L’apatridie : un fléau mondial et les efforts pour sa résolution
PRINCIPALES ABREVIATIONS
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AFDI | Annuaire français de droit international |
AJDA | Actualité juridique, droit administratif |
Art. | Article |
C. civ. | Code civil |
C. nat. | Code de la nationalité |
CA | Cour d’appel |
CAA | Cour administrative d’appel |
Cass. | Cour de cassation (civ. : chambre civile ; crim. : chambre criminelle) |
CE | Conseil d’Etat |
CEDH | Cour européenne des droits de l’homme |
CRR | Commission des recours des réfugiés |
D. | Recueil Dalloz |
D. rép. Internat. | Répertoire de droit interntaional |
DUDH | Déclaration universelle des droits de l’homme |
Gaz. Pal. | Gazette du palais |
OFPRA | Office français de protection des réfugiés et apatrides |
ONU | Organisation des Nations Unies |
RCADI | Recueil des cours de l’Académie de droit international |
Rec. | Recueil Lebon |
Rev. dr. int. pr. | Revue critique de droit international privé |
Rev. gén. dr. int. publ. | Revue générale de droit international public |
RFDA | Revue française de droit administratif |
T. civ. | Tribunal civil |
TA | Tribunal administratif |
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PARTIE I. – LE DROIT A UNE NATIONALITE ET LES CAUSES
DE L’APATRIDIE.. 6
CHAPITRE I. – LE DROIT A UNE NATIONALITE.. 7
Section I. – Consécration internationale du droit à une nationalité. 7
Section II. – Liberté étatique dans l’octroi d’une nationalité. 10
CHAPITRE II. – LES RAISONS DE L’APATRIDIE.. 12
Section I. – Les éléments spécifiques du droit de l’apatridie. 12
Section II. – Apatrides de naissance. 17
Section III. – Apatridie adventice. 18
PARTIE II. – CONSEQUENCES JURIDIQUES ET RESOLUTION DE L’APATRIDIE 24
CHAPITRE I. – CONSEQUENCES JURIDIQUES DE L’APATRIDIE
EN FRANCE.. 25
Section I. – Le statut des demandeurs du statut d’apatride. 25
Section II. – Les apatrides statutaires. 27
CHAPITRE II. – PREVENTION DE L’APATRIDIE.. 31
Section I. – La méthode préventive. 31
Section II. – La prévention par accord diplomatique. 32
Section III. – La prévention de l’apatridie dans le droit français. 33
CHAPITRE III. – REDUCTION DE L’APATRIDIE.. 38
Section I. – Réduire l’apatridie par des conventions internationales. 38
Section II. – Réduire l’apatridie par des mesures législatives. 39
Section III. – Règlement de l’apatridie. 39
« Il y a conflit négatif (de nationalité) quand un individu est repoussé comme national par les lois de tous les pays auxquels il prétend se rattacher : cet individu est alors sans nationalité ; il est un apatride, un heimatlos[1] ». Aux définitions imagées de certains auteurs – et répétées par d’autres[2] – qui voient dans l’apatride une res nullius[3], un vagabond international[4], un vaisseau voguant sans pavillon en haute mer[5], il est certes plus opportun d’ajouter celle, juridique et plus précise, formulée à l’article premier, alinéa 1, de la Convention concernant le statut des apatrides, faite à New York, le 28 septembre 1954 475 : « Aux fins de la présente convention, le terme « apatride » désigne une personne qu’aucun Etat ne considère comme son ressortissant par application de sa législation[6] » (art. 1er). Cette définition, relevons-le dès à présent, vise tant ceux qui n’ont jamais possédé de nationalité que ceux qui en ont possédé une, mais qui l’ont perdue par suite de diverses circonstances de fait ou de droit.
Pour désigner l’état de la personne physique dépourvue de toute nationalité, le terme le plus souvent cité est celui d’apatridie (statelessness, apátridia, Heimatlosigkeit, Staatenlose). Il semble que le mot français apatride ait été utilisé pour la première fois en 1918 dans une étude due à Me Claro[7]. Il reçut une consécration internationale lors de la conférence diplomatique tenue à La Haye en 1930 : le mot figure, en effet, dans certains des protocoles adoptés. Quant à celui de heimatlosat, vieilli, il est issu du mot heimatlos proposé à l’article 56 de la Constitution helvétique de 1848, mais l’un comme l’autre ne se rencontrent plus guère de nos jours. Les individus qui subissent cet état anormal sont nommés apatrides, sans patrie, ou plus rarement heimatlos (Stateless persons, apátrida, Statenlose(r)…). Hans Kelsen utilisa encore, durant l’entre deux- guerres, les mots heimatlose et apolide, aujourd’hui hors d’usage. Un autre auteur qualifie joliment les apatrides d’« orphelins de droit international[8] ».
L’apatride est à distinguer avec de la notion de réfugié. Pour des raisons historiques, l’apatride a souvent, et est encore de nos jours, rapproché du réfugié. Jusqu’à la fin de la seconde guerre mondiale, d’ailleurs, les mesures internationales de protection des apatrides et des réfugiés furent étudiées et adoptées conjointement. Même par après, ce rapprochement a encore prévalu. On en veut comme preuve la solution apportée par les conventions internationales établies pour régler le statut des réfugiés ou des apatrides, au plan de la détermination de la loi applicable à leur statut personnel. En effet, tant dans l’article 12, paragraphe 1, de la Convention sur le statut des réfugiés, conclue à Genève, le 28 juillet 1951, que dans l’article 12, paragraphe 1, de la Convention sur le statut des apatrides, conclue à New York, le 28 septembre 1954, la loi applicable à l’état et à la capacité de ces personnes est celle du pays de leur domicile ou, à défaut de domicile, celle du pays de leur résidence.
Or, il y a des différences profondes entre la situation de l’apatride et celle du réfugié. En principe, ce dernier possède une nationalité, mais pour divers motifs, il n’est plus en mesure de revendiquer efficacement les droits et privilèges qui en découlent. Il s’est vu contraint de quitter son pays pour trouver asile ou refuge à l’étranger. En général, le réfugié ne possède qu’une nationalité, celle qui, précisément se trouve gelée en fait et en droit. Certes, théoriquement, une personne possédant plusieurs nationalités pourrait aussi craindre de subir des discriminations graves dans toutes ses patries. En pratique, cependant, l’hypothèse d’un réfugié plurinational n’existe guère : si l’intéressé doit quitter l’une de ses patries où il est en péril, il peut généralement se rendre dans l’autre sans devoir y réclamer le statut de réfugié.
L’apatridie est la conséquence du fait qu’il appartient à chaque État de déterminer en toute souveraineté quels sont ses nationaux. Aucun État n’étant tenu d’accorder sa nationalité à un individu pour la raison qu’il n’en aurait pas d’autre[9], il peut arriver qu’un individu n’entre dans aucun cas d’attribution ou d’acquisition de la nationalité d’aucun pays.
De l’apatridie, il ne fait guère de doute qu’il s’agit d’une situation préjudiciable à celui qui la subit, parfois même d’un véritable « fléau[10] ».
L’apatride, qui n’est le ressortissant d’aucun Etat, est, en effet, en tout pays un étranger[11]. Il court même le risque, dans les périodes troublées, de se trouver « dans la situation de l’étranger le plus défavorisé[12] ».
Sans doute la perspective peut-elle être, à certains égards, renversée si l’on observe que la Convention des Nations Unies du 28 septembre 1954, relative au statut des apatrides[13], offre aux apatrides un véritable statut international qui « apparaît sur bien des points supérieur […] à celui de l’étranger en général[14] ». Quelles que soient toutefois les ombres et les lumières de la condition de l’apatride, le phénomène reste regrettable, blessant peut-être un véritable droit de l’homme[15]. L’article 15 de la Déclaration universelle des droits de l’homme, votée le 10 décembre 1948, énonce, en effet, que « tout individu a droit à une nationalité » et il n’est pas contredit par l’article 24-3 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques du 19 décembre 1966[16], selon lequel « tout enfant a le droit d’acquérir une nationalité ». Sans doute s’agit-il là, en dépit aussi de la Convention multilatérale de New-York du 30 août 1961 sur la réduction des cas d’apatridie, de voeux bien plus que d’une véritable règle dans la mesure où, en l’état actuel du droit international, le phénomène de l’apatridie est, en effet, « irréductible[17] ». Il n’en reste pas moins que l’on doit autant que possible éviter de la susciter.
Tous les travaux entrepris au niveau international l’attestent : l’apatridie est vue de nos jours comme un mal qu’il convient d’éviter dans toute la mesure du possible[18].
On peut donc raisonnablement croire que s’il existait une autorité universelle compétente en matière de nationalité, elle prendrait bien soin de ne pas admettre l’apatridie. Un éminent internationaliste français a pourtant enseigné le contraire : « Même s’il n’y avait qu’une législation unique, mondiale, sur la nationalité, elle pourrait contenir des privations de la nationalité, source d’apatridie[19] ». Théoriquement, l’assertion est fondée. Pratiquement, il semble certain que l’existence d’un législateur international contribuerait aujourd’hui efficacement à diminuer ce malaise qu’est l’apatridie, sinon à le supprimer. Contredisant ce qu’avancait Louis-Lucas[20] dans l’entredeux-guerres, l’apatridie a bel et bien été depuis lors, condamnée dans son principe par les plus hautes institutions internationales. En outre, une doctrine pour une fois unanime s’est prononcée dans le même sens en appelant les législateurs à se montrer davantage vigilants que par le passé pour éradiquer ce malaise[21]. Mais il est vrai que, si elle est de nos jours tenue pour un mal, l’apatridie demeure en fait tolérée, voire favorisée pour des raisons souvent politiques. Quel paradoxe de constater que les condamnations internationales de l’apatridie abondent, alors que jamais le mal ne s’est tant développé en réalité : il y a de plus en plus de personnes privées de toute nationalité, surtout dans les pays jeunes. Ce qui nous amène dès lors à poser la question suivante : comment diminuer l’apatridie à l’échelle internationale ? Le développement qui va suivre se focalisera d’ailleurs sur cette question.
Pour une meilleure appréhension du sujet, nous allons exposer dans une première partie, le droit à une nationalité et les causes de l’apatridie (Partie I). Dans une seconde partie, il sera question des conséquences juridiques et de la résolution de l’apatridie (Partie II).
PARTIE I. – LE DROIT A UNE NATIONALITE ET LES CAUSES DE L’APATRIDIE
« Tout individu a droit à une nationalité. Nul ne peut être arbitrairement privé de sa nationalité ni du droit de changer de nationalité », proclame l’article 15 de la Déclaration universelle des droits de l’homme, adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies, le 10 décembre 1948[22]. Cependant, si toute personne a droit à une nationalité (Chapitre I), il est avéré que l’effectivité de ce droit est remise en cause par le phénomène de l’apatridie dont les raisons (Chapitre II) méritent d’être connues si l’on veut vraiment le prévenir et le réduire.
CHAPITRE I. – LE DROIT A UNE NATIONALITE
Section I. – Consécration internationale du droit à une nationalité
Il ressort de l’article 15 de la DUDH que toute personne a le droit de faire partie du patrimoine humain d’un Etat et, corolairement, de jouir du statut inhérent à sa qualité de national de cet Etat, tant dans l’ordre interne que dans l’ordre international.
Il interdit en principe les congés de nationalité[23]. Il en est de même pour le principe de l’allégeance perpétuelle.
Il découle de l’existence de l’adverbe arbitrairement dans l’article précité que tout Etat a le droit de retirer, dans certaines cas (dès lors que ce n’est pas arbitraire), sa nationalité à un de ses ressortissants. Pour qu’il n’y ait pas retrait arbitraire de nationalité, la commission des pires trahisions envers l’Etat auquel l’individu est rattaché n’est pas nécessaire. Il suffit, par exemple, qu’il ait acquis de manière volontaire une autre nationalité. La tendance contemporaine des législateurs va jusqu’à admettre comme justifiée la privation de nationalité par simple défaut de fidélité active envers sa patrie, moyennant cependant protection contre l’apatridie.
La Déclaration universelle des droits de l’homme interdit également les prohibitions arbitraires du droit de changer de nationalité, mais non tous les empêchements à ce changement, dès lors qu’ils seraient justifiés[24]. Prohiber à un jeune national qui n’a pas accompli son service militaire d’abandonner volontairement sa nationalité dans le but de se parer de cette obligation semble tout à fait justifié, nonobstant le fait que l’intéressé prouve qu’il acquiert une autre nationalité pour expliquer la répudiation de celle d’origine. Mais les attitudes d’opposition de fait d’autorités administratives en vue d’éviter le changement de nationalité peuvent devenir vexatoires – et donc arbitraires – si elles n’ont aucun motif valable, sinon la conviction que le simple fait de vouloir quitter la communauté nationale pour entrer dans une autre est en soi un acte inacceptable parce que preuve d’une trahison.
A la DUDH vient faire écho la Déclaration des droits de l’enfant du 20 novembre 1959, prise par la même assemblée. Ladite déclaration dispose, en son article 3 : « L’enfant a droit, dès sa naissance, à un nom et à une nationalité[25] ». C’est la consécration du principe selon lequel la nationalité d’origine est un droit de l’homme[26].
Tout comme la DUDH, la Déclaration des droits de l’enfant n’est une simple recommandation n’ayant pas comme telle de force normative[27]. Toutefois, la doctrine confère à ces instruments diplomatiques une valeur morale considérable dans les relations internationales, compte tenu de la qualité de leur origine.
L’Organisation des Nations Unies a décidé d’aller plus loin dans son action pour la promotion des droits humains fondamentaux et d’établir à cet effet des dispositions ayant un caractère obligatoire. Sous sa direction fut préparé le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, signé à New York le 19 décembre 1966.
L’article 24, alinéa 3 dispose que : « Tout enfant a le droit d’acquérir une nationalité ».
Le Pacte est souvent invoqué, mais sans succès, devant les tribunaux en matière de nationalité, mais seulement en son article 26, qui prohibe les discriminations[28].
Le droit de l’enfant d’acquérir dès sa naissance une nationalité a encore été réaffirmé par la Convention de New York du 20 novembre 1989 relative aux droits de l’enfant.
Si la Cour de cassation, après avoir longtemps résisté[29], reconnaît aujourd’hui, après le Conseil d’État[30], le caractère auto-exécutoire de certains articles de la Convention, notamment l’article 3, 1°, sur la prise en considération de l’intérêt supérieur de l’enfant[31], elle n’a pas encore eu l’occasion de se prononcer sur l’article 7 qui, s’il proclame le droit de l’enfant à une nationalité, ne paraît pas devoir être interprété comme obligeant l’État du lieu de naissance d’un enfant à attribuer à celui-ci sa nationalité, sauf dans le cas où cet enfant serait apatride[32].
Au niveau régional aussi, des instruments diplomatiques relatifs aux droits humains ont été adoptés, qui consacrent les droits fondamentaux de toute personne en matière de nationalité.
La Convention européenne sur la nationalité du 6 novembre 1997, signée mais non ratifiée par la France, prévoit simplement en son article 4 que « les règles sur la nationalité de chaque État partie doivent être fondées sur les principes suivants :
- a) chaque individu a droit à une nationalité;
- b) l’apatridie doit être évitée ;
- c) nul ne peut être arbitrairement privé de sa nationalité… ».
Sur le droit de l’individu à une nationalité, la convention ne paraît pas avoir une portée supérieure à la convention sur les droits de l’enfant. Aussi doit-on constater en pratique l’absence de règle positive formulée par le droit international et considérée en France comme imposant à un État d’attribuer sa nationalité à une personne présentant avec lui tel ou tel lien de rattachement.
Cette convention préparée sous la direction de l’Organisation des Etats américains par une commission des droits de l’homme, fut adopté le 22 novembre 1969 et signé ensuite par plus de vingt Etats du continent. En son article 20 il dispose :
« 1. Toute personne a droit à une nationalité.
- Toute personne a le droit d’acquérir la nationalité de l’Etat sur le territoire duquel elle est née, si elle n’a pas droit à une autre nationalité.
- Nul ne peut être privé arbitrairement de sa nationalité ni du droit de changer de nationalité ».
Elle a été adoptée lors de la dix-huitième Conférence des chefs d’Etats et de gouvernements membres de l’Organisation de l’unité africaine, tenue à Nairobi en juin 1981[33].
Cette charte ne contient aucune clause sur la nationalité, mais il est fait ici et là allusion à cette notion, par exemple à l’article 29, points 2 et 3, où il est dit que l’individu a le devoir « de servir sa communauté nationale… » ainsi que « de préserver et renforcer la solidarité sociale et nationale ».
Les Etats d’Asie n’ont pas encore élaboré de convention des droits de l’homme. La plus grande difficutlé réside dans le fait que ce continent est caractérisé par sa grande hétérogénéité philosophique, idéologique, culturelle et religieuse.
Touteoifs, une Déclaration des devoirs fondamentaux des peuples et des Etats asiatiques a été adoptée le 9 décembre 1983[34], par le Conseil régional sur les droits de l’homme en Asie. Cependant, il ne s’agit pas une œuvre régionale mais sous-régionale de quelques pays : l’Indonésie, la Malaisie, les Philippines et la Thaïlande.
Dans cette déclaration, il n’y a aucune disposition sur la nationalité, mais l’article 2, point 2.08, renvoie à la DUDH et aux Pactes des Nations Unies, en prévoyant : « il est du devoir de chaque Etat de respecter, mettre en oeuvre, faire observer, garantir, préserver et protéger à tout moment » les droits fondamentaux consacrés par ces instruments. Dès lors, il y a en quelque sorte incorporation des principes universels sur la nationalité dans cette déclaration asiatique.
Il découle des différents instruments précités une directive claire : la communauté internationale a un intérêt indubitable à ce que toute personne ait une nationalité. Le fait est que, comme l’a souligné, Jessup dans son ouvrage intitulé « A Modern Law of Nations » : « It is true […] that the stateless person is a caput lupinum[35] ».
L’ordre international sera d’autant mieux assuré si cet idéal peut être atteint. Un auteur français en déduit que « les Etats doivent… veiller à attribuer leur nationalité à tous les individus qui leur sont en fait rattachés par les liens les plus étroits », mais il reconnaît aussitôt après : « L’objectif que chaque individu ait une nationalité constitue cependant unidéal inaccessible[36] ». Qu’on ne puisse exiger des Etats qu’ils éradiquent l’apatridie en donnant une nationalité au moins à tous les habitants de la terre est une chose.
Section II. – Liberté étatique dans l’octroi d’une nationalité
Au droit de tout individu à une nationalité ne correspond aucune obligation parallèle pour tout Etat de l’accorder à ceux qui la solliciteraient[37].
Le fait est que chaque État détermine librement quels sont ses nationaux. Il s’agit là d’un des attributs fondamentaux de sa souveraineté. Il en résulte qu’un État ne saurait imposer à une personne la nationalité d’un autre État.
Il en résulte que seul l’État français, au moyen de sa législation, et si besoin par l’intermédiaire de ses tribunaux, est en mesure de déterminer quels sont ses nationaux[38]. Le droit français de la nationalité présente un caractère unilatéral car il décide qui est Français et qui ne l’est pas, sans pouvoir statuer en droit sur la nationalité d’une personne étrangère. Il est également exclusif, car seule la loi française est en mesure d’effectuer cette opération.
Comme corollaire du droit fondamental qu’a toute personne à une nationalité, la Déclaration universelle des droits de l’homme admet la prohibition pour l’Etat de priver arbitrairement quiconque de sa nationalité, ce qui implique d’évidence la possession préalable par l’intéressé de la nationalité de l’Etat en cause.
Dans une décision rendue le 12 janvier 1999, la Cour européenne des droits de l’homme, statuant à propos de l’article 8 de la Convention de sauvegarde (droit à une vie familiale), a reconnu que cette convention et ses protocoles « ne garantissent pas le droit à la nationalité » ; elle a cependant aussitôt ajouté que : « le refus arbitraire d’accorder la nationalité peut, dans certaines circonstances, soulever des problèmes sous l’angle de cette disposition [l’article 8], compte tenu des répercussions qu’un tel refus peut avoir sur la vie privée de l’intéressé[39] ». En l’espèce, les parents d’un enfant né en Finlande, et qui s’était vu attribuer la nationalité russe à la naissance, avaient réclamé pour lui la nationalité finlandaise. Celle-ci lui avait été refusée au motif que les requérants n’étaient plus menacés d’expulsion de Finlande.
CHAPITRE II. – LES RAISONS DE L’APATRIDIE
L’apatridie peut atteindre un individu dès le moment de sa naissance ou apparaître au cours de son existence : il y a donc des apatridies d’origine et des apatridies adventices. Cependant, avant d’exposer les faits pouvant être l’origine de ce phénomène, il semble opportun, pour une meilleure appréhension du sujet de voir d’abord les éléments spécifiques du droit de l’apatridie qui ne saurait être assimilé au droit des réfugiés.
Section I. – Les éléments spécifiques du droit de l’apatridie
La reconnaissance de la qualité d’apatride est relativement simple, tout au moins dans la théorie. La qualité est reconnue, selon l’article 1er, paragraphe 1er, de la Convention de New York de 1954, aux personnes « qu’aucun Etat ne considère comme son ressortissant par application de sa législation ». La condition première et essentielle est donc l’absence de toute nationalité du requérant. La reconnaissance de la qualité d’apatride peut alors intervenir, aux termes d’une procédure spécifique.
C’est l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) qui est en principe seul compétent pour reconnaître la qualité d’apatride, et ce aux termes du décret de mai 1953[40]. Toute demande de statut doit être présentée à l’Office, et la qualité d’apatride ne peut en principe être invoquée pour la première fois devant un tribunal administratif dans le cadre de la contestation d’une mesure d’éloignement prise à l’encontre du requérant – ce qui est une hypothèse relativement courante. Cette solution a été rappelée en février 1999 par le Conseil d’Etat dans une affaire Dlle Akhta[41].
Le contentieux relatif au statut d’apatride se distingue pourtant de celui relatif au statut de réfugiés, puisqu’en cas de décision négative de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), l’appel doit être interjeté devant le juge administratif ordinaire, c’est-à-dire, par application de l’article R. 50 du code des tribunaux administratifs, devant le tribunal administratif dans le ressort duquel le requérant réside. La Commission des recours des réfugiés est incompétente en la matière, selon les termes de la loi du 25 juillet 1952 (art. 5) et du décret précité de 1953 (art. 4, al. 3, art. 18 et s.)[42]. Rappelée par la Commission des recours dans une décision de 1956[43], cette incompétence a été explicitée par le Conseil d’Etat dans un arrêt Subramaniam de 1981[44] ; elle est rappelée avec particulièrement de netteté dans un arrêt Jabl de 1994 : « les recours contre les décisions du directeur de l’OFPRA statuant sur les demandes de reconnaissance de la qualité d’apatride, lesquelles ne sont pas soumises à la Commission des recours des réfugiés, doivent être portées devant la juridiction administrative de droit commun[45] ».
Le contentieux inhérent au rejet de la demande par l’OFPRA est donc porté devant le juge administratif ordinaire. La voie procédurale est alors des plus classiques : en cas de confirmation par le tribunal administratif de la décision négative, le demandeur peut interjeter appel devant la cour administrative d’appel compétente[46] ; il peut, en dernier ressort, former un pourvoi devant le Conseil d’Etat[47]. Ce dernier peut connaître du fond de l’affaire. Il peut ainsi être amené à refuser la qualité d’apatride au requérant (affaire Akhtar de février 1999[48]) ou au contraire décider de lui reconnaître ladite qualité (affaire Sarigul de décembre 2000[49]). Pour ce faire, et comme avant lui l’OFPRA et le juge administratif du fond, il s’attache à vérifier que le requérant remplit la condition première de l’apatridie, à savoir l’absence de toute nationalité.
La qualité d’apatride doit, par essence, être reconnue aux personnes qui ne sont pas le ressortissant d’un Etat internationalement reconnu, quel que puisse être cet Etat. Cela paraît relever du truisme, mais la Convention de New York est tout de même venue le rappeler dans son article 1er, paragraphe 1er. De ce point de vue, et pour reprendre l’expression du commissaire du gouvernement Mm e Denis-Linton, l’apatride apparaît nettement comme un « orphelin de l’Etat[50] ».
Une remarque s’impose, concernant le contentieux même de la nationalité. En cas de doute sérieux sur la nationalité du requérant, le juge de l’apatridie doit surseoir à statuer en raison de l’existence d’une compétence exclusive du juge civil en la matière (art. 29 C. civ.[51]). La limite à l’exercice de la question préjudicielle se trouve cependant dans le critère tenant à l’existence d’une argumentation sérieuse de la part de la partie intéressée. La solution est constante, et a été rappelée par le juge pénal dans un arrêt de la Chambre criminelle de la Cour de cassation de juillet 2000[52]. Dans cette optique, le Conseil d’Etat a confirmé en septembre 2000 la solution déjà retenue par le juge administratif du fond, en affirmant que le refus par les autorités nationales du requérant de délivrer des documents tels qu’un visa ne permet pas de considérer qu’il existe pour autant un doute sérieux sur la nationalité de l’intéressé[53]. En d’autres termes, les autorités françaises s’attachent à vérifier l’absence de nationalité du requérant, et les difficultés éventuelles que peut rencontrer un ressortissant étranger avec les autorités publiques de son pays d’origine n’entrent pas en considération pour la détermination de l’existence du lien de nationalité. Ainsi, « l’absence d’effectivité » de la nationalité du requérant est un moyen inopérant dès lors que le lien de nationalité existe[54]. En d’autres termes, le droit français contemporain rejette le concept d’« apatridie de fait » qui avait fondé une partie des travaux des Nations unies après la Seconde Guerre mondiale. Dans une étude datée de 1949[55], les Etats avaient admis que pouvaient être considérées comme apatrides de fait « les personnes qui, ayant quitté le pays dont elles avaient la nationalité, ne jouissent plus de la protection et de l’assistance de leurs autorités nationales[56] ». Ce concept a cependant été abandonné, les personnes concernées pouvant – et devant – être qualifiées de réfugiés aux termes de la Convention de Genève de 1951. Car même si dans une telle hypothèse il n’existe pas de protection étatique effective, le lien de nationalité n’en demeure pas moins. Selon le droit positif actuel, ces personnes ne peuvent donc prétendre à la qualité d’apatride.
L’apatride est une personne physique qu’aucun Etat ne considère comme son ressortissant, et la condition est strictement entendue. Il est hors de propos pour les juges français d’en sortir, ce qui justifie l’examen strict auquel il se livre à l’égard de toutes les nationalités éventuelles que pourrait avoir le requérant[57].
A cette lecture à la lettre de la Convention de 1954, la jurisprudence française est venue cependant apporter un complément, d’aucuns pourraient évoquer un correctif. Car le statut d’apatride doit être réservé à ceux qui ont effectivement besoin d’une protection de substitution, faute d’Etat national. Les autorités françaises prennent donc en considération un élément subjectif lié à la cause même de l’apatridie.
La cause de l’apatridie fait l’objet d’un examen sérieux, qui se justifie par le fait que la France refuse avec constance de reconnaître la qualité d’apatride à un individu pour lequel on peut considérer que l’absence de nationalité est la conséquence d’un acte de sa part. L’apatridie ne doit donc pas être la conséquence d’un acte du requérant ; plus avant, la jurisprudence a précisé qu’elle ne doit pas être la conséquence d’un acte volontaire de l’intéressé.
La solution française, selon laquelle l’apatridie du requérant ne doit pas être la conséquence d’un acte de sa part, est relativement ancienne. Elle figure dans plusieurs arrêts émanant à la fois de juges du fond[58] et du Conseil d’Etat, notamment, pour ce dernier, les affaires Popescu de 1994[59] et Dozsa de 1997[60].
La même solution peut se déduire des termes de l’arrêt Buta du Conseil d’Etat de mars 1999[61], arrêt qui évoque la « renonciation » du requérant à sa nationalité roumaine. Cet arrêt est d’ailleurs particulièrement intéressant en ce qu’il confirme la décision négative de l’OFPRA en considérant que le requérant n’avait pas encore perdu ladite nationalité roumaine au moment de la demande de reconnaissance de la qualité d’apatride, condition d’ordre conventionnel (nous l’avons déjà relevé : il ne faut pas être le ressortissant d’un Etat). Plus avant, l’arrêt anticipe toute velléité de réouverture ultérieure du dossier, puisque, si M. Buta venait à introduire une nouvelle demande une fois sa nationalité roumaine effectivement perdue, le Conseil d’Etat rappelle que l’Office devrait rejeter la requête puisque la qualité d’apatride résultera alors d’un acte volontaire, d’une « renonciation » à la nationalité. Et l’on retrouve ainsi le rappel implicite, dans l’arrêt, de la deuxième condition de la qualité d’apatride, condition d’ordre jurisprudentiel et prétorien.
Implicite dans l’arrêt Buta, cette seconde condition est formulée de façon explicite dans un arrêt de cour administrative d’appel Bayram, de septembre 1999[62]. Elle est logique dans la mesure où la qualité d’apatride est destinée à offrir une protection de substitution à ceux qui sont exclus de toute protection étatique ; elle ne saurait constituer un moyen déguisé d’immigration, ce qui galvauderait à la fois l’institution et la spécificité du statut, et ne pourrait que nuire aux apatrides « malgré eux ». La qualité d’apatride fondée sur la Convention de 1954 est et doit rester une solution ultime pour ceux qui, selon le mot d’Hannah Arendt, ont perdu « le droit d’avoir des droits » du fait de leur exclusion de toute communauté nationale[63]. Cette situation exceptionnelle implique des conditions précises, mais également des modes de reconnaissance propres.
Cette idée d’acte volontaire est centrale dans le contentieux de l’apatridie ; elle est particulièrement explicite dans un arrêt Sarigul de Conseil d’Etat de décembre 2000[64]. La Haute assemblée s’attache dans un premier temps à l’examen des conditions objectives de la qualité d’apatride, et constate que, si l’intéressé ne jouit pas de la nationalité turque, cette situation est la conséquence d’un acte volontaire de sa part, à savoir son refus de remplir ses obligations militaires.
Dans une espèce identique, la jurisprudence administrative avait considéré dans l’affaire Bayram de 1999[65] que le requérant ne pouvait se voir reconnaître la qualité d’apatride, puisqu’il serait réintégré dans sa nationalité turque en cas de retour dans son pays d’origine. En d’autres termes, on aurait ici une fausse apatridie. Mais dans l’affaire Sarigul le Conseil d’Etat va plus loin : il constate effectivement la possible réintégration de l’intéressé dans sa nationalité d’origine en cas de retour en Turquie, mais il considère parallèlement qu’en raison des risques de persécutions dus à ses origines kurdes et à son engagement politique, un tel retour l’exposerait à des traitements inhumains ou dégradants tels que prohibés par l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme. Le Conseil d’Etat en déduit que « dans ces circonstances, M. Sarigul était en droit de se prévaloir […] de la qualité d’apatride ».
Apparaît alors pleinement le critère subjectif complémentaire tenant à l’existence éventuelle de persécutions. Au-delà de l’acte volontaire ayant éventuellement conduit à la qualité d’apatride, le Conseil d’Etat s’attache à vérifier que cet acte n’est pas motivé par des éléments extérieurs à la volonté de la personne – en d’autres termes, l’apatridie peut être la conséquence d’un acte mais non d’une volonté établie de l’intéressé, c’est-à-dire que dans cette hypothèse l’acte doit être justifié par des éléments indépendants de la volonté, en l’espèce la crainte de persécutions. Ce n’est en réalité là que l’application, par la jurisprudence française, de la recommandation formulée par la Conférence des Nations unies à laquelle participait la France et qui a abouti à la Convention de 1954, recommandation qui figure dans l’Acte final de ladite Convention (§ 3) : « La Conférence recommande que, lorsqu’ils reconnaissent comme valables les raisons pour lesquelles une personne a renoncé à la protection de l’Etat dont il était le ressortissant, les Etats contractants envisagent favorablement la possibilité d’accorder à cette personne le traitement que la Convention accorde aux apatrides ». C’est exactement la solution que retiennent les autorités françaises, et qui transparaît à travers l’affaire Sarigul de décembre 2000.
Section II. – Apatrides de naissance
La première et la plus évidente des causes de l’apatridie est indubitablement l’incohérence dans les critères attributifs d’une nationalité.
C’est ce qu’un auteur qualifie de cause tirée des conflits de lois sur la nationalité (conflict of nationality laws[66]). Makarov ne dit rien d’autre lorsqu’il affirme que la qualité d’apatride est une conséquence de conflits négatifs de nationalité[67].
Si les législateurs utilisent des critères différents pour attribuer une nationalité, il peut arriver, eu égard aux circonstances de fait, qu’un individu ne réponde à aucun desdits critères et devient ainsi apatride dès sa naissance. Aussi, il découle du jeu combiné du critère du jus soli et du jus sanguinis qu’une personne née dans un Etat favorable à ce deuxième système de parents originaires d’un Etat consacrant le premier ne possède, à sa naissance, aucune nationalité.
Nonobstant le fait que cette hypothèse soit classique, elle ne se rencontre plus aujourd’hui. De nos jours, les Etats, s’étant rendus compte de ce mal qu’est d’apatridie, prennentd’une manière générale soin de prévoir dans leur loi nationale une clause particulière permettant d’éviter que ces cas d’apatridie d’origine apparaissent. Ils agissent ainsi en vue de tenir compte des traités tendant à réduire l’apatridie. Malgré qu’ils ne soient pas liés par ces instruments, les Etats admettent la pertinence des réglementations qu’ils contiennent et suivent de bon gré leurs règles prises comme des conseils judicieux. Cependant, il est à préciser que que ce malaise est possible du point de vue théorique et qu’il prévaut encore en fait de nos jours.
L’hypothèse selon laquelle les lois nationales usent d’un même critère de base (par exemple le jus sanguinis) peut également se présenter, mais que ces lois contiennent des réglementations détaillées dont la mise en oeuvre simultanée peut déboucher sur l’apatridie. Il suffit parfois de peu, en pratique, pour que le malaise survienne : un mot différent, une condition particulière…
Soit un couple mixte dans lequel la femme est ressortissante d’un Etat qui impose la célébration civile du mariage, alors que le mari se rattache à un Etat qui exige de ses nationaux, même s’ils se marient à l’étranger, qu’ils procèdent à une cérémonie religieuse.
Supposons que les conjoints se soient mariés devant l’officier de l’état civil de l’Etat de l’épouse. Un enfant naît de ce couple, dans cet Etat. L’examen de la loi sur la nationalité de ce pays permet de constater que l’enfant ne bénéficie pas de l’attribution de la nationalité dudit Etat qui, supposons-le, n’admet ni le jus soli, ni le jus sanguinis a matre. Cet enfant se verra-t-il attribuer la nationalité de son père si celui-ci consacre le jus sanguinis a patre ? A première vue, la réponse est affirmative car le droit national du père va en ce sens. Survient alors la question préalable de filiation : le lien de paternité est-il légalement établi selon le droit du père, droit dont dépend l’attribution de nationalité ?
Il suffit que, en application de la loi de cet Etat, la présomption de parternité légitime ne s’applique pas eu égard à la non validité du mariage (en raison du vice de forme), pour que l’enfant n’ait pas la nationalité de son père, du fait que celui-i n’est pas légalement son père dans l’Etat de ce dernier. Aussi, compte tenu que les deux Etats optent pour le jus sanguinis, l’enfant sera apatride.
Comme pour les conflits positifs de nationalités, l’apatridie peut résulter de l’effet récurrent d’une situation d’apatridie. L’enfant né d’une mère apatride et dont le père est inconnu peut ainsi suivre la néfaste condition de sa mère dès sa naissance. Assez souvent, la filiation naturelle a été victime de cet effet collectif.
Pour se parer de cette difficulté, certains Etats admettent dans de telle situation l’application à titre subsidiaire du jus soli. Il en est ainsi de la Belgique. L’alinéa 1er de l’article 10 du Code de nationalité belge, du 28 juin 1984 dispose que : « Est Belge, l’enfant né en Belgique et qui, à un moment quelconque avant l’âge de dix-huit ans ou l’émancipation antérieure à cette date, serait apatride s’il n’avait cette nationalité ».
Section III. – Apatridie adventice
Une personne physique possédant à sa naissance une ou plusieurs nationalités peut devenir apatride si, durant sa vie, elle perd toutes ses nationalités, volontairement ou involontairement. Le cas d’un plurinational versant dans l’apatridie demeure évidemment exceptionnel, mais en revanche, on connaît de nombreux cas d’individus privés, souvent sans le savoir ni le vouloir, de leur nationalité d’origine.
La doctrine a distingué l’apatridie désirée ou imposée, d’une part, et l’apatridie individuelle ou collective, d’autre part.
La renonciation volontaire de la nationalité ne prévaut plus guère de nos jours, en droit positif, comme source de l’apatridie. On la mentionne pour mémoire. Il s’agirait du cas d’un individu possédant une nationalité déterminée (soit attribuée à sa naissance, soit acquise postérieurement à celle-ci) et qui renoncerait de plein gré à cette nationalité en effectuant toutes les démarches nécessaires dans ce dessein, alors qu’il ne possède par ailleurs aucune autre nationalité. On voit mal ce qui pourrait pousser une personne à adopter pareille attitude qui le prive du droit de vivre dans l’Etat dont il a la nationalité comme dans tout autre Etat.
Toutefois, l’exemple célèbre de Jacques Brosse, dans son ouvrage « Hitler avant Hitler », mérite d’être rappelé :
« […] la complaisance avec laquelle il [Hitler] renonça à sa nationalité autrichienne et devint un apatride, l’apatridie étant par lui considérée comme un nécessaire purgatoire le préparant à devenir un authentique citoyen allemand […][68] »
On connaît que le Führer recula longtement ce moment : nonobstant le fait qu’il soit un ancien combant dans l’armée allemande, il ne devint allemand que lorsque les circonstances politiques l’y conduisirent inévitablement. Cependant, ce cas ne doit pas battre en brèche le constat selon lequel en général, les apatrides n’ont nullement voulu ce mal.
Par ailleurs, il est avéré que de nos jours, il n’est pas facile de se débarrasser de sa nationalité, à moins qu’on arrive à prouver aux autorités de l’Etat auquel on est rattaché, qu’on en a une autre ou qu’on va acquérir une autre.
Il y a plus : on conçoit mal que des Etats puisse accepter qu’un de leur nationaux puisse répudier sa nationalité pour être un apatride à cause de cette dénationalisation. Le congé de nationalité n’est plus guère de mise de nos jours.
Ce cas est beaucoup plus vraisemblable et plus répandue.
Il y a d’une part, les pertes involontaires de nationalité en raison de l’attitude de l’intéressé lui-même (de la simple négligence jusqu’à la trahison) et d’autre part, les pertes involontaires de nationalité prévues par l’autorité étatique pour des motifs les plus divers, notamment en raison du statut de la personne en cause.
Les exemples de lois de déchéance de nationalité justifiée par une condamnation pour crime, notamment en raison d’une atteinte à la sécurité nationale ou d’un acte de déloyauté grave, sont très nombreux : rares sont les lois dans le monde qui ne comptent pas de pareilles mesures.
La deuxième catégorie de cas de dénationalisation comprend toutes ces lois par lesquelles un législateur souvent inattentif admet l’apatridie ; certaines dispositions sur la nationalité hellénique ont été citées en exemple[69].
Elle comprend également des mesures de dénationalisations à connotation politique, comme l’ancienne loi égyptienne n° 391 du 20 novembre 1956, qui qui suscitait l’apatridie de tous les Egyptiens qualifiés de « sionistes » dans cette loi nouvelle, sans que ce mot ne soit légalement défini.
Même les Etats qui se rendent compte que l’apatridie est un phénomène à éviter, ont été amenés à l’admettre à l’égard des individus qui se sont rendus coupables de certaines infractions contre la sûreté de l’Etat. Tantôt, la dénationalisation ainsi prévue intervient comme une déchéance de nationalité, peine civile elle-même ; tantôt elle résulte du prononcé d’une sanction
pénale grave. Aussi, dans plusieurs Etats, la personne qui a été condamné aux plus lourdes peines criminelles pour trahision en temps de guerre est de plein droit privé de sa nationalité, Parfois, cette déchéance n’est possible qu’à l’égard de naturalisés, et non visà- vis de ceux qui possèdent la nationalité d’origine.
Plusieurs législations actuelles voient dans certains comportements de nationaux une intention de renoncer à la nationalité. Ainsi, le fait de servir dans les forces armées d’un pays étranger, d’occuper un poste administratif au service d’un gouvernement étranger ou de prêter un serment quelconque d’allégeance à un pays étranger[70] peuvent entraîner la perte d’office de la nationalité possédée ou une investigation des autorités de l’Etat de cette nationalité ayant pour effet une décision de retrait de celle-ci.
Les mesures législatives nationales de déchéance de nationalité ont été critiquées en doctrine alors même qu’elles retenaient cette méthode de privation forcée de la nationalité exclusivement à l’égard des individus qui, par leur comportement personnel, s’étaient affichés comme traîtres à leur patrie, en collaborant avec l’ennemi durant une guerre. Ce n’est pas tant le fait même de susciter l’apatridie des personnes visées qui fut ainsi dénoncé que l’inefficacité de la mesure. Car l’idée sous-jacente était bien d’écarter de la communauté nationale ces personnages peu recommandables, en les éloignant, bon gré, mal gré, du territoire national. Mais comme aucun Etat n’est tenu, sauf s’il s’est lié par une convention contraire, de recevoir des apatrides sur son propre territoire, il en résulte soit une obligation pour l’Etat d’origine de ces individus de les garder chez lui, soit une éternelle errance des exclus.
Mohamed Riad a cité l’exemple d’un apatride d’origine égyptienne obligé de demeurer à bord d’un navire et il a rappelé la pénible aventure de Juifs privés de leur nationalité allemande ou autrichienne dont Cuba refusa l’entrée sur son territoire avant la seconde guerre mondiale[71].
La plupart des cas de dénationalisations désirées, de même que certaines hypothèses de dénationalisations imposées, présentés ci-dessus, conduisent parfois à des apatridies individuelles, car elles ne touchent qu’un individu pris isolément.
Les cas de dénationalisation de masse ou d’apatridie collective, par décision législative, sont devenus plus fréquents. Ils apparaissent souvent à la suite de changements territoriaux, soit par décolonisation (au moment de l’accession d’une colonie à l’indépendance, voire ultérieurement), soit par démembrements d’Etats par suite de conflits armés.
Il en est ainsi des habitants d’un territoire qui passe d’une souveraineté à une autre. En principe, ces personnes perdent la nationalité de l’Etat qui fut le leur pour acquérir, soit de plein droit, soit par une mesure spéciale du nouveau pouvoir, la nationalité du nouvel Etat. Ni les autorités de l’ancienne puissance ni celles de l’Etat successeur n’ont intérêt à accepter qu’en ces circonstances des individus vivant sur ce territoire cédé tombent dans l’apatridie. Et cependant, que de fois ne se montrent-ils pas assez attentifs à éviter celle-ci ! L’histoire autant
que l’actualité apprennent qu’à l’occasion de transferts de souveraineté consécutifs à des démembrements d’Etats il se produit souvent des transferts de populations qui se retrouvent sans nationalité, soit par l’insouciance des législateurs, soit par la volonté délibérée des gouvernements.
Au cours de la première moitié de ce siècle, les cas de dénationalisation de masse ou d’apatridie collective se sont multipliés :
« Inaugurée par l’URSS dès 1921, sanctionnée tour à tour par les lois d’Etats totalitaires, cette pratique a fait de l’apatridie, autrefois considérée comme un accident et une anomalie, la condition de millions d’individus. […] La pratique des dénationalisations massives entraîne des conséquences internationales dont les plus importantes concernent l’exercice du droit d’expulsion et celui de l’asile territorial[72] ».
Au temps du fascisme triomphant, de nombreux ressortissants italiens furent aussi privés de leur nationalité parce qu’ils affichaient des convictions politiques contraires à celles du pouvoir : une loi du 31 janvier 1926 organisa leur dénationalisation collective[73].
La situation des populations de colonies accédant massivement à l’indépendance durant les dernières décennies s’est vue réglée par ce principe d’automaticité. Certains documents ont relevé toutefois quelques cas, heureusement point trop nombreux, de création d’apatridies consécutives à ces transferts de souverainetés[74]. L’accord conclu entre les gouvernements de l’Inde et de Ceylan (aujourd’hui Sri Lanka) sur le statut et l’avenir de personnes d’origine étrangère à Ceylan, conclu à New Delhi le 30 octobre 1964, apprend que près d’un million de personnes n’avaient pas, à cette date, été reconnues comme possédant la nationalité de l’un ou de l’autre de ces pays[75].
Les dénationalisations collectives ne se rencontrent plus tant de nos jours, mais n’ont point totalement disparu. Il suffit de troubles politiques dans l’une ou l’autre partie du monde pour que le phénomène réapparaisse.
En voici un exemple assez récent qui fut à l’origine de maints troubles et de massacres collectifs en Afrique centrale. En 1908, lors de la cession de l’Etat indépendant du Congo à la
Belgique par le roi Léopold II, de nombreux Banyarwanda, important groupe ethnique de la région des Grands Lacs africains, se retrouvèrent, sans pour autant se déplacer, sur le territoire de la nouvelle colonie du Congo belge. Ils n’eurent pas conscience que la loi votée par le Parlement belge leur conférait ipso facto la nationalité belge, mais sous une forme diminuée : ils devinrent des sujets belges, et non des citoyens belges à part entière.
D’autres Banyarwanda, demeurés sur le sol de l’ancien royaume du Rwanda, passèrent sous occupation allemande avant de se retrouver, par la force des armes et des traités de paix consécutifs à la première guerre mondiale, sous allégeance belge. Peu de temps après, ce royaume fut placé par la Société des Nations sous mandat belge. Dès lors, les frontières des deux territoires – Congo belge, d’une part, Ruanda-Urundi, de l’autre – cessèrent de constituer de réelles démarcations infranchissables, pour autant qu’elles l’aient été auparavant pour les autochtones. Et cela d’autant plus que la Belgique rattacha au plan administratif le territoire du Ruanda-Urundi à la colonie du Congo belge.
Dans les décennies suivantes, le pouvoir colonial organisa luimême des migrations profondes de populations – il y eut un fort appel de main-d’oeuvre au Congo entre 1937 et 1955 – ce qui eut pour effet la transplantation d’une nouvelle vague migratoire de Banyarwanda, surtout dans le Nord-Kivu, plus précisément dans la zone de Masisi. A cette main-d’oeuvre transplantée s’ajoutèrent les transferts individuels de réfugiés, d’infiltrés, de « clandestins » fuyant les famines sévissant au Rwanda. Près de deux millions de personnes parlant le kinyarwanda et comprenant des Tutsi et des Hutu s’implantèrent ainsi au Congo belge.
Six mois avant l’indépendance de la colonie belge, le 30 juin 1960, des troubles graves éclatèrent au Rwanda, provoquant un exode massif de réfugiés tutsi au Congo.
Toutes ces vagues successives de personnes originaires de l’ancien royaume du Rwanda s’intégrèrent progressivement à leur nouveau pays d’adoption. Mais quelle était la nationalité de ces individus ? Pendant longtemps, elle demeura incertaine. Plusieurs textes juridiques, de nature constitutionnelle ou législative, mais de portée douteuse 657, laissent croire que ces sujets belges devinrent Congolais le 30 juin 1960 pour autant que l’un de leurs ascendants avait été membre d’une tribu ou partie de tribu implantée sur le territoire du Congo belge avant l’indépendance. Il fallut attendre la Constitution du 1er août 1964 pour en avoir la certitude juridique. Un décret-loi du 18 septembre 1965 précisa cette position. Plus tard, une autre disposition législative[76] mit plus clairement encore les choses au point. Elle ne visait que les personnes originaires des territoires précités, mais leur conférait sans aucun doute possible la nationalité zaïroise. Une loi prise un an plus tard, toujours sous l’autorité du président Mobutu, retint le même principe de solution en faveur des Rwandais transplantés[77].
De toutes ces dispositions pas toujours très claires, il ressort un constat : des centaines de milliers de personnes d’ethnies hutu ou tutsi et parlant le kynarwanda furent reconnues comme des Congolais ou des Zaïrois. Et la très grande majorité de ces personnes ne possédaient aucune autre nationalité ; plus précisément, elles ne répondaient pas aux conditions fixées par le Code de la nationalité rwandaise du 28 septembre 1963[78] pour être considérées comme de nationalité rwandaise.
Or, le 29 juin 1981, toujours du temps de la dictature de Mobutu, une loi fut promulguée, puis diverses mesures réglementaires adoptées[79]. Toutes ces dispositions revenaient sur celles prises antérieurement. Selon certains auteurs, elles annulaient les certificats de nationalité zaïroise délivrés en application des dispositions antérieures[80]. Ainsi, des mesures rétroactives venaient porter atteinte aux droits acquis d’une population importante, qui se trouva dès lors privée de toute nationalité. Nul doute que ces nouvelles mesures, au demeurant de nouveau bien peu claires, violaient le droit international en ce qu’elles organisaient une perte collective de nationalité zaïroise.
PARTIE II. – CONSEQUENCES JURIDIQUES ET RESOLUTION DE L’APATRIDIE
Avant de mettre en exergue les mesures prises pour résoudre l’apatridie, qui se trouvent dans des sources internationales (instruments diplomatiques, coutume internationale, décisions des juridictions internationales ou arbitrales, à vocation universelle) et dans le droit interne des Etats (Chapitre II et III), nous allons d’abord exposer les conséquences juridiques de ce mal (Chapitre I).
CHAPITRE I. – CONSEQUENCES JURIDIQUES DE L’APATRIDIE EN FRANCE
La qualité d’apatride est proche de la qualité de réfugié en ce que la décision positive du directeur de l’OFPRA sur la demande est déclarative et non constitutive. En d’autres termes, ce n’est pas la décision qui crée le statut, celui-ci préexiste à la saisine des organes compétents. Ces derniers doivent seulement reconnaître un état de fait constitutif d’un état de droit et donc d’un régime juridique correspondant. Un apatride est apatride avant son entrée en France, et la
décision de l’OFPRA ne fait que reconnaître officiellement cette qualité[81]. Ce caractère déclaratif soulève dès lors des difficultés s’agissant du droit au séjour des demandeurs du statut d’apatride, car ceux-ci peuvent être apatrides sans en avoir le statut juridique et, en tant qu’apatrides, ils ne devraient pas faire l’objet de mesures de reconduite à la frontière. Mais la reconnaissance de la qualité d’apatride ne met pas pour autant l’intéressé à l’abri de toute mesure d’éloignement du territoire.
Section I. – Le statut des demandeurs du statut d’apatride
L’examen des conditions d’entrée et de séjour des demandeurs au statut d’apatride révèle une vacuité surprenante, ce qui laisse a priori supposer un alignement du régime opposable aux apatrides non reconnus comme tels sur le régime général opposable aux étrangers ordinaires. La solution n’est pourtant guère acceptable en considération de la situation exorbitante du droit commun dans laquelle se trouvent ces demandeurs.
A la différence de la Convention de 1951 relative au statut international des réfugiés, la Convention de 1954 relative au statut des apatrides ne prévoit aucune immunité pénale en faveur des apatrides pénétrant sur le territoire d’un Etat contractant en dehors des règles du droit commun, c’est-à-dire, concrètement, sans présenter les documents exigés par les articles 5 et suivants de l’ordonnance du 2 novembre 1945 relative aux conditions d’entrée et de séjour en France.
Si l’ordonnance réserve l’application des conventions internationales, et donc celle de 1954, la Convention par elle-même ne prévoît aucun régime de faveur. Pour autant, on le comprend, le droit commun ne saurait concerner les apatrides, lesquels en particulier ne peuvent présenter de passeport puisqu’ils ne peuvent en demander la délivrance à des autorités nationales qui, par hypothèse, leur font défaut.
Néanmoins, et c’est là un constat pour le moins surprenant, le contentieux est inexistant sur ce point. Les rares espèces qui existent concernent des demandeurs du statut de réfugié[82] et non des demandeurs du statut d’apatride. L’immunité pénale des demandeurs du statut d’apatride n’a, paradoxalement, jamais soulevé de difficulté en France. Il est vrai qu’elle repose sur une vérité d’évidence, à savoir qu’étant apatride, l’intéressé n’a pu, par définition, se mettre enpossession des documents nationaux requis. Concrètement, les consulats français à l’étranger peuvent délivrer aux apatrides un sauf-conduit ayant valeur de visa, et permettant ainsi leur entrée régulière en France. L’artifice est évidemment efficace, dans la mesure où le contentieux est inexistant. L’idée est que les apatrides doivent en principe respecter le droit commun des étrangers.
Se pose la difficulté liée à un éventuel séjour provisoire des demandeurs en France. Dans sa décision du 13 août 1993, le Conseil constitutionnel avait considéré que l’admission au séjour provisoire des demandeurs d’asile constituait, pour les étrangers comme pour les apatrides, « un droit fondamental à caractère constitutionnel ». Il paraissait logique d’en déduire l’existence, au profit des demandeurs du statut d’apatride, l’existence d’un droit au séjour provisoire. Pourtant, le Conseil d’Etat se refuse à suivre la voie tracée par le Conseil constitutionnel. Dans deux arrêts Thammi (1996) et Stepanian (1997)[83], le Conseil d’Etat considère que l’ordonnance de 1945, reconnaissant le droit au séjour provisoire, concerne seulement les demandeurs du statut de réfugié, et ne peut être étendu aux demandeurs du statut d’apatride.
La solution est reprise dans un arrêt Nesic de décembre 2000[84] :
« Les dispositions de l’article 32 bis de l’ordonnance du 2 novembre 1945 qui instituent un droit au séjour en faveur des demandeurs d’asile politique jusqu’à ce qu’il ait été statué sur leur demande, ne peuvent, en l’absence de texte, être étendues aux personnes ayant demandé la reconnaissance du statut d’apatride ».
Outre la référence pour le moins surprenante à « l’asile politique » qui dénote au regard du droit français de l’asile, le considérant est des plus clairs : les apatrides ayant déposé une demande de statut auprès de l’OFPRA ne bénéficient d’aucun droit au séjour provisoire. L’apatride est ainsi placé dans une situation nettement moins favorable que le réfugié potentiel[85].
La conséquence de la solution est que la demande de statut est sans influence sur la légalité de l’arrêté de reconduite à la frontière qui aurait été pris contre l’intéressé, ce que le Conseil d’Etat rappelle en 1999 dans une affaire Hambaryan[86], et en 2000 dans l’affaire Nesic précitée. Plus avant, le recours déposé devant le tribunal administratif contre le refus du directeur de l’OFPRA de reconnaître la qualité d’apatride n’est pas suspensif d’exécution de l’arrêté pris à l’encontre de l’intéressé.
L’arrêté peut donc intervenir après l’expiration du délai d’un mois suivant la notification de la décision négative de l’OFPRA, et surtout il pourra être exécuté par l’autorité compétente. La mesure préfectorale doit cependant respecter le droit commun en la matière, en particulier l’arrêté ne doit pas exposer son destinataire à des traitements prohibés par l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme. Le contrôle qui intervient en la matière est traditionnel, et s’applique aux apatrides comme à tout étranger, ce que le Conseil d’Etat rappelle dans son arrêt Sarigul de décembre 2000[87].
Section II. – Les apatrides statutaires
Reste le régime juridique applicable aux apatrides reconnus comme tels par les autorités françaises, notamment en ce qui concerne leur droit au séjour. Car de ce droit découle l’application ou la non-application des droits attachés à la qualité d’apatride, notamment en ce qui concerne l’éducation, le droit au travail ou la couverture sociale. Tout dépend alors du séjour reconnu aux apatrides et des conditions pouvant conduire à la fin prématurée de ce séjour.
En France, la délivrance par le directeur de l’OFPRA du certificat attestant la qualité d’apatride du requérant a un effet important sur le droit au séjour de l’intéressé, puisque le préfet doit alors lui délivrer de plein droit une carte de séjour temporaire, sous réserve que sa présence sur le territoire national ne soit pas contraire aux impératifs de l’ordre public ou à la sécurité nationale. Valable un an, la carte de séjour temporaire permet à son titulaire de résider de façon régulière sur le territoire français.
Le texte de l’article 12 bis, paragraphe 10, de l’ordonnance du 2 novembre 1945 tel qu’issu des lois d’avril 1997 et de mai 1998[88] comble ce qui constituait auparavant un vide juridique, puisque aucune disposition ne régissait le régime applicable au séjour des apatrides dans les trois années suivant la reconnaissance de leur qualité par l’OFPRA.
Dans un arrêt désormais bien connu, Ter Ambartsoumian, de janvier 1997[89], le Conseil d’Etat avait ouvert la voie vers la reconnaissance d’un droit au séjour de l’apatride dès le moment de la reconnaissance de sa qualité, la décision positive de l’OFPRA valant régularisation du séjour. La loi de 1997, confirmée sur ce point en 1998, est venue offrir un fondement législatif à cette solution jurisprudentielle[90].
L’ordonnance de 1945 modifiée précise que la carte de séjour temporaire ainsi reconnue peut être étendue au conjoint de l’apatride ainsi qu’à ses enfants. Cette extension aux membres de la famille nucléaire strictement entendue est limitée de deux points de vue. En premier lieu, le mariage des conjoints doit être antérieur à l’obtention du certificat de l’OFPRA, ou à défaut il doit être célébré depuis au moins une année, et se traduire depuis lors par une communauté de vie effective et continue entre les époux. En second lieu, les enfants concernés par l’extension du droit au séjour attaché à la qualité d’apatride sont les seuls enfants mineurs ou se trouvant dans l’année suivant leur dix-huitième anniversaire. Les enfants majeurs ne peuvent donc bénéficier du droit au séjour reconnu à leur parent apatride.
Cette carte de séjour temporaire d’un an délivrée à l’apatride statutaire est renouvelable tant que la qualité d’apatride du titulaire n’est pas remise en cause. Le renouvellement ne se fait pas de plein droit, mais à la condition que l’intéressé prouve qu’il répond toujours aux exigences de l’ordonnance de 1945, c’est-à-dire qu’il doit être toujours apatride, et ne pas représenter une menace pour l’ordre public ou la sécurité nationale. Lorsque l’apatride réside régulièrement sur le territoire national depuis trois ans, qu’il y réside régulièrement à un autre titre ou qu’il ait obtenu durant trois années le maintien puis le renouvellement de sa carte de séjour temporaire, l’article 15, paragraphe 11, de l’ordonnance de 1945 fait obligation au préfet de délivrer de plein droit une carte de résident, valable cette fois pour dix ans, et qui s’étend également au conjoint ainsi qu’aux enfants mineurs de l’intéressé. Cette carte de résident est renouvelable, et cette fois
le renouvellement intervient de plano.
Ces différents titres, qu’il s’agisse de la carte de séjour temporaire ou de la carte de résident, ont pour effet de garantir un certain droit au séjour au profit des apatrides statutaires. Pour autant, le régime juridique ainsi défini par l’ordonnance de 1945 met en exergue la différenciation des traitements qui existe entre ces apatrides et les réfugiés reconnus comme tels sur le fondement de la Convention de Genève de 1951. Car à la différence des apatrides, les réfugiés statutaires bénéficient de la carte de résident de dix ans dès la reconnaissance de leur qualité par le directeur de l’OFPRA. Seuls les apatrides sont donc tenus à cette sorte d’obligation de stage attachée à un séjour régulier de trois ans avant d’obtenir la carte de résident.
Le droit au séjour ainsi reconnu par l’ordonnance de 1945 n’est cependant pas absolu, il est limité par l’absence de menace à l’ordre public. En janvier 1997 dans son arrêt Ter Ambartsoumian[91], le Conseil d’Etat retenait l’illégalité de l’arrêté de reconduite à la frontière pris contre un apatride, un tel arrêté ne pouvant intervenir que dans la seule mesure où la présence de l’intéressé sur le territoire national mettait en cause la sécurité nationale ou l’ordre public.
Ce faisant, le Conseil d’Etat ne faisait en réalité qu’appliquer à la lettre l’article 31, paragraphe 1er, de la Convention de New York de 1954 relative au statut international des apatrides. Pour logique qu’elle puisse paraître, la solution ne concerne bien entendu que les seules personnes répondant effectivement aux critères de l’apatridie, ce que le Conseil d’Etat rappelle dans son arrêt Dlle Akhtar de février 1999[92], mais également, encore que de façon moins nette, dans ses arrêts Hambaryan de juillet 1999 et Nesic de décembre 2000[93]. C’est cette solution qui justifie l’annulation de l’arrêté de reconduite à la frontière lorsque l’intéressé se voit reconnaître la qualité d’apatride par le Conseil d’Etat lui-même, ce qui correspond à l’espèce Sarigul de décembre 2000[94].
Reste alors le problème soulevé par l’éventuelle demande d’extradition déposée par un Etat à l’encontre d’un apatride. Là encore, la Convention de 1954 relative aux apatrides se distingue indéniablement de celle de 1951 concernant les réfugiés. Car les termes mêmes de la Convention de 1951, qui affirme que l’Etat « ne refoulera pas » le réfugié, a permis l’éclosion d’un débat autour de cette idée de non-refoulement. Le Conseil d’Etat a fini par considérer, en 1988, que le réfugié ne peut être extradé vers son pays d’origine, solution que la lettre de la Convention lui permettait[95]. La Convention de 1954 relative aux apatrides ne permet pas une telle exégèse : l’article 31 fait explicitement référence à l’« expulsion », concept juridiquement défini et plus précis que celui de « non-refoulement ». L’expulsion n’est pas l’extradition, et seule l’expulsion voit son régime juridique réglementé par la Convention de 1954.
En conséquence, il paraît juridiquement correct de considérer que l’extradition d’un apatride ne fait pas obstacle à l’application du droit issu de la Convention de 1954, car la protection internationale des apatrides en la matière est indéniablement moins poussée que celle offerte aux réfugiés.
Sur le plan théorique, la solution se justifie par le fait que l’apatride peut être appréhendé comme la victime de mécanismes du droit de la nationalité, alors que le réfugié est la victime d’une machine aboutissant à la persécution de l’individu. L’apatride serait la victime du droit, le réfugié la victime de persécutions, et cette différence expliquerait sans doute la différenciation dans le degré de protection. Cela est cependant la théorie.
Dans la pratique, on sait depuis longtemps – et les phénomènes de dénationalisation systématique des années 1920-1930 ont confirmé ce fait – que les apatrides sont souvent victimes à la fois d’un mécanisme juridique et de persécutions. La solution retenue dans la Convention de 1954 paraît dès lors quelque peu naïve.
Pour autant, la Convention de 1954 est de droit positif aujourd’hui en France, et l’extradition des apatrides ne soulève donc pas d’autre difficulté que celle liée au contentieux classique de l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme : l’extradition est possible sous réserve qu’elle n’expose pas l’intéressé à subir des traitements inhumains ou dégradants. En particulier, toute la jurisprudence liée à l’application de la peine de mort s’applique aux apatrides[96]. Mais c’est la seule limite : le droit commun de l’extradition s’applique, sans considération de la situation particulière dans laquelle se trouvent les apatrides, à la différence de la situation réservée aux réfugiés statutaires. On en a une illustration en juillet 2000 dans une affaire Kamal H.[97] : la Cour de cassation, écartant l’exception de nationalité, retient une application ordinaire du droit de l’extradition, sans pousser plus avant ses recherches concernant l’éventuelle apatridie du requérant.
De ce qui vient de précéder, il découle une absence de régime spécifique concernant l’extradition, ou l’absence de reconnaissance d’un droit au séjour au profit des demandeurs du statut d’apatride. Il y a là un vide juridique, que le Conseil d’Etat a tenté de combler partiellement par son arrêt Ter Ambartsoumian de 1997, suivi en cela par le législateur, mais un vide juridique qui demeure encore dans une large mesure.
Quid cependant de la résolution de l’apatridie ?
CHAPITRE II. – PREVENTION DE L’APATRIDIE
Section I. – La méthode préventive
Le meilleur moyen d’éviter les éventuels inconvénients que suscitent les conflits de nationalités ne revient-il pas à empêcher que ceux-ci n’apparaissent ?
La méthode préventive consiste à prendre des mesures législatives, soit au plan international (par la conclusion de traités multilatéraux ou bilatéraux), soit au plan national (dans la rédaction même des lois et règlements étatiques), pour éviter l’éclosion de la plurinationalité et, plus encore, de l’apatridie.
C’est dans cette voie que, pendant des décennies, la communauté internationale s’est engagée résolument, jusqu’au jour où les Etats ont pris conscience des avantages de la pluripatridie et du fait que, en évitant le phénomène pour ne point en subir les désagréments, on en perdait aussi les avantages.
Etudiant les modes de solution du cumul de nationalités, certains auteurs ont confondu les mesures préventives (qui tendent à empêcher que les conflits ne naissent) et curatives (les solutions à mettre en oeuvre lorsque ces conflits existent d’évidence ; soit pour les supprimer, soit pour en atténuer les effets, soit encore pour les contourner par un choix entre les nationalités en présence). Dans sa thèse sur les cumuls soumis aux autorités d’un pays intéressé à leur solution, El-Sedawi tombe dans ce travers, non sans en être partiellement conscient, car il admet lui-même que ses suggestions s’adressent plus aux négociateurs de traités et aux législateurs qu’aux juges et aux fonctionnaires[98]. La majeure partie de son travail expose les mesures adoptées en France et en Egypte pour réduire les conflits positifs, mais l’auteur sent quand même le besoin d’évoquer les articles 3 et 5 de la Convention de La Haye, lesquels n’ont rien à voir avec la prévention des cumuls.
L’un des premiers auteurs à avoir prôné l’utilisation de la méthode préventive fut le français André Weiss, qui la proposa dans la première édition de son Traité théorique et pratique, paru en 1892[99], et y revint dans un rapport à l’Institut de droit international en 1894-1895[100]. Mais en plaidant en faveur d’une harmonisation conventionnelle des lois nationales en la matière plutôt que d’une vigilance des législateurs nationaux, il s’avançait dans une voie peu réaliste. Un auteur lui reprocha de rechercher « la quadrature du cercle[101] ».
Un auteur anglais, Thomas Baty, s’est déclaré aussi partisan de cette méthode, mais de façon si naïve qu’on en reste confondu. Partisan de l’allégeance perpétuelle de tout individu à l’Etat du lieu de sa naissance, il s’insurge contre le fait que la France ait osé décider, en 1804, que l’enfant d’un Français né à l’étranger soit lui-même Français. « Ceci est manifestement inadmissible comme règle de droit international », affirme-t-il sans le moindre support argumentaire. Pour lui, le meilleur moyen de supprimer les conflits de nationalités consiste à :
« faire du domicile [dans le sens anglo-saxon], le critérium de la nationalité ou, si les difficultés pratiques ne sont pas trop grandes, d’adopter comme critérium à cet égard […] le lieu de résidence pendant l’adolescence ou le pays d’éducation ».
Et de justifier sa position par cet argument : « C’est le lieu où l’être humain a été élevé qui laisse sur lui son empreinte[102] ».
Oublions cette position contestable. Il est évident que la solution des conflits de nationalités ne découlera pas avant longtemps de l’instauration d’un critère universel unique – et utopique – d’attribution de la nationalité. Et proposer comme solution de principe l’attribution de la nationalité du pays d’éducation paraît à la fois une solution imprécise et surtout illusoire. Les nouveaux Etats émergeant de la décolonisation ont-ils songé à accorder leur nationalité aux enfants des coloniaux qui y ont passé leur jeunesse ? La position de Baty démontre aussi, jusqu’à l’absurde, son caractère nationaliste : si tous les juristes entament une négociation à ce sujet avec la conviction que leur critère national est le meilleur du monde et s’impose naturellement car celui du voisin est relativement inadmissible comme règle de droit international, l’entente diplomatique risque de se faire attendre longtemps.
Section II. – La prévention par accord diplomatique (éviter de susciter l’apatridie)
La volonté des Etats d’éviter de susciter l’apatridie transparaît dans les conventions internationales négociées, signées et ratifiées par certains d’entre eux.
Rappelons ici l’existence d’un premier instrument annexé à la Convention du 12 avril 1930 et concernant le problème des « sans patrie » : le Protocole relatif à un cas d’apatridie, signé le même jour à La Haye[103]. Le cas envisagé est celui d’un enfant né d’un père sans nationalité ou de nationalité inconnue et d’une mère nationale de l’Etat du lieu de la naissance de l’enfant, Etat dont la législation ignore le jus soli. Les Etats contractants acceptent de conférer leur nationalité à cet enfant.
Au plan régional, une organisation internationale plus modeste et ne réunissant qu’un nombre restreint d’Etats, la Commission internationale de l’état civil, a préparé, pour sa part, un autre traité sur le même sujet, qui devint la Convention n° 13 tendant à réduire le nombre de cas d’apatridie. Elle fut signée à Berne le 13 septembre 1973[104]. Malgré son titre, qui laisse croire que le but de l’instrument est de réduire les cas d’apatridie, ce traité entend bel et bien empêcher qu’ils ne naissent dans les pays contractants. En effet, aux termes de l’article premier :
« L’enfant dont la mère a la nationalité d’un Etat contractant acquiert à la naissance la nationalité de celle-ci au cas où il eût été apatride.
Toutefois, lorsque la filiation maternelle ne prend effet en matière de nationalité qu’au jour où elle est établie, l’enfant mineur acquiert à ce jour la nationalité de sa mère ».
Et la Convention de poursuivre en disposant, à l’article 2, que l’enfant né d’un père ayant la qualité de réfugié est considéré comme ne possédant pas la nationalité de celui-ci. Le rapport explicatif de la Convention reconnaît que ces principes sont déjà incorporés dans la législation de beaucoup d’Etats, mais que d’autres pays hésitent à suivre cet exemple parce qu’ils estiment que l’enfant devrait suivre plutôt la nationalité du père. Le fait d’introduire ces principes dans un traité fondé sur la réciprocité pourrait les pousser à changer d’avis.
Les Etats liés par de telles conventions assument au moins une obligation internationale d’abstention : ils ne devraient rien décider qui soit de nature à provoquer des situations d’apatridie, ni dans l’énoncé de leurs lois et règlements ni dans la prise de mesures individuelles, sauf les exceptions éventuellement admises par ces instruments diplomatiques. L’absence de sanction et le fait que les individus n’ont guère de moyen d’exiger réparation en cas de transgression de ce principe atténuent en fait l’impact pratique de ce dernier.
A défaut d’accord diplomatique, il appartient à chaque Etat de se montrer attentif à éviter de susciter l’apatridie, en rédigeant à cet effet des dispositions appropriées.
Section III. – La prévention de l’apatridie dans le droit français
Aucun souverain ne revendiquant l’apatride, ce n’est pas en règle générale dans les conventions bilatérales entre Etat, fréquentes au contraire pour les doubles nationaux, qu’un traitement du conflit négatif peut puiser ses principes. L’article 15 de la Convention universelle des droits de l’homme rappelant le droit de chacun à la possession d’une nationalité, c’est donc à chaque législateur qu’il revient d’édicter les règles appropriées. Le droit français, pour sa part, n’a pas négligé cet effort puisqu’un réseau serré de règles cohérentes permet de limiter dans une large mesure le risque d’apatridie.
L’effort de prévention doit naturellement porter sur les causes de l’apatridie, afin de les écarter. Or, le défaut de nationalité peut trouver sa source soit dès la naissance, par impossibilité d’attribution d’une nationalité originaire, soit dans le cours de l’existence du sujet, par la perte de la nationalité antérieurement possédée. Aussi le Code de la nationalité écarte-t-il le risque d’apatridie pour celui qui naît en France et le limite-t-il pour celui qui perd la nationalité française.
Nul ne naît apatride en France. Si, en effet, la seule naissance en France n’emporte pas attribution de la nationalité française, il en va tout différemment quand l’enfant ne peut avoir aucune autre nationalité. La règle de la double naissance en France, édictée à l’article 23 du Code de la nationalité, cède alors devant la nécessité d’éviter l’apatridie d’origine.
Il en est ainsi, en premier lieu, pour l’enfant né de parents inconnus. Laissée à elle-même, la combinaison de l’impossibilité de fait de l’attribution d’une nationalité par filiation et de l’impossibilité de droit de l’attribution de la nationalité française par la simple naissance en France le réduirait à l’état d’apatride. Aussi, dans un dessein franchement servi de prévention, l’article 21 du Code de la nationalité énonce-t-il qu’« est français l’enfant né en France de parents inconnus ».
Disposition dérogatoire au principe posé à l’article 23, à seule fin d’éviter l’apatridie de naissance, la règle de l’alinéa premier de l’article 21 n’a plus de raison d’être si la filiation étrangère de l’enfant vient à être établie en cours de minorité. Le deuxième alinéa de l’article 21 dispose donc, dans le souci d’éviter également un conflit positif de nationalité, que l’enfant sera réputé n’avoir jamais été français si, au cours de sa minorité, sa filiation est établie à l’égard d’un étranger et s’il a, conformément à la loi nationale de son auteur, la nationalité de celui-ci.
La prévention de l’apatridie d’origine ne serait cependant pas complète si elle protégeait seulement les enfants dont la filiation n’est pas établie. L’attribution d’une nationalité à raison de la filiation est également impossible quand les parents sont eux-mêmes apatrides ou lorsque leur nationalité n’est pas transmissible à l’enfant. L’article 21-1, que la loi du 9 janvier 1973 a ajouté au Code de la nationalité, fait donc oeuvre utile en disposant que l’enfant né en France dans l’un ou l’autre de ces deux cas est français dès sa naissance.
En bref, qu’il s’agisse des dispositions de l’article 21 ou de celles de l’article 21-1, le jus soli vient suppléer la défaillance du jus sanguinis pour empêcher l’apatridie d’origine.
Les mécanismes de protection sont naturellement très différents lorsqu’il s’agit d’éviter que l’apatridie survienne en cours d’existence du sujet, à l’occasion de la perte de la nationalité antérieure. Il suffit alors de faire de la possession d’une autre nationalité la condition de l’abandon de la première. Le législateur français s’y emploie, quand du moins la perte est réclamée par l’intéressé ; la prévention de l’apatridie cesse, en effet, d’être un souci essentiel quand la perte est imposée.
Aucun Français ne peut se faire apatride puisqu’il ne peut, de son chef, abandonner sa nationalité s’il n’en possède pas une autre. La règle est si ferme que, dans la réalité et compte tenu des textes applicables, les personnes qui peuvent réclamer la perte de la nationalité française ont, dans leur grande majorité, une pratique active de leur nationalité étrangère, de sorte que la condition de l’abandon réside moins dans la possession de cette nationalité étrangère que dans l’existence d’un conflit positif de nationalités. Les dispositions analysées ici peuvent alors apparaître comme des mesures tendant au moins autant à la cessation de la plurinationalité qu’à la prévention de l’apatridie.
Ainsi l’article 87 du Code de la nationalité, quand il énonce, dans sa rédaction actuelle, datant de la loi du 9 janvier 1973, que « toute personne majeure de nationalité française, résidant habituellement à l’étranger, qui acquiert volontairement une nationalité étrangère ne perd la nationalité française que si elle le déclare expressément », intéresse en réalité la plurinationalité dont il permet la conservation ou, aux conditions qu’il prévoit, la transformation en nationalité unique. On peut en dire autant de l’article 91 qui permet à tous ceux qui possèdent une nationalité étrangère de demander à être libérés par décret du Gouvernement de leur allégeance française.
D’autres textes en revanche, s’ils ne négligent pas d’offrir le moyen de faire cesser un conflit positif, relèvent aussi de la prévention de l’apatridie. Ainsi l’enfant né à l’étranger d’un seul parent français, ou né en France d’un seul parent lui-même né en France, peut certes répudier la nationalité française dans les six mois qui précèdent sa majorité[105], mais c’est à la condition expressément énoncée à l’article 31 qu’il « prouve qu’il a par filiation la nationalité d’un pays étranger ». Cette dernière disposition est, dans son esprit comme dans sa lettre, très révélatrice du souci d’éviter l’apatridie.
L’article 94 du Code de la nationalité, de son côté, exige du Français qui veut bénéficier de ses dispositions qu’il ait effectivement acquis la nationalité étrangère de son conjoint. La loi du 9 janvier 1973 a d’ailleurs renforcé, de ce point de vue, la défense contre l’apatridie, puisque le texte ancien se contentait d’exiger que la femme française puisse acquérir la nationalité de son mari[106]. On relèvera cependant que l’étrangère qui, par hypothèse, perdrait sanationalité en épousant un Français n’est pour autant nullement tenue d’acquérir la nôtre. Il est vrai que le législateur français ne peut prévenir l’apatridie à la place de l’Etat d’origine.
Quand, au contraire, la perte de la nationalité est imposée à l’intéressé par l’autorité publique, force est de reconnaître que le souci d’empêcher l’apatridie ne constitue plus un objectif premier. Pour autant le risque d’apatridie n’est véritablement sérieux que lorsque la nationalité française est perdue par déchéance.
Une seule disposition, il est vrai, satisfait explicitement au principe de prévention. Il s’agit de l’article 96 du Code de la nationalité, autorisant la perte de la nationalité française par décret pris à l’encontre du « français (majeur) qui se comporte en fait comme le national d’un pays étranger ». Le texte prend, en effet, soin de préciser que cette voie est ouverte seulement si l’intéressé a la nationalité du pays étranger. L’extension éventuelle de la mesure à la femme et aux enfants mineurs du sujet n’est également possible que si ceux-ci ont eux-mêmes une nationalité étrangère[107].
Encore convient-il d’observer que si l’article 96 écarte l’apatridie, c’est parce qu’en réalité il vise une situation qui l’exclut. Destiné en premier lieu à limiter les conflits positifs quand la nationalité française n’est pas véritablement pratiquée, il est, tout comme l’article 91, bien davantage limitatif de la plurinationalité, par réduction à la seule nationalité effective étrangère, que préventif de l’apatridie.
L’hypothèse prévue à l’article 95 est déjà plus délicate, puisque la possession d’une nationalité étrangère n’est plus une condition formelle de la perte de la nationalité française organisée par le texte. Ici encore, toutefois, le risque d’apatridie est, en pratique, insignifiant. La perte de notre nationalité par jugement suppose, en effet, que l’intéressé n’ait pas la possession d’état de Français et qu’il n’ait jamais eu sa résidence habituelle en France. Bien plus, il faut encore que les ascendants dont il tient la nationalité française par filiation n’aient eux-mêmes ni la possession d’état de Français ni résidence en France depuis un demi-siècle. Autant dire que le Français visé au texte a selon toute vraisemblance acquis la nationalité du pays de l’établissement de sa famille, si même elle ne lui a pas été attribuée dès sa naissance.
Plus dangereuse en tout cas, pour ce qui est de l’apatridie, se révèle être la perte prévue à l’article 97 contre le Français qui, désobéissant à l’injonction de son Gouvernement, n’a pas, dans le délai prescrit, résilié son emploi ou cessé son concours dans une armée ou un service public étranger ou dans une organisation internationale. Rien, en effet, dans le texte ne permet de protéger contre cette mesure déjà assez nettement punitive[108] celui qui n’a pas d’autre nationalité que française.
Or, si la prévention est absente, le risque n’est pas insignifiant. Sans doute est-il limité, dans la mesure surtout où il est assez vraisemblable que le Français qui se permet de braver ainsi son Gouvernement peut revendiquer une autre nationalité, le plus souvent celle de la puissance étrangère à laquelle il s’est voué. Il n’empêche que le service public étranger n’est pas nécessairement celui d’un véritable Etat internationalement reconnu (au contraire de ce que prescrivait la rédaction originaire du texte) et que le service d’une organisation internationale n’est pas réservé aux plurinationaux. L’article 97 pourrait donc parfois conduire à l’apatridie s’il n’était fort heureusement d’application assez rare.
Cette dernière observation vaut sans doute aussi pour la perte par déchéance de la nationalité française, prévue à l’article 98 du Code de la nationalité. Il faut en tout cas le souhaiter car le décret que le Gouvernement est susceptible de prendre contre le Français récent qui s’est rendu coupable de l’un ou de l’autre des crimes, délits ou faits préjudiciables à l’intérêt de la France visés au texte, peut précipiter le coupable dans l’apatridie. Or le risque n’est pas mince que l’intéressé qui, par définition, n’est pas un Français d’origine mais un étranger qui a acquis la nationalité française moins de dix ans avant les agissements reprochés[109] ait perdu à la date des faits sa nationalité étrangère antérieure, s’il n’est pas d’ailleurs un apatride de naissance.
Cette sanction n’est naturellement pas arbitraire, qui ne peut être prise qu’avec l’avis conforme du Conseil d’Etat, dans les cas énumérés à l’article 98 et dans le délai prescrit à l’article 99, alinéa second. Elle ne contredit donc point l’article 15 de la Déclaration universelle des droits de l’homme. Elle est d’ailleurs connue de nombreuses autres législations étrangères[110].
Pour autant « la sévérité du procédé[111] » nous semble excessive et son objet inadéquat. Il est particulièrement regrettable que le droit français manque ici à la prévention de l’apatridie dont il est, comme on l’a vu, soucieux dans la plupart des autres cas puisqu’il a fait de celle-ci, bien plus que de la cessation de la situation une fois créée, l’élément essentiel du traitement qu’il réserve à la défaillance de la nationalité.
CHAPITRE III. – REDUCTION DE L’APATRIDIE
Section I. – Réduire l’apatridie par des conventions internationales
Poursuivant ses efforts en vue du respect des droits humains fondamentaux, l’Organisation des Nations Unies suscita en 1959 la tenue à Genève d’une conférence internationale de plénipotentiaires pour élaborer une convention sur l’élimination ou la réduction des cas d’apatridie. Malgré l’idéal humanitaire de ce projet, les Etats ne parvinrent pas à s’entendre et la conférence dut suspendre ses travaux[112].
Quelques mois plus tard, les Nations Unies se remirent au travail avec des objectifs plus restreints. Elles préparèrent une Convention sur la réduction des cas d’apatridie, qui fut signée le 30 août 1961[113]. Le titre l’atteste : on a préféré se limiter à la réduction du conflit négatif, non à sa suppression. Cette convention n’a pas recueilli beaucoup de succès : elle n’a été ratifiée que par une quinzaine d’Etats.
En 1993, constatant les problèmes d’apatridie provoqués par le démembrement d’Etats socialistes (URSS, Yougoslavie) et les troubles en Afrique, la quarante-troisième session de la Commission du droit international des Nations Unies inscrivit à son ordre du jour le sujet « Succession d’Etats et nationalité des personnes physiques et morales ». Après plusieurs années de négociations, un projet de convention sur la nationalité des personnes physiques en relation avec les successions d’Etats put enfin être adopté. L’idée centrale de ce nouvel instrument est de garantir le droit de toute personne impliquée dans un changement de souveraineté territoriale à acquérir la nationalité du pays avec lequel elle possède les liens les plus étroits, pour éviter qu’elle ne tombe dans l’apatridie[114]. A l’heure présente, ce texte n’existe encore qu’à l’état de projet, alors que croît le nombre d’apatrides.
Les efforts en vue de réduire, voire d’éliminer, l’apatridie se rencontrent aussi au niveau européen. Les travaux du Conseil de l’Europe sont édifiants à cet égard et la récente Convention du 7 novembre 1997 sur la nationalité en témoigne encore, même s’il est vrai que les mesures qu’elle retient s’avèrent plus nuancées que dans les conventions ou recommandations antérieures. Cette convention contient notamment une série d’articles sur l’incidence des successions d’Etats en matière de nationalité (chapitre VI). Ces dispositions ont pour objet d’éviter que ce phénomène ne suscite l’apatridie ou plutôt de réduire les cas virtuels d’apatridie. L’article 7 de la Convention l’exprime de façon formelle.
Section II. – Réduire l’apatridie par des mesures législatives
Même dans les pays qui admettent la nécessité de favoriser les apatrides, les lois nationales ne prévoient guère de mesures tendant à permettre à ceux-ci de sortir de leur condition en devenant un national de l’Etat de résidence. Il en est ainsi du droit français. S’il se soucie de prévenir l’apparition de l’apatridie, le droit français ne contient en revanche aucune règle spécifique pour la faire cesser. Sans doute les apatrides pourront-ils solliciter l’octroi de la nationalité française, notamment, pourvu qu’ils en remplissent les conditions, par la voie de la naturalisation ou encore, s’ils ont été antérieurement Français et depuis privés de toute nationalité, par celle de la réintégration dans la nationalité française par décret[115].
Pour autant ne s’agit-il aucunement, avec la naturalisation, ou la réintégration par décret, qui paraît d’ailleurs fermée à ceux qui ont été antérieurement déchus de la nationalité française, de mesures propres aux apatrides dont le sort, sur ce terrain, est en principe celui de n’importe quel autre étranger. Tout au plus peut-être pourra-t-on se montrer moins sévère dans l’appréciation de l’opportunité de la concession de nationalité française, d’autant que la Convention des Nations-Unies du 28 septembre 1954 invite les Etats à faciliter « dans toute la mesure du possible, l’assimilation et la naturalisation des apatrides » (art. 32).
Il est à noter cependant que, quand il n’est plus de réduire l’apatridie, il convient de lui appliquer les solutions les plus appropriées.
Section III. – Règlement de l’apatridie
Le règlement de l’apatridie n’est pas toujours passé par la substitution d’un autre rattachement à la nationalité défaillante.
L’ancien article 29 de la Loi d’Introduction au Code civil allemand (E.G.B.G.B.), dans sa rédaction originaire, décidait ainsi que le statut personnel de l’apatride restait soumis à la loi de la dernière nationalité de l’intéressé. Cette solution qui, pour respecter le rattachement de principe, en fixait la détermination temporelle en un moment du passé où il existait encore[116], était cependant, parce qu’irréaliste, tout à la fois injuste et incomplète. Incomplète tout d’abord, parce qu’elle laissait dans l’ombre le groupe des apatrides de naissance pour ne s’intéresser qu’à l’apatridie surgie d’un conflit mobile. Mais surtout injuste, puisqu’elle maintenait artificiellement les liens de l’apatride avec un pays qui l’avait le plus souvent rejeté et dont d’ailleurs la législation pouvait s’être depuis beaucoup modifiée. La doctrine allemande, très critique, a donc obtenu satisfaction quand une loi du 12 avril 1938 a effacé la règle étudiée pour lui substituer le rattachement à la résidence habituelle. Ainsi disparaissait une des applications de la solution plus générale du rattachement à un statut antérieur qui, de toute façon, « n’a guère reçu d’approbation en France[117] ».
Pareil reproche d’irréalisme a pu à bon droit être adressé à la soumission du statut personnel de l’apatride à la loi de son lieu de naissance. Cette voie surprenante fut pourtant empruntée une fois au moins par le Tribunal civil de la Seine, dans un jugement du 24 mai 1932[118], pour soumettre à la loi française l’action en recherche de paternité intentée contre un défendeur argentin par la mère, anglaise, d’un enfant apatride né à Tours. Sans doute la solution présentait-elle l’avantage de la stabilité, puisque « le statut personnel de l’heimatlos né en France (est alors) fixé une fois pour toutes par le lieu de sa naissance » (motifs du jugement précité). Mais la permanence ainsi établie l’est au prix du réalisme. Plus encore que l’ancienne nationalité, le lieu de naissance peut n’avoir eu dans le cas concret aucune signification particulière, si notamment l’enfant et ses parents n’y ont par la suite jamais demeuré. On comprend que la tentative des juges parisiens n’ait pas eu de suite.
Voilà, en effet, maintenant plusieurs décennies que le droit international privé français soumet sans discussion le statut du personnel de l’apatride à la loi de son domicile.
La solution, déjà centenaire, s’affirme dès avant le tournant du siècle[119]. Elle est reprise, au début du siècle, par plusieurs juridictions du fond[120].
En bref, la compétence de la loi du domicile pour ce qui touche l’état et la capacité de l’apatride apparaît avant 1914 comme la principale manifestation de l’avancée de ce rattachement subsidiaire, à une époque alors encore très attachée au principe de nationalité[121].
La voie ainsi ouverte est en tout cas définitivement établie après 1918, aussi bien au profit de la loi d’un domicile étranger que de la loi française[122].
Le rattachement au domicile n’a été par la suite jamais remis en cause ni par les tribunaux[123] ni par les auteurs[124], de sorte que la solution, même si elle est restée prétorienne, est acquise en France comme dans les pays Étrangers.
Les législations étrangères, quand elles sont attachées au principe de nationalité, s’accordent en général pour retenir le domicile comme rattachement du statut personnel de l’apatride, en réservant cependant, tout comme le droit français, une compétence subsidiaire à la loi de la résidence habituelle dans le cas où l’intéressé n’a pas de véritable domicile[125].
Il faut toutefois ajouter qu’un nombre important de pays préfère substituer purement et simplement la résidence habituelle au domicile[126]. La différence toutefois n’est pas véritablement significative, la résidence habituelle devant présenter tous les caractères de la stabilité[127].
Le large accord de nombreux Etats sur la solution du domicile (ou, à tout le moins, de la résidence) n’a pas manqué de s’affirmer dans l’ordre international. C’est d’abord la Convention dite de Genève, relative au statut des réfugiés, du 28 juillet 1951, qui soumet dans son article 12 le statut personnel du réfugié encore national de son Etat d’origine ou déjà apatride (art. 1, A, al. 2) à la loi du pays de son domicile ou, à défaut, de sa résidence. Mais c’est surtout la Convention de New York, du 28 septembre 1954, touchant, elle, directement le sort des apatrides, qui décide, encore à l’article 12, que « le statut personnel de tout apatride sera régi par la loi du pays de son domicile ou à défaut de domicile, par la loi du pays de sa résidence ». Le « droit commun français », pour reprendre l’expression utilisée par un intéressant arrêt rendu par la Cour de cassation le 25 juin 1974[128], est donc, et tout naturellement, à l’unisson des obligations internationales de la France.
Reste à déterminer le sens qu’il convient d’attribuer à la notion de domicile. On sait, en effet, que le droit interne français en donne à l’article 102 du Code civil une définition suffisamment stricte et abstraite pour qu’elle ait parfois dû être assouplie sur le terrain international, notamment par la jurisprudence Rivière rattachant à la loi du domicile commun des époux, concrètement entendu, les effets extrapatrimoniaux du mariage et, jusqu’en 1975, le divorce.
La question cependant ne paraît guère s’être posée devant les tribunaux. Quant aux auteurs, ils ont plutôt insisté sur la nécessité de donner au domicile une stabilité convenable, afin que l’apatride ne voie pas son statut personnel varier avec ses déplacements[129].
Dans le silence de la doctrine, il paraît en définitive préférable de s’en tenir à la conception interne du domicile, sous la réserve des assouplissements exigés par la réalité. Cette dernière conduit notamment à considérer, au contraire du droit interne[130], que l’apatride peut n’avoir aucun domicile, et à désigner dans ce cas la résidence habituelle de l’apatride, comme rattachement intervenant en quelque sorte à titre de second subsidiaire[131].
Certains apatrides enfin, livrés à l’errance, peuvent n’avoir ni domicile ni résidence connus. Dans cette hypothèse, il est raisonnable de reconnaître compétence à la loi du for régulièrement saisi[132]. Cette solution, très largement admise à l’étranger[133], s’appuie, à n’en pas douter, sur la vocation générale de suppléance de la loi du for, quand manque tout élément de rattachement[134].
Bien que toute conclusion soit périlleuse et nécessairement partiale, quelques remarques peuvent être faites au terme de tout ce qui vient de précéder.
Le domaine de l’apatridie est un aspect méconnu du droit public français. Concernant relativement peu de personnes sur le territoire du point de vue quantitatif, il constitue l’une de ces matières orphelines ignorées des manuels et de la plupart des auteurs de la doctrine. Souvent assimilé abusivement au droit des réfugiés[135], voire plus largement au droit des étrangers, sa spécificité est trop rarement mise en valeur. En 1948, le professeur Reut-Nicolussi considérait au demeurant que cette tendance « exclusionniste » correspondait à « l’opinion classique » de la doctrine[136]. Elle s’explique peut-être par le fait que « l’existence d’une nationalité constitue un élément particulier de l’état international de l’individu, permet de le localiser et de l’identifier dans la collectivité, afin de pouvoir situer ses rapports juridiques[137] ». A contrario, l’apatride n’appartenant à aucune collectivité nationale, il est exclu des rapports juridiques et ignoré par le droit dans une large mesure.
Malgré cette tendance dite « exclusionniste », l’apatridie constitue un droit spécifique, doté de caractéristiques propres. La protection des apatrides correspond à une obligation juridique, non à un simple devoir moral d’aide, voire de charité. Elle correspond pleinement à la remarque formulée par la Cour internationale de justice dans son arrêt du Sud-ouest africain de 1966 : « des considérations humanitaires peuvent inspirer des règles de droit […]. De telles considérations ne sont pas cependant en elles-mêmes des règles de droit[138] ». Au-delà de l’aide apportée de façon empirique, les Etats ont donc décidé d’adopter une réglementation juridique négociée sur le plan international, et ce dès la fin de la Première Guerre mondiale, au moment où les actes de dénationalisation se multiplient, dans l’URSS nouvelle mais également en Turquie, en Italie, et, dans le courant des années 1930, en Allemagne. En réalité, « l’apatride devint l’objet d’une attention et d’une considération tardives lorsqu’il fut rejoint dans son statut juridique par les réfugiés de l’après-guerre que les révolutions avaient chassé de leurs pays et qui étaient promptement dénationalisés par les gouvernements en place[139] ». Et l’actualité qu’a pu prendre cette question aux lendemains des conflits mondiaux de la première moitié du XXe siècle n’a pas disparu aujourd’hui. En particulier, l’effondrement de l’URSS au début des années quatre-vingt-dix a créé de véritables flux d’apatrides, soit parce que certains ressortissants soviétiques ont renoncé à la protection de l’un des Etats issus de l’URSS[140], soit parce que certains Etats de l’ex-bloc soviétique n’acceptent pas les mécanismes de double nationalité. On peut citer à cet égard le cas des 70 000 tatars ouzbecks qui vivent en Ukraine : vivant hors des frontières de l’Ouzbékistan ils ont fait l’objet d’une procédure de dénationalisation ; mais parallèlement l’Ukraine n’a reconnu que rarement la nationalité ukrainienne à ces populations, car la naturalisation en Ukraine ne peut intervenir qu’à la condition que les intéressés aient expressément renoncé à leur nationalité première (ce qui induit une attitude active), ce qui n’est pas le cas attendu qu’ils ont fait l’objet d’une procédure passive de dénationalisation. Sont ainsi apparus des milliers d’apatrides « malgré eux ».
Au 31 décembre 2012, 1 210 personnes dites « apatrides et indéterminées », sont placées sous la protection de l’OFPRA. Deux tiers d’entre elles sont des hommes (808), célibataires pour plus de la moitié. Les femmes apatrides (402) sont mariées pour la moitié d’entre elles. L’âge moyen des apatrides est de quarante-neuf ans[141]. Le nombre de demandeurs du statut d’apatride reste marginal, notamment par rapport au nombre des demandeurs d’asile. De l’ordre d’une centaine de demandes par an il y a dix ans (106 en 2001), puis dépassant les 200 demandes (avec un pic de 255 demandes en 2005), elle se stabilise depuis 2008 autour de 150 demandes ; l’on dénombre 163 nouvelles demandes en 2012. L’essentiel de la demande émane du continent européen (78 %) et ce de manière de plus en plus importante (70 % en 2011). La demande autre est en sensible diminution : de 14 % pour l’Asie (contre 18 % en 2011) de 8 % pour l’Afrique (contre 13 % en 2011) et de 0,6 % pour l’Amérique (contre 1,3 % en 2011). C’est encore l’ex-URSS qui concentre la plupart des dossiers (48 %), ainsi que l’ex-Yougoslavie en nette augmentation (21 %, contre 8 % en 2011), mouvement qui concerne essentiellement les Roms. La part du monde arabe, quant à elle, diminue de manière stable. Les Syriens ne représentent en 2012 que 2 % de la demande (contre 8 % en 2011) ; diminution qui serait liée à l’accès à la nationalité pour certaines populations kurdes de Syrie. La demande d’origine arménienne venant d’Azerbaïdjan après un séjour illégal en Russie reste forte.
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PRINCIPALES ABREVIATIONS. 1
SOMMAIRE.. 2
INTRODUCTION.. 3
PARTIE I. – LE DROIT A UNE NATIONALITE ET LES CAUSES
DE L’APATRIDIE.. 6
CHAPITRE I. – LE DROIT A UNE NATIONALITE.. 7
Section I. – Consécration internationale du droit à une nationalité. 7
- 1. – Les instruments internationaux consacrant le droit à une nationalité. 7
- La Déclaration universelle des droits de l’homme (DUDH) 7
- La Déclaration des droits de l’enfant 7
- Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques. 8
- Convention de New York. 8
- 2. – Les instruments régionaux consacrant le droit à une nationalité. 9
- La Convention européenne sur la nationalité. 9
- Le Pacte de San José de Costa Rica. 9
- La Charte africaine des droits de l’homme. 9
- Déclaration des devoirs fondamentaux des peuples et des Etats asiatiques. 10
Section II. – Liberté étatique dans l’octroi d’une nationalité. 10
- 1. – Principe. 10
- 2. – Atténuation du principe. 11
CHAPITRE II. – LES RAISONS DE L’APATRIDIE.. 12
Section I. – Les éléments spécifiques du droit de l’apatridie. 12
- 1. – Reconnaissance de la qualité d’apatride. 12
- Les voies procédurales conduisant à la reconnaissance de la qualité d’apatride. 12
- La condition première : absence de toute nationalité du requérant 13
- 2. – La cause de l’apatride, élément subjectif pris en considération par les autorités françaises 14
- Une situation indépendante des actes du requérant 15
- Une situation indépendante de la volonté du requérant 16
Section II. – Apatrides de naissance. 17
- 1. – Divergences législatives. 17
- Absence de cohérence dans les critères attributifs d’une nationalité. 17
- Utilisation du même critère de base par les législateurs. 17
- Solution différente apportée par les droits nationaux aux questions préalables du statut personnel 18
- 2. – Effet récurrent des conflits négatifs. 18
Section III. – Apatridie adventice. 18
- 1. – Apatridies désirées ou imposées. 19
- Dénationalisation volontaire. 19
- Dénationalisation involontaire. 19
- 2. – Apatridies individuelles ou collectives. 21
PARTIE II. – CONSEQUENCES JURIDIQUES ET RESOLUTION DE L’APATRIDIE 24
CHAPITRE I. – CONSEQUENCES JURIDIQUES DE L’APATRIDIE
EN FRANCE.. 25
Section I. – Le statut des demandeurs du statut d’apatride. 25
- 1. – L’entrée des demandeurs du statut d’apatride. 25
- 2. – Le séjour des demandeurs. 26
Section II. – Les apatrides statutaires. 27
- 1. – Le séjour des apatrides statutaires. 27
- 2. – La fin prématurée du séjour des apatrides statutaires. 28
CHAPITRE II. – PREVENTION DE L’APATRIDIE.. 31
Section I. – La méthode préventive. 31
Section II. – La prévention par accord diplomatique. 32
Section III. – La prévention de l’apatridie dans le droit français. 33
- 1. – Prévention de l’apatridie d’origine. 33
- 2. – Prévention de l’apatridie en cas de perte de la nationalité française. 34
- En cas de perte réclamée. 34
- En cas de perte imposée. 35
CHAPITRE III. – REDUCTION DE L’APATRIDIE.. 38
Section I. – Réduire l’apatridie par des conventions internationales. 38
Section II. – Réduire l’apatridie par des mesures législatives. 39
Section III. – Règlement de l’apatridie. 39
CONCLUSION.. 43
BIBLIOGRAPHIE.. 45
[1] J. Maury, Nationalité — Théorie générale et Nationalité en France, in Répertoire de droit international, vol. 4, Sirey, 1931, p. 285, n° 84.
[2] P. A. Mutharika, The Regulation of Statelessness under International and National Law, New York, Dobbs Ferry, Oceana, t. II, 1980, p. 1.
[3] G. Schwarzenberger et E. Brown, A Manual of International Law, Milton, Professional Books Ltd., 6e éd., p. 115.
[4] D. de Folleville, Traité théorique et pratique de la naturalisation — Etudes de droit international privé, Paris, Marescq, 1880, n° 26, p. xvi.
[5] L. F. Oppenheim, International Law, Londres, Longmans Green & Co., 8e éd. (par H. Lauterpacht), 1955, p. 668.
[6] Décr. n° 60-1066, 4 oct. 1960, D. 1960.348, Rev. crit. DIP 1960.640.
[7] « Les Apatrides », Rev. dr. int. pr., vol. 14, 1918, p. 307.
[8] Ch. Perrault, La nationalité, s. l. (Québec), Imprimerie d’Arthabaska, 1939, p. 60.
[9] En ce sens, CA Paris, 13 avr. 1972 : Rev. dr. int. pr., 1972. 603, note P. Lagarde.
[10] V. Trachtenberg, La situation des apatrides : Rev. dr. int. pr. et dr. pén. int. 1933, p. 235 s. spécialement p. 235.
[11] Pour la France, en ce qui concerne la jouissance des droits, V. en ce sens P. Lagarde : D. rép. internat. v. Apatridie, n° 20.
[12] V. P. Lagarde, op. cit., n° 3.
[13] Publiée en France D. 4 oct. 1960 : D. 1960, législ. 348 ; Rev. crit. dr. int. pr. 1960, p. 640.
[14] P. Lagarde, op. cit., n° 14.
[15] L. Richer, Les droits de l’homme et du citoyen : Paris, Economica 1982, p. 69.
[16] Publié en France, D. 29 janv. 1981.
[17] F. Rigaux : Précis dr. in pr., Bruxelles 1968, Larcier n° 226, p. 307.
[18] R. Lillitch, « Chapter 4. Civil Rights », dans T. Meron (dir. publ.), Human Rights in International Law — Legal and Policy Issues, Oxford, Clarendon Press, t. I, 1984, pp. 153-154 ; J. M. M. Chan, « The Right to a Nationality as a Human Right », Human Rights Law Journ., vol. 12, 1991, pp. 1 ss. ; M.-H. Marescaux, « Nationalité et statut personnel dans les instruments internationaux des Nations Unies », dans Nationalité et statut personnel — Leur interaction dans les traités internationaux et dans les législations nationales, 1984, pp. 18 ss., nos 32 ss.
[19] J. Maury, Nationalité — Théorie générale et Nationalité en France, in Répertoire de droit international, vol. 4, Sirey, 1931, p. 316, n° 153.
[20] P. Louis-Lucas, La nationalité française, droits positifs et conflits de lois, Librairie du Recueil Sirey, 1929, pp. 6-7 : Même en dehors de toute intervention d’une autorité internationale pour régir de façon cohérente les principes généraux du droit de la nationalité, les Etats auraient pu d’eux-mêmes éviter les conflits de nationalités, si chaque ordre juridique étatique s’était vu attribuer « une zone d’expansion particulière et réservée ».
[21] F. Laurent, Le droit civil international, t. III, Bruylant-Christophe & cie, 1880, p. 433, n° 250.
[22] Sur l’origine et la portée de ce principe, voir M. –H. Marescaux, « Nationalité et statut personnel dans les instruments internationaux des Nations Unies », dans Nationalité et statut personnel — Leur interaction dans les traités internationaux et dans les législations nationales, Bruxelles, Bruylant, et Paris, LGDJ, 1984, pp. 18 ss., nos 32 ss.
[23] Aux termes de l’article 23-4 “perd la nationalité française, le Français même mineur, qui, ayant une nationalité étrangère, est autorisé, sur sa demande, par le Gouvernement français, à perdre la qualité de Français”. L’autorisation dite “congé de nationalité” est accordée par décret si les autorités françaises estiment la demande justifiée. La perte de la nationalité prend effet à la date de la signature du décret.
[24] S. Pufendorf, Du droit de la nature et des gens, 1672, repris in The Classics of International Law, n° 17, 1934, p. 1349
[25] M. –H. Marescaux, op. cit., pp. 30 ss., nos 62 ss.
[26] En Belgique, le législateur lui-même a reconnu le droit d’une personne à une nationalité comme un droit de l’homme : Doc. parl., chambre, sess. ord., 1933-1934, n° 197, 8 mai 1934.
[27] Sur la portée des déclarations de l’ONU, voir notamment L. Di Qual, Les effets des résolutions des Nations Unies, Paris, LGDJ, 1967 ; M. Virally, « La valeur juridique des recommandations des organisations internationales », Ann. fr. dr. int., vol. 2, 1956, pp. 66-96.
[28] Cass. civ. 1re, 22 févr. 2000, nos 97-22.460 et 97-22.459 : Rev. crit. int. pr.2000.681, note Fulchiron ; Cass. civ. 1re, 8 janv. 2002, n° 99-18.552 : Rev. crit. 2003.77, note Lagarde.
[29] Cass. civ. 1re, 10 mars 1993, n° 91-11.310 : D. 1993. 361, note Massip ; Cass. civ. 1re, 4 janv. 1995, n° 92-20.682, Bull. civ. I, n° 2.
[30] CE, 29 juill. 1994, req. n° 143866.
[31] Cass. civ. 1re, 18 mai et 14 juin 2005, nos 02-16.336 et 02-20.613 : JDI 2005.1131, note Chalas ; Cass. civ. 1re, 13 mars 2007, no 06-17.869
[32] En ce sens Flauss, L’influence du droit international des droits de l’homme sur la nationalité, Études offertes à J.-C. Hélin, 2004, Litec, p. 269 s., spéc. 274.
[33] Communauté française de belgique, agence de coopération culturelle et technique, Droits humains fondamentaux — Recueil de documents internationaux et nationaux, pp. 227-242.
[35] Ph. Jessup, A Modern Law of Nations, Macmillan Co., 1948, p. 69.
[36] B. Audit, Droit international privé, Economica, p. 752, n° 903.
[37] E. Pérez Vera, Citoyenneté de l’Union européenne, nationalité et condition des étrangers, Recueil des cours académie de La Haye, Vol. 261, p. 279.
[38] V. article 17 du Code civil.
[39] CEDH, 12 janvier 1999, Karassev c. Finlande, n° 31414/96
[40] Décret du 2 mai 1953 modifié relatif à l’OFPRA, art. 3.
[41] CE, 1er févr. 1999, Préfet de police c/ Mlle Akhtar, req. 189527, inédit.
[42] Sur ce fondement de l’article 5 de la loi de 1952, V. CRR 22 juill. 1994, Ali, n° 257700, Rec. CRR 1994, p. 82.
[43] CRR, 25 oct. 1956, Lowinger, req. 1261, in A. Heilbronner, Jurisprudence de la Commission des recours des réfugiés, D., 1961, p. 82.
[44] CE, 9 oct. 1981, Subramaniam, Rec. 1981, p. 362.
[45] CE, 22 juill. 1994, Jabl, Rec. 1994, tables, p. 950.
[46] Il doit alors contester le bien-fondé du jugement du tribunal administratif, et non réintroduire la même demande. V. sur ce point CAA Paris, 18 mars 1999, Ayoub, req. 97PA00978, inédit.
[47] Recours qui doit intervenir dans les formes du droit commun.
[48] CE, 1er févr. 1999, préc. L’arrêt relève que la requérante n’apporte « aucune autre précision à l’appui du moyen tiré de ce qu’elle devrait se voir reconnaître la qualité d’apatride ».
[49] CE, 29 déc. 2000, Préfet de police c/ Sarigul, req. 216121, Rec. 2000.
[50] M. Denis-Linton, Le maintien de l’unité de famille comme principe général du droit applicable aux réfugiés politiques, concl. sur CE, Ass. 2 déc. 1994, Mme Agyepong, RFDA 1995, p. 86-93, spéc. p. 90.
[51] Art. 29 : « la juridiction civile de droit commun est seule compétente pour connaître des contestations sur la nationalité française ou étrangère des personnes physiques. Les questions de nationalité sont préjudicielles devant toute autre juridiction de l’ordre administrative ou judiciaire, à l’exception des juridictions répressives comportant un jury criminel ».
[52] Cass. crim., 26 juill. 2000, Kamal H., pourvoi 00-83.306, inédit.
[53] V. CE, 4 sept. 2000 Vo, req. 213289, inédit.
[54] En ce sens, V. CE 20 mars 2000, Haque, req. 190036, inédit, au sujet d’un requérant de nationalité bangladaise appartenant à la minorité biharie.
[55] Nations unies, Département des questions sociales, Une étude sur l’apatridie, New York, août 1949, 173 p. document E/1112.
[57] V. sur ce point un arrêt déjà ancien : CE, 27 févr. 1995, Delajoie, req. 149218, concl. F. Scanvic.
[58] TA Strasbourg, 31 mars 1994, Dragotel, Rec. 1994, tables, p. 950.
[59] CE, 21 nov. 1994, Popescu, Rec. 1994, tables, p. 940, 947 et 949. M. Popescu avait volontairement renoncé à sa nationalité dans le but de faire échec à l’intervention d’une mesure d’éloignement du territoire français à la suite de la confirmation par la Commission des recours des réfugiés du refus de la reconnaissance de la qualité de réfugié.
[60] CE, 3 nov. 1997, Préfet de police c/ Dozsa, req. 156241, inédit.
[61] CE, 17 mars 1999, Buta, req. 160895, inédit.
[62] CAA Bordeaux, 19 juill. 1999, Bayram, req. 98BX00688, inédit. Il s’agissait d’un ressortissant turc s’étant soustrait à ses obligations militaires, ce qui est sanctionné en Turquie par la dénationalisation de l’intéressé. L’arrêt considère que « dans les circonstances de l’espèce, M. Bayram doit être regardé comme s’étant volontairement placé dans la situation d’être privé de sa nationalité ; qu’ainsi, il ne peut être considéré comme un apatride au sens de la Convention de New York ».
[63] H. Arendt, Les origines du totalitarisme : l’impérialisme, 1re éd. 1951, rééd. Fayard coll. Points essais 1997, chapitre V, § 2, p. 281.
[65] CAA Bordeaux, 19 juill. 1999, Bayram, req. 98BX00688, inédit.
[66] A. P. Mutkarike, The Regulation of Statelessness under International and National Laws, New York, Oceana, 1977, p. 3.
[67] A. Makarov, Règles générales du droit de la nationalité, RCADI, 1949, I, vol. 74, p. 357, n° 79.
[68] J. Brosse, Hitler avant Hitler, Paris, Fayard (coll. Le lieu de la personne), 1972, pp. 57-58.
[69] Ainsi de l’ancien article 19 du Code sur la perte de la nationalité hellénique en raison de l’abandon de territoire par des personnes d’ethnie non grecques (abrogé par l’article 9 (14) de la loi no 2623, du 24 juin 1998) et des articles 8 et 9 (dispositions transitoires) de la loi no 1438, des 5-6 mai 1984, réformant le Code de la nationalité.
[70] A titre d’exemple, voir les dispositions américaines sur cette forme de renonciation tacite de la citoyenneté américaine (A. del Rey, « Etats-Unis d’Amérique », Juris-classeur Nationalité, 1986, pp. 21-22, nos 108 ss.), système abandonné par suite d’arrêts récents de la Cour suprême des Etats-Unis.
[71] M. Riad, La nationalité égyptienne. Étude de droit comparé avec référence spéciale aux dispositions sur la nationalité adoptées par la première Conférence de codification La Haye, Nizet et Bastard, Paris, 1937, pp. 145-146.
[72] Ch. De Visscher, Théories et réalités, en droit international public, 2e éd. Paris, Pedone, 1955, p. 226.
[73] Voir G. Nitti, La situation juridique des émigrés italiens en France, Rev. gén. dr. int. publ., vol. 36, 1929, pp. 739 ss.
[74] Voir par exemple G. Breunig, Staatsangehörigkeit und Entkolonisierung — Die Abgrenzung des Staatsvolkes bei der Verselbstandigung der frankophonen Staten Schwarzafrikas unter Volkerrechtlichen Gesichts-punkten, Berlin, Duncker et Humbolt, 1974.
[75] India Bilateral Treaties and Agreements, New Delhi, t. II, p. 182, n° 313.
[76] Loi n° 71-020 du 26 mars 1971 relative à la reconnaissance de la nationalité congolaise aux personnes originaires du Ruanda-Urundi établies au Congo au jour de l’indépendance.
[77] Loi n° 72-002 du 5 janvier 1972.
[78] Journ. off. Rép. Rwanda, n° 19, 1er octobre 1963, pp. 427-434.
[79] Loi n° 81-002 sur la nationalité zaïroise ; ordonnances n° 82-002 du 29 juin 1981 et no 82-061 du 15 mai 1982 ; arrêtés du 31 octobre 1983.
[80] O. Ndeshyo Rurihose, La nationalité de la population zaïroise d’expression kinyarwanda au regard de la loi du 29 juin 1981, Dialogue — Revue d’information et de réflexion (Bruxelles), n° 192, 1996, pp. 3-33 ; J.-P. Pabanel, La question de la nationalité au Kivu, Politique africaine, n° 41, 1991, pp. 32-40.
[81] Sur cet aspect déclaratif, V. Cass. crim., 21 juin 1995, K., n° 94-81.930, inédit : l’arrêt relève que si le certificat de l’OFPRA date du 25 août 1993, la qualité d’apatride remonte en réalité au 30 mai 1978.
[82] Cass. crim., 11 oct. 1989, Tekin, Bull. crim., n° 353, au sujet d’un ressortissant turc.
[83] CE, 30 déc. 1996, Préfet du Loiret c/ Thammi, req. 154535, Dr. adm., mars 1997, p. 20 ; CE, 11 juin 1997, Stepanian, req. 182103, inédit.
[84] CE, 20 déc. 2000, Nesic, req. 207999, inédit.
[85] Selon certains auteurs, cette situation nettement moins favorable serait le fruit d’une volonté avérée des autorités françaises. V. F. Julien-Laferrière, Droit des étrangers, PUF, 2000, p. 351, note n°1. L’auteur en déduit que, pour échapper à ce régime défavorable, les apatrides sont incités à déposer une demande de statut de réfugié, ce qui aboutit concrètement à un détournement de la Convention de Genève de 1951. Là encore, si l’artifice utilisé est efficace du point de vue de la personne concernée, il aboutit à un détournement de procédure dont le juriste ne peut véritablement se satisfaire.
[86] CE, 28 juill. 1999, Hambaryan, req. 201126, inédit : « la circonstance que, postérieurement à l’arrêté attaqué, M. Hambaryan ait présenté […] une demande de reconnaissance de la qualité d’apatride est sans incidence sur la légalité dudit arrêté ».
[87] CE, 29 déc. 2000, Préfet de police c/ Sarigul, préc.. L’arrêt relève que le retour de M. Sarigul dans son pays d’origine l’exposerait à des traitements prohibés.
[88] Ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 relative aux conditions d’entrée et de séjour des étrangers en France, modifiée notamment par la loi n° 97-396 du 24 avril 1997 et par la loi n° 98-349 du 11 mai 1998.
[89] CE, 22 janv. 1997, Préfet de police c/ Ter Ambartsoumian, Rec. 1997, p. 29.
[90] Sur ce point, V. M.-J. Redor, Le séjour des apatrides et des demandeurs du statut d’apatride, AJDA 1998, p. 482-484.
[92] CE, 1er févr. 1999, préc.
[93] CE, 28 juill. 1999, préc. ; CE, 20 déc. 2000, préc. Dans le premier arrêt (1999) le Conseil d’Etat relève que la demande ultérieure de la qualité d’apatride est sans influence sur l’arrêté, et ce en dépit du caractère déclaratif de la décision reconnaissant ladite qualité. Dans le second arrêt (2000), le Conseil d’Etat admet la légalité de l’arrêté en considération du fait que le requérant a été débouté de sa demande de reconnaissance dstatut d’apatride.
[95] CE, 1er avr. 1988, Bereciartua Echarri, Rec. 1988 p. 135.
[96] La solution française est que l’extradition est possible à la condition que les autorités ayant compétence pour décider de la peine capitale aient donné au Premier ministre français des garanties suffisantes concernant la nonapplication de ladite peine. V. sur ce point notamment : CE, 27 févr. 1987, Fidan, Rec. 1987, p. 81.
[97] Cass. crim., 26 juill. 2000, préc.
[98] M. I. El-Sedawi, Le cumul de nationalités devant le tribunal d’un pays intéressé à sa solution (Etude de droit international privé comparé franco-égyptien), Univ. Mansoura, fac. droit, 1983, p. 244.
[99] A. Weiss, Traité théorique et pratique du droit international privé, 1re éd., t. 1, 1892, pp. 304 ss.
[100] Annuaire IDI, session de Paris, vol. 13, 1894, pp. 162 ss. ; session de Cambridge, vol. 14, 1895, pp. 194 ss. (séance du 14 août 1895), et session de Venise, vol. 15, 1896, pp. 235 ss. (séance du 26 septembre 1896) ; Annuaire IDI (édition abrégée), vol. 3, 1892-1896, pp. 394-410, 586-597, 681-688, 917-924 et 989-1026.
[101] J. Maury, Nationalité — Théorie générale et Nationalité en France, in Répertoire de droit international, vol. 4, Sirey, 1931, p. 291, n° 198.
[102] Th. Baty, La double nationalité est-elle possible ?, Rev. dr. int. lég. comp., troisième série, vol. 7, 1926, p. 632.
[103] SDN, Recueil des traités, vol. 179, 1937-1938, n° 4138, pp. 115-124.
[104] CIEC, Conventions et recommandations 1956-1987, Strasbourg, Secrétariat général, 1988, pp. 139-148 (avec l’exposé des motifs).
[105] V. C. nat, art. 19, al. 1 ; art. 24, al. 1.
[106] P. Lagarde, D. rép. internat. V° Apatridie, p. 446, note 2.
[108] V. en ce sens, H. Batiffol et P. Lagarde, Droit international privé, t. I, n° 144, p. 147, qui estiment qu’elle peut aussi être appliquée à un mineur.
[110] V. en ce sens H. Batiffol et P. Lagarde, op. cit., t. I, n° 145, p. 148.
[111] H. Batiffol, Evolution du droit de la perte de la nationalité française, Mélanges Ancel, Pédone : Paris 1975, p. 243 s.
[112] M. G. Peiser, La Conférence de Genève sur l’apatridie, Ann. fr. dr. int., vol. 5, 1959, pp. 504-522.
[113] Texte dans Yearbook of Human Rights for 1961 – Annuaire des droits de l’homme pour 1961, pp. 427 ss. et pp. 439 ss. Voir les commentaires de S. Torres Bernárdez, La Conférence des Nations Unies pour l’élimination ou la réduction des cas d’apatridie dans l’avenir, Ann. fr. dr. int., vol. 8, 1962, pp. 528-556, et de P. Weis, « The United Nations Convention on the Reduction of Statelessness », Int. Comp. Law Quart., vol. 11, 1962, pp. 1073-1096.
[114] Voir S. Saroléa, L’apatridie : du point de vue interétatique au droit de la personne, Rev. dr. étrangers, n° 98, 1998, pp. 190-191.
[115] Sur la réintégration par décret, v. C. nat., art. 97-3.
[116] D’où son nom de rattachement à un statut antérieur. F. Rigaux, Droit international privé, Louvain-Bruxelles 1968, n° 190, p. 262 s. Ou encore, en doctrine allemande, d’ « Anknüpfungsrückgriff », B. Aubin, Der anknüpfungsrückgriff im deutschen internationalen Familienrecht, Rabelszeitung 1958, p. 659 s. spécialement p. 660 à 662.
[117] Nast, note sous T. civ. Seine, 24 mai 1932 : D.P. 1934, 2, 5. Dans le même sens J.-P. Laborde, La pluralité du point de rattachement dans l’application de la règle de conflit, th. Bordeaux 1981, multigraphiée, n° 682 s., p. 461 s.
[118] D.P. 1934, 2, 5, note critique Nast ; S. 1933, 2, 145, note critique Niboyet.
[119] V. T. civ. Seine, 23 fév. 1883 : Clunet 1883, 388, appliquant aux conditions de validité du mariage en Angleterre d’un apatride la loi française de son domicile, mais aussi de son lieu de naissance.
[120] V. notamment T. civ. Seine, 22 déc. 1887 : Gaz. Pal. 1888, 1, 47 ; T. civ. Seine, 14 fév. 1908 : Clunet 1908, 813 ; Rev. dr. int. pr. 1910, 112, soumettant le statut personnel d’une juive apatride de Roumanie à la foi française de son domicile ; Nîmes, 10 déc. 1912 : S. 1918-1919, 2, 90, note E. A., appliquant à la succession mobilière d’un ancien Français ayant également perdu le bénéfice de sa naturalisation américaine la loi française du dernier domicile du défunt ; Paris, 25 nov. 1913 : Clunet 1914, 561, note J. P., soumettant encore à la loi française le divorce d’un ancien Italien naturalisé français et de sa femme, ancienne française puis italienne, devenue apatride, mais domiciliée en France.
[121] V. en ce sens Ph. Francescakis, Les avatars du concept de domicile en droit international privé actuel, Trav. comité français dr. int. pr. 1962-1964, p. 291 s. spécialement p. 295 s.
[122] V. CA Orléans, 29 fév. 1928 : S. 1929, 2, 33, note Audinet ; Rev. dr. int. pr. 1929, p. 641 s., note Niboyet, soumettant, dans la fameuse affaire du château et du domaine de Chambord, la capacité des princes – apatrides – de la famille de Bourbon-Parme à la loi autrichienne de leur domicile et ce point ne fut d’ailleurs plus discuté quand l’affaire vint devant Cass. civ. 13 avril 1932 : S. 1932, 1, 361, note Audinet.
[123] En ce sens Paris, 7 juin 1947 : Rev. crit. dr. int. pr. 1948, 527, appliquant à un divorce la loi du domicile du demandeur Apatride ; T. civ. Pontoise, 23 avril 1969 : Clunet 1969, 928, observ. R. Dayant, mais dans une affaire curieuse, où d’ailleurs les époux étaient seulement de nationalité indéterminée.
[124] V. H. Batiffol et P. Lagarde, op. cit., t. II, n° 387, p. 11, 13 ; Y. Loussouarn et P. Bourel, Droit international privé, n° 164, p. 210 s ; P. Mayer, Droit international privé, n° 850, p. 675.
[125] En ce sens, parmi les exemples les plus voisins ou les plus récents : Italie (C. civ., art. 29), Yougoslavie (v. L. 15 juill. 1982, art. 12, al. 1 s., sur les solutions des conflits de lois avec les dispositions des autres Etats dans le domaine de certains rapp.), Grèce (C. civ., art. 30), Turquie (v. L. 20 mai 1982, art. 4, sur le droit international privé et la procédure internationale), Sénégal (v. C. famille 12 juin 1972, art. 849, al. 3), Togo (v. C. famille 30 janv. 1980, art. 722, al. 3), République démocratique allemande (V. L. 5 déc. 1975, § 5, a), Pologne (v. L. 12 nov. 1965, art. 3), Tchécoslovaquie (v. L. 4 déc. 1963, art. 33).
[126] En ce sens République Fédérale Allemande (V. Loi d’introduction au Code civil allemand, paragraphe 29, dans sa rédaction actuelle), Espagne (C. civ., art. 9, § 10), Portugal (C. civ., art. 32).
[127] H. Batiffol, Principes de droit international privé : Cours La Haye 1959, II, t. 97, p. 439 s. spécialement p. 522.
[128] Rev. crit. dr. int. pr. 1974, p. 678 s., note A. Ponsard.
[129] V. d’ailleurs, pour un mécanisme de protection des droits acquis par l’apatride sous l’empire de sa loi personnelle antérieure : Conv. New York 28 sept. 1954, précitée, art. 12-2.
[130] Cf. Weill et F. Terré, Les personnes la famille, les incapacités, Précis Dalloz, Droit civil, 5e éd., 1983, n° 74-A, p. 86.
[131] V. en ce sens notamment l’avant-projet de réforme du droit international privé français, art. 2290 al. 2, in Clunet 1971, 31 s., observ. J. Foyer.
[132] V. en ce sens notamment H. Batiffol et P. Lagarde, op. cit., t. II, n° 387, p. 12 ; Aubry et Rau, Cours de droit civil français, t. I, 7e éd. par A. Ponsard, n° 142, note 153 ; V. aussi par exemple, C. famille sénégalais, art. 849, al. 3 ou L. tchèque 4 déc. 1963, art. 33.
[133] V. toutefois contra C. civ. portugais, art. 82, al. 2, donnant valeur de rattachement à la résidence occasionnelle, voire au lieu où l’apatride peut être rencontré.
[134] En ce sens H. Batiffol, note sous T. civ. Bruxelles 6 juill. 1957 : Rev. dr. int. pr. 1957, 662 ; H. Batiffol et P. Lagarde, op. cit., t. I, n° 347, p. 403.
[135] Cette assimilation est d’ailleurs ancienne. Ainsi un arrêt de 1947 prévoit abusivement que la Convention de 1933 sur le statut des réfugiés « ne saurait s’appliquer qu’aux réfugiés ne pouvant justifier d’aucune nationalité ; tel n’est pas le cas d’un réfugié qui n’a fait l’objet d’aucune dénationalisation de la part du gouvernement espagnol » (T. civ. Seine, 27 mars 1947, Galvez, Rev. dr. int. pr., 1947, p. 300-302).
[136] E. Reut-Nicolussi, Displaced persons and international law , RCADI 1948, vol. 73, p. 5-68, p. 12 : « according to the classical opinion, international law has only to deal w ith the states. As the stateless does not belong to any state, he does not exist from the point of view of international law ». Une analyse similaire pourrait être faite aujourd’hui s’agissant du droit interne.
[137] L. Cavaré, Le droit international public positif, Pédone, 3e éd. 1967, t. I, p. 507.
[138] V. CIJ, 18 juill. 1966, Affaire du sud-ouest africain, Ethiopie et Libéria c/ Afrique du Sud, Rec. p. 6 et s., notamment § 50, p. 34.
[139] H. Arendt, Les origines du totalitarisme : l’impérialisme, 1re éd., 1951, rééd. Fayard coll. Points essais, 1997, chapitre V, § 1e r, p. 254.
[140] V. sur ce point CE, 2 avr.1997, Spivak, Rec. 1997, tables, p. 868.
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