La Variation Linguistique dans l’Enseignement du Français aux États-Unis : Analyse des Manuels en Niveau Intermédiaire
SOMMAIRE
1.1. Le choix du domaine : problématique. 3
1.2. La variation linguistique. 3
1.2.1. La norme et le standard. 5
1.2.2. La variation diatopique. 5
1.3. Quel français enseigner ?. 6
1.3.1. L’espace francophone. 6
1.3.2. Les diversités du français 7
2.1. Le système éducatif américain. 9
2.2. L’enseignement des LE. 12
2.2.3 Dans l’état de Washington. 15
2.3. La variation dans l’apprentissage des langues au lycée. 17
2.3.1 La notion de variation dans le programme des langues étrangères 18
2.3.2 Les enseignants et la variation. 19
3.3 La variation dans les manuels 26
3.3.1. Schmitt, C.J & Brillié Lutz, K. (2002 reed. 2008), Bon voyage ! 3, USA. 27
3.3.2. Theisen, T & Pécheur, J (2014) T’es branché ! 3, USA. 29
3.3.3. DeMado, J, Champigny, S., Ponterio, M. & Ponterio, R (2013), Bien Dit ! 3, USA. 31
INTRODUCTION
La variation linguistique est peu mise en évidence dans l’histoire de l’étude et de l’enseignement du français. La connaissance de la réalité langagière a beaucoup évolué avec l’élaboration des corpus du français parlé suite à une recommandation de la Délégation générale à la langue française au Ministère de la culture. C’est alors en 1988 que Claire Blanche-Benveniste et son équipe constituent le corpus de référence pour la langue française. D’autres spécialistes de la langue ont continué le projet et les pratiques du français sont mieux connues sur l’espace francophone et dans le monde. Les corpus soulèvent la pluralité des pratiques langagières. On ne parle plus du français mais des variétés de français. Cette variété linguistique a également impacté sur l’enseignement du FLE. Dans le cadre de ce mémoire, nous étudierons l’enseignement du français aux Etats-Unis. Afin de mieux cerner le sujet, nous prendrons le cas de l’enseignement en niveau intermédiaire. Ce travail sera axé sur une analyse comparative de manuels afin de connaitre la part de la variation linguistique dans l’enseignement. L’apprenant doit développer une compétence interculturelle qui passe par l’enseignement de la culture, mais quelle part est accordée à la variation linguistique et dans quelle mesure ? Est-elle vraiment présente et si non, pourquoi ? Au fil de ce mémoire seront apportés des éléments de réponses à ces questions. La variation géographique, plus exactement diatopique, sera au cœur de ce travail. Le français parlé hors de l’Hexagone mérite une étude approfondie. Sa part dans l’enseignement est justifiée par l’intérêt que portent les étudiants à l’égard de la possibilité de développer une compétence linguistique permettant de communiquer avec des personnes d’origines variées. Un enseignement efficace passerait également par l’enseignement de la culture, qu’en est-il ?
Afin de mesurer la place de la variation diatopique dans l’enseignement du français aux Etats-Unis, l’accent sera mis sur les manuels utilisés en milieu scolaire. Quelques enseignants ont aussi contribué à la réalisation de ce mémoire en partageant leur opinion sur les variétés de français et leur pratique hors de la France. Après avoir défini le cadre théorique de ce travail portant sur les généralités de la variation linguistique et l’enseignement du français, nous continuerons avec l’enseignement de la langue aux Etats-Unis. L’analyse des manuels sera faite en troisième et dernière partie.
La langue française se présente sous des formes diversifiées. Sa variation et sa variabilité doivent être prises en compte dans l’enseignement. Dans ce premier chapitre, nous commencerons par détailler la construction de la problématique de recherche. Nous poursuivrons par la variation linguistique dans toutes ses dimensions et terminerons par la question de l’enseignement du français.
Le choix de la variation diatopique comme sujet de mémoire n’est pas anodin, mais répond à une envie d’approfondir un domaine peu étudié par les sciences du langage. La variation a longtemps été marginalisée dans les études et enseignements du français jusqu’au XXIème siècle où elle s’inscrit petit à petit dans les pratiques langagières. C’est pour voir l’importance de ce phénomène dans l’enseignement que nous avons décidé de faire une analyse comparative de manuels de Fle en milieu scolaire aux Etats-Unis (niveau intermédiaire). L’apprenant doit développer une compétence interculturelle qui passe par l’enseignement de la culture, mais quelle part est accordée à la variation linguistique et dans quelle mesure ? Est-elle vraiment présente et si non, pourquoi ? Nous soutenons d’emblée que :
- La compétence interculturelle est indispensable à l’étude des variations du français
- La variation linguistique doit alors être au centre de l’enseignement de toute langue vivante
- Les manuels scolaires sont peu marqués par la variation, mais l’importance de cette discipline est soutenue par les enseignants.
Il est intéressant de se poser des questions sur la place de la variation dans l’apprentissage de la langue. En effet, la manière dont la notion de variation est traitée dans le cadre de l’enseignement nous permet de voir si elle est toujours stigmatisée ou au contraire acceptée. Dans le dernier cas, l’usage et la considération de la variation conviennent d’être analysée. C’est ce qui permettrait une meilleure connaissance de la langue, dans son origine et sa progression.
Certains linguistes considèrent la variation comme le résultat des erreurs de performance d’une langue ou comme un effet de contact entre divers dialectes[1]. Pour d’autres, la différence langagière, peut se manifester dans tous les éléments d’une langue : syntaxe, lexique, phonétique, morphologie, etc.[2] c’est-a-dire qu’à l’intérieur d’une même langue, on peut exprimer la même réalité sous des formes différentes. Chambers[3] parle de la variation linguistique surtout sociale, décrite à partir de 3 perspectives : biologique, purement sociale et structure sociale. Pour Boyer, il existe 5 types de variation linguistique : origine géographique, sociale, âge (parler d’une génération), circonstances de l’acte de communication (écrit/oral, registres) et sexe. Ces types de variation se reflètent aux niveaux phonologique / phonétique, grammaticale et/ou lexical. La théorie variationniste de Gadet soutient qu’il y a une variation inhérente à toute langue : quelle que soit la langue, les locuteurs l’utilisent sous des formes variées[4]. Labov (1972) considère qu’une langue sans variation serait dysfonctionnelle (Sociolinguistic Patterns, 1977). Jean-Louis Calvet (La Sociolinguistique, Que sais-je ?, 1993) affirme que toute langue entraine nécessairement des diversifications de la part de ses locuteurs. Pour Gadet, On peut répertorier 5 types de variations selon ce tableau repris de La variation sociale en français :
Tableau 1 : La représentation de la variation selon Gadet
Représentation de la variation | |||
1) Variation selon l’usager | Temps | Changement | Diachronie |
Espace | Géographie, spatial, régional, local | Diatopie | |
Société, communauté | Social | Diastratie | |
2) Variation selon l’usage | Styles, registres, niveaux | Situationnel, stylistique, fonctionnel | Diaphasie |
Canal | Oral / Ecrit | Diamésie |
Ces variations sont les conséquences de la mise en place d’une norme : « la standardisation ayant pris la forme d’une réduction de la variation, elle fonctionne sur des exclusions tendant à n’admettre qu’un seul usage correct » (Gadet, 2007 : 114). Nous allons donc parler de cette norme avant d’aborder la variation diatopique, sujet central de ce mémoire.
La plupart des manuels présente les descriptions du « français standard », une « langue unifiée, immuable dans le temps, l’espace, la société, les usages, exempt de variation, de mélanges, d’hétérogénéité » (Blanchet, 2013, p.103). Cette langue française standard est considérée comme la norme, le français correct. Celle-ci ne tenant pas vraiment compte des usages de parole pose des problématiques au niveau de la pratique du français oral. En effet, le français standard prédomine dans l’enseignement du français en France, et hors de l’Hexagone, il est considéré comme le français idéal.
L’idéalisation du français standard tend à hiérarchiser les façons de parler une langue. Il y aurait une langue correcte et une autre considérée comme une erreur. Toutefois, force est de constater que même si les locuteurs privilégient le français standard, son usage n’est pas effectif dans toutes les situations de communications. La question de norme remet en question le côté pratique de la langue. D’après Gadet, le français est « une langue très ‘idéologiquement’ marquée par la norme et l’uniformité, dont l’écrit est la forme la plus achevée. »[5] Nous le rejoignons et estimons que l’uniformité des formes syntaxiques et morphologiques n’est pas toujours vérifiable au niveau du français parlé. L’influence de la norme sur le locuteur qui souhaite pratiquer la langue correctement est aussi importante. La différence notable entre le français dans les écrits et dans les pratiques orales soulève l’importance de l’étude de la variation pour faire du français une langue de communication interculturelle.
Si le français standard relève surtout d’un jugement de valeur, de nouvelles descriptions faites indépendamment de la grammaire normative voient le jour à l’aube du XXème siècle. A partir des années 1960, la variation diatopique trouve sa place dans les travaux sociolinguistiques. Les fondements théoriques de la variation linguistique ont été explorés par William Labov. Ils tiennent compte de la diversité des locuteurs et permettent de construire un nouveau modèle linguistique. La présentation du français va désormais au-delà de la description normative. La variation est devenue un caractère intrinsèque au français parlé.
La variation diatopique désigne les usages diversifiés du français. Le terme « diatopie » est d’origine grecque, « dia » signifiant « séparation » et « topos », « lieu » (Neveu, 2004, p.104). L’appartenance géographique d’un locuteur français peut être identifiée à partir de la variété de français qu’il pratique. Mais dans l’espace francophone, d’autres variations peuvent se superposer dans la pratique de la langue. Elles proviennent de la diversité des caractéristiques sociodémographiques des locuteurs (âge, activité professionnelle, niveau d’étude, origine sociale…) ; mais sont également influencées par la situation de communication et le canal de transmission. En d’autres termes, on pourra avoir une variation du français dans des situations de communication formelle et non formelle, ou en fonction des sujets de conversation entre autres facteurs.
Pour mieux comprendre les facteurs qui influent sur l’enseignement du français, il est important de tenir compte des diversités de la langue, mais avant, parlons de l’espace francophone. Le terme « francophone » peut avoir plusieurs significations, mais dans le présent travail, nous ne tiendrons compte que de son sens premier. Ainsi, francophone et francophonie désignent « l’ensemble des personnes parlant français » en tant que langue première (L1) ou langue seconde(L2), « de même que les territoires qu’elles peuplent » (Pöll, 2001, p.19). L’espace francophone est très vaste et comme nous venons de voir précédemment, il peut aussi y avoir plusieurs formes de français pratiquées sur un seul territoire. L’étude de la francophonie et de la variation diatopique nous permettra de mieux cerner les approches didactiques du français.
Le français est la deuxième langue la plus parlée dans le monde, après l’anglais. Selon le rapport de l’OIF (Organisation Internationale de la Francophonie) en 2014, 212 millions de personnes utilisent le français comme langue de communication au quotidien. Le degré d’utilisation de la langue n’est pas le même dans tout l’espace francophone. Il est, par exemple, de 54,7% en Afrique, 36,4% en Europe et 7,6% en Amérique et dans les Caraïbes. Le nombre de francophones en Europe est moins élevé qu’en Afrique, mais le continent reste le principal berceau des francophones natifs. En dehors de la France, le Québec est la seconde région francophone native.
Il est important de souligner que dans l’espace francophone existe aussi une certaine disparité entre le centre et la périphérie si l’on se réfère aux pratiques langagières. Les communautés francophones en dehors de l’Hexagone considèrent le français de France comme le « bon français ». Cette survalorisation du français de « référence » provient en partie de l’enseignement de la langue. Il apparait donc légitime d’étudier les variations et variétés du français dans l’enseignement du FLE. Celles-ci sont pour les locuteurs l’expression de leur identité.
L’usage du français atteignant une forte proportion hors de France est une raison de plus qui soutient l’étude approfondie de la variation diatopique. Cela nous permet de voir les diversités du français. Le projet PFC (Phonologie du Français Contemporain) présente les différentes variétés de français dans le monde. Gadet affirme que « le français est bien la seule langue au monde dont la palette de diversité se rapproche de celle de l’anglais, même si c’est loin derrière l’anglais » (Gadet, 2011, p. 131). Les aspects variationnels du français au niveau oral sont de plus en plus nombreux. La variation est d’autant plus marquée dans les français extrahexagonaux. Il est difficile de comparer les variétés natives et non natives, c’est portant une analyse digne d’intérêt. Les français diffèrent au niveau syntaxique ; pour inventorier tous les fais de variation, il faudrait commencer par relever tous les traits grammaticaux d’une langue. Il sera ainsi possible de voir quel est leur degré de décalage avec le français standard, avec la norme. Dans la mesure où le taux de variation est élevé, son introduction dans l’enseignement du français est une nécessité. Les différents registres et niveaux de langue font aussi partie des facteurs de diversité. Nous pouvons citer : la langue populaire, la langue familière, la langue courante et la langue soutenue.
Le registre populaire est le plus éloigné de la norme. Les usagers sont principalement des adolescents, des étudiants et des personnes de milieu social défavorisé. On retrouve dans ce registre les anglicismes, les termes vulgaires, péjoratifs, etc. Le registre familier se retrouve souvent dans le français oral. Dans ce type de français, les règles de grammaire sont correctes mais adaptées à la manière de s’exprimer de l’usager pour des raisons de communication, de compréhension et aussi de confort d’utilisation. Le registre standard respecte les règles de grammaire « connues » de tous dans l’espace francophone. Il s’agit du français utilisé dans les écrits formels s’adressant à un public international. Quant au registre soutenu, il est surtout utilisé dans les romans où le raffinement est maitre dans l’expression. Un vocabulaire riche, un style syntaxique complexe, un choix de verbes peu utilisés… réservent ce type de registre à des personnes d’un niveau de compétence plus élevé.
Synthèse
Le survol des différentes zones francophones met en exergue la diversification du français. Le français parlé est très hétérogène, cela peut s’expliquer par la diversité de l’historique de l’implantation de la langue sur un territoire et des situations. D’autres auteurs définissent la variation en fonction des locuteurs, des espaces… La variation diatopique du français en dehors de la France nous interpelle et nous semble importante et digne d’une étude approfondie. En effet, la considération des différentes formes d’une langue d’un espace géographique à un autre permet non seulement de faire une analyse linguistique poussée mais surtout de mieux connaitre les locuteurs, la langue étant une des expressions de leur culture et de leur identité. Pour notre part, nous nous focaliserons sur l’enseignement des langues étrangères aux Etats-Unis.
La mondialisation et les différentes formes de progrès de la communication sont à ce jour des phénomènes qui soutiennent et motivent l’enseignement et l’apprentissage des langues étrangères. Le français et l’anglais sont les deux langues les plus parlées dans le monde[6], le nombre de personnes parlant le français est même plus important ailleurs dans les zones francophones qu’en Europe. Même si le français reste une langue en perte de vitesse aux Etats-Unis, c’est la deuxième langue la plus étudiée après l’espagnol. Avant d’approfondir l’enseignement des langues étrangères, il est important de revoir les caractéristiques du système éducatif américain.
2.1. Le système éducatif américain
Environ 90% des élèves sont scolarisés dans le système public (Institute of Education Sciences, 2013) et bénéficient de la gratuité de l’enseignement. La scolarité est obligatoire de 6 à 18 ans. Les cours sont dispensés en anglais dans les 50 Etats, en espagnol dans le territoire de Porto-Rico. Le système éducatif américain est fortement décentralisé, c’est-à-dire qu’il relève de chacun des états et non du gouvernement fédéral. Ainsi, les programmes d’enseignement fondamentaux, c’est-à dire le minimum requis obligatoire, sont en général établis par le département de l’éducation de chaque état. Celui-ci intervient essentiellement dans le financement de l’éducation et pour organiser le cadre général du système scolaire. Pour l’Etat de Washington il s’agit de l’OSPI (office of Superintendent of Public Instruction), l’équivalent du Ministère de l’Education nationale en France. A partir des obligations requises, chaque district à la possibilité d’ajouter et de moduler l’enseignement dans la mesure où le cadre fédéral est respecté.
Les états prennent en charge la moitié des dépenses des établissements publics et composent la carte scolaire (School Districts). Chaque district est pourvu d’un conseil d’éducation (ou SchoolBoard) qui s’occupe des programmes scolaires, du budget, du personnel administratif et éducatif. Ceci correspond donc au rôle joué par les académies en France.
La politique éducative est fondée sur le principe de l’éducation pour tous. Outre la transmission des connaissances, le système éducatif a pour mission de promouvoir l’ascension sociale par l’accompagnement de l’élève dès son entrée dans le système scolaire. Depuis le No Child Left Behind Act (U.S.D.E, NCLB Act of 2001, 2015), remplacé en 2015 par le Every Student Succeeds Act ( (U.S.D.E, ESSA, 2015), tous les élèves des Etats-Unis doivent se soumettre à des tests en anglais et en sciences afin d’évaluer leurs performances académiques. En 2012, le Département de l’Education présente le Cadre pour l’enseignement et l’apprentissage au XXIème siècle ou P21 ( (P21, 2012). Cette réforme, fruit d’une longue collaboration, définit le savoir-faire et les compétences que l’élève doit, à travers l’interdisciplinarité, maitriser à l’issue de la scolarité et comment l’accompagner vers la réussite.
Graphe 1 : Les standards nationaux de l’enseignement des LE
Ces standards nationaux visent à une certaine homogénéité de l’enseignement au travers de thèmes interdisciplinaires. Ils sont requis ou non au niveau fédéral mais peuvent toujours être adoptés par des districts :
- Global Awareness : Ouvrir les élèves sur le monde et l’avenir et leur apporter les connaissances de bases pour appréhender le futur. Ainsi les domaines essentiels tels que les sciences humaines, les sciences économiques, les mathématiques et les arts sont travaillés en interdisciplinarité en relation avec les thèmes du 21ème siècle comme le monde à l’heure de la mondialisation, la connaissance du monde des affaires, la conscience civique, la santé et l’environnement ;
- Financial, Economic, Business, and Entrepreneurial Literacy : Préparer les élèves à leur futur environnement professionnel en privilégiant la créativité et l’innovation, l’esprit critique et la résolution de problèmes, la communication et la collaboration ;
- Civic Literacy : Contribuer à développer la conscience citoyenne;
- Health and Environment Literacy : Sensibiliser aux problèmes de santé et environnementaux.
- Enseignement des langues vivantes : les standards ont été developpés par ACTFL (American Council on the Teaching of Foeign Languages) (https://www.actfl.org/) qui préconise l’intégration des cinq standards suivants à tous les niveaux et qui a développé des grilles de compétence qui les incluent : Communication, Cultures, Connexions, Comparaisons et Communautés.
L’enseignement préscolaire est dispensé dans les jardins d’enfants (Pre-kindergarten, de 2 à 5 ans) et s’achève en Kindergarten (de 5 à 6 ans). Cet enseignement facultatif est assuré dans la plupart des écoles élémentaires ou des institutions privées ; il permet de faciliter l’entrée dans le système éducatif et de détecter d’éventuelles difficultés d’apprentissage.
Le système éducatif se divise en trois niveaux : l élémentaire (Elementary School, de 5 à 11 ans) et commence avec la grande section de maternelle (Kindergarten) où en fonction des états, le volume horaire varie de quelques heures à la journée complète, le secondaire premier cycle (Middle School ou Junior High, de 11 à 14 / 15 ans) et secondaire second cycle. (High School, de 14 à 18 ans).
Pour obtenir son certificat de fin d’études, l’élève doit avoir suivi les enseignements obligatoires requis dans son état : validation d’un certain nombre de cours, maintien d’une moyenne générale minimum, heure de bénévolat, réussite d’examens fédéraux de compétence. Ceux-ci varient pour chaque état et sont réévalués régulièrement, comme le montre le tableau ci-dessous pour l’état de Washington :
Tableau 2 : Les cours obligatoires pour l’obtention du certificat de fin d’études
2.2. L’enseignement des LE
Nous parlerons ici de l’enseignement des LE au niveau national avant de parler des particularités de l’état de Washington. L’enseignement des langues étrangères (LE), en dépit des recherches montrant leur impact sur le développement cognitif des plus jeunes et malgré l’importance de la maitrise d’une langue étrangère dans le monde économique et géopolitique au XXIème siècle, est longtemps resté marginalisé au sein du système éducatif américain.
2.2.2 Au niveau national
Les élèves qui suivent un cursus classique, doivent impérativement choisir une option langue étrangère (L2) à l’entrée dans l’enseignement secondaire s’ils veulent postuler à une université car celles-ci exigent que les candidats aient suivi deux années d’enseignement d’une même langue. Il est intéressant de noter que cette obligation ne fait toujours partie des exigences fédérales. Ainsi pour l’état de Washington cette exigence est très récente (voir tableau ci-dessus). Les langues les plus apprises sont l’espagnol, le français, la langue des signes américaine (désormais ASL) et l’allemand(2013)[7]. Les élèves ayant choisi d’apprendre une L2 au collège ne sont pas tenus de poursuivre au lycée. En effet, la plupart des états ne requièrent que 2 crédits en LE pour l’obtention du diplôme de fin d’études (Dounay, 2007). De même, les conditions d’admission dans les universités varient ; la majorité exige 2 années de langue vivante pour l’obtention du Bachelor (diplôme obtenu à l’issue de quatre années universitaires), cependant les élèves peuvent valider leur acquis du lycée en passant un test de niveau ou en faisant valoir leur résultat à l’examen Advanced Placement French Language and Culture.
Bien qu’il n’y ait pas de langue officielle dans la constitution américaine, l’anglais est la langue d’enseignement. Elle ne fait cependant pas partie des LE. Les élèves dont la langue maternelle est différente ont la possibilité de suivre des cours d’ESL (Anglais seconde langue). Dans certains états, ils sont tenus de choisir une L2 autre que l’anglais à l’entrée au lycée.
Le programme des langues étrangères contient six niveaux. Un élève qui choisit une L2 au collège suit les niveaux 1a, 1b et 2. S’il continue avec la L2 au lycée, il suit le niveau 3 et éventuellement le niveau 4 si le cours est assuré dans l’établissement, c’est-à-dire qu’il poursuit le travail commencé au collège. Ceux qui n’ont pas choisi de L2 au collège ou qui souhaitent apprendre une nouvelle langue ont la possibilité de commencer au niveau 1 (niveaux 1Aet 1B en un an) pour atteindre le niveau 3 (A2-B1 selon les critères du CECRL) en terminale. À partir du niveau 4, les cours sont davantage spécialisés, les élèves inscrits peuvent se présenter à l’examen d’Advanced Placement (AP). L’épreuve de LE Langue et Culture est un examen national qui apporte des crédits permettant d’être dispensé de LE à l’université. De nombreux élèves passent cette épreuve au niveau 4, notamment dans les établissements qui n’offrent pas le niveau 5 par manque d’effectifs ou de moyens de place dans les emplois du temps des élèves. Les niveaux 5 et 6 sont rarement offerts car les élèves doivent avoir suivi des cours au collège pour atteindre ces niveaux. Ils sont souvent axés sur la littérature ou la préparation aux examens AP et ne concernent qu’ une minorité des établissements publics.
En 1968, une loi sur l’enseignement bilingue (Bilingual Education Act) est entrée en application afin de faciliter l’insertion des immigrants et l’accès des minorités à l’éducation. Cette loi, renforcée par le NO Child Left Behind de 2002 a mis en place des tests standardisés dans les matières fondamentales (anglais, mathématiques, sciences, économie, éducation civique, histoire et géographie, arts et langues étrangères). Les langues étrangères sont exclues de ces tests et par conséquent non considérées comme des matières obligatoires par les chefs d’établissement même si ces examens ont mis en lumière un taux de réussite supérieur des élèves bilingues.
Une enquête publiée par le Centre de Linguistique Appliquée en 2008 (CAL, 2016) a révélé que l’enseignement des langues étrangères avait régressé de façon significative dans le premier cycle et au collège, et que même s’il restait stable au lycée et dans l’enseignement supérieur, seulement 18.5% des élèves de l’enseignement public suivaient un cours de LE et évoquait la nécessité de prioriser dans le curriculum les langues étrangères et la compétence de communication afin de rattraper le retard face aux autres pays (Ingrid & Rhodes, 2011).
En 2012, l’American Council on the Teaching of Foreign Languages (ACTFL) publie The ACTFL Proficiency Guidelines. Ces « Lignes Directrices des Compétences » décrivent cinq principaux niveaux de compétences (Distingué, Supérieur, Avancé, Intermédiaire et Novice, eux-mêmes incluant des sous-niveaux (Elevé, Moyen et Bas) (ACTFL, ACTFL Proficiency Guidelines 2012, 2012). Le nouveau programme a pour objectif de « développer la compétence linguistique dans des situations réalistes, un contexte spontané et non répété» car « La langue et la communication sont le cœur de l’expérience humaine » (ACTFL & P21, 21st Century Skills Map, 2012). Dans la lignée du P21, les nouveaux standards ont résolument une approche communicative. Ils s’appuient sur les cinq C qui reflètent les raisons pour lesquelles un élève suit des cours de LE :
- Communication : S’adapter de façon efficace à la situation de communication, à l’oral, à l’écrit et en interaction
- Cultures : découvrir la diversité culturelle et comprendre des cultures différentes
- Connexions : Accéder aux connaissances internationales par des liens interdisciplinaires ;
- Comparaisons : Mieux connaître son propre patrimoine socio-culturel et celui des autres et percevoir la complexité du monde ;
- Communautés : S’ouvrir au monde en devenant membre d’une communauté plurilingue aux Etats-Unis et dans le monde et exploiter la compétence interculturelle par le biais de la technologie.
Il couvre ainsi les domaines du « savoir-apprendre », « langue, culture et société » et surtout « communication ». Il ne préconise pas de méthodes d’enseignement particulier, ne précise rien quant au contenu ou au matériel à utiliser en classe mais présente des objectifs de compétences précis pour chacun des niveaux, et se base sur trois modes de communication regroupant cinq aptitudes fondamentales : l’interaction écrite et orale pour l’interactionnel, la compréhension écrite et orale pour l’interprétatif, et la production écrite et orale pour le présentationnel. Ces compétences présentent un degré de difficulté croissant et permettent d’assurer une progression dans l’apprentissage de la langue.
Les programmes mettent l’accent sur l’individu et sa capacité à communiquer en offrant un enseignement varié à un public scolaire d’horizons culturels et socioprofessionnels multiples avec des motivations, besoins et formes d’apprentissage divers, dans le but d’atteindre un niveau de LE aussi proche que possible du bilinguisme.
2.2.3 Dans l’état de Washington
L’état de Washington compte 1042 lycées répartis dans 295 académies (ou districts) et fait partie des états fédérés suivant les recommandations de l’ACTFL. Le français est l’une des quatre langues principalement étudiées dans le secondaire, comme le montre le projet de recueil de données mené par l’Université de Washington[8] :
Tableau 3 : Langues enseignées dans les districts de Washington[9]
Langue | Pourcentage |
Espagnol | 100% |
Français | 87% |
Allemand | 79% |
ASL*[10] | 64% |
2 LE ou plus | 94% |
2 années d’étude d’une même langue | 100% |
4 années d’étude d’une même langue | 74% |
La première place de l’espagnol est liée au nombre d’hispanophones présents dans la région et son enseignement est favorisé comme LV1. Le français est cependant la deuxième langue la plus enseignée. Il est à souligner que le manque d’enseignants de français fait que l’option n’est pas proposée dans toutes les circonscriptions que ce soit au collège ou au lycée. L’enseignement sur quatre ans se concentre sur les grandes villes ou en forte expansion économique, dans les établissements offrant le programme du baccalauréat international ou le cursus AP et implique souvent un apprentissage dès le collège.
Tableau 4 : Nombre de lycées offrant un cursus de langues étrangères de 2007 à 2013
Langues | 2013 | 2012 | 2010 | 2009 | 2007 |
Espagnol
|
95.42% (479) | 94.87% (481) | 94.33% (316) | 95.57% (302) | 90.88% (269) |
Français
|
50.20% (252) | 50.49% (256) | 54.33% (182) | 53.48% (169) | 53.04% (157) |
Allemand
|
27.89% (140) | 27.42% (139) | 27.46% (92) | 28.16% (89) | 27.03% (80) |
ASL
|
27.09% (136) | 25.84% (131) | 21.49% (72) | 23.10% (73) | 21.62% (64) |
Les établissements sont plus nombreux à offrir le français qui résiste à l’espagnol mais doit faire face à la concurrence récente de l’ASL. Celle-ci attire beaucoup et on peut se demander si c’est parce que l’apprentissage semble moins difficile que le français ou l’allemand. Une autre explication serait la perception que l’anglais est universel et compris de tous, ou encore une population malentendante plus visible et mieux intégrée.
Tableau 4 : Nombre de lycéens en langues étrangères en 2012 et 2013
Langues | 2013 | 2012 |
Espagnol | 63.75% (154781) | 62.9% (143439) |
Français | 15.97% (38768) | 16.7% (37976) |
Allemand | 5.29% (12843) | 5.4% (12294) |
ASL | 7.70% (18687) | 7.5% (17112) |
Autres | 7.29% (17696) | 7.5% (17190) |
La collecte des données est assez récente en lien avec l’adoption de l’acte « Washington State Seal of Biliteracy[11] » en 2014. Les premiers sceaux attribués en juin 2015 distinguent un haut niveau de connaissance en lecture, écriture, et expression orale dans au moins une langue étrangère autre que l’anglais. On observe une légère régression du nombre d’élèves étudiant le français, cependant les effectifs ont augmenté dans les niveaux supérieurs (niveau 3 et plus) et dans les écoles en immersion. Une autre raison qui justifie la progression se trouve dans la nouvelle politique mise en place par l’état. Jusqu’en 2014, il n’y avait aucune obligation d’apprentissage d’une langue étrangère. A partir de 2019, tous les lycéens devront justifier de deux années en LE pour obtenir le certificat de fin d’étude du lycée.
2.3. La variation dans l’apprentissage des langues au lycée
La langue de référence considérée comme la plus correcte a toujours occupé une place importante dans l’apprentissage de la langue et « les professeurs de langue n’échappent pas à cette perspective homogénéisante, considérant que la langue comporte un “noyau dur” homogène. Seulement si les forces et le temps disponibles le permettent, (ils) introdui(sent) quelques éléments de variation »[12]. Il convient de se pencher sur le programme des langues étrangères afin d’en voir les particularités et la place de la notion de variation. L’enseignement de la variation de la langue sera ensuite vu du côté des enseignants, principaux acteurs dans la vulgarisation des variétés linguistiques. La majorité (83,3%) des enseignants qui ont répondu à notre questionnaire enseigne au niveau lycée, ce qui nous permet d’avoir une estimation assez pertinente de la place de la variation dans l’enseignement.
2.3.1 La notion de variation dans le programme des langues étrangères
« L’enseignement classique des langues étrangères était basé sur deux approches : l’une grammaticale (apprentissage des règles de grammaire, de vocabulaire), presque mathématique dans son application, l’autre culturelle (littérature et civilisation), plutôt musicale (la beauté, la sonorité de la langue). »[13]La variabilité linguistique n’est plus aussi marginalisée qu’auparavant, mais le choix du « français à enseigner » est complexe. Pour prendre en compte cette variation, ne devrait-il pas exister une « norme neutre » ? A. Valdman, 1998 parle de la « norme pédagogique » ayant comme caractéristique première d’être observable, puisqu’elle prend en compte les variantes langagières les plus fréquentes des locuteurs de la langue étudiée.[14]
L’approche communicative est essentielle dans l’apprentissage de la langue. Le CECRL avec l’ACTFL rejoignent Dell Hymes en soutenant qu’enseigner une LE c’est préparer les apprenants à une interaction en face-à-face avec les locuteurs appartenant à une culture étrangère. La compétence de communication est aussi l’objectif principal des standards nationaux. Les manuels de LE sont axés sur une approche communicative introduite par Hymes, Mickael Canale et Merrill Swain dans les années 80. Plusieurs situations de communications sont mises en pratique et développées à travers des jeux de rôle, des stratégies de lecture et d’écoute, des stratégies d’apprentissage, le syllabus spiralaire, l’observation et la découverte des règles de la grammaire, un support souvent sur internet pour un travail autonome… De gros manuels sont proposés pour permettre à l’élève de travailler en dehors des heures de cours. Les activités sont personnalisées et chaque manuel est centré sur l’individu. Les manuels traitent de l’introduction au champ sémantique, oral ou écrit et présentent des mots et expressions dans le contexte linguistique des échanges et présentation de la grammaire. Outre la possibilité de travailler de façon autonome de manière individuelle, l’enseignement d’une LE propose également des activités en groupe où chaque élève peut exprimer ses idées personnelles. Il y a parfois des séances orientées sur la prononciation et presque toujours une présentation culturelle qui donne des renseignements sur un pays et permet de faire une comparaison avec les Etats-Unis. La langue et la culture sont au centre de tous les cours. La comparaison linguistique passe par une comparaison culturelle et cela fait automatiquement entrer la notion de variation. La compétence de communication dans la didactique du français a pourtant écarté l’existence des variations, des diverses versions de la communication. La variation est un fait, mais son application et son usage dans l’enseignement du français relèvent du choix de chaque enseignant.
Concrètement, les approches méthodologiques dans l’enseignement des LE ont encore beaucoup de mal à introduire la notion de variation. La sous-partie suivante nous permettra d’y voir plus clair. Lorsque nous voyons que 58,3% des enseignants n’ont pas appris la variation au lycée, il convient de se demander si le domaine présente un quelconque intérêt pour eux. Les enquêtes ont révélé que 79,2% des enseignants estiment qu’initier les élèves aux variétés parlées dans la francophonie est essentiel.
2.3.2 Les enseignants et la variation
Dans le cadre de ce travail, nous nous sommes intéressés aux enseignants de français dans l’état de Washington et avons voulu savoir dans quelle mesure ils traitaient la variation diatopique du français hors de France en classe de langue. Nous nous appuierons sur les résultats issus d’un questionnaire électronique envoyés aux enseignants tous niveaux confondus.
45 enseignants sur 151 contactés ont répondu aux 27 questions de façon variable et les réponses sont assez révélatrices des pratiques de classe ainsi que de leurs compétences et leurs aptitudes quant à la sensibilisation à la variation.
En réponse à la question 4 (60% des enseignants ont répondu ne pas avoir acquis de connaissances sur les variétés durant leurs études alors que 80% estiment important d’y exposer les élèves (question 5). Les enseignants ne sont pas à l’aise avec la variété (« Je ne connais pas »), en particulier les non natifs francophones, et privilégient la culture lors de thématiques francophones. Ils se réfèrent à une tradition du bon usage, héritée de leur formation universitaire. La plupart appliquent ce qu’ils ont appris, ce sont des connaissances littéraires.
Notre enquête a aussi révélé une certaine confusion entre variation et culture. Les enseignants d’origine francophone exploitent la variation telle qu’ils la connaissent « Je suis québécoise » ou « j’ai longtemps vécu aux Antilles ». Pour les autres, enseigner la culture semble être synonyme de variation puisque tous s’accordent à enseigner la culture (question 8). On peut noter la réponse paradoxale d’un enseignant qui refuse la variation car il ne veut pas « transmettre des stéréotypes ». La plupart des enseignants se base essentiellement sur le manuel et estiment que cela suffit (question 11). Il semble qu’entre l’apprentissage du vocabulaire (si présent) et les pages culturelles, il n’y a pas d’autres moyens de sensibiliser les élèves. Le français standard prime dans les supports de cours tels que les vidéos et les manuels, comme nous le verrons dans la dernière partie.
Les enseignants n’ont pas appris, pas de manière approfondie en tout cas, la notion de variation. Il est donc « difficile » pour eux d’apprendre aux élèves sans l’appui de documents pertinents et complets. Mais à l’heure actuelle, les principaux supports dans l’enseignement des LE sont les manuels scolaires. Qu’en est-il donc de la place de la variation dans ces documents ? Les réponses dans les sous-parties suivantes.
Synthèse
Le système éducatif américain accorde une place importante à l’apprentissage d’une ou de plusieurs langues étrangères. Le principal objectif de l’enseignement est de développer la compétence de communication des élèves, un savoir essentiel dans le monde actuel. Que ce soit au niveau national ou dans l’état de Washington, le choix d’apprendre une LE relève surtout des objectifs personnels des apprenants. Savoir parler et écrire « correctement » le français est pour eux indispensable, la langue française étant la plus parlée dans le monde après l’anglais. Il existe, par ailleurs, plusieurs types de français, et se référer uniquement au français de France ne serait pas pertinent compte tenu de la pluralité des variations et du nombre de personnes qui pratiquent ces langues. Introduire la notion de variation dans l’enseignement de la langue est alors nécessaire même si cela s’avère complexe. Cette difficulté d’enseigner et d’apprendre la variation linguistique ne serait-elle pas liée en partie aux supports pédagogiques ? Nous allons voir cela à partir de l’analyse des manuels les plus utilisés aux Etats-Unis dans l’enseignement du français.
Les enseignants n’ont pas appris, pas de manière approfondie en tout cas, la notion de variation. Il est donc « difficile » pour eux d’apprendre aux élèves sans l’appui de documents pertinents et complets. Mais à l’heure actuelle, les principaux supports dans l’enseignement des LE sont les manuels scolaires. Qu’en est-il donc de la place de la variation dans ces documents ? Les réponses dans les sous-parties suivantes.
3.1 Le corpus de manuels
Les manuels occupent une place centrale dans le cadre de l’enseignement dans le système éducatif américain. La classe de langue n’y échappe pas et bien que la technologie soit entrée dans la classe depuis quelques années, ils constituent toujours le support didactique le plus répandu et le plus utilisé.
Les auteurs adaptent les thèmes et compétences du programme pour créer des manuels intégrant les changements imposés par les états fédéraux et l’examen AP. Ainsi, jusqu’en 2009, il était possible de présenter deux examens en français : littérature ou langue. Celui de littérature française a été supprimé en 2009. L’examen restant est passé d’une structure rigide centrée sur la correction grammaticale et la compréhension de textes à un examen centré sur les compétences communicatives et interculturelles en 2012. A partir de thèmes et de situations de communication telles qu’elles sont définies dans les nouveaux standards de ACTFL, le nouvel examen reflète les progrès en enseignement des LE.
Si les thèmes sont identiques, le contenu diffère cependant car les auteurs peuvent choisir de traiter de questions essentielles différentes (le contexte, selon le programme). De façon générale, un groupe d’enseignant expérimente plusieurs manuels avant de faire un choix et le district achète le manuel sélectionné pour l’ensemble des professeurs. Ceci explique en partie la disparité du matériel utilisé dans la mesure où cela dépend des fonds dont disposent les districts ou encore si les LE font figure d’option. Par ailleurs, l’offre destinée à un public scolaire est limitée.
Nous avons sélectionné trois manuels scolaires parce que ces manuels sont adaptés aux élèves américains, et parce qu’ils sont les plus utilisés dans l’enseignement secondaire à l’heure actuelle. Initialement, nous avions choisi d’analyser ces mêmes manuels du niveau 1 au niveau 3, mais il nous est apparu que le niveau 3 serait plus représentatif. En effet, comme nous l’avons vu plus haut, le niveau 3 est un niveau charnière au lycée. Il ouvre la voie à la spécialisation et constitue pour l’élève le seuil requis pour se présenter à l’examen d’Advanced Placement, dont le programme est axé sur la francophonie. Nous avons donc décidé de nous pencher sur ces manuels scolaires afin d’en examiner le traitement du monde francophone et de procéder à une analyse diachronique de la variation diatopique.
L’intervalle entre les manuels est restreint en raison de la publication récente du programme de LE mais n’en constitue pas moins une base intéressante pour l’analyse. Voici la fiche technique des manuels choisis :
Tableau 5 : Liste des manuels de FLE sélectionnés
Titre | Bon Voyage ! 3 | Bien Dit ! 3 | T’es branché ? 3 |
Auteurs | C. J. Schmitt
K. Brillié Lutz |
J. DeMado
S. Champigny M. Ponterio R. Ponterio |
T. Theisen
J. Pécheur |
Editeur | Glencoe
McGraw-Hill |
HOLT MCDOUGAL | EMC |
Lieu d’édition | USA | USA | USA |
Date de parution | 2002 | 2013 | 2014 |
Nombre de niveaux | 3 | 3 | 4 |
Niveaux de langue | A2-B1 | A2-B1 | A2-B1 |
Matériel pour chaque niveau | – Livre de textes
– Cahier d’activités – Livre du professeur annoté – DVD – CD audio – Fichier de tests – Ressources en ligne sur le site de l’éditeur |
– Livre de textes
– Cahier d’activités – Livre du professeur annoté – DVD – Fichier de tests – Cahier de vocabulaire et de grammaire – ressources numériques sur le site de l’éditeur |
– Livre de textes
– Cahier d’activités – Livre du professeur annoté – DVD – DVD professeur – Ressources en ligne sur le site de l’éditeur – Fichier de tests |
Nombre de pages |
L’analyse se fera principalement sur les textes présentés dans le livre de l’élève de manière à repérer la variation diatopique sur le plan lexical et morphosyntaxique. Nous nous intéresserons également aux fichiers audio et aux ressources en ligne proposés par les manuels ainsi qu’aux indications pédagogiques fournies dans les livres du professeur afin de voir si ces éléments permettent à l’élève de prendre part à la communauté plurilingue à la maison et dans le monde dans une variété de contextes et d’une façon culturellement appropriée, c’est-à-dire « Knowing how, when, and why to saywhat to whom », pour reprendre Hymes. (Hymes, 1972).
3.2 Présentation générale
Cette présentation prend en compte les aspects culturels et linguistiques de l’apprentissage de la langue dans les différentes aires francophones. A première vue, même si la notion de variation n’est pas apparente, la pluralité des domaines étudiés soulève la diversité de la culture et de la langue et permet d’introduire l’importance de l’étude des variétés linguistiques.
Tableau 6 : Présentation du monde francophone
Aires francophones | Bon Voyage !
2002 |
Bien dit !
2013 |
T’es branché !
2014 |
L’Europe | La France, Suisse, Monaco, Luxembourg, Belgique | La France, la Belgique, Monaco, La Suisse, le Luxembourg | La France, Monaco |
Aspects culturels | Tourisme, faits, littérature, histoire, loisirs, la santé, le sport, les valeurs, vie quotidienne, les arts, les relations personnelles, la presse, l’environnement, l’immigration | littérature, histoire, géographie, les loisirs, le monde du travail, le système scolaire, société, cuisine, l’environnement, la technologie | Les valeurs, littérature, les relations personnelles, le logement, société, tourisme, histoire, faits, gastronomie, le cinéma, la vie quotidienne, les institutions, technologie et numérique, économie, |
Aspects linguistiques | Diaphasie : vocabulaire adolescent (registre familier) | Variante lexicale québécoise, algérienne, française, belge | Situation linguistique |
L’Afrique francophone | Le Niger, le Mali et l’Algérie | Le Cameroun, l’Algérie, le Maroc, la Tunisie, le Mali | Le Maroc, l’Algérie, La Tunisie, le Sénégal, le Mali |
Aspects culturels | Histoire (Les Touaregs), littérature | Histoire coloniale, littérature, cuisine, les relations personnelles, société, histoire | La famille, les valeurs, cuisine, littérature, histoire, faits, l’immigration, le logement, tourisme, art, les institutions |
Aspects linguistiques | – | Situation linguistique | Situation linguistique |
L’Amérique du Nord | Le Québec, la Louisiane | Le Québec, La Louisiane, Haïti*, | Le Québec |
Aspects culturels | Histoire, géographie, littérature | Histoire, géographie, cuisine, les loisirs (nature et sport), littérature, société, la presse | La famille, histoire, tourisme, vie quotidienne, la musique |
Aspects linguistiques | Variante lexicale | Variantes lexicales | Variantes lexicales |
Les DROM | La Guadeloupe, la Polynésie française | Les Antilles, La Polynésie française, La Guyane, Saint-Pierre-et-Miquelon | La Réunion, la Guadeloupe |
Aspects culturels | Musique | Géographie, histoire, cuisine, art, tourisme | Tourisme, histoire, littérature, art, cuisine |
Aspects linguistiques | – | Variantes lexicales | Variantes lexicales |
Les 3 manuels suivent l’évolution de l’examen d’AP axé sur la francophonie et la culture depuis 2012. Il existe des sites internet pour Bon Voyage et T’es Branché où les élèves peuvent accéder à différentes ressources : exercices d’application, révisions en vue des tests de fin d’unité, activités variées, liens vers des sites utiles… Ce sont les 3 manuels les plus utilisés dans l’état de Washington.
3.3 La variation dans les manuels
Les faits culturels cités dans les livres montrent déjà la grande diversité de l’espace francophone, une diversité qui influe sur les pratiques langagières. Mais cette notion transparait-elle dans les manuels ? Dès lors, il convient que parmi les variantes du français, le français canadien est la plus connue. Ce pays est cité dans les 3 manuels. Pour voir la place de la variation, nous nous focaliserons sur leurs aspects linguistiques déjà classés par continent dans la précédente sous-partie.
3.3.1. Schmitt, C.J & Brillié Lutz, K. (2002 reed. 2008), Bon voyage ! 3, USA
Le manuel a été édité en 2002 en version papier et est publié en version numérique en 2008. L’Etat de Washington utilise la première version. Bon voyage est organisé en 10 chapitres avec chacun ses objectifs spécifiques. Le manuel propose plusieurs exercices de vocabulaire pour la lecture et la conversation : choix de mots, conjugaison, construction de phrases… La publication est antérieure aux nouveaux standards, le livre est propose différents thèmes avec un texte culturel par chapitre. Parmi les thèmes traités se trouvent les français et les voyages, les jeunes français et l’actualité, les loisirs en France, l’union européenne, les faits-divers, les valeurs françaises, la santé et les français, les français et les arts.
Le manuel est organisé comme suit :
- Culture
- Introduction du thème
- Vocabulaire avec images associées
- Exercices de vocabulaire
- Lecture avec textes très cours, non-authentiques présentant des généralités sur les habitudes des français
- Conversation
- Vocabulaire lié au thème avec dessins, photos qui illustrent
- Langage
- Phrases à utiliser dans une situation de communication, exemple, en voyage : comment demander un renseignement, une information. Phrases-type « Pardon, vous pouvez me dire où se trouve… ? », « Comment dois-je faire pour… ? »
- Structure I : grammaire et communication guidée (8 pages)
- Journalisme
- Textes en lien avec la francophonie
- Structure II : grammaire (7 pages)
- Littérature
- 2 textes littéraires français
La francophonie semble y occuper une place centrale (4 doubles pages présentent des photos de l’Europe, la France, la Louisiane, et la Polynésie Française) surtout la France, mais n’est pas abordée de manière approfondie. Les Antilles sont un exemple de zone francophone mentionnée dans le manuel par le biais d’une interview d’un groupe de chanteuse, Les natives ; mais il n’y a rien sur la culture et la tradition antillaises.
La variation linguistique est très peu développée et difficile à repérer. La variation diaphasique est présente dans le manuel. Il s’agit, pour rappel, de l’emploi d’un registre de langue selon les situations de communication. Le choix des termes utilisés relève du locuteur. Le manuel utilise un registre familier, comme nous pouvons le voir au niveau du chapitre 2 : une console de jeux vidéo, télécharger, être accro de… L’utilisation du registre familier se retrouve également dans les phrases interrogatives du manuel. Celles-ci se rapprochent du français oral et sont construites de façon à ce qu’elles soient faciles à comprendre. En guise d’exemple, nous pouvons prendre cette phrase du chapitre 2 « Les jeunes français de quinze à vingt ans forment quel pourcentage de la population actuelle? ». On trouve souvent une inversion dans les phrases interrogatives du français standard, ce qui n’est pas le cas dans celle-ci. La forme reste affirmative, la question reste légère et facile à comprendre.
Concernant la variation diatopique, elle est quasiment absente. La seule référence lexicale est « giguer »[15]au niveau de l’unite 1 sur le thème des voyages (les acadiens sont accueillants, ils accueillent avec le sourire, les acadiens aiment giguer...) La culture, importante dans l’apprentissage d’une LE, est abordée de manière superficielle. Le manuel est axé principalement sur la grammaire et la littérature française : Le Petit Prince, Les Misérables, Jacques Prévert, Molière (Le Malade Imaginaire)).
3.3.2. Theisen, T & Pécheur, J (2014) T’es branché ! 3, USA
T’es branché ! 3 a été publié en 2014. Le manuel se compose de 6 unités (chacune est divisée en 3 leçons présentées sous forme d’objectifs), avec 18 questions en lien avec les thèmes de l’examen d’AP. Les cultures, les littératures et l’histoire francophones y sont abordées. Il s’agit des thèmes interdisciplinaires de l’ACTFL (World Readiness Standard for Learning Languages).
Une leçon est organisée de la façon suivante :
- Unit Opener
- Une citation francophone, un fait lié au thème, la question centrale qui définit l’unité (ou question essentielle), 2 questions culturelles avec une photo, élèves trouveront la réponse dans les lectures culturelles de l’unité
- Vocabulaire actif
- Photos ou illustrations introduisant le vocabulaire et pratique du vocabulaire
- Rencontre Culturelle
- Dialogue audio et imprime, extrait de blogue, article
- Culture
- Note culturelle : étude d’un aspect de la culture française
- Lié au narrative et au thème de l’unité
- Structure de la langue
- Grammaire
- A vous la parole
- Activités d’application en lien avec la grammaire
- Prononciation
- Une leçon de phonétique dans chaque unité
- Stratégies communicatives
- Un point par unité : activités d’entrainement oral et écrit
- Lecture thématique
- Un point par unité : textes authentiques francophones
- Poèmes, chansons, extraits littéraires
- Faisons le point
- Révision du chapitre
- Projet finaux
- Taches de fin d’unité
- Vocabulaire
- Liste récapitulative du chapitre
L’unité 3 du livre a pour thème la francophonie. On y retrouve un focus sur le Québec, la Tunisie et le Sénégal, dans les zones représentatives de la francophonie que sont l’Afrique subsaharienne et l’Amérique du nord.
La page d’ouverture pose une question essentielle « Comment les francophones restent-ils fidèles à leur langue et traditions ? ». Cela souligne le rayonnement et le poids de la langue française dans l’espace francophone. Ce rayonnement est en partie le fruit des activités de l’Alliance Française dont l’histoire est présentée à la page 147 du manuel. La culture occupe une place centrale dans le livre. L’on peut y trouver des textes authentiques traitant de l’immigration française, des textes sur l’histoire du Québec et la nouvelle Angleterre, des informations sur l’ile d’Orléans (géographie, histoire, premiers migrants, dates, mise en valeur de patrimoines…). Ceux-ci sont courts, très descriptifs et permettent aux élèves de réfléchir sur des faits historiques et culturels.
Les situations linguistiques en Europe et en Afrique francophone sont associées dans ce manuel où les méthodes communicatives priment. L’Afrique francophone est le principal berceau des populations qui parlent français. La prédominance de cette variante est donc justifiée et s’avère pertinente dans l’enseignement/ l’apprentissage du français. Le manuel présente également des variantes lexicales nord-américaines et celles utilisées dans les DROM. La place de la variation est marquée dans ce livre, mais la maitrise de la notion par les élèves dépend de comment les enseignants l’aborde.
A la page 147 du manuel, l’introduction du texte présente un accent québécois (Dialogue L3U3A). Dans le vidéo numéro 3, l’accent niçois de Nelson est entendu pendant une conversation entre camarades, dans le numéro 5, Tigran utilise le même accent. A la page 148, il est proposé aux profs de consulter le cours de québécois saguenéen pour exposer les élèves aux sonorités du français parlé au Canada et apprendre quelques expressions québécoises. L’accent canadien différent de l’accent continental, cela est comparé avec l’accent américain et l’accent britannique dans le livre.
Des mots clés sont proposés aux élèves afin de leur permettre de faire des recherches et d’approfondir leurs connaissances sur les éléments cultures présentés dans le manuel (littérature, tourisme, information factuelle sur les pays présentés). Les variétés de français sont évoquées. Les textes sont lus en français standard, l’introduction de l’audio est faite avec un accent québécois. Ce dernier est, toutefois, peu marqué comme le montre la prononciation particulière de certains mots qui ne relève ni du français, ni de la variété québécoise, mais plutôt d’un accent américain en français. Les « r » comme « arabe » et « briques » sont prononcés comme le /R/ à l’américaine, une consone liquide palatale [r]. L’assibilation, trait caractéristique du français québécois est absente : /t/ et /d/ devrait être prononcé « ts » et « dz », notamment devant /i/ et /y/. (Côté, 2012)[16]
Le manuel et les fichiers audio qui l’accompagnent sont principalement axés sur la communication orale, la grammaire passe au second plan. Cela explique la forte présence du registre familier comme l’intitulé du document mais également des mots qui y sont cités : faire la teuf, bricoler…
3.3.3. DeMado, J, Champigny, S., Ponterio, M. & Ponterio, R (2013), Bien Dit ! 3, USA
Ce manuel édité en 2013 est composé de 10 unités organisées par zone géographique : la France, l’Afrique Francophone, l’Amérique francophone, l’Europe francophone, l’outre-mer (2 chapitres par unité). Des chroniques sont insérées à la fin de chaque unité. Chaque chapitre suit le modèle ci-après :
- Géoculture
- Introduction du pays avec géographie, art, architecture, gastronomie, fêtes. Vidéos associées mettant en scène un autochtone.
- Vocabulaire I
- Illustré, vocabulaire additionnel (présentéégalement dans des vidéos)
- Grammaire I
- Exercices d’application
- Culture
- Lecture culturelle avec :
- Comparaison culturelle (pays étudié/culture personnelle)
- Communauté et profession (élève engagé à s’exprimer sur leur choix de carrière et réfléchir à leur communauté)
- Vocabulaire II
- Grammaire II
- Lecture
- Sensibilisation à la littérature francophone, questions de compréhension
- Atelier de l’écrivain
- Développer les compétences en production écrite
- Prépare-toi à l’examen
- Activités de préparations à l’examen AP (révisions de points abordés dans l’unité). Résumé des vocabulaires I et II.
- Activités préparatoires
- AP
- Activités similaires à celles proposées à l’examen
- Révisions cumulatives des 2 unités du chapitre
- Chroniques
- But informatif pour fournir aux élèves des informations factuelles, culturelles, et littéraires sur le monde francophone
- Lecture culturelle avec :
L’approche communicative du manuel est biaisée car les situations de communication en général sont fausses. Les textes ne sont pas authentiques. Ils présentent une vision touristique sur des thèmes variés : géographie, histoire, célébrités, institutions, art… axés essentiellement sur la France.
Au niveau de l’unité 3 du chapitre 5, nous avons un aperçu de l’Amérique francophone avec une iconographie riche. La carte de l’Amérique du nord met en évidence les zones francophones : Québec, Louisiane, Haïti. Comme indication linguistique, nous avons le créole (le Michif utilisé par les Métis). Cela permet de voir si les élèves connaissent une langue créole aux Etats-Unis.
Le livre du prof présente sur deux pages des idées d’activités ou de tâche finale. Une page est consacrée aux projets :
- le bayou en Louisiane (tâche écrite en groupe, élaboration d’une brochure touristique),
- un projet de classe axé sur la communication (questionnaire sur les loisirs favoris des autres élèves, présentation orale)
La seconde page traite des traditions : la tradition du mardi-gras (recherches à effectuer par les apprenants sur d’autres traditions et comparer avec celle-ci. Il n’y a pas d’indication de liens ou pistes de recherche. Les expressions liées sont mises en gras mais ne sont pas reprises dans le vocabulaire). La recette de Jambalaya donnée peut être réalisée à la maison.
Les exercices proposés sont liés à divers objectifs d’apprentissage : enrichissement des connaissances culturelles, compétence langagière, enrichissement du vocabulaire à partir de certains thèmes, comme le thème des animaux qui suggère l’utilisation de vocabulaire exprimant la crainte et l’étonnement. Sur ce même thème à la page 189 est présentée une variation linguistique concernant la comparaison entre rennes et caribou. En outre, la comparaison du avec des mots espagnols démontre une connexion culturelle et enrichit le vocabulaire de l’élève. Les exercices pratiques oraux et écrits sont interpersonnels et n’impliquent pas de réelles situations de communication en restant sur l’imaginaire… Dans la perspective de l’AP, il est présenté à la page 262 des sites naturels français. A partir d’une présentation brève des sites, l’élève doit faire des recherches sur internet par lui-même (pas de liens ni mots clés fournis).
Les sujets abordés dans le manuel sont nombreux mais force est de constater qu’ils traitent la francophonie, ou plus précisément la variation linguistique, de façon superficielle. Les activités des pages sont calquées sur l’examen d’AP : compréhension écrite sur texte authentique (ici extrait d’un site sur la protection de l’environnement à Madagascar). Il n’y a pas de variation linguistique pour l’activité « Interpersonal speaking ». Les exercices permettent surtout de faire acquérir une culture minimale à l’apprenant en vue de l’examen d’AP.
Conclusion
La place à accorder à la variation dans l’étude et l’enseignement de la langue soulève de nombreuses interrogations auprès des linguistes, enseignants et chercheurs. Les conditions actuelles impliquent la connaissance et la reconnaissance de l’existence des variétés de français. Mais elles sont nombreuses et il n’est pas très aisé pour l’enseignant de choisir quelle langue enseigner lorsqu’il est confronté à des situations et des locuteurs diversifiés.
Les interactions entre les langues et les cultures constituent entre autres l’origine de la variation linguistique et s’avèrent complexes à étudier. L’on sait maintenant que la diversité linguistique peut provenir de facteurs spatial, historique ou social, mais cette diversité n’est pas encore bien inscrite sur le plan didactique. La période, les conditions d’implantation d’une langue sur un territoire ainsi que les autres langues qui y sont pratiquées influent sur la constitution d’une variété, on le désigne souvent par le terme « accent ». Prendre en compte la notion de variation dans le programme d’enseignement de la langue n’est pas évident pour plusieurs raisons. A l’instar du français, une langue peut avoir de nombreuses formes. Pour l’étudier de manière approfondie, il faudrait donc tenir compte de toutes ces formes. Cela entre également en jeu dans le système d’évaluation de l’apprentissage de la langue. La maitrise du français serait évaluée suivant la norme, le français standard, tout en considérant la variation diatopique. Ainsi l’apprenant non natif aura les compétences langagières requises pour parler et écrire la langue étrangère correctement selon le contexte. C’est là qu’entrent en jeu les deux grandes catégories de variations : la « variation fonction des usagers » et la « variation fonction des usages ».
La finalité de cette recherche est de voir la place de la variation diatopique dans l’enseignement du français aux Etats-Unis. L’importance de cette notion est soutenue par la majorité des enseignants mais son usage effectif demeure non formel. L’enseignant peut choisir s’il souhaite ou non intégrer la notion de variation dans ses cours. De plus, le programme d’enseignement d’une LE n’exige pas la prise en compte de la variation, même si toute analyse linguistique implique naturellement la connaissance la notion. A l’heure actuelle, considérer le français standard comme le français correct n’est, à notre sens, plus de mise. Non seulement, le nombre de personnes parlant français est plus nombreux ailleurs qu’en France, mais les diversités linguistiques apparaissent à tous les niveaux. D’après les 3 manuels analysés dans le cadre de cette recherche et suite à nos observations, force est de constater que la variation linguistique est encore traitée de façon très superficielle. L’apprentissage de la culture des différents espaces francophones est possible avec les manuels, mais ces connaissances ne vont pas au-delà de simples descriptions. Les compétences orales et écrites sont certes parmi les objectifs fixés et réalisables grâce aux exercices interpersonnels, mais il n’y a pas de réels impacts sur la compétence grammaticale, traitée de façon assez marginale. Le traitement de la variation linguistique de façon ponctuelle laisse un doute quant à la perception et la compréhension de la notion. Les élèves risquent de ne pas voir les traites de la variation linguistique, d’autant plus lorsque le choix de le traiter ou non est laissé à l’enseignant. Nous nous demandons si l’existence de plusieurs variations diatopiques n’impliquerait-elle pas la mise en place d’une « norme » pour le français d’un espace donné ? Ainsi le locuteur pourra mieux apprendre et maitriser sa langue et le chercheur qui voudra se lancer dans une analyse linguistique aura des références pour comparer le français standard avec ses différentes variantes et faire ainsi une recherche plus approfondie.
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[2] Boyer « une diversification des pratiques et des formes linguistiques » p. 23 / Boyer Henri, Introduction à la sociolinguistique, coll. Les topos, Paris Dunod
[3] Chambers, J.K 1995. Sociolinguistic Theory. Oxford : Blackwell
[4] La variation sociale en francais (2007)
[5] Thomas Lebray. Variation linguistique et enseignement de la norme : l’exemple de la phrase interrogative. Education. 2012. <dumas-00781754>
[6] http://www.francophonie.org/274-millions-de-francophones-dans.html
[7] http://monitor.icef.com/2015/02/foreign-language-study-us-declines-first-time-20-years/
[8]Source : http://depts.washington.edu/mellwa/index.php
[9]Source : http://depts.washington.edu/mellwa/index.php
[10]La langue des signes américaine est considérée comme une LE dans l’état de Washington.http://www.k12.wa.us/worldlanguages/Laws.aspx
[11]http://www.k12.wa.us/WorldLanguages/SealofBiliteracy.aspx
[12] GADET, Françoise, «La variation n’est pas une cerise sur le gâteau », in JULLION Marie-Christine, LONDEI, Danielle, PUCCINI, Paola (a cura di), Actes du Colloque Do.Ri.F 25 ans, Recherches, didactiques, politiques linguistiques: perspectives pour l’enseignement du français en Italie, Università degli Studi di Milano, Dipartimento di Lingue e culture contemporanee, Milano, Franco Angeli, 2011.
[13] Heitman Richard, « Le français comme « langue alternative » aux Etats-Unis », Ela. Études de linguistique appliquée 1/2008 (n° 149) , p. 21-29
URL : www.cairn.info/revue-ela-2008-1-page-21.htm.
[14] Françoise Favart, « Quels savoirs en matière de variations langagières susceptibles d’optimiser un enseignement du FLE », Pratiques, 145-146 | 2010, 179-196.
[15] Référence à la “gigue Québécoise” Mais est-ce une variante lexicale ou une référence culturelle ?
[16] Côté, M.-H. (2012) « Laurentian French (Quebec). Extra vowels, missing schwas and surprising liaison consonants » In Gess, R., Lyche, C. et Meisenburg, T. (eds) Phonological Variation in French, Illustrations from three Continents. Amsterdam: John Benjamins. p.235-272
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