L’addiction et ses défis : la lutte contre le craving et la recherche de stratégies efficaces
Introduction
L’addiction peut être considérée comme étant une maladie chronique préoccupante tant elle peut toucher les personnes à un très jeune âge. Un autre enjeu se pose en ce qui concerne l’addiction : la volonté d’arrêter. Les sujets dépendants d’une substance addictive est bien susceptible de vouloir retourner à ses anciennes habitudes après une certaine période d’abstinence[1]. La difficulté à trouver une approche efficace pour aider les sujets addicts à lutter contre l’envie de replonger dans l’addiction et pour l’accompagner dans ses efforts pour surmonter l’épreuve d’abstinence justifie l’intérêt porté pour les stratégies de lutte contre l’addiction.
Depuis quelques années, de nombreuses études ont été menées afin de comprendre le phénomène de craving en tant que partie intégrante du phénomène d’addiction. D’autre part, il est accepté que la prise en charge de sujets addicts requiert la prise en considération du phénomène de craving[2]. La compréhension du craving est donc nécessaire à l’élaboration d’une stratégie de lutte efficace et adaptée. Le premier but de la présente étude est donc d’apporter plus de lumière sur ce phénomène de craving, ainsi que sur les différents facteurs qui interviennent dans ce processus.
D’autre part, il a été observé que la musique a été intégrée dans différentes approches thérapeutiques pour soigner les malades. Bien que la musique ne constitue pas un élément de survie pour celui qui l’écoute, elle occupe une place prépondérante sur la santé et le bien-être de l’individu qui l’écoute[3]. Le deuxième objectif de cette étude est de montrer les différentes potentialités de la musique et ses possibles capacités à aider les sujets addicts à lutter contre le phénomène de craving. Nous nous intéressons en particulier à la musique tibétaine. Nous tentons alors de répondre à la question suivante : quel est l’impact de la musique tibétaine sur le craving ?
Pour répondre à cette question, nous allons dresser l’état de l’art dans un premier temps. Dans un deuxième temps, nous allons confronter les données théoriques avec celles que nous avons constatées lors de nos investigations. Dans la première partie, nous allons aborder en premier lieu, la notion de craving et ses causes. Ensuite, quelques approches d’inhibition du craving notamment la musique vont être développées. Puis, à la fin de partie théorique, nous allons parler du fonctionnement de la caméra thermique et de sa possible contribution à l’étude du craving.
- La notion de craving
- Définition et mécanisme de craving
Le phénomène de craving correspond à un désir ou une forte envie de consommer des substances addictives. Dans cette optique, le phénomène de craving ne peut être séparé du processus d’addiction et augmente les probabilités qu’un individu, même après un sevrage pendant une durée plus ou moins longue, pourrait retomber dans l’addiction. Du point de vue physiologique, le craving peut être détectée à travers la tachycardie et l’augmentation de la tension artérielle (Morissette et al., 2014 : 24). Il faut noter que le craving ne se manifeste pas d’une seule manière. Il y a deux types de craving : le craving de récompense et le craving de soulagement. Le craving de récompense est causé par la stimulation des aires du plaisir à travers des signaux appétitifs et faisant intervenir le système dopaminergique. Le craving de soulagement pour sa part, est induit par la tentative pour réduire le stress. Ce type de craving fait appel aux neurones gabaergiques et glutamatergiques (Touzeau et Lagrue, 2012 : 56).
Le craving se déclenche lorsque le sujet est exposé à des stimuli rappelant les sensations ou les émotions reliés à la consommation de la substance addictive. Ces stimuli peuvent être des photos ne montrant pas forcément la substance en question, mais des objets rappelant l’expérience de consommation[4]. La mémoire de l’expérience de la substance addictive ainsi que de la récompense qui en découle, joue donc un rôle prépondérant dans le processus de craving. Cette mémoire conduit l’individu à vouloir fortement revivre l’expérience et par conséquent, de tomber dans le craving et rechuter. Ce processus implique des interactions entre les neurotransmetteurs du cerveau notamment, la dopamine et le glutamate[5].
Figure 1 : Mécanisme d’addiction et place du craving dans ce mécanisme (source : Nutt et Nestor, 2013)
Cette figure montre que le craving est relié au désir de consommer la substance addictive. Mais ce désir provient du fait que le sujet aime les sensations et les récompenses qu’il obtient à partir de la consommation de la substance addictive. Ces dernières lui procurent en effet, du plaisir qu’il retient dans sa mémoire. Après, il veut revivre l’expérience, ce qui le pousse à chercher la substance de manière excessive. La consommation devient alors une habitude inconsciente. Lorsque l’individu tente d’arrêter son comportement addictif, les stimuli provenant de l’environnement déclenchent le phénomène de craving et la rechute survient. Les signaux reçus par l’individu deviennent très intenses parce que celui-ci a retenu les récompenses qu’il attend d’une nouvelle expérience de consommation. Le désir est au centre du processus même d’addiction, mais ce désir est la base même du craving.
- Les causes du craving
Plusieurs facteurs tendent à augmenter le phénomène de craving. Parmi eux se trouvent la dépression, l’exposition au stress et à un environnement qui favorise la prise de drogue (Morissette et al., 2014 : 27, Ferrer-Garcίa et al., 2012 : 424). Les patients qui ont été sevrés ou qui tentent d’arrêter leur addiction tombent souvent dans l’envie et la tentation d’expérimenter de nouveau la drogue ou le tabac (Johnson, 2012 : 386). D’autre part, l’étude de Ferrer-Garcίa et al. (2012 : 431) montre que chez les personnes qui sont déjà habituées à fumer des cigarettes, le craving peut frapper même dans des situations habituelles et ne nécessite pas d’autres facteurs tels que l’anxiété ou le stress.
Néanmoins, des études ont rapporté que le phénomène de craving est relié au stress et à la dépression. Les émotions négatives poussent l’individu à rechercher un peu de calme et de sérénité à travers la consommation de substances addictives ou psychoactives. Aussi, quand un individu tombe dans la dépression, il est susceptible de désirer vivement consommer du tabac ou de l’alcool par exemple même après un sevrage ou une abstinence plus ou moins longue. De même, les individus dépressifs présentent aussi un risque élevé de consommer de la substance addictive par rapport à ceux qui ne le sont pas. Par ailleurs, le risque de craving devient plus fort quand l’individu a consommé depuis longtemps la substance addictive. En effet, une consommation prolongée rompt les systèmes de neurotransmetteurs comme la dopamine et la sérotonine. En même temps, les substances addictives augmentent aussi le taux de corticotropine responsables des réactions face au stress et éléments indispensables des changements affectifs chez l’Homme. De ce fait, la sensibilité aux émotions négatives et le risque de dépression augmente avec la consommation de substance addictive. Plus l’individu sombre dans la dépression et plus, il va chercher du réconfort auprès des substances addictives et ainsi de suite[6].
La vulnérabilité du sujet devant la tentation dans un environnement qui favorise la prise de substances addictives vient du fait que celui-ci contribue à la création d’images mentales intrusives poussant à l’addiction. Les images mentales sont issues de la cognition de l’individu lui-même après son expérience et sa connaissance concernant les émotions et les sensations ressenties après consommation des substances addictives. Le craving se produit parce que l’individu n’est pas apte à contrôler ses pensées et plus particulièrement, les images involontaires qui viennent le surprendre et le pousser à adopter un comportement d’addiction (Billieux et Van der Linden, 2010 : 51).
L’environnement poussant au craving se caractérise en effet, par des bruits spéc ;ifiques, des vues, des odeurs, des paysages qui stimulent la mémoire du sujet addict. Quand la mémoire est stimulée, le sujet est apte à se remémorer l’expérience qu’il a vécue dans cet endroit et qu’il pense encore pouvoir revivre même après son abstinence. Du coup, des gestes anodins, insoupçonnées peuvent très vite devenir des signaux qui excitent le craving. Par exemple, le simple bruit d’une allumette pourrait susciter chez l’individu, la mémoire de l’odeur et de ce qu’il ressentait lorsqu’il préparait l’héroïne. De même, la vue d’une banale poudre blanche pourrait aussi rappeler les boulettes de cocaïne et pousser au craving. Dans la plupart des cas, l’environnement est une des causes les plus importantes de craving. Il est également le plus difficile à contrôler. Pourtant, c’est l’environnement qui, dans la majorité des cas, va conduire le sujet à consommer de nouveau la drogue parfois à outrance, ce qui l’expose au risque d’overdose. En effet, une fois que le sujet replonge après une période d’abstinence, sa dépendance redouble, ce qui rend encore plus difficile son sevrage (Fisher et Roget, 2009 : 250).
Outre à cela, des facteurs génétiques semblent être impliqués dans le phénomène de craving. Pour illustrer ce fait, les consommateurs de marijuana se montrent plus vulnérables face à l’exposition de cette substance plus particulièrement lorsqu’ils sont porteurs de l’allèle G, caractérisé par la variation du récepteur CB1dans le néocortex et la région limbique. Par contre, les consommateurs de marijuana montrant le génotype A/A sont plus résistants car ils se montrent moins dépendants de la substance addictive[7]. Par ailleurs, des études ont été menées pour identifier les différentes gènes impliquées dans le processus d’addiction en dressant une base de données moléculaires (Blum et al., 2010 : 515).
- Approches d’inhibition du craving
- Le principe de désensibilisation systémique
La désensibilisation systématique est un processus impliqué dans la thérapie des personnes qui subissent une anxiété profonde. C’est un processus qui se réalise en trois phases. La première consiste à relaxer le sujet. Dans la deuxième phase, le thérapeute expose directement le sujet face à l’objet de sa peur ou indirectement à travers des images classées par hiérarchie par exemple. Cette exposition déclenche une anxiété chez l’individu. La troisième phase consiste à rompre l’exposition de manière à ce que le sujet puisse déployer tous ses efforts afin de se relaxer et être apte à affronter l’objet de sa peur. Les images sont donc exposées une à une jusqu’à ce que le sujet puisse les regarder sans pour autant ressentir de l’anxiété (Huffman, 2007 : 447).
La désensibilisation systématique se base sur la théorie de l’apprentissage. Cette théorie a été exploitée dans différentes thérapies pour soigner les troubles anxieux. Dans l’approche de désensibilisation systématique, l’individu apprend à contrôler les différents stimuli anxiogènes d’une part. D’autre part, il apprend également à se relâcher face à une situation stressante. Et comme l’apprentissage du comportement à adopter devant une situation ou un environnement anxiogène est progressif, les stimuli présentés sont également hiérarchisés en fonction de leur intensité. Durant la désensibilisation systématique, le sujet établit une hiérarchie des peurs. L’individu peut imaginer qu’il est face à l’objet de sa peur. Mais dans d’autres cas, des images lui sont présentées. En tant que thérapie comportementale, la désensibilisation systématique repose sur le fait que les peurs ont été apprises par chaque être humain dans un contexte spécifique. Ainsi, pour les éradiquer, il faut également que l’individu apprenne à les affronter (Nevid et al., 2009 : 134).
La désensibilisation systématique insiste sur la dimension comportementale de l’addiction pour aider le sujet[8]. Le but est de favoriser chez le sujet addict, des comportements de négation face à des offres et des opportunités pour consommer de la drogue[9]. La désensibilisation systématique a été développée par Wolpe agit pour inhiber dans un premier temps et de supprimer définitivement dans un deuxième temps, la phobie et les anxiétés d’une personne. Du point de vue clinique, la désensibilisation systématique a été initialement adoptée afin d’aider les patients anxieux. La technique implique que le patient imagine des scènes induisant la peur chez lui. Afin de retrouver la relaxation, des exercices musculaires sont réalisés par l’individu. De cette manière, l’individu est apte à trouver lui-même une technique de relaxation qu’il va adopter en cas d’anxiété si bien qu’il peut faire face à ses peurs (Klein, 2015 : 89 – 90).
La désensibilisation systématique a été appliquée dans le traitement des sujets alcooliques. Les patients qui ont été choisis présentaient une dépendance à l’alcool, mais d’une autre côté, ils étaient aussi des sujets anxieux. Plus leur anxiété augmente, et plus ils éprouvent un désir intense de consommer de l’alcool. Quand ils ont été désensibilisés et qu’ils ont pu enfin maîtriser leur peur, leur fréquence de consommation d’alcool a également diminuée. Parfois, la désensibilisation systématique est également menée pour réduire l’anxiété qui accompagne le phénomène de craving. L’alcoolo-dépendant consommait alors régulièrement du vodka, mais à la fin de sa désensibilisation, il ne ressentait plus aucune peur. Par conséquent, il n’était plus tenté de reboire de l’alcool. Il a été démontré que la désensibilisation systématique est efficace pour lutter contre l’inaptitude de l’individu à rester sobre. Certains patients en effet, ont peur d’arrêter de boire. C’est la désensibilisation systématique qui est alors déployée pour arrêter cette phobie (Caddy et Block, 1983 : 152).
- Les techniques d’exposition virtuelle
Le traitement par l’exposition est une approche consistant à exposer de manière répétée le sujet addict à des signaux reliés à la substance addictive. Ces signaux peuvent induire des réactions négatives chez le sujet d’où la nécessité de contrôler l’exposition. Ce traitement a été utilisé dans le traitement de l’addiction aux Opiacées et à l’alcool (Ferrer-Garcίa et al., 2012 : 423). La thérapie à travers l’exposition a pour objectif d’aider le sujet à faire face à la situation anxiogène. Elle repose alors sur l’exposition répétée de l’individu à l’objet de sa peur. Cette exposition se fait de manière contrôlée pour rassurer le sujet. L’exposition répétitive à l’objet ou à la situation anxiogène créé une certaine « familiarisation » de l’individu à celles-ci si bien qu’il finit par les percevoir comme étant inoffensifs. Par conséquent, il est plus apte à les affronter dans la réalité (Nevid et al., 2009 : 135).
L’exposition répétée suivie d’un apprentissage de l’individu à adopter un autre comportement l’aide à diminuer le craving même dans les périodes où il pourrait être tenté de consommer la substance comme dans le cas d’une émotion négative par exemple[10]. L’exposition virtuelle suppose que l’individu est exposé à la réalité virtuelle. Cette dernière implique la présence d’un moyen qui permet à l’individu d’interagir en temps réel avec des environnements virtuels créé dans des supports informatisés. La technique d’exposition virtuelle fait également partie des thérapies cognitives du comportement[11].
L’environnement mis en scène est un environnement existant. L’individu est amené à interagir avec cet environnement. Pour ce faire, il dispose d’un casque et de gants spéciaux. Dans cette réalité virtuelle, le sujet réagit exactement comme dans le cas d’une exposition in vivo. L’exposition virtuelle est adoptée lorsqu’il est difficile d’exposer l’individu à l’objet de ses peurs dans la réalité. Elle est également utilisée pour mieux contrôler la situation. L’individu et son thérapeute peuvent interrompre à tout moment l’intervention lorsqu’il juge cela nécessaire. Par ailleurs, il est observé que le degré d’anxiété peut être élevé à tel point que l’individu peut refuser de s’exposer aux objets anxiogènes. Par contre, ils acceptent plus facilement l’exposition en réalité virtuelle (Nevid et al., 2009 : 136).
L’exposition virtuelle suppose un environnement virtuel mais qui mime l’environnement pouvant attirer le sujet à tomber dans le craving. Plusieurs critères sont nécessaires pour que l’environnement virtuel puisse réellement plonger le sujet dans une réalité virtuelle notamment, la présence de toutes les variables qui induisent le craving ainsi que de tous les outils d’exposition. Cela implique que l’environnement virtuel devrait être conçu comme étant la réalité. En d’autres termes, la réalité virtuelle devrait mettre l’individu dans un contexte lui faisant sentir qu’il est réellement dans un environnement qui le tente au craving. Le sujet devrait sentir sa présence dans cet environnement virtuel (Ferrer-Garcίa et al., 2012 : 424).
Une étude chez des sujets addicts au tabac a montré que la présence dans l’environnement virtuel est un des facteurs d’induction de craving. Ainsi, lorsqu’un individu qui est exposé à un environnement virtuel le poussant au craving et qu’il ne se sent pas présent dans cet environnement, alors il est plus résistant à l’envie de replonger dans son addiction (Ferrer-Garcίa et al., 2012 : 429). Mais la capacité de la technique d’exposition virtuelle à aider l’individu à résister au craving vient du fait que la présence dans la réalité virtuelle permet de lutter contre les troubles anxieux, des stress post-traumatiques et de différentes formes de phobies[12].
- La musique
- Les effets psychologiques de la musique
La musique induit des réponses psychologiques et influençant le comportement des êtres humains. La musique provoque des émotions et des réactions corporelles à travers la danse, la modification du rythme cardiaque[13]. Il a été observé entre autres, que la musique dans l’autorégulation des émotions chez l’Homme. Elle est impliquée dans la modification de l’humeur tout en distrayant l’individu et en le relaxant. Cet effet de la musique sur la capacité d’autorégulation des émotions est observé aussi bien chez les adolescents que chez les personnes d’âge avancé. Chez les adolescents, la musique est un moyen de construction de sa propre identité. En offrant des expériences positives, la musique est un moyen efficace pour lutter contre les émotions négatives et le stress (Saarikallio, 2010 : 308).
La musique est source de joie et de relaxation. Cela vient du fait qu’elle provoque la libération de la dopamine dans le système striatal. La musique stimule entre autres, certaines régions du cerveau responsables de l’attention, de la mémorisation, des fonctions motrices et des émotions. C’est la raison pour laquelle, les sujets qui écoutent de la musique parviennent à améliorer leurs émotions et leur cognition (Croom, 2012 : 4).Une étude menée sur 21 adultes âgés entre 21 et 70 ans a démontré que la musique est un moyen pour avoir des sensations positives, du plaisir et de la joie. En même temps, c’est aussi une approche pour maintenir la bonne humeur et pour créer une atmosphère agréable. Pour les adultes, la musique est certainement un moyen pour se relaxer après une journée de travail mais également, pour obtenir une nouvelle énergie pour continuer à vivre et à travailler (Saarikallio, 2010 : 312). Les émotions positives créées par la musique pourraient s’expliquer par la capacité de celle-ci à libérer la dopamine, responsable du plaisir (Blum et al., 2010 : 516).
Il a été démontré entre autres, que la musique est source d’engagement de l’individu dans son activité et lui donne l’impression de s’accomplir. De nombreux musiciens affirment que leur activité musicale contribue largement à leur développement personnel. Elle permet entre autres, de donner un sens à la vie. Dans cette optique, la musique contribue à lutter contre la dépression (Croom, 2012 : 8 -9). De manière générale, la musique active l’hypothalamus et les antagonistes narcotiques et en ce sens pourrait prévenir l’addiction (Blum et al., 2010 : 514).
Néanmoins, tous les genres de musiques n’ont pas les mêmes effets sur les individus en fonction de leurs expériences de vie et leur âge. Certaines musiques peuvent en effet induire de la mélancolie, de la nostalgie. Des musiques plus agressives comme le hard metal par contre, peuvent induire la colère. Elle a été même exploitée pour son côté punitive, lors des interrogatoires[14]. Des musiques joyeuses et plus rythmées d’autre part, donnent l’impression de bien-être et facilitent la distraction (Saarikallio, 2010 : 308). Les différents instruments utilisés permettent aussi de créer des réactions diverses. Ainsi, le battement des tambours sont sources de plaisir, de dynamisme. Le bruit de cet instrument de musique renforce la sociabilité, et éloigne les caractères négatifs tels que l’égoïsme, l’aliénation, et l’isolement. D’autre part, en poussant l’individu à danser, elle permet aussi d’améliorer l’estime de soi (Blum et al., 2010 : 518).
Il faut remarquer entre autres, que mis à part le type d’instruments utilisés, l’intensité sonore joue également un rôle non négligeable sur l’émotion et la psychologie de l’individu. Lors des rituels tamouls, plus particulièrement, lors des cultes Śivaistes, plus l’intensité sonore est élevée, et plus l’émotion est aussi forte chez les fidèles. Les musiciens à un certain temps en effet, accélèrent le rythme et font une tumulte instrumental. Cette dernière a une explication spirituelle : pour chasser le mal. Mais elle est également une astuce pour couvrir les sons désagréables qui pourraient distraire ou perturber les fidèles dans leurs prières. Les impacts de la musique sont plus accentués quand la musique est déjà familière à celui qui écoute. Ainsi, lorsque l’écoute est répétée, le fidèle ressent à chaque fois une augmentation de ses émotions. Dans certains cas, il peut même plonger dans un état euphorique et adopter un comportement excessif[15].
- L’intégration de la musique dans les processus thérapeutiques
La musique a été aussi intégrée dans les processus thérapeutique pour traiter les comportements addictifs. Il a été rapporté que la musique a des effets qui renforcent la désensibilisation systématique chez les sujets addicts[16]. La musique en effet, peut faire dévier les pensées et les émotions négatives d’une personne en agissant sur l’activité mentale de l’individu. Ainsi, quand une personne est triste par exemple, en écoutant de la musique, elle peut avoir des idées plus gaies et trouver par la même occasion, du réconfort (Saarikallio, 2010 : 316).
Figure 2 : Les effets de la musique sur le traitement de l’addiction (source : Stamou et al., 2016)
Cette figure montre que la thérapie assistée par la musique permet de modifier les réponses de l’individu au craving en agissant sur ses pensées concernant la consommation des substances addictives. En même temps, elle réduit également la réaction de l’individu dans la vie quotidienne. Ces deux éléments permettent de réduire sa dépression. Et si la dépression est négativement corrélée avec le craving, alors la musique pourrait être un facteur clé pour réduire le craving chez les addicts.
Une étude menée auprès de 141 participants avait pour but d’évaluer la prédisposition de ceux-ci à ne pas replonger dans le processus de craving. Les témoins sont constitués par des personnes qui suivent des thérapies verbales. Les sujets traités pour leur part, sont traités par la musique. Il a été démontré que ceux qui suivaient une musicothérapie éprouvaient plus de prédisposition à réduire le craving par rapport au groupe témoin qui a uniquement suivi une thérapie verbale. Ce fait confirme que la musique agit sur la volonté de l’individu à ne plus consommer ou tout au moins, à contrôler sa consommation de substances addictives[17].
Par ailleurs, la musique dans un certain sens, a des actions proches des substances addictives à travers le fait qu’elle offre du plaisir à celui qui l’écoute et qu’elle permet la libération de la dopamine dans le striatum dorsal et dans le striatum ventral. Et ce pouvoir lui a valu d’être exploité pour susciter certains états intérieurs chez celui qui écoute, et d’être intégrée dans les approches thérapeutiques[18].
La musique est bénéfique pour le traitement d’enfants dyslexiques en permettant la plasticité de certaines régions cérébrales et en facilitant la transmission d’informations. Chez les personnes atteintes de la maladie de Parkinson, la musique est exploitée pour stimuler leur système moteur à travers le rythme de la musique. En d’autres termes, c’est un moyen pour améliorer le système moteur de manière à ce que les patients puissent être plus précis lors de leurs gestes. Outre à cela, la musique facilite également la concentration de matière grise dans le cortex (Croom, 2012 : 6).
- Spécificités de la musique tibétaine
La musique tibétaine est une musique religieuse pratiquée principalement par les moines bouddhistes à l’occasion de rituels. Dans cette optique, elle est plutôt vue comme étant une offrande aux Dieux. Mais pour celui qui joue, la musique tibétaine est une autre approche permettant de chasser les karmas négatifs. Le but en est de devenir digne des Dieux et de donner des offrandes qui puissent être à la hauteur de l’honneur des Dieux. Mais pour que cet objectif soit atteint, il faut que la musique parvienne à aider l’individu à se détacher du monde matériel et de libérer ses cinq sens afin qu’il n’éprouve plus de désir ou de l’attachement aux choses matérielles. Plusieurs instruments sont déployés à cet effet : des cymbales, tambours, gongs, cloches, conques, trompettes, flûtes[19]. La musique tibétaine utilise entre autres, des bols qui donnent des sons invitant à la prière et à la méditation (Hartwig, 2008 : 2).
Les sons et les vibrations créés par les bols chantants tibétains a été exploité pour retrouver la santé. Ils sont sensés éliminer les blocages mentaux, physiques et émotionnels qui empêchent le bien-être et la santé. La musique tibétaine permet à l’individu de se relâcher à travers la résonance des bols chantants. Les vibrations qui en découlent permettent la santé mentale et d’augmenter le flux d’énergie tout en évacuant les émotions négatives comme le ressentiment, la peur et la colère. D’ailleurs, les bols tibétains agissent sur les différents chakras du corps humain (Hanser, 2016 : 189).
La musique tibétaine entend rassembler et refléter les bruits de la nature, mais également les sons émis par les êtres humains. C’est dans cette optique, qu’elle fait intervenir le tambour pour imiter le bruit du tonnerre et que des moines récitent les textes sacrés également appelés mantras, pour diffuser une vibration particulière. A l’instar de toute autre musique employée dans les rituels, la musique tibétaine a la particularité d’amener l’individu à son état alpha : calme, détendu. En même temps, cette musique permet aussi l’éveil spirituel et est largement employée par les personnes qui font de la méditation. Entre autres, elle permet de réduire la douleur[20].
La musique tibétaine a été intégrée dans le processus thérapeutique de traitement de l’addiction à la drogue et à l’alcool. Une étude comparative sur l’effet de la musique tibétaine d’une part et d’une musique relaxante du Nouvel Age a démontré que la première était plus efficace par rapport à la seconde pour diminuer les pensées reliées à l’usage de drogue et d’alcool, mais aussi pour réduire les symptômes de dépression et le phénomène de craving[21].
- L’apport de la caméra thermique dans l’étude du craving
- Le fonctionnement d’une caméra thermique
L’imagerie thermique infrarouge permet d’apprécier les irradiations thermiques diffusées par le corps humain. Elle permet d’évaluer les variations thermiques au niveau cutané et sous-cutané, mais en même temps, elle caractérise aussi le flux sanguin et les pulsations cardiaques. Les variations thermiques de la peau traduisent différents contextes physiologiques et psychologiques : adaptation à l’environnement, lutte contre des menaces externes[22].
La caméra thermique capte l’énergie infrarouge par le biais d’une optique et d’un détecteur infrarouge. Les informations ainsi collectées sont transmises vers le capteur avant d’être traitées. Le traitement de données conduit à la diffusion d’une image observable sur un écran. Les données collectées par la caméra infrarouge sont constituées par les rayonnements infrarouges. L’observateur fait une lecture directement de l’image radiométrique qui permettent de projeter la température[23]. Ces différents éléments du fonctionnement de la caméra thermique sont résumés sur la figure suivante :
Figure 3 : Le fonctionnement d’une caméra thermique (source : Microepsilon, https://www.micro-epsilon.fr/download/products/dat–infrarouge-fondemonts–fr.pdf)
La caméra thermique réalise un auto-calibrage qui permet une précision des données collectées. L’appareil détecte lui-même le point chaud et mesure la température. Elle offre à l’observateur l’opportunité de trouver des données sous formes d’images qui peuvent être directement figées pouvant être stockées pour des études ultérieures[24]. La mesure thermique se base sur la loi du rayonnement de Planck selon laquelle plus la température augmente, plus le rayonnement spécifique d’un spectre va vers les longueurs d’ondes courtes[25].
- Les relations entre température et craving
La température pourrait être utilisée pour détecter le craving chez un individu. Une étude menée sur des individus accros aux cigarettes a permis de démontrer que l’exposition à des signaux induisant le craving augmente la température tandis qu’une abstinence s’accompagne d’une baisse de la température[26]. Une étude menée auprès de 32 adolescents, addicts à la cocaïne a démontré que lorsqu’ils étaient exposés à des signaux liés à la cocaïne, ils ont sombré dans le craving. Mais ce phénomène s’est accompagné d’une augmentation de la température de la peau. En même temps, la pulsation cardiaque diminue[27]. La température de la peau au même titre que la pression sanguine, la conductance de la peau et la salivation sont des paramètres inconscients qui accompagnent le craving et qui ont été démontrés comme étant pertinents pour évaluer le craving chez un sujet addict[28].
Carreiro et al. (2015)[29] pour leur part, ont rapporté que la détection de la consommation de cocaïne ou d’opioïde par injection conduit à une baisse de température et à une augmentation de l’activité électrodermale. Il faut remarquer que la consommation d’une substance neuroactive ne s’accompagne pas uniquement d’un changement au niveau de la température de la peau, mais également au niveau de la température du cerveau. En effet, ces substances provoquent des changements au niveau des mécanismes neuraux qui régissent l’activité métabolique. En même temps, elles sont également responsables des changements au niveau des échanges de chaleur entre le cerveau et le reste du corps. Selon la nature et les caractéristiques de la substance neuroactive, la température cérébrale peut augmenter ou baisser entre 35° et 39°C. Les substances semblables à l’amphétamine par exemple causent une hyperthermie cérébrale dépassant les 40°C et entraînent avec cela des anomalies structurelles au niveau des cellules cérébrales[30].
- Avantages de l’utilisation d’une caméra thermique en addictologie
La caméra thermique est un outil efficace et indispensable en addictologie pour évaluer les variations de températures qui suivent un phénomène de craving. Il s’agit d’une mesure non destructive et qui ne suscite pas des changements liés à l’anxiété chez le sujet étudié. En d’autres termes, l’évaluation de la température infrarouge n’impacte pas négativement sur la personne. D’autre part, la caméra thermique est un outil qui permet d’apprécier la température de la peau même assez basse. C’est un outil accessible et dont la mesure est assez aisée[31].
La mesure thermique par ailleurs, a été choisie par de nombreuses études afin d’évaluer le craving chez les patients. Dans le cas du projet iHeal, la nouvelle technologie a été déployée afin de connaître l’état physiologique du patient hors de la clinique. Il a été constaté en effet, qu’avec les différents équipements et dispositifs au sein d’une clinique, il est plus facile de mesurer différents paramètres physiologiques du patients et de le contrôler. Mais cela est beaucoup plus difficile lorsque le patient retourne dans son environnement habituel, où il fait face à de nombreuses tentations. Les Smartphones ont donc été adaptés pour évaluer l’activité du système sympathique à travers la mesure de l’activité électrodermale, la température de la peau et la fréquence cardiaque (Boyer et al., 2012 : 5). Il s’agit donc d’un moyen qui pourrait également être adapté pour être utilisé hors de la clinique.
Bibliographie
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