LA VENTE A LA DECOUPE DEPUIS LA LOI AURILLAC
LA VENTE A LA DECOUPE DEPUIS LA LOI AURILLAC
PLAN
Liste des abréviations
Introduction
PARTIE 1 : LES ACCORDS COLLECTIFS RELATIFS AU DROIT DE PREEMPTION
Chapitre 1 : L’accord collectif du 9 juin 1998
- Le champ d’application
- Les bailleurs concernés
- L’objet de la vente
- Les principaux dispositifs du texte
- Le renforcement de l’information des locataires, des associations de locataires et du maire
- Les modalités de l’information
- Les documents mis à la disposition du locataire
- Envoi de l’offre de vente puis de l’éventuel congé pour vente
- Le contenu de l’information
- L’offre de vente
- L’état de l’immeuble et les travaux
- L’information individuelle des locataires
- La mise en place de conditions destinées à faciliter les opérations de vente
- La protection des locataires en situation de faiblesse
- La mise en place d’une procédure de conciliation en cas de contentieux
- Les cas particuliers
- Prorogation éventuelle du bail
- Congé avec proposition de relogement
- Renouvellement du bail
- Les sanctions
- Une procédure de conciliation
- Une procédure contentieuse
Chapitre 2 : L’accord collectif du 16 mars 2005
- Le champ d’application
- Les acteurs concernés par l’accord
- Les opérations immobilières visées par l’accord
- La procédure de mise en vente
- La procédure d’information des locataires et des associations
- La protection des locataires
- Le prolongement du bail
- Les acquéreurs prioritaires à l’achat
- La proposition de relogement ou le renouvellement automatique de bail
- Les modifications apportées par l’accord
- Le renforcement des dispositions préexistantes
- L’extension du champ d’application de certaines dispositions
- La force contraignante de l’accord
- Les principales innovations
- La prorogation de droit
- En cas d’ancienneté du locataire et de brièveté de l’échéance du bail
- En cas d’enfants scolarisés
- Le renouvellement de plein droit
- Congé avec offre de relogement
- Les autres innovations
PARTIE 2 : LES ARTICULATIONS DE LA LOI AURILLAC AVEC LA LEGISLATION PREEXISTANTE
Chapitre 3 : Le congé en vue de la vente
- La loi du 13 décembre 2000
- Les conséquences du congé pour vente
- La reconduction expresse du bail
- La durée de la reconduction
- Le régime spécifique de la reconduction
- La loi Aurillac
- Le régime du congé
- Le droit d’occupation du locataire
- La durée du droit d’occupation
- La coordination du droit d’occupation avec les divers délais de prorogation ou reconduction du bail
Chapitre 4 : La vente d’un immeuble entier
- Les conditions requises
- L’existence d’une vente
- Le cas de la cession de la totalité des parts d’une société d’attribution
- L’objet de la vente
- La règle des dix logements
- L’unicité et la totalité de la vente
- Les exceptions
- Les modalités d’exercice du droit du locataire
- La prorogation des baux en cours
- Définition de la prorogation
- L’existence d’une prorogation
- L’objet de la prorogation
- La nécessité d’un bail en cours
- La date de conclusion de la vente
- Le bénéficiaire de la prorogation
- Le droit de disposer du logement
- Le point de départ de la prorogation des baux
- Les modalités d’application
- L’engagement de l’acquéreur à proroger les baux en cours
- i- Les caractères de l’engagement
- ii- Les issues de l’engagement de prorogation
- La liste des locataires concernés
- La sanction du non-respect de l’engagement
- La préemption des logements
- Le régime du nouveau droit de préemption
- Le défaut d’engagement de prorogation des baux susvisés
- La manifestation du vendeur à l’égard de chaque locataire et occupant de bonne foi
- L’objet de la notification
- i- Le prix de l’immeuble entier
- ii- Le prix du local occupé
- Les modalités d’exercice du nouveau droit
- i- Le projet de règlement de copropriété de l’immeuble
- ii- Les résultats du diagnostic technique
- iii- La charge des frais du diagnostic
- iv- L’exigence de la reproduction du paragraphe A de l’article 10-1 nouveau de la loi du 31 décembre 1975
- Les effets de la notification
- i- Les effets vis-à-vis du locataire
- ii- Les effets vis-à-vis du vendeur et de l’acquéreur
- La sanction du non-respect du droit de préemption
- L’absence de préemption d’un locataire
- La préemption d’au moins un des locataires
Chapitre 5 : Les dispositions supplémentaires de la loi Aurillac
- La modification des règles d’extension des accords de 1998 et 2005
- L’avantage fiscal
- Les principes en matière de droits d’enregistrement
- L’avantage institué par la loi nouvelle
- Les conditions générales
- Les conditions propres au logement acquis
Conclusion
Annexes
Bibliographie
LISTE DES ABREVIATIONS ET ACRONYMES
AFOC : Association Force Ouvrière Consommateurs
APS : Association des Propriétaires sociaux
Al. : Alinéa
Arrond. : Arrondissement
Art. : Article
CA : Cour d’Appel
Cass.civ. : Chambre civile de la Cour de Cassation
CCH : Code de la Construction et de l’Habitation
- civ. : Code civil
CDC : Commission Départementale de Conciliation
Ch. : Chambre
CNC : Commission Nationale de Concertation
CU : Code de l’Urbanisme
CGI : Code Général des Impôts
CGL : Confédération Générale du Logement
CNL : Confédération Nationale du Logement
CSCV : Confédération Syndicale du Cadre de vie
CSF : Confédération Syndicale des Familles
Ed. : Edition
FFSA : Fédération Française des Sociétés d’Assurances
FNSEM : Fédération Nationale des Sociétés d’Economie Mixte
FSIF : Fédération des Sociétés Immobilières et Foncières
Gaz. Pal. : Gazette du Palais
HLM : Habitation à Loyer Modéré
ISF : Impôt de Solidarité sur la Fortune
JCP :
N° : numéro
NCPC : Nouveau Code de Procédure Civile
- : page
PACS : Pacte Civil de Solidarité
PLI : Plan Locatif Intermédiaire
SA : Société Anonyme
SCI : Société Civile Immobilière
SCIC : Société Centrale Immobilière de la Caisse des dépôts
SEM : Sociétés d’Economie Mixte
SRU :
TI : Tribunal d’Instance
TVA : Taxe sur la Valeur Ajoutée
Introduction
Depuis une décennie maintenant, on a recensé un nombre croissant de ventes d’immeubles par lots. Cette pratique est actuelle et récente. Trop souvent qualifié de porteuse de préjudice à l’encontre des locataires des logements touchés par cette vente, cette forme de cessions d’immeubles a fortement intéressé les juristes français d’aujourd’hui. En effet étant donné le prix de vente proposée par les propriétaires, les locataires sont souvent lésés car n’étant pas en mesure d’acquérir le logement mis en vente, ceux-ci se voient obligés de vivre dans des conditions qui ne leur sont pas favorables.
Force est aujourd’hui de constater que la région parisienne fait face à un manque accru en matière de logement notamment pour les moins favorisés si bien que la vente de logements effectuaient par les bailleurs s’inscrivent leur dans la situation générale du contexte actuel de logements. On assiste ainsi à une faible mise en œuvre des moyens permettant de garantir un logement décent à ceux qui sont le plus mal logés. Ces données sont autant d’informations qui affirment l’urgence des modifications indispensables en matière de législation française concernant le logement.
La vente par lots d’immeubles à usage d’habitation ou à usage mixte d’habitation et professionnel également appelé vente à la découpe n’est pas une nouveauté. Elle existe aujourd’hui depuis une quinzaine d’années et gagne en intensité depuis peu. D’ailleurs, c’est une pratique rencontrée dès la naissance de la copropriété, étant une modalité ancienne et récurrente du marché de l’immobilier français. La vente par lots d’immeubles à usage d’habitation ou à usage mixte d’habitation et professionnel se manifeste par la transformation d’un immeuble jusqu’alors détenu par un propriétaire unique en une copropriété et la cession subséquente des lots de la copropriété nouvellement constituée.
Il existe deux sortes de vente à la découpe :
Une première modalité préconise le « découpage » d’un immeuble par son propriétaire. Le propriétaire qui est également bailleur effectue la division de l’immeuble et le transforme en bien de copropriété. Il vend alors lot par lot les locaux en faisant, le cas échéant, appel à des spécialistes de la transaction immobilière. Pendant longtemps, ce fut cette première variété qui a été principalement pratiquée en France.
Dans le deuxième cas de figure, le « découpage » de l’immeuble est effectué à la suite d’une première vente « en bloc », c’est-à-dire qu’après que le propriétaire ait cédé l’immeuble intégral avec tous les logements qui le constituent par une seule et même opération, le nouvel acquéreur procède lui-même à la division et à la vente des lots en faisant également appel, le cas échéant, à des spécialistes de la transaction immobilière.
C’est sous cette deuxième forme de découpage que le processus de vente à la découpe s’est le plus manifesté ces dernières années. Au début des années 2000, plusieurs investisseurs institutionnels ont cédé des immeubles entiers à des acquéreurs qui se sont par la suite pressé de les vendre un appartement par appartements[1].
Qu’il s’agisse de la première ou de la seconde modalité l’objet de la vente porte sur soit des appartements libres, soit des appartements occupés. Toutefois le nouveau le propriétaire doit maintenir le contrat de bail en cours lors de l’acquisition. En 2004, on estime que 52 % des logements vendus dans le cadre d’une vente à la découpe à Paris ont été vendus occupés, reste c’est-à dire 48 % ayant été vendus libres compte tenu du départ volontaire des locataires concernés ou de la délivrance de congés pour vente par le nouvel acquéreur à l’expiration de leur bail.
La hausse de la vente à la découpe n’est pas un phénomène totalement récent. Si l’on ne regarde que Paris, le phénomène s’est intensifié au début des années 1990, puis a connu une légère baisse en 1998[2] pour connaître un essor considérable à partir de 2002[3].
Lorsqu’un local la jusqu’alors placé au statut locatif e st vendu, un problème se pose quant au sort réservé aux anciens occupants. La législation en matière de protection à l’endroit des locataires a été instituée depuis plusieurs dizaines d’années. Les mécanismes sensés protéger les occupants d’un immeuble vis-à-vis de sa vente sont issus de la loi n°75-1351 du 31 décembre 1975 et de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989.
Du point de vue de la législation, il est reconnu aux locataires ou occupants de bonne foi dont le logement fait l’objet d’une vente par son propriétaire une protection par la mise en place de divers droits de préemption. Ces droits de préemption permettent au locataire d’acquérir la propriété de son logement, lors de son aliénation, par préférence à tout autre acquéreur. En matière de droits de préemption du locataire deux points légaux méritent d’être mentionnés : l’article 10 de la loi n°75-1351 du 31 décembre 1975 et l’article 15 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989.
L’article 10 de la loi n°75-1351 du 31 décembre 1975 concerne le droit de préemption applicable en cas de vente consécutive à une division d’un immeuble par lots. Dans la perspective de protection du locataire ou de l’occupant de bonne foi d’un local à usage d’habitation ou à usage mixte d’habitation et professionnel qui fait l’objet d’une vente consécutivement à la première division d’un immeuble de plus de dix logements par son propriétaire, l’article 10 de la loi n° 75-1351 relative à la protection des occupants de locaux à usage d’habitation prévoit un droit de préemption spécifique.
Avant de conclure toute vente, le bailleur à l’obligation de porter à la connaissance des locataires ou occupants de bonne foi le projet de vente affectée avec l’indication du prix et les conditions de la vente pour le local occupé. Le fait d’avoir notifié ce projet aux locataires équivaut à une offre de vente à son destinataire. Si cette obligation n’est pas respectée par le propriétaire, la vente est considérée comme nulle. La validité de l’offre de vente et de deux mois à partir de la date de réception de l’offre par le locataire. Dans le cas où le locataire décide d’accepter l’offre, il dispose en principe d’un délai de deux mois pour la réalisation de l’acte de vente. Toutefois, s’il exprime au bailleur son intention de recourir à un prêt, ce délai est étendu à quatre mois, l’acceptation de l’offre de vente étant alors subordonnée à l’obtention de ce dernier.
Selon la disposition législative, lorsque le locataire n’exerce pas son droit de préemption, et que le propriétaire cède son bien à un tiers à un prix inférieur à celui pour lequel la vente du logement a été proposée au locataire, il appartient au notaire, lorsque le propriétaire n’y a pas préalablement procédé, de porter à la connaissance du locataire ou occupant de bonne foi les conditions et prix de la cession envisagée sous peine de nullité de la vente. Cette notification vaut alors offre de vente au profit du locataire ou occupant de bonne foi, valable pendant une durée d’un mois à compter de sa réception.
Si cette offre est acceptée, le locataire ou occupant de bonne foi dispose alors des mêmes délais et des mêmes conditions pour la réalisation de la vente que ceux fixés dans le cadre de l’exercice du droit de préemption initial.
L’article 15 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 concerne quant à lui le droit de préemption applicable en cas de congé pour vente d’un logement occupé.
Aux termes de cet article, le locataire bénéficie d’un droit de préemption lors de la délivrance d’un congé pour vendre par le bailleur. Lorsque le locataire respecte ses obligations contractuelles, il est impossible pour le bailleur de mettre fin au bail tant que celui-ci n’est pas arrivé à son terme. Une fois le terme atteint, c’est l’article 15 de la loi du 6 juillet 1989 qui détermine et précise trois hypothèses limitatives dans lesquelles le bailleur peut obtenir le départ de son locataire. Une de ces hypothèses est constituée par la vente du local.
Lorsque le bailleur délivre un congé pour vente, celui-ci constitue une offre de vente au profit du locataire, ce qui lui ouvre la possibilité d’acquérir le bien qu’il occupe. Cette offre est valable pendant les deux premiers mois du délai de préavis.
Lorsque le délai de préavis expire mais que le locataire n’a pas accepté l’offre de vente, il perd les pleins droits de tout titre d’occupation sur le local. Par contre si l’offre débouche sur une acceptation de la part du locataire, En revanche, si le locataire ou occupant de bonne foi accepte l’offre qui lui est faite, il doit réaliser la vente dans les deux mois à compter de son acceptation. Toutefois, s’il fait connaître son intention de recourir à un prêt, le délai est étendu à quatre mois, et l’obtention de ce prêt conditionne son acceptation.
Toutefois il existe des mesures particulières à prendre en matière de congé pour vente, notamment lorsque le locataire concerné par le congé est dans une situation de faiblesse. En effet, dans ce cas le congé pour vente est soumis à des conditions particulières, ceci par souci du législateur de protéger les plus faibles. C’est ainsi qu’il est interdit de délivrer un congé pour vente à l’encontre d’un locataire âgé de plus de soixante-dix ans et dont les ressources annuelles sont inférieures à une fois et demie le montant annuel du salaire minimum de croissance, à moins qu’un logement correspondant à ses besoins et à ses possibilités ne lui soit offert dans des limites géographiques définies. On ne peut toutefois pas appliquer cette protection spécifique dans le cas où le bailleur lui-même est une personne physique âgée de plus de soixante ans ou si ses ressources annuelles sont inférieures à une fois et demie le montant annuel du salaire minimum de croissance.
Il existe par ailleurs dans la loi de 1989, des dispositions similaires à celles prévues par l’article 10 de la loi précitée du 31 décembre 1975 qui prévoient également l’hypothèse où, le locataire n’ayant pas exercé son droit de préemption, le propriétaire décide de céder son bien à un tiers à un prix inférieur à celui pour lequel la vente du logement lui était initialement proposée.
Il faut toutefois savoir que le champ du droit de préemption institué connaît des limites puisque ses dispositions ne s’appliquent pas aux actes intervenant entre parents jusqu’au troisième degré inclus, sous la condition que l’acquéreur occupe le logement pendant une durée qui ne peut être inférieure à deux ans à compter de l’expiration du délai de préavis.
Parler de la vente à la découpe depuis la loi Aurillac revient donc à analyser la nouvelle législation et ses apports en la matière notamment concernant la protection des locataires qui occupent un local étant objet de vente. Notre travail s’articlera autour de deux parties. La première traitera des accords collectifs relatifs au droit de préemption et la seconde sera dédiée aux articulations de la loi Aurillac avec la législation préexistante.
PARTIE 1 : LES ACCORDS COLLECTIFS RELATIFS AU DROIT DE PREEMPTION
Chapitre 1 : L’accord collectif du 9 juin 1998
Le 9 juin 1998, un accord a été conclu entre trois organisations représentatives des bailleurs[4] et cinq organisations représentatives des locataires[5]. C’est de là qu’est né l’accord collectif du 9 juin 1998. Le principal objet de cet accord est d‘améliorer l’information et la protection des locataires et des associations de locataires préalablement à la décision d’un bailleur de mettre en vente par lots plus de dix logements dans un même immeuble.
La validité initiale de l’accord fixée par ses auteurs est d’une année, reconductible par tacite reconduction, sauf si une des parties signataires effectuent auprès du président de la Commission nationale de concertation une dénonciation six mois avant l’échéance. Il est en outre prévu que cette durée pourrait être modifiée soit lors de l’extension de l’accord demandée dans le préambule, soit en cas d’intervention de dispositions législatives ou réglementaires.
C’est par une circulaire du 28 juillet 1998 que l’accord a été publié. Cette circulaire comporte la procédure à mettre en œuvre lorsqu’un bailleur souhaite donner congé aux locataires pour mettre en vente plus de dix logements dans un même immeuble
C’est le décret n° 99-628 du 22 juillet 1999[6] qui a rendu l’accord collectif obligatoire pour l’ensemble des logements des secteurs locatifs II et III[7]. Lorsque l’accord a en effet été publié au Journal officiel du 24 février 1999, la majorité des organisations représentatives de locataires ou des organisations représentatives de bailleurs ne s’y est pas opposée ; l’accord a donc pris effet conformément aux termes de la loi, notamment selon le dernier alinéa de l’article 41 ter de la loi du 23 décembre 1986 qui stipule que : « Les accords conclus au sein de la Commission nationale de concertation (CNC) font l’objet de la publication d’un avis au Journal officiel de la République française. A l’issue d’un délai d’un mois après cette publication et sauf opposition de la majorité des organisations représentatives des bailleurs d’un secteur, ou de la majorité des organisations représentatives des locataires, ils peuvent être rendus obligatoires, par décret, pour tous les logements du secteur locatif concerné. »
L’accord du 9 juin 1998 est donc né de la concertation entre bailleurs et locataires au sein de la Commission nationale de concertation. Cet accord a pour objectif la mise en place d’un code de bonne conduite, qui permet de protéger les locataires en cas de vente par lots d’immeubles d’habitation.
Les organisations de bailleurs qui ont pris part à l’élaboration et la mise en œuvre de cet accord sont la Fédération française des sociétés d’assurances (FFSA), la Fédération des sociétés immobilières et foncières (FSIF) et la Société centrale immobilière de la Caisse des dépôts (SCIC). Quant aux organisations de locataires, il s’agit de la Confédération syndicale du cadre de vie (CSCV), la Confédération générale du logement (CGL), la Confédération syndicale des familles (CSF) et l’Association force ouvrière consommateurs (AFOC). Ainsi aux termes de l’accord, il est prévu qu’une procédure spécifique doit être mise en œuvre lorsqu’un bailleur souhaite donner congé aux locataires pour mettre en vente plus de dix logements dans un même immeuble.
Pour appréhender davantage l’accord collectif du 9 juin 1998, successivement, nous traiterons du champ d’application de l’accord, ensuite des principaux dispositifs du texte, puis nous verrons les cas particuliers et enfin nous verrons les sanctions.
- Le champ d’application
Lorsque l’on parle du champ d’application, on se réfère aux bailleurs concernés mais on parle également de l’objet de la future vente.
- Les bailleurs concernés
Aux termes de l’accord du 9 juin 1998, il est stipulé que les bailleurs concernés par l’accord sont les seuls propriétaires visés par la loi du 23 décembre 1986, au 3e tiret du 2ème alinéa de son article 41 ter. Puis le champ d’application de l’accord a subi un élargissement par le décret n° 99-628 du 22 juillet 1999 qui a étendu sa force obligatoire aux secteurs locatifs II et III. En outre la loi dite SRU, en son article 197, apporte également une modification à l’article 41 ter de la loi du 23 décembre 1986 et étend une fois de plus le champ d’application de l’accord.
L’accord du 9 juin 1998 concerne ainsi :
– Le secteur locatif II, c’est-à-dire les SEM, les sociétés immobilières à participation majoritaire de la CDC, les collectivités publiques, les sociétés filiales d’un organisme collecteur de la contribution des employeurs à l’effort de construction et les filiales de ces organismes autres que celles mentionnées précédemment.
– Le secteur locatif III qui rassemble les entreprises d’assurances, les établissements de crédit et filiales de ces organismes, les personnes morales autres que celles mentionnées précédemment ou assimilées à des personnes physiques.
Il convient de mentionner que l’accord du 9 juin 1998 ne porte pas sur les organismes HLM appartenant au secteur locatif I et les bailleurs personnes physiques et les SCI constituées exclusivement entre parents et alliés jusqu’au 4e degré inclus appartenant au secteur locatif IV.
- L’objet de la vente
Il faut également savoir que rentre dans les conditions d’application de l’accord de 1998 l’intention du bailleur de vendre plus de dix logements dans un même immeuble.
La mise en vente par lots de plus de dix logements dans un même immeuble est d’ailleurs visée par l’article 1.1. de l’accord.
Toutefois la formulation du législateur ne fait pas de différence selon que le logement soit libre ou occupé. De même, celui-ci ne fait pas non plus la distinction entre des baux consentis à une personne morale ou à une personne physique.
Le seuil des dix logements érigé comme condition d’application de l’accord débouche cependant sur des difficultés. La jurisprudence a tant bien que mal divergé dans la détermination du sens et de la portée de ce seuil établi.
Par un arrêt du 12 novembre 2002[8], la 6e Chambre C de la Cour d’appel de Paris n’a pas émis de critère de distinction supplémentaire et s’est limité à l’existence d’un immeuble comportant plus de dix logements
Par la suite, plusieurs décisions ont apporté une précision au principe et ont édicté que l’accord trouvait application lorsque le bailleur avait l’intention de délivrer des congés-vente à au moins dix locataires d’un même immeuble[9]. La 6e Chambre B de la Cour d’appel de Paris a d’ailleurs confirmé cette jurisprudence par un arrêt du 5 juin 2003.
Dans cette même portée, la 3e Chambre civile de la Cour de cassation a affirmé dans un arrêt du 5 mai 2004[10] que l’accord était applicable à partit du moment où l’immeuble mis en vente par lots comporte plus de dix logements, quelle que soit leur occupation. Ceci étant appliqué conformément à la loi de 1948, la loi de 1989, le code civil, qu’il puisse s’agir d’une location libre ou occupée, d’une location accordée à une personne physique ou morale.
- Les principaux dispositifs du texte
Les principaux dispositifs sont résumés par les cinq premiers points de l’accord. Il s’agit du renforcement de l’information des locataires, des associations de locataires et du maire, de la mise en place de conditions destinées à faciliter les opérations de vente, de la protection des locataires en situation de faiblesse et de la mise en place d’une procédure de conciliation en cas de contentieux.
Selon l’accord collectif de location, différentes obligations incombent au propriétaire de l’immeuble vendu par lots ; il convient toutefois de mentionner que ces obligations varient selon qu’une association de locataires représentative existe antérieurement à l’intention du bailleur de vendre l’immeuble par lots.
- Le renforcement de l’information des locataires, des associations de locataires et du maire
La question relative à l’information des locataires fait l’objet des points 1 et 2 de l’accord. Elle a trait d’une part aux modalités de l’information et d’autre part du contenu de l’information elle-même.
- Les modalités de l’information
Avant de pouvoir décider de la mise en vente par lots de plus de dix logements dans un même immeuble, le bailleur est tenu d’informer de son intention les associations de locataires représentatives.
Il incombe donc au bailleur de fournir une information générale adressée aux locataires.
A partir du moment où le bailleur a l’intention de vendre par lots un immeuble composé de plus de dix logements et dans le cas où aucune association de locataires représentative existerait, le propriétaire porte l’information aux locataires et occupants de bonne foi de l’immeuble. S’il n’existe donc aucune association au sein de l’immeuble concerné, il devra prendre les mesures nécessaires pour porter son intention de vendre à la connaissance des locataires, ceci le plus tôt possible en fonction des données qu’il peut alors fournir pour constituer des éléments de réponse aux interrogations suscitées.
Dans le cas contraire, si une association de locataires représentative existe préalablement à cette intention de vendre, c’est à cette association que le propriétaire fait part de son intention de vendre l’immeuble par lots.
Pour qu’une association de locataires soit légale, l’article 44 de la loi du 23 décembre 1986 impose à celle-ci qu’elle remplisse l’une ou l’autre des conditions suivantes :
– représenter au moins 10 % des locataires de l’immeuble ou du groupe d’immeubles,
– être affiliée à une organisation qui siège à la commission nationale de concertation.
Le cas échéant, les modalités de l’information future des locataires ainsi que les modalités de réalisation des diagnostics techniques exigés par le texte de l’accord doivent être examinés par le bailleur et les représentants de l’association de locataires.
Si une association de locataires est créée après que l’intention de vendre ait été manifestée, il n’est pas besoin de recommencer le processus de mise en vente avec consultation préalable de l’association. La procédure suivie sera celle mise en œuvre dans le cas où il n’existe aucune association.
A partir du moment où le bailleur décide de rendre publique son intention de vendre l’immeuble en bail, tous les locataires concernés doivent en être informés, ceci indépendamment de la date d’expiration de leur bail. Cette information se manifeste par :
– une réunion d’information à laquelle le bailleur invite tous les locataires et leurs associations représentatives. Les différentes modalités de la procédure, les caractéristiques de l’immeuble ainsi que les droits des locataires y sont exposés.
Selon la pratique, les propriétaires remettent aux locataires, contre émargement, un livret d’information générale reprenant ces différents points afin de permettre aux locataires d’être informés le mieux possible sur la procédure mise en œuvre ainsi que sur leurs droits.
Ce livret peut également être transmis ultérieurement. En tout cas, le propriétaire devra conserver la preuve de cette remise.
– une confirmation des modalités envisagées pour la vente. Chaque locataire doit recevoir un exemplaire de cette confirmation par écrit. Cette information générale n’étant pas souvent complète, notamment pour les locataires qui désirent acquérir le local qu’ils occupent, il existe des informations spécifiques qui leur sont destinées. Ces informations ne constituent toutefois pas une offre de vente.
C’est l’article 10 de la loi du 31 décembre 1986 qui prévoit l’offre de vente. Aux termes de celui-ci, l’offre de vente ne peut être adressée qu’au terme d’un délai de trois mois à partir de la confirmation citée plus haut. Seule la notification de l’offre de vente permet l’envoi du congé pour vente, conformément aux dispositions de l’article 15 de la loi du 6 juillet 1989.
En outre, il faut mentionner qu’à partir du moment où la vente d’un immeuble par lots est décidée, le maire de la commune ou de l’arrondissement du siège de l’immeuble doit en être informé.
- Les documents mis à la disposition des locataires
Afin de permettre aux locataires de prendre la décision d’acquérir ou non en toute connaissance de cause, le propriétaire doit mettre à leur disposition des documents.
S’il existe une association de locataires représentative au sein de l’immeuble, le propriétaire met à la disposition des locataires le futur règlement de copropriété, les différents diagnostics et bilans relatifs à l’immeuble et pour l’association seule, les contrats de prestations de services lorsqu’elle les exige.
S’il n’existe aucune association de locataires, les locataires ne disposent que de l’état de l’immeuble et du futur règlement de copropriété.
La consultation de l’ensemble de ces documents est en pratique possible et peut se faire au point de vente qui se situe le plus souvent dans l’immeuble même.
Il est fait mention des indications suivantes dans la documentation fournie par le bailleur aux locataires : énumération des dispositions de la loi sur l’offre de vente, mention des phases importantes de l’opération de vente, des droits respectifs des locataires et des propriétaires tels que définis par la loi et l’accord de 1998, des règles générales de fonctionnement des copropriétés, de la nature et du niveau des charges particulières aux copropriétaires par rapport à ceux des charges locatives, des conditions de crédit du moment, tel que connu et proposé par plusieurs établissements financiers, de la possibilité de recourir auprès du 1 % logement, du prix moyen au m2 au moment de la mise en vente avec le cas échéant, des critères de différentiation des prix entre les logements, des avantages éventuellement accordés aux locataires par rapport aux acquéreurs extérieurs, en particulier en fonction de l’ancienneté du locataire dans les lieux et de la durée du bail restant à courir, et l’information par le bailleur des possibilités de relogement par location ou accession, notamment dans son propre parc
- Envoi de l’offre de vente puis de l’éventuel congé pour vente
Dans un délai de trois mois après que l’information individuelle adressée à chaque locataire par le bailleur ait été reçue, le propriétaire peut envoyer par lettre recommandée avec accusé de réception ou par acte d’huissier, l’offre de vente prévue à l’article 10 de la loi du 31 décembre 1975 accompagnée de l’état de l’immeuble ou diagnostic technique si ces derniers n’ont pas encore été communiqués.
Il est important que le propriétaire conserve une preuve de cet envoi ; la forme la plus recommandée est ainsi un acte d’huissier en veillant à ce que la signification soit faite à personne.
L’échéance de trois mois est fournie au locataire afin que celui-ci puisse étudier les informations communiquées, réfléchir à l’offre à venir et procéder à la recherche d’un financement s’il souhaite acquérir son logement.
Lorsque le locataire envisage d’acquérir son logement, il n’est pas obligé d’attendre la fin de cette période de réflexion. Celui-ci peut en effet porter à la connaissance du propriétaire son intention d’acquérir le bien. Le locataire devra alors faire une renonciation non équivoque conformément aux dispositions de l’accord du 9 juin 1998.
Par ailleurs, il est possible pour le bailleur de procéder à l’interruption du processus de vente par lots jusqu’à ce qu’une offre de vente soit délivrée aux locataires.
Il lui est également possible de procéder à une vente des lots à un tiers si le locataire n’exerce pas son droit de préemption.
Par contre, le propriétaire peut mettre en vente à des tiers les appartements libres situés dans même si ceux-ci n’ont pas été prioritairement proposés aux autres locataires de l’immeuble, car ceux-ci ne disposent uniquement de droit de préemption que sur leurs logements.
Une fois la notification de l’offre de vente prévue à l’article 10 de la loi de 1975 faite, le bailleur peut alors délivrer un congé pour vendre aux locataires dont le bail arrive à terme, conformément à l’article 15-II de la loi de 1989. Toutefois il n’est pas fait mention au sein de l’accord, le délai que le bailleur doit respecter entre l’envoi de l’offre de vente de l’article 10 de la loi de 1975 et celui du congé pour vente de l’article 15-II de la loi de 1989. Il a été jugé parfaitement régulier que le congé puisse être délivré aussitôt la réception de l’offre de vente de la loi de 1975.
Des précisions quant à la différence entre le prix proposé dans l’offre de vente de l’article 10 de la loi de 1975 et celui de l’offre de vente figurant au congé ne sont pas également présentes. Le principe général veut que le prix de l’offre de vente selon la loi de 1975 est fixé en valeur occupée et celui de l’offre de vente précisé au congé l’est en valeur libre d’occupation.
Mais dans le cas où les deux actes se suivent dans le même temps, il arrive que l’on assiste à deux prix identiques.
- Le contenu de l’information
Le contenu de l’information à donner aux locataires se décline en trois points. Il s’agit de l’information ayant trait à l’offre de vente, celle concernant l’état de l’immeuble et les travaux et celle touchant le cas individuel des locataires.
- L’offre de vente
Lorsque le bailleur informe les locataires de l’offre, il doit porter à leur connaissance en plus d’un rappel des dispositions légales régissant l’offre de vente, les points suivants :
– les phases importantes de l’opération de vente et les droits respectifs des locataires et des propriétaires selon les dispositions légales et celles de l’accord collectif ;
– les règles générales de fonctionnement des copropriétés ainsi que la nature et le niveau des charges particulières aux copropriétaires par rapport à ceux des charges locatives ;
– les conditions de crédit selon les propositions de plusieurs établissements financiers ainsi que la possibilité de recourir aux prêts du 1% logement ;
– les prix moyens au mètre carré au moment de la mise en vente. Ce point doit expliciter les critères de différenciation des prix entre les logements, et le ou les avantages éventuellement accordés aux locataires[11] ;
– les possibilités de relogement, par location ou accession, notamment dans son propre parc.
- L’état de l’immeuble et les travaux
Il incombe également au propriétaire de procéder au diagnostic technique de l’immeuble. S’il n’existe pas d’association, une description de l’état de l’immeuble et des travaux effectués ou à effectuer doit être fournie aux locataires.
Il convient de mentionner que ledit état correspond souvent en pratique au diagnostic établi dans le cadre de la mise en copropriété d’un immeuble de plus de quinze ans.
Par contre si une association de locataires représentative existe, l’obligation de fournir un état de l’immeuble est plus stricte.
En effet, dans cette situation, le bailleur et l’association de locataires représentative examinent ensemble les modalités de réalisation du diagnostic et du bilan technique. Il est alors fourni aux locataires les diagnostics portant sur le clos, le couvert, l’isolation thermique, les conduits et canalisations collectives, l’équipement de chauffage collectif, les ascenseurs, la sécurité en matière d’incendie.
Toutefois, qu’il existe ou non une association de locataires représentative, un récapitulatif des travaux réalisés dans les parties communes les cinq dernières années et des coûts exposés, une liste de travaux qu’il serait souhaitable d’entreprendre à court et moyen terme ainsi qu’une liste des travaux éventuels pris à la charge du propriétaire avant la première vente, doivent également être fournis aux locataires.
Habituellement, on retrouve toutes ces données dans le livret d’information générale. En pratique, les propriétaires ne précisent ces travaux que s’ils ont existé ou s’ils sont nécessaires à court ou moyen terme. Toutefois pour écarter toute ambiguïté à l’égard des locataires à ce sujet, il est préférable de mentionner également les années pendant lesquelles aucun travail n’a été réalisé dans les parties communes, et de signaler s’il n’est pas souhaitable de faire des travaux à court et moyen terme et que le propriétaire ne prendra pas de travaux à sa charge avant la vente.
Le diagnostic technique ou état de l’immeuble peut être réalisé avant ou après la réunion d’information générale.
Il appartient donc au bailleur d’informer les locataires de l’état de l’immeuble et des travaux à effectuer. Lorsque le bailleur fournit cette information, il doit :
– mettre le plus tôt possible les diagnostics et bilans à la disposition des locataires. Ces diagnostics et bilans doivent par ailleurs être communiqués de manière concomitante à l’offre de vente. D’une manière générale l’objet de ces diagnostics porte sur les éléments essentiels du bâti, les équipements communs et de sécurité susceptibles d’entraîner des dépenses importantes pour les futurs copropriétaires dans les années qui suivent la vente. Plus précisément, ces diagnostics portent sur le clos, le couvert, l’isolation thermique, les conduites et canalisations collectives, les équipements de chauffage collectif, les ascenseurs et la sécurité en matière d’incendie ;
– énumérer les travaux réalisés dans les parties communes, les cinq dernières années et les coûts exposés. Cette énumération doit être doublée d’une liste des travaux qu’il serait souhaitable d’entreprendre à court et moyen terme. De plus, cette liste doit indiquer éventuellement les travaux que le bailleur serait prêt à prendre en charge avant la première vente.
c- L’information individuelle des locataires
Dans l’information écrite individuelle adressée à chaque locataire, le bailleur confirme par écrit, à chaque locataire, les modalités envisagées pour la vente.
Cette information témoigne d’une personnalisation des informations générales données puisqu’elle concerne spécifiquement les lots proposés au locataire ainsi que ses droits particuliers.
Chaque locataire reçoit alors une fiche individuelle dans laquelle il est fait mention du prix du logement, c’est-à-dire des locaux mentionnés dans le bail et dans tout acte postérieur modifiant la description des lots loués. Dans cette fiche figure également l’extrait de l’état descriptif de division de l’immeuble pour les lots proposés à la vente, et un rappel des droits accordés aux personnes protégées par l’accord, si le locataire fait partie de cette catégorie.
L’information individuelle adressée à chaque locataire n’est pas constitutive d’offre de vente mais représente une information à titre indicatif.
Lorsque les locataires sont preneurs solidaires, la fiche d’information individuelle devra être envoyée à chacun d’eux.
Selon la situation et le cas de chaque locataire, ceux-ci doivent également bénéficier d’une information individuelle. L’information individuelle des locataires contient une reprise des informations générales. De plus on y trouve un état descriptif de division de l’immeuble pour les lots qui concernent le locataire avisé et une fiche individuelle qui précise le prix du logement.
Il arrive que les occupants des immeubles soient des personnes dans des situations difficiles qui nécessitent une protection à cause de leur cas. Dans ce cas l’information doit, dans la mesure du possible, se présenter sous forme personnalisée et contenir notamment un rappel de leurs droits.
Il faut également savoir qu’il est obligé de :
– consulter le futur règlement de copropriété, dès qu’il est possible d’y procéder;
– d’examiner l’ensemble des contrats de prestation de service liés à l’exploitation de l’immeuble, si les associations de locataires représentatives le souhaitent.
B- La mise en place de conditions destinées à faciliter les opérations de vente
C’est le point 3 de l’accord qui détermine la mise en place de conditions destinées à faciliter les opérations de vente.
Il existe un délai supplémentaire qui peut être accordé au locataire. En effet si à partir de la date de l’offre de vente, la durée du bail d’un locataire qui reste à courir est inférieure à trente mois, il lui est permis de demander au bailleur une prorogation du droit d’occupation de son logement. Cette demande de délai supplémentaire peut être effectuée dans le cadre d’une circonstance dûment justifiée. Il peut s’agir de l’obtention d’un prêt, de la vente d’un bien immobilier, d’un départ à la retraite ou encore d’une mutation professionnelle.
Lorsque cette situation de nécessité du locataire est justifiée, le bailleur peut accorder le délai supplémentaire. Le bailleur peut ainsi accepter que le locataire occupe le logement pendant une duré qui s’étend jusqu’à 30 mois. Pour ce faire, il est nécessaire que le bailleur atteste son accord par écrit au plus tard quatre mois avant la date d’expiration du bail.
Lorsque les locataires ne sont pas en mesure d’acquérir leur logement, ils ont le droit de proposer au bailleur comme acquéreur, un ascendant ou un descendant, leur conjoint ou concubin notoire vivant avec eux depuis au moins un an à la date de l’offre de vente. Cet acquéreur bénéficie alors des mêmes conditions de vente et de délai que celles proposées au locataire.
- La protection des locataires en situation de faiblesse
Le quatrième point de l’accord se concentre quant à lui sur la protection des locataires en situation de faiblesse. Un locataire est qualifié de personne en situation de faiblesse soit parce que sa capacité financière est faible, soit parce que son état physique ou psychologique est défaillant. Dans les deux cas, le locataire ne peut se porter acquéreur de son logement. Ces locataires bénéficient alors d’une protection particulière.
A cet égard deux cas peuvent être mis en lumière :
– Si le locataire justifie d’un revenu inférieur à 80% du plafond locatif intermédiaire (PLI) en vigueur[12], la délivrance de son congé pour vente doit être assortie d’une proposition de relogement compatible avec ses besoins. De plus si le locataire le souhaite et que le bailleur peut satisfaire sa demande, le nouveau logement peut se situer dans une commune ou un quartier voisin du lieu de son lieu de résidence.
Ce locataire, prioritairement aux autres, bénéficient de la proposition de la part du bailleur, des logements qui deviennent vacants dans son parc et n’étant pas l’objet d’un droit de réservation. Dans ce cas, le loyer du logement proposé bénéficie par rapport aux loyers de relocation d’une remise en pourcentage égale à celle dont bénéficie le locataire dans son logement actuel. Le loyer qui en résulte ne peut cependant pas excéder le niveau du loyer moyen pratiqué pour un logement comparable dans la même zone géographique ;
– Si le locataire est âgé de plus de 70 ans, et qu’il ne peut déménager à cause de son âge avancé, de son état de santé présentant un caractère de gravité reconnue, d’un handicap physique, d’une dépendance psychologique établie, ou de sa situation dûment justifiée, il a accès au renouvellement de son bail.
D- La mise en place d’une procédure de conciliation en cas de contentieux
Enfin, c’est le cinquième point de l’accord qui traite du cas de contentieux et qui institue une procédure de conciliation.
Bien avant qu’un conflit n’éclate entre un bailleur et un locataire, concernant les dispositions de l’accord relatives aux conditions destinées à faciliter les opérations ou à la protection particulière de certains locataires, et que ce conflit soit porté devant une juridiction, on a recours à la conciliation.
Si toutefois, le conflit est quand même porté devant le juge, l’avis de l’instance de conciliation ou les avis des collèges en cas de divergence, avec leurs motivations précises doivent lui être transmis.
L’instance de conciliation est composée paritairement par les signataires du présent accord.
- Les cas particuliers
Afin de léser le moins possible les locataires, il existe encore un traitement des cas particuliers institués par le législateur. Le traitement de ces cas particuliers consiste en une triple protection du locataire.
Selon chaque cas en effet, les locataires les plus fragiles reçoivent une protection spécifique. Cette triple protection du locataire fragile se manifeste par la prorogation éventuelle du bail, du congé avec proposition de relogement et du renouvellement du bail.
- Prorogation éventuelle du bail
Si à la date de l’offre de vente selon l’article 10 de la loi du 31 décembre 1975, la durée du bail d’un locataire qui reste à courir est inférieure à trente mois, celui-ci a le droit de demander au bailleur une prorogation du droit d’occuper de son logement.
Cette demande doit cependant être motivée par une raison qui permette de faciliter les opérations d’acquisition de libération des lieux comme l’obtention d’un prêt, la vente d’un bien immobilier, le départ à la retraite ou la mutation professionnelle.
Il appartient librement au bailleur d’accepter ou de refuser cette demande. Toutefois, si le bailleur accepte la requête de prorogation, son acceptation doit être rédigée par écrit dans les quatre mois avant la date d’expiration du bail.
- Congé avec proposition de relogement
Lorsque le locataire ne peut se porter acquéreur de son logement et que son revenu est inférieur à 80 % du plafond de ressources PLI en vigueur, le bailleur doit assortir le congé délivré en vue de la vente d’une offre de relogement.
Il convient de mentionner que l’offre de relogement doit s’accorder avec les besoins du locataire et, si ce dernier le désire, son nouveau logement peut se situer dans une commune ou un quartier voisin du lieu de résidence du locataire, à condition que cela soit possible et faisable pour le bailleur.
- Renouvellement du bail
Lorsque le locataire n’est pas en mesure de se porter acquéreur de son logement et ne peut déménager en raison de son âge supérieur à 70 ans, de son état de santé présentant un caractère de gravité reconnue, d’un handicap physique ou d’une dépendance psychologique établie, ou de sa situation dûment justifiée, il a droit à un renouvellement de son bail. Aux termes du texte, il n’existe cependant aucune précision qui apporte plus de clarification concernant la notion de dépendance psychologique si bien que ce point est examiné au cas par cas par les tribunaux.
- Les sanctions
Lorsqu’on fait face à un cas de non-respect de l’accord, deux issues peuvent être observées. Soit le non-respect de l’accord aboutit à une procédure de conciliation soit elle débouche sur une procédure contentieuse.
- Une procédure de conciliation
Comme il a été mentionné précédemment, lorsqu’un conflit relatif à une ou plusieurs dispositions des points 3 et 4 de l’accord collectif c’est-à-dire de la prorogation éventuelle du bail ou le traitement des cas particuliers, se forme entre un bailleur et un locataire, les parties peuvent procéder à la saisine de la Commission départementale de conciliation.
Si celle-ci ne réussit pas trouver un compromis entre les parties et les concilier, elle rend un avis motivé.
- Une procédure contentieuse
Aux termes de l’accord du 9 juin 1998, il n’existe aucun point qui traite de la question du non-respect de ces dispositions. Le choix entre la nullité de l’offre de vente et/ou du congé pour vendre et l’indemnisation de la partie lésée a toujours été une question essentielle à laquelle la jurisprudence a tenté de répondre au fil de plusieurs arrêts.
Une revue de la jurisprudence nous permet de dire que les décisions divergent entre elles-mêmes :
Le 5 mai 2004, la cour de cassation a émis un arrêt qui a affirmé que la nullité d’un congé-vente était encourue si l’accord n’est pas appliqué[13]. D’autres décisions entachent aussi de nullité une notification d’offre de vente de la loi de 1975, lorsque l’information fournie au locataire est jugée insuffisante[14].
Parallèlement, il existe plusieurs jugements qui sont contre cette nullité[15].
Force est ainsi de constater qu’un nouvel accord était nécessaire pour apporter plus de clarifications dans des situations parfois ambigües. C’est ainsi que l’accord du 16 mars 2005 a pris naissance.
Chapitre 2 : L’accord collectif du 16 mars 2005
Au milieu de l’année 2004, les ventes à la découpe se sont multipliées. L’accord collectif du 9 juin 1998 témoignant d’un certain dépassement, le ministre délégué au logement de l’époque M. Marc-Philippe Daubresse a demandé aux participants à la commission nationale de concertation pour que les négociations reprennent.
Le nouvel accord collectif sur lequel il fallait négocier trouvait son fondement dans l’accord du 9 juin 1998. L’objectif de ce nouvel accord était cependant d’améliorer le dispositif antérieur, ceci dans le but de renforcer encore la protection des locataires concernés par les ventes.
Six ans après l’accord collectif du 9 juin 1998, un accord est intervenu. Les organisations nationales représentant les bailleurs et les locataires se sont de nouveau réunies dans le but d’apporter des informations complémentaires aux dispositions existantes et d’effectuer ainsi un bilan d’application de l’accord précédent.
Cette concertation a donné naissance à l’accord du 16 mars 2005 qui fut appelé à se substituer à celui de 1998. Toutefois cet accord n’a été signé que par les organisations représentatives de bailleurs et deux organisations représentatives des locataires pour lesquelles les dispositions sont d’application immédiate aux ventes par lots réalisés par les signataires de l’accord et leurs adhérents concernant les opérations de vente à venir et celles en cours à la signature de l’accord, ainsi que les phases et actes de l’opération non encore réalisés. Il s’agit de la Fédération nationale des Sociétés d’économie mixte (FNSEM), ICADE PATRIMOINE[16], l’Association des propriétaires sociaux (APS), la Fédération française des Sociétés d’assurances (FFSA) et la Fédération des Sociétés immobilières et foncières (FSIF).
L’extension de cet accord par voie réglementaire n’a pas été aussitôt immédiate, contrairement au premier. Cette situation est due au fait que trois organisations nationales représentatives des locataires qui n’ont pas signés l’accord, s’y sont opposées. Il s’agit de la CNL, la CGL et la CSF.
Pour appréhender l’accord de 2005, nous traiterons successivement de son champ d’application, des principales modifications qu’il apporte et des autres innovations instituées.
- Le champ d’application
Dans le cadre de l’étude du champ d’application de l’accord, nous verrons dans un premier temps les acteurs concernés par l’accord ainsi que les opérations immobilières visées par l’accord et la procédure de mise en vente à respecter.
- Les acteurs concernés par l’accord
Du point de vue des locataires, subissent l’application de l’accord, les locataires de baux d’habitation soumis à la loi du 6 juillet 1989 contrairement aux locataires soumis à la loi du 1er septembre 1948 qui disposent d’un droit à un maintien dans les lieux. De plus les locations soumises au code Civil ou au régime des « meublés » ne font pas l’objet de l’accord.
Si l’on regarde par contre les bailleurs, l’accord col1ectif s’inscrit dans le cadre de l’article 41 ter de la loi du 23 décembre 1986 qui stipule que des accords collectifs peuvent être conclus pour un même secteur locatif au sein de la commission de concertation. Selon le principe, c’est aux organisations signataires ainsi qu’à leurs adhérents que s’imposent les accords dans un premier temps, mais plus tard, un décret peut leur donner une force obligatoire et étendre leur application à tous les logements du secteur locatif concerné.
Tout comme dans le premier accord collectif, les secteurs locatifs visés sont numérotés de I à IV:
– Le secteur I est composé des HLM.
– Le secteur II est constitué des SEM, CDC, 1% construction et ses filiales.
– Le secteur III comprend les Compagnies d’assurance, les établissements de Crédit et leurs filiales, ainsi que toutes les personnes morales.
– Le secteur IV regroupe les bailleurs personnes physiques et les SCI familiales.
Il convient ainsi de rappeler qu’un accord a été signé le 9 juin 1988 entre les organismes bailleurs du secteur II et III et des organismes de locataires concernant les congés pour vente par lots dans les ensembles immobiliers. C’est par un décret du 22 juillet 1999 que l’accord du 9 juin 1998 a été rendu obligatoire aux secteurs II et III qui ne concernaient à l’époque que les bailleurs institutionnels (CDC, 1%, banque et assurance. . .). Puis la loi du 13 décembre 2000[17], dite loi SRU a élargi le secteur III à toutes les personnes morales.
En l’espèce donc, c’est l’accord du 16 mars 2005 qui porte révision sur l’accord de 1998. C’est d’ailleurs par le décret n°2006-1366 du 10 novembre 2006 que l’accord est appliqué à tous les secteurs II et III. Il a donc une force obligatoire pour tous les bailleurs institutionnels (CDC l%, Assurances, Banques…) et tous les bailleurs personnes morales (SA, SCI . . .). Toutefois ne rentrent pas dans le champ d’application de l’accord du 16 mars 2005 le secteur HLM, les SCI familiales et les bailleurs personnes physiques.
- Les opérations immobilières visées par l’accord
Puisque l’accord de 1998 était un accord pionnier dans le domaine, celui-ci rencontrait des ambigüités et des difficultés de compréhension, notamment par rapport à sa mauvaise rédaction. Ceci était dû au fait que ce premier accord était né d’un consensus entre les organismes bailleurs et les organismes représentatifs des locataires.
Grâce au nouvel accord signé en 2005, le champ d’application est nettement plus clair: Le principe est que l’accord est applicable à tout bailleur qui met en vente plus de dix logements, libres ou occupés, dans le même immeuble. La précision apportée par le nouvel accord coïncide d’ailleurs avec les solutions jurisprudentielles[18].
Il convient donc d’insister sur le fait que l’accord organise la délivrance des congés pour vente ; cela signifie que celui-ci ne s’applique pas :
– Dans le cas où le bailleur ne souhaite pas vendre plus de dix lots, que ceux-ci soient libres ou occupés dans un immeuble.
– Dans le cas où le bailleur ne désire pas constituer de copropriété et procède à la mise en vente de l’immeuble en un seul bloc. Dans ce cas, les locataires restent dans leur logement[19].
– Dans le cas où le bailleur vend par lots les logements occupés et qu’il ne délivrera aucun congé pour vendre par application de l’article 15 de la loi de 1989, et que les locataires restent donc dans leur logement.
- La procédure de mise en vente
En pratique, à partir du moment où un bailleur envisage de procéder à la délivrance d’un congé pour vente et même lorsqu’il ne s’agit que d’un seul congé, dans le cadre d’une opération d’ensemble de vente de plus de dix logements, qu’ils soient libres ou occupés, dans un même immeuble, le respect d’une procédure lui est imposé.
Cette procédure de mise en vente obéit à des règles strictes qui visent la délivrance aux locataires d’une information complète sur le bien qu’ils occupent et les modalités de la vente, afin de leur fournir une protection dans certaines situations.
- La procédure d’information des locataires et des associations
Aux termes de l’accord, une obligation d’information à toutes les étapes du processus est prévue.
– Dès que le bailleur envisage la mise en vente par lots de plus de dix logements, il lui incombe d’informer par écrit les associations de locataires représentatives ou affiliées à une organisation siégeant à la commission nationale de concertation. Il appartient alors à ces différentes parties d’examiner alors les modalités d’information des locataires.
– Puis le bailleur rend publique son intention de vendre au cours d’une réunion à laquelle il invite tous les locataires et les associations par convocation écrite obligatoire.
Durant cette réunion, il est porté à la connaissance des locataires leurs droits, et notamment ceux découlant de l’accord, les règles générales applicables à une copropriété, et notamment la nature et le niveau des charges particulières aux copropriétaires par rapport à ceux des charges locatives. Ensuite l’information concernant les prix au mètre carré avec les critères de différentiation des prix entre les logements sont fournis aux locataires, de même que les avantages qui leur sont accordés pour une durée de six mois, notamment sur le prix[20], du fait de l’ancienneté du locataire et de la durée du bail restant à courir. Les locataires sont également tenus au courant des possibilités de relogement et des conditions du crédit du moment.
– La réunion une fois terminée, il est accordé aux associations et à elles seules la possibilité de consulter les contrats de prestation de service liés à l’exploitation de l’immeuble. Dans le cas où une association se constitue au cours de la procédure, sa constitution ne remet pas en cause les différentes étapes qui ont été effectuées sans elle. Cependant, elles doivent être consultées pour les étapes postérieures à leur création.
– Chaque locataire est ensuite informé de manière individuelle. Cette information se présente sous forme écrite et reprend les informations générales en précisant le prix de vente du logement. Il convient de préciser que cette information est donnée à titre indicatif et ne constitue pas une offre de vente. Le bailleur est ainsi à ce stade libre de renoncer à vendre l’immeuble par lots pour le vendre en bloc occupé par exemple.
– Après un délai de trois mois à partir de l’information écrite, le bailleur doit adresser par lettre recommandée avec accusé de réception, une offre de vente prévue par la loi du 31 décembre 1975[21]. Cet acte confirme la décision du bailleur de vendre le logement, en proposant à l’occupant de l’immeuble la possibilité de l’acquérir en priorité. Le locataire dispose de deux mois pour émettre une décision. Notons que ce délai est porté à quatre mois si le locataire a recours à un prêt. Les diagnostics et bilans techniques relatifs à l’immeuble, diagnostics qui portent sur les éléments essentiels du bâti et des éléments d’équipement communs doivent accompagner cette offre de vente[22]. Le bailleur a également obligation de communiquer le récapitulatif des travaux entrepris sur les parties communes de l’immeuble depuis les cinq dernières années et d’indiquer les travaux qu’il faudrait envisager dans l’avenir en précisant quelle partie de ces derniers il serait prêt à prendre en charge avant la vente.
– Conformément à la loi du 6 juillet 1989, un congé pour vente est adressé au locataire par le bailleur. Aucun délai n’est à respecter entre cette notification et celle de la loi de 1975 qui ouvre les mêmes droits avec les mêmes délais. Cette notification peut donc intervenir le lendemain de l’offre de vente. La principale distinction se situe au niveau de ce qu’adviendra du locataire. Celui-ci devra en effet quitter le logement à la fin du délai de préavis dans le second cas alors que l’offre de vente de la loi de 1975 n’impose pas au locataire de quitter les lieux. Ce congé doit en tout état de cause respecter la loi du 6 juillet 1989 et être délivré au moins six mois avant l’échéance de la fin du bail.
Toutefois, dans certaines situations, nous verrons que le bail peut être renouveler malgré ce congé pour vente et dans une grande majorité des cas depuis l’application du nouvel accord de 2005, le bail sera prolongé au-delà du terme initial.
– Enfin, du point de vue procédural, le maire de la commune doit être informé de la décision de vendre le logement. Concernant ce point, par un arrêté municipal de la Ville de Paris du 21 avril 2005, les bailleurs sont tenus d’adresser tous les documents d’information qui ont été transmis aux locataire ainsi que toutes les propositions de renouvellement, de prorogation et de relogement.
2- La protection des locataires
La protection des locataires fournie par l’accord de 2005 se manifeste en trois points. Il s’agit du prolongement du bail, des acquéreurs prioritaires à l’achat et du relogement ou du renouvellement automatique du bail.
- Le prolongement du bail
Selon le nouvel accord du 16 mars 2005, une prorogation de droit est prévue dans le cas où :
- Le locataire occupe le logement depuis plus de six ans. En effet la durée de prorogation est calculée à raison d’un mois par année d’ancienneté[23].
- Le locataire a des enfants scolarisés. La prorogation de droit est en effet étendue jusqu’à la fin de l’année scolaire.
Il convient de mentionner que l’article 11 de la loi du 6 juillet 1989 a subi une modification suite à l’accord du 9 juin 1998. Cette modification ouvre en effet une possibilité pour le locataire, dans le cadre d’une vente à la découpe, de conclure en accord avec le bailleur une reconduction de bail pour une durée inférieure à la durée légale d’un bail qui est de six ans. Dans ce cas, la reconduction du bail est établie par écrit entre les parties au plus tard quatre mois avant l’expiration du bail en cours. Lorsque la durée fixée par les parties pour le bail reconduit parvient à son terme, celui-ci est résilié de plein droit.
Aux termes de la loi Aurillac, il est également précisé que la délivrance d’un congé pour vente moins de deux ans avant le terme du bail reconduit le bail de droit, si le locataire le demande, afin de lui permettre, dans tous les cas, de disposer du logement qu’il occupe pendant une durée de deux ans à compter de la notification du congé pour vente. Il faut donc qu’entre le congé et la fin du bail, un délai de deux ans s’écoule. En pratique donc si un bailleur souhaite la libération rapide des lieux, il a tout intérêt à donner congé avec deux ans de préavis.
b- Les acquéreurs prioritaires à l’achat
L’accord du 16 mars 2005 a étendu la liste des personnes qui peuvent prétendre à l’acquisition du logement dans le cas où le locataire ne peut le faire. Il peut donc à sa place proposer comme acquéreur son conjoint, le partenaire avec lequel il est pacsé, le concubin vivant avec elle depuis au moins un an, un ascendant, un descendant ainsi que ceux de leur conjoint, partenaire de PACS ou concubin.
c- La proposition de relogement ou le renouvellement automatique de bail
Tout comme dans l’accord de 1998, lorsque le locataire ne se porte pas acquéreur de son logement et qu’il justifie d’un revenu inférieur à celui du plafond de ressources PLI[24], une proposition de relogement doit lui être faite avant la délivrance du congé pour vendre de la loi du 6 juillet 1989. Le seuil du montant des revenus correspondait avant l’application de l’accord du 16 mars 2005 à 80% du plafond de ressources PLI ; ce qui fait que le seuil touche aujourd’hui un plus grand nombre de locataires.
Dans certaines situations déjà précisées par le premier accord, le bail est renouvelé de plein droit et le locataire peut donc rester dans son appartement. Cette situation concerne le locataire :
– dont l’état de santé présente un caractère de gravité reconnu médicalement, qui l’empêche de déménager,
– âgé de plus de 70 ans à la date d’expiration du bail sauf si celui-ci est assujetti à l’ISF,
– victime d’une incapacité permanente d’au moins 80%.
- Les modifications apportées par l’accord
L’accord renforce d’une part les dispositions préexistantes et d’autre part, il étend également le domaine d’application de certaines dispositions et enfin il possède plus de force contraignante.
- Le renforcement des dispositions préexistantes
L’accord du 16 mars 2005 apporte un renfort aux dispositifs d’information préexistants :
– Il prévoit que le bailleur doit informer les locataires sur les dispositifs légaux et réglementaires destinés à protéger les locataires en difficulté, notamment ceux qui sont en situation de faiblesse en raison de leur âge ou de leurs ressources ;
– Il impose la communication, au plus tard avec l’offre de vente, de l’état des travaux réalisés dans les parties communes dans les cinq dernières années et des coûts exposés.
Concernant les conditions initialement prévues pour faciliter les opérations de vente, une prorogation du bail s’applique de plein droit :
– si le locataire occupe le logement depuis plus de six ans à la date de l’offre de vente, la durée de cette prorogation est calculée à raison d’un mois par année d’ancienneté ;
– si le locataire a à sa charge des enfants scolarisés, dans ce cas, cette prorogation va jusqu’au terme de l’année scolaire ; ce principe étant confirmé au point 2.3 de l’accord.
Cependant, dans chacun de ces cas, la prorogation ne peut excéder trente mois à compter de la date de l’offre de vente. Quatre mois avant l’expiration du bail au plus tard, il incombe au bailleur de notifier au locataire la durée de cette prorogation par lettre recommandée avec avis de réception.
- L’extension du champ d’application de certaines dispositions
En outre le nouvel accord apporte une modification concernant la faculté de proposer au bailleur un acquéreur pour le logement occupé. Selon le point 3.3 de l’accord, cette faculté est en effet étendue au partenaire du locataire lié par un pacte civil de solidarité.
De plus le point 4.1 de l’accord améliore la protection des locataires en situation de faiblesse en imposant l’obligation de proposer le relogement au locataire qui ne se porte pas acquéreur de son logement et qui justifie d’un revenu inférieur à 100 % du plafond locatif intermédiaire.
Par ailleurs, le renouvellement de plein droit du bail est étendu :
– selon le point 4.2 de l’accord, au locataire dont l’état de santé présente un caractère de gravité reconnu médicalement ;
– selon le point 4.3 de l’accord, au locataire âgé de plus de 70 ans à la date d’expiration du bail, ce renouvellement n’étant pas applicable si le locataire est assujetti à l’impôt de solidarité sur la fortune ;
– selon le point 4.4 de l’accord, au locataire titulaire d’une rente d’invalidité du travail qui correspond à une incapacité au moins égale à 80 % ou d’une allocation servie à une personne dont l’infirmité entraîne au moins 80 % d’incapacité permanente.
C- La force contraignante de l’accord
L’accord témoigne d’une force contraignante. Cette force obligatoire puise sa force dans le cas de nullité et l’existence d’un groupe de suivi:
– Le congé pour vente est sanctionné de nullité lorsque les dispositifs prévus aux points 3.2, 3.3 et 4.1 à 4.4 de l’accord ne sont pas respectés ;
– Un groupe de travail permanent de suivi de l’accord est ainsi créé. Ce groupe est composé à parité de représentants des bailleurs et des locataires désignés par les signataires de l’accord.
Cet accord prévoit son application immédiate aux opérations de vente en cours au jour de sa signature, pour les phases et actes non encore réalisés. Il est clair que ce nouvel accord comporte d’incontestables avancées par rapport aux engagements de juin 1998.
- Les principales innovations
Grâce à l’accord du 16 mars 2005, la protection des locataires est plus amplement renforcée car cet accord a l’avantage d’organiser désormais des mécanismes de plein droit. Nous verrons d’une manière plus approfondie la prorogation de droit, le renouvellement de droit et le congé avec offre de renouvellement.
- La prorogation de droit
Si l’accord de 1998 ne prévoit qu’une prorogation facultative du bail, désormais aux termes de l’accord de 2005, une prorogation de plein droit est ajoutée.
Il existe ainsi deux cas envisageables:
17a- En cas d’ancienneté du locataire et de brièveté de l’échéance du bail
Lorsque le locataire témoigne d’une ancienneté dans son contrat de bail et que l’échéance du bail est déjà brève, le locataire peut faire jouer la prorogation. Toutefois, il existe trois conditions cumulatives qui doivent être satisfaites pour que la prorogation joue :
– il faut que la durée du bail qui reste à courir à la date de notification de l’offre de vente soit inférieure à 30 mois ;
– il faut que l’ancienneté du locataire dans les lieux soit d’au moins 6 ans à la date de notification de l’offre de vente ;
– il faut que le locataire ne s’oppose pas à la prorogation.
Le calcul de la prorogation du bail se fait alors selon la base d’un mois par année d’ancienneté.
- En cas d’enfants scolarisés
Lorsque le locataire a à sa charge des enfants scolarisés, il peut également demander une prorogation de son bail. Mais, pour lui aussi, il existe des conditions cumulatives d’application qu’il faut respecter :
– il faut que la durée du bail qui reste à courir à la date de notification de l’offre de vente soit inférieure à 30 mois ;
– il faut que les enfants scolarisés soient à la charge du locataire ;
– malgré le silence des textes, il faut sans doute que locataire ne s’y oppose pas.
Le bail est ainsi prorogé jusqu’à la fin de l’année scolaire, c’est-à-dire jusqu’au 30 juin.
Dans les deux cas, la durée du bail qui reste à courir ne peut excéder 30 mois à compter de la notification de l’offre de vente.
- Le renouvellement de plein droit
Il faut faire ici la distinction entre le renouvellement et la reconduction du bail. Il s’agit d’un renouvellement ce qui implique la possibilité pour le bailleur d’accompagner le renouvellement d’une offre de loyer du bail renouvelé, par application de l’article 17c de la loi de 1989.
Il existe trois cas de renouvellement automatique du bail prévus par l’accord de 2005:
– le locataire ne peut se porter acquéreur de son logement et ne peut déménager en raison de son état de santé présentant un caractère de gravité reconnu médicalement ;
– le locataire est âgé de plus de 70 ans à la date d’expiration du bail et aucun des co-titulaires du bail n’est assujetti à l’impôt de solidarité sur la fortune ;
– le locataire est titulaire, soit d’une rente d’invalidité du travail correspondant à une incapacité au moins égale à 80 %, soit d’une allocation servie à toute personne dont l’infirmité entraîne au moins 80 % d’incapacité permanente.
Un problème se pose alors nécessairement : celui relatif à la question de l’articulation de la prorogation de plein droit et du renouvellement automatique prévus par l’accord. La question se pose en effet de savoir si les deux mécanismes juridiques s’appliquent cumulativement ou exclusivement l’un de l’autre. Les négociateurs de l’accord collectif de location du 16 mars 2005 ont fait une distinction entre la situation des locataires ordinaires et celle des locataires les plus fragiles. Pour les locataires ordinaires, la prorogation éventuelle du bail était de droit ou facultative ; pour les locataires en situation de faiblesse, selon les cas, il était prévu qu’ils puissent accéder soit au renouvellement de leur bail soit à la proposition de relogement. Mais il n’existe aucun dispositif qui prévoit l’exclusion des locataires susceptibles de voir leur bail renouvelé à cause du bénéfice du délai de prorogation.
De plus, il est fréquent que la mise en œuvre des deux dispositifs s’apprécie à des dates différentes. S’il s’agit d’une prorogation du bail, c’est à la date de l’offre de vente selon l’article 10 loi de 1975 que l’on vérifie si le locataire y a droit ; s’il s’agit d’un renouvellement du bail, c’est à la date de l’expiration du bail que l’on vérifie si la délivrance d’un congé de droit commun, selon l’article 15 II loi de 1989, peut s’effectuer.
Le meilleur raisonnement est celui qui s’effectue dans l’ordre chronologique des notifications. A la date de la notification selon la loi de 1975, il s’agit d’examiner sans distinction quels sont les locataires qui bénéficient d’une prorogation du bail en cours ; à la date ultérieure d’expiration du bail éventuellement prorogé, si un congé pour vente intervient et s’il est délivré par un bailleur soumis à l’accord collectif de location, il s’agit de voir quels sont les locataires âgés, malades, handicapés ou dotés de ressources modestes qui, selon les cas, justifient d’une offre de relogement ou d’un renouvellement du bail.
- Congé avec offre de relogement
Concernant la nécessité d’accompagner le congé d’une offre de relogement, le seuil du plafond de ressources PLI en vigueur est passé de 80 % à 100 %.
Dans ce cas le PLI prend en compte le revenu imposable du ménage locataire. Ainsi par exemple pour l’année 2006, il s’agit des revenus du ménage dans l’année 2004 déclarés en 2005.
Le cas échéant donc, le congé pour vente doit comprendre une offre de relogement dans les conditions visées au premier paragraphe du III de l’article 15 de la loi du 6 juillet 1989 qui mentionne « un logement correspondant à ses besoins et à ses possibilités dans les limites géographiques prévues à l’article 13 bis de la loi n° 48-1360 du 1er septembre 1948 … ».
Il est imposé au logement d’être « en bon état d’habitation », c’est-à-dire qu’il faut qu’on puisse y habiter normalement. A ce titre, le local offert doit remplir les conditions d’hygiène normales stipulées par le règlement sanitaire en vigueur.
Généralement, le logement offert doit garantir le même mode de vie que celui que le locataire avait antérieurement, il est notamment requis que le local puisse accueillir le même nombre de personnes.
L’appréciation des besoins personnels et familiaux du locataire ne se fait pas dans l’abstrait, mais relativement à la situation sociale de l’intéressé.
Les possibilités financières du locataire doivent concorder avec loyer du nouveau local, même s’il est plus élevé. Cette situation suppose que le loyer proposé doit être en adéquation avec les revenus du locataire. Ainsi l’article 13 bis de la loi du 1er septembre 1948 stipule que, le logement offert doit se trouver situé : » – dans le même arrondissement ou les arrondissements limitrophes ou les communes limitrophes de l’arrondissement où se trouve le local, objet de la reprise, si celui-ci est situé dans une commune divisée en arrondissements, – dans le même canton ou dans les cantons limitrophes de ce canton inclus dans la même commune ou dans les communes limitrophes de ce canton si la commune est divisée en cantons,- dans les autres cas, sur le territoire de la même commune ou d’une commune limitrophe, sans pouvoir être éloigné de plus de 5 kilomètres « .
Il n’existe aucune condition de forme relative à la validité et aux modalités de proposition de l’offre de relogement. Toutefois l’offre doit constituer une véritable proposition de location qui décrit les lieux offerts, et qui indique le loyer proposé ainsi que le montant de la provision.
Si la proposition de relogement n’est pas concomitante à la notification du congé, le congé est nul[25] ; il est toutefois implicitement admis par la Cour de cassation qu’une offre de relogement soit formulée après la notification du congé, mais avant le terme du contrat[26].
- Les autres innovations
Dans le cadre de l’accord de 2005, il existe certaines modifications mineures qui ont également été effectuées. Elles concernent :
- La précision quant au seuil des dix logements
Aux termes de la clause 1.1. de l’accord, il est désormais mentionné « logement libre ou occupé », ceci dans le but de faire disparaître tout problème d’application de l’accord.
Lorsqu’on procède au calcul du seuil des dix logements entraînant l’application de l’accord, on exclut les locaux commerciaux, les locaux à usage professionnel ainsi que les chambres de services annexées au logement principal.
- L’information renforcée adressée aux locataires et à leurs représentants
D’une part il s’agit d’une information supplémentaire des locataires :
Les locataires doivent être mis au courant de la date, de l’heure et du jour de la réunion d’information générale qui sera tenue par le propriétaire s’il est propriétaire unique de l’immeuble.
La communication du récapitulatif des travaux réalisés les cinq dernières années et la liste des travaux qu’il serait souhaitable d’entreprendre à cours et moyen terme qui aux termes de l’accord du 9 juin 1998, doivent être communiqués par le bailleur aux locataires doit être faite au plus tard avec l’offre de vente.
Par ailleurs, un affichage dans les parties communes de l’immeuble avertira les locataires de la possibilité de consulter le futur règlement de copropriété dès lors qu’elle est matériellement possible ; ce règlement devra être communiqué aux représentants des locataires s’il en existe.
En outre, l’accord du 16 mars 2005 apporte un complément à la clause relative à la possibilité pour le locataire d’évoquer avec le bailleur l’état des parties privatives des lots concernés en précisant qu’ils pourront évoquer une prise en charge par le bailleur des dépenses d’amélioration et de travaux ne relevant pas des réparations locatives.
D’autre part, il s’agit d’une information supplémentaire des représentants des locataires :
Le bailleur doit faire part de son intention de vendre l’immeuble par lots, sous forme écrite, aux associations de locataires représentatives.
Il devra également leur fournir les diagnostics et bilans exigés par l’accord de 1998 et repris dans celui de 2005.
Enfin, le règlement de copropriété devra également être mis à leur disposition.
Il convient de mentionner que la ville de Paris a émis un arrêté municipal le 21 avril 2005 dans lequel elle précise les informations que doivent lui transmettre les responsables de ventes par lots. Il s’agit :
– des phases de l’opération commerciale, ainsi que les prix moyens au mètre carré et les critères de différenciation de prix entre les logements ;
– des avantages accordés en fonction de l’ancienneté et de la durée du bail et les possibilités de relogement dans le parc du bailleur ;
– du descriptif de l’immeuble, les diagnostics et bilans techniques, les travaux réalisés dans les parties communes les cinq dernières années et leur coût ;
– du descriptif de division par lots et le futur règlement de copropriété ;
– de l’état d’occupation de l’immeuble et le prix de chaque logement ;
– de la durée résiduelle de chaque bail, la liste des baux renouvelés
PARTIE 2 : LES ARTICULATIONS DE LA LOI AURILLAC AVEC LA LEGISLATION PREEXISTANTE
Avant de voir les principales articulations de la loi Aurillac avec la législation préexistante, il est intéressant de connaître davantage cette loi.
La loi du 13 juin 2006 ou loi Aurillac relative au droit de préemption et à la protection des locataires en cas de vente d’un immeuble a été élaboré dans un contexte de pression. Elle constitue une réponse à la recrudescence de la vente par lots dont la sonnette d’alarme a été déclenchée par les associations de locataires les plus lésées. En effet, les ventes par lots d’ensembles immobiliers d’habitation ont augmenté dans certaines grandes villes et plus précisément dans la ville de Paris.
La proposition de loi Aurillac a été présentée par Mme Martine Aurillac, qui fut à l’époque député-maire du 7ème arrondissement de Paris ainsi que d’autres membres de la majorité parlementaire.
Si l’on retrace d’un point de vue chronologique les étapes de la réforme, voici les grandes dates par lesquelles elle est passée.
- Le 9 février 2005, la proposition de loi est déposée au Parlement
- Le 16 juin 2005, l’Assemblée Nationale adopte le texte en première lecture. Le rapporteur à cet effet est Christian Decocq.
- Le 13 octobre 2005, le Sénat adopte à son tour le texte en première lecture. Le rapporteur à cet effet est Laurent Beteille.
- Le 15 décembre 2005 : l’Assemblée Nationale adopte le texte en deuxième lecture.
- Le 29 mars 2006, le Sénat adopte le texte en deuxième lecture
- Le 11 avril 2006, le texte est arrêté par la commission mixte paritaire.
- Le 13 juin 2006, la loi relative au droit de préemption et à la protection des locataires en cas de vente d’un immeuble est adoptée.
Chapitre 3 : Le congé en vue de la vente
Le congé pour vente se fonde sur les articles 11.1 et 15 II de la loi du 6 juillet 1989. Selon ces articles, si un congé pour vente était délivré dans le cadre d’une vente par lots régie par l’accord collectif de location du 9 juin 1998 ou celui du 16 mars 2005, il obéissait à un régime exorbitant du droit commun. Deux dispositifs peuvent être mis en lumière dans le cadre des dispositifs législatifs relatifs au congé pour vente. Le premier texte que nous verrons est la loi SRU du 13 décembre 2000. Le second dispositif que nous traiterons est la loi Aurillac, qui en ajoutant à l’article 11.1 un alinéa nouveau, vient renforcer de plus la spécificité du congé pour vente délivré dans une vente à la découpe.
- La loi du 13 décembre 2000
La loi du 13 décembre 2000 a pour principal caractéristique de donner avantage et de renforcer la protection du locataire n’ayant pas exercé le droit de préemption dans le cadre d’un congé pour vente.
Nous verrons ainsi successivement les principaux points abordés par cette loi. Dans une première section, nous verrons que le dispositif apporte un assouplissement aux conséquences du congé car elle institue une reconduction expresse du bail. Le bail reconduit est ainsi accordé pour une durée moindre comparée à celle du droit commun et est doté d’un régime spécifique.
- Les conséquences du congé pour vente
D’un point de vue général, le congé pour vente implique pour le bail que celui-ci soit résilié une fois qu’il parvient à sa date d’échéance. Il n’existe pas de formalité supplémentaire aux termes de la loi.
Selon la législation, le droit grève le congé d’un caractère irrévocable, c’est-à-dire que celui-ci doit être subi sans conditions ni exceptions. Ainsi le congé ne nécessite pas que son destinataire émette une acceptation mais ce caractère irrévocable implique également que l’auteur du congé, en l’occurrence le bailleur, n’a pas le droit de se rétracter.
S’il s’avère qu’une solution contraire à ce principe était prise, cela nécessitait que la législation intervienne pour rétablir la norme.
- La reconduction expresse du bail
Aux termes de la législation cependant, la reconduction expresse du contrat de location est permise bien que le congé soit délivré. Toutefois, cette reconduction expresse ne constitue qu’une simple faculté, qui nécessite pour être appliquée, que la volonté du bailleur et celle du locataire se rencontrent.
Il convient également de mentionner que l’on parle ici de reconduction et non de renouvellement. La distinction est à faire entre ces deux notions car la reconduction implique la poursuite ou le maintien des relations contractuelles préexistantes à l’arrivée du terme du contrat qui lie les parties. Ceci implique donc que le contrat de location qui lie le bailleur et le locataire ne subit aucune modification dans ses dispositions, exception faite de la durée du bail reconduit. Le logement mis en location reste donc le même sans ajout ou restriction, le montant du loyer demeure également inchangé sauf le jeu de sa révision contractuelle.
Un des caractères requis à cette reconduction est cependant d’être expresse, c’est-à-dire qu’il faut qu’elle soit manifestée et établie par écrit. Ainsi aux termes du texte, il est exclu que l’accord entre les parties soit tacite[27] car ceci dénuerait les dispositifs de tout caractère équivoque.
Il est imposé que la reconduction ait lieu au plus tard quatre mois avant l’expiration du bail en cours. Cette date équivaut aussi à la date à laquelle le locataire aura renoncé à préempter.
- La durée de la reconduction
La reconduction instituée par la loi SRU équivaut à une durée qui doit être inférieure à six ans. Selon le texte, les seuls bailleurs concernés par cette règle sont les bailleurs personnes morales. Il n’est cependant pas apporté de précision supplémentaire. Lorsque l’on parle de durée moindre à celle du droit commun, c’est parce que la durée est de quelques mois à plusieurs années.
D- Le régime spécifique de la reconduction
La reconduction instituée par la loi du 13 décembre 2000 obéit à un régime particulier. Ceci est d’autant plus vrai qu’elle implique deux principales conséquences singulières. Tout d’abord, la reconduction du bail n’influe pas sur l’offre de vente qui figure au congé. En effet, les effets du congé sont dissouts une fois que la reconduction est mise en œuvre. L’expression « dans le cas … l’offre de vente est dissociée du congé » ajoutée à l’article 15 II de la loi de 1989 exprime sans nul doute cette disparition des effets. Ensuite la reconduction a pour second effet de résilier le bail reconduit sera résilié une fois la date de son échéance atteinte.
Dans ce cas, la résiliation s’effectue de plein droit, sans autre formalité, et il est ainsi admis que de ce fait, il est désormais impossible pour le locataire d’invoquer un motif de nullité du congé précédent.
Il est envisageable de penser que l’absence de recours à cette institution justifie la réforme plus radicale qui est intervenue.
- La loi Aurillac
Il convient de mentionner d’emblée que la loi Aurillac du 13 juin 2006 vise le même résultat que la loi du 13 décembre 2000. La différence entre les deux textes réside cependant dans le fait que la loi Aurillac crée, dans le cadre des ventes par lots, un régime du congé pour vente, exorbitant de celui du droit commun.
Le principe instauré par la règle nouvelle se résume par les quatre sections que nous traiterons successivement. Nous verrons dans un premier temps le régime du congé, ensuite nous traiterons du droit d’occupation du locataire ainsi que de sa durée et enfin nous étudierons la coordination de ce droit d’occupation avec la prorogation de plein droit du bail, instituée par l’accord collectif du 16 mars 2005.
- Le régime du congé
Aux termes du nouveau dispositif le régime ordinaire du congé demeure inchangé. En effet le congé doit avoir une motivation sérieuse, en l’occurrence, il s’agit de la vente du logement, et doit en outre être délivré au moins six mois avant l’expiration du bail en cours, faute de quoi il sera sanctionné de nullité.
Vis-à-vis du locataire le congé donné par le bailleur vaut offre de vente. Il appartient ainsi au locataire d’accepter l’offre durant les deux premiers mois du délai de préavis, c’est-à-dire les sixième et cinquième mois qui précèdent l’échéance du bail.
Par ce principe, il faut comprendre que même si le bailleur anticipe une délivrance du congé, dans le cas où celle-ci est possible et que le locataire a la possibilité de préempter sans attendre, cette mesure prise par le bailleur n’influe pas sur la date-limite d’acceptation par le locataire de l’offre de vente. Cette date-limite demeure inchangée car elle est fixée par référence non pas à la date du congé mais à celle de l’expiration du bail en cours.
- Le droit d’occupation du locataire
Le congé en vue de la vente aux termes de la loi Aurillac ouvre au locataire le droit de prolonger l’occupation des lieux. Ce droit d’occupation du locataire est désigné par la loi par l’expression « disposer du logement qu’il occupe »[28].
Selon la loi Aurillac, la technique juridique appliquée est celle de la reconduction de droit du bail. Cette construction est imprimée de la même manière que selon le régime que nous avons précédemment décrit, à la différence que l’option facultative que possédait le bailleur vis-à-vis de la reconduction se voit supprimée. La nouvelle règle favorise le locataire qui a seul la possibilité de décider de demander ou non la reconduction du bail.
Il convient de souligner que cette reconduction automatique s’applique indépendamment du fait que le locataire accepte ou non l’offre de vente assortissant le congé. La situation peut ainsi aboutir sur l’un des cas suivants :
- si la vente est conclue, il n’y a plus de reconduction du bail. En effet les qualités de bailleur et de locataire se confondent sur une seule et même personne ;
- si la vente n’est pas conclue, le bail reconduit reprend ses droits et poursuit ses effets. Il convient de noter que la vente n’est pas conclue dans l’un des deux cas suivant : soit le locataire n’a pas émis de droit de préemption, soit il l’a fait mais son acceptation est devenue caduque de plein droit car la vente n’a pas été réalisée dans le délai légal.
- La durée du droit d’occupation
Lorsque la reconduction de droit s’applique et que le droit d’occupation prend effet, il est ouvert au locataire un délai de deux années pour libérer les lieux à compter du congé.
Il en découle ainsi que dans le cas où la délivrance du congé qui vaut offre de vente, s’effectue plus de deux ans avant la fin du bail, aucune reconduction ne s’opère. En conséquence également, malgré le silence des textes, le régime de la résiliation de plein droit du bail reconduit à son échéance s’appliquera sans autre formalité.
La question qui se pose est ainsi l’impact de ce nouveau dispositif sur le comportement des bailleurs. Ce qui est fortement remarquable actuellement, c’est la rareté des congés pour vente délivrés de façon prématurée à l’excès. Cette notification anticipée implique ainsi pour les locataires, qu’ils disposent un droit irrévocable d’accepter l’offre de vente pendant la période immuable des deux premiers mois du délai de préavis. Cette pratique implique ainsi pour le bailleur que celui-ci n’a plus le droit de changer d’avis après notification du congé, lorsqu’il décide par exemple de vendre le logement occupé, de renouveler le bail ou de délivrer congé pour motif légitime et sérieux.
Un cas qui pourrait être observé à l’avenir est que les congés en vue de la vente soient délivrés par anticipation de quelques mois, par exemple un an à l’avance, réduisant ainsi à une année le temps de la reconduction de droit du bail.
- La coordination du droit d’occupation avec les divers délais de prorogation ou reconduction du bail
La question qui se pose est celle relative à l’articulation des divers délais de prorogation ou reconduction du bail.
Le principe est assez simple. S’il n’existe pas de disposition normative qui s’y oppose, la prorogation de plein droit du bail, en certains cas, qui découle de l’accord collectif de location du 16 mars 2005, développe ses effets à partir de la notification qui vaut offre de vente[29] et implique que la date d’échéance du bail, celle pour laquelle congé peut être donné, se trouve reportée dans le temps.
Si le bail est reconduit dans le cas d’un congé pour vente[30], cette reconduction va donc s’ajouter à la prorogation du bail, sans que l’une absorbe l’autre. Les délais sont ainsi cumulativement appliqués lorsqu’on articule l’accord de 2005 et la loi de 2006.
Chapitre 4 : La vente d’un immeuble entier
En matière de vente d’un immeuble entier, la loi Aurillac apporte un grand changement, notamment dans le cadre du régime juridique et fiscal. En effet avant que le bailleur ne puisse procéder à la vente de l’immeuble, il est dans l’obligation d’offrir à chaque locataire d’acquérir son logement. Toutefois cette mesure n’est pas nécessaire si le nouvel acquéreur de l’entier immeuble s’engage à effectuer une prorogation des baux en cours.
La nouvelle législation imposée par la loi Aurillac concernant le nouveau droit de préemption des locataires émet ainsi deux principales contradictions à l’égard de l’organisation juridique précédemment établie. D’une part, il faut savoir que l’article 10 de la loi du 31 décembre 1975 institue un droit de préemption du locataire qui exclut cependant de son application la vente d’un bâtiment entier. Or la nouvelle règle fonde sa condition d’exercice dans ce genre de vente. D’autre part l’ancienne règle imposait au bailleur qui désirait mettre en vente le seuil des dix logements que celui-ci assure aux locataires information, délai et protection, par application de l’accord collectif de location du 9 juin 1998. Or la mise en œuvre immédiate et sans prévention du nouveau dispositif juridique retarde de manière conséquente l’exercice du droit de préemption du locataire.
Force est ainsi de constater que le système juridique qui organise le droit de préemption du locataire est désormais complexe. On remarque en outre que le mécanisme d’ensemble est relativement incohérent. Tout justifie alors l’existence d’un troisième régime juridique du droit de préemption institué par la loi Aurillac. Cette nouvelle règle témoigne d’une singularité et d’une autonomie qui la diffèrent clairement des deux premiers droits de préemption, cependant, il lui sera requis de coexister avec la législation préexistante.
Successivement, nous verrons les conditions à remplir dans le cadre d’une vente d’un immeuble entier dans une première section, et dans un deuxième temps, nous traiterons des modalités d’exercice du locataire.
- Les conditions requises
La nouvelle loi impose des conditions à respecter lorsqu’il s’agit de la vente d’un immeuble entier. Dans une première section, nous verrons qu’il faut qu’une vente existe, puis nous verrons dans un deuxième temps que la cession de parts d’une société d’attribution est également assimilée à cette vente. Ensuite nous verrons que l’objet de la vente porte sur un immeuble à usage d’habitation ou mixte qui comprend plus de dix logements. Nous verrons par ailleurs qu’une des conditions exigées est que la vente s’opère dans sa totalité et en une seule fois. Enfin dans une dernière section, nous verrons que la vente connaît une exception au profit de certains acquéreurs ou cessionnaires.
- L’existence d’une vente
L’existence d’une vente est exigée par la loi car c’est uniquement lorsque le propriétaire projette de vendre l’immeuble que le locataire dispose d’un droit à une protection particulière.
La notion de vente est importante car elle ne peut s’assimiler à toutes les sortes de cessions à titre onéreux. C’est ainsi qu’elle ne peut prêter à confusion ni avec l’échange, ni avec l’apport à société. Ceci est d’autant plus vrai que chaque cession comporte une contrepartie. En contrepartie d’une vente, le vendeur perçoit un prix ; en contrepartie d’un échange, l’échangiste reçoit un bien ; en contrepartie d’un apport, l’apporteur reçoit des titres de la société bénéficiaire de l’apport.
Les ventes sont donc les seules opérations concernées. Toutefois, dans le cas où une fraude à la loi est effectuée, des opérations autres que la vente sont concernées. Ainsi est-il de l’apporteur à société qui initialement était sensé céder les titres reçus en contrepartie de l’apport. Il est possible de démontrer ultérieurement que celui-ci est dénué d’affectio societatis et que l’opération visait uniquement une issue échappatoire à la loi. L’opération pourrait alors être requalifiée.
Un autre point qui attire notre attention concerne aussi les ventes par adjudication, que celles-ci soient effectuées par voie judiciaire ou à l’amiable. La question qui se pose est de savoir si elles subissent la loi nouvelle sur un même pied d’égalité que les ventes de gré à gré. La loi du 31 décembre 1975 en son article 10 avait à ce propos étendu le champ d’application de l’ancien droit de préemption du locataire à ce genre de ventes. Toutefois, cette loi avait institué un régime dérogatoire d’application justifié par le particularisme de l’adjudication publique.
La loi nouvelle reste à cet égard muette. Ce qui amène à penser qu’indépendamment du caractère de la vente, que celle-ci soit volontaire ou forcée, le locataire bénéficie toujours de la protection instituée. Mais puisqu’il n’y a pas de régime dérogatoire auquel doit obéir la vente, il est imposé aux futurs enchérisseurs par le biais du cahier de charges, que ceux-ci prorogent les baux en cours, s’ils deviennent adjudicataires. Cette situation est dû au fait que le mécanisme du nouveau droit de préemption est, puisqu’il n’a pas d’adaptation légale, incompatible avec celui des enchères publiques.
La loi ne fait pas non plus une distinction selon l’auteur de la vente. Tout auteur d’une vente est touché par la règle générale ; qu’il s’agisse d’une personne physique ou d’une personne morale, d’une personne publique ou d’une personne privée.
- Le cas de la cession de la totalité des parts d’une société d’attribution
Il est également important d’apporter une précision quant à la cession de la totalité des parts d’une société d’attribution. Aux termes de la nouvelle loi, une cession de la totalité des parts d’une société d’attribution est considérée comme une vente. Ce caractère offre ainsi aux associés la possibilité d’attribuer une partie déterminée de l’immeuble social en propriété ou en jouissance.
Il convient de mentionner que les sociétés d’attribution sont régies par les lois du 28 juin 1938 et du 4 janvier 1978. L’existence de ce genre de sociétés a d’ailleurs favorisé l’essor de la construction d’immeubles collectifs. Il est vrai que plusieurs d’entre elles ont subi une dissolution ou une transformation en copropriétés, mais une grande partie d’entre elles subsistent encore. Il est ainsi communément admis que la cession de la totalité des parts d’une société d’attribution soit assimilée à une vente de l’immeuble, bien que la cession simultanée des parts sur l’immeuble par l’ensemble des associés soit d’une rareté.
En outre, il faut savoir que la loi ne concerne pas les sociétés d’attribution à temps partagé car ceux-ci concernent l’immobilier de loisir. Du fait de leur objet, elles ne sont pas concernées par la protection de l’habitation principale du locataire, principal souci du législateur.
- L’objet de la vente
Aux termes de la loi Aurillac, il est clairement mentionné que l’objet de la vente doit porter sur « un immeuble à usage d’habitation ou à usage mixte d’habitation et professionnel ». Le champ d’application du droit de préemption instauré par la loi Aurillac est commun à celui établi par l’article 10 de la loi du 31 décembre 1975. Tous deux sont en effet plus large que celui institué par la loi du 6 juillet 1989, celle-ci n’intéressant que la protection de l’habitation principale du locataire qui occupe personnellement les lieux.
Cet élargissement du champ d’application institué par la nouvelle loi implique ainsi une extension des bénéficiaires de la protection. Puisque l’énoncé de la loi est général, la protection accordée est également généralisée. La nouvelle règle accorde ainsi une protection aux locataires qui n’ont dans l’immeuble qu’un pied-à-terre, de même elle protège aussi ceux qui y louent un logement meublé ; elle donne également protection aux sociétés qui louent un logement pour l’usage de leur gérant ou d’un membre de leur personnel.
- La règle des dix logements
Une des conditions exigée par la nouvelle règle est cependant le seuil des dix logements. L’immeuble sur lequel la vente porte, doit ainsi compter un nombre supérieur à dix logements, à défaut duquel la protection ne peut développer ses effets.
Et puisque le texte ne donne pas davantage de précisions, les logements qu’il faut considérer sont tous les logements sans exception, qu’ils soient libres ou occupés, loués ou non. Cette règle poursuit donc le dispositif mis en place par la loi du 6 juillet 1989. Cette détermination des logements à prendre en compte a d’ailleurs été définie par un arrêt émis par la troisième chambre civile de la Cour de cassation le 5 mai 2004. Cette définition a d’ailleurs été reprise par l’accord collectif de location du 16 mars 2005.
- L’unicité et la totalité de la vente
La nouvelle loi impose ainsi une vente dont l’objet est l’immeuble « dans sa totalité et en une seule fois ». Cette expression est utilisée quatre fois dans le premier article de la loi. La règle ainsi formulée reste cependant ambigüe. Il s’agit en effet de déterminer si le terme totalité est entendu selon la définition de l’article 10 de la loi du 31 décembre 1975 qui parle clairement d’ « un bâtiment entier » ou selon le sens de l’article 1er de la loi du 10 juillet 1965 qui fixe le statut de la copropriété et qui envisage un « ensemble immobilier ».
Il est en effet facile à déterminer et comprendre un immeuble dans sa totalité s’il ne comporte qu’un seul bâtiment. Le problème d’interprétation de la loi se pose lorsque l’immeuble comporte deux bâtiments, l’un sur rue, l’autre sur cour, ou lorsqu’il s’agit d’un ensemble immobilier constitué par plusieurs bâtiments.
Il est clair que l’interprétation de cette nouvelle loi doit être prudente car il faut savoir que la nouvelle loi est sanctionnée lorsqu’elle est appliquée de manière défaillante.
Il existe toutefois un principe qui demeure clair. Lorsque l’immeuble a déjà été mis en copropriété à cause d’un lot vendu précédemment, il peut par exemple s’agir du pied d’immeuble qui est à usage commercial, la loi ne trouve pas de terrain d’application même si la mise en vente de la totalité des locaux à usage d’habitation est effectuée en une seule fois.
Force est ainsi de constater que non seulement le législateur utilise une formulation dont l’ambigüité laisse l’interprète perplexe mais celle-ci protège également moins le locataire, cette protection étant en effet moindre que celle stipulée par l’article 10, III dernier alinéa, de la loi du 31 décembre 1975.
- Les exceptions
Dans un dernier temps, il nous faut préciser que le droit du locataire ne peut s’exercer dans le cas où il y a vente d’immeuble entier ou cession de la totalité des parts d’une société d’attribution, mais que l’acquéreur est un parent ou allié du vendeur jusqu’au quatrième degré inclus. Cette extension du lien de parenté vient en effet contredire les deux exclusions relatives aux droits de préemption du locataire, tiré de l’article 10 de la loi du 31 décembre 1975[31] et de l’article 15 II de la loi du 6 juillet 1989[32]. Le texte dernièrement cité limitait l’exclusion au troisième degré de parenté et d’alliance et la loi nouvelle l’a étendue au quatrième degré, pour permettre une harmonie de la règle. Ainsi, il est préférable de vendre à un petit-neveu qu’à un locataire.
Il est ainsi impossible pour le locataire d’apprécier un exercice de son droit tant que ces conditions ne sont pas cumulativement respectées.
- Les modalités d’exercice du droit du locataire
Aux termes de la nouvelle règle, le principe établi est simple. Avant que le bailleur ne procède à la mise en vente de l’immeuble, il se doit d’offrir au locataire soit la prorogation de son bail, soit la préemption du logement.
Nous verrons alors successivement dans deux sous-sections différentes les deux alternatives entre lesquelles le vendeur peut choisir.
- La prorogation des baux en cours
La prorogation des baux en cours est le premier choix dont dispose le vendeur. C’est également la pratique la plus fréquemment rencontrée, car prisée des bailleurs, elle évite de purger le droit de préemption des locataires.
Ainsi, dans un premier temps, nous verrons la définition d’une prorogation. Une seconde partie traitera des modalités d’application de la prorogation et enfin nous parlerons de la sanction de son non-respect dans une troisième partie.
- Définition de la prorogation
En résumé la prorogation dont on parle ici est celle relative aux contrats de bail à usage d’habitation en cours à la date de conclusion de la vente, dans le but de permettre à chaque locataire ou occupant de bonne foi de disposer du logement qu’il occupe pour une durée de six ans à compter de la signature de l’acte authentique de vente.
Mais en fait, il existe sept éléments qui permettent de cerner la prorogation. Nous détaillerons ainsi chacun de ces éléments pour comprendre le mécanisme de la prorogation.
- L’existence d’une prorogation
Selon la loi donc, il est prévu ainsi que les baux en cours ne font l’objet ni d’un renouvellement, ni d’une reconduction mais subissent tout simplement une prorogation[33]. Cela signifie que la date initialement établie de leur échéance se trouve reportée dans le temps. Seulement lorsque le bail prorogé atteint son terme que le bail pourra être l’objet d’un renouvellement, un congé ou une reconduction tacite en respectant les conditions de la loi qui régissent le bail prorogé.
- L’objet de la prorogation
La nouvelle loi se contente d’énumérer comme objet de la prorogation les baux à usage d’habitation mais n’apporte aucune précision supplémentaire. Or cette imprécision donne naissance à plusieurs interrogations.
D’une part, la question se pose quant à la place de la prorogation d’un bail régi par la loi du 1er septembre 1948, ou quant à la situation d’un occupant de bonne foi au sens de l’article 4 de la même loi.
Le problème se pose car ce genre de situations juridiques est en réalité à durée indéterminée, ce qui paralyse assez la prorogation. Si l’on désire appliquer de manière effective la prorogation à ce genre de bail, la solution serait d’interdire pendant le temps de la prorogation, tout congé-reprise du bailleur[34] ou toute déchéance du droit au maintien dans les lieux de l’occupant[35].
D’autre part, la question se pose également par rapport aux baux à usage mixte. Lorsque les baux sont non seulement à usage professionnel mais également à usage d’habitation, il n’y a pas application de la prorogation. La loi les vise par ailleurs et se garde de le faire au cas d’espèce. Le principe est donc le suivant : La prorogation du bail ne bénéficie qu’aux seuls locataires et occupants de bonne foi dont le bail est à usage exclusif d’habitation, indépendamment du statut locatif applicable.
- La nécessité d’un bail en cours
La mise en œuvre d’une prorogation d’un bail impose que celui-ci soit en cours, cela signifie qu’il ne doit pas encore atteindre sa date d’expiration au moment de la prorogation. Ainsi il y a prorogation dans le cas où un bail a reçu délivrance d’un congé alors que sa date d’échéance n’est pas encore arrivée. Par contre, il n’y a pas prorogation si le bail est expiré, et que l’ancien locataire persiste à demeurer dans les lieux sans droit ni titre.
- La date de conclusion de la vente
Pour qu’un bail en cours soit apprécié, il faut s’en tenir à la date de «conclusion de la vente»[36].
La date qu’il faut prendre en compte n’est ainsi ni la date de l’avant-contrat de vente ni celle de la formation consensuelle de la vente, c’est-à-dire au moment où les consentements se rencontrent, mais la date à laquelle la vente se concrétise par un écrit authentique.
Il est à noter que la législation n’a pas envisagé dans le texte le cas d’une vente par adjudication. Celle-ci est en effet conclue par la signature du procès-verbal d’adjudication qui a une valeur authentique. Par application du principe, il est considéré que dans un tel cas, la vente est réputée conclue à la date du procès-verbal.
- Le bénéficiaire de la prorogation
La prorogation du bail joue ainsi en faveur du locataire ou de l’occupant de bonne foi. Lorsqu’il s’agit d’un locataire, la loi n’exige aucun critère particulier supplémentaire. Ainsi, même lorsqu’un locataire ne réside pas dans les locaux concernés, sa seule qualité de locataire lui permet de bénéficier de la prorogation du bail.
Lorsqu’on parle d’un occupant de bonne foi par contre, on fait référence à l’ancien locataire qui dispose d’un droit au maintien dans les lieux[37]. Ainsi lorsque l’occupant encourt la déchéance de son droit au maintien dans les lieux, celui-ci ne peut prétendre à bénéficier de la prorogation de son bail car la déchéance lui fait perdre ainsi la caractéristique de la bonne foi.
Il convient en outre de mentionner que doit être assimilé au locataire ou à l’occupant de bonne foi le conjoint qui, légalement[38], est co-titulaire du bail. Dans cette même portée, certains statuts locatifs qui assurent la continuation du bail au profit de certains occupants lorsque ceux-ci abandonnent leur domicile ou lorsque le locataire décède, sont à considérer.
f- Le droit de disposer du logement
La prorogation a donc comme principal objectif la prolongation du droit du locataire à occuper les lieux. A à cet égard la loi s’exprime par la formule « disposer du logement qu’il occupe »[39].
Il convient en outre de souligner que la durée de la prorogation n’est pas fixée par la loi. Le texte vise uniquement le résultat de la prorogation du bail. Ainsi chaque locataire dispose de six années à compter de la vente.
C’est pourquoi la durée de prorogation variera en fonction du locataire. Par exemple le locataire dont la durée du bail reste à courir est de 18 mois bénéficiera d’une prorogation de 4 ans et six mois qui feront avec les dix-huit mois restants un total de six ans comme la loi le prévoit ; pour un locataire dont la durée du bail reste à courir est de cinq ans, la prorogation sera d’un an. Le total de la durée du bail qui reste à courir et la prorogation doit donc toujours être égal à six ans.
Le principe du mécanisme de prorogation de l’ensemble des baux d’habitation en cours aura ainsi atteint un résultat auquel on s’attend le moins. En effet le terme extinctif de tous les baux en cours sera aligné à la même date, car ils tireront à leurs fin six ans après l’acquisition de l’entier immeuble.
g- Le point de départ de la prorogation des baux
Enfin, il est également important de signaler que le délai de prorogation des baux commence avec la date de signature de l’acte authentique de vente. Ainsi comme il a été précédemment mentionné, la loi ne porte pas d’attention particulière à la situation spécifique des ventes par adjudication. Et elle ne fait pas non plus la distinction selon que la vente s’opère ou non avec une application retardée ou anticipée de la date de transfert de propriété ou de jouissance de l’immeuble.
En effet si la législation initiale visait la date de délivrance de l’immeuble à l’acquéreur, ce critère a désormais été abandonné par le législateur.
- Les modalités d’application
Les modalités d’application sont de deux ordres. D’une part, il faut que l’acquéreur s’engage à proroger les baux en cours, et d’autre part il doit fournir la liste des locataires concernés.
- L’engagement de l’acquéreur à proroger les baux en cours
Successivement, nous verrons ainsi les caractères de l’engagement et ses issues.
- Les caractères de l’engagement
Lorsque l’acte authentique de vente est conclu, en ses termes, l’acquéreur est dans l’obligation de souscrire l’engagement de proroger les baux en cours.
L’engagement que le nouvel acquéreur fait est un acte unilatéral, ceci signifie que les futurs bénéficiaires éventuels de la prorogation ne sont pas partie à l’acte. L’engagement n’a aucun caractère douteux quant à sa nature juridique. L’engagement est en effet une obligation de faire que le propriétaire doit honorer à l’égard du locataire en place et de lui seul. Il convient de mentionner que dans le cas où cet engagement n’est pas effectué, son inexécution se termine en dommages intérêts[40] et par une sanction légale explicitée ultérieurement.
Un autre point qui mérite notre intérêt est constitué par le sort de l’engagement de prorogation dans le cas où la vente serait résolue[41], annulée[42] ou rescindée[43]. La règle veut sans doute qu’en même temps que l’immeuble redeviendrait la propriété du vendeur, et que puisque la vente est réputé n’avoir pas eu lieu, l’engagement de prorogation disparaîtrait aussitôt dans la mesure où il ne présente aucune autonomie juridique par rapport à la vente elle-même.
- Les issues de l’engagement de prorogation
L’engagement de prorogation peut aboutir sur trois cas de figure différents :
– Le premier cas concerne le refus de la prorogation du bail. Le locataire refuse en effet cette prorogation car soit il envisage de quitter les lieux, soit il préfère recevoir un congé en vue de la vente à la date initiale d’expiration du bail, ce qui lui permettrait de préempter plus tôt, soit encore il y trouve un intérêt particulier par une reconduction tacite du bail[44]. En un tel cas, l’engagement de l’acquéreur cède devant la volonté contraire du locataire.
– Le second cas a trait à la réclamation du locataire que le constat de la prorogation soit effectuée par voie d’avenant au bail : c’est la solution la plus conseillée pour tirer au clair la situation de chaque locataire et éviter une quelconque équivoque ultérieure sur la durée du bail en cours.
– Dans le troisième cas de figure, le locataire reste inactif. Cette inexistence de réaction est due soit à l’ignorance de l’engagement de prorogation souscrit en sa faveur, soit à une tactique rusée qui consiste à conserver un flou juridique dont il peut ultérieurement tenter de tirer profit[45].
C’est pourquoi il est important pour le nouvel acquéreur de balayer toute ambigüité. A cette fin, l’acquéreur nouveau bailleur devrait écrire à chaque locataire, l’informer de son engagement de prorogation, proposer la signature d’un avenant conforme. Sans le respect de cette procédure, le locataire sera réputé avoir refusé la prorogation du bail en cours.
- La liste des locataires concernés
Lorsque le Parlement a débattu de la question, il en est abouti qu’à l’engagement de l’acquéreur était ajoutée l’obligation d’insérer à l’acte authentique « la liste des locataires concernés ». Il est vrai que cette idée est pratique mais il est important de garder à l’esprit qu’ une telle liste n’a pas de valeur juridique. Ainsi même si un locataire ou un occupant de bonne foi serait oublié d’être nommée dans la liste, il a parfaitement le droit de revendiquer le droit à prorogation s’il remplit les conditions pour en bénéficier. Contrairement, il est estimé que la mention par erreur d’un locataire non concerné, par exemple le titulaire d’un bail professionnel, ne crée en aucun cas un droit à prorogation de son bail. Il appartient donc au nouvel acquéreur de formuler l’engagement de prorogation des baux de façon générale, à l’égard de tous les locataires concernés, même s’ils ne figurent pas sur la liste, pour éviter à un quelconque locataire la possibilité de réclamer l’exercice du droit de préemption, qui constitue l’autre branche de l’alternative.
Force est ainsi de constater que la vertu juridique de la liste est donc fine, dès lors que les locataires concernés ne sont pas partie à l’acte.
En revanche, une liste erronée pourrait conduire l’acquéreur à mettre en jeu la responsabilité indemnitaire du vendeur. Il appartient donc au vendeur d’associer l’acquéreur à l’élaboration de la liste et d’organiser l’exonération contractuelle de toute garantie à cet égard.
- La sanction du non-respect de l’engagement
Une nouvelle règle a été instituée en cas de non-respect de l’engagement. Le législateur a en effet mis en place une sanction particulière et sévère dans le cas où le nouvel acquéreur violait son engagement de proroger les baux en cours. C’est un nouvel alinéa ajouté à l’article 15 II de la loi du 6 juillet 1989, qui organise le congé délivré en vue de la vente des lieux loués et le droit de préemption corrélatif du locataire, qui précise clairement que toute violation de l’engagement de prorogation des baux en cours est sanctionnée d’une nullité de plein droit du congé pour vente.
La solution la plus radicale et la plus dissuasive qui protègerait davantage le locataire, n’est cependant pas parvenu à s’imposer. Selon le droit positif en effet, si un congé est délivré prématurément pour une échéance non avérée, ses effets sont reportés à la date d’expiration du bail, c’est-à-dire à celle du bail prorogé.
Force est ainsi de constater que comparée à la sanction proposée par la nouvelle loi, il aurait été préférable d’appliquer le droit positif au cas d’espèce car la protection du locataire aurait été plus assurée. En effet, contrairement à l’effet qu’aurait engendré le report de la date d’effet du congé à l’expiration du bail prorogé, le congé sanctionné de nullité n’a pour conséquence que de libérer le bailleur de tout engagement de vendre à l’égard du locataire.
De plus, il convient de mentionner que cette nullité de plein droit s’applique aux deux parties. Cela signifie que le locataire n’a pas le droit d’accepter l’offre de vente et que cette vente prématurément délivrée par le bailleur ne possède aucune valeur juridique. Ce qu’il faut retenir en somme, c’est que bien que le texte manque de précisions, la mise en œuvre du mécanisme de prorogation des baux en cours pourrait être facile. Il suffirait que l’acquéreur accepte de souscrire un engagement de prorogation des baux, afin que le propriétaire puisse vendre l’entier immeuble en une seule fois, conformément à ce qu’il a projeté de faire.
Cependant, il faut noter que du point de vue financier, un immeuble libérable vaut nettement mieux qu’un immeuble occupé. En effet, un immeuble d’habitation dont l’occupation des lieux par les locataires et occupants est prolongée empêche la réalisation à brève échéance des travaux de réhabilitation de l’immeuble, qui suppose généralement qu’il soit libre d’occupation.
- La préemption des logements
La préemption des logements est sans nul doute la pierre angulaire de la loi Aurillac car celle-ci instaure un tout nouveau droit de préemption au profit des locataires. Pour apprécier ce nouveau droit de préemption, nous traiterons successivement du régime, des modalités, des effets et de la sanction qui le concernent et nous terminerons avec l’étude de sa mise en œuvre.
- Le régime du nouveau droit de préemption
Le nouveau droit de préemption entre en jeu lorsque l’acquéreur ne s’engage pas à proroger les baux en cours. Il impose de porter à la connaissance du locataire ou à l’occupant de bonne foi le prix de vente aussi bien du local qu’il occupe que de l’immeuble entier et les conditions assorties à celle-ci.
1- Le défaut d’engagement de prorogation des baux susvisés
Précédemment, nous avons vu que la loi a institué deux alternatives qui régissent le droit du locataire. La première est constituée par l’engagement de l’acquéreur à proroger les baux en cours. Mais dans le cas où celui-ci ne souscrit pas cet engagement, la deuxième alternative constituée par l’application du nouveau droit de préemption entre en jeu.
Il est clair donc que le droit de préemption institué par la loi Aurillac possède un caractère subsidiaire, car il s’applique uniquement lorsqu’il n’y a pas engagement de prorogation de la part de l’acquéreur.
2- La manifestation du vendeur à l’égard de chaque locataire et occupant de bonne foi
Le nouveau droit de préemption suppose en effet de mettre au courant de la vente chaque locataire ou occupant de bonne foi. Avant de procéder à la vente de l’immeuble entier, le vendeur a l’obligation de se manifester à l’égard de chaque locataire et occupant de bonne foi.
Le dispositif légal préconise l’usage de la lettre recommandée avec avis de réception pour porter la vente à la connaissance des locataires et occupants de bonne foi, mais il n’est pas interdit de la signifier par acte d’huissier.
Le vendeur est tenu de s’assurer que le nombre de notifications corresponde au nombre de locataires concernés. En effet chaque colocataire ou co-titulaire du bail reçoit une notification particulière.
Dans le cas où le vendeur ne connait pas le conjoint du locataire, la notification faite au locataire lui sera opposable. La nouvelle loi adopte la même solution que celle déjà retenue pour la mise en œuvre du droit de préemption régi par l’article 10 de la loi du 31 décembre 1975.
- L’objet de la notification
La notification mentionne le prix de l’immeuble entier ainsi que le prix de chaque logement.
- Le prix de l’immeuble entier
La notification faite au locataire par le vendeur porte sur le prix et les conditions de vente de l’immeuble entier. Les locataires sont en effet les premières personnes qui doivent être informées de la vente projetée.
Tout d’abord la notification porte sur le prix de l’immeuble dans sa totalité. Il s’agit ici d’un prix unique. A cette étape il n’y a aucune estimation particulière logement par logement.
ii- Le prix du local occupé
Ensuite, le vendeur est tenu de communiquer à chaque locataire et occupant le prix du local qu’il occupe. La question qui se pose est de savoir quel prix donner à chaque logement. On remarque un silence de la loi face à ce problème. Elle ne mentionne en effet pas si la somme des prix de tous les logements doit équivaloir au prix de l’immeuble entier.
Il est communément admis que dans le monde de l’immobilier, il y a le prix en gros et le prix au détail. Le prix en gros est le prix appliqué à un ensemble de logements mis en vente tandis que le prix au détail équivaut au prix de chaque lot qui forme cet ensemble. Il va sans dire que le prix en gros ne peut être le même que le prix au détail, le premier est toujours moindre que le second. Cet état est dû au fait que lorsqu’un acquéreur fait l’acquisition d’un immeuble entier pour y effectuer des travaux dans le but de le revendre au détail, celui-ci encourt plusieurs risques, notamment ceux liés à la mévente de tel lot, au temps nécessaire à la vente au détail, aux coûts de portage financier de l’immeuble ou encore à la rémunération des intermédiaires ou au retournement du marché. C’est pour cette raison que le prix de l’immeuble en gros est nettement inférieur à la somme des prix au détail. En réalité il est difficile de comparer ces valeurs, étant donné qu’elles ne portent pas sur le même bien.
Le prix de chaque local est-il alors fixé au gré du bailleur ? Les éléments de réponse à cette question sont de trois ordres.
Tout d’abord, une réserve est instaurée pour éluder les cas de fraude. En effet, il arrive que le prix que le bailleur notifie au locataire soit exorbitant. On qualifie un prix d’exorbitant dans le cas où un acquéreur raisonnable n’aurait pas l’intention d’acquérir à ce prix. Dans ce cas, si l’on constate la fraude, celle-ci est sanctionnée par la nullité de la notification faite au locataire.
Ensuite, chaque lot doit avoir un prix en cohérence avec le prix des autres lots. Il est important pour le bailleur d’être en mesure de justifier le mode de fixation du prix de chaque local occupé. Ainsi, il est reconnu à l’unanimité que certains critères font en sorte que le prix d’un logement vale plus qu’un autre[46].
Enfin, il faut savoir que l’on ne peut établir aucune corrélation obligatoire entre les valeurs de l’immeuble en gros et au détail, bien qu’une corrélation puisse naître dans le cas où le locataire use de son droit de préemption.
Il faut cependant savoir que cette argumentation n’a pas été retenue durant les discussions parlementaires autour du thème. Les débats ont plutôt été axés sur la décote que le mécanisme de préemption produit en faveur du locataire[47].
- Les modalités d’exercice du nouveau droit
Lorsque le locataire est notifié de la vente, il doit également un projet de règlement de copropriété de l’immeuble accompagné des résultats d’un diagnostic technique. Les frais du projet de règlement de copropriété de l’immeuble incombent au bailleur. Enfin la notification doit reproduire le texte du nouvel article 10.1 de la loi du 31 décembre 1975.
- Le projet de règlement de copropriété de l’immeuble
Le projet de règlement de copropriété doit ainsi accompagner la notification. Ce document se réfèrera sans doute aux communes de l’immeuble qui concernent le locataire notifié.
La législation a bien fait d’insister sur la production d’un projet d’acte, à un stade où l’immeuble ne sera mis en copropriété que si un locataire au moins préempte. Cependant le projet de règlement de copropriété importe moins que le projet d’état descriptif de division de l’immeuble. E effet pour le locataire, il est nettement plus de son intérêt de connaître de quelle manière l’immeuble sera divisé et quels sont les millièmes de parties communes de l’immeuble attachés à chaque lot, que de connaître les règles qui gèrent les rapports entre copropriétaires, règles qui sont pour l’essentiel du ressort de la loi.
- Les résultats du diagnostic technique
En plus du projet précédemment cité, les résultats d’un diagnostic technique réalisé dans l’immeuble doivent accompagner la notification. Il convient de souligner que ce n’est pas une copie du diagnostic lui-même qui doit être fournie.
Le diagnostic requis ici est le même que celui institué par la loi du 13 décembre 2000, dite loi SRU. Ce diagnostic est également fondé à l’article L.111-6-2 du code de la construction et de l’habitation (CCH). Il faut savoir que ce diagnostic est obligatoire lorsqu’’un immeuble construit depuis plus de quinze ans va faire l’objet d’une copropriété. Mais même lorsque l’immeuble est plus récent, un diagnostic identique au précédent est requis. Les résultats de ce diagnostic sont ainsi portés à la connaissance des locataires.
De la même manière que la loi SRU l’impose, le diagnostic a pour objet l’état apparent de l’immeuble, c’est-à-dire le clos et le couvert et certains équipements, notamment les conduites et canalisations collectives ainsi que les équipements communs de sécurité.
Toutefois, le diagnostic technique exigé ici est plus souple que celui décrit par les partenaires des accords collectifs de location de 1998 et de 2005. Le critère qui le différencie des autres diagnostics techniques institués par les accords collectifs de location, est que celui-ci soit effectué par un contrôleur technique[48] ou un architecte[49]. Ces personnes ne doivent avoir aucun lien avec le propriétaire ou son mandataire, pour éviter toute atteinte à son impartialité et son indépendance.
- La charge des frais du diagnostic
Aux termes de la loi, il incombe au bailleur de s’acquitter des frais relatifs au diagnostic technique. Il est donc interdit de le reporter sur les locataires qui usent d’un droit de préemption à titre de complément de prix. Toutefois, puisque le vendeur fixe de manière libre le prix de vente, il peut tenir compte de cette dépense comme de toute autre s’afférant au projet de vente de l’immeuble.
Toutefois, il convient de mentionner qu’il n’est pas stipulé, aux termes de la nouvelle loi, que le coût de réalisation du projet de règlement de copropriété soit imputé au bailleur, donc aucune règle n’empêche ce dernier de récupérer cette dépense sur chaque acquéreur.
- L’exigence de la reproduction du paragraphe A de l’article 10-1 nouveau de la loi du 31 décembre 1975
Enfin, la notification doit contenir une reproduction de l’entier paragraphe A de l’article 10-1 nouveau de la loi du 31 décembre 1975. Un des caractéristiques de ce texte est sa longueur qui pourrait empêcher le destinataire de la notification de bien le comprendre.
Si la reproduction de ce texte ne figure pas dans la notification, celle-ci est sanctionnée de nullité. Toutefois, il est permis de penser, selon le droit positif établi à propos de reproductions similaires, que la nullité n’est encourue que si elle cause grief aux locataires[50].
- Les effets de la notification
Les effets de la notification sont à considérer distinctement selon qu’elle soit à l’égard du locataire ou à l’égard du vendeur et de l’acquéreur.
- Les effets vis-à-vis du locataire
A l’égard du locataire, la notification vaut offre de vente, faite à son profit. Cette offre de vente ne porte cependant pas sur l’entier immeuble mais uniquement sur le local qu’il occupe.
Le régime qui régit cette offre de vente est le même que celui institué par les deux premières lois[51] qui régissent les droits de préemption du locataire. Une seule exception la diffère de l’ancien régime. Il s’agit du délai de validité de l’offre. Si avant ce délai était de deux mois, selon la nouvelle législation, il est étendu à quatre mois. Durant ce délai, il appartient au locataire d’accepter l’offre s’il le désire. La raison de cet accroissement du délai reste incomprise, de même que l’absence d’application des accords collectifs de location qui prévoient une information et un délai de réflexion réservés au bénéfice du locataire.
- Les effets vis-à-vis du vendeur et de l’acquéreur :
Puisque la notification permet aux locataires de l’immeuble d’utiliser le droit de préemption pour acquérir leur logement, celle-ci empêche donc la vente de l’immeuble entier. Cette vente ne peut en effet se dérouler que si aucun locataire ne préempte son logement.
Il est donc de l’intérêt du vendeur et de l’acquéreur d’organiser le sort de la vente si un ou plusieurs locataires préemptent leur logement. Il leur appartient ainsi d’établir clairement les règles de jeu qui régiront leur accord, notamment concernant l’acquisition et le prix des lots non préemptés. Bien qu’on sache que le droit de préemption des locataires handicape le projet initial du vendeur et de l’acquéreur ; le premier désirant vendre son immeuble entier et le second souhaitant l’acquérir en un bloc ; le cas des logements non préemptés doit être organisé à l’avance.
- La sanction du non-respect du droit de préemption
Il existe une similitude entre la sanction du non-respect du droit de préemption et celle instituée par l’article 10 de la loi du 31 décembre 1975, notamment quant à leur principe d’application ; elles diffèrent cependant par leur assiette.
Lorsque les droits du locataire à recevoir l’offre d’acquérir son logement sont violés, la vente est entachée de nullité, sauf que la nullité n’affecte pas uniquement la vente dudit logement mais celle de l’entier immeuble. Lorsqu’on met en œuvre le droit donc, il appartient au notaire de témoigner d’une vigilance particulière dans chaque cas d’espèce.
Ainsi, il est important de distinguer deux situations ; d’une part lorsqu’aucun locataire ne préempte pas et d’autre part lorsqu’au moins l’un d’entre eux préempte.
- L’absence de préemption d’un locataire
Lorsqu’aucun locataire ne manifeste le droit de préemption, l’acquéreur pourra bénéficier de la vente et acquérir le bien. Il faut toujours souligner à cet égard qu’aucune vérification ne peut être effectuée pour déterminer si le prix de cette vente est ou non plus avantageux que celui offert aux locataires pour leur logement respectif. Ceci étant dû et nous l’avons déjà mentionné, au fait qu’il était impossible d’établir une quelconque corrélation entre les prix en gros et ceux au détail.
Avant que la vente ne se fasse toutefois, il appartient au vendeur de notifier au maire de la commune le prix et les conditions de la vente. Si la commune désire faire appliquer un droit de préemption urbain, la déclaration d’intention d’aliéner vaut notification susvisée. Et le maintien dans les lieux des locataires constitue dorénavant un motif de préemption par la commune[52].
Par principe, chaque locataire recouvre son droit de préempter en cas de vente par lots, par application de l’article 10 de la loi du 31 décembre 1975, des accords collectifs de location et, le cas échéant, de l’article 15 II de la loi du 6 juillet 1989 si une notification pour congé en vue de la vente lui est parvenue.
Il faut noter que la mise en vente peut être effectuée pendant la prorogation de six ans.
- La préemption d’au moins un des locataires
Si au moins un des locataires préempte son logement, on assiste à un changement radical de la situation car l’immeuble est mis en copropriété.
En effet, lorsque le prix ne fait l’objet d’aucun contrôle particulier concernant la vente faite aux locataires qui usent de leur droit de préemption, les lots non préemptés peuvent faire l’objet d’une vente au profit de tiers acquéreurs. Toutefois si le prix est plus avantageux que celui notifié aux locataires qui n’usent pas de leur droit de préemption, ceux-ci doivent à nouveau bénéficier d’une offre d’acquérir par priorité.
Il appartient au vendeur, ou à défaut au notaire de vérifier qu’aucune situation avantageuse n’est offerte au tiers acquéreur[53] dans le cadre de la proposition de vente. Il est d’ordre donc que l’on garantisse que chaque lot non préempté en vue d’une vente à un tiers acquéreur ne bénéficie pas de conditions ou d’un prix plus avantageux. Force est de reconnaître que dans cette mesure, une certaine corrélation est établie entre le prix de vente de l’immeuble entier et celui des logements considérés au détail.
Si le constat d’une situation plus avantageuse faite au tiers acquéreur est fait, le locataire recevra une deuxième notification qui lui ouvre à nouveau la possibilité d’appliquer son droit de préemption, tenant compte des nouveaux prix et des nouvelles conditions. A partir de cette nouvelle notification, le locataire dispose d’un mois pour émettre une acceptation à l’offre de vente. Il convient de noter que les modalités de mise en œuvre du droit sont identiques à celles prévues par l’article 10 de la loi du 31 décembre 1975.
Lorsqu’un doute subsiste, le notaire doit faire une telle notification, car si celle-ci n’est pas faite, la vente est sanctionnée de nullité.
Que peut-on alors dire de ce nouveau droit de préemption ?
Il est clair que cette nouvelle disposition incite à la prudence quant à sa mise en œuvre car elle pourrait indisposer sur deux plans.
D’une part, le projet de vente du propriétaire de l’immeuble entier ainsi que toutes ses prévisions subissent des modifications et sont contrecarrées par l’application de ce droit de préemption. En effet, celui-ci souhaite vendre son immeuble en un seul bloc et cherchait pour cela un acquéreur unique dans la perspective d’une vente instantanée ; or le nouveau droit lui impose de traiter avec plusieurs acquéreurs des ventes par lots qui s’effectueront sur un lapse de temps assez long.
D’autre part, une équivoque demeure concernant la corrélation qui pourrait exister entre les prix de l’immeuble en gros et au détail et ainsi quant à la fixation de ces prix. Dans cette situation, il existe une grosse divergence entre l’approche économique et l’approche juridique. La première estime qu’il n’existe aucune corrélation entre ces prix, la seconde par contre justifie son existence. Ce point amène ainsi le vendeur à rechercher, un acquéreur qui accepte de s’engager à proroger les baux en cours, tout en ne dévaluant pas trop le prix de l’entier immeuble. C’est un point qui une fois réalisé, permet à la loi nouvelle d’atteindre au moins un des objectifs qu’elle s’est fixée.
Chapitre 5 : Les dispositions supplémentaires de la loi Aurillac
Dans ce dernier chapitre, nous verrons de manière globale les dispositions de la loi Aurillac autres que celles déjà mentionnées. Il s’agit d’une part de la modification des règles d’extension des accords de 1998 et 2005 et d’autre part de la mise en place d’un avantage fiscal.
- La modification des règles d’extension des accords de 1998 et 2005
La loi Aurillac a le principal avantage de faciliter l’extension réglementaire des deux accords collectifs de location.
Lorsque la première rédaction a en effet été effectuée en 1986, il a été stipulé que la majorité des membres d’un même collège suffisait à faire opposition à l’extension d’un accord. C’est dans le cadre de cette règle que l’extension de l’accord du 16 mars 2005 a été empêchée car trois associations de locataires sur cinq ont manifesté leur opposition à cet égard.
Désormais, avec la loi Aurillac, il faut que la majorité de l’ensemble des organisations représentatives des bailleurs et des locataires manifeste leur opposition à l’égard d’une extension pour que celle-ci se fasse. La nouvelle règle garantit ainsi l’extension tant recherchée de l’accord collectif de 2005.
- L’avantage fiscal
Avant de décrire le régime de faveur mis en place par la loi nouvelle, il est intéressant de faire un bref rappel des principes qui régissent les droits d’enregistrement en général.
- Les principes en matière de droits d’enregistrement
Il faut savoir que les acquisitions de biens immobiliers doivent se soumettre aux droits d’enregistrement. Ce taux est élevé à 5,09% et se décompose de la manière suivante :
- Le droit départemental équivaut à 3,60%
- La taxe communale est de 1,20%
- Le prélèvement pour frais d’assiette est égal à 0,09%[54]
- La taxe au profit de l’Etat est de 0,2%
Si le logement est un logement neuf ou assimilé, il n’est soumis qu’à la taxe de publicité foncière au taux de 0,715%. Ce taux se décompose comme suit :
– Le droit départemental est de 0,60%
– Le prélèvement pour frais d’assiette équivaut à 0,015% e
– La taxe au profit de l’Etat s’élève à 0,1%
La raison de cette faiblesse du taux appliqué est que ce genre d’acquisitions relève du régime de la TVA immobilière.
- L’avantage institué par la loi nouvelle
La loi nouvelle instaure un régime de faveur en matière fiscal. C’est par l’article premier bis de la loi Aurillac qu’un régime permettant de bénéficier de réductions du droit départemental et de la taxe communale a été institué. Ces réductions obéissent à un souci de maintenir sous le statut locatif, un immeuble objet d’une opération de vente par lots. Ce taux réduit s’élève à 1,2125% et à 0,6125% pour les logements soumis à la TVA.
Ce régime particulier a été codifié aux articles 1584 bis et 1594 F du CGI. Il doit cependant respecter des conditions d’ordre général et des conditions propres au logement acquis.
- Les conditions générales
L’application de ce taux doit passer par :
– la délibération du Conseil municipal qui détermine la réduction de la taxe communale, cette délibération ne doit cependant pas conduire à un taux inférieur à 0,5% ;
– la délibération du Conseil général qui détermine la réduction du droit départemental, cette délibération ne doit pas également conduire à un taux inférieur à 0,5%.
2- Les conditions propres au logement acquis
– L’acquisition du logement doit s’inscrire soit dans une opération de vente par lots déclenchant le droit de préemption dans le cas d’une première vente après mise en copropriété d’un immeuble[55] ou celui d’un congé pour vendre[56], soit dans une opération de vente d’un ou plusieurs lots consécutive à la mise en copropriété d’un immeuble en raison de l’exercice par l’un des locataires du droit de préemption nouveau
– Le logement doit être occupé
– L’acquéreur doit s’engager à affecter le logement à la location pendant une période minimale de six ans à partir de la date d’acquisition.
La condition d’engagement de location du logement dépasse la protection de l’occupant du logement au moment de l’acquisition par l’effet de la prorogation du bail en cours. En effet, le texte prévoit la poursuite de la location même si l’occupant du logement quitte les lieux au moment de l’acquisition.
Si cette condition d’engagement de location n’est pas respectée, tel est ainsi le cas de la revente du logement avant le terme de six ans, le non-respect sera sanctionné par l’exigibilité des droits d’enregistrement qui correspond à la réduction du taux, majorés des intérêts de retard au taux de 4,80% par an.
CONCLUSION
Au terme de notre étude, il nous est permis de dire que la proposition de loi Aurillac qui a été adoptée le 16 juin 2005 en première lecture à l’Assemblée nationale continue d’engendrer des malaises et laisse plus d’un perplexe dans le secteur de l’immobilier.
Au fil de notre analyse, nous avons vu les principaux dispositifs de la loi Aurillac. Celle-ci prévoit que dès la vente d’un immeuble entier, le propriétaire a l’obligation d’offrir à l’ensemble des locataires la possibilité d’acquérir l’appartement qu’ils occupent.
Nous avons par ailleurs vu qu’il existe un écart entre le prix de vente d’un immeuble en bloc et la valeur des appartements un à un. Cette décote atteint le plus souvent un pourcentage de 20% qui équivaut au travail fourni par le nouvel acquéreur pour pouvoir procéder à la revente de l’ensemble des appartements. Sont pris en compte dans cette décote la probabilité d’étalage du délai de vente, délai qui peut avoir une conséquence non négligeable sur le coût financier de portage, les frais de commercialisation ou encore la mise en copropriété qui exige de nombreux diagnostics.
L’adoption de la loi Aurillac a obéi à un souci de protection des locataires par le biais d’un empêchement des ventes en bloc en cascade. Cette pratique pose ainsi des limites aux manœuvres spéculatives le plus souvent réalisées au détriment des locataires.
Toutefois la nouvelle loi prévoit une exception. En effet, dans le cas où le nouvel acquéreur s’engage à maintenir le statut locatif pendant une durée d’au moins six ans, le droit de préemption des locataires n’a pas vœu à s’appliquer.
Force est de constater que la mise en œuvre de ce droit de préemption est assez délicate. Il est certain que l’application de ce nouveau dispositif rendra les ventes d’immeuble à la découpe, plus complexes et plus aléatoires. Il existe ainsi deux problèmes qui surgissent de ce nouveau droit.
Le premier concerne la répartition du prix de vente en bloc par appartement. La solution la plus commune serait de faire une estimation de chaque logement en fonction de la surface de chaque lot. Mais cette idée se heurte à un point important concernant les qualités et caractères essentiels de chaque logement. Ainsi un appartement avec vue sur la Tour Eiffel n’a pas la même valeur que celui qui donne sur l’arrière-cour. On peut également parler des éventuels locaux commerciaux au rez-de-chaussée qui sont plus valorisés en fonction de leur valeur locative et de leur emplacement que de leur surface.
Ensuite le second problème se pose lorsqu’un locataire aura exercé son droit de préemption. En effet, une fois que celui aura préempté, la copropriété sera créée de fait et les éventuels travaux qu’auraient souhaité réaliser l’acquéreur pourraient être paralysés par le locataire devenu propriétaire. C’est la maîtrise foncière appréciée des opérateurs immobiliers qui acquièrent des immeubles en bloc qui va ainsi être remis en cause.
Enfin, une dernière question qui se pose quant à l’application de ce nouveau droit de préemption a trait aux conséquences sur le marché immobilier.
D’une part, il y a un risque que l’effet spéculatif tant évité soit transféré sur les locataires. Ceux-ci pourraient en effet, par application de leur droit de préemption, acheter et revendre par la suite leur appartement. Cette pratique leur permettrait d’empocher au passage la plus-value qui sépare les ventes au détail des ventes au gros.
D’autre part, il existe également un risque par rapport à l’investissement. Les investisseurs étrangers pourraient en effet être tentés de se retirer du marché immobilier français qui serait assorti de trop de contraintes.
Ceci étant, malgré l’existence des arbitrages fonciers à réaliser, les institutionnels n’en seront pas moins découragés. Ceux-ci feront surement le choix de pratiquer une vente à la découpe dont l’organisation sera gérée par eux-mêmes. Ils vendront surement à un prix supérieur mais accepteront les contraintes liées à la vente par lots notamment le délai pour déboucler l’opération.
ANNEXES
- Article 10 de la loi du 31 décembre 1975
I – ( Loi du 22 juin 1982 ) Préalablement à la conclusion de toute vente d’un ou plusieurs locaux à usage d’habitation ou à usage mixte d’habitation et professionnel, consécutive à la division initiale ou à la subdivision de tout ou partie d’un immeuble par lots, le bailleur doit, à peine de nullité de la vente, faire connaître par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, à chacun des locataires ou occupants de bonne foi, l’indication du prix et des conditions de la vente projetée pour le local qu’il occupe (Loi du 13 décembre 2000). Cette notification vaut offre de vente au profit de son destinataire.
L’offre est valable pendant une durée de deux mois à compter de sa réception. Le locataire qui accepte l’offre ainsi notifiée dispose, à compter de la date d’envoi de sa réponse au bailleur, d’un délai de deux mois pour la réalisation de l’acte de vente. Si dans sa réponse, il notifie au bailleur son intention de recourir à un prêt, son acceptation de l’offre de vente est subordonnée à l’obtention du prêt et, en ce cas, le délai de réalisation est porté à quatre mois. Passé le délai de réalisation de l’acte de vente, l’acceptation par le locataire de l’offre de vente est nulle de plein droit.
(Loi du 21 juillet 1994) Dans le cas où le propriétaire décide de vendre à des conditions ou à un prix plus avantageux pour l’acquéreur, le notaire doit, lorsque le propriétaire n’y a pas préalablement procédé, notifier au locataire ou occupant de bonne foi ces conditions et prix à peine de nullité de la vente. Cette notification vaut offre de vente au profit du locataire ou occupant de bonne foi. Cette offre est valable pendant une durée d’un mois à compter de sa réception. L’offre qui n’a pas été acceptée dans le délai d’un mois est caduque.
Le locataire ou occupant de bonne foi qui accepte l’offre ainsi notifiée dispose, à compter de la date d’envoi de sa réponse au propriétaire ou au notaire, d’un délai de deux mois pour la réalisation de l’acte de vente. Si, dans sa réponse, il notifie son intention de recourir à un prêt, l’acceptation par le locataire ou occupant de bonne foi de l’offre de vente est subordonnée à l’obtention du prêt et le délai de réalisation de la vente est porté à quatre mois. Si, à l’expiration de ce délai, la vente n’a pas été réalisée, l’acceptation de l’offre de vente est nulle de plein droit. Les termes des cinq alinéas qui précèdent doivent être reproduits, à peine de nullité, dans chaque notification.
Nonobstant les dispositions de l’article 1751 du code civil, les notifications faites en application du présent article par le bailleur sont de plein droit opposables au conjoint du locataire ou occupant de bonne foi si son existence n’a pas été préalablement portée à la connaissance du bailleur.
II – Lorsque la vente (Loi du 22 juin 1982) du local à usage d’habitation ou à usage mixte d’habitation et professionnel a lieu par adjudication volontaire ou forcée, le locataire ou l’occupant de bonne foi doit y être convoqué par lettre recommandée avec demande d’avis de réception un mois au moins avant la date de l’adjudication.
A défaut de convocation, le locataire ou l’occupant de bonne foi peut, pendant un délai d’un mois à compter de la date à laquelle il a eu connaissance de l’adjudication, déclarer se substituer à l’adjudicataire. Toutefois, en cas de vente sur licitation, il ne peut exercer ce droit si l’adjudication a été prononcée en faveur d’un indivisaire.
III – ( Loi du 22 juin 1982 ) Le présent article s’applique aux ventes de parts ou actions des sociétés dont l’objet est la division d’un immeuble par fractions destinées à être attribuées aux associés en propriété ou en jouissance à temps complet.
Il ne s’applique pas aux actes intervenant entre parents ou alliés jusqu’au quatrième degré inclus. Il ne s’applique pas aux ventes portant sur un bâtiment entier ou sur l’ensemble des locaux à usage d’habitation ou à usage mixte d’habitation et professionnel dudit bâtiment.
IV – Un décret détermine les conditions d’application du présent article.
- Article 10-1 de la loi du 31 décembre 1975
( Loi du 13 juin 2006 )
- – A. – Préalablement à la conclusion de la vente, dans sa totalité et en une seule fois, d’un immeuble à usage d’habitation ou à usage mixte d’habitation et professionnel de plus de dix logements au profit d’un acquéreur ne s’engageant pas à proroger les contrats de bail à usage d’habitation en cours à la date de la conclusion de la vente afin de permettre à chaque locataire ou occupant de bonne foi de disposer du logement qu’il occupe pour une durée de six ans à compter de la signature de l’acte authentique de vente qui contiendra la liste des locataires concernés par un engagement de prorogation de bail, le bailleur doit faire connaître par lettre recommandée avec demande d’avis de réception à chacun des locataires ou occupants de bonne foi l’indication du prix et des conditions de la vente, dans sa totalité et en une seule fois, de l’immeuble ainsi que l’indication du prix et des conditions de la vente pour le local qu’il occupe.
Cette notification doit intervenir à peine de nullité de la vente, dans sa totalité et en une seule fois, de l’immeuble.
Elle s’accompagne d’un projet de règlement de copropriété qui réglera les rapports entre les copropriétaires si l’un au moins des locataires ou occupants de bonne foi réalise un acte de vente, ainsi que des résultats d’un diagnostic technique, portant constat de l’état apparent de la solidité du clos et du couvert et de celui de l’état des conduites et canalisations collectives ainsi que des équipements communs et de sécurité. Ce diagnostic est établi par un contrôleur technique au sens de l’article L. 111-23 du code de la construction et de l’habitation ou par un architecte au sens de l’article 2 de la loi n° 77-2 du 3 janvier 1977 sur l’architecture, qui ne doit avoir avec le propriétaire de l’immeuble ou son mandataire aucun lien de nature à porter atteinte à son impartialité ou à son indépendance. Les dépenses afférentes à ce diagnostic sont à la charge du bailleur.
Nonobstant les dispositions de l’article 1751 du code civil, cette notification est de plein droit opposable au conjoint du locataire ou occupant de bonne foi si son existence n’a pas été préalablement portée à la connaissance du bailleur. Elle vaut offre de vente au profit du locataire ou occupant de bonne foi.
L’offre est valable pendant une durée de quatre mois à compter de sa réception. Le locataire ou occupant de bonne foi qui accepte l’offre ainsi notifiée dispose, à compter de la date d’envoi de sa réponse au bailleur, d’un délai de deux mois pour la réalisation de l’acte de vente. Si, dans sa réponse, il notifie au bailleur son intention de recourir à un prêt, son acceptation de l’offre de vente est subordonnée à l’obtention du prêt et, en ce cas, le délai de réalisation est porté à quatre mois. Passé le délai de réalisation de l’acte de vente, l’acceptation de l’offre de vente est nulle de plein droit.
Lorsque, en raison de la vente d’au moins un logement à un locataire ou un occupant de bonne foi, l’immeuble fait l’objet d’une mise en copropriété et que le bailleur décide de vendre les lots occupés à des conditions ou à un prix plus avantageux à un tiers, le notaire doit, lorsque le propriétaire n’y a pas préalablement procédé, notifier au locataire ou occupant de bonne foi ces conditions et prix à peine de nullité de la vente. Cette notification vaut offre de vente à leur profit. Elle est valable pendant une durée d’un mois à compter de sa réception. L’offre qui n’a pas été acceptée dans le délai d’un mois est caduque.
Le locataire ou occupant de bonne foi qui accepte l’offre ainsi notifiée dispose, à compter de la date d’envoi de sa réponse au propriétaire ou au notaire, d’un délai de deux mois pour la réalisation de l’acte de vente. Si, dans sa réponse, il notifie son intention de recourir à un prêt, l’acceptation par le locataire ou occupant de bonne foi de l’offre de vente est subordonnée à l’obtention du prêt et le délai de réalisation de la vente est porté à quatre mois. Si, à l’expiration de ce délai, la vente n’a pas été réalisée, l’acceptation de l’offre de vente est nulle de plein droit.
Les dispositions du présent A doivent être reproduites, à peine de nullité, dans chaque notification.
- – Préalablement à la conclusion de la vente mentionnée au premier alinéa du A, le bailleur communique au maire de la commune sur le territoire de laquelle est situé l’immeuble le prix et les conditions de la vente de l’immeuble dans sa totalité et en une seule fois. Lorsque l’immeuble est soumis à l’un des droits de préemption institués par les chapitres Ier et II du titre Ier du livre II du code de l’urbanisme, la déclaration préalable faite au titre de l’article L. 213-2 du même code vaut communication au sens du présent article.
- – Les dispositions du I ne sont pas applicables en cas d’exercice de l’un des droits de préemption institués par le titre Ier du livre II du même code ou lorsque la vente intervient entre parents ou alliés jusqu’au quatrième degré inclus.
Elles sont applicables aux cessions de la totalité des parts ou actions de sociétés lorsque ces parts ou actions portent attribution en propriété ou en jouissance à temps complet de chacun des logements d’un immeuble de plus de dix logements.
Elles ne sont pas applicables aux cessions de parts ou actions susvisées lorsque ces cessions interviennent entre parents ou alliés jusqu’au quatrième degré inclus. »
- Article 11-1 de la loi du 6 juillet 1989
(Loi du 13 décembre 2000) Quand un congé pour vente conforme aux dispositions de l’article 15 est délivré par un bailleur relevant de secteurs locatifs définis aux quatrième et cinquième alinéas de l’article 41 ter de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986 précitée, dans le cadre d’une vente par lots de plus de dix logements dans le même immeuble, le bail peut être expressément reconduit pour une durée inférieure à celle prévue par l’article 10. ( Loi du 13 juin 2006 ) « Quand ce congé pour vente intervient moins de deux ans avant le terme du bail, la reconduction du bail est de droit, à la demande du locataire, afin de lui permettre, dans tous les cas, de disposer du logement qu’il occupe pendant une durée de deux ans à compter de la notification du congé pour vente. »
La reconduction du bail est établie par écrit entre les parties au plus tard quatre mois avant l’expiration du bail en cours. A l’expiration de la durée fixée par les parties pour le bail reconduit, celui-ci est résilié de plein droit.
- Article 15 de la loi du 6 juillet 1989
- – Lorsque le bailleur donne congé à son locataire, ce congé doit être justifié soit par sa décision de reprendre ou de vendre le logement, soit par un motif légitime et sérieux, notamment l’inexécution par le locataire de l’une des obligations lui incombant. A peine de nullité, le congé donné par le bailleur doit indiquer le motif allégué et, en cas de reprise, les nom et adresse du bénéficiaire et la reprise qui ne peut être que le bailleur, son conjoint, ( Loi du 15 novembre 1999 ) le partenaire auquel il est lié par un pacte civil de solidarité enregistré à la date du congé, son concubin notoire depuis au moins un an à la date du congé, ses ascendants, ses descendants ou ceux de son conjoint ( Loi du 15 novembre 1999 ) de son partenaire ou de son concubin notoire.
Le délai de préavis applicable au congé est de trois mois lorsqu’il émane du locataire et de six mois lorsqu’il émane du bailleur. Toutefois, en cas ( Loi du 17 janvier 2002 ) d’obtention d’un premier emploi, de mutation ( Loi du 21 juillet 1994 ), de perte d’emploi ou de nouvel emploi consécutif à une perte d’emploi, le locataire peut donner congé au bailleur avec un délai de préavis d’un mois. Le délai est également réduit à un mois en faveur des locataires âgés de plus de soixante ans dont
l’état de santé justifie un changement de domicile (Loi du 31 mai 1990 ) ainsi que des bénéficiaires du revenu minimum d’insertion. Le congé doit être notifié par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ou signifié par acte d’huissier. Ce délai court à compter du jour de la réception de la lettre recommandée ou de la signification de l’acte d’huissier.
Pendant le délai de préavis, le locataire n’est redevable du loyer et des charges que pour le temps où il a occupé réellement les lieux si le congé a été notifié par le bailleur.
Il est redevable du loyer et des charges concernant tout le délai de préavis si c’est lui qui a notifié le congé, sauf si le logement se trouve occupé avant la fin du préavis par un autre locataire en accord avec le bailleur. A l’expiration du délai de préavis, le locataire est déchu de tout titre d’occupation des locaux loués.
- – Lorsqu’il est fondé sur la décision de vendre le logement, le congé doit, à peine de nullité, indiquer le prix et les conditions de la vente projetée. Le congé vaut offre de vente au profit du locataire : l’offre est valable pendant les deux premiers mois du délai de préavis. ( Loi du 13 décembre 2000 ) Les dispositions de l’article 46 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis ne sont pas applicables au congé fondé sur la décision de vendre le logement.
A l’expiration du délai de préavis, le locataire qui n’a pas accepté l’offre de vente est déchu de plein droit de tout titre d’occupation sur le local.
Le locataire qui accepte l’offre dispose, à compter de la date d’envoi de sa réponse au bailleur, d’un délai de deux mois pour la réalisation de l’acte de vente. Si, dans sa réponse, il notifie son intention de recourir à un prêt, l’acceptation par le locataire de l’offre de vente est subordonnée à l’obtention du prêt et le délai de réalisation de la vente est porté à quatre mois. Le contrat de location est prorogé jusqu’à l’expiration du délai de réalisation de la vente. Si, à l’expiration de ce délai, la vente n’a pas été réalisée, l’acceptation de l’offre de vente est nulle de plein droit et le locataire est déchu de plein droit de tout titre d’occupation.
( Loi du 21 juillet 1994 ) Dans le cas où le propriétaire décide de vendre à des conditions ou à un prix plus avantageux pour l’acquéreur, le notaire doit, lorsque le bailleur n’y a pas préalablement procédé, notifier au locataire ces conditions et prix à peine de nullité de la vente. Cette notification est effectuée à l’adresse indiquée à cet effet par le locataire au bailleur ; si le locataire n’a pas fait connaître cette adresse au bailleur, la notification est effectuée à l’adresse des locaux dont la location avait été consentie. Elle vaut offre de vente au profit du locataire. Cette offre est valable pendant une durée d’un mois à compter de sa réception. L’offre qui n’a pas été acceptée dans le délai d’un mois est caduque.
Le locataire qui accepte l’offre ainsi notifiée dispose, à compter de la date d’envoi de sa réponse au bailleur ou au notaire, d’un délai de deux mois pour la réalisation de l’acte de vente. Si, dans sa réponse, il notifie son intention de recourir à un prêt, l’acceptation par le locataire de l’offre de vente est subordonnée à l’obtention du prêt et le délai de réalisation de la vente est porté à quatre mois. Si, à l’expiration de ce délai, la vente n’a pas été réalisée, l’acceptation de l’offre de vente est nulle de plein droit.
Les termes des cinq alinéas précédents sont reproduits à peine de nullité dans chaque notification.
Ces dispositions ne sont pas applicables aux actes intervenant entre parents jusqu’au ( Loi du 13 juin 2006 ) « quatrième » degré inclus, sous la condition que l’acquéreur occupe le logement pendant une durée qui ne peut être inférieure à deux ans à compter de l’expiration du délai de préavis, ni aux actes portant sur les immeubles mentionnés au deuxième alinéa ( Loi du 3 juin 2006 ) « de l’article L 111-6-1 du code de la construction et de l’habitation ».
( Loi du 13 décembre 2000 ) Dans les cas de congés pour vente prévus à l’article 11-1, l’offre de vente au profit du locataire est dissociée du congé ( Loi du 13 juin 2006 )« En outre, le non-respect de l’une des obligations relatives au congé pour vente d’un accord conclu en application de l’article 41 ter de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986 tendant à favoriser l’investissement locatif, l’accession à la propriété de logements sociaux et le développement de l’offre foncière et rendu obligatoire, par décret, donne lieu à l’annulation du congé. » ;
( Loi du 13 juin 2006 ) « Est nul de plein droit le congé pour vente délivré au locataire en violation de l’engagement de prorogation des contrats de bail en cours, mentionné au premier alinéa du A du I de l’article 10-1 de la loi n° 75-1351 du 31 décembre 1975 relative à la protection des occupants de locaux à usage d’habitation. »
III. – Le bailleur ne peut s’opposer au renouvellement du contrat en donnant congé dans les conditions définies au paragraphe I ci-dessus à l’égard de tout locataire âgé de plus de soixante-dix ans et dont les ressources annuelles sont inférieures à une fois et demie le montant annuel du salaire minimum de croissance, sans qu’un logement correspondant à ses besoins et à ses possibilités lui soit offert dans les limites géographiques prévues à l’article 13 bis de la loi n° 48-1360 du 1er septembre 1948 précitée.
Toutefois, les dispositions de l’alinéa précédent ne sont pas applicables lorsque le bailleur est une personne physique âgée de plus de soixante ans ou si ses ressources annuelles sont inférieures à une fois et demie le montant annuel du salaire minimum de croissance.
L’âge du locataire et celui du bailleur sont appréciés à la date d’échéance du contrat ; le montant de leurs ressources est apprécié à la date de notification du congé.
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- Faire faire des travaux de rénovation dans sa maison ou appartement par un professionnel du bâtiment. Choix de produits et de solutions techniques, N° 46, p.83
Publié par SEPEP, Editions SAS
[1] A cet égard, la presse a fait l’écho d’une opération ayant conduit la société Gécina à vendre, en 2002, par une seule et même transaction, 98 immeubles représentant 3.600 logements pour un prix de 1,2 milliard d’euros à un fonds d’investissement américain qui a, par la suite, rapidement procédé à la mise sur le marché, « à la découpe » de ces différents logements.
[2] Cette année, les ventes à la découpe représentaient, selon la Chambre des notaires de Paris, de Seine-Saint-Denis et du Val de Marne, 17,5 % des ventes d’appartements anciens.
[3] Elle a augmenté de 35 % à compter de cette date pour atteindre, en 2004, 15 % des ventes d’appartements anciens à Paris, soit 6.378 logements.
[4] La Société centrale immobilière de la Caisse des dépôts, la Fédération française des sociétés d’assurances (FFSA), et la Fédération des sociétés immobilières et foncières (FSIF)
[5] La Confédération nationale du logement (CNL), la Confédération générale du logement (CGL), la Confédération syndicale des familles (CSF), la Confédération syndicale du cadre de vie (CSCV), et l’Association force ouvrière consommateurs (AFOC).
[6] Décret n° 99-628 du 22 juillet 1999 rendant obligatoire, en application de l’article 41 ter de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986, aux secteurs locatifs II et III, l’accord collectif de location relatif aux congés pour vente par lots aux locataires dans les ensembles immobiliers d’habitation.
[7] Sont concernés, à ce titre : d’une part, les logements appartenant aux sociétés d’économie mixte, aux sociétés immobilières à participation majoritaire de la Caisse des dépôts et consignations, aux collectivités publiques, aux sociétés filiales d’un organisme collecteur de la contribution des employeurs à l’effort de construction et aux filiales de ces organismes ; d’autre part, les logements appartenant aux entreprises d’assurance, aux établissements de crédit et aux filiales de ces organismes, ainsi qu’aux personnes morales autres que celles relevant des secteurs I et II.
[8] CA Paris 6e Ch. C, 12 nov. 2002, Administrer n°356 juin 2003 page 41, n°357 juillet 2003 page 39
[9] TI Paris, 10e arrond.14 janv. 2003 : Revue administrer juillet 2003, n°357 page 40 ; TI Paris 10e arrond., 8 juill. 2003, inédit
[10] Loyers et copropriété, oct. 2004, p.14
[11] Ces avantages sont d’une manière générale accordés pour une période de 6 mois et avantagent les locataires par rapport aux acquéreurs extérieurs, en particulier en fonction de l’ancienneté du locataire dans les lieux et de la durée du bail restant à courir
[12] Les plafonds de ressources sont réévalués au 1er janvier de chaque année. Ces plafonds varient selon la zone dans laquelle se situe le logement et selon le nombre de personnes composant le foyer. Ainsi, pour la zone A (Paris, Côte d’Azur, Genevois français), le plafond varie de 30.580 € pour un foyer d’une personne à 87.662 € pour un foyer de 6 personnes, ce plafond étant augmenté de 9.767 € par personne supplémentaire/
[13] JCP ed. N. 2004 P. 1510 ; Gaz. Pal. 15 septembre 2004 p. 29, note approbative Pialoux
[14] Cour d’appel de Paris 6e ch. C, 15 mars 2005
[15] TI 8e Paris, 21 octobre 2005, loyers et coprop. 2006 p. 7, note approbative Monéger.
[16] L’ICADE est l’ancien SCIC
[17] Cette loi fera l’objet d’une étude ultérieurement.
[18] Cass. civ. 5 mai 2004
[19] Dans ce cas, c’est la loi Aurillac qui a vocation alors à s’appliquer, cf partie 2
[20] Généralement, le prix proposé au locataire est un prix inférieur au marché.
[21] Il s’agit de la première vente après division de l’immeuble
[22] Cf Chapitre 1, I, A, 2, b
[23] Le bail est prorogé dans la limite de 30 mois à compter de l’offre de vente de la loi de 1975.
[24] En 2006, il équivaut à 57971 euros de revenu annuel imposable pour un ménage de trois personnes sur Paris
[25] CA Paris, 6e ch. C, 19 janvier 1994, loyers et coprop. 1994, Comm. n° 222 ; Cass. 3e ch. civ. 1er juillet 1998 ; CA Montpellier, 2e ch. B, 9 octobre 2001, Loyers et coprop. février 2002, n° 30
[26] Cass. 3e civ. 1er juillet 1998, Loyers et coprop. 1998, comm. n° 236
[27] Une tacite reconduction à la différence d’une simple reconduction renouvelle le contrat entre les parties à l’arrivée du terme sans qu’il soit besoin d’un écrit ou de paroles expresses, du seul fait de la poursuite ou du maintien des relations contractuelles préexistantes
[28] Cette formulation est qualifiée d’impropre par certains car le droit de « disposer » est un attribut du droit du propriétaire, et non de celui du locataire.
[29] Selon la loi de 1975
[30] Selon la loi de 1989
[31] III, avant-dernier al.
[32] Dernier al.
[33] Il est important de mettre en lumière les trois notions pour éviter toute confusion entre elles.
Dans le cas d’un renouvellement, le bail renouvelé constitue un nouveau bail, entre les mêmes parties, pour une même durée et aux mêmes conditions, seul le loyer est valorisé dans les conditions fixées par la loi.
Dans le cas d’une reconduction tacite, le bail reconduit constitue aussi un nouveau bail à durée déterminée, qui excède la durée initialement convenue et qui reste soumis aux conditions d’origine, y compris le loyer.
Dans le cas d’une prorogation, le bail prorogé voit sa durée prolongée au-delà de son terme initial, et toutes les clauses et conditions établies au contrat initial demeurent inchangées.
[34] Art. 19 de la loi de 1948
[35] Art. 10 de la loi de 1948
[36] Plusieurs analystes juridiques s’accordent à dire que l’expression « conclusion de la vente » manque de précision juridique et la pluralité des expressions retenues par le texte de loi souligne cette imprécision. Tout au long du dispositif légal, on recense en effet des expressions telles que « signature de l’acte authentique de vente », « réaliser un acte de vente », « réalisation de la vente » qui peuvent être assimilées à une conclusion de la vente et donc prêter à confusion.
[37] Au sens de l’article 4 de la loi du 1er septembre 1948
[38] Art. 1751 du C. civ.
[39] L’expression « droit de disposer de son logement » est assez maladroite car le droit de disposer appartient en réalité au propriétaire de la chose. Dans ce sens donc, la loi ne pense évidemment pas à conférer au locataire le droit du propriétaire de « disposer » du logement, c’est-à-dire l’aliéner, le vendre ou constituer une hypothèque. L’expression est ici utilisée dans un sens du vocabulaire commun, qui n’a aucune portée juridique, et qui signifie tout simplement : permettre au locataire de prolonger l’occupation du logement.
[40] Selon l’article 1142 du C. Civ.
[41] Pour non-paiement du prix, par exemple
[42] Pour vice du consentement
[43] Pour lésion
[44] Tel serait le cas si la vente intervenait alors que le bail en cours, régi par la loi du 6 juillet 1989, est à moins de six mois de son échéance. La tacite reconduction bénéficierait alors au locataire.
[45] Ainsi le locataire pourrait soutenir, par exemple, ne pas avoir accepté la prorogation, ce qui aurait pour effet que le bail, à son échéance initiale, se serait tacitement reconduit. Tel serait le cas d’un bail expirant deux ans après l’acquisition : la prorogation aurait augmenté cette durée de quatre ans, mais la tacite reconduction au bout des deux ans initiaux s’opèrerait pour six ans, étendant ainsi la durée d’occupation à huit ans.
[46] On peut ainsi citer comme exemple la différence de prix qui existe entre un appartement ensoleillé et un local sombre, ou encore un logement loué sous l’empire de la loi du 1er septembre 1948 et un local libre d’occupation.
[47] Aux yeux des parlementaires, il était impératif de mettre en place une protection des locataires, notamment ceux qui ne sont pas en mesure d’acheter leur logement. Ils s’accordent à dire que le texte de loi doit obéir à un souci d’équilibre qui vise à éviter la spéculation liée aux ventes à la découpe en supprimant la plus-value spéculative des marchands de biens ou du moins à préserver les locataires de ces actes de spéculation. A l’unanimité, ils pensent que la vente à la découpe constitue une opportunité extraordinaire d’accession à la propriété. Il s’agissait ainsi d’organiser une copropriété « préventive » comme le précise Christian Decocq, par l’établissement d’un droit de préemption qui permettrait également de faire baisser le prix sans avoir à se référer à un critère imposé qui peut se révéler moins avantageux.
Martine Aurillac, à la source du nom de la loi a d’ailleurs précisé et clarifié les principes de la proposition de loi. Il s’agit de supprimer, autant que possible, les plus-values purement spéculatives, et d’étendre l’accord de protection sociale du 16 mars 2005, de renforcer les sanctions et de favoriser ainsi l’accession à la propriété, mais aussi protéger ceux qui ne peuvent pas y accéder. Elle est ainsi persuadée que la meilleure décote reste effectivement celle offerte par le droit de préemption.
[48] Au sens de l’article L.111-23 CCH
[49] Au sens de l’article 2 de la loi du 3 janvier 1977
[50] Art. 114 du NCPC
[51] Les lois de 1975 et de 1989
[52] Art. L.210-2 du CU
[53] La plupart du temps, le tiers acquéreur est l’acquéreur initial qui a prévu d’acquérir l’entier immeuble, mais que parce que certains locataires ont préempté, n’a pas pu le faire et se contente de s’approprier les lots non préemptés
[54] Le prélèvement pour frais d’assiette équivaut à 2,50% du droit départemental
[55] Au sens de l’article 10 de la loi du 31 décembre 1975
[56] Au sens de l’article 15 de la loi du 6 juillet 1989
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