L’accès à l’apprentissage des jeunes migrants sans papier
L’accès à l’apprentissage des jeunes migrants sans papier
Table des matières
Chapitre I : Le régime général de l’apprentissage.. 14
Section 1 : La formation professionnelle Suisse. 15
- La formation professionnelle et le système éducatif suisse. 15
- Exposé du système suisse. 16
- Le degré primaire et secondaire I. 16
- Le degré secondaire II. 16
- Le degré tertiaire. 17
- La formation professionnelle initiale. 18
- Terminologie et définition. 18
- Les autorités compétentes. 18
- Statut juridique de l’apprentissage. 19
- Les bases légales internationales. 19
- Les textes internationaux. 19
- Portée des dispositions. 20
- Les textes nationaux. 22
- Le contrat d’apprentissage. 24
- La validité du contrat d’apprentissage. 25
- Obligations générées par le contrat 25
Section 2 : L’apprentissage des jeunes étrangers. 26
- La législation Suisse sur l’immigration. 26
- Le régime ordinaire. 27
- Le régime spécial et le droit d’asile. 27
- Application de la législation sur l‘immigration. 27
- Autorisation de séjour. 28
- Autorisation d’exercer une activité lucrative. 28
- La notion d’activité lucrative. 29
- Les conditions d’admission en vue d’une activité lucrative. 30
- Sanction de l’employé clandestin. 31
- Le renvoi et l’interdiction de séjour. 31
- Les sanctions pécuniaires. 32
Chapitre II :Migrants sans papier et formation professionnelle. 34
Section 1 : Les initiatives en faveur de l’apprentissage des sans papiers. 35
- Les étapes vers une nouvelle dérogation. 39
- Les difficultés des initiatives. 39
- Les arguments des commissions. 41
- Les arguments en défaveur des initiatives. 41
- Les arguments en faveur des initiatives. 42
Section 2 : Situation actuelle des jeunes migrants sans papier. 43
- Conditions tenant au parcours scolaire. 44
- la fréquentation de la scolarité obligatoire. 44
- Dépôt de la demande par l’employeur. 45
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BARTHASSAT LUC, Motion 10.3329 du 19 mars 2010 : Ouvrir les stages aux sans-papiers, in : Curia Vista (http://www.parlament.ch),
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COMMISSION FEDERALE POUR LES QUESTIONS DE MIGRATION (CFM), Les marges de manœuvre au sein du fédéralisme : la politique de migration dans les cantons, Berne 2011, (cité : CFM 2011)
COMMISSION FEDERALE POUR LES QUESTIONS DE MIGRATION (CFM), Visage des sans-papiers en Suisse : Evolution 2000-2010, Berne 2010 (cité : CFM Evolution)
Communiqué de presse CIP-N, du 22.10.2010 ; rapport de la commission des institutions politiques du 18 novembre 2010
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COORDINATION ENSEIGNEMENT, Actes des Assises pour le droit à la formation scolaire et professionnelle pour les sans-papiers, Genève 2010, (cité : Actes des Assises)
DEPARTEMENT DE LA FORMATION DE LA JEUNESSE ET DE LA CULTURE DIRECTION GENERALE DE L’ENSEIGNEMENT POSTOBLIGATOIRE DU CANTON DE VAUD, Le guide de l’apprentissage, Lausanne 2013, (cité : Vaud, guide apprentissage)
DEPARTEMENT FEDERAL DE JUSTICE ET POLICE, Modification de l’ordonnance relative à l’admission, au séjour et à l’exercice d’une activité lucrative (OASA) en raison de la mise en œuvre de la motion Barthassat : déclaration de la conseillère fédérale Simonetta Sommaruga, Conférence de presse du 7 décembre 2012, Berne 2012, (cité : Discours DFJP)
DEUXIEME, TROISIEME ET QUATRIEME RAPPORTS DU GOUVERNEMENT SUISSE SUR LA MISE EN ŒUVRE DE LA CONVENTION RELATIVE AUX DROITS DE L’ENFANT, Berne 2012 (cité : 2e, 3e, 4e rapports du Gouvernement suisse sur la mise en œuvre de la CDE)
DOBLER SANDRA, Les droits de l’enfant en Suisse : Quelques thèmes choisis, en particulier la prostitution des mineurs et la formation des sans-papiers, Neuchâtel 2013, (cité : Dobler)
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DOMMANN FRANZ, Le droit de la formation professionnelle à l’usage des praticiens, Berne 2011, (cité : Dommann)
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SECRETARIAT D’ETAT A LA FORMATION, A LA RECHERCHE ET A L’INNOVATION (SEFRI), Formation professionnelle initiale (http://www.sbfi.admin.ch/berufsbildung/01550/01554/01556/index.html?lang=fr ), (cité : SEFRI, communiqué)
SUBILIA OLIVIER/ DUC JEAN-LOUIS, Droit du Travail, éléments de droit Suisse, Lausanne 2010, (cité : Subilia/Duc)
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WYLER REMY, Droit du travail, Berne 2008, (cité : Wyler)
AFP : Attestation fédérale de formation professionnelle
CCDJP : Conférence des directrices et directeurs des départements cantonaux de justice et police
CDAS : Conférence des directeurs cantonaux des affaires sociales
CDE : Convention relative aux droits de l’enfant, du 20 novembre 1989, en vigueur pour la Suisse depuis le 26 marc7997, RS 0.107
CEDH : Convention européenne des droits de l’homme
CF : Conseil Fédéral
CFC : Certificat fédéral de capacité
CO : Loi fédérale complétant le code civil suisse (Livre cinquième: Droit des obligations), du 30 mars 191L, en vigueur depuis le 1″‘janvier 19L2, RS 220
Cst : Constitution
DEFR : Département fédéral de l’économie, de la formation et de la recherche
DUDH : Déclaration universelle des droits de l’homme
EPF : Ecole de formation professionnelle
HES : Hautes écoles supérieures
LAsi : Loi sur l’asile, du 26juín 1998, en vigueur depuis le l » octobre 1999, RS 142.31
LAVS : Loi fédérale sur l’assurance-vieillesse et survivants, du 20 décembre 1.946, en vigueur depuis le 1″‘janvier 1948, RS 831.10
LESS : Loi vaudoise sur l’enseignement secondaire supérieur
LETr : Loi fédérale sur les étrangers, du 16 décembre 2005, en vigueur depuis le 1″‘ janvier 2008, RS 1,4L20
LFPr : Loi fédérale sur la formation professionnelle, du 13 décembre 2002, en vigueur depuis le 1er janvier 2004, RS 412.10
LSEE : Loi fédérale sur le séjour et l’établissement des étrangers, du 26 mars 1931, en vigueur du 1er janvier 1934 au 31 décembre 2007
OASA : Ordonnance relative à l’admission, au séjour et à l’exercice d’une activité lucrative, du 24 octobre 2007, en vigueur depuis le 1′ »‘ janvier 2008, Fig1.42.201
ODM : Office fédéral des migrations
OFFT : Office fédéral de la formation professionnelle et de la technologie
ONU : Organisation des nations unies
SEFRI : Secrétariat d’Etat à la formation, à la recherche et à l’innovation
TF : Tribunal fédéral
UVS : Union des Villes Suisses
La Suisse compte aujourd’hui entre 50 000 et 300 000 immigrants clandestins provenant en dehors de l’Europe, représentant ainsi 2.4% de la population suisse. La Suisse se place ainsi parmi les pays qui représentent le plus de migrants sans papiers en Europe. Il n’est pourtant pas facile de refouler l’immigration illégale, les solutions adoptées, notamment le renvoi vers leurs pays d’origine, ne suffisent pas à éradiquer cette illégalité. En effet, le nombre important de migrants illégaux ne permet pas de solutions radicales et efficaces.
Parmi les immigrants sans papiers sont dénombrés pas moins de 10 à 30% d’enfants. Sur 100 000 immigrants sans papier, les mineurs représenteraient 30 000. Ces jeunes mineurs, contraints de subir la décision des parents, se retrouvent confrontés à un avenir des moins sûrs, notamment concernant leur développement intellectuel, scolaire, mais également social et personnel.
La Suisse est partie à plusieurs pactes et conventions relatives à la protection des enfants, notamment au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, à la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, mais également à la Convention relative aux droits de l’enfant. Cette dernière prescrit des garanties minimales pour le développement des enfants et des personnes[1].
Dans cette optique, la constitution suisse garantit le respect de ces droits des enfants, bien qu’ils soient considérés en séjour illégal. L’article 19 de la Constitution prévoit le droit à un enseignement de base suffisant et gratuit pour tous les enfants sans discrimination. Les enfants et les jeunes ont droit à une protection particulière de leur intégrité et à l’encouragement de leur développement[2]. L’enseignement de base est obligatoire pour tous les enfants, il appartient aux cantons de garantir cet enseignement obligatoire et gratuit[3].
Ainsi, depuis les années 1980, la scolarisation d’enfants migrants sans papier est devenue une pratique courante, garantie par des directives émanant des départements de l’instruction publique au niveau cantonal. La Conférence suisse des directeurs cantonaux de l’instruction publique[4] a affirmé à plusieurs reprises le principe selon lequel « tous les enfants vivant en Suisse doivent être intégrés dans l’enseignement et ce, indépendamment de leur statut légal. Pour appuyer sa position, elle se réfère à la Constitution et aux conventions internationales signées par la Suisse ».
« Une lettre du président et du secrétaire général de la CDIP du 11 avril 2003 adressée à la Conférence des directrices et directeurs des départements cantonaux de justice et police (CCDJP) et à la Conférence des directeurs cantonaux des affaires sociales (CDAS) reprend cette exigence. Elle souligne que le mandat des écoles en matière d’éducation et la protection des enfants et des adolescents doivent primer en ce cas ; les autorités scolaires ne doivent pas dénoncer les enfants sans statut légal à la police des étrangers »[5].
Après de longues batailles, les migrants mineurs sans papier ont réussi à acquérir le droit à un enseignement minimum. La formation de base leur est ainsi acquise. Néanmoins, une telle formation élémentaire ne permet une position confortable. En effet, au terme de l’éducation de base, ces jeunes n’ont en principe de solution que le travail au noir, les exposant ainsi à des risques d’exploitation.
Le rapport publié par l’ODM en 2006 sur l’intégration des ressortissants étrangers en Suisse fait état de certaines disparités entre jeunes migrants et jeunes suisses au niveau de la formation professionnelle. En effet, selon ce rapport, 15 à 20% des jeunes étrangers, soit environ 3000 jeunes de nationalité étrangère, n’achèvent pas de formation professionnelle. [6]
Les jeunes étrangers sont sous représentés dans le processus de formation professionnelle. Ils ont tendance à quitter le système éducatif plus tôt que leurs camarades nés en Suisse. À titre d’exemple, « à l’âge de 15 ans, près de 20% des jeunes originaires des pays de l’ex-Yougoslavie et jusqu’à 30% des jeunes de pays africains ont déjà quitté l’école, contre seulement 7% environ des jeunes suisses. »
Aux termes du rapport du Conseil Fédéral publié en 2010, « dans l’intérêt d’une intégration réussie, il convient de continuer à veiller à ce que le plus grand nombre possible de personnes vivant en Suisse obtienne un diplôme post-obligatoire ». 40% des jeunes qui risquent de sortir du système sont issus de l’immigration, avec une proportion moyenne d’étranger de 20%.
« La mauvaise position sur le marché de la formation professionnelle de ces jeunes, en particulier ceux de la deuxième vague d’immigration (originaires de pays tels que le Portugal, la Turquie et les pays de l’ex-Yougoslavie), s’explique par le fait qu’ils avaient souvent déjà une mauvaise situation pendant la période de la scolarité obligatoire. De nombreuses mesures sont en place pour favoriser l’intégration des jeunes socialement défavorisés ou présentant un niveau scolaire faible, et ce, indépendamment de la nationalité. »
« La proportion d’enfants fréquentant le degré secondaire I, niveau de base (filière à exigences élémentaires) est deux fois plus élevée dans la population étrangère (41%) que dans la population suisse (23%). Après l’école obligatoire, les jeunes d’origine étrangère issus d’une telle filière ont nettement plus de difficultés que la moyenne à trouver un apprentissage. »[7]
Les jeunes migrants sont sous-représentés dans la formation professionnelle alors qu’après l’école obligatoire. Pourtant, la seule voie ouverte aux élèves ayant été orientés dans la filière à exigences élémentaires, est la voie professionnelle. D’ailleurs, dans le canton de Neuchâtel, cette filière à exigences élémentaire, se nomme explicitement section « préprofessionnelle ». [8]
L’enquête effectuée dans le cadre du programme de recherche national 51, met en lumière les difficultés rencontrées par les jeunes étrangers pour trouver une place d’apprentissage. Selon cette étude, ces difficultés ne proviennent pas d’un déficit scolaire de ces jeunes, mais des réticences des entreprises à les engager plutôt que des jeunes suisses.
En effet, « ils sont perçu à tort comme pouvant causer des problèmes dans l’entreprise. Cela crée un véritable cercle vicieux lorsque ces jeunes cherchent une place d’apprentissage. Ils doivent faire plus de postulations que les jeunes suisses, ce qui complique la tâche de préparer les candidatures spécifiques avec le soin nécessaire. Ils sont obligés de postuler pour des places plus éloignées de leur lieu de domicile, ce qui est contraire aux demandes des entreprises. Celles-ci engagent en effet de préférence des apprentis vivant dans les alentours. Les jeunes migrants sont contraints de faire des postulations sur une plus longue période et toujours plus tardivement au cours de l’année. Cela s’accompagne d’une réduction des offres de places d’apprentissage. Sans compter que les maîtres d’apprentissage anticipent justement des problèmes supplémentaires chez les jeunes qui cherchent une place depuis longtemps. Finalement, ils doivent postuler dans un spectre plus large d’emplois. Cela peut être interprété par les gardiens de porte comme un manque d’intérêt pour un métier en particulier ou aussi comme un manque de maturité dans le choix professionnel. » [9]
Malgré une éducation de base obligatoire, l’option des jeunes migrants sans papiers restent très restreints. La Suisse ne garantit pas la poursuite de l’enseignement au-delà de l’enseignement obligatoire. Une alternative qui pourrait servir ceux qui n’ont pas la possibilité de poursuivre leurs études reste la formation professionnelle.
En effet, l’une des difficultés dans le système suisse est que la formation professionnelle soit assimilée à un travail rémunéré. Il est impératif pour les migrants dés lors d’obtenir une autorisation administrative[10] pour pouvoir prétendre à la formation professionnelle, ce qui ne laisse pas beaucoup de marge pour les jeunes sans papiers qui ont peu de chance d’obtenir un titre de séjour et d’une autorisation d’exercer un travail légalement.
Considéré comme une activité lucrative, il n’existe aucun moyen pour les jeunes sans papiers d’effectuer un apprentissage dual soumis à l’octroi d’une autorisation. Ces difficultés concernent également les entreprises qui risquent des sanctions[11] s’ils s’aventurent à engager des jeunes sans papier, même sous l’égide d’une formation duale.
Pourtant, des initiatives politiques peuvent être recensées, notamment auprès de quelques autorités locales. Il en est ainsi par exemple de la Municipalité de Lausanne qui a décidé d’engager auprès de l’administration locale des apprentis, et ce sans aucune autorisation de séjour ni de travail. Certaines entreprises ont également engagé le pas en admettant des jeunes sans papier à leurs seins à titre d’apprentis. Elles estiment en effet injustes de sanctionner des jeunes sans papier de la deuxième ou troisième génération qui ne font que subir une situation qu’ils n’ont pas choisi.
Le gouvernement fédéral montre moins d’enthousiasme à libérer l’apprentissage et l’ouvrir aux jeunes migrants en situation irrégulière. Malgré des initiatives tendant à faire admettre au Conseil fédéral[12] un mode d’apprentissage pour les jeunes migrants sans papier, le Conseil maintenait sa position en l’attente de l’avis du Conseil des Etats.
En vertu de la proposition de l’ancien conseiller, les jeunes migrants sans papier reçoivent la possibilité d’effectuer un apprentissage sous plusieurs conditions, notamment en ce qui concerne la durée de la scolarité obligatoire et l’intégration du jeune. Pourtant, une telle conditionnalité est jugée encore trop pesante pour les plateformes des sans-papiers.
En effet, ces dernières estiment ces exigences trop strictes. « Nous avons soumis des propositions de simplification à Simonetta Sommaruga, indique Myriam Schwab, du Centre social protestant à Lausanne. Il faudrait réduire la période de scolarisation en Suisse car certains jeunes arrivent en Suisse seulement à 13-14 ans. Nous voudrions aussi que la possession d’un contrat d’apprentissage suffise à déterminer l’intégration »[13].
D’autres personnalités politiques, notamment des sénateurs, restent sceptiques quant à la nécessité d’une ouverture de l’apprentissage aux jeunes migrants sans papiers. Ainsi le Sénateur Peter Föhn se demande-t-il si l’apprentissage ne servirait qu’à induire une régularisation forcée de la situation des sans papier à terme[14]. Le Sénateur n’hésite de parler d’une prime d’illégalité.
Dès lors, bien que la situation des jeunes migrants sans papier interpelle l’esprit, la Suisse est-elle prête à ouvrir l’apprentissage à ces derniers et permettre le développement personnel de millier de jeunes qui se trouvent dans une situation irrégulière malgré eux ? Dans une première partie de ce travail, nous reviendrons sur le régime général de l’apprentissage pour nous focaliser sur la formation professionnelle et les migrants sans papier dans une deuxième partie.
Chapitre I : Le régime général de l’apprentissage
Le droit à l’éducation est d’une importance capitale. De l’éducation dépendra l’avenir des jeunes. L’éducation scolaire est en effet décisive dans le développement tant intellectuel, personnel que social de l’individu[15]. Aujourd’hui, la Suisse a fait une avancée majeure bien qu’insuffisante dans cette voie en octroyant le droit à la scolarisation des enfants, quand bien même ces derniers se trouvent en situation irrégulière.
Mais ce droit ne couvre que l’enseignement élémentaire. Le droit à l’instruction ne couvrant que la scolarité obligatoire, les jeunes sans papier se retrouvent sans perspectives car ils n’ont pas accès à la formation professionnelle qui leur permettrait d’exercer un métier plus tard. Au final, cette scolarisation réduira ces jeunes sans papiers à savoir lire et écrire.
Le système suisse permet en effet un choix après la scolarité obligatoire, entre poursuivre le lycée et l’université, et plutôt une formation professionnelle qui prépare les jeunes à la vie active. La formation professionnelle permet aux jeunes de prendre pied dans le monde du travail. Elle assure la relève en formant des professionnels et des cadres dirigeants qualifiés et prêts à travailler. La formation professionnelle permet d’acquérir de solides connaissances de base et constitue le point de départ d’un apprentissage tout en offrant de nombreuses perspectives professionnelles.
Outre la formation initiale qui est suivie en école à temps complet, il existe également un système dual, une formation en entreprise et à l’école professionnelle qui constitue le type de formation professionnelle le plus répandu et utilisé. La formation professionnelle a pour avantage d’établir un lien entre la demande du marché et les qualifications proposées, de sorte à ce qu’au terme de la formation les jeunes puissent immédiatement exercer un métier. La formation professionnelle permet de réduire ainsi le chômage en Suisse qui réalise un taux des plus bas en Europe.
La formation professionnelle peut se décliner en formation professionnelle initiale et en formation duale. La première suivie en école des métiers, la seconde se caractérise par une formation en entreprise, parallèlement à une formation en école, qui permet aux jeunes d’apprendre le métier en entreprise, avec un contrat d’apprentissage qui est considéré comme une activité lucrative par le système suisse actuel. Le système permettant aux jeunes suisses de trouver rapidement un travail, il conviendra de revenir sur le cadre juridique de l’apprentissage dans une première section, et sur le cas des jeunes migrants dans une seconde section.
Section 1 : La formation professionnelle Suisse
Plus de deux tiers des jeunes en Suisse choisissent la voie de la formation professionnelle. Durant la période 2011-2012, 233’223 élèves sur 322’441 effectuaient une formation professionnelle initiale, soit plus de 70% des élèves OFS[16]. « Les proportions des élèves qui choisissent une filière professionnelle (70%) ou une filière générale (30%) au degré secondaire II sont relativement constantes. Parmi les premiers, ils sont environ 90% à opter pour un apprentissage en entreprise (formation duale) »[17].
Environ 90% des jeunes obtiennent un diplôme du degré secondaire II, avec l’objectif de la politique de l’éducation de faire passer ce taux à 95% d’ici à 2015[18]. Cet objectif de 95% est déjà atteint par les élèves nés en Suisse et ayant accompli toute leur scolarité en Suisse, indépendamment de leur nationalité. Parmi les jeunes issus de l’immigration qui n’ont pas effectué l’ensemble de leur scolarité en Suisse 87% disposent d’un diplôme post-obligatoire. L’effort repose dès lors sur les étrangers arrivés en Suisse après leur naissance et n’ayant parfois suivi que quelques années de scolarité obligatoire[19].
La formation professionnelle en Suisse peut s’effectuer sous deux formes ; la formation professionnelle initiale qui est effectuée en école à plein temps, et la formation duale qui permet aux élèves d’effectuer déjà leur apprentissage auprès des entreprises. Mais avant de les exposer, revenons sur le statut juridique de la formation professionnelle.
§1 : Cadre juridique de la formation professionnelle
Il convient d’établir la place de la formation professionnelle dans le système éducatif suisse actuel. Ainsi, nous exposerons ensuite le statut juridique de l’apprentissage.
Afin de situer la formation professionnelle dans le système suisse de formation. Nous allons ci-dessous présenter succinctement ce dernier. Nous nous intéressons ici davantage à la filière professionnelle, régie par la LFPr et ne parler qu’incidemment de la filière académique, qui est régie par d’autres lois[20].
Le système éducatif Suisse est composé de trois degrés ; le premier composé du primaire et secondaire, le degré secondaire II qui est composé de la formation professionnelle initiale et de la filière « école d’enseignement général », et le troisième qui comprend la formation professionnelle supérieure.
Le premier degré constitue la scolarité obligatoire. Il est du ressort des cantons[21]. Tous les enfants ont le droit d’aller à l’école. Ceci constitue non seulement un droit, mais aussi l’obligation[22], une obligation pour les parents d’envoyer les enfants à l’école, mais également une obligation pour les pouvoirs publics d’ouvrir l’enseignement à tous les enfants.
Entre le premier et le second degré, se situent les « offres de formation transitoire ». Celles-ci relèvent de la compétence des cantons, qui prennent les mesures nécessaires pour préparer à la formation professionnelle initiale, les personnes qui, arrivées à la fin de la scolarité obligatoire, accusent un déficit de formation[23]. En effet, tous les enfants n’ont pas la possibilité de poursuivre une formation académique, la voie la plus probable pour eux reste la formation professionnelle.
Il s’agit par exemple, d’un préapprentissage, d’une 10e année scolaire, d’une école préparatoire ou d’un semestre de motivation[24]. Néanmoins, ces offres transitoires peuvent tomber sous le coup des articles 11 al.2 LEtr et 1a al.2 OASA et considérées comme des activités lucratives. Elles ne sont, par conséquent, pas ouvertes aux sans-papiers, tel est le cas du préapprentissage. Tel n’est en revanche pas le cas de la 10e année, de l’école préparatoire, pour autant qu’il n’y ait pas de stage pratique à effectuer en entreprise, du semestre de motivation.
Le degré secondaire II est composé de la filière « formation professionnelle initiale » et de la filière « école d’enseignement général ». La formation professionnelle initiale peut s’effectuer de deux manières. L’élève peut opter pour la filière CFC, pour une durée de 3 ou 4 ans[25]. Il peut également suivre la filière AFP, la durée est alors de 2 ans[26]. Cette dernière voie ouvre l’accès à la filière CFC à l’issue de laquelle il est possible d’effectuer une maturité professionnelle[27].
La maturité professionnelle permet de poursuivre une formation supérieure par une attestation de connaissances approfondies en culture générale. L’enseignement peut être suivi en parallèle à un apprentissage pour certains métiers). Il peut également être effectué selon le modèle « post-CFC » avec une année de cours à plein temps, avec des cours répartis sur 2 ans.[28]
La formation professionnelle initiale peut être effectuée chez un employeur, en entreprise[29] avec des cours à l’école professionnelle, selon le mode dual. Considérée comme une activité lucrative, nécessitant par tant une autorisation, le mode dual est difficile à accéder pour les sans-papiers[30].
Mais la formation professionnelle initiale peut également être réalisée à plein temps dans une école professionnelle. Néanmoins, ce n’est pas le cas pour tous les métiers, et n’est pas disponible dans certains cantons pour ce qui est de la filière AFP. A Neuchâtel par exemple, il n’est pas possible de suivre la filière AFP à plein temps à l’école professionnelle. [31]
En ce qui concerne la filière « école d’enseignement général ». Elle peut être suivie soit en effectuant une « école de culture générale », soit en effectuant une « école de maturité gymnasiale » Ce domaine est régi par des lois cantonales, par exemple, dans le canton de Vaud, par la loi vaudoise sur l’enseignement secondaire supérieur (LESS)[32], dans le canton de Neuchâtel, par la loi sur l’enseignement secondaire supérieur.[33]
Ce dernier est constitué par la formation professionnelle supérieure[34] et la formation qui s’acquiert dans les hautes écoles. Ce dernier type de formation n’est pas régi par la LFPr[35]. La formation professionnelle supérieure s’acquiert soit par un examen professionnel fédéral ou par un examen professionnel fédéral supérieur[36], soit par une formation reconnue par la Confédération et dispensée par une école supérieure[37]. Ces voies ne sont pas ouvertes aux sans-papiers, car pour y accéder il faut disposer d’une expérience professionnelle dans le domaine concerné[38].
Les hautes écoles sont des écoles spécialisées, des universités et des écoles polytechniques fédérales. Si les universités et EPF sont ouvertes aux sans-papiers, certaines formations dispensées dans les HES et EPF nécessitent des stages et les sans-papiers ne peuvent en effectuer car ils sont considérés comme des activités lucratives[39].
L’expression « formation professionnelle initiale » est apparue avec l’entrée en vigueur de la LFPr en 2004[40]. La LFPr de 1978 optait en effet pour celle de « formation professionnelle de base »[41]. Elle remplace ainsi le terme « apprentissage », bien que n’ayant pas complètement disparu de la loi. Les deux sont ainsi utilisés indifféremment, dans le langage courant, mais également dans le langage juridique et technique, ainsi que par les autorités[42].
Il n’existe pas de définition légale de la « formation professionnelle initiale » ou « apprentissage ». L’ancienne LFPr prévoyait une définition de l’apprenti à l’art. 9al.1 aLFPr comme « toute personne âgée de 15 ans révolus et libérée de l’école, qui apprend une profession régie par la loi et qui est au bénéfice d’un contrat d’apprentissage ».[43]
Malgré le silence de la loi, la doctrine propose une définition de la formation professionnelle comme la « formation post obligatoire du degré secondaire II au cours de laquelle les personnes en formation acquièrent les compétences nécessaires à l’exercice d’une profession. La formation professionnelle initiale est couronnée par l’obtention d’un certificat fédéral de capacité (CFC) ou d’une attestation fédérale de formation professionnelle (AFP) »[44].
L’Art 15 al.1 LFPr précise que « La formation professionnelle initiale vise à transmettre et à faire acquérir les compétences, les connaissances et le savoir-faire (ci-après qualifications) indispensables à l’exercice d’une activité dans une profession, un champ professionnel ou un champ d’activité (ci-après activité professionnelle) ».
Le domaine de la formation professionnelle relève de la compétence du Département fédéral de l’économie, de la formation et de la recherche (DEFR), qui est l’autorité supérieure. Le secrétariat d’Etat à la formation, à la recherche et à l’innovation (SEFRI) est compétent pour toutes les questions générales concernant la formation professionnelle de base et supérieure.
Les cantons s’occupent de l’offre de formation, la réalisation des examens et l’application de la surveillance. Dans les cantons, ce sont les services de la formation professionnelle qui sont compétents. Selon les cantons, ces services relèvent soit du département de l’économie, soit de celui de l’instruction publique ou de l’éducation.
Il revient à l’office fédéral de la formation professionnelle et de la technologie (OFFT) d’émettre des « règles spéciales », notamment sous forme d’ordonnances. Ainsi a-t-il été émis une nouvelle ordonnance sur la formation professionnelle concernant le métier d’employé de commerce.
Pour le canton du Vaud, ont été proposées une vingtaine de formations en école à plein temps, dans les domaines de l’industrie des machines, de l’informatique et du multimédia, du commerce, des arts appliqués, de l’horlogerie, de la santé et de la couture. Si la formation théorique est dispensée par l’école de métiers, les apprentis effectuent en principe un ou plusieurs stages en entreprise. La formation est gratuite. Néanmoins, la taxe d’inscription et les frais d’achat du matériel sont à la charge des apprentis. Ces derniers ne reçoivent pas de salaire.[45]
Entendue formation professionnelle initiale dans le degré secondaire II, la formation professionnelle initiale est dispensée de façon gratuite. Cette gratuité et cette accessibilité sont garanties, non seulement par les textes nationaux, mais également par plusieurs conventions internationales auxquelles la Suisse est partie.
La Suisse est partie à différentes conventions qui contiennent des dispositions sur la formation professionnelle. Il s’agit d’examiner la portée de ces dispositions, et si elles confèrent aux particuliers des droits subjectifs.
L’art. 13 al. 2 let.b du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (Pacte I) énonce que « L’enseignement secondaire, sous ses différentes formes, y compris l’enseignement secondaire technique et professionnel, doit être généralisé et rendu accessible à tous par tous les moyens appropriés et notamment par l’instauration progressive de la gratuité ».
L’article 26 al.1 de la Déclaration universelle des droits de l’homme, DUDH, prévoit que « L’enseignement technique et professionnel doit être généralisé ; l’accès aux études supérieures doit être ouvert en pleine égalité à tous en fonction de leur mérite». La Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale prévoit que « (…) les Etats parties s’engagent à interdire et à éliminer la discrimination raciale sous toutes ses formes et à garantir le droit de chacun à l’égalité devant la loi sans distinction de race, de couleur ou d’origine nationale ou ethnique, notamment dans la jouissance des droits suivants: (…) Droits économiques, sociaux et culturels, notamment: (…) Droit à l’éducation et à la formation professionnelle »[46].
L’art 28 al. 1 de la Convention internationale relative aux droits de l’enfant quant à lui prévoit que : « Les États parties reconnaissent le droit de l’enfant à l’éducation. », la lettre b prévoit que les Etats, en vue d’assurer l’exercice de ce droit progressivement et sur la base de l’égalité des chances : « Encouragent l’organisation de différentes formes d’enseignement secondaire, tant général que professionnel, les rendent ouvertes et accessibles à tout enfant, et prennent des mesures appropriées telles que l’instauration de la gratuité de l’enseignement et l’offre d’une aide financière en cas de besoin ».
L’art. 2 al.1 de cette même convention prévoit le principe de non-discrimination, il est formulé comme suit « les Etats parties s’engagent à respecter les droits qui sont énoncés dans la présente Convention et à les garantir à tout enfant relevant de leur juridiction, sans distinction aucune, indépendamment de toute considération de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d’opinion politique ou autre de l’enfant ou de ses parents ou représentants légaux, de leur origine nationale, ethnique ou sociale, de leur situation de fortune, de leur incapacité, de leur naissance ou de toute autre situation ».
Il est généralement déduit de l’art. 2 du pacte I qui prévoit que « les Etats contractants s’engagent à agir en vue d’assurer progressivement le plein exercice des droits reconnus par le Pacte », que le contenu du pacte n’est pas directement applicable, mais que les Etats parties doivent mettre en œuvre les droits garantis par le pacte dans leur législation. [47]
Lors de ses dernières observations finales à la Suisse, le Comité des droits économiques, sociaux et culturels a recommandé à la Suisse d’adopter des textes législatifs détaillés afin de donner effet à tous les droits énoncés dans le Pacte. Et de créer un mécanisme efficace pour veiller à ce que le droit interne soit compatible avec le Pacte
Néanmoins, le Comité des droits économiques, sociaux et culturels « regrette que l’État partie n’ait pas modifié sa position selon laquelle la plupart des dispositions du Pacte constituent simplement des objectifs programmatiques et des buts sociaux, et non des obligations juridiques. Cela a pour conséquence que certaines dispositions du Pacte ne peuvent prendre effet en droit interne ni ne peuvent être directement invoquées devant les juridictions internes de l’État partie.
Le Comité réaffirme que, compte tenu des dispositions de l’article 28 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, la responsabilité principale de l’application du Pacte incombe au Gouvernement fédéral de l’État partie. Il recommande à l’État partie de prendre des mesures pour que le Gouvernement fédéral et les cantons conviennent de textes législatifs détaillés donnant effet à tous les droits économiques, sociaux et culturels de manière uniforme; de créer un mécanisme efficace pour veiller à ce que le droit interne soit compatible avec le Pacte; et de garantir des recours judiciaires utiles en cas de violation des droits consacrés par le Pacte. Il l’encourage à poursuivre ses efforts pour harmoniser les droits et pratiques des cantons afin de garantir l’égalité d’exercice des droits inscrits dans le Pacte dans toute la Confédération. Il appelle l’attention de l’État partie sur son Observation générale no 3 (1990) relative à la nature des obligations des États parties et sur son Observation générale no 9 (1998) relative à l’application du Pacte au niveau national »[48].
Toutefois, « Même si les normes énoncées dans le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels ne sont pas assorties de façon directe d’une procédure de recours interne, le Pacte n’en devrait pas moins jouer un rôle important dans l’application et l’interprétation du droit interne.
Les juridictions internes devraient au minimum considérer les textes internationaux relatifs aux droits de l’homme comme des outils interprétatifs du droit interne et veiller à ce que ce dernier soit systématiquement interprété et appliqué conformément aux dispositions des instruments relatifs aux droits de l’homme par lesquels l’État est lié.
Chaque fois que cela est possible, les tribunaux devraient éviter de mettre l’État en situation d’enfreindre les clauses d’un instrument qu’il a ratifié. De nombreuses constitutions nationales exigent d’ailleurs du corps législatif qu’il n’adopte pas de textes de loi ou n’approuve pas de politiques manifestement contraires aux garanties relatives aux droits économiques, sociaux et culturels ».[49]
A noter, qu’en Suisse, l’art. 5 al.4 de la constitution consacre le principe de la primauté du droit international en énonçant que « la Confédération et les cantons respectent le droit international », toutefois, le Tribunal fédéral, avait émis une réserve à ce principe, avec la jurisprudence Schubert, selon laquelle une loi nationale postérieure à l’adoption d’un traité international par la Suisse, pouvait y déroger.
Mais certains arrêts récent semblent annoncer un revirement de jurisprudence, notamment l’ATF 125 II 417, dans lequel, il admet « que la primauté du droit international même sur la loi interne postérieure se justifie au moins pour les traités internationaux ayant pour ambition de protéger les droits fondamentaux de la personne humaine »[50]
Quant à la Déclaration universelle des droits de l’homme, elle n’a pas de force obligatoire, et ne lie donc pas juridiquement les Etats qui l’ont signée, pas plus qu’elle ne confère de droits subjectifs aux individus.[51]
La disposition précitée de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, fait référence au droit à l’éducation et à la formation professionnelle en tant que « droits économiques, sociaux et culturels », et, comme vu ci-dessus, à propos du Pacte I, ces derniers ne sont pas justiciables.
Suivant la doctrine majoritaire, l’art. 28 CDE à la même portée que l’art. 13 du Pacte II.[52] Selon la Jurisprudence les lettres b et c de l’art. 13 §2 du Pacte II, ne sont pas directement applicable, par conséquent, on ne peut en déduire un droit subjectif. « Il en va probablement de même pour les lettres b et c de la CDE, bien que le Tribunal fédéral ne se soit pas encore prononcé sur ce point ». [53] Et n’est par conséquent, pas directement applicable.[54]
La doctrine, par la combinaison des articles 2 (non-discrimination) et 28 CDE, tire une obligation internationale pour la Suisse de garantir l’accès à une formation post-obligatoire aux mineurs de moins de dix-huit ans.
Selon Roswitha Petry, « il existe une doctrine minoritaire qui, combinant la clause de non-discrimination figurant à l’article 2 avec l’article 28 de la CDE, arrive à la conclusion que l’Etat doit ouvrir la formation professionnelle en tout cas aux mineurs de moins de dix-huit ans ». [55]
D’après Nideröst, « les différents articles de la Convention des droits de l’enfant permettent de déduire l’obligation de la Suisse d’ouvrir aux jeunes sans-papiers l’accès à des possibilités de formation professionnelle après la fin de l’école obligatoire, comme pour tous les autres jeunes habitant en Suisse ».[56]
Selon la Jurisprudence du TF, les buts sociaux, dont le droit à la formation fait partie, ne sont pas directement applicables et nécessitent d’être mis en œuvre par le législateur.
La CDE ne confère aucun droit à l’entrée dans un Etat et à une autorisation de séjour. L’interprétation très restrictive des dispositions internationale par le Conseil Fédéral et le Tribunal fédéral a pour conséquence qu’un sans-papier ne pourrait pas en tirer un droit à la formation.
Au niveau interne, l’art. 19 de la Constitution énonce que « le droit à un enseignement de base suffisant et gratuit est garanti. », cet article ne vise que la scolarité obligatoire, le Tribunal fédéral n’a pas reconnu l’existence d’un droit à la formation post-obligatoire. Il a aussi refusé de déduire ce droit d’autres droits fondamentaux tels que la liberté économique et la liberté personnelle. Selon les auteurs Auer/Malinverni/Hotelier, « les seules bases sur lesquelles pourrait se fonder un certain droit à la formation sont donc, pour l’instant, celles des buts sociaux mentionnés par la Constitution (art. 41) et par le Pacte I (art. 13) »[57].
En effet, l’art. 41 al. 1 let. f énonce que « la Confédération et les cantons s’engagent, en complément de la responsabilité individuelle et de l’initiative privée, à ce que les enfants et les jeunes, ainsi que les personnes en âge de travailler puissent bénéficier d’une formation initiale et d’une formation continue correspondant à leurs aptitudes ». La lettre g prévoit que « les enfants et les jeunes soient encouragés à devenir des personnes indépendantes et socialement responsables et soient soutenus dans leur intégration sociale, culturelle et politique ».
Toutefois, les buts sociaux ne sont pas justiciables. Les particuliers ne peuvent donc pas s’en prévaloir devant les tribunaux[58]. Ils ont besoin d’être concrétisés par le législateur. Il s’agit plutôt de mandats législatifs[59].
La Constitution prévoit également la répartition des compétences entre la Confédération et les cantons. En matière d’instruction publique l’art. 62 de la constitution prévoit que : « l’instruction publique est du ressort des cantons. » (al.1) Et que «les cantons pourvoient à un enseignement de base suffisant ouvert à tous les enfants. Cet enseignement est obligatoire et placé sous la direction ou la surveillance des autorités publiques. Il est gratuit dans les écoles publiques ».
En matière de formation professionnelle, l’art. 63 al.1 de la constitution prévoit que « La Confédération légifère sur la formation professionnelle. » et qu’ « elle encourage la diversité et la perméabilité de l’offre dans ce domaine »[60].
Les articles 63 al.1; les articles 44 à 46 et l’article 63 al.1 de la constitution donne le droit à la Confédération de légiférer sur la formation professionnelle. Avant l’entrée en vigueur de la LFPr de 2004, la compétence législative de la Confédération était limitée à certains domaines : les professions de l’industrie, de l’artisanat, du commerce, de l’agriculture et du service de maison. Désormais la Confédération légifère dans tous les domaines de la formation professionnelle. Toutefois, il ne s’agit pas d’une compétence exclusive et les cantons peuvent, légiférer dans les domaines non réglementés par la Confédération. En plus de leur compétence d’émettre des normes d’exécution.
Les articles 44 à 46 de la constitution sont applicables au domaine de la formation professionnelle. La Confédération et les cantons s’entraident dans l’accomplissement de leurs tâches et collaborent entre eux. Les cantons participent, dans les cas prévus par la Constitution fédérale, au processus de décision sur le plan fédéral, en particulier à l’élaboration de la législation. La Confédération informe les cantons de ses projets en temps utile et de manière détaillée; elle les consulte lorsque leurs intérêts sont touchés. Les cantons mettent en œuvre le droit fédéral conformément à la Constitution et à la loi.
§2 : Organisation de la formation professionnelle
La formation professionnelle du second degré est organisée sous la forme d’un apprentissage en école des métiers. Mais elle peut également être réalisée d’une façon encore plus pratique en effectuant l’apprentissage auprès des entreprises, la formation duale.
L’apprentissage peut revêtir la forme de la formation initiale en école, ou alors revêtir celle du système dual. Bien que l’expression « système dual » ne soit consacré ni par la LFPr ni par l’OFPr, il désigne la formation qui est dispensée en entreprise en parallèle avec l’école professionnelle[61]. Le système constitue d’ailleurs la formation professionnelle la plus répandue. 250 métiers peuvent faire l’objet d’une formation duale[62]. Néanmoins, ces 250 métiers ne sont pas tous dispensés auprès de tous les cantons. Le canton de Neuchâtel ne dispense par exemple que 150 métiers en formation duale.
En 2010, 87,2 % des formations professionnelles étaient effectuées sous cette forme duale contre 12,8% sous la forme classique, en école professionnelle[63]. Le système présente un intérêt pragmatique puisqu’il permet un lien étroit entre la théorie et la pratique. Son application est essentielle pour répondre aux besoins qui s’orientent davantage vers les services. La formation duale prouve son intérêt à la fois auprès des personnes en formation que les entreprises formatrices. Le système dual facilite la qualification de la main d’œuvre. Prise en charge par les entreprises formatrices, la formation duale permet d’alléger les charges des pouvoirs publics, plutôt qu’une formation purement scolaire[64].
En Suisse, l’adoption du système dual a permis une bonne image de la formation professionnelle et d’éviter que celle-ci soit considérée comme une option de second ordre par rapport aux voies de l’enseignement général. La formation professionnelle constitue en effet la voie par excellence pour entrer dans le monde actif pour les jeunes. D’ailleurs, la formation professionnelle permet au pays de présenter un taux de chômage des plus bas en Europe et dans le monde entier.
L’article 14 al.1 LFPr exige la conclusion d’un contrat d’apprentissage entre la personne qui commence une formation professionnelle (apprentissage) et le prestataire de la formation professionnelle. Le contrat d’apprentissage est régi par les articles 344 à 346a CO. Le contrat est conclu au début de l’apprentissage et engage les parties pour toute la durée de la formation[65].
La signature du contrat d’apprentissage nécessite l’approbation des autorités cantonales[66]. Il en est de même pour sa résiliation[67]. Si l’entreprise formatrice ferme ses portes ou qu’elle n’assure plus la formation professionnelle initiale conformément aux prescriptions légales, l’autorité cantonale veille à ce que la formation initiale entamée puisse autant que possible être terminée normalement.
Néanmoins, Les dispositions de la loi sont applicables à l’apprentissage même si les parties omettent de conclure un contrat, qu’elles ne soumettent pas le contrat à l’approbation de l’autorité cantonale ou qu’elles le lui soumettent tardivement.
Le contrat d’apprentissage est un contrat individuel de travail à caractère spécial. Il est réglé par le CO, dans la partie consacrée aux « contrats individuels de travail à caractère spécial »[68]. Pour chacun des contrats de travail à caractère spécial, s’appliquent des dispositions spécifiques du CO et une loi de droit public. Pour le contrat d’apprentissage, ce sont les articles 344 à 346a CO et la LFPr. Le but du législateur est d’octroyer une plus grande protection à certaines catégories de travailleurs.
La différence principale entre le contrat d’apprentissage (art. 344 CO), et le contrat de travail usuel (art. 319 al.1 CO), est que, l’élément central à titre de contre-prestation de la personne en formation n’est pas le salaire, mais la formation. De plus, il y a des règles de droit public qui s’appliquent : notamment la LFPr, mais aussi la LTr, l’OLT5, de même, il y a aussi des lois cantonales d’application de la loi fédérale sur la formation professionnelle.
Pour être valable, le contrat d’apprentissage doit être conclu en la forme écrite[69]. Contrairement au contrat usuel de travail[70], qui ne nécessite aucune forme. De plus, il doit contenir des dispositions concernant la nature et la durée de la formation, le salaire, le temps d’essai, l’horaire de travail et les vacances[71].
L’une des spécificités du contrat d’apprentissage est qu’il doit être approuvé par les autorités cantonales[72], il doit leur être soumis avant le début de la formation[73] et sous la forme du formulaire standardisé[74]. Néanmoins, la non-soumission ou la soumission tardive du contrat à l’approbation n’a aucune incidence sur l’apprentissage et les dispositions légales s’appliquent aux relations des parties. Tout de même, cette obligation permet aux autorités d’encadrer la formation duale qui est considérée comme une activité lucrative, donc interdite aux sans-papiers.
Le contrat d’apprentissage lie la personne en formation et l’entreprise formatrice. S’agissant pourtant de mineur dans le cadre de la formation initiale, l’intervention d’un représentant légal est nécessaire.
Par le contrat, l’entreprise formatrice s’engage à dispenser une formation pratique du jeune. L’élève a un statut d’apprenti, au même titre qu’un stagiaire qui effectue une formation pratique auprès de l‘entreprise.
L’art. 345 al.1 CO prévoit que « la personne en formation s’efforce d’atteindre le but de l’apprentissage ». L’apprenti a l’obligation de mettre tout en œuvre pour se former. Cela implique par exemple, qu’il doit suivre les cours professionnels prévus par l’art. 21 al.3 LFPr. Sur la base de cet article, l’employeur pourrait imposer la fréquentation de cours d’appuis à un apprenti en situation d’échec, pour autant qu’il prenne à sa charge les éventuels frais de cours[75]. Outre les obligations inhérentes à la formation professionnelle, les dispositions ordinaires régissant les obligations du travailleur s’appliquent également[76].
L’art. 345 al.2 CO prévoit que « le représentant légal de la personne en formation appuie de son mieux l’employeur dans sa tâche et favorise la bonne entente entre celui-ci et la personne en formation ».
Section 2 : L’apprentissage des jeunes étrangers
La Suisse s’est engagée à dispenser une formation pour tous les jeunes mineurs, de quelques origines qu’ils soient. Les jeunes immigrés ont ainsi le droit de suivre la scolarité obligatoire du premier degré, mais également du second degré. Ce droit est acquis, même si le jeune est sans papier. On estime en effet que ces mineurs ne doivent pas subir leur situation d’irrégularité malgré eux.
Néanmoins, la formation initiale, sous sa forme duale, est plus difficile pour les jeunes immigrés. En effet, constituant une activité lucrative, elle nécessite l’octroi d’une autorisation administrative. Les immigrants doivent répondre à plusieurs critères afin de pouvoir poursuivre leur formation.
§1 : Conditions pour les migrants
Au même titre que tous les étrangers, les jeunes migrants doivent se soumettre à la législation concernant l’immigration. La législation repose sur une structure tripartite. On peut ainsi regrouper les différentes lois relatives aux étrangers, dans 3 régimes différents, en fonction de l’origine de la personne ou du motif de sa présence en Suisse.
La législation suisse comprend trois régimes différents ; le régime ordinaire, le régime spécial, et enfin le droit d’asile.
Le régime ordinaire est applicable à tous les étrangers, d’où qu’ils viennent et quel que soit le motif de leur présence en Suisse. Ce régime est régi par les conventions internationales[77], mais également par la Constitution, notamment en son article 121 al.1 qui dispose que « la législation sur l’entrée en Suisse, la sortie, le séjour et l’établissement des étrangers et sur l’octroi de l’asile relève de la compétence de la Confédération ».
« S’il est en droit d’en tenir compte au titre de l’expression d’une pratique, le Tribunal fédéral n’est en revanche pas lié par les directives et commentaires de l’Office fédéral des migrations en matière de droit des étrangers, dès lors qu’il s’agit de simples ordonnances administratives, non assimilables à du droit fédéral, visant à uniformiser l’approche et à concrétiser la marge d’appréciation des autorité compétentes »[78].
Le régime spécial des ALCP est applicable aux personnes provenant de l’UE[79] ou de l’AELE[80]. Ce régime vise les européens ainsi que les membres de leur famille et les travailleurs détachés, quelle que soit leur nationalité. Il est régi par les ALC, OLCP, et directives européennes.
Enfin, il y a le régime de l’asile qui est applicable aux personnes qui sont venues en Suisse pour demander la protection contre une persécution. IL en est ainsi des milliers de personne venant d’en dehors de l’Europe lorsque leurs pays d’origine se retrouve en conflit militaire. Ces personnes proviennent de l’Afrique subsaharienne, mais également des Etats de l’ex URSS.
Le droit international érige la souveraineté nationale en un principe intangible. Réaffirmée par la Cour européenne des droits de l’homme, « (…) les Etats ont le droit, sans préjudice des engagements découlant pour eux de traiter, de contrôler l’entrée des étrangers sur leur sol »[81]. Il appartient à chaque Etat d’établir les règles de sortie et d’entrée du territoire.
Toutefois, la souveraineté ne signifie pas que l’Etat dispose d’une liberté absolue. [82] Il y a des limites, découlant d’une part, des droits humains, consacrés dans plusieurs conventions internationales, dont les principales sont : les Pactes I et II de l’ONU[83], la CEDH[84], la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale[85], la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes[86], la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels[87], inhumains ou dégradants, la Convention relative aux droits de l’enfant[88].
Il appartient à chaque Etat d’établir les conditions d’entrée des étrangers sur le territoire national. En principe, l’Etat peut contraindre une personne qui séjourne sans autorisation à quitter le territoire, « cela est conforme à la cohérence de l’ordre juridique : il n’y a pas lieu de réglementer autrement qu’en termes d’obligation de départ le statut de personnes qui ne sont pas censées séjourner sur le territoire suisse »[89].
Les seules dispositions de la LEtr, concernant les sans-papiers, sont celles prévoyant leur renvoi. « Les autorités compétentes rendent une décision de renvoi ordinaire à l’encontre d’un étranger qui n’a pas d’autorisation alors qu’il y est tenu ; d’un étranger qui ne remplit pas ou ne remplit plus les conditions d’entrée en Suisse ; d’un étranger auquel une autorisation est refusée ou dont l’autorisation, bien que requise, est révoquée ou n’est pas prolongée après un séjour autorisé »[90].
La LEtr prévoit le renvoi des étrangers sans-papiers, et ce, « qu’ils soient mineurs[91] ou non. Du point de vue légal, il n’existe aucune alternative au renvoi, hormis la voie très étroite, voire même impossible »[92]. Il existe des cas de rigueur qui permettent un séjour sans autorisation en Suisse. Néanmoins, ces dispositions, dérogatoires, « présentent un caractère exceptionnel et les conditions pour une reconnaissance d’un cas de rigueur doivent être appréciées de manière restrictive »[93].
Le seul fait d’obtenir une autorisation de séjour n’implique pas le droit d’exercer une activité lucrative. L’autorisation de séjour n’induit pas une autorisation de travail. « Tout étranger qui entend exercer en Suisse une activité lucrative doit être titulaire d’une autorisation, quelle que soit la durée de son séjour. Il doit la solliciter auprès de l’autorité compétente du lieu de travail envisagé »[94]. Le non-respect de cette disposition entraine des sanctions administratives[95], mais également des sanctions pénales[96].
Il ne faut pas confondre l’autorisation de travail avec l’autorisation de présence, bien qu’en principe les deux soient liées, il n’est en effet pas possible d’obtenir une autorisation de travail sans être titulaire d’une autorisation de présence, sauf exceptions[97].
« L’autorisation est une décision qui crée ou constate un droit dans un cas d’espèce. Lorsqu’elle porte sur un droit de présence, on parle d’autorisation de présence. Le droit que consacre l’autorisation se matérialise concrètement dans le permis »[98]. Le régime de la LEtr connaît plusieurs sortes d’autorisation de présence pouvant être liées directement à l’exercice d’une activité économique[99] : l’autorisation de courte durée[100] ; l’autorisation de séjour[101] ; l’autorisation d’établissement ; l’autorisation frontalière[102].
L’autorisation d’exercer une activité lucrative est une « décision qui confère à l’étranger le droit d’exercer une activité économique (art. 40 al.2 LEtr). Valable pour une durée de 6 mois, et prolongeable pour des raisons majeures (art. 84 OASA), elle est prévue seulement pour le cas où il est question d’une autorisation de séjour. Le titulaire d’une autorisation d’établissement n’a pas besoin d’une autorisation pour exercer quelque activité que ce soit »[103].
« Est considérée comme activité lucrative toute activité salariée ou indépendante qui procure normalement un gain, même si elle est exercée gratuitement »[104]. « Est considérée comme activité salariée toute activité exercée pour un employeur dont le siège est en Suisse ou à l’étranger, indépendamment du fait que le salaire soit payé en Suisse ou à l’étranger et que l’activité soit exercée à l’heure, à la journée ou à titre temporaire »[105]. « Est également considérée comme activité salariée toute activité exercée en qualité d’apprenti, de stagiaire, de volontaire, de sportif, de travailleur social, de missionnaire, de personne exerçant une activité d’encadrement religieux, d’artiste ou d’employé au pair »[106].
Aux termes des articles 11 al. 2 LEtr et 1a al. 2 OASA, l’apprentissage est ainsi considéré comme une activité lucrative en Suisse et nécessite l’octroi d’une autorisation à cette fin. Les apprentis, tout comme les autres personnes exerçant une activité lucrative, sont soumis aux conditions d’admission en vue de l’exercice d’une activité lucrative.
Tout d’abord, les ressortissants étrangers sont admis à travailler en Suisse, si leur admission sert les intérêts économiques du pays[107]. Ensuite, plusieurs autres conditions doivent être respectées : les mesures de limitation[108], l’ordre de priorité[109], les conditions de rémunération, de travail et de logement[110], les qualifications personnelles[111].
Concernant spécifiquement les conditions de rémunération, de travail et de logement prévues aux articles 22 et 24 LETr, le but de cette disposition est de protéger les travailleurs étrangers contre des conditions d’engagements abusives et d’éviter la sous-enchère salariale, afin de ne pas faire concurrence aux travailleurs indigènes. L’idée est que soient offertes aux travailleurs étrangers, les conditions de rémunération et de travail qui sont en usage dans la localité et la profession[112].
Pour les déterminer, sont pris en compte les prescriptions légales, les conditions de salaire et de travail offertes pour un travail similaire, dans la même entreprise et la même branche, les salaires fixés dans les conventions collectives de travail, mais aussi les relevés actuels en matière de statistiques.
Sur les qualifications personnelles, l’article 23 LETr consacre le principe que les travailleurs étrangers qui souhaitent venir travailler en Suisse, doivent disposer de « qualification personnelles », qu’ils doivent être indispensables à l’économie suisse pour être légalement admis. Depuis son entrée en vigueur en janvier 2007, cette disposition prévoit une « migration d’élite » et exclue une partie importante de la migration extra-européenne. Néanmoins, la disposition ne fait qu’accroitre la migration illégale.
L’ODM rappelle que les apprentis, étant considérés comme des personnes exerçant une activité lucrative, sont soumis aux mesures de limitation[113]. De plus, en vertu de l’art. 21 LEtr, l’apprentissage ne constitue pas un motif d’exception aux priorités de recrutement[114]. D’ailleurs, ils n’échappent pas davantage aux conditions de rémunération, de travail et de logement prévues aux articles 22 et 24 LEtr. Toutefois, les qualifications personnelles ne sauraient s’appliquer, à des personnes encore non formées.
L’admission d’élèves et étudiants ne fait l’objet d’aucune limitation quantitative à condition que l’établissement de formation dispense un enseignement à plein temps et que l’activité pratique obligatoire en entreprise ne représente pas plus de la moitié de la formation totale[115]. La Cour de droit administratif et public du Tribunal cantonal du canton de Vaud rappelle que « les apprentis sont considérés, en principe, comme des personnes exerçant une activité lucrative et partant, sont soumis au contingentement. Ils n’échappent pas davantage aux priorités du recrutement »[116].
§2 : Les sanctions prévues par la législation sur l’immigration
Plusieurs sanctions peuvent s’appliquer, aux sans-papiers, aux employeurs et aux personnes qui facilitent leur séjour. Ces sanctions peuvent relever de plusieurs lois, et être de natures différentes, administratives ou pénales.
Le chapitre 16 de la LEtr traite des dispositions pénales et des sanctions administratives. En ce qui concerne le séjour illégal et l’emploi de personnes sans autorisation, ce sont les articles 115, intitulé : « entrée, sortie, séjour illégaux, exercice d’une activité lucrative sans autorisation » ; 116 LEtr, 117 LEtr qui s’appliquent. L’emploi d’étrangers en séjour illégal est aussi sanctionné par d’autres lois. Il y a aussi les sanctions issues d’autres lois, notamment la Loi sur le travail au noir.
La première sanction infligée aux personnes qui exercent une activité lucrative de façon clandestine est le renvoi et l’interdiction d’entrée du territoire suisse. Mais le clandestin peut également être condamné à une sanction pécuniaire consistant en une amende. Des sanctions indirectes peuvent également être infligées, en rapport avec la famille de la personne.
La personne qui exerce une activité lucrative sans avoir obtenu l’autorisation à cet effet est passible d’un an d’emprisonnement selon les dispositions de la loi sur les étrangers[117]. La sanction peut également être accompagnée d’une peine pécuniaire. La personne n’aura plus la possibilité de déposer ni de renouveler une demande d’autorisation de ce fait.
Il existe deux modes de renvoi qui sont prévus par les articles 12 et 17 de la LSEE. Le premier consiste en un refoulement, immédiat ou avec délai. Dans cette perspective, la personne est accompagnée par la police jusqu’à l’embarquement pour quitter le territoire suisse. L’autre mode consiste en la « mise sur le trottoir » avec une carte de sortie comportant un délai. Ce dernier mode, la personne est contrainte à quitter le territoire dans un délai imparti, la carte de sortie faisant preuve du départ de la Suisse et de son arrivée en dehors de la Suisse. La personne choisira ainsi le moyen de départ, avion, train, autocar. Il est juste contraint de quitter le territoire dans le délai imparti.
Le renvoi relève de la compétence de l’OCP qui peut également choisir le mode selon son appréciation de la situation. Le délai du refoulement dépend également de la situation de la personne. Pour une personne célibataire et depuis peu sur le sol suisse par exemple, le renvoi est immédiat et sans délai.
Avec le refoulement, la personne peut également être frappée d’une interdiction d’entrée du territoire suisse. Cette interdiction peut varier selon les circonstances et sur appréciation de l’OCP. Cette interdiction est d’autant plus importante lorsque la personne s’est adonnée à une activité lucrative sans autorisation. Cette interdiction peut aller de une année jusqu’à cinq ans d’interdiction. En moyenne, elle est de trois années[118].
Une amende peut être prononcée contre toute personne travaillant clandestinement sans titre de séjour ni autorisation de travail. Ces amendes peuvent être immédiatement perçues par la police si la personne en a sur lui lors de son interpellation. Les autorités compétentes tiennent compte de la situation de la personne pour prononcer la valeur de l’amende.
La taxation de l’amende dépend entre autre de la durée du séjour. La personne qui récidive se verra condamnée à une amende plus forte. La taxation des amendes relève du service des contraventions de la police. Celui-ci établit un barème indicatif pour fixer le taux des amendes.
Ceux qui emploient des personnes sans titre de séjour et sans autorisation de travail sont également passibles de sanctions. Ces sanctions peuvent consister notamment en des amendes qui varient selon la gravité et la durée du travail. Pour un travail de moins de 8 jours, l’employeur recevra seulement une lettre d’avertissement. Pour une personne qui a travaillé 5 ans, l’employeur pourrait être condamné à une amende de 5000 CHF par travailleur clandestin.
Selon toujours la gravité de la situation, l’employeur peut être condamné à davantage d’amende. Le non-paiement des charges sociales aux travailleurs peut majorer l’amende de 50 CHF. Les cas de récidive sont également pris en compte dans la fixation du taux de l’amende. Une récidive peut augmenter l’amende de 500 à 1000 CHF.
« Quiconque emploie un étranger sans autorisation ou a recours à une prestation de services d’une personne sans autorisation est puni d’un emprisonnement d’un an au plus ou d’une peine pécuniaire. En cas de récidive, le contrevenant est puni d’une peine privative de trois au plus et d’une peine pécuniaire »[119]. L’employeur supportera à sa charge les frais occasionnés lors de la procédure de renvoi de la personne en situation irrégulière[120].
« Les employeurs qui ont fait l’objet d’une condamnation entrée en force pour non-respect important ou répété de leurs obligations en matière d’annonce et d’autorisation conformément au droit des assurances sociales ou des étrangers sont exclus, par les autorités cantonales compétentes, des marchés publics à l’échelon fédéral, cantonal et communal pour une période de cinq ans au maximum ou se voient réduire les aides financières de manière appropriée pour une période de cinq ans au maximum »[121]. Cette sanction peut être complétée par des sanctions prévues par le droit des assurances sociales et le droit des étrangers.
Le SECO tient une liste des employeurs qui ont fait l’objet d’une sanction entrée en force, prononcée en vertu de la loi sur le travail au noir (LTN), pour non-respect important ou répété de leurs obligations en matière d’annonce et d’autorisation prévues par le droit des assurances sociales ou des étrangers.
Chapitre II :
Migrants sans papier et formation professionnelle
Les étrangers désirant venir se former en Suisse, le peuvent sous certaines conditions, prévues aux articles 27 LEtr et 23, 24 OASA, précisées par la directive ODM I, version du 25 octobre 2013, ch.5.1, p.206ss. La formation professionnelle initiale effectuée à plein temps à l’école est régie par ces dispositions. Un jeune étranger souhaitant venir effectuer une formation professionnelle initiale à plein temps à l’école, le peut, à condition de remplir les conditions prévues par ces dispositions. En revanche, la formation professionnelle initiale effectuée en mode dual, ne tombe toutefois pas sous le coup de ces dispositions, puisqu’il s’agit, comme exposé plus tôt, d’une activité lucrative. Au niveau systématique, elle est traitée par les dispositions régissant le séjour avec activité lucrative.
Ainsi, les jeunes migrants sans papiers, désireux d’effectuer une formation professionnelle sous le mode dual, se retrouvent sans issus. En effet, il leur est quasiment impossible d’obtenir, et un titre de séjour afin de régulariser leur présence sur le territoire suisse, et d’une autorisation de travail qui leur garantirait l’accès à cette formation professionnelle.
Des débats, d’ordre technique mais également politique, ont déjà intervenus sur la question. Si des cantons tel que la Lausanne, ont opté pour recruter des jeunes sans papiers au titre d’apprentis au sein de l’administration, des parlementaires continuent à s’y opposer, n’hésitant pas à parler d’une régularisation forcée de l’illégalité et l’encouragement de cette dernière.
Depuis les années 1980, la situation des jeunes migrants s’est déjà nettement améliorée, avec l’admission e tous les enfants, à titre régulier ou irrégulier en Suisse, à la scolarité obligatoire. Cette solution dépénalise les enfants qui ne font que subir la situation créée par les parents. Néanmoins, la solution reste incomplète puisque ce droit s’arrête à la formation professionnelle.
Nous verrons que des solutions ont été recherchées afin de conforter la situation de ces jeunes migrants sans papiers, notamment la motion déposée par l’ancien conseiller Barthassat pour un accès à l’apprentissage des jeunes sans papiers jusqu’à l’amélioration de leur condition, notamment par l’assouplissement des conditions des cas de rigueur.
Section 1 : Les initiatives en faveur de l’apprentissage des sans papiers
Plusieurs débats ont déjà intervenu pour adopter la possibilité pour les jeunes sans papier de poursuivre la formation professionnelle. En effet, la formation initiale, sous la forme duale, est inaccessible pour les sans-papiers puisque considérée comme une activité lucrative. Ces débats sont notamment intervenus au parlement lors de l’adoption de la nouvelle loi sur les étrangers.
En 2001, ont eu lieu diverses actions en faveur des personnes en séjour illégal. Plusieurs mouvements en faveur des sans-papiers ont été fondés ; des syndicats, des partis de gauche et des organisations d’entraide ont repris leurs exigences ; il y a eu notamment des manifestations et des occupations d’églises. Le mot d’ordre de ces mouvements était et est toujours une amnistie.
§1 : Les interventions politiques
Des interventions sont intervenues, tant au niveau cantonal qu’au niveau fédéral. Toutes ces initiatives tendaient à faire reconnaitre la possibilité pour les jeunes sans papier d’accéder à l’apprentissage, tout autant que les jeunes suisses.
De nombreuses initiatives parlementaires en faveur de l’accès à l’apprentissage pour les jeunes sans-papiers ont été déposées au niveau communal et cantonal ces dernières années en Suisse. L’Union des villes suisses dresse une liste, non exhaustive, des principales interventions parlementaires qui ont été déposées dans les communes et les cantons[122].
La commune de Lausanne s’est montrée particulièrement engagée en faveur de la formation professionnelle des jeunes sans-papiers. Elle a lancé un processus qui sera l’un des principaux déclencheurs de ce qui se passera au niveau fédéral. En 2002, le député Hubler, a déposé une motion en faveur de la formation professionnelle pour les sans-papiers. En février 2010, la municipalité de Lausanne a répondu à la motion Hubler, en annonçant son intention d’ouvrir l’accès à des places d’apprentissage aux sans-papiers au sein de son administration.
Suite à cette annonce, un député UDC a interpellé le Grand Conseil du canton de Vaud afin de lui demander pourquoi le département vaudois de la formation, de la jeunesse et de la culture soutient une violation des lois sur le travail. Dans sa réponse, le Conseil d’Etat a conclu que cette proposition de la municipalité de Lausanne était contraire au droit fédéral, qu’il ne la soutenait pas et qu’elle risquait les sanctions prévues par le droit sur les étrangers et sur le travail au noir.
En novembre 2002, le conseiller communal Alain Hubler dépose une motion : « Une formation professionnelle pour les sans-papiers ». En mars 2003 parait le rapport rédigé à la demande de la Municipalité de Lausanne « Les migrants sans permis de séjour à Lausanne ». Le 3 mars 2005 est publié un préavis[123] sur la « Politique communale à l’égard des migrants en situation irrégulière vivant à Lausanne Demande d’un crédit spécial destiné à subventionner deux institutions contribuant à résoudre une partie de leurs difficultés ».
Se sont ensuite succéder les réunions de la commission en charge de délibérer[124]. Le 10 février 2010, un rapport-préavis[125] intitulé « Accès à la formation post-obligatoire pour les migrants sans autorisation de séjour » est publié, réponse à la motion de M. Alain Hubler intitulée « Une formation professionnelle pour les sans-papiers ». La Municipalité[126] approuve la motion de M. Hubler.
Le 17 février 2010, la ville de Lausanne annonce, lors d’une conférence de presse, son intention d’offrir des places d’apprentissages aux jeunes sans-papiers dans son administration. En juin 2010 intervient la réponse du Conseil d’Etat vaudois à l’interpellation Philippe Ducommun. Enfin, le 29 mars 2011, le conseil communal[127] approuve la réponse de la Municipalité à la motion de M. Hubler.
La municipalité de Lausanne envoie ainsi un message fort dans l’intention d’approuver et de reconnaitre le droit des jeunes sans papier d’effectuer une formation initiale sous la forme duale. Les entreprises basées à Lausanne devraient naturellement suivre le pas de la municipalité et offrir des stages à ces jeunes afin de réaliser leur formation.
Ces dernières années, de nombreuses initiatives parlementaires ont été déposées en faveur des sans-papiers. On peut les regrouper en 3 catégories : celles ayant trait aux sans-papiers en général, demandant par exemple une régularisation de leur statut. Celles, ayant trait à la situation des enfants sans-papiers (Hodgers), puis celles concernant spécialement l’accès à la formation professionnelle des jeunes sans-papiers. C’est sur ces dernières que nous allons nous pencher. Particulièrement sur celle qui a été acceptée par les 2 chambres et a conduit le Conseil fédéral à adopter l’art. 30a OASA.
Le 2 octobre 2008, le conseiller national Luc Barthassat dépose une motion. Le texte, déposé, est le suivant : « Le Conseil fédéral est chargé de mettre en œuvre un mode d’accès à l’apprentissage pour les jeunes sans statut légal ayant effectué leur scolarité en Suisse ». Le conseiller commence son argumentaire en rappelant l’adhésion de la Suisse, à la Convention des droits de l’enfant, qui prévoit, en son article 28, que « chaque enfant a droit à l’éducation, et notamment à la formation professionnelle ».
Il rappelle également qu’en 1985, Genève a consacré la primauté du droit à l’éducation sur tout statut légal, en intégrant tous les élèves étrangers, quel que soit leur statut légal, dans son système scolaire, à tous les niveaux. Cette pratique a été adoptée par un grand nombre de cantons et elle a démontré son effet bénéfique sur l’intégration des familles[128].
Le conseiller d’exposer ensuite l’inégalité de traitement qui existe entre jeunes sans-papiers qui poursuivent une filière académique et ceux qui souhaiteraient entreprendre une formation professionnelle et ne le peuvent pas en raison de l’absence de statut légal.
En effet, une telle pratique inégalitaire ne peut être que dommageable, et ce à plus d’un titre, notamment la « pénalisation d’une population solidement intégrée dans notre pays, dont elle a adopté la démocratie et les valeurs; le risque de désintégration sociale et d’une dérive vers la délinquance pour ces jeunes, même si leur caractère non criminogène est largement démontré. Avec les inévitables coûts liés à la santé publique, la justice, etc; elle prive l’économie suisse de compétences et de savoir-faire potentiels, ce dans des domaines où toutes les statistiques s’accordent à prédire une prochaine pénurie, partout en Europe, mais aussi dans notre pays. Des compétences et un savoir-faire dont la Suisse a besoin et qui représenteraient un juste retour sur investissement sur les sommes dépensées pendant la formation obligatoire de ces jeunes. Pour mémoire, l’OCDE explique que les entrées d’immigrants en Europe sont désormais à la baisse; le gaspillage des deniers publics, puisque la Suisse renonce à tout « retour sur investissement « en renvoyant des jeunes apparemment suspects, dont elle a payé la formation »[129].
Le 5 décembre 2008, le Conseil Fédéral a répondu à la motion Barthassat. Dans sa réponse, il propose de rejeter la motion. Principalement pour deux raisons. La première raison du rejet est, selon le conseil, que la réglementation des cas de rigueur offre une marge d’appréciation suffisante pour prendre en compte les aspects humanitaires dans des cas d’espèce.
La seconde raison est que la question d’une amnistie ou de l’adoption d’une nouvelle disposition en faveur des jeunes séjournant illégalement en Suisse avait été largement débattue par le Parlement dans le cadre de la révision totale de la loi fédérale sur les étrangers et qu’il avait été décidé de ne pas adopter de nouvelles dispositions allant dans ce sens.
La motion a ensuite été adoptée par le Conseil national le 3 mars 2010 et par le Conseil des Etats le 14.09.2010. Lors des débats parlementaires, les principaux arguments qui ont été invoqués, par les partisans de l’accès à la formation professionnelle pour les jeunes sans-papiers sont les suivants : remédier à une inégalité de traitement, respecter la convention sur les droits de l’enfant, lutter contre la petite délinquance.
Les opposants quant à eux, ont invoqués le risque de créer un appel d’air pour l’immigration clandestine et la régularisation de masse des situations illégales, mais aussi de créer une concurrence aux autres jeunes pour les places d’apprentissage.
Après que la motion Barthassat ait été acceptée par les deux chambres, il revenait au Conseil Fédéral de proposer un projet afin de « mettre en œuvre un mode d’accès à l’apprentissage pour les jeunes sans statut légal ayant effectué leur scolarité en Suisse ».
Le Conseil fédéral a ainsi opter pour la création d’un nouvel article dans l’OASA. L’ODM relève que ce choix a été préféré à celui de l’introduction d’un nouveau cas spécifique de dérogation aux conditions d’admission dans la LEtr, et à celui d’une modification des articles 1a OASA et 11 al.2 LEtr, afin de ne plus considérer l’apprentissage comme une activité lucrative[130].
En effet, la législation en vigueur, prévoit, à l’art. 30 al.1 let.b LEtr de tenir compte des cas individuels d’une extrême gravité ou d’intérêts publics majeurs, et conformément à l’art. 30 al.2 LEtr, c’est le Conseil fédéral qui fixe les conditions générales et arrête la procédure en la matière. Cette compétence relève de l’exécutif et non du législatif. La modification a ainsi été apportée dans l’ordonnance plutôt que dans la loi. Le Conseil fédéral a d’ores et déjà fixé d’autres dérogations, notamment en faveur des enfants de ressortissants suisses[131] et des anciens ressortissants suisses[132].
En procédant de cette sorte, le Conseil fédéral a donc choisi de créer une nouvelle dérogation. L’ODM précise que « ce faisant, il tient compte du second critère de l’art. 30 al. 1 let b LEtr, l’intérêt public réside notamment dans le fait que l’étranger a ainsi de meilleures chances de réintégration dans son pays d’origine et qu’il est par conséquent plus probable qu’il quitte la Suisse au terme de sa formation professionnelle initiale » [133].
D’autre part, en ce qui concerne l’option qui aurait consisté en une modification des articles 1a OASA et 11 al.2 LEtr afin de ne plus considérer l’apprentissage comme une activité lucrative, l’ODM relève que cela aurait occasionné plusieurs problèmes pratiques et juridiques. D’abord, « si la formation professionnelle initiale ne devait plus être considérée comme activité lucrative au sens du droit des étrangers, l’autorisation d’accès au marché du travail ne serait plus requise. Cependant, l’intéressé aurait encore besoin d’une autorisation de séjour. Par conséquent, le séjour de l’apprenti resterait illégal ».
Ensuite, les conditions d’admission au marché du travail, tels que les mesures de limitation quantitative[134], la priorité de recrutement[135], le contrôle des conditions de rémunération de travail[136] seraient alors devenues caduques, et n’auraient plus pu s’appliquer à la formation professionnelle initiale[137].
Enfin, cela aurait posé des problèmes de cohérence avec d’autres domaines du droit dont celui de l’assurance-chômage et des assurances sociales, pour lesquels la formation professionnelle initiale aurait continué à être considérée comme une activité lucrative.
En outre, l’ODM ajoute que la création, dans la Loi sur les étrangers, d’un droit à une autorisation en faveur des seules personnes souhaitant effectuer une formation professionnelle initiale, créerait une inégalité de traitement injustifiée par rapport aux autres cas individuels d’extrême gravité.
§2 : L’objet des réformes
En 2010, l’UVS[138] avait déjà envisagé de mettre en œuvre la motion Barthasaat. L’une des principales options résident dans la considération de l’apprentissage, sous sa forme duale, d’activité lucrative. En effet, il s’agit là du premier obstacle empêchant les jeunes sans papier de continuer leur formation en optant pour une formation pratique en entreprise. Bien que ne touchant ni salaire ni indemnité, les apprentis sont considérés comme des travailleurs. Les jeunes migrants doivent dès lors obtenir une autorisation d’exercer.
La solution la plus évidente serait de modifier l’art.7a al. 2 OASA en excluant l’apprentissage de la liste des activités lucratives au sens de la LEtr. De cette sorte, il ne serait en effet plus nécessaire de disposer d’une autorisation de séjour afin de devenir apprenti. Néanmoins, cette mesure ne peut être suffisante. Elle ne règle pas les conditions de séjour des personnes concernées et les maintient une situation d’illégalité.
Comme remarqué par l’UVS, une modification du droit des étrangers ne doit pas affecter la protection du jeune sur le plan du droit du travail et des assurances sociales[139]. Le contrat d’apprentissage relevant du statut juridique du contrat de travail et donnant lieu à une rémunération, une clarification de la LTN est également nécessaire pour éviter que l’entreprise formatrice ne fasse l’objet de sanction.
Une autre alternative réside dans l’assouplissement des conditions des cas de rigueur. En effet, ces conditions sont jugées trop sévères, excluant en amont les jeunes sans papier qui ne présente pas de cas d’extrême gravité. C’est sans d’ailleurs sur ce dernier point que les efforts ont été concentrés, jusqu’à la mise en place du nouvel article 30a OASA.
Après la motion « Accès à l’apprentissage pour les jeunes sans statut légal » déposée par le conseiller aux états de Luc Barthassat le 02 octobre 2008, le conseil fédéral ne tarde pas à proposer son rejet. Une autre motion a également été déposée le 11 décembre 2009, la motion Hodgers « Respect de la Convention relative aux droit de l’enfant pour les enfants sur statut légal ».
Début 2010, la Commission fédérale des migrations (CFM)[140] charge le Forum suisse pour l’étude des migrations et de la population (SFM) de l’Université de Neuchâtel d’analyser la situation des sans-papiers en Suisse. Cela débouchera sur l’étude « Visage des Sans-papiers en Suisse. Evolution 2000-2010 », qui paraîtra en décembre 2010. Le Conseil fédéral propose encore le rejet de la motion Hodgers[141].
Le 03 mars 2010, le Conseil National se réunit lors d’une session extraordinaire concernant la migration et adopte la motion 08.3616 (motion Barthassat) par 93 voix contre 85 et 8 abstentions ainsi que la motion 09.4236 (motion Hodgers), par 108 voix contre 70 et 7 abstentions. Le canton de Neuchâtel dépose alors une initiative cantonale, « Pour que les sans-papiers aient accès à l’apprentissage » le 31 mars 2010.
Une séance de la commission des institutions politique du Conseil des Etats durant laquelle est tenue le 20 avril 2010, proposant d’adopter la motion 08.3616 (motion Barthassat), par 5 voix contre 5, avec la voix prépondérante du président. Une minorité propose de rejeter la motion. Lors de la même séance, la commission propose d’adopter la motion 09.4236 (motion Hodgers) par 6 voix contre 2 et 1 abstention. Par la suite, (le 30.08.2010) la commission a revu sa position concernant la motion 09.4236.
Le 08 juin 2010, la conseillère nationale Sylvie Perrinjaquet dépose une nitiative parlementaire, « Jeunes sans papiers. Une formation professionnelle, mais pas de passe-droits ».
Le 14 juin 2010, le Conseil des Etats se réunit lors de la session d’été 2010 : Alain Berset et Bruno Frick s’expriment sur la motion Barthassat. Bruno Frick propose le renvoi à la commission avec mandat d’examiner plus précisément les tenants et aboutissants de ce thème, et notamment de fournir des chiffres concernant la fréquentation des écoles secondaires et des hautes écoles de la Confédération et des cantons par des jeunes sans statut légal ainsi que le nombre de diplômes de fin d’études et le financement.
Bâle-Ville dépose à son tour une initiative, « Accès à l’apprentissage pour les jeunes en situation irrégulière »[142] le 24 juin 2010, suivie le 29 juin 2010 de l’initiative cantonale déposée par le canton du Jura, « Accès à l’apprentissage des jeunes sans statut légal »[143].
En juillet 2010, l’Union des villes suisses fait paraitre ses recommandations, contenant un état des lieux et des recommandations, notamment une série de propositions. Le rapport propose 6 options pour régler la situation des jeunes sans statut légal désirant entreprendre un apprentissage[144].
Le 30 aout 2010, la Commission des institutions politiques du Conseil des Etats rejette la motion Barthasaat et revient sur les décisions prises lors de sa séance du 20 avril 2010, et rejette l’initiative du canton de Neuchâtel par 6 voix contre 5, la motion Barthassat par 6 voix contre 5, et la motion Hodgers par 7 voix contre 4[145].
Le Conseil des Etats se réuni lors de la session d’automne 2010 et accepte la motion Barthassat par 23 voix contre 20. Il rejette la motion Hodgers par 22 voix contre 16. Et procède à l’examen préalable de l’initiative déposée par le canton de Neuchâtel le 31.03.2010, et décide de ne pas y donner suite, par 22 voix contre 21. La motion Barthassat sera transmise au Conseil Fédéral.
Le 21 octobre 2010, la commission des institutions politiques du Conseil national (CIP-N), rejette les initiatives des cantons de Bâle-Ville et du Jura, toutes deux par 17 voix contre 8, l’initiative du canton de Neuchâtel, par 16 voix contre 9, ainsi que l’initiative parlementaire Perrinjaquet, par 13 voix contre 11[146].
Les arguments avancés par la majorité de la commission, qui s’oppose à ces initiatives sont les suivants :
– cette problématique ne peut être résolue de manière satisfaisante par des dispositions législatives.
– l’octroi d’une autorisation d’accès à l’apprentissage au jeune sans-papier, garantirait l’octroi d’un droit de séjour à l’ensemble de sa famille, « ce qui aboutirait finalement à une régularisation générale », compte tenu du droit au respect de la vie familiale inscrit dans la CEDH et de l’interdiction de séparer les membres d’une même famille ».
– un assouplissement dans ce domaine, risquerait d’encourager d’autres immigrants sans statut légal « à s’engouffrer dans la brèche ».
– les risques de sanctions pénales qu’encourraient les entreprises qui décideraient de former de tels apprentis.
-la réglementation sur les cas de rigueur (art. 31 OASA) est suffisante. Elle permet déjà de prendre en compte la situation familiale, notamment la période de scolarisation et la durée de scolarité des enfants. Et d’octroyer une autorisation de séjour dans les cas de rigueur avérés.
Les arguments avancés par la minorité de la commission, qui est pour ces initiatives sont les suivants :
– l’injustice que représente le fait que les jeunes sans-papiers puissent poursuivre des études supérieures mais ne puissent pas accéder à l’apprentissage, en raison de l’exigence d’un contrat de travail.
– les jeunes ne sont pas responsables de leur situation d’illégalité. Ils ne devraient donc ni être désavantagés dans leur progression professionnelle ni être mis à l’écart de la société.
– être titulaire d’un CFC augmenterait leur chance de s’établir dans le pays d’origine de leurs parents ou dans un autre Etat s’ils sont un jour renvoyé de Suisse.
– une harmonisation de la réglementation applicable à ces jeunes, au vu des nombreuses villes et communes, qui recherchent des solutions pragmatiques.
En décembre 2010 parait l’étude « Visage des sans-papiers en Suisse. Evolution 2000-2010 », réalisée par le Forum suisse pour l’étude des migrations et de la population. Cette étude avait été mandatée par la Commission fédérale pour les questions de migration (CFM), au début de l’année 2010.
Le 20 décembre 2010 : la Commission fédérale pour les questions de migration (CFM) fait de nouvelles propositions au sujet des « sans-papiers ». Les propositions les plus importantes concernent la situation des jeunes qui souhaitent effectuer un apprentissage professionnel. Parution du document : « Les sans-papiers en Suisse, Recommandations de la Commission fédérale pour les questions de migration CFM ».
La procédure de consultation des cantons et milieux intéressés débute le 02 mars 2012, qui durera jusqu’au 08.06.2012. Un Rapport rendra compte des résultats de la consultation du 2 mars au 8 juin 2012 relatif au projet de modification partielle de l’ordonnance relative à l’admission, au séjour et à l’exercice d’une activité lucrative (OASA) en raison de la mise en œuvre de la motion Barthassat.
En décembre 2012, une motion est déposée par le conseiller national Tschümperlin, « tenir compte de l’intégration des enfants dans l’examen des cas de rigueur »[147]. Le 07 décembre 2012, une modification sera apportée à l’ordonnance relative à l’admission au séjour et à l’exercice d’une activité lucrative (OASA) par l’instauration de l’art. 30a OASA[148], suivie du discours de la Conseillère fédérale Simonetta Sommaruga, au sujet de la modification de l’OASA en raison de la mise en œuvre de la motion Barthassat : déclaration de la conseillère fédérale Simonetta Sommaruga.
Le 25 janvier 2015, la CFM édicte un guide à l’intention des jeunes sans-papiers. « Guide : Apprentissage professionnel pour les sans-papiers ». La Commission fédérale pour les questions de migration (CFM) édicte un guide destiné aux jeunes et à leur famille ainsi qu’aux employeurs sur ce thème[149]. L’art.30a OASA entre en vigueur le 01 février 2013.
Section 2 : Situation actuelle des jeunes migrants sans papier
Par application de la législation sur l’immigration, les jeunes sans papier n’avaient tout simplement pas la possibilité d’acquérir une formation professionnelle lorsque celle-ci est considérée comme une activité lucrative. La forme visée dans cette circonstance est la formation duale.
L’exercice d’une activité lucrative sans autorisation légale expose à des sanctions administratives et pénales. Le migrant risque l’expulsion ou des sanctions pénales. Mais les personnes qui concourent à cette situation illégale s’expose également à des sanctions administratives, voire pénales.
Néanmoins, afin de pouvoir opter pour une formation professionnelle initiale sous la forme duale, le jeune étranger sans papier peut recourir au cas de rigueur prévu par l’article 30a OASA, sous certaines conditions restrictives, une façon de régulariser sa situation.
Cette disposition est un complément à la réglementation en vigueur relative aux cas de rigueur de la LEtr et de la LAsi, mais se rapporte à la situation particulière de la formation professionnelle initiale. Seul l’apprentissage est réglé par l’art. 30a OASA. Les jeunes sans-papiers qui souhaitent effectuer un stage ou exercer une activité lucrative doivent obtenir une autorisation via la procédure ordinaire pour cas de rigueur[150].
Bien qu’il soit possible d’accomplir plusieurs formations professionnelles initiales, conformément à la LFPr, l’art. 30a OASA ne vise que la première formation. Pour les jeunes sans-papiers qui seraient déjà au bénéficie d’une formation post-obligatoire, qu’ils auraient accompli à plein temps dans une école des métiers et qui souhaiteraient entreprendre une seconde formation, cette fois, en mode dual, cette disposition ne s’appliquerait pas. Il faudrait alors déposer une demande d’autorisation de séjour pour cas de rigueur ordinaire[151].
Comme l’avaient souhaité plusieurs cantons et organisations consultés, les formations transitoires qui nécessitent l’exercice d’une activité lucrative, tels que les stages et préapprentissages, sont comprises dans la notion de « formation professionnelle initiale », et une demande au sens de 30a OASA peut être déposée en vue d’obtenir une autorisation pour y participer. Etant donné qu’il n’y a pas besoin d’autorisation pour participer à des formations transitoires purement théoriques, telle que dixième année scolaire, elles sont considérées comme des années de scolarité obligatoire[152]. En revanche, les stages, effectués à l’issue, ou dans le cadre d’un cursus académique, ne tombent pas sous le coup de 30a OASA.
§1 : Les conditions des cas de rigueur prévus par l’art. 30al1 let.b LEtr
La Conférence des directrices et des directeurs des départements cantonaux de justice et police avait émis l’idée que l’on devrait permettre à ceux qui ont suivi une formation de deux ans avec AFP de poursuivre cette dernière en vue d’obtenir un CFC. L’un des principes de la LFPr est la perméabilité des différentes formations. Toutefois, cette proposition n’a pas été retenue. Dès lors, le titulaire d’une AFP, qui a pu l’obtenir via 30a OASA et qui désire poursuivre sa formation doit déposer une demande de régularisation ordinaire.
« Le requérant ait suivi l’école obligatoire de manière ininterrompue durant cinq ans au moins en Suisse »[153], le requérant doit avoir fréquenté l’école obligatoire en Suisse durant les cinq dernières années précédant le dépôt de la demande d’autorisation de séjour et ce, de manière ininterrompue. Il lui appartient d’apporter la preuve de cette scolarité ininterrompue.
Une formation transitoire purement théorique après l’école obligatoire est comptabilisée dans ce calcul. Mais une formation transitoire qui attrait à une activité lucrative ne peut en revanche pas être comptabilisé. En effet, l’exercice d’une activité lucrative nécessite le dépôt d’une demande expresse selon les termes de l’article 30a OASA.
L’article 30a OASA, ainsi que les directives et commentaire de l’ODM restent muets quant à l’âge du requérant. Toutefois, compte tenu des conditions d’école obligatoire de manière ininterrompue durant cinq ans au moins en Suisse et avoir déposé une demande dans les douze mois suivants, la question se pose de savoir s’il est possible qu’une personne ayant déjà atteint la majorité pourrait prétendre au bénéfice de cette disposition, et ce sans l’intervention du représentant légal.
L’instruction publique relève du ressort des cantons[154]. Il appartient à chaque canton de fixer par voie légale l’âge auquel les enfants commencent et terminent l’école. Dans le canton de Neuchâtel, c’est la loi sur l’organisation scolaire du 28 mars 1984, (LOS). Cette loi prescrit que l’école obligatoire commence à 4 ans, elle dure 11 ans, en principe. Cette durée peut être prolongée, par une douzième voire une treizième année[155]. L’enfant commence à 4 ans, et en principe termine 11 ans plus tard, soit à 15 ans.
S’il y a eu non promotion au cours d’un ou de plusieurs cycle, compte tenu du délai de 12 mois pour déposer la demande, il ne serait pas impossible que le futur apprenti ait atteint la majorité au début de l’apprentissage. Toutefois, cela ne concerne pas la majorité des enfants, qui débutent un apprentissage en étant mineur. A priori, l’art. 30a OASA n’exclut pas les personnes ayant atteint la majorité, pour autant qu’elles remplissent les conditions fixées. La principale différence entre un mineur et un majeur, se situe au niveau de la signature du contrat d’apprentissage, la signature des parents étant requise pour les mineurs, alors qu’elle ne l’est pas s’il est majeur. Dans ce dernier cas, la famille du jeune pourrait donc ne pas prendre part à la procédure.
La demande doit être déposée au maximum 12 mois après la fin de la scolarité obligatoire ou la participation à la formation transitoire sans activité lucrative. Le requérant peut toutefois déposer la demande avant la fin de la scolarité obligatoire ou de la formation transitoire.
Selon les directives de l’ODM, ces conditions doivent être analysées par analogie avec l’art. 31 OASA. En effet, ces conditions sont identiques à celles prévues à l’art. 31 al.3 OASA. La lettre b prévoit que « l’employeur du requérant a déposé une demande conformément à l’art. 18 let.b LEtr ». En pratique, l’employeur doit envoyer une demande à l’autorité cantonale des migrations et de l’emploi, en spécifiant qu’il souhaite engager la personne en tant qu’apprenti. La lettre c renvoie à une des conditions d’admission en vue de l’exercice d’une activité lucrative. Selon l’art. 22 LEtr, « un étranger ne peut être admis en vue de l’exercice d’une activité lucrative qu’aux conditions de rémunération et de travail usuelles du lieu, de la profession et de la branche. »
Le but de cette dernière disposition est de protéger les travailleurs étrangers contre des conditions d’engagements abusives et d’éviter la sous-enchère salariale, afin de ne pas faire concurrence aux travailleurs indigènes. L’idée est que soient offertes aux travailleurs étrangers, les conditions de rémunération et de travail qui sont en usage dans la localité et la profession. [156]
Pour les déterminer, sont pris en compte les prescriptions légales, les conditions de salaire et de travail offertes pour un travail similaire, dans la même entreprise et la même branche, les salaires fixés dans les conventions collectives de travail, mais aussi les relevés actuels en matière de statistiques ;
Par exemple, seront consultées, la brochure éditée par le Département de l’économie et du travail du canton d’Argovie « Orts- und beru » , les relevés de l’OFS et de l’USS, ainsi que les calculateurs de salaire que ces derniers proposent en ligne.
La durée de la scolarité et moment du dépôt, le dépôt par l’employeur, le respect des conditions de rémunération et de travail, sont plutôt clairs. Le critère de la bonne intégration du requérant est par contre flou et laisse une importante marge d’appréciation à l’autorité cantonale en charge de l’examen du dossier.
Cette notion juridiquement indéterminée a fait couler beaucoup d’encre et la majorité de la doctrine est très critique envers le système qui laisse aux différentes autorités cantonales la tâche d’apprécier, selon leur propre jugement, si ce critère est rempli ou non. Les critères permettant de guider les autorités cantonales dans leur appréciation du degré d’intégration sont fixées à l’art. 4 OIE[157], il s’agit :
- du respect de l’ordre juridique ;
- du respect des valeurs de la Constitution fédérale ;
- de l’apprentissage de la langue parlée sur le lieu de domicile ;
- de la volonté de prendre part à la vie économique et d’acquérir une formation.
Selon les directives, ces critères peuvent être considérés comme remplis, compte tenu de l’exigence des cinq années de scolarisation « l’effet intégratif de la scolarisation doit être pris en considération ». Peut-on en conclure qu’il y a une présomption de bonne intégration dès lors que la condition des 5 ans de scolarité en Suisse est remplie ?
En ce qui concerne le respect de l’ordre juridique, en principe, le comportement de l’étranger depuis son arrivée en Suisse est déterminant. Toutefois, dans le cadre d’une demande selon 30a OASA, « le séjour illégal en Suisse ne saurait leur être reproché vu que les personnes concernées sont en règle générale entrées en Suisse pour y suivre leur parents ».
Cette condition prévoit que le requérant doit justifier de son identité au moment du dépôt de la demande. L’ODM justifie ce choix par le fait de créer un parallélisme avec la réglementation des autres cas de rigueur[158]. Comme le relève l’ODM, le dossier de demande d’autorisation de séjour, devra contenir le contrat d’apprentissage de la personne requérante, et par conséquent, son identité y figurera.
Selon les directives, concernant l’art. 31 al.2 OASA, cette condition est remplie si l’étranger produit des documents contenant des indications concernant son identité , exemple : documents de voyage, pièce d’identité, permis de conduire, acte de naissance, livret de famille, ou si « les indications fournies par le requérant au cours de la procédure relevant du droit des étrangers ou du droit d’asile sont vraisemblables et exemptes de contradictions et que le demandeur n’a utilisé aucun nom d’emprunt »[159].
Ce critère ne figurait pas dans le projet envoyé en consultation. Il a été introduit après la consultation. Il y a lieu de préciser que, certains milieux avaient relevés que l’identification de la personne présentait souvent un obstacle au dépôt de la demande et avaient demandé à ce que les demandes puissent être déposées de manière anonyme. D’autres avaient expressément demandé que figure dans la future disposition une règle similaire à celle de l’art. 31 al.2 OASA.
§2 : La régularisation des cas de rigueur
La réglementation des cas de rigueur s’applique principalement à trois catégories de personnes et les critères prévus à l’art. 31 OASA s’appliquent dans trois cas de figure. L’art. 31 OASA s’applique tout autant aux cas de rigueur relevant du domaine des étrangers tels que prévus aux articles 30 al.1 let.b, 50 al.1 let.b, 84 al.5 LEtr, qu’aux cas de rigueur relevant du domaine de l’asile prévus à l’article 14 al.2 LAsi.
Les personnes visées par l’art. 84 al.5 LEtr sont des personnes qui bénéficient d’une admission provisoire résidant en Suisse depuis cinq ans et dans l’attente d’une autorisation de séjour. Celles visées par l’art. 50 al. 1 let.b, sont les personnes qui, par mariage, possède un droit de séjour mais l’ont perdu pour dissolution du mariage[160].
Les personnes tombant sous le coup de l’art. 14 al. 2 LAsi (=les personnes titulaires d’un permis N, en attente de la décision d’asile. Mais aussi personnes qui ont reçu une décision de non entrée en matière et aux requérants d’asile déboutés, c’est-à-dire lorsque la décision de NEM est entrée en force.
Les personnes qui ne relèvent pas du domaine de l’asile et qui n’ont jamais possédé de titre de séjour ou qui ont perdu leur autorisation de séjour, c’est-à-dire les personnes qualifiées communément de sans-papiers. La CFM cite encore un dernier cas, plus rare, il s’agit des personnes qui ont grandi en Suisse, et ont perdu leur droit de séjour du fait d’avoir quitté la Suisse, et qui souhaiteraient à nouveau vivre en Suisse. Cette dernière catégorie relève de l’art. 30 al. 1 let. b, LEtr[161].
Un cas de rigueur suppose une situation telle qu’un retour dans au pays d’origine ne puisse être raisonnablement concevable. Il appartient à l’autorité d’examiner la situation du requérant au vue des critères énoncés à l’art. 31 al. 1 let. a à g OASA et au regard de l’ensemble des circonstances du cas.
L’art.3l OASA contient de nombreuses notions juridiques indéterminées reprises par les Directives de l’ODM[162]. Le premier critère est l’intégration du requérant. Le requérant doit faire preuve d’un ancrage socio-professionnel solide.
Le second critère relève du respect de l’ordre juridique suisse par le requérant. Aux termes des Directives ODM, le requérant ne doit pas avoir Porté atteinte à l’ordre public par la violation grave ou répétée de prescriptions légales. Le requérant ne doit pas avoir fait l’objet, ni de condamnations pénales, ni accusé de non-respect d’obligations de droit privé ou de droit public, telles que le devoir de s’acquitter de ses impôts[163].
Le troisième critère concerne la situation familiale du requérant. Il est tenu compte de la situation familiale en général. Le fait, pour une personne, d’avoir séjourné en suisse durant l’adolescence est, en principe, considéré comme un indice d’une intégration poussée. Le quatrième critère se penche sur la situation financière du requérant, sa volonté de prendre part à la vie économique et d’acquérir une formation.
L’art. 31 al. 5 OASA tient compte de la situation d’un requérant qui « n’a pu, jusqu’à présent, exercer une activité lucrative en raison de son âge, de son état de santé ou d’une interdiction de travailler en vertu de l’art. 43 LAsi ». Un étranger qui touche des prestations d’assistance a moins de chance de bénéficier des dispositions de l’art 31[164].
Le cinquième critère est la durée de la présence en Suisse. Les Directives précisent, que « l’obligation de quitter la suisse après un long séjour ne crée pas, à elle seule, une situation de rigueur particulière. un séjour prolongé lest, d’ailleurs, d’aucun secours pour le requérant qui a rendu l’exécution de son renvoi impossible en refusant de collaborer avec les autorités »[165].
D’autres dispositions de la LEtr et de la LAsi imposent une durée de séjour de cinq ans. L’art. 14 al. 2 LAsi conditionne le dépôt d’une demande d’autorisation pour cas de rigueur d’une présence de cinq ans en Suisse. L’art. 85 al.5 LEtr énonce la même condition quant aux personnes admises à titre provisoires.
Le sixième critère concerne l’état de santé o du requérant. Un cas de rigueur peut être reconnu à une personne qui souffre d’une atteinte grave à la santé, qui nécessite des soins médicaux qu’il ne peut obtenir dans son pays d’origine.
Le dernier critère concerne les possibilités de réintégration dans l’Etat de provenance. Il revient à l’autorité d’examiner si le requérant peut se réinsérer dans la société du pays d’origine, en tenant compte notamment de l’âge de la personne lors de son entrée en Suisse, des relations que le requérant a conservées avec son pays, des possibilités de réintégration professionnelle, et en général des conditions de vie dans le pays d’origine.
La jurisprudence réaffirme le caractère exceptionnel que doivent revêtir les cas de rigueur. Les conditions doivent être appréciées de manière restrictive[166]. La reconnaissance d’un cas de rigueur suppose que :
« Il est nécessaire que l’étranger concerné se trouve dans une situation de détresse personnelle. Cela signifie que ses conditions de vie et d’existence, comparées à celles applicables à la moyenne des étrangers, doivent être mises en cause de manière accrue, c’est-à-dire que le refus de soustraire l’intéressé aux restrictions des nombres maximums comporte pour lui de graves conséquences. Lors de l’appréciation du cas d’extrême gravité, il y a lieu de tenir compte de l’ensemble des circonstances du cas particulier. La reconnaissance d’un tel cas n’implique pas forcément que la Présence de l’étranger en Suisse constitue l’unique moyen pour échapper à une situation de détresse. D’un autre côté, le fait que l’étranger ait séjourné en Suisse pendant une assez longue période, qu’il s’y soit bien intéressé socialement et professionnellement et que son comportement n’ait pas fait l’objet de plaintes ne suffit pas, à lui seul, à constituer un cas d’extrême gravité; il faut encore que sa relation avec la Suisse soit si étroite qu’on ne puisse exiger qu’il aille vivre dans un autre Pays, notamment dans son Pays d’origine »[167].
Les adultes ont dès lors moins de chance de se voir reconnaitre un cas de rigueur. Par contre, les enfants qui ont passé leur adolescence ont plus de chance de voir aboutir leur demande. En effet, une scolarisation en Suisse constitue un facteur d’intégration aux termes de la loi Suisse. Par ailleurs, un éventuel retour au pays d’origine d’un enfant risque de compromettre son avenir, sa famille s’étant exilé de son pays d’origine, l’enfant n’a aucune attache dans son pays.
Dès lors, un jeune, bien qu’il soit sans papier, avec sa présence en Suisse depuis une certaine période, son insertion en Suisse, notamment par sa scolarisation, peut prétendre à bénéficier de critères d’un cas de rigueur. Il peut prétendre à une autorisation de séjour, pouvant ainsi espérer pouvoir entamer une formation initiale, même sous la forme duale.
Conclusion générale
Jusqu’au début des années 1980, les enfants des immigrants sans papier n’avaient pas la possibilité d’accéder à l’enseignement en Suisse. Après plusieurs années de lutte, la situation de ces jeunes migrants s’est nettement améliorée. En effet, depuis les années 1980, la Suisse a rendu obligatoire l’enseignement du premier et second degré. Les enfants, quelle que soit leurs origines, en situation régulière ou non, peuvent dorénavant poursuivre un parcours scolaire.
Tous n’ont pas la possibilité de poursuivre un enseignement académique, voir un cursus universitaire. Dans ce cas, une filière professionnelle s’ouvre pour eux, une formation professionnelle qui prépare les jeunes à la vie active. D’ailleurs, l’ouverture d’une formation professionnelle en Suisse lui a permis de diminuer de façon ostensible le taux de chômage. En effet, la Suisse présente aujourd’hui un taux des plus bas, et ce grâce à la formation professionnelle et à une main d’œuvre qualifiée répondant à l’économie suisse basée sur le service.
Les jeunes ont ainsi la possibilité d’opter pour une formation professionnelle dès le second degré, la formation professionnelle initiale. Cette formation peut être effectuée en école. Dns ce cas, l’établissement forme les jeunes au sein de l’école sous une forme plus théorique. Mais pour davantage de pratique, la formation initiale peut également être effectuée en entreprise, sous forme de stage, en parallèle avec la formation en école.
Bien que les jeunes migrants sans papier aient accès à la formation professionnelle initiale, la forma duale, en école et en entreprise, leur présente une difficulté. En effet, les stages en entreprises sont considérés par le système suisse comme une activité lucrative qui nécessite une régularisation, l’obtention d’un titre de séjour et d’une autorisation de travail.
C’est sans doute ici que la situation des jeunes sans papier se complique. En tant que sans papiers, ces derniers ont peu de chance, voire pas du tout, d’obtenir une régularisation et une autorisation de travail. La législation sur l’immigration suisse, inflexible sur la question pendant des années, n’hésite pas à condamner les migrants sans papiers travaillant sans autorisation, qualifié de travail au noir.
Pourtant, nombreuses ont été les initiatives afin de permettre aux jeunes migrants d’accéder à la formation professionnelle duale. L’union des Villes suisses ont été des premiers à militer pour donner leur place aux jeunes migrants sans papier, n’hésitant pas à les recruter en tant qu’apprentis au sein de l’administration. La motion Barthasaat a été sans doute l’une des initiatives qui ont entendu faire progresser la législation suisse vers cet objectif.
Pourtant, loin de passer comme une lettre à la poste, la motion a été à maintes reprises déboutée. Certains politiques, notamment des sénateurs, refusent d’accepter et de reconnaitre l’accessibilité des jeunes migrants à la formation duale, n’hésitant pas de parler de reconnaissance de l’illégalité ou de sa régularisation.
Initiées en 2008, les diverses motions pour un assouplissement de la législation suisse n’ont abouti, et que partiellement, en 2013 avec l’adoption de nouveaux articles OASA permettant de faire reconnaitre un cas de rigueur aux situations de ces jeunes sans papier. Sous certaines conditions, les jeunes migrants peuvent ainsi obtenir une reconnaissance administrative de leur situation en tant que cas de rigueur. Ces conditions ne sont pourtant pas moindres. En effet, le jeune doit avoir effectué un minimum de cursus scolaire en Suisse avant de pouvoir bénéficier du cas de rigueur. Le requérant doit faire preuve d’une intégration dans la Société suisse.
Bien qu’améliorant les chances pour les jeunes migrants d’accéder à l’apprentissage, l’adoption de nouvelles dispositions relatives aux cas de rigueur n’a eu que peu d’effet jusqu’à maintenant. En effet, le cas de rigueur reste avant tout une situation d’exception. Le système n’entend pas généraliser les cas de rigueur. Les requérants devront faire la preuve de leur état de forte détresse pour bénéficier de ces dispositions. Les conditions actuelles restent encore trop rigides et n’offrent qu’une possibilité théorique aux jeunes migrants.
Une solution alternative résiderait sans doute dans la considération de l’apprentissage. Intégré dans un processus éducatif, la formation en entreprise dans la formation ne devrait tout simplement pas être considérée comme une activité lucrative. Permettre ainsi aux jeunes migrants de poursuivre leur éducation avec la formation duale ne devrait pas avoir pour conséquence une régularisation de l’illégalité de ces jeunes. En effet, leur connaitre ce droit n’emporterait pas automatiquement une régularisation obligatoire de leur situation, bien qu’il s’agit là également d’une volonté d’intégrer l’ordre juridique suisse de façon honorable. Quoi qu’il en soit, les efforts entrepris depuis quelques années ont pu ouvrir une brèche dans le système suisse. Avec patience, la situation de ces jeunes migrants sans papier est appelée à s’améliorer, et permettre une meilleure destinée que celle de leurs parents.
[1] CDESC, Observation générale N’13, 5 1, « L’éducation est à la fois un droit fondamental en soi et une des clefs de l’exercice des autres droits inhérents à la personne humaine. En tant que droit qui concourt à l’autonomisation de l’individu, l’éducation est le principal outil qui permette à des adultes et à des enfants économiquement et socialement marginalisés de sortir de la pauvreté et de se procurer le moyen de participer pleinement à la vie de leur communauté »
[2] Art. 11 al.1 Cst
[3] Art. 62 al.2 Cst : « Les cantons pourvoient à un enseignement de base suffisant ouvert à tous les enfants. Cet enseignement est obligatoire et placé sous la direction ou la surveillance des autorités publiques. Il est gratuit dans les écoles publiques. »
[4] CDIP
[5] Rapport sur la migration illégale, p.30
[6] ODM, problèmes d’intégration, p.33.
[7] 2e, 3e, 4e rapports du Gouvernement suisse sur la mise en œuvre de la CDE, p.107.
[8] Art.12 du Règlement concernant les conditions d’admission, d’orientation, de promotion et de passage dans les années 8 à 11 de la scolarité obligatoire. RSN 410.515.1
[9] PNR-51, Pourquoi les entreprises formatrices hésitent-elles à engager des jeunes étrangers ?
[10] Voir les articles 11 al. 2 LEtr et l a al. 2 OASA
[11] Articles 117 et 122 LEtr ; art 87 LAVS
[12] Une motion demandant au Conseil fédéral de mettre en œuvre un mode d’accès à l’apprentissage pour les jeunes sans statut légal ayant effectué leur scolarité en Suisse, déposé par l’ancien conseiller national Luc Barthassat, a été acceptée par le Conseil national, le 3 mars 2010.
[13] Voir Le Courrier La Liberté • jeudi 27 novembre 2014, p7
[14] Id, « Que se passera-t-il après l’apprentissage pour ces jeunes » dixit le Sénateur UDC Peter Föhn
[15] Voir CREMER, Das Recht auf Bildung fúr Kinder ohne Papiere, p.8
[16] OFS, Elèves et étudiants selon le degré et le type de formation, évolution
[17] CSRE, Rapport sur l’éducation en Suisse, 2010, p. 18
[18] CSRE, Rapport sur l’éducation en Suisse, 2010, p. 18 ; SEFRI, faits et données chiffrées, p. 14.
[19] CSRE, Rapport sur l’éducation en Suisse, 2010, p. 18., selon ce rapport, « il importe de consentir de plus gros efforts pour que les élèves étrangers arrivés en Suisse après leur naissance et n’ayant parfois suivi que quelques années de scolarité obligatoire dans notre pays puissent également obtenir un diplôme du secondaire II. Mener cette tâche à bien constitue un défi aussi bien pour la politique d’éducation que pour la politique d’intégration »
[20] Art. 2 al.2 LFPr
[21] Art. 62 al.1 Cst
[22] Art. 62 al.2 Cst, Aubert Jean-Francois/ Mahon Pascal, Petit commentaire de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999, Zürich, Bâle, Genève 2003, p.177.
[23] Art. 12 LFPr et 7 OFPr
[24] SEFRI, faits et données chiffrées, p.13.
[25] Art. 17 al.3 LFPr
[26] Art. 17 al.2 LFPr
[27] Art. 25 LFPr
[28] Departement De La Formation De La Jeunesse Et De La Culture Direction Generale De L’enseignement Postobligatoire Du Canton De Vaud, Le guide de l’apprentissage, Lausanne 2013, p.46.
[29] Art.16al.2 let.a LEtr, 6 let.a OASA
[30] Art.11 al.2 LEtr et 1a al.2 OASA
[31] http://www.ne.ch/autorites/DEF/SFPO/formations/Pages/Formation-professionnelle-initiale.aspx (04.01.14)
[32] RSV 412.11.
[33] RSN 410.131.
[34] Art. 26 ss LFPr
[35] Art. 2 al.1 in fine et 2 al.2 LFPr
[36] Art. 27 let. a LFPr
[37] Art. 27 let b. LFPr
[38] Art. 28 al.1 et 29 al.1 LFPr
[39] Art. 11 al.2 LEtr et art 1a al.2 OASA
[40] RO 2003 4582 s. Annexe, art. 72 LFPr
[41] FF 1977 I 697, p.763
[42] http://www.ne.ch/autorites/DEF/SFPO/formations/Pages/Formation-professionnelle-initiale.aspx (04.01.14)
[43] FF 1977 I 697, p. 763.
[44] Voir Dommann Franz, Le droit de la formation professionnelle à l’usage des praticiens, Berne 2011, p. 86
[45] Vaud, guide apprentissage, p. 30.
[46] Art 5 let.e al.5 Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale
[47] Mahon, Abrégé II, p. 33.
[48] Nations unies, p.27
[49]Id
[50] Mahon, Abrégé I, p. 179-181.
[51] Auer Andreas/ Malinverni Giorgio/ Hottelier Michel, Droit constitutionnel suisse, Berne 2013, p.25.
[52] Petry Roswitha, La situation juridique des migrants sans statut légal entre droit international des droits de l’homme et droit suisse des migrations, Zürich, 2013, p.275.
[53] Id, p.276.
[54] Conseil d’Etat : réponse interpellation Ducommun, p.2. ; Actes des Assises, p.11.
[55] Actes des Assises, p.11.
[56] CFM Evolution, p.66.
[57] Auer/Malinverni/Hottelier, op cit, p. 697-698.
[58] Auer/Malinverni/Hottelier op cit, p.683 ;
[59] Mahon, Abrégé II op cit, p. 22.
[60] Art 63, al2 Cst
[61] Message, LFPr, p. 5285
[62] SEFRI, faits et données chiffrées 2013, p.3
[63] http://www.ne.ch/autorites/DEF/SFPO/formations/Pages/Formation-professionnelle-initiale.aspx (04.01.14)
[64] Message LFPr, p. 5270
[65] Art. 14 al.2 LFPr
[66] Art. 14 al.3 LFPr
[67] A Neuchâtel par exemple, il s’agit du service des formations post-obligatoires et de l’orientation (SFPO)
[68] Les deux autres contrats de travail à caractère spécial sont le contrat d’engagement des voyageurs de commerce (art. 347 à 350a CO et LFCI ) et le contrat de travail à domicile (art. 351 à 354 CO et LTrD).
[69] Art. 344 al. 1 CO
[70] Art. 319 CO
[71] Art. 344 CO
[72] Art. 14 al.3 LFPr
[73] Art. 8 al.5 OFPr
[74] Art. 8 al.6 OFPr
[75] Art. 327a CO
[76] Art. 321 à 321e CO
[77] Notamment la CEDH, les GATS
[78] Arrêt TF 2C_546/2010 du 30 novembre 2010, consid. 5.2.3.
[79] Art. 2 al.2 LEtr
[80] Art. 2 al.3 LEtr
[81] CEDH, Emre c/ Suisse, du 22 mai 2008
[82] Nguyen, p.66.
[83] Pacte I : RS 0.103.1 ; Pacte II : RS 0.103.2.
[84] RS 0.101.
[85] RS 0.104.
[86] RS 0.108.
[87] RS 0.105.
[88] RS 0.107
[89] Wisard Nicolas, Les droits des sans-papiers, in : Tsantsa 2001/6p.149
[90]Art. 64 al.1 LEtr
[91] L’art.64 al.4 LEtr prévoit toutefois qu’une personne de confiance représente les intérêts des mineurs non accompagné durant la procédure de renvoi.
[92] Marguerat Sylvie/Nguyen Minh Son/Zermatten Jean, La loi sur les étrangers et la loi sur l’asile révisée à la lumière de la convention relative aux droits de l’enfant : exposé analytique de la conformité des nouvelles lois fédérales avec la Convention internationale des droits de l’enfant, Berne, 2006p.44
[93] TAF, C-5925/2007 & C-6040/2007, consid.4.2
[94] Art. 11 al.1 LEtr
[95] Art. 122 LEtr
[96] Art. 116 et 117 LEtr
[97] Pour les exceptions, art 14 LEtr et 14 OASA
[98] Nguyen, support de cours droit des migrations 2010-2011, p. 1-2
[99] Ibidem.
[100] Art. 32 LEtr
[101] Art. 33 LEtr
[102] Art. 35 LEtr
[103] Nguyen op cit, p. 175-176
[104] Art. 11 al. 2 LEtr
[105] Art. 1a, al 1 OASA
[106] Art. 1a, al 2 OASA
[107] Directives ODM I, version du 25 octobre 2013, ch.4.3., p. 89, art. 18 et 19 LEtr
[108] Art. 20 LEtr
[109] Art. 21 LEtr
[110] Art. 22 et 24 LEtr
[111] Art. 23 LEtr
[112] Directives ODM I, version du 25 octobre 2013, p.90, ch.4.3.3.
[113] Art. 20 LEtr, art. 19 et 20 OASA
[114] Directives ODM I, version du 25 octobre 2013, ch.4.1.1., p.84.
[115] Directives ODM I, version du 25 octobre 2013, ch.4.1.1., p.84.
[116] CDAP-VD PE.2009.0627, s’agissant d’un ressortissant du cap vert
[117] Art. 116 LEtr « Quiconque procure à un étranger une activité lucrative alors qu’il n’est pas titulaire de l’autorisation requise est puni d’un emprisonnement d’un an au plus et/ou d’une peine pécuniaire »
[118] Milena Chimienti, Denise Efiyonai-Mäder, La répression du travail clandestin à Genève, Rapport de recherche 27/2003
[119] Art. 117 LEtr
[120] Art. 112 LEtr
[121] Art. 13 LTN
[122] UVS Rapport, p.15.
[123] Préavis n°2005/16
[124] Respectivement le 27 avril 2010 et le 1er juin 2010
[125] Rapport-préavis n°2010/9
[126] L’exécutif de la municipalité est composé de 7 membres
[127] Le législatif = l’organe délibérant de la ville de Lausanne, composé de 100 membres élus pour 5 ans
[128] Voir notamment Wintsch, Flúchtlingskinder und Bildung, p.193 et ss.
[129] Voir Barthassat motion apprentissage
[130] ODM, Commentaire OASA, p. 6 ; Dobler, p.43.
[131] Art. 29 OASA
[132] Art. 30 OASA
[133] ODM, Commentaire OASA, p.6.
[134] Art. 20 LETr, art.19 et 20 OASA
[135] Art. 21 LEtr
[136] Art. 22 LEtr
[137] ODM Commentaire OASA, p.6
[138] Union Des Villes Suisses, Accès à l’apprentissage pour les jeunes sans statut légal en Su¡sse, p. 1 1 ss
[139] Id, p. 11
[140] Anciennement Commission fédérale des étrangers, CFE
[141] 17.02.2010 : réponse du Conseil fédéral à la motion 09.4236
[142] Initiative 10.325
[143] Initiative 10.330
[144] UVS Rapport, p. 11-12.
[145] Rapport de la commission des institutions politiques du Conseil des Etats du 30.08.2010
[146] Communiqué de presse CIP-N, du 22.10.2010 ; rapport de la commission des institutions politiques du 18 novembre 2010
[147] Motion 10.4043
[148] RO 2012 7267
[149] CFM guide
[150] Dobler Sandra, Les droits de l’enfant en Suisse : Quelques thèmes choisis, en particulier la prostitution des mineurs et la formation des sans-papiers, Neuchâtel 2013, p. 43.
[151] Directives ODM I, version du 25 octobre 2013, ch.5.6.5.2, p.230-231 ; ODM Commentaire OASA, p.7.
[152] Art.30a al.1 let a in fine OASA
[153] Art. 30a al.1 let. a
[154] Art. 62 al.1 Cst
[155] Art. 21, 24 LOS
[156] Directives ODM I, version du 25 octobre 2013, p.90, ch.4.3.3.
[157] RS 142.205.
[158] Art. 31 al.2 OASA
[159] Directives ODM I, version du 25 octobre 2013, p.230, ch.5.6.4.8.
[160] Mariage ayant duré moins de 3mois
[161] CFM 2011, p.89.
[162] Direct¡ves ODlvl l, po¡nt 5.6’4
[163] Spescha./Kerland/Bolzli, Handbuch zum Migrationsrecht, p 204
[164] TAF C-290/2006 du 1 5 juin 2OOg, c.3.2.4
[165] Amstutz, Das Grundrecht auf Existenzsicherung, p. 352
[166] ATAF 20071’16 du 1er juin 2007, c. 5.2.
[167] ATAF 2007/16, c. 5.2 ; ATAF 2OO7t45, c.4.2 ou encore arrêt du TAF C-326312OO9 du 12 janvier 201 0, c. 6.2
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