L’ACCOMPAGNEMENT ET LA PRISE EN CHARGE DE LA SOUFFRANCE D’UN PATIENT TETRAPLEGIQUE
Table des matières
2.3. Question de départ provisoire. 6
5.1.2. Etiologie de la tétraplégie. 7
5.2. Les conséquences du handicap. 8
5.2.1. Les conséquences sur le plan physique. 8
5.2.2. Les conséquences sur le plan psychologique. 9
5.3. La relation soignant-soigné. 9
8.1. Présentation de l’échantillon. 17
8.2. Choix de la méthode utilisée. 17
8.3.1. Analyse thématique des questionnaires. 18
8.3.2. Synthèse de l’analyse. 22
L’ACCOMPAGNEMENT ET LA PRISE EN CHARGE DE LA SOUFFRANCE D’UN PATIENT TETRAPLEGIQUE
1. Introduction
A la troisième année de la formation en soins infirmiers, il est demandé aux étudiants d’effectuer un travail de recherche écrit. A l’issue de mon sixième semestre, je choisis de présenter un travail portant sur l’accompagnement et la prise en charge de la souffrance d’un patient tétraplégique. En effet, avant même que je ne sois passée en formation pratique, la prise en charge d’un patient handicapé m’a semblé un thème intéressant à aborder car la tétraplégique peut concerner tous les âges. En tant que future professionnelle, je suis amenée à accompagner les patients dans leur souffrance aussi bien physique que morale. Cependant, force est de constater qu’il s’agit d’une tâche complexe. A travers mes lectures et mes recherches documentaires, j’ai pu constater que, certes de nombreux travaux ont été menés sur cette prise en charge de la souffrance, mais j’ai constaté qu’il reste encore des pistes intéressantes à explorer.
La souffrance est très présente en milieu de soin et elle constitue souvent une entrave à la prise en charge du patient, celui-ci pouvant se trouver dans différents états de nervosité, voire de dépression. Depuis déjà plusieurs années, l’accompagnement des patients polyhandicapés reste difficile, et plus encore quand le patient a vécu avec toutes sa motricité avant. Non seulement le soignant doit effectuer les gestes techniques visant à améliorer ses conditions de vie, mais il doit aussi prendre soin du côté psychique et émotionnel du patient.
Comme chaque personne accepte de manière plus ou moins différente sa perte d’autonomie et son handicap, suite à une vie « normale », les difficultés auxquelles font face les soignants ne sont pas toutes les mêmes d’un patient à un autre. Il peut alors se créer des problèmes d’ordre éthique et moral. C’est pour cette raison qu’il est essentiel de bien chercher à comprendre la problématique correspondante.
Mon travail s’articulera en différentes parties. Après la présentation de la situation d’appel et de la question de départ provisoire, puis de la question de départ définitive, je développerai le cadre conceptuel, puis la partie empirique.
2. Du constat à la question de départ
2.1. Situation de départ
Lors de ma deuxième année à l’Institut de formation en soins infirmiers (Ifsi), j’ai réalisé un stage dans une maison d’accueil spécialisée (M.A.S).
Cette M.A.S reçoit des patients polyhandicapés, c’est-à-dire des personnes atteintes d’handicap mental et/ ou physique.
Un matin de ma seconde semaine de stage aux alentours de 9h, l’infirmière (âgée de 43 ans et travaillant dans la M.A.S depuis 3 ans) me demande d’effectuer la toilette et de lever dans son fauteuil roulant un patient, monsieur R.
N’ayant jamais pris en charge ce patient, je consulte son dossier médical afin de connaitre rapidement ses besoins.
Monsieur « R » a 41 ans, mesure 1,73m et pèse 88kg. Il a vécu en couple avant sa maladie et il n’a pas d’enfant. Il était archiviste et avait comme loisir la pêche, la musique et la musculation.
Monsieur « R » a présenté il y a 2 ans une myélopathie cervico-arthrosique et a été opéré à 2 reprises d’une laminectomie sans résultat probant. La dernière opération date de 3 mois.
Sa pathologie s’est compliquée : tétraparésie spastique sévère. En définitive, le patient est tétraplégique avec une légère motricité du cou et de l’avant bras droit (le patient est gaucher). Donc, il est dépendant pour tous les actes de la vie quotidienne. Monsieur « R » est mis sous anti-dépresseurs.
Une fois dans la chambre du patient après les présentations d’usage, je lui demande s’il veut bien que je lui fasse sa toilette et que je le lève. Il me répondait en ces termes : « Si cela peut vous faire plaisir ». Ces propos m’on un peu interpellé, de par sa façon de le dire (présence d’un soupir dans sa voix), ainsi que par ses expressions non verbales. En effet, il ne me regardait plus mais avait les yeux dans le vague. L’attitude du patient m’a laissé penser qu’il ressentait une lassitude dans les soins.
Par contre il m’a demandé que cela se fasse en mettant de la musique. Par le biais de la musique, j’ai essayé d’engager la conversation pour que le soin soit plus confortable et ainsi établir un début dans la relation de confiance soignant-soigné.
Je lui ai demandé s’il écoute souvent de la musique et quel genre de musique il aime. Je lui ai aussi demandé quel groupe il aime, s’il a vu leurs concerts ; quels instruments il préfère.
A toutes mes questions monsieur « R » me répondait. Il était calme et prenait de plus en plus part à la conversation. L’échange se passait relativement bien pour un premier contact.
Il me confiait qu’avant il jouait de la guitare. Et puis un silence s’est installé. J’ai senti comme un malaise car son visage s’est contracté et d’un coup, la colère a surgi avec des propos négatifs et agressifs.
« Je ne pourrai plus jouer de guitare ».
« Je ne peux plus rien faire seul ».
« Pourquoi moi ».
« Il faut même qu’on me donne à manger ».
« Je n’en peux plus, je veux que cela s’arrête ».
« Et en plus je n’aime pas cet endroit : il n’y a que des handicapés ».
« Ma vie est foutue ».
Tous ces propos ce sont entrecoupés de pause, de silence qui m’a déstabilisé. Je ne savais pas s’il fallait que je l’écoute ou que je lui parle. Et s’il a fallu que je lui réponde, qu’aurais-je dû lui dire. Mon incapacité à ne pas savoir lui répondre a fait naître chez moi un malaise.
Maladroitement je lui demande s’il veut que l’on en parle. Il me répond que de toute façon je ne pourrai rien y faire et dit de le laisser tranquille une fois le soin terminé.
Au cours de mes stages, j’ai pu constater un lien entre le handicap et la souffrance psychique, comme chez les personnes ayant subies une amputation. Cette douleur morale est très présente également dans les maladies chroniques invalidantes telle la sclérose en plaque. La situation de monsieur « R » n’est donc pas un cas isolé, au contraire le deuil est indissociable du handicap.
2.2. Questionnement
Cette situation de soin m’a interpelé car, lors de mon stage, c’était la première fois qu’un patient me verbalise autant son mal-être. La colère de ce monsieur, en réponse à son handicap, m’a mis mal à l’aise. Certes cette colère n’était pas retournée contre moi, mais le fait de ne pas savoir dire ou faire quelque chose pour diminuer sa peine m’a contrarié. J’ai ressenti cette situation comme un échec dans la prise en charge globale du patient. Je me suis alors posé plusieurs questions.
- Qu’est-ce que la tétraparésie spastique ?
On peut définir la tétraparésie spastique ou spasmodique comme une paralysie due à une lésion chronique de la voie pyramidale cortico-spinale, caractérisée par la présence d’une spasticité, d’une exagération des reflexes ostèo-tendineux et habituellement d’un signe de Babinski (Dictionnaire médicale 6ème édition, édition Elsevier Masson)
La tétraparésie spastique de monsieur « R » est suffisamment grave pour qu’on puisse la qualifié de tétraplégie.
La tétraplégie est une paralysie des quatre membres, le plus souvent due à une section de la moelle épinière au moment d’une fracture ou d’une luxation-fracture du rachis cervicale. (Dictionnaire de médecine, Flammarion 8ème édition (2008).
Ensuite, je me suis penché sur la réaction de monsieur « R » lors du soin.
- Pourquoi ce patient était t-il en colère ?
La colère est un état affectif violent et passager, résultant du sentiment d’une agression, d’un désagrément, traduisant un vif mécontentement et accompagné de réactions brutales (Dictionnaire Larousse) Définition de la colère :
Selon Elizabeth Kübler-Ross, la colère est une étape du deuil. Cette phase du deuil est définie par un sentiment de colère du à la perte. A cela peut s’ajouter un sentiment de culpabilité et de questionnement « Pourquoi moi ?»
A partir des recherches je peux en déduire que la colère de monsieur « R » est dite normal. Il doit passer par cette étape de deuil pour qu’il puisse accepter sa condition.
A partir de la verbalisation de monsieur « R » sur son aversion de la M.A.S, je me suis interrogé si :
- Le lieu de soins a-t-il une influence sur l’état psychologique du patient ?
Selon Maudy Piot la vie en institution pour les personnes handicapées peut être source de perte de l’estime de soi. (Livre handicap, estime de soi regards des autres)
Dans ma situation, le patient a des difficultés avec cet endroit, et cela est dû en parti avec la présence des autres résidents de la structure. En effet d’après ces dires « il n’y a que des handicapés », je peux supposer que le fait d’être en relation avec des personnes ayant un handicape lui reflète constamment sa propre condition.
Cela peut être du aussi au fait des habitudes des foyers médicaliser ou tout est « protocoler » de la toilette à l’heure de manger, sa peut être une raison dans la lassitude du patient.
Le fait de perdre son habitation et sa méthode de vie influence aussi son état psychologique.
- Qu’est ce que l’estime de soi
La théorie de l’estime de soi développée par James Noley peut être traduite dans le rapport entre ce que nous sommes en tant qu’individu (apparence physique, réussite sociale) et ce nous souhaiterions être[1]. L’estime de soi se construit dès l’enfance et continue à se développer toute la vie. Or suite à un handicap, l’image de soi ne correspond plus à ce qu’il était, ce qui entraine chez lui des difficultés d’acceptation de son image, voire un refus.
- Que peut-on faire pour éviter la perte de l’estime de soi du patient dans les institutions soignantes ?
Comme le dit Maudy Piot En fonction de la qualité de l’accueil et de l’accompagnement au sein de l’institution cette estime de soi sera soit renforcée soit au contraire malmené.
En tant qu’infirmier on doit pouvoir faire en sorte d’accompagnée le patient afin de l’aider dans l’acceptation de soi, de son handicap et donc de sa nouvelle image corporelle.
A partir de cette ébauche de questionnement je suis arrivé à une question de départ provisoire
2.3. Question de départ provisoire
Comment un soignant peut-il accompagner un patient d’une quarantaine d’années atteint de tétraparésie spastique sévère et en perte d’estime de soi pour accepter sa maladie et vivre avec ?
3. Exploration
Pour permettre la réalisation de se dossier je me devais de m’informer sur le sujet. A partir de livres, d’articles, de revues et de sites internet, j’ai pu acquérir quelques connaissances relatives au thème de mon travail. Pour compléter ces connaissances, je me suis renseigné auprès d’une psychologue travaillant dans un centre médico-psychologique hors-région. J’ai pu noter de mes recherches que le deuil de sa vie d’avant est une étape que doit franchir un patient atteint d’une tétraparésie. Cependant, ce passage est toujours redouté et difficilement accepté par les malades.
Après avoir longuement discuté avec la psychologue, et à partir de mes lectures, il me semble que plusieurs points de ma question de départ doivent être changés.
Dans l’esprit collectif, le deuil fait référence à la perte de quelqu’un, d’un être proche.
Etymologiquement, le mot deuil vient du latin « dolus » qui veut dire douleur. Dans le cas de l’handicap le deuil est utilisé pour souligner la perte du corps, de l’identité et de la vie sociale. D’après les psychanalystes Laplanche et Pontalis « le travail du deuil est un processus intra-psychique consécutif à la perte d’un objet d’attachement, et par lequel le sujet réussit progressivement à se détacher de celui-ci »[2].
4. Question de départ définitive
Comment l’infirmier en maison d’accueil spécialisé peut-il accompagner mais aussi soulager la souffrance psychique d’un patient atteint récemment d’handicap physique comme la tétraplégie ?
5. Phase conceptuelle
5.1. La tétraplégie
La tétraplégie est une maladie qui touche de plus en plus de personnes. Les causes en sont nombreuses. Afin d’éclaircir mon sujet, je choisis de parler de cette pathologie dans cette section.
5.1.1. Définition
La tétraplégie est une « paralysie des quatre membres causée généralement par une lésion de la moelle épinière au niveau des vertèbres cervicales, entre C1 et C7. Elle est presque toujours accompagnée de troubles vésico-sphinctériens »[3]. C’est une maladie due à la lésion partielle ou totale de la moelle épinière. La lésion au niveau cervical empêche la transmission de l’information nerveuse d’arriver jusqu’aux jambes et aux bras.
Cette définition nous permet déjà d’avoir un aperçu sur la maladie et d’avoir une première approche des conséquences sur la vie de la personne qui en est atteinte. Ainsi, il serait intéressant de parler des principales causes de la tétraplégie.
5.1.2. Etiologie de la tétraplégie
Comme je l’ai déjà mentionné dans la définition, la tétraplégie intervient suite à une lésion de la moelle épinière. Les causes de cette lésion sont multiples :
– une fracture de la partie supérieure de la colonne vertébrale
– une infection
– la maladie de Ghilain-Barré (maladie auto-immune inflammatoire du système nerveux périphérique[4])
– le diabète
– certains cas de cancer.
Si telles sont les principales causes de la maladie, il serait mieux de voir quelques données statistiques afin de connaitre la prévalence de la tétraplégie.
5.1.3. Epidémiologie
L’épidémiologie de cette maladie reste encore méconnue. Cependant, quelques travaux ne mentionnent la répartition épidémiologique, notamment celle des causes traumatiques.
« L’âge moyen des paraplégiques blessés sont :
– dans les accidents de la route : 28/29 ans
– dans les accidents du travail : 37 ans
– dans les accidents de la vie privée : 32 ans
– dans les accidents de plongeon : 18/19 ans »[5].
Par ailleurs, la fréquence selon le sexe montre que la proportion d’homme est nettement plus élevée que celles des femmes. D’une manière générale, on a 20% de femmes et 80% d’hommes.
5.2. Les conséquences du handicap
Il faut reconnaitre que la tétraplégie est une maladie qui a des conséquences lourdes auprès des personnes qui en sont atteintes.
5.2.1. Les conséquences sur le plan physique
Sur le plan physique, les conséquences de la tétraplégie sont lourdes. En effet, quand la moelle épinière cervicale a perdu ses fonctionnalités, il n’y a plus de transition des commandes motrices et sensitives. Il n’y a donc plus contraction des muscles de façon volontaire et la sensibilité n’est plus perceptible. Mais en plus il y a aussi des troubles de la miction et de la défécation en raison d’un dysfonctionnement des organes.
- Les troubles de la miction
D’abord, il est nécessaire de préciser que la vessie est un organe dont les muscles (sphincters) en assurent l’ouverture et la fermeture. Cependant, après une atteinte de la moelle épinière, deux types de complications peuvent survenir : la dysurie (difficulté à vider la vessie de l’urine) et l’incontinence (incapacité à retenir l’urine). Ce trouble est très fréquent chez les patients atteints de tétraplégie.
- Les mouvements spastiques involontaires
Des mouvements involontaires des membres peuvent avoir lieu après une tétraplégie. Ces mouvements surviennent suite à des contractures musculaires et sont parfois douloureuses.
- La déficience respiratoire
La déficience est une des conséquences de la tétraplégie sur le plan physique. Quand la moelle cervicale est atteinte, les nerfs cervicaux le sont aussi et les nerfs thoraciques perdent alors leur fonctionnalité. Par conséquent, l’atteinte respiratoire est constante.
- Les troubles sexuels
Les troubles sexuels sont une conséquence inévitable de la tétraplégie. D’abord, il est à noter que chez l’homme, l’érection et l’éjaculation dépendent fortement du système nerveux. Ces phénomènes physiologiques se font sous contrôle de centres médullaires et trois types de voies. Le parasympathique sacré constitue le nerf moteur principal de l’érection. Lors de l’éjaculation, le nerf hypogastrique intervient lors de la contraction des vésicules séminales, de la prostate, des ampoules déférentielles et de la fermeture du col de la vessie, ce qui aboutit à l’émission de sperme. Ces fonctions sont perturbées chez le patient tétraplégique. Chez la femme, on a une même implication des centres médullaires dans la fonction génitosexuelle. En effet, la lubrification vaginale et l’érection clitoridienne dépendent aussi du parasympathique sacré. Les centres sympathiques dorsolombaires sont responsables de la lubrification vaginale psychogène.
Lors des lésions médullaires, le caractère sous-lésionnel, lésionnel ou sus-lésionnel des différents centres en question modifient les caractéristiques cliniques de la fonctionnalité génitosexuelle des patients.
5.2.2. Les conséquences sur le plan psychologique
Les conséquences de la tétraplégie sur le plan psychologique sont lourdes. En effet, le patient doit se faire de l’état dans lequel il se trouvera désormais. Cela est souvent à l’origine d’une perte de l’estime de soi.
- Le deuil
Il s’agit d’un sentiment de tristesse qu’une personne éprouve lors de la perte d’une chose ou suite à la mort d’une personne. Avec sa maladie, le patient tétraplégique fait le deuil de sa vie d’avant. Le deuil est un processus actif et fait souvent souffrir l’individu d’un état dépressif plus ou moins intense. D’une manière générale, le deuil comporte quatre étapes :
– le choc et le déni : c’est une courte phase qui survient dès que la perte est constatée. Lors de cette phase, la personne refuse de croire et elle éprouve des sentiments intenses.
– la colère : elle peut être associée à la culpabilité. C’est une période de questionnements.
– la dépression : elle est caractérisée par une grande tristesse, voire de la détresse.
– l’acceptation : l’individu comprend beaucoup plus la perte. C’est dans cette dernière étape que l’individu réorganise sa vie selon la perte qu’il subit.
- La perte de l’estime de soi
Quand le patient tétraplégique se trouve dans la phase de deuil de sa vie d’avant, il peut subir une perte de l’estime de soi qui s’accompagne de troubles anxieux généralisés. Il est à noter que l’estime de soi correspond à des valeurs qu’une personne veut véhiculer. Le patient peut alors avoir un repli sur soi, faire des crises de larmes et éprouver un sentiment de mal faire. Dans le cas extrême, il peut même avoir le sentiment de ne servir à rien.
5.3. La relation soignant-soigné
Le mot « relation » est issu du verbe « re-lier » qui veut dire créer un lien.
Dans le dictionnaire Petit Robert, la relation est définie comme étant une « situation dans laquelle plusieurs personnes sont susceptibles d’agir mutuellement les unes sur les autres. C’est un lien de dépendance ou d’influence réciproque »[6]. Mais on peut aussi donner une définition plus philosophique de cette notion : « fonctions de relation, ensemble des fonctions sensorielles, nerveuses, psychiques et motrices des animaux, qui leur permettent une relation de connaissance et d’intervention dans le milieu extérieur »[7].
- Manoukian et A. Massebeuf dénissent la relation comme «une rencontre entre deux personnes au moins, c’est-à-dire deux caractères, deux psychologies particulières et deux histoires […] »[8]. Dans la relation se fera donc un échange d’informations entre les individus en question sous forme de gestes, de mimiques, de paroles ou de postures. Mais en plus, il faut y ajouter la notion du prendre soin, d’où l’intervention d’une personne qui donne les soins, le soignant, et d’une autre personne qui est en attente de soins, le soigné. C’est cet échange entre les deux personnes qui va aboutir à la relation soignant-soigné.
Dans la relation du soignant avec le patient, le lien est celui du soin. Ce lien est de nature professionnelle et qui permet à chacun des acteurs d’avoir une place bien précise. A plusieurs reprises, je me suis demandé si, lors de la prise en soin de Mademoiselle S., nous avons tenu chacun notre rôle.
Selon le dictionnaire encyclopédique des soins infirmiers, trois attitudes du professionnel de santé correspondent à la relation soignant-soigné.
– l’infirmier doit faire un engagement personnel dans la relation et doit considérer le soigné tel qu’il est, sans jugement de valeur, et avec des sentiments et réactions qu’il peut avoir dans sa vie personnelle,
– l’objectivité est primordiale dans la relation soignant-soigné pour éviter toute déformation de ce que le soignant pourrait entendre ou observer
– le soignant doit être toujours disponible pour observer, identifier et écouter les besoins de la personne soignée.
De mon côté, je définirais la relation telle qu’un lien d’interdépendances de sujets dans lequel chacun montre une dépendance envers autrui tout en préservant son autonomie. Chaque individu attend de la relation une reconnaissance. Ainsi, pour le soignant par exemple, la reconnaissance peut se faire à travers un sourire ou un regard.
Dans une relation soignant-soigné doit nécessairement existe la confiance qui est en constitue la base et qui est définie par A. Santin comme la « foi en quelque chose, en quelqu’un. Se fier à, car il s’agit bien de cela : se fier à un autre, à l’inconnu, se confier pleinement »[9]. Il est important de mentionner que le concept de confiance fait référence au sentiment de sécurité de la personne qui se fie à une autre personne, dans notre cas le soignant. Cependant, la confiance n’est pas acquise mais se gagne à travers les échanges entre les individus.
La relation soignant-soigné est une base du soin relationnel lequel représente les actions qui ne font pas partie des actes techniques. Soin à part entière, le soin relationnel vise à répondre à une demande de compréhension, d’écoute, de réconfort et de réassurance de la part du patient. La relation soignant-soigné s’installe pendant la mise en confiance, vu qu’il est question d’un échange réciproque.
Pour que la relation soignant-soigné puisse bien exister, il convient de parler du concept de soignant et celui de soigné.
Le dictionnaire Larousse définit le terme « soignant » comme « un individu qui s’occupe d’une personne en perte de santé en lui prodiguant des soins »[10].
Dans le Dictionnaire médical, la définition du soignant est celle-ci « l’infirmière est une personne ayant suivi des études professionnelles de base, étant apte et habilitée à assumer dans son pays la responsabilité de l’ensemble des soins que requiert la promotion de la santé, la prévention de la maladie et des soins aux malades »[11].
Selon W. Hesbeen, « le terme de soignant regroupe l’ensemble des intervenants de l’équipe pluridisciplinaire, qui ont tous pour mission fondamentale de prendre soin des personnes, et ce quelle que soit la spécificité de leur métier »[12]. Cet auteur mentionne aussi que le mot « soignant » désigne plus que le statut d’un professionnel et fait référence plus précisément à une intention. En effet, dit-il, il ne suffit pas d’être infirmier ou médecin pour être soignant ; encore faut-il que les actes quotidiens fassent preuve d’une intention de prendre soin des patients et non seulement de leur donner des soins. Ainsi, cet auteur explique que, pour être soignant, on n’est pas seulement un exécutant, mais une personne qui exécute car il a envie de s’occuper d’autrui.
Le mot « soigné » désigne la personne prise en charge. Avant, le soigné était appelé « malade », un terme défini dans le guide du service des soins infirmiers comme étant ainsi « c’est la rupture de l’équilibre, de l’harmonie, un signal d’alarme se traduisant par une souffrance physique, psychologique, une difficulté ou une inadaptation à une situation nouvelle, provisoire ou définitive. C’est un évènement pouvant aller jusqu’au rejet social de l’homme et de son entourage »[13].
Dans le dictionnaire Larousse, le mot « patient » est défini comme étant une « personne soumise à un examen médical, suivant un traitement ou subissant une intervention chirurgicale »[14].
Selon la loi du 4 mars 2002, le patient a la possibilité de refuser le soin. On peut parler, par exemple, la possibilité pour le patient de donner son accord pour les soins qu’il recevra. Il a aussi la possibilité de demander un autre infirmier ou un autre médecin.
6. Problématique
La tétraplégie n’engendre pas uniquement des atteintes physiques mais a aussi des impacts émotionnels non négligeables. Ces derniers sont principalement dus aux perturbations de l’image corporelle que le patient a de sa personne et se réfère au concept de soin.
Même si la notion de concept de soi face à la tétraplégie soit étudiée par les infirmiers, elle reste cependant abstraite dès que le professionnel se trouve dans la pratique. En effet, les interventions des infirmières correspondantes ne sont pas évidentes. Afin de rendre le sujet plus clair à l’étude, il est indispensable de procéder à une exploration des écrits.
En 2011, l’Association suisse des paraplégiques a sorti des données épidémiologiques annonçant que 200 nouveaux cas de paraplégie sont recensés par année. L’article de Chen, Boore et Mullan (2005) annonce des résultats similaires selon lesquels 12 à 16 nouveaux cas par million d’habitants sont recensés en Grande-Bretagne. D’après cette association, la paraplégie est définie comme étant une lésion affectant la moelle épinière au niveau des lombaires et du thorax, ce qui entraîne une paralysie de certaines parties du tronc et des membres inférieurs. Elle se manifeste par une perte fonctionnelle et par une perte de sensibilité à l’origine d’un dérèglement du système nerveux autonome.
La prise en charge d’un patient atteint récemment d’un handicap physique tel que la tétraplégique requiert l’adaptation inhérente du soignant à lui. Au travers de mes recherches documentaires relatives à ce sujet, j’ai pu noter que le modèle d’adaptation de Callista Roy est similaire aux concepts majeurs. De plus, Chen et al. (2005) ont aussi utilisé ce cadre théorique dans leur travail et me permet de justifier que le choix de ce modèle est pertinent.
En effectuant ma recherche sur les bases de données existantes, je n’ai pas pu trouver d’articles scientifiques qui traitent de la prise en charge infirmière relative au concept de soi d’un patient tétraplégique lors de son hospitalisation en MAS. Cependant, j’ai pu étudier des articles traitant de la tétraplégie.
- « Towards personnalized care for persons with spinal cord injury: a study on patients’ perceptions ». Garino et al. (2011)
Cet article a pour but de déterminer si les soins personnalisés et intégrés sont aussi efficaces dans un contexte de réadaptation que dans une unité hospitalière. Des interviews approfondies et semi-structurées ont été menées dans cette étude et dont le but était d’évaluer la perception de paraplégiques sur les soins qui leur ont été donnés. Les 21 patients constituant l’échantillon sont des patients cliniquement stables et ont été sortis de l’hôpital environ trois mois avant l’interview. Les résultats ont montré qu’il existe six catégories et deux thèmes clés. Il a été montré qu’une relation bien solide avec l’infirmière est primordiale. Les patients ont considéré l’infirmière comme principal interlocuteur quand ils ont besoin de soutien. Dès le début, l’accès à une information concise est une condition primordiale pour débuter le processus d’adaptation.
- “A secondary analysis of the meaning of living with spinal cord injury using Roy’s adaptation model”. DeSanto-Madeya (2006)
Cette étude concerne la perception des familles qui vivent avec une personne atteinte de blessure au niveau de la moelle épinière. Dans cette étude, l’échantillon est formé d’un tandem patient-parent ayant vécu avec l’infirmité depuis environ 5 ans. La première étude a montré des résultats qui mettent en évidence sept thèmes se rapportant aux étapes traversées par le patient tétraplégique et sa famille. Dans l’analyse secondaire, il y a eu un classement des thèmes dans les modes d’adaptation de Roy. Le mode « concept de soi » se base sur la manière dont le patient atteint de blessure au niveau de la moelle épinière se sent. Ce mode fait aussi ressortir les impacts psychologiques développés pour améliorer le concept de soi.
- “Patient-staff agreement in the perception of spinal cord lesioned patients’ problems, emotional well-being, and coping pattern”. Siösteen, Kreuter, Lampic et Persson (2005)
Ce travail concerne les perceptions des soignants sur les problèmes psychosociaux, le bien-être émotionnels et les stratégies d’adaptation des patients atteints de blessure médullaire. Cette étude montre aussi une comparaison des évaluations et des auto-évaluations des patients lesquels sont divisés en deux groupes selon le temps écoulé depuis la blessure, c’est-à-dire s’il s’agit d’une atteinte récente ou d’une atteinte ancienne. Le premier questionnaire concerne six aires problématiques d’ordre psychosocial et physique. Le deuxième questionnaire concerne les stratégies de coping. Selon les résultats, les soignants font une bonne évaluation concernant les facteurs liés aux problèmes d’ordre physique. Cependant, les problèmes familiaux et l’aspect émotionnel sont surestimés. Par ailleurs, les soignants ont tendance à sous-estimer les stratégies d’adaptation que les patients utilisent. Cette étude mentionne une prise de conscience sur les différences d’opinion des soignants et des patients sur le vécu émotionnel de ces derniers.
- “Getting on with life: positive experiences of living with a spinal cord injury”. Weitzner et al. (2011)
Les auteurs de cet article ont mené une étude des facteurs qui peuvent avoir une influence sur le regard des patients sur leur handicap. Cette étude vise à parler de la manière utilisée par les patients pour voir positivement leur maladie. Les influences contextuelles ayant facilité cette approché ont également été étudiées. Des interviews semi-structurées ont été effectuées et les auteurs ont répertoriés trois thèmes à partir des résultats : le soi, les pairs et la communauté des personnes handicapées. Cette étude démontre le rôle des soignants dans la façon de percevoir positivement le handicap. Les personnes interrogées mentionnent l’importance et l’impact des professionnels de la santé au cours de la période de rétablissement.
- “Outcomes of nurse caring as perceived by individuals with Spinal Cord Injury during rehabilitation”. Lucke (1999)
Cette étude a pour bue de faire une description du prendre soin dans les relations soignant-soigné auprès des personnes atteintes de blessures médullaires. Des interviews semi-structurées ont été faites concernant notamment les perceptions des patients paraplégiques au cours de leur réadaptation. Il a été montré que la relation de caring est un facteur important pour faciliter l’assimilation de nouvelles connaissances et par la suite la prise de décision. Cette relation entre dans les sentiments d’autonomie, de bien-être, d’espoir et d’indépendance, de même qu’à une prise de soins de la part des participants. Cette étude met en évidence que l’instauration d’une relation soignant-soigné pleine de valeurs humanistes permet d’optimiser le processus d’adaptation du patient paraplégique.
- “Spinal cord injured persons’ conceptions of hospital care, readaptation and a new life situation”. Sand, Karlberg et Kreuter (2006)
Ce travail de recherche a pour but de révéler la manière dont les personnes paraplégiques vivent leur séjour en réadaptation. Dans le travail, les auteurs ont identifié ce qui pourrait être amélioré. Les personnes interrogées dans la démarche exploratoire de cette étude sont atteintes d’une lésion cervicale complète et ne sont plus hospitalisés. Six domaines sont ressortis des résultats de l’analyse : la participation au planning de réadaptation, l’accès à l’information, le sentiment de vulnérabilité, le support émotionnel, l’ajustement à un nouveau mode de vie et les conséquences émotionnelles d’un handicap. Les facteurs qui ont une influence sur le processus de réadaptation sont la participation à un planning individualisé selon les besoins du patient, l’accès à des informations concises et le support émotionnel. Le travail a montré que l’apprentissage par les pairs est un bon moyen pour motiver les patients et leur redonner espoir.
Ces articles m’ont poussé à porter une réflexion plus approfondie sur l’image de soi, le schéma et l’image corporels. Dans le cas du handicap, l’objet d’attachement fait référence au corps de l’individu. Dans ce sens, le deuil de la personne handicapé sera la perte de son corps d’avant mais aussi la perte de son image de soi.
Dans cette section, je vais parler du concept de soi et de l’image corporelle. Le concept de soi est particulièrement développé par R. Ecuyer (1994) dans l’analyse des résultats de son travail. Cet auteur a élaboré un modèle dans une approche phénoménologique et a donné la définition suivante « le concept de soi réfère à la façon dont la personne se perçoit, à un ensemble de caractéristiques (goûts, intérêts, qualités, défauts, etc.) de traits personnels (incluant les caractéristiques corporelles), de rôles et de valeurs, etc. que la personne s’attribue, évalue parfois positivement ou négativement et reconnaît comme faisant partie d’elle-même, à l’expérience intime d’être et de se reconnaître en dépit des changements »[15].
Cooley (1956) parle du concept du soi en ces termes « le concept de soi d’une personne intègre un ensemble complexe d’attitudes, de sentiments conscients et inconscients, de perceptions de soi, de son corps, de ses rôles sociaux et de sa valeur personnelle. C’est une expression de ses sentiments, de son expérience, de son insertion sociale. Le concept de soi, c’est ce que l’on pense de soi-même, en tant qu’entité indépendante et distincte, et ce que l’on pense être aux yeux des autres »[16].
Il s’agit donc de la manière dont un individu se sent, se pense être et se voit. Ce concept est en continuelle évolution, de la naissance à la mort, et entre en interaction avec l’entourage de la personne et par la manière dont l’autre la considère. Le concept de soi est en relation avec les attitudes, les sentiments et les valeurs. Il a une répercussion sur les réactions quelles que soient les circonstances et inclut la manière dont on se crée une représentation mentale. Ce concept fait intervenir l’idéal du moi, l’estime de soi et l’image corporelle. Ce concept de soi comporte différentes caractéristiques chez une personne tétraplégique dont le corps se transforme et a des limites. Dans de nombreux cas, ces patients font face au rejet de leur entourage, notamment de leur conjoint et de leurs amis. A ce stade, il serait intéressant de parler du schéma et de l’image corporels.
L’image corporelle fait référence à la perception systématique, affective, cognitive, consciente et inconsciente qu’une personne a de son corps. Il s’agit d’une perception qu’il a acquise lors de son développement et de par ses relations sociales[17]. L’image corporelle est étroitement liée à la satisfaction et à l’insatisfaction dont la mesure se fait de deux manières : à l’égard de l’apparence générale et à l’égard de la silhouette. D’après P. Schilder, l’image corporelle est « l’image de notre propre corps que nous formons dans notre esprit, autrement dit, la façon dont notre corps nous apparaît à nous-même »[18]. Elle résulte de la somme des jugements conscients et inconscients que chaque personne porte à l’égard de son corps et rassemble les perceptions présentes et passées. Par ailleurs, elle comporte trois composantes : le corps réel, le corps idéal et l’apparence.
- Le corps réel est tel qu’il existe : c’est celui qui subit les transformations par l’usure du temps et par les agressions du milieu environnant. Il subit des changements car il vieillit et parce que la personne l’utilise en permanence. De plus, des changements radicaux peuvent être apportés suite à des facteurs tels que le cancer, les traumatismes, la malnutrition ou les diverses infections.
- Le corps idéal est l’image mentale que se fait l’individu de son corps. Le concept du corps idéal est influencé par l’environnement au sein duquel vit la personne, c’est-à-dire par les normes socioculturelles. L’altération du corps réel peut venir perturber l’image mentale du corps idéal.
- L’apparence est la manière dont une personne présente son corps. En effet, l’image que se fait une personne du corps idéal ne coïncide pas toujours avec le corps réel. C’est pour cette raison que la personne a tendance à faire correspondre la réalité à ce dont elle rêve. La paraplégie change radicalement l’apparence.
Souvent confondu avec l’image corporelle, le schéma corporel est spécifique à l’individu en tant que représentant de l’espèce. En effet, il est identique à toutes les personnes et se structure par l’expérience et par l’apprentissage. Il est élaboré à partir de perceptions et est une réalité de fait.
La prise en charge infirmière trouve principalement son intérêt dans l’accompagnement d’un patient tétraplégique à accepter sa nouvelle apparence et son corps réel, et d’admettre sa nouvelle image de soi. Je souhaite préciser qu’au niveau physique, je ne suis pas apte à apporter mon aide au patient tétraplégique que j’ai pris en charge. Par contre, je me sens capable d’apporter une aide dans l’acceptation de son handicap.
Les conséquences psychologiques d’une tétraplégie sont lourdes. Ainsi, la prise en charge doit être précoce pour mieux accompagner le patient. En effet, la tétraplégie confronte la personne à une très grande difficulté de se retrouver face au choc psychologique. Monsieur R. a éprouvé un certain sentiment d’anéantissement dans ses propos. Cette réaction est assez fréquente, d’où l’intérêt du deuil, afin que le patient ait le sentiment de rester une totalité vivante malgré son handicap. Cela me laisse penser donc que la prise en charge d’un patient handicapé doit être à la fois physique et psychique.
En tant que future professionnelle, j’ai l’impression que, si je ne soulage pas la souffrance psychique du patient, cela aura des conséquences lourdes, notamment une perte de l’élan vital, une fuite dans le sommeil, un apragmatisme, de la mélancolie, la tristesse, des idées noires voire des idées suicidaires.
Au-delà du handicap physique, la dimension psychique a pris une plus grande ampleur. Je me suis aperçu qu’une aide physique, bien qu’essentielle ne sera pas suffisante pour soulager la douleur morale de ce patient. J’ai tenté de faire preuve d’empathie mais je me suis rendu compte que cela n’était pas satisfaisant. Mon expérience professionnelle ne m’avait jamais confrontée à ce genre de situation et je me suis trouvé démuni face à cette souffrance psychique en lien avec un traumatisme et ayant pour conséquence un deuil de son ancienne vie. Je suis donc venu à la conclusion qu’en prenant en charge la souffrance psychique du patient, je ne parviendrai pas à apporter des améliorations à sa qualité de vie.
7. Hypothèse
Lors d’un séjour en maison d’accueil spécialisé, l’infirmière peut utiliser le caring pour améliorer la prise en charge d’un patient souffrant de tétraplégie et contribuer à soulager sa souffrance psychique.
8. Investigation
Pour répondre à cette question, je mènerai un entretien auprès de professionnels spécialisés dans la prise en charge de patients polyhandicapés.
8.1. Présentation de l’échantillon
L’échantillon est constitué de soignants travaillant dans divers services mais qui ont déjà eu l’occasion de prendre en charge des patients polyhandicapés. Les personnes interrogées font partie des deux sexes et appartiennent à des classes d’âges différentes.
8.2. Choix de la méthode utilisée
Dans un premier temps, j’ai pensé à mener un entretien individuel auprès des soignants. Cependant, il m’a été difficile de convenir d’un rendez-vous avec eux. De plus, les lieux spécialisés dans la prise en charge de patients paraplégiques sont très nombreux. J’ai donc choisi de distribuer un questionnaire aux personnes concernées par l’investigation car les infirmières sont souvent surchargées en termes de travail.
Dans le souci de ne pas avoir de retour probant, j’ai choisi de distribuer 70 questionnaires. J’ai pu recueillir 56 réponses, ce qui me donne un retour de 80%.
8.3. Résultats d’enquête
Les résultats d’enquête sont divisés en deux grandes parties. La première partie concerne les informations personnelles sur les soignants et la deuxième partie est consacrée à l’avis personnel de ces soignants sur la thématique abordée dans le cadre de ce travail.
8.3.1. Analyse thématique des questionnaires
L’analyse thématique consiste à faire une analyse en repérant les mots-clés qui sont repérés en redondance dans les réponses des soignants. Ainsi, les thèmes abordés, en plus des informations personnelles concernant les soignants, sont les suivants :
– la définition de la tétraplégie selon le regard des soignants
– les réactions des patients atteints de tétraplégie
– les moyens pouvant être utilisés pour améliorer la prise en charge des patients tétraplégiques
8.3.1.1. Les informations personnelles concernant les soignants
- Age des soignants
L’âge des soignants me parait une information intéressante à explorer car celui-ci peut avoir des répercussions sur les réponses fournies par les soignants.
J’ai choisi de mener mon enquête auprès de soignants de de différents âges. Les résultats sont consignés sur la figure 1.
Figure 1 : Age des soignants
Cette figure nous permet de dire que l’échantillon constituant la population est majoritairement jeune, vu que seulement 21% des personnes interrogées sont âgées de plus de 35 ans.
- Sexe des soignants
L’enquête concernait les deux sexes afin de voir si la prévalence de l’un ou de l’autre sexe a pu avoir des répercussions sur les réponses données.
Figure 2 : Répartition des soignants suivant le sexe
Compte tenu des chiffres mentionnés sur la figure 2, je peux dire que le métier de soignants intéresse davantage les femmes que les hommes. En me rendant sur terrain, j’ai pu constater qu’il y a presque toujours plus de femmes que d’hommes dans les services dans lesquels j’ai suivi ma formation pratique.
- Service dans lequel le soignant exerce
La connaissance des services dans lesquels travaillent les soignants me semble un point important à aborder afin d’évaluer leur réponse concernant les avis professionnels sur le thème abordé.
Figure 3 : Service dans lequel travail les soignants interrogés
Cette figure 3 nous renseigne sur les services dans lesquels exercent les soignants. Nous avons ici une majorité absolue (54%) de soignants travaillant dans les soins de suite et de réadaptation. J’ai particulièrement fait ce choix dans le but de recueillir des avis pertinents sur le thème. En effet, c’est dans les soins de suite et de réadaptation qu’il y a plus de prise en charge de patients paralysés.
- Ancienneté dans le service
La connaissance de l’ancienneté dans le service est important pour voir s’il y a des différences données par les personnes ayant plusieurs années d’expérience ou celles qui en ont moins. Les résultats sont donnés sur la figure 4.
Figure 4 : Ancienneté des soignants dans leur service d’exercice actuel
Cette figure 4 nous permet de dire que l’expérience des soignants n’est pas très significative dans leur service d’exercice actuel. En effet, seulement 13% de la population interrogée disposent de plus de 5 années d’expérience.
8.3.1.2. L’avis des personnes interrogées sur le sujet
Pour l’avis personnel des soignants sur les thèmes abordés dans le cadre de cette investigation, j’ai choisi de faire une analyse condensée pour toutes les réponses recueillies.
Dans cette section, je ferai une analyse en trois points : définition de la tétraplégie, réactions des patients atteints de tétraplégie, moyens pouvant être utilisés pour améliorer la prise en charge des patients tétraplégiques.
- La définition de la tétraplégie selon le regard des soignants
Pour commencer l’analyse, j’ai d’abord choisi de demander aux soignants interrogés quelle pourrait être la définition qu’ils donneront de la tétraplégie. Dans un premier temps, j’ai dénombré les soignants ayant proposé une définition. J’ai alors pu avoir une réponse auprès de 49 répondants, soit 87% de la population interrogée.
Figure 5 : Pourcentage de soignants ayant proposé une définition de la tétraplégie
Les 89% de l’échantillon ont proposé des réponses qui sont assez similaires et que je reformulerai à ma manière. Tous ont mentionné que la tétraplégie est une paralysie due à une lésion de la moelle épinière et qui touche les quatre membres. Elle cause aussi la paralysie au niveau du bassin et des organes vitaux. Elle peut être causée par une maladie ou par un traumatisme. La tétraplégie est une maladie invalidante.
- Les réactions des patients atteints de tétraplégie
Les soignants interrogés ont émis plusieurs avis sur les réactions des patients atteins de tétraplégie. Ils se sont basés sur les cas des patients qu’ils ont eus l’occasion de prendre en charge lors de leur exercice professionnelle. D’une manière générale, ont-ils mentionné, les patients atteints de tétraplégie ressentent de la culpabilité envers leurs proches qui se chargent de les assister dans leur quotidien. En effet, compte tenu des conséquences de la lésion au niveau de la colonne vertébrale, les patients perdent la mobilité des membres, ce qui les empêche de réaliser même les actes simples de la vie quotidienne. D’après les dires des soignants, de nombreux patients perdent le goût à la vie et certains disent même vouloir « en finir » avec la vie. Cependant, il existe des moyens qui peuvent rendre le handicap moins lourd, notamment la rééducation après laquelle les patients peuvent conserver une bonne autonomie même s’ils restent en fauteuil roulant, par exemple pour réaliser leurs transferts, du fauteuil à leur li par exemple.
- Les moyens pouvant être utilisés pour améliorer la prise en charge des patients tétraplégiques
Les soignants ont avoué que la prise en charge des patients tétraplégiques est difficile car, comme toutes les maladies invalidantes, cette maladie demande à la fois dévotion de la part des proches et excellent professionnalisme des soignants. Comme la lésion a des conséquences irréversibles, c’est la prise en charge des patients tétraplégiques qui doit être mise en avant. La prise en soin du côté psychique doit être privilégiée. Par ailleurs, la majorité des soignants souhaitent suivre une formation sur la prise en charge des patients tétraplégiques.
8.3.2. Synthèse de l’analyse
L’analyse des réponses apportées par les soignants interrogés lors de l’investigation me permet d’en ressortir une synthèse.
D’abord, la tétraplégie est une maladie dont que tous les répondants connaissent. En effet, les définitions qu’ils ont données sont toutes similaires et se rapprochent de ce que j’ai présenté dans le cadre théorique de ce travail. Il est important de mentionner que la tétraplégie est une maladie conséquente d’un accident qui touche la moelle épinière. Ses conséquences sont souvent irréversibles et lourdes car le patient perd toutes ses facultés de réaliser les gestes de la vie quotidienne, notamment avant la rééducation.
Ensuite, je voudrais mettre en évidence les réactions des patients tétraplégiques. Ces derniers ressentent une grande souffrance surtout au niveau psychique en raison des lourdes conséquences de la maladie. En effet, ils deviennent dépendants et ont besoin de l’aide de leurs proches ou de soignants pour réaliser un quelconque acte. Très souvent, les patients perdent le goût à la vie, comme dans le cas du patient que j’ai pris en charge lors de mon stage pratique.
Enfin, c’est au niveau de la prise en charge des patients souffrant de tétraplégie qu’il vaudrait mieux axer les soins. Pour cela, la communication doit se situer au cœur du métier des soignants et des proches des patients. Par ailleurs, plusieurs soignants n’ont pas bénéficié de formation sur la prise en charge des patients paralysés et polyhandicapés. Ils ont fait mention de leur désir de suivre une formation sur cette prise en charge pour améliorer la vie de ces patients.
9. Conclusion
J’estime avoir fait un bon choix de mon sujet de mémoire car, avant même d’entrer à l’IFSI, plusieurs questions me venaient à l’esprit sur les difficultés de la prise en charge d’un patient handicapé. A travers mes recherches documentaires et le travail sur terrain, j’ai pu comprendre que l’accompagnement des personnes tétraplégiques et la contribution au soulagement de leur souffrance sont une tâche difficile à faire, compte tenu de la complexité de la prise en charge. Mon travail de recherche est issu de plusieurs interrogations portant sur la compréhension de ce que monsieur R voulait dire et combien il pouvait souffrir en devant faire face à l’état dans lequel il se retrouvera désormais.
En réalisant ce travail de recherche, j’ai pu mettre en évidence que les connaissances que je dispose sont encore insuffisantes pour répondre à la situation clinique que j’ai vécue lors de mon stage. Les études portant sur l’accompagnement des patients tétraplégiques sont encore très peu nombreuses. Cependant, à travers mon vécu de stage et mes recherches théoriques, je peux parler du rôle fondamental du soignant consistant à prendre soin de la personne à part entière, en plus d’effectuer les gestes techniques. L’établissement d’une relation de confiance entre le soignant et le soigné est un point important dans la prise en charge d’un patient tétraplégique. Toutefois, une formation est souhaitable pour améliorer la prise en charge des patients.
Je poserai donc comme hypothèse de recherche : Si les infirmiers sont formés à la prise en charge des patients tétraplégiques, l’accompagnement de ces derniers se fera de mieux en mieux.
Résumé
La tétraplégie est une maladie dont peut souffrir tous les âges et peut toucher aussi bien les hommes que les femmes. Suite à la situation clinique que j’ai vécue lors de ma formation pratique, j’ai été consciente que l’accompagnement et la prise en charge des patients tétraplégiques est une mission difficile pour l’infirmière. C’est pour cette raison que j’ai choisi de traiter ce thème dans ce travail. J’essaierai donc de répondre à la question Comment l’infirmier en maison d’accueil spécialisé peut-il accompagner mais aussi soulager la souffrance psychique d’un patient atteint récemment d’handicap physique comme la tétraplégie ? Les moyens dont dispose le soignant sont nombreux. Cependant, il rencontre toujours des difficultés face à la réalité sur terrain.
Mots-clés : accompagnement infirmier, tétraplégie, souffrance du patient
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10. Références bibliographiques
A.POTTER Patricia. G :PERRY Anne. Soins Infirmiers, théories et pratique
fr.wikipedia.org/wiki/Syndrome_de_Guillain-Barré
Guide du service des soins infirmiers, 1987
http://conseil.gdle.net/assets/files/GDLE_zoom_sur_la_paraplegie.pdf
http://www.36mois.fr/36_mois,_et_ensuite…/Docs/Docs.html
J.Laplanche, J.B. Pontalis, Vocabulaire de la Psychanalyse
L’ECUYER René. Le développement du concept de soi, de l’enfance à la vieillesse.
Le Petit Robert, 2005
Malmaison – Editions Lamarre – 2008
MANOUKIAN A. et MASSEBOEUF A. – Soigner et accompagner – La relation soignant – soigné – Rueil
Revue Psychologie, février 2010
SANTIN A. (praticien hospitalier, service des urgences CHU Henri Mondor, AP-HP) – La relation de soin : une question de confiance ? – http://www.espace-ethique.org/fr/popup_result.php?k_doc_lan
Walter Hesbeen, Prendre soin à l’hôpital, inscrire le soin infirmier dans une perspective soignante, Paris, Masson, 1997
Annexes : Questionnaire pour l’investigation (Grille d’entretien)
1- Pouvez-vous indiquer votre sexe, votre âge et faire une brève présentation de votre parcours professionnel ?
2- Comment définissez-vous la tétraplégie ?
3- Avez-vous déjà pris en charge des patients tétraplégiques ?
4- Avez-vous fait déjà face à des réactions ou émotions négatives de leur part ?
5- Selon vous, quels sont les moyens que vous pouvez utiliser pour mieux accompagner ces patients tétraplégiques ?
[1] Revue Psychologie, février 2010
[2] J.Laplanche, J.B. Pontalis, Vocabulaire de la Psychanalyse
[3] http://www.36mois.fr/36_mois,_et_ensuite…/Docs/Docs.html
[4] fr.wikipedia.org/wiki/Syndrome_de_Guillain-Barré
[5] http://conseil.gdle.net/assets/files/GDLE_zoom_sur_la_paraplegie.pdf
[6] Le Petit Robert, 2005
[7] Encyclopédie Larousse
[8] MANOUKIAN A. et MASSEBOEUF A. – Soigner et accompagner – La relation soignant – soigné – Rueil
Malmaison – Editions Lamarre – 2008 – page 9
[9] SANTIN A. (praticien hospitalier, service des urgences CHU Henri Mondor, AP-HP) – La relation de soin : une question de confiance ? – http://www.espace-ethique.org/fr/popup_result.php?k_doc_lan
[10] Le petit Larousse
[11] Dictionnaire Médical, Edition Masson. 2002, 9ème édition
[12] Walter Hesbeen, Prendre soin à l’hôpital, inscrire le soin infirmier dans une perspective soignante, Paris, Masson, 1997. 195p
[13] Guide du service des soins infirmiers, 1987
[14] Larousse
[15] L’ECUYER René. Le développement du concept de soi, de l’enfance à la vieillesse. P 45
[16] Selon Cooley cité par A.POTTER Patricia. G :PERRY Anne. Soins Infirmiers, théories et pratique. P 741
[17] Eide, 1982
[18] Source
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