effectif est réduit. Pour les tuteurs et les tutorés, l’investissement dans le dispositif s’avère contraignant. Par ailleurs, pour les limites, il arrive que le nouveau professionnel refuse de s’engager dans la démarche. D’autre part, il est difficile de trouver des candidats tuteurs, un cadre peut être expérimenté et ne peut pas être forcément un bon tuteur.
5- Le rôle du cadre dans la transmission des savoirs d’expérience
Le cadre de santé, responsable d’une unité de soins, a effectivement un rôle fondamental, car il est garant de la qualité et de la sécurité des soins. « Il est responsable de la gestion d’une unité et organise la prise en charge globale de la personne soignée pour apporter des réponses adaptées à ses besoins de santé.[58] » En garantissant la continuité des savoirs au sein de l’équipe soignante, le cadre s’assure que la prise en soins des patients s’effectuera de façon optimale.
En tant que manager, « Le cadre doit programmer les activités de son organisation et faire en sorte que le flux de travail reste régulier » (Mintzberg 2010, p. 106). Il doit ainsi gérer les ressources humaines en favorisant au mieux le passage des savoirs, des infirmières expérimentées aux infirmières novices. L’adaptation des premières aux technologies nouvelles et leur capacité à les communiquer aux secondes sont une condition indispensable au progrès dans la qualité des soins, et à leur pérennité.
Le cadre doit donc se montrer particulièrement vigilant sur le dispositif à adopter en cas de nouveautés ou d’imprévus dans le service. Il lui incombe de mettre en place la meilleure combinaison possible d’anciennes et de nouvelles, pour que soit réalisée une transmission correcte des savoirs les plus personnels et que les novices soient opérationnelles le plus rapidement possible. En effet, la qualité de la prise en charge du patient dépend certes des informations, des échanges pouvant se faire entre infirmières expertes et novices, mais aussi de la qualité de leur relation.
Pour cela, il doit veiller à mettre en présence des individualités dont les interactions pourront être une valeur ajoutée dans l’optique d’une prestation de qualité offerte aux patients. Elle met, ce faisant, en pratique sur le terrain les instructions des enseignants :
« Le cadre assure un travail de mise en cohérence du travail des personnels qu’ils encadrent. Manager, diriger, encadrer sont des activités qui consistent à faire travailler ensemble et à donner du sens à l’engagement de chacun. » (Bourret, 2006 p. 52).
Sa responsabilité est engagée, car il est le référent de la qualité et de l’efficience des soins. Aussi doit-il organiser, coordonner, évaluer, afin d’optimiser la prestation à la personne soignée. Mais ce n’est pas encore suffisant, affirme Walter Hesbeen. Pour cet homme de terrain, le cadre doit avant tout assurer « aide et « appui » à ses équipes, car dit-il : « la mission première du cadre est de porter attention au personnel de son service afin de lui offrir les meilleures conditions possibles pour que celui-ci puisse exercer son métier, le développer et s’y épanouir.[59] »
Ainsi l’empathie, la bienveillance, le soutien ne sont pas réservés aux seuls patients. Pour que celui-ci tire d’ailleurs profit d’une ambiance propice au travail, il est souhaitable, logique même, que les soignants en soient eux aussi bénéficiaires. C’est là la mission principale du cadre, nous dit Walter Hesbeen, celle d’un « facilitateur », c’est-à-dire quelqu’un qui facilite les choses dans un milieu difficile.
Le cadre infirmier coordonne son groupe et les soins livrés au patient, il entretient également des liens avec d’autres cadres infirmiers et d’autres services. Il collabore aussi à des programmes avec la hiérarchie infirmière (les cadres supérieurs, qui sont de nos jours des gestionnaires avant tout) et par eux il est en relation avec la gestion hospitalière (dans des projets par exemple de qualité). Il s’allie aussi avec le corps médical, avec les associations de patients, avec la formation préliminaire (par les stagiaires guidés dans le service devenu le terrain des stages), avec les familles. Finalement, il entretient des rapports avec le corps des intervenants (auditeurs, visiteurs d’accréditation, chercheurs, qualiticiens etc.) qu’il accueille dans son service. Selon sa position légale, le cadre infirmier n’est pas une infirmière « en chef ». Il devra accomplir des tâches particulières qui ne se réduisent pas à faire les calendriers de son service, il n’est pas seulement dirigé vers son équipe.
Cependant, avec la mise en place de la nouvelle gouvernance, le rôle du cadre s’est retrouvé modifié entrainant des responsabilités accrues. L’exercice du métier de cadre de santé s’est complexifié. Il doit désormais accomplir des taches administratives et gestionnaires. Désormais, le soin n’est plus seulement abordé dans une approche soignante, mais aussi dans une approche économiste, un produit qui doit être rentable
La transmission des savoirs est donc importante à la fois pour le cadre de santé, pour le patient, pour le service et pour l’institution car cela lui permet de concilier une qualité des soins, une opérationnalité rapide des novices pour pallier à l’absentéisme et à la pénurie d’infirmières et une efficience dans son activité de soins quotidienne.
- Le statut, la légalité
Les travaux ministériels, la prospection des rôles des cadres infirmiers (Etre cadre infirmier demain : publication des hôpitaux, 1991) et les textes officiels (Loi hospitalière 1991), agencent le cadre de santé, en déterminant une fonction encadrement et une fonction formation :
Fonction encadrement:
Le cadre contribue en coopération avec l’équipe pluridisciplinaire médicale à la détermination des objectifs et du projet de l’unité. Il est garant de la gérance d’une unité et arrange la prise en charge entière de la personne soignée pour arborer des réponses adaptées à ses besoins de santé. Il s’occupe de l’encadrement et de l’animation des personnels de l’unité. Il est une source pour le soin significatif. Il est responsable du soin dans le domaine de compétence propre à son activité, de l’agencement du soin de la prescription médicale, de la gestion administrative de l’établissement.
Fonction formation :
Le cadre forme des professionnels de santé dans les domaines paramédicaux notamment dans l’infirmerie. Il prépare en groupe un projet formateur et collabore à sa mise en œuvre. Il donne des enseignements tant sur le plan théorique que clinique et participe à la recherche dans le cadre du soin et de la pédagogie. Il a un rôle de formation, de recherche et de coordination.
- Les doubles compétences du cadre
Le cadre assure de nombreuses doubles compétences, de compétences qui appellent des énergies qui le plus fréquemment s’excluent, ce qui lui demande de fournir un effort particulier.
1/ Le cadre est en situation de vérifier les normes prescrites et d’inciter le changement chez l’autre, les membres de son équipe. Les compétences s’examinent, les organisations qualité servent ce contrôle. Le cadre est un appui à la prise de conscience de compétences parfois non reconnues par l’acteur lui-même.
2/ Le cadre est en position de définir et d’octroyer la qualité :
La qualité se crée de deux façons opposées selon le mode de conception du monde que l’on porte. Soit elle se montre, comme un organisme. C’est la conception technique, de l’ingénieur pour qui le travail est source de faussetés, et du gérant pour qui le travail n’est qu’un rapport entre coût et productivité. Le cadre de santé ne peut pas ne pas se repérer évalué à des situations qui exigent de lui cette compétence à désigner la qualité chez autrui. Soit la qualité se donne, se reconnaît dans l’interaction sociale, entre sujets. Elle produit ainsi le sentiment d’appartenance à un corps professionnel, elle rend légitime sa place. Le cadre doit aussi dresser cet octroi de qualités.
Certes, le cadre, pour l’équipe dd l’unité, n’est pas un chef, ni le porte-parole, ni le bouche-trou. Il n’est pas un juste un administratif ni un gestionnaire mais un Evaluateur, le garant du projet et notamment en dehors du service. Et dans le service, il est habituellement le tiers représenté : l’Institution. Autrement dit, il symbolise les valeurs professionnelles et tient la figure du corps professionnel infirmier donnant ainsi des marques pour que les infirmiers découvrent la fameuse « bonne distance » entre soi et le malade. Cette conduite ne s’invente pas, rarissimes sont ceux qui peuvent la maîtriser de par le seul fait de leur histoire. Seule une solide éducation, connaissance et culture aux sciences humaines permet d’y être formé : la mission du cadre relève de la relation éducative et de la formation. C’est ainsi, que le cadre joue un rôle important dans la transmission des savoirs chez les novices.
Synthèse
Cette réflexion sur les différents savoirs et sur l’organisation de leur transmission par le cadre de santé a pour origine un constat auquel j’ai été confrontée depuis deux ans, en tant qu’infirmière, dans mon unité de soins : celui d’un turnover de plus en plus massif, dont l’élément majeur est le départ à la retraite des générations du Babyboom. Préserver les connaissances des anciennes qui partent, en les transmettant aux nouvelles qui arrivent, voilà qui est devenu pour les cadres de santé un défi urgent à relever.
Ce critère de la transmission m’amène à distinguer plusieurs formes de savoirs. En effet, tous ne sont pas menacés au même titre par le turnover. Ainsi, les cours théoriques dispensés dans les écoles de formation ne sont pas directement concernés. Le savoir procédural, en revanche, enseigné en partie en institut, en partie en stage, se trouve plus exposé. Quant aux savoir-faire et savoir-être, qui sont de purs savoirs d’expériences, ils exigent impérativement la présence aux côtés des étudiants, puis des novices, d’infirmières expérimentées, susceptibles de communiquer ce qu’elles ont appris.
En outre, indépendamment du turnover, il m’est apparu en comparant ces différents savoirs –du théorique au savoir-être-, qu’il existait une graduation des difficultés dans leur transmissibilité. Plus ils s’éloignent du général et de l’universel, pour tendre vers le singulier et l’imprévu, plus leur transmission s’avère délicate. Une expérience scientifique ne s’intègre pas de la même manière et dans le même espace de temps qu’une expérience liée à la relation. Karolewicz, à la suite de nombreux philosophes et enseignants, s’est attaché à distinguer les deux sens du mot “expérience” : celle inhérente à notre vécu, et celle correspondant à des tests ou essais, qu’on pourrait qualifier aussi d’“expérimentation”.
Nous avons vu également que tous ces savoirs dans leur globalité constituaient le savoir professionnel, celui grâce auquel le soignant peut en définitive exercer son métier. Non seulement ces savoirs y sont regroupés, mais ils s’y combinent, ils s’y complètent, ils s’y conjuguent.
La problématique de ma réflexion concerne ici la possibilité de perpétuer ces savoirs dans une unité de soins, et la capacité du cadre à organiser au mieux cette transmission. Car s’il est vrai que tout individu aspire, à transmettre quelque chose, s’il en retire de la valorisation, il n’en reste pas moins qu’il y faut des règles, une organisation. Il revient au cadre de mettre en place ce dispositif où logiques « productive et éducative » (Paul 2006) sont censées cohabiter en bonne intelligence.
Dans cette optique, j’ai été amenée à réfléchir à la notion de tutorat et à son fonctionnement dans un service. Tous deux ont évolué avec le temps. Une des raisons majeures de cette évolution vers le partenariat tient à l’apparition d’un comportement professionnel nouveau et apparemment fructueux : “la démarche réflexive”, par laquelle experts et novices s’enrichissent mutuellement en pratiquant l’auto-évaluation et en partageant leurs réflexions. Cet enrichissement mutuel est qualifié de « réciprocité formative » (Marmion 2006). Quant au partage, il contribue au rapprochement des générations et des pairs en général.
Ce qui m’amène à la question de recherche suivante :
En quoi la mise en place d’un dispositif de tutorat par le cadre de santé dans un service de soins participe t-il à la transmission des savoirs d’expériences ?
6- Choix de la méthodologie
Dans cette partie, nous allons déterminer les différentes méthodes que l’on peut appliquer pour faire cette étude à savoir la méthode clinique, la méthode technique et l’étude de cas. Et l’on apercevra selon les explications données quelle méthode est adaptée à la question de recherche de cette étude.
6-1- Méthode clinique
D’après EYMARD.C (2003 page 51), dans la méthode clinique, « le centre d’intérêt du chercheur est l’individu en tant que sujet singulier, son récit, son histoire (…) » La méthode clinique est donc une méthode qui s’intéresse à l’individu en tant qu’être singulier, à son vécu, à son ressenti. Elle nécessite du temps et de l’écoute.
Elle s’oriente vers la compréhension du sujet dans son environnement. .Elle tient compte du côté relationnel et subjectif d’une situation. La méthode clinique est un procédé historique. Son concept se base sur le fait d’essayer de soutirer des données concernant les faits passés ou bien des données qui concernent une difficulté présente à la lueur de ses antériorités historiques ou passés. Cela tend à répondre à la question, pourquoi suis-je aujourd’hui ce que je suis, à savoir finalement le fruit de mon passé. La psychanalyse fonde sa recherche sur l’anamnèse d’un sujet, autrement dit l’histoire exposée par un individu pour faire revivre son passé et ainsi comprendre son présent.
C’est une méthode qui semble peu adaptée dans le cadre de mon étude, car je cherche à étudier la mise en place et le suivi d’un phénomène.
- Les objectifs de la méthode clinique
.
- Les étapes de la méthode clinique
6-2- Méthode expérimentale
La méthode expérimentale est utilisée pour confirmer ou infirmer une hypothèse
La méthode expérimentale est utilisée par le chercheur pour tester une hypothèse, posée à priori, avec l’intention de la vérifier. Selon Eymard (2003) elle se « caractérise par l’expérimentation d’une ou plusieurs variables observables déduites d’une hypothèse de départ ». Elle permet d’établir un lien de cause à effet entre deux variables, une variable indépendante et une variable dépendante qu’on peut manipuler et ainsi confirmer ou infirmer l’hypothèse .
La méthode expérimentale est une théorie probabiliste qui admet en indication à une base de données de répandre des jugements de probabilité. C’est donc une collecte de données permettant de rendre compte de la probabilité que des faits, sous certaines clauses peuvent être corrélés. Il semble donc que l’on cherche à compter ou à estimer un facteur distinct dans une situation précise en vue d’étaler les effets remarqués et d’énoncer ainsi une théorie et une hypothèse.
Je ne la retiendrais pas car le but de mon étude est de chercher ce qui est mis en place dans un service de soins pour permettre la transmission des savoirs d’expérience et non pas de vérifier une hypothèse.
6-3- Étude de cas
C’est une méthode adaptée à des recherches de type diachronique (suivre l’évolution d’un phénomène) ou de type processuel (suivi et mise en place d’un processus). Selon Gagnon (2008), l’étude de cas « donne accès à une compréhension profonde des phénomènes, des processus qui la compose et des acteurs qui en sont les parties prenantes (…) plus précisément l’étude de cas est appropriée pour la description, l’explication, la prédiction et le contrôle de processus inhérents à divers phénomènes, que ces derniers soient individuels, de groupe ou d’une organisation ».(page 2)
Je comprends au regard de cette définition que l’étude de cas est une méthode qui s’intéresse à l’étude des comportements et des interactions des individus entre eux et qui vont permettre une dynamique. Elle permet une compréhension du phénomène étudié dans un contexte donné
Je pense donc que l’étude de cas est une méthode adaptée à l’objet de mon étude. En effet, je souhaite mettre en avant l’importance de l’interrelation entre une infirmière experte et une novice dans la transmission des savoirs d’expérience.
La question de recherche est un cas à étudier sur le terrain par une collecte d’informations. Il s’agit de l’étudier dans un échantillon donné par l’observation, l’analyse de documents, des entretiens. Elle combine donc plusieurs outils de collecte de données qui va permettre au moment de l’analyse des résultats de l’enquête d’effectuer une triangulation des données.
7- Outils de la méthode
La collecte d’informations et données auprès des acteurs concernés permettant de mener à bien les recherches, des méthodes plus spécifiques s’avéraient indispensables à répondre à la question de recherche. Différentes méthodes d’enquête ont été adoptées pour collecter les informations nécessaires notamment l’entretien semi-structuré et l’observation. L’adoption de chaque technique d’enquête spécifique était fonction des types de personnes à enquêter.
7-1- L’entretien
L’entretien a pour fonction de recueillir des données en lien avec l’objet de recherche.
Dans l’entretien semi directif, le chercheur laisse à son interlocuteur une certaine liberté d’expression sur un thème précis, thème qu’il aura d’abord prédéfini en amont. Il doit aussi définir des objectifs clairs et précis afin de rester centrer sur l’objet de la recherche et ne pas se laisser déborder par son interlocuteur Il peut canaliser les réponses par une série de questions qu’il aura élaborée à l’aide d’une grille d’entretien.
Pour des études qualitatives, la méthode la plus indiquée est l’entretien. L’entretien est un véritable échange au cours duquel l’interlocuteur du chercheur exprime ses perceptions d’un évènement ou d’une situation, ses interprétations ou ses expériences, tandis que, par ses questions ouvertes et ses réactions, le chercheur facilite cette expression. Les moyens des entretiens peuvent varier selon les types de personnes à enquêter. Pour notre étude, le type d’entretien choisi pour collecter les informations est l’entretien semi-structuré.
Pour ce type d’entretien, il s’agit de poser directement les questions essentielles et pertinentes après une brève mais intelligente entrée en matière. C’est une enquête directive se rapportant à une liste de questions clés déterminées à l’avance. Les personnes cibles sont constituées par les infirmiers, les cadres de santé et le directeur de l’établissement.
L’interview est basée sur l’utilisation d’un guide d’entretien (Cf. Annexe 1) préalablement établi. Ainsi, toutes les grandes lignes de l’entretien figurent dans ce guide, mais les résultats peuvent varier d’un enquêté à un autre sachant que plusieurs questions peuvent apparaître après chaque réponse de l’enquêté.
7-2- L’observation
Elle permet de recueillir un grand nombre de données, le plus souvent de manière informelle. Le chercheur doit donc être constamment en état d’observation des individus et de leur environnement et éviter d’interpréter les fais observés.
La méthode expérimentale est une théorie probabiliste qui admet en indication à une base de données de répandre des jugements de probabilité. C’est donc une collecte de données permettant de rendre compte de la probabilité que des faits, sous certaines clauses peuvent être corrélés. Il semble donc que l’on cherche à compter ou à estimer un facteur distinct dans une situation précise en vue d’étaler les effets remarqués et d’énoncer ainsi une théorie.
- Principes
Cette méthode suppose une attitude empathique et réflexive pour observer, écouter, et être avec. Par ce biais, nous recueillons des informations sur les pratiques et la perception des personnes enquêtées sur la transmission de savoirs d’expériences entre experts et novices.
- Modalités d’enquête et exploitation des données
L’observation directe se base sur une présence stable sur le terrain d’enquête. Elle permet de favoriser un dialogue informel. Le traitement des données d’observation se fait simultanément au déploiement d’entretiens semi-directifs. Elle permet d’accumuler l’analyse des éléments collectés par entretiens, en confrontant discours et pratiques.
7-3- L’analyse de documents
Le recueil de documents vise à recenser tous les outils existants, internes ou externes à l’établissement. Le chercheur puise à différentes sources :
- recherche dans des rapports annuels,
- journaux internes,
- conventions collectives,
- législation, réglementation etc.
8- Population ciblée et lieux d’investigation
Pour la population ciblée, je pense orienter mon choix vers des cadres de santé, des infirmiers expérimenté et novices afin d’appréhender la perception de ces différents acteurs sur la transmission des savoirs d’expérience et le tutorat. Je pense également élargir mon champ d’application à un directeur de soins, si possible, afin de savoir s’il existe dans d’établissement une politique orientée vers le tutorat.
En ce qui concerne le lieu de ma recherche, je m’orienterai vers un bloc opératoire où un « programme »a été mis en place pour l’insertion des néo diplômées et vers l’hôpital Ste Marie où il existe un tutorat et où se pratique une consolidation des savoirs auprès des néo diplômées en ce qui concerne le transfert des savoirs psychiatriques.
9- Conclusion
La transmission de savoirs entre pairs, entre générations s’est toujours posée dans le temps. Au cours de l’histoire des professions, cette transmission a connu de multiples formes d’accompagnement, en partant du tutorat au coaching, en passant par le mentorat. Le monde de la santé ne déloge pas à cette problématique de transmission de savoirs et nous avons tout un devoir vis-à-vis de nos parents, ou de nos pairs dans l’apprentissage de nos emplois. En effet, l’opération peut être effectuée dans la formation des professionnels, en particulier dans le domaine de la santé, le savoir théorique ne dit pas tout du réel, et que le nombre de savoirs pratiques sont plus fondés dans la situation de travail qu’enseignés dans les livres ou décrits par les procédures. Ceci notamment du fait que ces savoirs et les compétences qui en résultent, relèvent plus d’un rapprochement à une réalité professionnelle, peu reproductible sur le plan pédagogique. D’après cette étude, nous avons pu constater que le tutorat peut être un moyen pour la transmission de savoirs malgré ses limites. La position du tuteur dans la situation de travail favorise professionnelle, le tuteur utilise les activités professionnelles comme situations apprenantes.
- Réponses à la problématique
- Question d’ouverture
10- BIBLIOGRAPHIE
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[51] www. Infirmières .com « Etre tuteur dans le cadre du nouveau programme infirmier »
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[54] Alice Marmion Colloque : Tutorat et Accompagnement 23,24/11/2006
[55] Maela Paul, L’accompagnement : une posture professionnelle spécifique, p.40
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[57] Touak M. (2009) – Mémoire de l’Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique, pp 17.
[58] Circulaire n° 30 du 20/02/1990 relative aux missions et fonctions principales des surveillant(e)s
[59] La qualité du soin infirmier Masson 2002 (p. 87, 88)
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