L’art de la tapisserie : Histoire, conservation et rôle du montage
INTRODUCTION
Le plus souvent quand on évoque le terme tapisserie, on se réfère toujours à un œuvre textile, ancienne et désuète pour la plupart des gens. Certaines personnes de nos jours n’en connaissent même pas l’utilisation et encore moins leurs valeurs. Pourtant, durant des années cette œuvre textile a été l’objet de référence de toute une dynastie, une région et d’une civilisation. Marque de noblesse ou définition de toute une histoire, derrière chaque œuvre se cache une représentation bien définie et censée qui avait pour but, d’une part, de raconter une histoire ou, d’autre part, de décrire un état d’âme. Depuis des années, la tapisserie a été un objet décoratif présent dans le quotidien de la population française. Accroché au mur, sur le sol et sur les mobiliers, les œuvres des grands tapissiers ont resté à la mode pendant de nombreuses années avant d’être dépassé par la modernisation et les valeurs nouvelles.
Loin d’être restés en objet décoratif, les pièces sont devenues des œuvres d’arts et demeurent aujourd’hui comme patrimoines importants qui méritent une attention particulière. Malgré son prestige quelque peu délaissée de nos jours, la tapisserie fait encore aujourd’hui l’objet de toute l’attention des grands connaisseurs, des restaurateurs et surtout des responsables de musées ou de maisons de conservations nationales ou internationales. En effet, la plupart des tapisseries, du moins ce qui en reste, sont actuellement exposées dans des musées ou des châteaux ou des maisons de particuliers.
De sa conception, à son exposition ainsi que sa conservation, le domaine des tapisseries est très délicat et nécessite un traitement particulier. Tout dans ces objets fait l’objet d’un art, l’art de la fabrication, l’art de l’expression, l’art de l’accrochage et surtout l’art de la conservation. En effet de nos jours, la plupart des tapisseries subissent des détériorations importantes, si bien que la plupart des œuvres qui ont même fait le prestige des grands créateurs et des pays concernés ont disparus au cours des années suite à de nombreux facteurs. Pour ne citer que les agressions extérieures d’ordre biologiques ou climatiques ou physiques. Depuis peu, les études ont également mis l’accent sur les risques de détérioration causés par le mode d’accrochage des tapis qui sont devenus de nos jours la source de nombreuses dégradations. Mais également, le mode d’accrochage tient une place importante dans la conservation de la tapisserie. Pourtant il existe de nombreux systèmes de montage des tapisseries et dont la plupart sont aujourd’hui encore utilisés dans de nombreux domaines. Ce qui nous amène justement au cœur de ce mémoire qui s’intitule « le rôle du montage dans la conservation de la tapisserie ».
Dans le but d’apporter une lumière à ce sujet, la présente étude s’est basée sur une étude comparative qui met en valeur les différents systèmes de montages existants et utilisés ainsi que les risques engendrés par chacun d’eux dans la détérioration des tapisseries. Pour finalement aboutir à un système de montage de référence qui a fait ses preuves au cours des dernières années.
Dans ce sens, le mémoire sera donc divisé en trois grandes parties, aussi importantes les unes que les autres. En première partie sera étudiée les tapisseries et les systèmes de montage. Cette partie sera orientée vers le monde de la tapisserie, commençant par un bref historique, passant par la suite par ses fonctions, sa fabrication et ensuite son évolution dans le temps. Elle concernera également les différents systèmes de montages utilisés jusqu’à nos jours commençant par une définition de ce qu’est un montage et passant par la présentation des différents systèmes et finalement par l’importance du montage dans la conservation et dans la représentation esthétique des tapisseries.
La deuxième partie quant à elle sera axée sur une étude comparative des différents systèmes de montage. Pour cela les dégradations liées aux montages des tapisseries seront mis en avant, suivi des avantages et des limites de chaque système pour finir avec un tableau comparatif et une synthèse de l’étude comparative.
La dernière partie, se basera donc sur un cas pratique avec l’étude sur la méthode appliquée à la tapisserie intitulée « La vision d’Ezéchiel » du XVIème siècle appartenant au Musée des Arts Décoratifs de Madrid. Le montage de tapisserie utilisée est celle du restaurateur André Brutillot qui a donné des résultats positifs dès sa mise en application dans les différents musées. Cette partie sera de se fait principalement axée sur la méthode du restaurateur. Mais elle débutera dans un premier temps pas une étude de la tapisserie avec une description de la pièce, ainsi que l’état de la pièce et les objectifs d’intervention. Sera par la suite étudiée la méthode d’André Brutillot ainsi que son application et les résultats observés. Cette troisième partie sera clôturée par une discussion et une synthèse.
Le rôle du montage dans la conservation des tapisseries.
INTRODUCTION
PLAN
PREMIERE PARTIE : Les tapisseries et les systèmes de montage.
- Généralité sur les tapisseries.
- La tapisserie au XVIe siècle
- Fonctions de la tapisserie.
- Fabrication des tapisseries.
- Les techniques de fabrication
- Matériaux utilisés.
- Évolution idéologique.
- La tapisserie comme objet d’usage quotidien
- La tapisserie considérée comme une œuvre d’art.
- Les systèmes de montages des tapisseries.
- Définition de montage.
- Les différents systèmes de montages des tapisseries.
- Étude historique
- Étude méthodologique
- L’importance du montage.
- La répercussion du montage dans la conservation des tapisseries.
- La répercussion du montage dans la présentation esthétique des tapisseries.
DEUXIEME PARTIE : Analyses comparatives des différents systèmes de montage des tapisseries.
- Les dégradations liées aux montages des tapisseries
- Les avantages des différents systèmes de montage de tapisseries
- Les limites des différents systèmes de montage de tapisseries
- Tableau comparatif
- Synthèse
TROISIEME PARTIE : Cas pratique : La méthode appliquée à la tapisserie « La vision d’Ezéchiel » XVI.
- La vision d’Ezéchiel : Une tapisserie exceptionnelle.
- Description de la pièce
- État de conservation
- Le choix d’une méthode.
- Objectifs d’intervention.
- La méthode d’André Brutillot
- Adaptation de la méthode d’André Brutillot.
- L’intervention de la tapisserie « La vision d’Ezéchiel » XVI
- Application de la méthode d’André Brutillot sur la tapisserie.
- Résultats
- Discussions
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
VOCABULAIRE
PREMIERE PARTIE : Les tapisseries et les systèmes de montage
- Généralité sur les tapisseries.
- La tapisserie au XVIe siècle
Avant d’entrer dans le vif du sujet, il est primordial de passer par un bref historique de la tapisserie dans le monde ainsi que son ascension en France.
Mais quelle définition peut-on tout d’abord donner à la tapisserie ? En effet, le dictionnaire « Larousse » a émis quatre définitions de la « tapisserie ». Selon ce dernier[1], « la tapisserie désigne tout:
- Ouvrage textile exécuté à l’aiguille sur un canevas à points comptés et suivant le tracé d’un dessin. (appelé également tapisserie à l’aiguille ou au petit point.)
- Ouvrage textile tissé manuellement sur un métier de haute ou de basse lisse, dont le décor est produit par les jeux d’une trame de fils colorés couvrant entièrement la chaîne, et le plus souvent destiné à être tendu sur un mur.
- Tout ouvrage textile destiné au décor mural, quelle que soit sa technique (tissage, broderie, application, etc.).
- Papier peint ou tissu tendu sur les murs. »
En d’autres termes, on peut qualifier de tapisserie tout œuvre textile réalisé sur un métier, utilisé comme objet décoratif ou tissus d’ameublement. Elle concerne de la même manière toutes les réalisations textiles à usage décoratif réalisées grâce à l’utilisation d’aiguille. On parle alors de broderies sur toiles ou de tapisseries sur canevas.
De par ses définitions, il est important de distinguer la tapisserie des autres œuvres d’arts telles que les tableaux ou les papiers peints.
Par ailleurs, force est de constater que la valeur de la tapisserie a évolué depuis des années. Cette valeur est considérable tant au niveau de la fonction qu’au niveau du coût de ses œuvres. Sans oublier le fait que tapisser revêt tout un art et est devenu une pratique de référence concernant un moyen de représentation à travers le temps. Présente dans toute l’Europe depuis le Moyen Age, elle a également pris le cœur des français depuis sa première introduction dans le pays lors du retour des croisades chrétiennes. Depuis lors, la France et notamment sa capitale, Paris, est devenue le centre de la fabrication des plus prestigieuses pièces qui sont mondialement reconnues en ces temps et jusqu’à nos jours.
Mais d’où vient alors la tapisserie ? La tapisserie quant à elle est issue de la même technique de tissage des tissus, donc elle nécessite l’utilisation de métiers de tissage et de fils. Ce qui différencie les deux œuvres se trouve, d’une part, sur la nature des matières premières utilisées, qui, pour les tissus sont initialement fait avec du coton. La tapisserie quant à elle peut être réalisée avec du coton, du lin ou du chanvre et même plus tard, les tisserands on eut recours à des fils d’or. D’autre part, les deux œuvres (tissus et tapisseries) se différencient également de leur technique même si ces dernières s’apparentent. A l’image des soies chinoises, des tissus de l’Amérique précolombienne et bon nombres de tissus issus de pays méditerranéens qui gardent la même base de tissage que les tapisseries mais par contre se différencient par la technique.
Quant à son autre origine, on peut dire que les tapisseries ont été pour beaucoup influencées par les œuvres de l’art copte égyptien[2]. Ces derniers ont sans doute été introduits dans le pays par les croisés après un passage en Espagne. Les tapisseries ont hérité de ces derniers leurs valeurs stylistiques et expressives dont les égyptiens ont mis en valeur dans leurs œuvres. En effet, la tapisserie est connu pour être un art expressive car la plupart des pièces jusqu’à maintenant réalisées décrives des instants définis à travers lesquels des messages veulent être transmis par ceux qui les ont commandé. On peut citer ici, les tapisseries concernant les guerres, les victoires des rois ou également les messages religieuses à travers les différentes images saintes demandées par l’Eglise. Ce qui a également été le cas pour les égyptiens lors de la conception des œuvres textiles coptes basés sur l’art gréco-romaine et qui ont mis en avant le réalisme à travers les couleurs.
Parlant maintenant de son évolution à travers le temps. En effet, si l’on se réfère au Moyen Age où la tapisserie a commencé à entrer dans la vie quotidienne des gens notamment des européens, son utilité était purement esthétique. Pourtant la fabrication de nouvelles pièces encore plus luxueuses et couteuses les unes que les autres démontrent leurs importances et les valeurs que les aristocrates et les mécènes accordent à cet objet. On peut compter parmi ces pièces l’Apocalypse d’Angers, La Dame à la licorne, la tenture de David et Bethsabée qui sont pour la plupart encore conservée en musée aujourd’hui encore. Certains investissent des fortunes dans leurs conceptions en faisant fabriquer des pièces en fils d’or ou d’argent. Certes, elle tient une place importante dans leur patrimoine, toutefois la tapisserie a bien vite perdu son prestige en seulement quelques années. Vers la fin de l’ère médiévale, la plupart des pièces ont été brulées juste pour récupérer l’or et l’argent avec lesquels elles ont été conçues.
Malgré cela, l’amour des européens pour la tapisserie n’a pas pour autant été estompée puisqu’on peut dire que la tapisserie a peut-être perdu ses valeurs initiales mais elles n’ont pas pour autant perdu leurs valeurs fondamentales qui est l’art avec laquelle elles ont été conçues.
L’époque qui nous intéresse, à partir du XVIème siècle, est bien celle de la nouvelle ère de la tapisserie où elle est, certes, considérée comme un objet décoratif mais d’une toute autre valeur qui est la représentation.
En cette époque, l’industrie de la tapisserie se focalisait sur le tissage des laines fines, et l’Europe est devenue le centre de toutes les fabrications puisque les différentes pièces sortaient de différentes régions de la péninsule. On parle à cette époque du prestige de la Flandre qui fabriquait la plus grande part des œuvres textiles avec les villes d’Audenarde, de Bruxelles, de Grammont et Enghien. La France n’était pas en leste puisque Paris comptait également parmi les plus grands producteurs de la péninsule. Si au Moyen Age, les premières tapisseries se basaient sur des images, des personnages isolés ou des groupes de personnes sur des fonds unis ou ornés de fleurs, qu’on dénommait les tapisseries de « milles fleurs », à partir du XVIème siècle, les tapisseries sont devenus plus emblématiques et descriptives puisque les industries commençaient à se spécialiser dans la réalisation d’œuvres textiles plus complexes comme des scènes de batailles surpeuplés, des portraits des rois avec leurs emblèmes et leurs messages. Comme nous montre la photo ci-dessous :
Tapisserie « LE ROI CHARLES VIII »[3]
Pour mettre en œuvre ce genre de pièces, il fallait mettre en place un système de fabrication plus perfectionné et donc nécessitant une infrastructure encore plus laborieuse et plus grande, c’est pour cette raison que les grandes manufactures flamandes ont été mises en place pour justement répondre à la demande grandissante des mécènes qui n’hésitaient pas à dépenser des fortunes pour des pièces plus massives et plus démonstratives. A partir de là, les pièces étaient devenues encore plus représentatives puisque les mécènes voulaient des œuvres démonstratives en inscrivant dans ces dernières leurs passe-temps comme la chasse, le jeu, des paysans au travail et même leurs portraits portant des déguisements et prenant de poses significatives. Puis arrivaient les pièces colorées qui avaient la spécificité de jouer sur la couleur en représentant de grands domaines avec des paysages bucoliques et verdoyants.
Les pièces devenaient de ce fait plus artistique et la tapisserie se ruait vers une toute autre forme qui se rapprochait de la production de la toile et nécessitait un talent particulier et un patronage méticuleux de la part des fabricants. La plupart de ces derniers sont devenus des fabricants renommés dont les œuvres sont encore aujourd’hui reconnus. On peut citer parmi eux : Arras, Aubusson, Beauvais, Bruges, Bruxelles, Felletin, Gand, Oudenaarde, et Paris. Les tapisseries étaient destinées spécialement aux rois et aux grands hommes d’Eglise qui avaient l’habitude d’orner les murs de leurs grands châteaux ou de leurs églises de tapisseries avec des représentations traduisant leurs pouvoirs ou des messages qu’ils veulent transmettre à leurs sujets. Ces grands fabricants étaient situés dans différents région de l’Europe mais les plus renommés se trouvaient à Paris et dans la partie Flamande de la Belgique. Les mains d’œuvres arrivaient en masse dans les grandes manufactures composées de centaines de tisserands qui pour la plupart sont au service de la royauté.
On ne peut donc pas parler de la tapisserie sans évoquer les plus grandes manufactures mise en place au XVIème siècle par les plus grands fabricants. Si nous ne regardons que du côté de la France où à cette époque, en 1953 c’est le Roi François 1er en personne qui prend l’initiative de créer un atelier à Fontainebleau et nomme la Primatice pour la diriger[4]. De même, il charge son fils Henri II de créer celui de la Trinité ainsi que sa direction. Suivirent par la suite la mise en place de la manufacture de Gobelins en 1661 fondé par Colbert[5] et mettait en œuvre de nombreuses toiles à l’effigie de la royauté qui considérait désormais la tapisserie comme un œuvre à la mode et symbole de leur pouvoir et de leur richesse. Cependant, l’histoire de la tapisserie ne reste pas à cette époque car elle évolue encore au cours des siècles suivant donnant naissance à une nouvelle forme de tapisserie mais également à différents œuvres textiles qui sont de plus en plus contemporaines.
Avec la diversité de pièces produites, ainsi que l’importance de la tapisserie au cours des années qui ont commencé à doubler en taille donc en volume, il est devenu nécessaire de les restaurer. Vu l’énorme fortune que les mécènes ont investis dans certaines tentures, ces dernières ne sont désormais plus considérées comme de simples objets décoratifs mais prennent le rang d’objet d’art qui nécessitent l’entretien adéquat une attention particulière. C’est justement pour cette raison que la fonction de « restaurateur » a été crée vers la fin du XVème siècle dans la domesticité des princes pour justement prendre en main le devenir des tapisseries de leurs royaumes tant en durée de vie qu’en éclat. Et prendre soin d’un tel œuvre nécessite bien évidemment des méthodes spécifiques allant du nettoyage, du doublage, de l’exposition, du stockage et surtout de l’accrochage. La fonction de restaurateur est maintenue dans les siècles suivantes et même jusqu’à nos jours avec des techniques de conservation encore plus laborieuses et plus sophistiquées vu l’ancienneté des œuvres.
- Fonctions de la tapisserie
Comme nous l’avons déjà évoqué auparavant, initialement l’utilité des tapisseries se résumait à la décoration. Autrement dit, les tapisseries étaient considérées comme tout autre objet décoratif avant de prendre une toute autre fonction qui a également évolué dans le temps.
Premièrement, la décoration est restée au cours des années la principale fonction de la tapisserie. Si au tout début, les premières pièces étaient conçues pour orner les meubles et le mobilier, les suivantes commençaient à s’étendre sur les murs ainsi que sur le sol des grandes bâtisses des mécènes, des nobles et des grands hommes d’Eglise. Nous sommes donc restés sur la nature décorative des tentures.
Deuxièmement, puisque les tapisseries sont pour la plupart réalisées avec de la laine et du coton, des matières connues principalement pour leur capacité à lutter contre le froid, les tapisseries sont de ce fait également utilisées à cet effet. Dans ce sens, les pièces ont été façonnées de manières à répondre à ce genre de confort, d’une part, les murs froides et nues des chambres à coucher ainsi que les diverses salles des châteaux ont été réchauffées par les tapisseries dont la taille était en fonction de la taille des murs. D’autre part, toujours dans l’esprit de maintenir un certain confort pendant l’hiver, certains accessoires ont été effectuées à l’aide de tapisserie comme les pantoufles, les couvertures et dans certains cas les bonnets. Et finalement, les tapisseries ont pris des tailles encore plus grandes pour devenir des rideaux pour prévenir de l’humidité et des courants d’air. Il est
Troisièmement, étant donné le fait que la valeur de la tapisserie a augmenté d’année en année, et étant donné l’énorme investissement qu’elles représentent traduits par les fortunes que les clients ont investis pour leur fabrication, les tapisseries sont devenus des marques de richesse et de pouvoir et un réserve de capital important. C’est pour cette raison qu’elles ont pris la valeur d’objets précieux que les nobles et les hommes riches se sont échangés pour diverses occasions. Elles constituent donc un objet d’échange et une marque de noblesse, puisqu’elles ont faits l’objet de cadeau diplomatique ou de cadeau de mariage. Vu la valeur du cadeau, offrir une tapisserie démontre une certaine importance et un certain prestige, d’une part, pour la personne qui offre la tapisserie, marquant sa richesse et, d’autre part, pour la personne qui la reçoit, démontrant sa noblesse et son rang social. La pratique est parfois excessive puisqu’à part le fait qu’elle soit un cadeau, le sens de l’acte devient simplement l’ostentation, en d’autres termes juste pour démontrer son pouvoir et sa richesse. C’est justement pour cette raison également qu’à l’occasion des grandes cérémonies publiques, les hôtes n’hésitent pas à sortir leurs plus belles œuvres textiles pour justement les montrer aux invités et démontrant ainsi sa noblesse et sa fortune.
Finalement, la dernière fonction de la tapisserie réside dans un tout autre domaine, celui de l’Eglise. En effet, depuis les premières pièces, l’Eglise a été l’une des premières organisations à s’emparer de la tapisserie pour lui donner un rôle dans l’imagerie religieuse. Le but étant en 1025 de développer des images destinées à la population illettrée pour les diriger vers la religion ainsi que la politique. A cet effet, pendant cette période, un concile se réunit à Arras pour justement décider des images qui vont être transmises à travers les œuvres. Par la suite, la plupart des tentures commandées par les évêques concerne particulièrement la vie du Christ ainsi que les histoires saintes qui tournent autour de son parcours. Les tentures par la suite prendront place dans les différentes Eglise pour informer le peuple et prendre en main plus facilement leur culture religieuse.
Parmi ces œuvres, on peut citer « la tenture de Saint Etienne » tissée vers les années 1500 suite à la demande de l’évêque Jean III Baillet dont la présence est reconnue par les armureries. Cette pièce a été destinée au chœur de la cathédrale d’Auxerre et dont l’histoire raconte « la vie du premier martyr de la foi chrétienne, de la découverte de son corps trois siècles plus tard ainsi que son transport épique vers Rome »[6]. Cette représentation est montrée par l’image ci-dessous :
La tenture de « Saint-Etienne »[7]
Image de Saint Etienne discutant avec les docteurs juifs – fabriquée avec de la laine et de la soie – Bruxelles
Cette fonction de la tapisserie a été maintenue durant des années par l’Eglise avec des images de plus en plus explicites qui ne se basaient plus seulement sur des images mais sur lesquelles étaient également inscrits de nombreux messages et même directement les messages écrits que les grands hommes d’Eglises voulaient faire passer. Ceci étant, l’Eglise n’a pas été la seule à avoir recours à cette pratique puisque les rois prenaient également en compte cette fonction de la tapisserie où ils démontraient leurs pouvoirs d’abord avec les images de leurs victoires mais également leurs pouvoirs avec des messages très explicite démontrant leur pouvoir comme nous montre la tapisserie « Le Roi Charles VIII » qu’on a vu précédemment et portant les inscriptions suivantes :
Carolus, invicti Ludovici filius, olim
Partenopem domuit, saliens sicutHannibal Alpes
(Charles, fils de l’invincible Louis, soumit Naples naguère, en franchissant comme Annibal, les Alpes)[8]
Les inscriptions sur la tenture ainsi que la posture que le roi Charles VIII a pris sur son cheval muni de son armure et de son épée partant pour conquérir Naples, représente la puissance du roi qui demande le respect de ses sujets.
- Fabrication des tapisseries
La fabrication de la tapisserie étant devenue un art à part entière depuis le XVI ème siècle, traduit par la mise en place d’énormes manufactures de fabrications de tapisseries qui produisaient des œuvres plus exceptionnels et de plus en plus spécifiques en fonction de la demande. De ce fait, la main d’œuvre mobilisée devait également être capable de suivre les tendances et donc performants pour répondre à des besoins en qualité et en quantité. De la même manière, le matériel utilisé dans les grands ateliers devaient également suivre la demande en devenant de plus en plus perfectionnant. Toutefois, la réalisation des tapisseries nécessite l’utilisation de technique, que cela concerne les petites tentures ou les œuvres grandioses. Ainsi, on peut citer trois principales méthodes de fabrication de la tapisserie, dont la tapisserie au petit point et la tapisserie en haute lisse et en basse lisse.
- Les techniques de fabrication
- La tapisserie au petit point
Par rapport aux deux autres techniques, la fabrication de tapisserie au petit point est celle qui est le plus méconnue du public depuis longtemps et jusqu’à nos jours. En effet, cette dernière contrairement aux deux autres s’apparente à la broderie puisqu’elle utilise également une aiguille avec des fils en couleurs pour mettre en avant les images qu’on veut y inscrire. Il s’agit donc d’exécuter des points de croix sur un « canevas ». C’est justement à cause de l’utilisation de ce genre de méthode que certaines personnes la confondent avec la broderie. Pourtant, les œuvres produites sont bel et bien des tapisseries puisqu’ils répondent aux mêmes critères que ceux fabriqués selon les autres techniques dont les formes, les images inscrites sur les pièces ainsi que leurs fonctions. Cette technique se base sur l’esprit créatif étant donné le fait qu’elle n’est pas courante et surtout qu’elle soit pratiquée en salon et non en atelier. Les pièces produites sont de ce fait de plus petites tailles et la plupart du temps, elles sont considérées en art décoratif d’ameublement, plus précisément pour la couverture de pièces de petites tailles comme les sièges et les têtes de lits, les coussins ou les pantoufles des grands princes comme nous montre les images suivantes. En outre, il faut tout de même noter l’existence de plus grandes œuvres réalisés avec cette technique. Plus ambitieux, certains artistes se lançaient pour la fabrication des croisements des lits princiers ou des tentures murales. Certes, le temps et les efforts pour réaliser ces pièces avec ce technique était plus considérable mais la qualité reste la même et parfois même elle est plus significative par rapport aux autres techniques grâce à une approche plus méticuleuse.
Couverture de siège et pantoufles en tapisserie selon la technique de la « Tapisserie au Petit Point »
Ce qui fait également la spécificité de cette technique c’est qu’elle utilise un métier à tisser de plus petite taille qui la rend praticable dans presque toutes les chambres de la maison facilitant de la même manière son déplacement et même son transport en voyage. Puisque cette technique est surtout pratiquée en salon ou en salle, elle est devenue un des principaux loisirs des hommes et des femmes de la haute sphère qui prenaient plaisir à décrire leurs états d’âme et leurs sentiments les plus profonds à travers les œuvres qu’ils réalisent. C’est justement pour cette raison que la technique au Petit Point est qualifiée d’art intimiste puisqu’elle touche les sentiments les plus intimes de leurs fabricants.
- La technique de la haute lisse et de la basse lisse
La technique de la « Lisse » qu’elle soit haute ou basse nécessite l’utilisation d’un métier spécifique de grande taille. Le terme « lice » ou plus tard « lisse » vient du mot latin « licium » qui signifiait « fil ». De ce fait, il s’agit donc d’une technique qui tisse les fils à l’aide d’un métier disposé à la verticale pour les tapisseries de hautes lisses et à l’horizontale pour les tapisseries de basse lisse. La différence entre les deux techniques réside cependant dans la disposition (à la verticale) ou à l’horizontale de la chaine du métier et à l’existence de la marche sur la basse-lisse qui sont absentes sur la haute-lisse. Autrement, le principe de base est le même et elle est simple. Avant d’entamer toute fabrication, les artistes créent des cartons qui sont en général l’ébauche des futurs œuvres en dimensions réelles. Par la suite, les tisserands tissent les fils en couleurs et faits de laine, de coton, de soie, de chanvre, d’or ou d’argent selon la demande. La technique[9] consiste donc à tendre sur le métier entre deux cylindres ou ensouples une chaine de fil. Cette dernière est par la suite enroulée sur les cylindres supérieurs tandis que les parties achevées sont enroulés sur les parties inférieures. Les fils, étant subdivisés en deux nappes, sont tendus et écartés avec un bâton. La tache revient cependant à l’ouvrier ou au tisserand de passer une cordelette en anneau sur la partie postérieure de la nappe au niveau du fil. Par la suite, la lisse permet de croiser facilement les deux fils des deux nappes supérieurs et inférieurs. Le travail est plus facile à contrôler avec le métier de haute-lisse puisque ce dernier renvoie une vision permanente de l’évolution du travail tandis qu’avec le métier de basse-lisse il faut le faire basculer pour apercevoir le travail en cours puisque le travail est normalement effectué sur la partie postérieure de la nappe et donc sur l’envers de la tapisserie.
Les schémas suivants montrent la structure d’un métier de haute lisse à gauche et la structure d’un métier de basse-lisse à droite.
Métiers de haute-lisse (à gauche) et de basse-lisse (à droite)
Généralement, les premières tapisseries ont été fabriquées à l’aide de métier de haute-lisse et on les a qualifiées de Tapisserie de Gobelins. A partir de là les tapisseries tissées sont subdivisées en deux catégories en ce qu’elles soient haute ou basse. Tandis que les tapisseries tissées de haute-lisse sont dites Gobelins dans toute l’Europe, les tapisseries de basse-lisse quant à elles sont dites tapisseries de Beauvais & d’Aubusson.
La tapisserie de Gobelins a fait la renommée de la France et notamment de la ville de Paris dont la plupart des ateliers utilisait la technique de la haute-lisse depuis son introduction dans la capitale vers le début du XIIIème siècle. Les œuvre sortis de ces derniers ont plus de valeurs en termes d’efforts et de richesse puisqu’ils nécessitent plus de temps, plus d’efforts et de connaissance dans la réalisation que celle de la tapisserie de la basse-lisse. Ce qui a d’ailleurs donné naissance à une expression courante dans le temps : « de haute lisse » qui signifiait en sens figuré de très haute qualité. La Tapisserie de basse-lisse ou la tapisserie d’Aubusson ou d’Arras a été implantée dans le pays vers le courant du XVIème siècle par les lissiers venant d’Arras. Cette technique s’est étendue dans les grandes manufactures pour répondre à une demande croissante à cette époque et surtout face à une exigence des mécènes et des personnes de hauts rangs en termes de représentation sur les toiles. Celles-ci sont donc effectuée de manière à rentabiliser les ateliers puisqu’ils sont d’une part plus économique (gain de temps et donc de main d’œuvre) et d’autre part gain d’effort puisque la technique est moins laborieuse que la précédente. Néanmoins, elle entraine donc une qualité inférieure à celle des Gobelins.
Par ailleurs, pour une technique ou pour une autre, réaliser une tenture n’est pas chose aisée et nécessite un savoir-faire et des outils adéquats. Pour la réalisation d’un sujet de la taille d’une main humaine, il faut compter au minimum une journée de travail pour un lissier compétent. L’image ci-dessous nous montre la technique de tissage et sa spécificité avec la disposition des fils qui sont divisé en deux sortes dont le fils de chaine et les fils de trame. Chaque fil a sa spécificité et son sens (fil de chaine dans les sens de la longueur et le fil de trame dans le sens de la largeur). La manipulation des fils de chaine s’appellent l’ourdissage tandis que celle des fils de trame s’appelle le tissage.
Sens des fils de chaine et de trame dans un métier à tisser[10]
- Matériaux
Le tissage des tapisseries est un concept très important qui nécessite une compétence particulière qui est devenu un art au cours des années. En effet, outre les techniques de tissage les matériaux présents dans les tentures agissent pour beaucoup dans la réussite de la réalisation et dans la conservation des tapisseries. C’est pour cette raison que les matériaux ont été étudiés et utilisés dans le but d’en connaitre un peu plus sur cet art.
Les matériaux utilisés pour la réalisation d’une tapisserie sont les fils qui sont faites avec des fibres comme le coton, les laines et les soies, ainsi que les colorants qui servent justement à donner une couleur aux fils dans le but de sortir une image proche de la réalité toute en couleur et avec un effet de relief.
En ce qui concerne les fils, contrairement aux fabrications actuelles qui utilisent pour la plupart des fibres synthétiques, les tapisseries anciennes sont elles tissées avec des fibres naturelles comme les fibres animales protéiques comme la laine ou la soie ou de fibres végétales et à base de cellulose comme le lin ou le coton[11].
Chaque fibre a sa propre spécificité, et lorsqu’ils sont travaillés ils vont donner naissance à des fils de bonne qualité et répondant aux besoins de la fabrication des tapisseries. Prenons le cas de la laine. Dans les régions françaises, la laine utilisée en tapisserie est spécialement obtenue du pelage des moutons. La protéine contenue dans la matière s’appelle la kératine qui contient à son tour des liens disulfures (cystine) qui rend les fibres résistantes. Quant au fil de soie, elle est obtenu par le traitement de la bave du ver à soie qui s’appelle le Bombyx du mûrier. Cette bave contient également deux filaments protéiniques dont la fibroïne et la séricine. La particularité de cette fibre réside également dans sa résistance ainsi que sa capacité d’extension pouvant atteindre plusieurs kilomètres.
Les fibres végétales dont le lin qui est utilisé dans certaines tapisseries anciennes sont issues du lin commun extrait d’une zone libérienne. Il est constitué de tissus sclérenchymes qui ont subi des transformations avec un épaississement et une lignification des membranes. En ce qui concerne le coton, il provient du cotonnier notamment son duvet qui s’obtient à ma maturité des capsules de coton. Le coton est la fibre qui a le plus de particularité puisqu’elle est composée d’une multitude de substances dont la protéine, les graisses, les sels minéraux, les gommes et des colorants naturels. En plus d’être résistant, les fibres animales ont la particularité de donner des tapisseries plus douces et plus chauffantes.
Toutes les fibres, qu’elles soient en coton, en laine, en lin ou en soie, sont composées de molécules polymères qui donnent naissance à de long fils flexibles adaptés aux techniques de tissage des tapisseries.
Par ailleurs, il ne faut pas oublier le fait que l’art de la tapisserie réside également de représenter des images réalistes avec des couleurs et une mise en relief. C’est pour cette raison que l’utilisation de fils de couleur est importante. Les fils sont de ce fait colorés avec des colorants qui sont naturels pour les tapisseries anciennes et devenus de plus en plus artificielles au cours des années avec l’évolution de la technologie. Les colorants naturels ont la spécificité de d’être stable au lavage à l’eau. On peut citer la garance, le kermès, la cochenille, le bois du brésil, la gaude pastel et indigo[12]. L’utilisation des colorants varie en fonction de leur composition chimique et leur réactivité à l’eau étant donné le fait qu’ils doivent donner naissance à des fils de couleurs proches de la réalité et résistants au lavage.
- Évolution idéologique.
L’idéologie derrière laquelle l’art de la tapisserie a évolué au cours du temps. Si initialement il a été conçu pour répondre à un esprit créatif et des besoins quotidiens, au cours des années, elle a pris une importance encore plus grande en devenant une œuvre d’art.
- La tapisserie comme objet d’usage quotidien
Au début du XIIème siècle, les premières pièces de tapisseries ont eut une utilité exclusivement esthétique et décorative. De nombreuses pièces ont été conçues pour répondre justement à ce genre de besoin à commencer par les couvertures des chaises des tables, des lits et quelques fois les rideaux et des coussins. Les pièces ont alors pris leurs rôles d’accessoires pour usage quotidien. Par la suite, toujours dans ce sens, leurs utilités s’étaient étendues à des utilisations plus spécifiques puisqu’on a observé que la matière avec laquelle les tapisseries sont réalisées ainsi que la manière avec laquelle elles sont tissées ressemblent pour beaucoup aux tissus, mais avec une résistance au froid et une étanchéité plus importante. De ce fait, les tapisseries sont devenus plus que des accessoires puisqu’ils ont été pour la plupart été porté et utilisé pendant tous les hivers. Façonnées sous différentes formes, elles ont été utilisées pour devenir des couvertures dans les chambres, exposés aux murs pour justement se préserver de la fraicheur de ces derniers ainsi que de leurs humidités. Certains fabricants notamment ceux qui utilisent les techniques de fabrication au petit point pour des tentures de petites tailles façonnent des accessoires comme les pantoufles, les bonnets et même des habits à utiliser pendant l’hiver.
Ainsi depuis des siècles, les tapisseries ont commencé à prendre leurs places dans la vie des gens surtout ceux qui ont la possibilité de s’en approprier puisque rappelons-le, les tapisseries sont des œuvres textiles qui coutent assez chers compte-tenu de leurs difficulté de fabrication ainsi que de la qualité des matériaux utilisés pour leurs réalisations.
- La tapisserie considérée comme une œuvre d’art.
Tout au long des années, les tapisseries étaient tellement utilisées pour différentes raisons que les grands mécènes ont décidé d’en exploiter la fabrication avec la mise en place de nombreux ateliers de fabrication partout dans le monde. Le fait que ces dernières sont utilisées pour un esprit décoratif est totalement oublié puisque vu la conception derrière laquelle elles sont réalisées ont complètement changé. Ceci étant causé par le fait que les tapisseries sont devenues au cours du temps, des marques de noblesse et de richesse. Les tentures sont devenues des cadeaux diplomatiques ou de mariage, certains ornent les plus grandes salles des châteaux. Certains finissent même par les louer juste pour une journée de fêtes où les gens vont être invités pour démontrer indirectement un certain pouvoir et la marque de richesse. Et la liste des prêts est longue comme en témoigne le registre du Garde-meuble de la Couronne, elles sont tellement prisées que certaines personnalités finissent par réserver le prêt des œuvres à l’avance pour des années. Les tapisseries sont de ce fait fabriquées en masse avec une demande croissante qui a atteint son point culminent au XIXème siècle. Les collections naissent, et certaines tapisseries commencent à se faire vieille, c’est pour cette raison que leur restauration devient une étape primordiale. Vers la fin de cette période, le coût de la fabrication de la tapisserie devient tellement élevé que certaines manufactures ont du fermer les portes ne pouvant plus tourner faute d’investissement. Par la suite les tapisseries deviennent encore plus valeureuses pour ceux qui ont décidé de les collecter. Les collections de font rares alors, elles ont pris la place d’objets précieux et d’œuvre d’art dont l’entretien et le maintien de la longévité nécessite une manipulation spécifique d’où le rôle de la conservation. Quelques années après, la plupart des tapisseries, du moins le reste de celles qui n’ont pas été abîmées ou détruites, ont été exposées dans des châteaux ou conservées dans des musées.
- Les systèmes de montages des tapisseries.
- Définition de montage.
L’une des plus grandes particularités des tapisseries réside dans sa taille. En effet, plus une tapisserie est importante plus est de grande taille. Pouvant aller de quelques mètres carrées à une centaine de mètres carrées, les tapisseries ont pris de nombreuses formes et sont actuellement exposées dans les musés et dans les grandes bâtisses et les châteaux. Généralement exposées dans une position verticale pour couvrir les murs et prévenir du froid ou tout simplement pour en exposer la splendeur, les tapisseries nécessitent un système de montage spécifique et adapté à chaque environnement (tenture, mur, cadre …). Mais que signifie justement le montage d’une tapisserie ? Comme on l’a le plus souvent évoqué auparavant, le montage de tapisserie consiste à la manière de l’accrocher au mur. Pour ce faire, de nombreuses techniques doivent être utilisées, et d’une part, pour faire en sorte que la tenture soit bien placée pour des raisons de sécurité ; et d’autre part, pour ne pas abimer la tenture. Tout ceci de manière à garder l’objectif principal qui est l’exposition soit pour la décoration soit pour la conservation.
Accrocher une tapisserie n’est pas chose facile et depuis quelques années elle a été l’objet d’une attention particulière puisqu’elle est devenue un risque majeur pour la dégradation des tapisseries. C’est justement pour cette raison qu’elle est devenue une étape cruciale et à part entière dans la méthode de conservation. Depuis toujours, le mode d’accrochage des tapisseries est sujet à controverse, et au fil des années, les méthodes se sont succédées : l’accrochage à l’aide de clous, la mise sur châssis, les tringles, les plinthes ou les bandes auto-grimpantes Velcro. Toutes ces méthodes ont fait leurs preuves, certaines plus efficaces que d’autres et présentant chacune ses propres particularités. Le choix de la méthode réside donc dans la technique de montage.
Par ailleurs, le montage consiste également à trouver le moyen pour soulever la tenture de manière à ce qu’elle ne s’abime pas et surtout pour des raisons de sécurité. Dans ce sens, de nombreuses techniques ont également été développées telles : le soulèvement par système de cordage, le système de blocage automatique, l’utilisation d’échafaudage et plus tard des matériels encore plus sophistiqués et dans le temps.
Du point de vue esthétique, la tapisserie est conçue pour une vision verticale, pourtant il est plus facile de la monter de manière inclinée ou horizontale, mais les différents systèmes de montages mis en place ont été effectués de manière à ce que tous les éléments soient étudiés et mis en valeur. Il s’agit ici du poids de la tenture, des plis causés par un mauvaise accrochage et surtout des points de déchirures causés par certains systèmes d’accrochage, la lumière, l’humidité… Accrocher une tapisserie nécessite une énorme compétence en la matière vu le nombre considérable de facteurs à prendre en compte et surtout vu la valeur de l’œuvre textile qui nécessite des manipulations particulières.
- Les différents systèmes de montages des tapisseries.
- Étude historique
Depuis les premières pièces de tapisseries, une des préoccupations des fabricants était de trouver la meilleure façon de les valoriser. Certes, elles étaient transformées sous différentes formes, en différentes formes mais avec le succès de son art ainsi que les signes de prospérité et de richesse qu’elles engendrent, les propriétaires ont choisi de les valoriser sur leurs murs de manières à ce qu’elles soient plus visibles. Mais le principal souci étant surtout son accrochage à cause de son poids et de sa taille, au cours du temps de nouvelles techniques d’accrochage ont vu le jour. De la même manière, depuis quelques années, surtout vers la fin du XVIème siècle et tout au long du XVIIème siècle, les tapisseries ont connu tellement de succès comme le montre la production massive et la création de grandes manufactures dans toute l’Europe à cette époque si bien qu’elles sont passées en l’espace de quelques années en un simple objet de décoration à un objet d’exposition et d’art. Ceci étant, les tapisseries ont commencé à voyager et à être transporter dans toute la région et souvent dans de très mauvaises conditions. Elles sont devenu tellement à la mode vers le XVIIIème siècle qu’ont les voyait à tous les grands évènements. Les salles et les châteaux des grands bals étaient ornés de tapisseries qui pour la plupart ont été louées ou empruntées. Comme le témoigne les registres du Garde-Meuble de la Couronne qui en louait la majeure partie. Parmi ses fidèles clients se trouvaient le banquier Nicolas Beaujeu ou le comte d’Artois qui en louait presque tous les ans à la même période pour orner leurs demeures[13]. Ceci étant, les tapisseries avait donc tendance à être accrocher et décroché presque tous les jours, ce qui favorisait sa dégradation. Les différentes méthodes de montage utilisé ont donc évolué dans le temps et effectuées de manière à éviter cette dégradation.
En effet, le premier système de montage utilisé pendant la période décrite précédemment a été celui du « clouage ». Ce système a été utilisé depuis les premières pièces jusqu’ à la fin du XVIIIème siècle puisqu’il est plus facile à manier pour un rapide et fréquent accrochage. Le clouage se faisait sur la partie haute de la tenture et sur le tiers supérieur de chaque côté. Effectué sur une lisière ou sur une bande de toile cousue sur la doublure et assez forte pour soutenir le poids de la tenture, le clouage a fait ses preuves pendant de nombreuses années jusqu’à ce que de nombreuses dégradations ont été constatées au niveau de l’endroit de clouage des tapisseries.
Par la suite, des mesures ont été prises au niveau de la couronne avec la mise en place d’un nouveau système d’accrochage qui cette fois se tourne plutôt vers une technique de « mise sur châssis » qui s’apparentait avec le système d’accrochage des peintures. Cette technique a surtout été utilisée vers la fin du XVIIIème siècle et appliquée à la majorité des tentures sans aucune distinction de taille.
Cependant, un autre système de montage a également été testé en parallèle avec ce dernier. Il s’agit de garder le même système que pour le clouage mais cette fois-ci en utilisant un « système de crochet ». La différence réside sur le fait que l’on n’utilise plus des clous mais plutôt des crochets sur lesquels une cordelette cousue sur la partie haute de la doublure de la tenture. Les crochets sont fixés sur le mur à intervalles réguliers et de manière à ce que le poids de la tenture soit réparti tout au long de la largeur sa largeur.
En 1912, un autre système de montage est proposé par une haute autorité américaine des arts décoratifs, Leland Hunter, celui de l’ « accrochage par pression ». Ce système utilise des boutons soit par pression soit simplement. L’argument mis en avant par le spécialiste a été la facilité de décrochage de la tenture grâce à un système de pression, qui de la même manière peut soutenir l’œuvre tout au long de sa largeur. Il argumente également le fait que la tenture peut être facilement décrochée lors d’un incendie.
Et finalement, le dernier système d’accrochage a été crée vers 1970, le système d’ « accrochage Velcro ». Le principe est le même que pour celui de l’accrochage par pression mais cette fois, on utilise des bandes auto-grimpantes en Velcro cousues également sur la partie supérieure de la toile et sur la doublure. Ce système s’est généralisé tout au long des périodes qui ont suivi sa création et est encore maintenue jusqu’à nos jours pour l’accrochage de la plupart des grands œuvres. Il est de ce fait utilisé dans la plupart des grands musées et maisons de conservations dans presque tous les pays du monde.
- Étude méthodologique
Nous avant pu voir auparavant l’évolution des systèmes de montage dans le temps, par la suite, il s’agit de faire une étude méthodologique. La plupart des méthodes ont déjà été définis ci-dessus, d’autres n’ont pas encore été présenté car ils ont été découverts plus tard spécialement dans le but d’optimiser la conservation des tapisseries qui sont devenus au fil du temps un œuvre d’art à part entière dont l’accrochage est également devenu un élément clé de sa réussite.
Cependant, les différents types de systèmes de montage vont être étudiés en détail et séparément par la suite. Par contre, il est nécessaire de rappeler que pour chaque système, le but étant le même, et il s’agit de maintenir la tenture dans la position verticale le long d’un mur.
Le premier système utilisé a été le système de clouage. Comme son nom l’indique, il consiste à maintenir la tenture à l’aide des clous percé directement sur les pièces vers les murs au tout début et par la suite sur les doublures. Ceci étant, à chaque nouvel accrochage de la toile, de nouveaux trous doivent être effectués pour pouvoir soutenir correctement la toile.
Quant au système de mise sur châssis, il s’agit de mettre la tenture dans une armature en bois ou en aluminium de manière à ce qu’elle soit bien droite et surtout de manière à ce qu’elle soit bien tendu pour faire ressortir comme il faut l’image mais également pour enlever tout risque de pliure qui pourrait à la longue abimer la pièce. La méthode est la même que pour la mise sur châssis des pièces de peinture qui peuvent généralement être facilement fixé sur les murs à condition que ces derniers soient bien droits. Selon ce système, la fixation de la tenture se fera directement au niveau du cadre en bois sur le mur mais ne touchera pas la pièce.
Plus haut, nous avons évoqué l’utilisation d’autres systèmes comme l’utilisation des cordelettes ou des boutons de pressions. Aujourd’hui en termes de conservations, les systèmes proprement dits ne sont plus utilisés car ils ont été retravaillés et renouvelés pour en sortir de nouvelles méthodes comme le système des tringles, des plinthes et les Velcro.
Le système de montage par tringle suit généralement le même procédé que l’accrochage des rideaux. Sa mise en place est simple, il s’agit d’accrocher les boucles, répartis à intervalles constants sur la poche à tringle sur la doublure de la tapisserie, sur la tringle qui elle est suspendue sur le mur. Les boucles sont réparties sur toute la largeur ou la longueur de la pièce pour la tenir bien droite et immobile. Actuellement, les tringles sont munis de fleurons à chaque bout et qui peuvent être conçus sous différentes formes (fleurs, feuilles, boules …) en fonction de la toile. Les tringles doivent être assez dur pour soutenir le poids de la tenture mais elles peuvent également être sous différentes couleurs pour dit-on, suivre la tendance et pour ne pas contraster avec la couleur de la tenture. Quant aux dimensions de la tringle, elle peut varier en fonction de la taille de la pièce ou tout simplement en fonction des besoins esthétiques.
Le système de montage par l’utilisation de plinthes ou de planches plates généralement appelées « latte », quant à lui, suit un tout autre procédé. Cette fois-ci, au lieu d’une poche à tringle une poche à plinthe est cousue sur la partie haute de la doublure de la tenture. Celle-ci est assez large pour recevoir une planche qui elle aussi sera d’une largeur importante pour pouvoir soutenir la tenture. En effet, en fonction de la taille de la pièce, en principe, la planche sera divisée dans le sens de la longueur pour donner la largeur usuelle. Il s’agit d’un système à vis, puisque à chaque extrémité de la planche, à égale distance et de manière symétrique pour garder la tenture en équilibre, sera percée un trou à l’intérieur duquel sera placée une vis. Chaque vis quand à elle, une fois que la plinthe placée dans la poche de la doublure serait fixée à un ancrage mural préalablement fixé. Dans certains cas, on utilise outre les plinthes en bois, des plinthes en plastiques ou en métal selon la taille de la tapisserie.
Le dernier système concerne le système de montage par « Velcro ». Cette méthode peut être procédée de différentes manières, mais le principe de base étant le même pour chacune d’elle. En effet, elle reprend le système de montage évoqué plus haut par Leland Hunter qui propose le système de boutons de pression[14] mais cette fois-ci au lieu d’utiliser des boutons on utilise du Velcro sur lequel on applique la même pression. En principe il existe des Velcro auto-agrippant ou auto-adhésif qui ne nécessitent pas une couture puisqu’une partie du Velcro sera collé directement sur la doublure tandis que l’autre partie sera fixée sur le mur. Le tout sera rassemblé par système d’agrafes. Mais de nombreux conservateurs optent pour l’association de ce système avec celui des plinthes. En effet, pour cette méthode, une moitié du Velcro sera fixée sur la partie haute de la doublure tandis que la seconde partie sera fixée sur une plinthe sur le mur. Cette fois, la plinthe sera de la même manière vissée directement sur le mur pour fixer le Velcro et non sur lune poche à plinthe comme la précédente méthode. Les deux parties de Velcro seront par la suite agrafées. Les dimensions du Velcro varient en fonction de la taille de la tenture avec une largeur allant de 1,25 cm à 10 cm et une longueur qui sera égale à la partie haute à fixer de la pièce.
Ainsi, depuis quelques années, les fabricants des tapisseries ou les restaurateurs ont procédé à un système de montage multiple ou au choix comme nous montre l’image ci-dessous.
Association du système de montage par « clouage » et par « plinthe »[15]
Dans ce système, nous pouvons voir la combinaison de deux techniques de montage dont l’œillet et le passant :
- l’œillet permettant ainsi de d’accrocher la tapisserie par « clouage » (les clous à tête enfoncés dans le mur seront accrochés dans les œillets),
- le passant permettant de procéder au système de montage par l’utilisation de « plinthe » qui vont passer à l’intérieur du passant et fixé à deux endroits symétriques du murs.
- L’importance du montage.
- La répercussion du montage dans la conservation des tapisseries.
La conservation des tapisseries est un domaine à part entière qui a pour objectif de redonner vie à un art qui a jadis fait le bonheur de nombreuses civilisations au cours de l’histoire de l’humanité. En effet, avec le succès de la tapisserie à partir du XVIIIème siècle où la royauté et les grands mécènes sont tombés amoureux de cet art, la fonction de « restaurateur » a été mise en place au niveau de la domesticité des princes. Ces restaurateurs avaient pour objectif de maintenir la durée de vie des œuvres tout en leur donnant leurs éclats initiaux. En effet, la restauration des tapisseries signifiait tout simplement la réparation des tapisseries qui sont endommagés à l’aide d’un retissage à l’identique, les parties usées ou manquantes. Ceci dans un souci esthétique. Ce n’est que quelques années plus tard, où les tapisseries sont devenus de plus en plus couteux pour ne rester qu’un simple objet de décoration que la notion de conservation est prise en compte. Les tapisseries étant devenues au crépuscule du XIXème siècle un objet de valeur, précieux et œuvre d’art. Ceci étant c’est à partir de là qu’elle a suscité l’attention des spécialistes dans ce domaine en la considérant comme tel t en donnant les traitements adéquats. La conservation suit trois principes : la lisibilité, la réversibilité et la stabilité. Pour la mise en œuvre de ces trois principes, tous les facteurs doivent être pris en compte notamment les facteurs qui peuvent leur faire obstacle comme le système d’accrochage.
Comme nous l’avons évoqué dans les précédents chapitres, le montage des tapisseries se répercute sur leurs conservations. En effet, le risque de dégradations des tentures à cause d’une mauvaise manipulation lors de l’accrochage est le premier facteur de risque dans ce domaine. Ceci étant, il ne faut pas oublier le fait que la plupart des pièces qui vont être conservées ont déjà un certain âge et déjà restaurées ou en mauvais états ; c’est justement pour cette raison qu’elles nécessitent une manipulation particulière.
De la même manière, le mode d’accrochage joue également un rôle important dans la conservation du fait qu’un mauvais emplacement d’un crochet ou d’un trou de clouage peut entrainer ou favoriser une déchirure au niveau des points d’impacts sur la tenture. Par ailleurs, étant donné le fait que la plupart des tentures sont de grandes tailles et massives, une mauvaise répartition des points engendreront également de nombreux points d’impacts importants sur les parties qui vont soutenir le plus de charge, favorisant ainsi la dégradation. Les tensions engendrées par leurs propres poids ont été avant 1983 l’un des facteurs de dégradation le plus important dans l’histoire de la tapisserie. D’où la nécessité de trouver le juste équilibre pour éviter les déchirures, les ruptures et les déformations.
Par ailleurs, l’une des particularités de la conservation est également de trouver la meilleure façon pour que les tapisseries ne subissent pas les agressions extérieures. De ce fait, la recherche des conditions adéquates pour, d’une part, garantir la longévité des œuvres et, d’autre part, de donner un meilleur résultat d’affichage sont les principaux objectifs du montage. Outres les différentes sources de dégradation précédentes, un mauvais montage qui ne considérerait pas les éléments primordiaux comme l’humidité, la lumière, les moisissures se répercute également sur la conservation des tapisseries. En effet, la tapisserie doit être montée à une certaine distance du mur, de manière à ce qu’elle ne subisse pas les méfaits de l’humidité qui favoriserait la propagation des moisissures. De la même manière, le montage de la tapisserie doit se faire dans un emplacement non exposé à la lumière étant donné le fait que la lumière est également l’un des facteurs de dégradation de la tapisserie. Aucun détail ne doit être oublié lors du montage de la tapisserie puisqu’un mauvais montage peut être un obstacle majeur à la conservation.
- La répercussion du montage dans la présentation esthétique des tapisseries.
Nous ne pouvons oublier le fait que les premières pièces de tapisseries ont été conçues pour un esprit décoratif. Bien que le concept ait évolué au cours des années, l’accrochage de la tapisserie tient à conserver cette idéologie. En effet, du point de vue esthétique, la plupart des tapisseries sont dites « murales » et doit donc être exposé sur les murs, en position verticale. De ce fait, les tapisseries doivent être tendus et ne doit présenter aucunes pliures qui outre le fait d’engendrer des dégradations, vont empêcher de voir la représentation inscrite sur les tentures. Pourtant, certains systèmes de montage ne considèrent pas correctement cette notion comme les systèmes de rideaux ou de crochets qui peuvent engendrer des pliures entre les intervalles des crochets.
Ensuite, certaines tapisseries sont également exposées dans des endroits qui ne sont pas planes, comme le haut d’un escalier ou des surfaces présentant des courbures. Pour garder l’esprit esthétique des tapisseries, elles doivent être fixées tout au long des murs. C’est pour cette raison que tous les systèmes de montages ne sont pas adaptés à ce genre d’affichage. On ne peut pas maintenir une tapisserie sur un mur à courbure avec une tringle droite ou une plinthe, et de la même manière, si on utilise des systèmes de crochets dans ce genre de cas, les pliures peuvent facilement de créer. Par ailleurs, pour y remédier, certains systèmes de montages ont été spécialement adaptés à ce genre de situation notamment l’utilisation des bandes Velcro sur toutes les extrémités des tentures pour qu’elles puissent épouser la forme des murs. Dans d’autres cas également, on peut appliquer sur la partie inférieure de la tenture une autre tringle accrochée au mur. Du point de vue esthétique, pour avoir une meilleure vision, il faut que les tentures soient parallèles aux surfaces devant lesquelles elles doivent être placées.
DEUXIEME PARTIE : Analyses comparatives des différents systèmes de montage des tapisseries.
Nous avons présenté dans la première partie les différents systèmes de montage des tapisseries. Au cours des années on a recensé quelques dizaines de systèmes de montage mais étant donné le fait que la majorité s’apparente et se ressemble, nous n’avons exposé que les plus courants et ceux qui ont marqué l’histoire. Comme nous l’avons déjà évoqué maintes fois auparavant, ces systèmes de montages ont fait leurs preuves, certains ont eut du succès, d’autres non. Mais il est important de signaler que certains d’entre eux ont également engendré des dégradations aux tapisseries auxquelles ils ont été appliqués.
- Les dégradations liées aux montages des tapisseries
Etant donné le fait du problème majeur que rencontrent les restaurateurs et les conservateurs pour l’accrochage de ces œuvres compte-tenu leurs tailles et donc leurs poids, les risques encourus par un mauvais système d’accrochage des tapisseries est causé justement par ce facteur. De la même manière, nous l’avons déjà évoqué dans les chapitres précédents que la première dégradation rencontrée a été celle causée par le système de clouage. A force d’enlever et de remettre les tapis, au XVIIIème siècle, les tapisseries ont fini par être abimé puisque à chaque nouveau montage il fallait un nouveau trou et au fil des temps la partie haute de la tapisserie présentait une multitude de trous qui devaient être réparés à chaque fois. Ce qui va alors fragiliser la tenture retouchée une multitude de fois.
La deuxième dégradation rencontrée est celle causée justement par les formations des pliures. En effet, certaines tapisseries, au lieu d’être bien tendu comme il se doit n’ont pas cette teneur et l’on rencontre alors la formation de plis à certains endroits. Cette position est favorisée par certains systèmes comme ceux avec des crochets ou des anneaux. Etant donné le fait qu’il existe des intervalles entre ces derniers des plis peuvent alors se former entre les intervalles et donc déformer les tentures. Les endroits où les plis se forment et vont se fragiliser au fil des temps. Les fibres vont garder une position courbée durant un certain temps tout au long de la longueur de la tenture, ce qui va favoriser leurs cassures. Par ailleurs, si la tenture n’est pas tendue, dans les parties hautes les points d’accrochage des crochets vont supporter tout le poids de la pièce, ce qui de la même manière va entrainer des déchirures à ces endroits.
Cependant, il ne faut pas oublier le fait que d’autres systèmes ont été travaillés justement dans le but d’éviter ce genre de dégradations et chaque système présente ses avantages et ses inconvénients.
- Les avantages des différents systèmes de montage de tapisseries
Si l’on parle des avantages des systèmes de montage, tous ont fait leurs preuves. Nous allons essayer d’identifier les avantages de chaque système présenté auparavant pour pouvoir en fait une comparaison plus tard.
Le premier système est celui du clouage. Ce qui a fait le succès de cette méthode vient principalement du fait que, d’une part, son utilisation est facile et, d’autre part, le système permet un accrochage à tous les endroits du bâtiment où la tapisserie va être accrochée. Si l’on considère la première raison, le système est facile puisqu’il s’agit de clouer les tapisseries directement sur le mur. Pour maintenir ces dernies, on peut utiliser autant de clous que l’on veut. Et de la même manière, pour les enlever, il suffit de retirer les trous et le tour est joué. Ce système ne demande pas d’effort et de technique particulière ce qui rendait le travail des accrocheurs plus facile vu le nombre de tapisseries qu’ils devaient accrocher et décrocher avec la mode de la tapisserie quia commencé à entrer en Europe. Parlant de la deuxième raison, avec le système de clouage, les tapisseries peuvent être accrochées à n’importe quel endroit de la bâtisse. Ceci étant, il faut tout de même que les endroits sur lesquels les tapisseries peuvent supporter les clous sinon ce n’est pas possible.
De la même manière, quelques années près l’utilisation de cette technique, les spécialistes ont changé le système en rénovant et cette fois-ci en considérant les dégradations causées par les systèmes de clouages. D’où le système de plinthe. Le principe étant le même pour les deux systèmes de montages, mais ce qui les différencie se trouve au niveau de quelques détails. Par exemple, pour le système de plinthes, on utilise des vis qui ne sont pas appliqué directement à l’endroit de la tapisserie mais sur une plinthe qui est accroché au dos de la tenture. Mais les vis quant à eux vont être fixées directement au mur. De ce fait, on peut dire que les avantages sont les mêmes pour ces deux systèmes de montage en ce qui concerne la facilité d’accrochage. Par contre, concernant la possibilité d’accrochage à tous les endroits du bâtiment, on ne peut pas dire la même chose pour ce système puisque la plinthe rigide accrochée au dos de la tenture l’empêche d’épouser les autres formes des murs qui ne sont pas plats. Toutefois, dans certains cas, ceci est possible grâce à l’utilisation de plinthe courbée. Cependant, un avantage de ce système c’est qu’il suit les conditions d’affichage des tentures en permettant une exposition verticale et parfaitement tendue. Dans ce système, le risque de formation de pliure est donc inférieur au premier système. Du point de vue esthétique, la tenture peut être facilement fixée au mur sans qu’on puisse voir les fixations puisque ces derniers se trouvent au dos de la tenture et que les plinthes utilisées ne dépassent pas généralement la largeur de la partie haute de la tapisserie.
Concernant le système de mise sur châssis, l’avantage se son utilisation réside dans la manipulation. D’une part, l’accrochage est facile puisqu’il suffit d’accrocher le cadre sur le mur ou de la mettre sur une étale et d’autre part, on n’a pas à toucher directement la tenture. Aucune dégradation liée à l’accrochage n’est donc observée.
Quant au système de montage sur tringle, ses avantages sont rencontrés sur deux niveaux : la facilité de l’accrochage et l’esthétique. En ce qui concerne la méthode d’accrochage elle-même, le système est le même que celui de l’accrochage des rideaux avec lequel on peut procéder à un accrochage et à un décrochage facile, puisqu’il faut juste accrocher la tringle sur un crochet qui est accroché au mur. De la même manière, le décrochage consiste à enlever la tringle sur le crochet. Concernant le côté esthétique, si elle est conçue de la bonne manière, la tringle peut donner un petit coup de pouce à l’esthétique de la pièce. En effet, la tringle peut soit être coupée de la même longueur que la partie haute de la toile à accrocher soit dépasser de quelques centimètres, dont le dépassement est en fonction de la taille de la toile. Une tringle trop imposante en diamètre et en longueur peut contraster avec la beauté de la tapisserie. Cependant, l’existence des fleurons sur l’extrémité du tringles donne également un meilleur effet à l’ensemble si leurs formes (feuilles, boules, étoiles …) ainsi que leurs couleurs s’harmonisent avec l’idéologie de la toile.
L’utilisation de multiples systèmes de montage est actuellement observée dans de nombreux musées à l’image de la manufacture royale de De Wit[16] qui associe un système de cordage à celui de la plinthe et de la bande Velcro. Dans ce système, les planches utilisées sont spécialement conçues pour supporter des poulies d’égalisation et de réduction de traction. Ce système est d’ailleurs breveté et présente de nombreux avantages. Les avantages se trouvent sur quatre niveaux dont la sécurité de la tapisserie lors de son décrochage et son accrochage, la sécurité des manipulateurs, une meilleure préservation du tissu ancien et l’existence de deux variantes du système. Pour le premier avantage, l’accrochage et le décrochage est facile été peut être effectué par seulement deux personnes même pour les tapisseries les plus imposantes qui peuvent avoir plus de 10 m de long. Le soulèvement est également facile grâce à l’utilisation des systèmes de cordages avec blocage automatique, ce qui laisse la tapisserie plate et verticale tout au long de l’accrochage, de plus, la tenture ne subit aucune traction inégale entrainant donc une sécurité et une préservation optimale. Le second avantage se trouve dans la sécurité des manipulateurs lors du soulèvement de la pièce. Tant qu’il s’agit d’une pièce de petite taille, le risque de chute est minime et n’est pas très impactant sur les manipulateurs en cas d’accident. Toutefois, quand il s’agit d’une tenture de quelques dizaines de kilos qui sont soulevés à quelques mètres du sol, le risque encouru est plus important. Le décrochage par accident de la planche de soutient du mur porteur peut être fatale pour les personnes qui se trouvent au dessous de la tenture. Comme quoi, les chutes peuvent arriver accidentellement à n’importe quel moment. Mais avec le système de cordage qui est associé au système de plinthe, ce risque d’accident tend à diminuer. Ce qui renvoie directement au quatrième avantage qui met en avant l’efficacité de cette combinaison ; d’une part, les cordes dont le système de blocage se trouve à au moins 2 m de haut s’activent immédiatement au moment d’impact et d’autre part, l’esthétique est maintenue puisque les cordes sont invisibles. Quant au dernier avantage, il renvoie à celui de l’utilisation de la bande Velcro dont le système, rappelons-le, consiste à agrafer deux bandes auto agripantes dont la teneur est très importante pour soutenir les plus grandes tentures. Dans ce système, outre l’utilisation de la planche de soutien, une moitié de la bande velcro d’une largeur d’environ 15 cm est également cousue sur la doublure au dos de la tenture pour se fixer directement à l’autre moitié qui est également fixée sur une planche fixée au mur.
Le fait de fixer le velcro sur le dos de la tenture sur la partie haute de la doublure présente trois avantages majeurs dont la suppression de l’influence de l’acidité des bandes velcro agissant directement sur la tenture impactant sur cette dernière à long terme, la suppression de la formation de plis lors de l’enroulement de la tapisserie qui est maintenue tendue grâce à la rigidité de la bande Velcro et finalement le remplacement future facile des bandes velcro puisqu’il suffit de les enlever et de les changer sans toucher directement au tissus de la tapisserie.
Bien que la plupart des systèmes de montage créées jusqu’ici présente des avantages comparatifs, certaines d’entre eux présentent également des limites pour ne pas dire l’ensemble. Les inconvénients de l’utilisation des ces derniers sont pour la plupart minimes tandis que d’autres sont plus importants et contribuent considérablement à la dégradation de la tapisserie.
- Les limites des différents systèmes de montage de tapisseries
La conservation préventive est une des branches de la conservation des tapisseries qui consiste à garantir la pérennisation des tapisseries dont il faut s’occuper. Pour ce faire le système de montage est devenu un moyen préventif puisqu’étant donné le fait qu’il contribue en partie à la dégradation des œuvres textiles, la connaissance des limites de chaque système est indispensable pour prévenir justement les dégradations. Les limites de ces systèmes de montages se trouvent généralement sur les attaques directes sur les tapisseries, hormis celles qui touchent l’esthétique de la pièce et reliée à l’idéologie de base de la tapisserie ce qui est le cas pour le montage sur châssis.
Premièrement, deux raisons concourent à ne pas mettre une tapisserie dans une cadre rigide dans un système de montage sur châssis. La première raison se trouve à la difficulté de manipulation soit pour le stockage, les déplacements ainsi que les réinstallations. L’accrochage est certes facile une fois que la tenture se trouve à la hauteur de la fixation mais le problème réside dans le fait justement de la remonter à l’endroit où elle doit être fixée. Avec le poids de la tenture qui est généralement importante s’ajoute celui du cadre qui pour pouvoir soutenir le poids de la tenture doit également avoir une certaine résistance et donc être plus massif. Il est donc plus facile de manipuler et d’accrocher mais en plus il est plus facile de la nettoyer ou d’en prendre sans avoir à l’enlever de son cadre à chaque fois. La deuxième raison se trouve à l’art de la tapisserie qui se base sur une exposition souple en relief et mouvant. Ce qui n’est pas du tout respecté lors de l’accrochage sur châssis. Rappelons-le, depuis sa création, la tapisserie est un œuvre de représentation mettant en relation les formes, les émotions, les couleurs et les reliefs des idées qu’on veut faire sortir. La caractéristique essentielle de la tapisserie réside en effet dans un jeu de relief retrouvé dans les matières utilisées ainsi qu’au niveau des mouvements de la tapisserie. Certaines personnes ont tendances à confondre l’art de la tapisserie avec celui de la peinture alors que ce sont deux mondes différents avec des caractéristiques et déontologies différentes et contrairement aux peintures, les tapisseries sont vivantes par les images et les messages qu’elles transmettent. C’est justement pour cette raison que leurs accrochages par système de châssis ne sont très recommandés.
Quant aux autres limites des systèmes accrochage, elles se situent pour la plupart au niveau de la mauvaise répartition des poids de la tenture qui cause des déformations, des poches, des pliures et des déchirures. En effet, il est évident que le système de clouage qui a pourtant été utilisé depuis des années, a été le premier à présenter ces limites. Ces dernières résident dans le nombre de trous engendré par l’accrochage et le décrochage fréquents des pièces, dans la fragilité engendré sur les parties où elles sont accrochées notamment sur la partie haute nécessitant à chaque fois une restauration pour pouvoir les utiliser à nouveaux. L’architecte de renom Charles Axel Guillaumot a été le premier à réagir en écrivant le 15 brumaire an IX (6 novembre 1800) au ministre de l’intérieur en décrivant les faits : « ces décorations deviennent très fréquentes, parce qu’elles ne coutent rien à ce qui les demandent, ne pouvant s’attacher qu’avec des clous, qui ne peuvent pas se fixer toujours dans les mêmes places ni dans les mêmes pièces, occasionnant de continuelles réparations, qui altèrent la beauté de ces morceaux et augmente considérablement la dépense de l’atelier de rentraiture »[17]. Ceci étant il a été remplacé par d’autres systèmes qui empêchent cette forme de dégradation.
Viennent ensuite les systèmes d’accrochage par anneaux ou par crochets, qui, comme nous l’avons déjà évoqué auparavant présentent également des limites. Certes, pour des principes idéologiques, la tapisserie est maintenue libre et vivante mais le fait qu’elle ne soit pas complètement tendue pouvant se plier facilement est devenu un grand risque de dégradation des pièces. En effet, au niveau des intervalles des crochets ou des anneaux, les plis peuvent se former donc fragilisant les matières notamment les fils qui se trouvent tout au long de la pliure engendrant une déformation importante qui sur le long terme fragilisera une partie importante de la pièce.
Quant au dernier système de montage qui est tout de même le plus utilisé dans les musées d’aujourd’hui, il présente également ses limites. En effet, le système de montage connu comme étant le plus résistant grâce à l’utilisation de bandes velcro auto agripantes composées de deux parties qui s’agrafes. La première partie étant recouverte essentiellement d’une multitude de petits crochets sur lesquels vont s’agripper les velours en petites boucles de l’autre partie. Le principal inconvénient de ce système se présente lors de son décrochage, les deux parties étant fortement liées, rendant leur décrochage difficile, d’autant plus qu’en fonction de la taille des tentures, une seule ligne de velcro n’est plus suffisante car une autre ligne plus basse est nécessaire pour accrocher la pièce. De ce fait, il y a un risque de déchirure causée par le retrait qui nécessite une force importante pour détacher les deux bandes de Velcro. Les pièces étant pour la plupart anciennes et donc fragiles peuvent se déchirer facilement au point de détachement des deux bandes.
- Tableau comparatif
Dans le but de faire une étude comparative entre les différents systèmes de montage, les avantages et les limites de chaque système a été étudié plus haut. Toutefois, pour une vue d’ensemble, toutes les données ont été recueillies dans le tableau ci-dessous résumant les avantages et les limites de chaque système ainsi que les différents points de ressemblance.
Systèmes de montage | Avantages | Limites |
Montage par « clouage » |
– Facilité d’accrochage grâce au système de fixation par clous directement sur le mur
– Utilisation illimitée de clous jusqu’à l’obtention du soutient adéquat
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– Présence de trous au point de fixation des clous sur le mur
– Déchirure et fragilisation de la tenture sur la partie haute |
Montage sur « châssis » |
– Facilité de l’accrochage qui se fera sur le cadre
– Ne touchant pas directement la tenture |
– Poids du cadre ajouté au poids de la tenture rendant difficile le montage
– Du point de vue esthétique
– Contraire à l’idéologie de l’art de la tapisserie
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Montage sur « tringles » |
– Facilité d’accrochage et de décrochage
– Amélioration et contribution à l’esthétique de la tapisserie grâce à l’utilisation des fleurons de différentes formes et couleurs
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– Risque de formation de plis au niveau des intervalles des crochets
– Déformations, créations de poches et déchirures au niveau des zones d’impacts |
Montage sur « plinthe » |
– Système d’accrochage ne touchant pas directement la tenture mais se fait au niveau de la doublure
– Facilité d’accrochage et de décrochage grâce au système de vis
– Répartition du poids de la tenture sur toute la largeur de la plinthe
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– Risque de chute causée par le poids de la tenture non supportée par la planche
– Non adapté sur les murs qui ne sont pas plates |
Montage par « bandes Velcro » |
– Accrochage facile et durable pouvant tenir jusqu’à 15 à 20 ans
– Permettant aux tentures de suivre les courbures des murs et permettant également l’accrochage dans tous les endroits des bâtiments même au niveau du plafond.
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– Risque de déchirure sur les parties hautes de la tenture lors du décrochage causée par la dureté de l’agrafe des velcros. |
Combinaison de plusieurs systèmes |
– Sécurité supplémentaire qui maintien la tenture en cas de chute causée par le détachement de l’une des fixations.
– Choix au niveau du système d’accrochage adapté selon l’endroit où la tenture va être accrochée
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- Synthèse
Les différents systèmes de montages utilisés jusqu’ici ont tout leurs particularités, toutefois, ils gardent tous les mêmes principes qui consiste à maintenir une tapisserie droite le long d’un mur ou à la limite accroché au plafond. La plupart des systèmes sont issus d’un autre système mais sous une version améliorée ou encore plus technique.
Prenons l’exemple du système de montage par Velcro. Nous avons pu évoquer auparavant que ce système est issu du système de montage par boutons à pressions ou par boutons simples. Le principe de deux systèmes est le même, il s’agit de maintenir la tapisserie à l’aide de deux parties qui s’attachent par pression. Le plus ancien qui est le montage par système de boutons utilise des boutons de pressions tandis que le système par Velcro lui utilise une bande auto-agrippante. Ce qui différencie les deux systèmes se trouve donc dans les matières utilisés. De la même manière, le premier système n’a pas eu un grand succès puisque les boutons ne peuvent pas soutenir le poids des tapisseries qui devenaient de plus en plus lourds en ces temps là. C’est après cette époque, en 1970 que le deuxième système a été mis en place pour justement faire suite au premier et remédier à ce problème avec l’utilisation d’une matière plus résistante pouvant soutenir jusqu’à quelques dizaines de kilos de charge.
Tous les systèmes ont des points positifs et des points négatifs, cependant ont peut les catégoriser selon leur degré d’importance et d’impact sur la tapisserie.
En ce qui concerne les avantages des systèmes de montage, le principal objectif de la conservation étant de trouver la meilleure manière de maintenir les tentures dans une position verticale, droite et surtout bien tendu. Le premier problème rencontré par les spécialistes depuis la nuit des temps se trouve alors dans la répartition des poids pour le soutien des tapisseries. En effet, ces derniers ont tendance à être parfois très lourds et qui rend difficile leur accrochage. De ce fait, les systèmes tendent tous vers un accrochage facile à l’aide de matériels de plus en plus spécifiques commençant par les clous, les vis, les planches, les tringles, les cordes, les crochets et les bandes velcro, ce qui est leurs premiers avantages. Cependant, ils n’ont pas été efficaces à l’unanimité puisque certains ont du être corrigé pour être efficace (système de boutons à pression et velcro).
La deuxième catégorie d’avantage se réside au fait que les tapisseries ne sont pas elles mêmes touchés par les matériels d’accrochage. Outre l’initial système de clouage qui s’appliquait directement sur les tapisseries, un système qui a d’ailleurs été révisé après, toutes les accroches se jouait au niveau de la doublure. Les plinthes sur lesquels vont se poser les vis, les crochets où vont se poser les tringles, les œillets et les velcros sont tous cousues et fixées sur le dos de la tenture notamment au niveau de la doublure qui a été conçue assez dure et forte pour soutenir les poids des tapisseries.
Quant à la troisième catégorie, elle concerne le maintien de l’esthétique. Au niveau esthétique, tous les systèmes visent à ne pas trop contraster ou cacher la beauté des tapis. Les accroches sont donc conçues de manière à ne pas être trop imposante et attirer l’attention et le regard des observateurs. C’est justement pour cette raison que les accroches et les matériels sont créés sous plusieurs formes (les fleurons, les tringles les crochets et même les plinthes et les velcros) et sous différentes couleurs pour se marier parfaitement avec l’esprit de la tenture et dans certains cas disparaitre complètement derrière le tableau tout en restant efficace.
Le dernier avantage des systèmes de montage se trouve au niveau de l’esprit de l’art de la tapisserie. Certes tous n’ont pas donné cet avantage mais cependant ceux ont la possibilité de le faire ont permis de ressortir une vision d’ensemble de l’art et de la représentation qu’elle dégage en donnant justement vie à la tapisserie. Pour cela, les tapisseries doivent être soit parfaitement parallèle au plan, soit suivant une inclinaison considérable permettant de ne pas perturber cette vision d’ensemble. De ce fait, certains systèmes de montages doivent suivre cette tendance en permettant un accrochage efficace quel que soit le plan. On parle ici par exemple des tapisseries qui doivent être accrochées au plafond ou sur un mur en courbe ou même sur le dos d’un escalier. Pour certains systèmes de montage comme le velcro, cette capacité est donc un avantage.
Parlant des points de limites. De la même manière, les systèmes présentent tous des limites qui pour la plupart ont conduit à leur remplacement. Ces dernières sont également présentées en différentes catégories.
Premièrement, l’inconvénient majeur de certains systèmes réside dans la mauvaise répartition des poids des tapisseries engendrant des déformations, de déchirures ou l’existence de plis sur différentes parties. Tel est le cas pour le système de clouage ou les trous faits par les clous s’agrandissent sous le poids de la tenture et nécessitent une restauration fréquente. De la même manière, l’utilisation des crochets entraine une déformation sur toute la longueur de la pièce avec la formation de poches ou de plis relatives aux intervalles des crochets appliqués sur la partie haute à fixer. On peut également catégoriser les déchirures engendrées par le velcro qui est tellement collé que son décrochage nécessite l’application d’une certaine force qui pourrait endommager les parties fragiles en cas de mauvaise manipulation.
Deuxièmement, les limites se trouvent au niveau de l’esthétique, et du maintien de l’esprit de l’art de la tapisserie qui consiste à rendre vivant les tentures. Pourtant, à l’exemple de la mise sur châssis, cette idéologie n’est pas maintenue puisque la pièce n’est pas dans sa forme originale en étant emprisonnée dans une cadre.
Si tels étaient les avantages et les limites de systèmes d’accrochage, certains conservateurs en tant que bon analyste et adepte de la prévention choisissent de marier les différents systèmes soit pour plus d’efficacité et de sécurité mais surtout pour plus d’adaptabilité puisque les tapisseries ont tendance à être en mouvement et à être exposées dans plusieurs endroits. Ceci étant, le système de Velcro est depuis quelques années le système le plus efficace et les plus utilisé comme nous le montre les résultats des conférences européennes sur les tapis et les tapisseries qui s’étaient tenues à Madrid en 2008. Mais malgré cela il présente encore quelques limites dont les ajustements ont été avancés par le spécialiste André Brutillot dans l’accrochage de certains œuvres importantes comme la tapisserie « La Vision d’Ezéchiel » exposé au Musée des Arts Décoratifs de Madrid.
TROISIEME PARTIE : Cas pratique : La méthode appliquée à la tapisserie « La vision d’Ezéchiel » XVIème siècle.
- La vision d’Ezéchiel : Une tapisserie exceptionnelle.
Nous avons pu voir dans le premier et deuxième chapitre les différents systèmes de montage utilisés jusqu’ici en ce qui concerne l’exposition de la tapisserie, ainsi que les avantages et les limites de chacun d’eux. La plupart d’entre eux ont de ce fait présenté de nombreux avantages et sont encore utilisés jusqu’à nos jours dans les grands musées nationaux et internationaux. Toutefois, les systèmes ne sont pas standardisés puisqu’ils sont adaptés selon l’état des tapisseries et surtout en fonction de leur environnement. Dans ce mémoire, dans cette dernière partie, nous allons mettre en lumière un système de montage qui a traversé le temps et est resté efficace jusqu’à aujourd’hui. Il s’agit du système de montage par Velcro. Ce système a cependant été adapté par le spécialiste André Brutillot et dont l’efficacité a été démontré a plusieurs reprises. Il a d’ailleurs été utilisé pour le montage de la célèbre Tapisserie « La vision d’Ezéchiel » qui est aujourd’hui conservée et exposée au Musée National des Arts Décoratifs de Madrid. La tapisserie est d’ailleurs affichée selon la méthode de d’André Brutillot. Ainsi, pour démontrer justement l’efficacité du système, il a été mis en avant dans un cas pratique lors de l’accrochage de la tapisserie « la vision d’Ezéchiel ». Par ailleurs, avant d’analyser directement sur le système de montage, il est important d’étudier la tapisserie et de déterminer les raisons qui ont poussés les conservateurs et les responsables du Musée à choisir le système d’André Brutillot.
- Description de la pièce
La tapisserie « La vision d’Ezéchiel » s’inspire de l’œuvre du célèbre peintre Rafaello Santi qui montre la vision du prophète Ezéchiel. En effet, pour pouvoir décrire convenablement la tapisserie, il convient préalablement de décrire l’idéologie pour laquelle le peintre s’est inspiré pour réaliser son œuvre qui a par la suite été repris par de nombreux peintre pour aboutir à la réalisation de la fameuse tapisserie.
Premièrement, comme nous pouvons le voir sur la figure ci-dessous, la peinture fait partie des grandes compositions religieuses qui ont connues un énorme succès pendant les périodes du XVème et du XVIème siècle. En effet, de nombreuses toiles ont vu le jour pendant cette période et la plupart d’entre elles s’inspirent justement des histoires saintes soutenues par l’Eglise qui maintenait déjà un certain pouvoir dans certains pays d’Europe. La vision d’Ezéchiel fait donc partie de ces œuvres et par conséquent a pris une place importante dans le monde de l’art, d’autant plus que son auteur est qualifié comme l’un des plus grands artistes de son époque en réalisant de nombreuses peintures de la même famille.
Pour revenir à « la vision d’Ezéchiel », elle reflète comme son intitulée l’indique, les visions du prophète Ezéchiel à travers laquelle ce dernier rencontre Dieu le Père entouré des quatre évangélistes et de quelques anges. Chaque détail sur la toile a bien évidemment été étudié par les spécialistes et repris dans les années qui suivirent sa création émettant ainsi de nombreuses hypothèses concernant justement l’idéologie qui a conduit le peintre à réaliser son œuvre. Les premières études concernent tout d’abord, le rôle de Dieu le Père ainsi que sa place et le message qu’il veut transmettre à Ezéchiel. Dans cet œuvre, le Père se trouve sur au sommet, dans le vide entre le ciel et la terre, ce qui traduit son pouvoir. Dans la plupart des représentations où Dieu est représenté, le rôle du père est défini de manière iconique tandis que dans ce carton, Il est actif mais dont l’action reste encore indéfinie et reste aujourd’hui encore au centre des débats. Ce qui a été également défini, c’est qu’Il émet un message à Ezéchiel et selon la Bible, il s’agit de la nouvelle mission qu’Il confie au prophète, notamment en ce qui concerne son rôle en tant que prophète d’annoncer le Messie. Le Père se trouve de ce fait, au premier plan, devant la terre représentée par un environnement minuscule où l’on peut apercevoir le prophète qui est également de petite taille sous la lumière à gauche en bas.
En ce qui concerne, les autres figurants, il s’agit de quatre créatures qui représentent les quatre évangélistes qui ont déjà été évoqués auparavant dans les autres œuvres saintes et sont appelées « les Evangélistes ». Dans cet œuvre, ces derniers constituent un trône sur lequel repose justement le Père. Les quatre évangélistes prennent donc différents visages dont un homme, un lion, un bœuf et un aigle et ces derniers représentent les quatre évangélistes dont Mathieu pour l’homme, Marc pour le lion, Luc pour le bœuf et Jean pour l’aigle. Dans le dessin, le Père est également soutenu par deux anges qui sont les signatures de l’œuvre de Raffaëllo Santi.
Cependant, l’idéologie qui a amené le peintre a réalisé ce tableau est, outre ses talents et ses propres visions en tant qu’artiste, celui de son commanditaire. Et en ce qui concerne la « Vision d’Ezéchiel », le commanditaire n’est pas encore définitivement identifié. Toutefois, de nombreuses hypothèses ont vu le jour au cours des années de recherche et selon le célèbre Vasari, ce tableau aurait été conçu pour le compte Vincenzo Ercolano de Bologne vers 1516. Ce n’est qu’une première hypothèse qui toutefois a été maintenue quelques années plus tard par Cesare Malvasia en 1678[18]. Cependant, les études n’ont pas permis d’aller plus loin vers la compréhension du tableau puisque les convictions religieuses du comte n’ont pas été identifiées. De la même manière, la date de réalisation de la commande est encore sujette à débat puisqu’il y a confusion au niveau de l’âge présumé du comte lorsque celui-ci aurait commandé l’œuvre. En ce qui concerne donc la description du tableau qui deviendra par la suite le carton de la réalisation d’une tapisserie qui porte le même nom, nous nous en tiendrons de ce fait à ce qui a été évoqué jusqu’ici.
Par ailleurs, de nombreux artistes, peintres ou tisserands, comme Giulio Romano ou Tommaso Vincidor se sont donc inspirés de cet œuvre de Raphaël en établissant des copies et cartons avec leurs propres marques. Quand au tableau original de Giulio Romano qui reprend le même nom « La Vision d’Ezéchiel », il est actuellement conservé à Florence dans la Galleria Palatina di Palazzo Pitti.
La vision d’Ezéchiel par Raffaello Santi (1518) et reprise par Giulio Romano
De cet œuvre est né la tapisserie « la Vision d’Ezéchiel » qui est actuellement conservée et exposée au Musée National des Arts Décoratifs de Madrid.
Parlant de cette tapisserie, elle constitue l’une des principales pièces qui constituent le « letto », commandé par le pape Léon X en 1516 et réalisée à Bruxelles à l’Atelier de Pieter Van Aelst quelques années plus tard. Comme nous l’avons évoqué auparavant, la tapisserie est basée sur le carton d’un artiste célèbre et talentueux du XVIème siècle, Tommaso Vincidor vers 1521. Un carton qui lui-même s’est inspiré de l’œuvre de Raffaello et fait actuellement partie de la collection du Duc de Buccleuch à Boughton House. Les deux œuvres diffèrent sur différents points. En effet, la tapisserie ne conserve que le premier plan où le Père est représenté aux côtés des évangélistes en enlevant complètement la partie où la terre est représentée. Par ailleurs, d’autres éléments ont été ajoutés dont les anges qui se trouvent autour de la représentation et les armes de Léon X aux angles. La tapisserie mesure 425 cm de hauteur et 347 cm de largeur, de par sa taille et la qualité des matières avec lesquelles elle a été réalisée, la pièce a été très couteuse et est considérée aujourd’hui comme un œuvre d’art à part entière. La pièce fait donc partie d’un ensemble qui n’est plus complet aujourd’hui mais constituait le « letto » que Léon X a commandé en cette période. En effet, pour orner la salle des Palefreniers qui consistait à les habits du Pape avant les offices religieux et un lit où ce dernier pouvait se reposer entre de longues cérémonies religieuses, le pape Léon X a commandé de nombreuses tapisseries pour le ciel de lit « le sopracielo » et constitué de trois pièces majeures la « Trinité » (la vision d’Ezéchiel) au sommet pour être vu d’en bas, la « Visitazione di Santa Elisabetta » comme panneau latéral et la « Natività » comme tête de lit. Initialement, la tapisserie « la vision d’Ezéchiel » a été appelée la « Trinité » bien qu’elle ne représente ni le Christ ni le Saint-Esprit, elle a gardé cette appellation durant de nombreuses années avant de reprendre définitivement le nom de « Vision d’Ezéchiel » qu’elle garde encore de nos jours. Dans cette pièce cependant, l’existence des anges aux alentours et aux côtés du Père ainsi que l’arc en ciel derrière eux démontrent la présence d’une certaine harmonisation dans l’ensemble de l’œuvre. La pièce démontre de ce fait, la place de Dieu le Père comme étant d’une part Acteur de l’harmonie et d’autre part, un être Puissant.
Quand à sa réalisation, elle est composée essentiellement de fils de laine, de soie, de métal et en grande partie de l’or, d’où sa grande valeur et la difficulté rencontrée par les tisserands lors du tissage. Il a été effectué grâce à une technique particulière (technique de trapiel) qui permettait de rendre les fils de chaîne invisible. Dans cette technique, les fils de trame constituent les éléments majeurs sur lesquels les tisserands peuvent jouer pour travailler la couleur et justement pour utiliser différentes couleurs sur une même ligne. Une nuance de couleur est de ce fait mise en valeur, notamment avec l’arc en ciel et surtout l’effet premier-plan, arrière-plan. De la même manière, le fond bleu utilisé sur le pourtour de la pièce représentant le ciel sur lequel nage tous les personnages permet de nuancer l’effet neutre et de mettre en valeur les éléments principaux constitués par le Père et les évangélistes. Quant aux motifs sur la bordure, ils restent sur le même ton bleu avec d’autres motifs dans d’autres couleurs qui mettent en valeur l’ensemble.
Tapisserie la « Vision d’Ezéchiel » – Réalisation Flamande par l’Atelier de Pieter Van Aelst
(Bruxelles, 1521)
- État de conservation
La tapisserie « la vision d’Ezéchiel » a été remise au Musée National des Arts Décoratifs de Madrid en 2005. En effet, la pièce étant utilisée depuis sa création, soit pendant quelques siècles, avant qu’elle ne soit remise au Musée a connu de nombreux déplacement et s’est retrouvé dans celui-ci dans un état vraiment précaire. De nombreuses dégradations ont donc été observée sur l’œuvre textile causées essentiellement par les différents facteurs principaux responsables dont la lumière, la mauvaise condition d’exposition et de stockage ainsi que les différentes dégradations liées à l’environnement (poussière, humidité, attaques biologiques…) dans lequel elle a été placée. De ce fait, avant de pouvoir l’exposer à nouveau, les conservateurs du Musée de Madrid ont du procédé à de nombreuses restaurations en fonction des dégradations et de l’état général de la pièce.
Au niveau des dégradations, les différents points suivants ont été observés permettant d’effectuer les différentes techniques de restaurations adéquates utiles pour la conservation et le montage de la tapisserie.
- L’usure. C’est le premier point qui a été observé et qui a entrainé de nombreux points d’impacts sur la pièce. En effet, la tapisserie étant réalisée depuis 1521, a donc servi pendant environ plus de 400 ans et utilisée comme un objet de consommation. Initialement, elle a été utilisée à la demande du pape Léon X comma ciel de lit dans la salle pontife pendant des années et a voyagé partout en Europe. Par conséquent, la pièce est devenue plus fragile et susceptible à des chocs ou de mauvaises manipulations pouvant facilement entrainer une déchirure. De la même manière, une tâche blanche a été observée sur la partie inférieure gauche.
- L’environnement. La tapisserie ayant été transporté de nombreuses fois et surtout exposée dans différents endroits a été exposée à la saleté et aux poussières. Cette exposition a conduit également à fragilisation des fibres avec lesquelles elle a été conçue notamment les fibres les plus sensibles dont les fibres de soie et de laine. Ces dernières sont devenues plus cassantes et se rompent facilement à différents endroits de la tenture. Par ailleurs, pendant sa période d’utilisation, la tenture a également fait face à de mauvaises conditions d’exposition (lumière, humidité, attaques biologiques…) qui ont également contribué à sa dégradation à certains niveaux. D’une part au niveau de l’incohérence des fibres. L’exposition à la lumière a engendré la perte d’élasticité des fibres fragiles comme la soie et la laine entrainant l’existence des points sensibles observés sur les parties de soutien sur l’axe verticale. D’autre part, une perte de couleur est également observée et causée par la rupture de la liaison avec les fibres et les colorants suite à une forte exposition à la lumière. Cette dégradation est principalement observée au niveau de la couleur des cadres, et elle concerne essentiellement la couleur rose dont l’incohérence de la couleur est observée au niveau de l’ensemble de la pièce y compris celles de cadres. Et finalement, l’humidité et les mauvaises conditions de stockages ont entrainé l’oxydation des fils métalliques, d’argent et d’or qui ont également diminué leurs fiabilités.
- Le poids. C’est le facteur le plus sensible et qui conduit à la plupart des dégradations de la tenture. La pièce étant assez importante en taille et donc en poids subit les différentes caractéristiques techniques dues à sa mauvaise répartition. Puisqu’initialement, elle a été accroché en hauteur à l’horizontale, pour pouvoir la maintenir convenablement et tendue, les points de fixations qui se trouvaient aux extrémités devaient soutenir tout le poids de la tenture et constituent des zones sensibles et présentent également des points de déchirures. Le mode d’accrochage a donc été un facteur important qui a conduit à la dégradation de la tenture notamment au niveau des points sensibles qui sont constitués essentiellement de fibres de soie et de laine, et au niveau des extrémités de la coupe verticale. C’est donc pour cette raison que le choix du montage est essentiel pour la conservation de la pièce.
Bien évidemment, la tenture a déjà été restaurée auparavant comme en témoigne les différents points de retouche. Toutefois, l’incohérence de couleur et d’épaisseur de la fibre utilisée pour la restauration démontre les mauvaises conditions de restauration antérieures de la tenture. En effet, dans certaines articulations de l’axe vertical, on peut voir l’existence de fils de couleurs et d’épaisseurs différents des originaux. De la même manière, la pièce ne comportait pas de doublure, car elle est juste constituée de bandes en haut et en bas qui ont permis de suspendre la tenture auparavant.
Pour pouvoir conserver et exposer la tenture au Musée, la restauration a donc été nécessaire et s’est effectuée selon différents niveaux et techniques dont principalement, le nettoyage et le raccommodage. Premièrement, la tapisserie a été nettoyée pour se débarrasser des saletés et des bactéries qui l’ont fortement endommagée. Un nettoyage mécanique a été le plus adapté étant donné le fait qu’un nettoyage aqueux pourrait endommager plus encore les fils qui n’ont pas très bien réagit avec le colorant. La tenture a donc été nettoyée par aspiration dans sa totalité et dans les deux faces (endroits et envers) et les tâches blanches qui ont été observées sur les parties inférieures gauches ont également été partiellement nettoyée par le même procédé mais n’ont pu être effectuées entièrement puisque des résidus blanchâtres sont encore visibles sur la tenture après le nettoyage par aspiration. Deuxièmement, les déchirures ont été restaurées. De ce fait, une douzaine de points d’impacts a été observée et corrigé avec une technique de rapiéçage par des matières d’une qualité compatible avec les caractéristiques initiales de la tenture en termes de fibres et de couleurs. Les fils de soie et de laine qui sont d’ordinaire utilisés pour le confort et la douceur du produit ont été remplacés par des fils de coton fins qui sont connus pour leur résistance et leur dureté. Une doublure a également été créée pour, d’une part, renforcer la tapisserie et d’autre part, pour permettre un accrochage facile et fiable.
- Le choix d’une méthode.
Outre les dégradations causées par l’environnement et l’usure, le montage est un des facteurs importants qui y concourent également. De ce fait, comme nous l’avons vu précédemment, le choix du système de montage utilisé est primordial pour la conservation de la tapisserie. Toutefois, en ce qui concerne la tapisserie « la vision d’Ezéchiel », les dégradations observées rendent le choix encore plus difficile puisque ces derniers doivent être pris en compte en totalité. Malgré le fait qu’une restauration a déjà été effectuée précédemment avant le montage, la fragilité de la pièce reste au centre des préoccupations et permet d’orienter le choix de la méthode d’accrochage. D’une part, les autres points de ruptures et points sensibles qui peuvent facilement se rompre doivent être pris en considération, et d’autre part, le montage doit se faire de manière à ce que les points de leurs côtés soient conservés le plus longtemps possible puisque la tapisserie ne supporterait pas une deuxième retouche à un même point d’impact.
Par ailleurs, avec les différentes pièces qui ont été ajoutées, le montage doit donc permettre de soutenir un poids plus grand que précédemment puisque outre le poids initial de la tenture, le poids supplémentaire de la doublure doit également être supporté.
D’une manière générale, le système de montage par bande Velcro est le plus approprié puisqu’il répond à tous les critères exigés par la conservation de la tapisserie. D’un côté, il a été choisi puisque la bande Velcro a été conçue pour supporter un poids important et de l’autre côté, il permet un montage et un démontage de la tapisserie quel que soit sa taille. Ce système a été utilisé en Europe depuis de nombreuses années et a connu un franc succès, toutefois, elle est adaptée selon l’état de la tenture à monter ainsi que son poids. Cependant, ce système présente également des limites puisque par rapport à la plupart des tapisseries qui sont très anciennes et fragiles, la bande Velcro est très rigide et entraine une tension et des déformations visibles aux points de fixations. Par conséquent, le système est adapté selon le contexte.
Pour notre cas cependant, il s’agit de l’adaptation du spécialiste André Brutillot qui garde le principe de base du système de Velcro mais qui ajoute des pièces supplémentaires pour faciliter son montage.
- Objectifs d’intervention.
- La méthode d’André Brutillot
Le système de montage par système de Velcro a été, depuis les années 70, le système le plus utilisé dans la plupart des Musées de l’Europe. Il est devenu primordial de remplacer les anciens systèmes de montage qui ont présentés de nombreuses limites au cours des années. De ce fait, il a été primordial de remplacer l’utilisation des sangles simples, de boucles ou crochets pour les remplacer par une matière qui regroupe les fonctions de ces derniers tout en gardant un œil sur différents éléments qui constitue la conservation. La tension appliquée sur chaque surface est en fonction de la taille de la pièce et plus cette dernière est de grande taille plus elle nécessite un système de montage spécifique adapté à cette structure. Le plus important dans la conservation préventive de la tapisserie c’est de limiter les zones de coutures puisque ces derniers peuvent devenir des sources de déchirures, et puisque pour un montage vertical, c’est la partie haute qui soutien le poids, il est donc nécessaire de limiter la zone de couture de cet endroit. Par la suite, la méthode de couture des matières de soutien est également importante. Le fait de coudre la doublure ou les sangles de soutien en position verticale directement sur la tapisserie est plus rentable mais plus laborieuse que de la coudre à l’horizontale sur une table de couture, nécessitant cette fois une manipulation spécifique.
C’est en considérant tous ces éléments au cœur de leurs préoccupations que les grands restaurateurs ont proposé des solutions en ce qui concerne justement la conservation préventive lors de la conférence qui s’est tenue à Madrid en 2008 selon le thème : « Réflexions sur la conservation de tapis et tapisseries » . C’est donc lors de cette conférence que le système de montage par Velcro a été présenté avec ses avantages et ses limites et ont fait l’unanimité des participants. Toutefois, le système est adapté selon le contexte et c’est également lors de cette conférence que la méthode du restaurateur de renom André Brutillot a été proposée et étudiée. Cette méthode a été approuvée à l’unanimité par tous les participants de la conférence et est actuellement utilisée par la majorité des musées en Espagne à partir de cette période mais également dans toute l’Europe au cours des années qui ont suivi.
Les figures ci-dessus montrent le système de fixation de la bande Velcro ainsi que les matières avec lesquelles elles sont réalisées démontrant justement une certaine résistance.
Une partie de la bande Velcro composée de crochets métalliques
Une partie de la bande Velcro composée de velours métalliques[19]
- Adaptation de la méthode d’André Brutillot.
En ce qui concerne donc cette méthode d’André Brutillot, le principe de base reste le même, l’utilisation de la bande Velcro. Toutefois, l’utilisation de cette méthode de base n’est pas adaptée à toutes les tapisseries d’autant plus que certaines d’entre elles notamment celles qui ont été les plus importantes et les plus valeureuses ont une taille considérable et ont été réalisées avec des matières spécifiques comme le métal, l’argent ou l’or, donc également plus importantes en termes de poids.
Initialement, le système de montage par Velcro consiste à coudre une partie d’une bande Velcro sur la doublure de la tapisserie et l’autre partie sur une planche ou une autre pièce sur le mur. Pourtant, ce système de base quant à lui n’est pas adapté à toutes les tapisseries d’autant plus que dans le temps, la plupart d’entre elles ne disposaient pas de doublure donc le Velcro a directement été cousue cette dernière et sur le dos de la pièce. Ce qui n’a pas été très judicieux pour les tapisseries qui subissent la tension de la bande Velcro qui a un caractère assez rigide. La partie haute qui soutien la tapisserie ont donc tendance à se rompre facilement et présentent des dégradations importantes.
Quant à la méthode de Brutillot, elle prend en considération les éléments précédents, d’une part en utilisant deux bandes Velcro placées l’une au dessous de l’autre au lieu d’une pour répartir le poids de la tenture et diminuer les points d’impacts ; et d’autre part, les bandes seront cousues sur la doublure et non directement sur la tapisserie. Dans la plupart des cas pour un souci de sécurité, et d’esthétique, une bande supplémentaire serait cousue sur la partie supérieure entre la tapisserie et la doublure. A l’arrière de cette partie supplémentaire sera cousue la première bande tandis que la deuxième serait placée en dessous au niveau de la doublure. En termes, d’esthétique, la partie supplémentaire sur laquelle a été cousue la bande Velcro peut être de la même couleur que le support ou de la paroi. Quant à la deuxième bande, elle est invisible et se trouve derrière la tenture.
Cette méthode a été utilisée dans le Musée National des Arts Décoratifs de Madrid depuis 2008 et notamment en ce qui concerne le montage de la Tapisserie « la vision d’Ezéchiel » sur lequel nous avons basé notre étude. L’efficacité de l’utilisation de la bande Velcro a été prouvée lors de cette conférence qui s’est tenue à Madrid avec les résultats des recherches menées par le TCC et qui a mis en lumière la durée de vie du système allant d’une quinzaine à une vingtaine d’année.
- L’intervention de la tapisserie « La vision d’Ezéchiel » XVIème siècle
La tapisserie « la Vision d’Ezéchiel » est arrivée au Musée National des Arts Décoratifs dans un piteux état. En effet, en plus d’être très ancien, la pièce a subit de nombreux dégâts et présentent de nombreux déchirures. Comme nous avons pu le voir dans les chapitres précédents, de nombreuses pièces ont manqué, elle présente également des tâches blanchâtres, les bordures sont en mauvaises état, la doublure n’existe presque plus et surtout elle présente des marques d’usure et de restaurations antérieures.
La conservation de la pièce n’est donc pas chose facile vu le nombre d’intervention qu’il fallait faire, d’une part pour rendre son éclat à la tenture et d’autre part pour la rendre opérationnelle et pouvant être à nouveau être exposé dans le musée. Les différentes étapes de la restauration ont donc été entrepris à commencer par le nettoyage, et les différentes retouches. De nombreuses techniques ont de ce fait été utilisées pour ne pas abimer encore plus la tenture et en fonction de la fragilité de la pièce, les restaurateurs devaient être très prudents puisque la pièce risquait de s’abimer encore plus suite à de mauvaises manipulations.
La restauration a certes été très fastidieuse, pourtant, il n’en est pas moins pour la conservation, notamment la conservation préventive. En effet, quand il s’agit de système de montage, les choses ne sont pas toujours facile, d’autant plus qu’il s’agisse d’une pièce de quatre mètres de haut avec un poids assez important. Des interventions ont donc été prévu pour que le montage se fasse dans les meilleures conditions possibles et pour ne pas endommager la tenture. En effet, premièrement, le premier problème repose sur le fait que la doublure ainsi que la tenture elle-même est fragile. La partie supérieure de la pièce présente également des points de déchirures importantes et bien que celles-ci aient déjà été réparées, elles ne pourraient plus soutenir intégralement le poids de la tenture. Il est donc primordial de renforcer la doublure pour pouvoir soutenir encore plus le poids de la tenture. De la même manière, le choix de la matière avec laquelle la doublure a été conçue doit également répondre à une certaine robustesse et s’étendre au moins sur une grande surface de la partie supérieure de la tenture. Il s’agit bien évidemment d’y accrocher par la suite la bande Velcro qui est le système le plus utilisé en Espagne depuis 2008.
Les fibres avec lesquelles la tapisserie a été réalisée sont constituées de fibres fragiles comme la soie et la laine qui ont été choisi pour leur douceur et le confort qu’ils apportent, quant aux autres matières comme les fils métalliques, d’argent et d’or qui constituent en majeur partie la tenture ont par contre été choisi pour donner une certaine valeur à la toile mais également pour un souci d’esthétique. Pourtant chaque fibre a connu des dégradations, certains un peu moins violentes que les autres, les plus sensibles comme les fibres de soie et de laine ont été les premiers à se rompre, quand au reste, ils ont subit une oxydation qui a également entrainé leurs ruptures. Bien évidemment, étant donné les propriétés des tapisseries et l’idéologie avec laquelle elles ont été initialement conçues, les tapisseries sont pour la plupart suspendues en position verticale et pour notre cas, il s’agit d’intervenir au niveau des points d’impacts.
Comme nous le montre la figure ci-dessous, la partie haute de la tapisserie ainsi qu’une partie importante sur la partie inférieure ont été entièrement abimées et ont de ce fait eu besoin d’une restauration complète.
Dégradation de la tapisserie « la vision d’Ezéchiel » sur les parties en vert, nécessitant une reconstitution complète des tissus
Le système de montage par Velcro est ici associé à d’autres systèmes comme l’utilisation d’une plinthe en bois sur lequel sera fixée la bande velcro. La plinthe est quant à elle également suspendue à une poutre métallique à l’aide de crochets métalliques. Ce système est considéré comme un système innovant qui a eu un succès depuis de nombreuses années et adapté pour que la rigidité de la bande Velcro n’impacte pas directement sur la tenture.
Selon les experts et les restaurateurs de renoms comme André Brutillot, avant d’entamer toute action de montage il est important d’une part, de consolider la toile de manière à ce que tous les points de ruptures soient rétablis et d’autre part, de faire en sorte que ce soit la doublure qui supporte le poids et non la tenture elle-même. Par conséquent, toutes les pièces utilisées pour l’accrochage doit être cousue au niveau de la doublure. Toutes ces recommandations figurent par ailleurs dans la publication des experts en novembre 2005 dans « Conservation Tapisserie : Principles and Practice »[20] et elles ont été suivies pour la conservation et la restauration de la tapisserie « La vision d’Ezéchiel ».
- Application de la méthode d’André Brutillot sur la tapisserie.
La méthode d’André Brutillot a porté ses fruits depuis sa première présentation en Espagne. Toutefois, la méthode elle-même peut être adaptée selon les différents facteurs qui doivent être pris en compte lors du montage. Pour le cas de la tapisserie « la vision d’Ezéchiel » à Madrid, les principes et les recommandations ci-dessus ont été bien évidemment pris en compte. Pour l’application de la méthode, différents éléments ont donc été considéré.
Premièrement, en ce qui concerne la charge due au poids de la tenture. Pour ne pas toucher directement la tapisserie, outre la doublure, une autre pièce a été rajoutée à l’ensemble. Il s’agit d’une bande de toile en lin qui est fixée entre la doublure et la tapisserie. La toile a été choisie en fonction de sa capacité à soutenir le poids de la tenture. De ce fait, la toile devient donc l’élément principal de cette méthode puisque la bande Velcro sera placée sur elle. Pour le cas de la « vision d’Ezéchiel », une seule bande de velcro est suffisante pour la soutenir. Cette toile en lin sera mise entre la doublure et la tapisserie sue la partie haute. En principe, la toile dépasse d’environ 10 cm de la partie haute de la tenture et en totalité elle couvre le quart supérieur de la tenture. Les dimensions de la toile ont donc été choisies pour justement augmenter la surface de la partie supérieure qui va soutenir le poids et de la même manière répartir les points de tensions vers une surface plus large pour minimiser le risque de déchirures sur les parties qui sont déjà fragiles et qui ont déjà été retouchées. La toile de lin est donc cousue du côté de la doublure suivant un axe horizontale et selon deux lignes de coutures comme nous montre le schéma ci-dessous. Quant à la doublure, ou fausse doublure (puisqu’il ne s’agit plus de l’original car on vient de l’ajouter), elle sera cousue suivant un axe verticale et selon un technique spécifique. Les coutures seront effectuées de manière irrégulière (cf figure ci-dessous), et de façon décalée pour obtenir un effet invisible vers la fin. Cette méthode a été initialement publiée et effectuée avec la collaboration de l’Institut Espagnol du Patrimoine Historique lors de la conférence qui s’est déroulée en 2006 à Madrid.
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Système de montage par Velcro selon la Méthode d’André Brutillot
Montage de la tapisserie « La vision d’Ezéchiel » en position verticale et suspendue à support métallique horizontal
Deuxièmement, il est à noter que ce système est adapté selon le plan de montage de la tapisserie. En effet, depuis qu’elle a été mise à disposition du Musée des Arts Décoratifs de Madrid, elle a fait l’objet de l’intérêt de nombreux spécialistes et amateurs, étant considéré comme un objet d’art et une patrimoine nationale, les Espagnols en sont fiers et n’ont pas hésité à exposé la tenture à plusieurs reprises lors des différentes expositions. Comme à l’image de l’exposition qui s’est tenue au MECC Maastricht au Pays Bas lors de l’Exposition Internationale des Arts et des Antiquités durant laquelle la tapisserie a également démontré sa splendeur. Ainsi, le plan de montage de la tapisserie peut être verticale et quelques fois sur un plan incliné. Quel que soit le plan, toutefois, le système de montage utilisé a été le même, le changement s’observe alors au niveau des supports de fixation. Contrairement au montage sur plan vertical où la bande velcro est fixée sur une plinthe suspendue sur une poutre métallique, sur le montage en plan vertical, elle est fixée sur une plateforme et la tenture est étendue sur cette dernière en plan incliné. De cette manière, le poids de la tenture est réparti sur toute la surface de la plateforme de manière régulière, et donc il n’existe aucun risque de torsion au niveau de la partie supérieure puisqu’elle ne supporte plus le poids en totalité. Dans ce sens, elle tient juste le rôle de fixation pour que la tapisserie ne glisse pas.
Les figures ci-dessous nous montrent le système de montage sur une plateforme sur un plan incliné.
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Montage de la tapisserie selon le système par Velcro sur un plan incliné
Montage de la tapisserie « La vision d’Ezéchiel » sur une plateforme en position inclinée
- Résultats
Le système par Velcro a été utilisé pour le montage de la tapisserie « la vision d’Ezéchiel » au Musée National des Arts Décoratifs à Madrid. Depuis l’acquisition de la tenture, elle a été monté selon ce système et l’est encore jusqu’à nos jours. Le montage a bien évidemment porté ses fruits puisqu’en général, on peut dire que la tenture est restée dans un état stable depuis son acquisition ce qui est en partie du à la réussite d’une conservation préventive réussie traduite par un système de montage efficace. Les résultats sont visibles en termes de sécurité, d’esthétique et surtout de conservation.
En ce qui concerne la sécurité, le système de montage qui a été utilisé depuis environ 7 ans a offert une sécurité à l’équipe du Musée qui s’occupe quotidiennement de la tenture ainsi qu’aux visiteurs qui viennent la contempler. Vu la taille de la tenture, grâce au système par Velcro, elle peut être facilement démonté et monté selon les besoins de l’équipe. La bande de Velcro auto-agrippant et fiable et surtout elle peut soutenir le poids de la tenture pour éviter justement le risque que cette dernière puisse tomber et causer des accidents. Toutefois, pour le montage et le démontage, l’équipe du musée utilise de moyens plus importants et efficaces pour les aider dont par exemple l’utilisation des échafaudages électriques ou le système de sécurité par cordage comme nous montre le schéma suivant.
Utilisation de matériels spécifiques comme les échafaudages électriques pour le montage de la tapisserie la « Vision d’Ezéchiel »
En termes d’esthétique, le système de montage utilisé est ici efficace puisqu’il maintient la tenture dans une position verticale. Ce qui garde la vision esthétique pour laquelle les tapisseries ont été réalisées selon l’art de la tapisserie. Rappelons-le, les tapisseries initialement ont été conçues pour une utilité décorative et représentative. De ce fait, les images qui y figurent, surtout ceux qui ont été conçues pour orner les murs, sont plus impactantes lorsqu’elles sont aperçues de manière verticale et bien tendue. Pour revenir au cas qui nous intéresse, l’exposition de la tapisserie « la vision d’Ezéchiel » a toujours suivie cette idéologie puisque le système de montage par Velcro lui permet de suivre cette tendance. Et qu’il s’agisse d’un montage sur un plan incliné, les critères sont retenus en termes de visibilité et d’esthétique.
Finalement, les résultats de ce système de montage sont visibles au niveau de la conservation. En effet, ce genre de système de montage a permis de diminuer considérablement la dégradation de la tenture. On ne peut pas dire que la tenture est intacte, mais il faut tout de même appuyer le fait que la vitesse de dégradation de la tenture a diminué et ce qui facilite justement sa conservation. Ceci étant du au fait, que tous les facteurs de dégradation ont été pris en compte lors de son exposition. Il s’agit par exemple du fait que pour un montage vertical, la tenture est fixée sur une plinthe suspendue, et n’a donc aucun effet direct sur un mur ou un autre support qui pourrait engendrer une humidité ou des attaques bactériennes. Ceci étant, les autres facteurs tels la lumière sont également pris en compte de manière à ce que la tenture soit exposée avec la lumière adéquate étant donné le fait qu’elle est exposée en salle. Quand à l’exposition sur un plan incliné, il va de soi que la plateforme utilisée a été choisie de manière à éviter tous les risques de détériorations mais surtout pour maintenir la tenture à une position verticale (le degré d’inclinaison n’ayant pas directement d’effets ni sur l’affichage de la tenture ni sur l’esthétique). De la même manière, les risques de déchirures sur la partie haute qui a été la plus touchée diminue, puisque d’une part, le poids est en majorité soutenu par la fausse doublure et la toile de lin pour un montage sur un plan vertical et il est réparti sur l’ensemble de la tenture pour le plan incliné. Ce qui diminue par conséquent les interventions à effectuer sur la tenture en ce qui concerne la restauration. Toutefois, le nettoyage est également facile avec le système puisque bien que la toile soit haute, le système par Velcro permet également un démontage facile qui facilite sa manipulation.
- Discussion
L’utilisation du système de montage proposé par André Brutillot sur la tapisserie « la vision d’Ezéchiel » présente de nombreux avantages comme nous le montre le chapitre précédent. D’autant plus que depuis des années, les restaurateurs et les conservateurs du monde entier l’ont reconnu comme étant la meilleure méthode pour le montage des tapisseries parmi toutes celles qui ont été proposé jusqu’ici. Ces résultats conséquents sont observés en termes de sécurité, d’esthétique et surtout pour la conservation. En effet, si l’on compare le système par Velcro avec les systèmes traditionnels à l’image des cordages, de crochets ou même de clous, celui-ci est le premier à répondre à tous les critères de conservation cités plus haut. On a bien vu les avantages de ce système, des avantages qui sont d’ailleurs reconnus à l’unanimité par les conservateurs et les restaurateurs qui interviennent lors des différentes conférences sur le sujet qui se sont tenues dans le monde entier, tel est le cas lors de celle qui s’est tenue à Madrid en 2008. Pendant ces quelques jours de conférence, les intervenants ont reconnu également l’avantage du système en cas d’urgence (incendie, inondation …) en termes de démontage et surtout en termes de résistance puisque la bande Velcro a justement été conçu pour soutenir des charges importantes et convient donc pour la tapisserie.
Par ailleurs, le système de montage dans sa version initiale ne convient pas à toutes les tapisseries d’autant plus qu’elle présente également de nombreuses limites. Des limites qui ont toujours été au centre des discussions des professionnels lors des conférences.
L’exposition des tapisseries en position verticale n’est pas favorable pour les tapisseries à cause de leurs poids comme nous l’avons maintes fois répété auparavant. Et certes, la bande Velcro est reconnue comme étant résistante à ce problème de poids, toutefois, dans certains cas, cette résistance et cette rigidité devient une limite. Ceci étant causé par le fait que les matières utilisées pour les bandes Velcro leurs procurent une certaine capacité d’adhérence et la séparation des deux bandes nécessite une force considérable qui peut impacter sur la tenture elle-même. De ce fait, lors des démontages, les risques de déchirures sur les parties supérieures sur lesquelles les bandes sont fixées, sont importants. Ceci a été sujet à débat lors depuis toujours entre les spécialistes et des solutions ont été proposées pour les rectifier. Certains proposent de garder le même système mais en l’appliquant sur un plan incliné avec une faible inclinaison pour garder une certaine illusion de verticalité.
Certains autres quand à eux, proposent d’utiliser deux bandes de Velcro justement dans le but de minimiser les forces appliquées la partie haute de la tenture en répartissant les force vers la deuxième bande qui se trouve plus en dessous. Le souci d’esthétique est donc exclu puisque les bandes peuvent être rendus invisibles en étant de la même couleur que la tenture ou celui de la paroi sur laquelle elle sera mise en place. De cette manière, la tapisserie sera tendue selon la norme et de la manière les plis ne peuvent pas se former. Allant d’une quinzaine à une vingtaine d’années, la durée de vie des bandes velcro est importante ce qui rend les manipulations moins fréquentes puisque les parties hautes qui sont fragiles ne seront pas touchées spécialement lors des étapes de nettoyage ou de démontage. Cette partie ne serait donc touchée qu’après une vingtaine d’années.
Malgré tout, certains spécialistes ne sont pas encore entièrement satisfaits et tentent de trouver le meilleur système de montage mais jusqu’à présent on peut dire que la méthode d’André Brutillot a été jusqu’ici la plus efficace malgré ses quelques inconvénients. Il faut tout de même souligner le fait que la conservation préventive restera toujours au centre des débats vu les multitudes de contexte au sein desquels les tapisseries sont exposés, qu’elles soient exposées dans un musée, dans un château, dans une Eglise ou dans une simple salle de réception, ou qu’il s’agisse d’un œuvre ancien ou d’une tenture contemporaine, les systèmes de montage utilisés sont différents amenant à une multitude d’idées et donc de choix. Reste à trouver le système adéquat pour chaque tapisserie.
CONCLUSION
Durant une centaine d’années, les tapisseries sont passées de simples objets et accessoires décoratifs en objets d’arts nécessitant un entretien et une manipulation spécifique. L’art de la tapisserie est né depuis la création de la première pièce, donnant naissance au cours des siècles successifs à une multitude de pièces plus importantes les unes autant que les autres. La valeur des pièces produites tendent à augmenter avec l’amélioration de la qualité des matériels utilisés pour leurs réalisations ainsi que les moyens mis en œuvre. Les fils de tissage sont passés de simples fils de laine, de chanvre ou de soie pour passer à des fils métalliques spécifiques ou des fils en argent ou en or. Les techniques de réalisation des tapisseries quant à elles ont également suivi la tendance avec un choix plus élargi, comme la méthode à haute ou basse lisse ou à l’aiguille. Les tapisseries ont pris une place tellement importante dans l’aristicratie européenne et surtout française qu’elle est devenu vers le fin du XVème siècle, un phénomène de mode. De ce fait, les grandes manufactures ont été crées partout en Europe et surtout en Flandres, en France et d’autres régions. Les plus grandes tapisseries de notre époque, actuellement exposées et conservées dans les musées nationaux de toute la péninsule sont sorties de ces grands ateliers. Les mécènes et la famille royale et les hommes d’Eglise ont été les principaux acteurs des représentations qui figurent sur les tapisseries. Les plus importantes et les plus connues concernent les grandes histoires religieuses qui ont initialement été conçues pour transmettre des messages aux fidèles qui ne savaient pas lire.
Les tapisseries passaient donc de salles d’exposition en salles d’exposition, elles étaient exposées dans différents musées, châteaux ou Eglises. Ces pièces, en perpétuel mouvement, subissent les attaques liées à l’environnement et à l’accrochage. Les dégradations liées à la lumière, aux salissures, à l’humidité, aux attaques bactériennes et surtout au mauvais système d’accrochage sont visibles chez la plupart des anciennes tapisseries dont les restaurateurs et les conservateurs ont la responsabilité depuis qu’elles ont été mises à leurs dispositions. Le rôle du système de montage est de ce fait important puisque ce dernier est responsable de la majorité des dégradations subites par les tapisseries. Ce qui rend donc difficile la conservation préventive. Le choix du système d’accrochage a donc été depuis des années au centre des discussions et des recherches de spécialistes de la conservation et de la restauration des tapisseries depuis des années. Différents systèmes ont de ce fait été proposés, allant d’un système traditionnel par cloutage, passant par l’utilisation des crochets ou mis sur châssis pour finir vers des systèmes plus traditionnels comme les boutons de pressions et plus tard l’utilisation de la bande Velcro. Bien évidemment, chaque système a fait ses preuves, certains d’entres eux présentent des avantages tandis que d’autres sont moins efficace.
Le dernier système de montage, le système de montage par bande autoagripante Velcro, a été proposé depuis les années 70 et est actuellement le plus utilisé pour la conservation et l’exposition des tapisseries en Europe. Cette méthode a été adaptée selon la taille de l’œuvre de manière à garder en tête la sécurité, l’esthétique et la conservation, et le système de montage proposé par le restaurateur de renom André Brutillot a jusqu’ici fait l’unanimité auprès des restaurateurs et des conservateurs en Europe.
D’ailleurs, la méthode est actuellement appliquée pur le montage de la tapisserie « La Vision d’Ezéchiel » réalisée au XVIème siècle et exposée et conservée au Musée des Arts Décoratifs à Madrid. Les principes de la méthode d’André Brutillot reposent sur deux points importants dont premièrement la nécessité de consolidation et de restauration de la tapisserie avant le montage et deuxièmement sur le fait que la bande Velcro ne doit pas être fixée directement sur la tapisserie mais sur une doublure pour que la tenture ne supporte pas entièrement son poids lors d’une exposition verticale.
Touts ces critères ont été respectés avec le montage de « la vision d’Ezéchiel » et des résultats sont visibles à tous les niveaux : en termes de sécurité, d’esthétique et d’efficacité de la conservation. Depuis environ 7 ans où le système a été appliqué sur la toile, les dégradations ont diminué, la tapisserie n’a subit aucun dommage majeur et finalement la conservation de la tapisserie peut se faire facilement et dans de bonnes conditions.
Ceci étant, la méthode présente encore des limites qui restent au cœur des débats des restaurateurs et des conservateurs lors de différentes conférences nationales et internationales sur le sujet.
BIBLIOGRAPHIE
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VOCABULAIRE
Aubusson : Ville de la Creuse où l’on pratique la tapisserie de basse lisse depuis le XVIème siècle.
Basse lisse : la Tapisserie d’Aubusson est réalisée sur un métier de « basse lisse » sur lequel le tissage est effectué manuellement à l’horizontale. Cette technique s’oppose à la tapisserie de « haute lisse » qui utilise un métier à tisser vertical, comme cela est le cas aux Gobelins.
Beauvais : (basse lisse) Manufacture royale de tapisseries fondée par Colbert en 1664, actuellement Manufacture nationale, installée depuis la guerre dans les locaux de la manufacture des Gobelins à Paris.
Bordure : Motif décoratif plus ou moins important encadrant certaines tapisseries.
Chaîne (fils de) : autrefois en lin ou en chanvre, il s’agit des fils de coton tendus parallèlement sur le métier de basse lisse afin de constituer le « support » de tissage du lissier. La chaîne reçoit les fils de trame qui la recouvriront complètement pour donner naissance à la tapisserie. Le nombre de fils de chaîne, et par conséquent leur espacement, va déterminer la densité du tissage ou la « grosseur » de la texture.
Carton de tapisserie / cartonnier : Modèle ou « patron » à la taille réelle de la tapisserie, placé sous les fils de chaîne du métier à tisser afin de guider le lissier dans son travail de tissage. Il peut s’agir d’une peinture, d’un dessin numéroté (les chiffres inscrits faisant référence aux couleurs préalablement choisies pour le tissage), d’une photographie, ou de l’impression d’une œuvre numérique.
Autrefois peint sur du tissu, puis de la toile et enfin du papier, ce modèle est le « négatif » du résultat attendu : le carton est peint ou imprimé à l’envers, puisque le tissage est réalisé sur l’envers (le dos) de la future tapisserie. Le lissier place d’ailleurs un petit miroir sous le métier de basse lisse afin de vérifier le rendu de son travail. L’artiste qui crée le carton est appelé « artiste cartonnier » (peintre cartonnier).
Couture : Opération qui consiste à coudre avec des fils de lin de teintes appropriées les relais d’une tapisserie.
Duite : Résultat de deux passées d’un fil de trame entre les nappes de la chaîne
Echantillonnage : recherche des teintes et des matières (laine, soie, …) nécessaire à l’exécution de la tapisserie, d’après les couleurs du carton. Délicate par nature, la réussite de l’échantillonnage dépend de l’œil expérimenté du lissier et conditionne une partie de la fidélité de la future tapisserie à l’œuvre de l’artiste cartonnier.
L’échantillonnage débouche sur l’assortiment des teintes et des matières, puis sur la constitution du chapelet.
Ensouples : Cylindres en bois ou en métal dont les axes reposent sur les coterets en haute et basse lice, sur le bâti en tissage. L’ensouple arrière reçoit la chaîne, l’ensouple avant porte le tissu ou la tapisserie.
Flûte : petite navette en bois tourné sur laquelle est enroulé le fil de trame, que le lissier va passer entre les fils de chaîne lors de l’exécution du tissage. Le fil de chaque flûte peut être composé uniquement de laine, ou bien d’un mélange de différentes fibres (laine, soie, synthétique) et / ou de différentes nuances, en vue de produire l’effet recherché dans le tissage.
Garniture : ajout de colorant dans le bain de teinture à l’aide du cassin.
Galon ou bande : Petite bande unie (3 à 5 cm environ) qui entoure le plus souvent les tapisseries. Elle reçoit les anneaux nécessaires à l’accrochage au mur.
Gobelins : (haute lisse) Manufacture royale de tapisseries fondée sous Louis XIV ,devenue Manufacture nationale.
Grattoir : sorte de petit peigne en métal, avec des dents très courtes, utilisé par le lissier pour tasser / serrer régulièrement les fils de trame au fur et à mesure du tissage.
Haute lisse : Métier dont le plan de chaîne est vertical.
Mille fleurs : Tapisserie à fond bleu foncé, ou parfois rose foncé, qui présente d’harmonieuses figures placées sur un fond parsemé de plantes champêtres ou de branches fleuries parmi lesquelles peuvent évoluer de petits animaux. Des motifs importants peuvent se détacher sur ce fond. On parle alors de tapisserie à fond de mille fleurs. La plus représentative est « La dame à la Licorne » tenture en 6 pièces actuellement exposée au musée de Cluny à Paris
Lisse / lice : cordelette fixée sur un fil de chaîne et le reliant à une « marche » (pédale) que le lissier actionne avec le pied, afin d’écarter les fils pairs et impairs de la chaîne pour faire passer le fil de trame lors du tissage. Lisse s’écrit également « lice », principalement lorsque l’on parle de la Tapisserie des Flandres.
Lissier / licier : Artisan ou ouvrier exécutant le tissage de la tapisserie. Lissier s’écrit également « licier » lorsque l’on parle de la Tapisserie des Flandres. La Tapisserie d’Aubusson étant tissée sur un métier de « basse lisse », on parle aussi de « bas lissier ».
Ourdissage : Assemblage à l’aide de l’ourdissoir, sous forme de faisceau, des fils de chaîne envergés. Préparation de la chaîne sur l’ensouple du métier à tisser avant le rentrage et le tissage. L’ourdissage peut être sectionnel.
Rentraiture : pour le restaurateur de tapisseries anciennes, reconstitution à l’aiguille de la chaîne ou de la trame sur des parties usées, détruites ou coupées.
Tapisserie : Pièce d’étoffe ou d’ouvrage qui sert à parer une chambre à en cacher les murailles.
Ouvrage exécuté à la main sur métier de haute ou basse lice dans lequel le décor se constitue en même temps que l’étoffe. Le dessin du carton est traduit par des fils de trame de diverses couleurs passés entre les fils (écrus) de la chaîne sur la largeur correspondante au motif à reproduire puis tassés pour dissimuler entièrement la chaîne.
Tissage : Entrecroisement des fils de chaîne et des fils de trame, par le passage d’un fil de trame entre les fils de chaîne.
Trame : les fils de trame sont passés sur le « support » de tissage que constituent les fils de chaîne. La trame est la seule partie visible de la tapisserie à l’issue du tissage, reproduisant les formes et les couleurs du carton. Les fils de trame peuvent être de différentes natures : laine, soie, fils métalliques (or, argent, …), synthétique, … Avec néanmoins une majorité de laine, filée et teinte selon les procédés artisanaux d’Aubusson. Sur une authentique tapisserie d’Aubusson, les fils de trame pendent au dos de la tapisserie.
Verdillon : Sorte de tringle en fer servant à fixer la chaîne aux ensouples.
Velcro : Marque déposée par Velcro International BV pour le monde entier, le terme Velcro est utilisé dans le langage courant comme nom générique pour désigner un matériau textile (parfois également appelé « bande autoagrippante ») inventé par Georges de Mestral, un ingénieur suisse, et qui consiste en deux bandes recouvertes chacune d’une texture différente, permettant lorsqu’on les met en contact d’obtenir rapidement une liaison amovible. La société Velcro, propriétaire de la marque, a essayé sans succès de s’opposer à cet usage
[1] Dictionnaire LAROUSSE en ligne : www.larousse.fr
[2] L’art copte est un ensemble d’œuvres artistiques de la chrétienneté égyptienne entre le III ème siècle et le XII ème siècle. Il est issu d’une influence pharaonique et gréco-romaine qui mélange le domaine stylistique et iconographique.
[3] Tapisserie française du XVI ème siècle, appartenant à M. A. de Schickler.
Source : Jules Guiffrey – « Histoire de la tapisserie depuis le Moyen Age jusqu’à nos jours » – Edition, A. Mame et fils (Tours), 1886 – page 153
[4] Dictionnaire Larousse en ligne/ Encyclopédie – Tapisserie : www.larousse.fr
[5] Dictionnaire Larousse en ligne/ Encyclopédie – Tapisserie : www.larousse.fr
[6] Musée nationale du Moyen Age – Thermes & Hôtel de Cluny, « les collections Tapisseries, tissus et broderies » – image vue en ligne sur le site : http://www.musee-moyenage.fr
[7] Musée nationale du Moyen Age – Thermes & Hôtel de Cluny, « les collections Tapisseries, tissus et broderies » – image vue en ligne sur le site : http://www.musee-moyenage.fr
[8] Jules Guiffrey – « Histoire de la tapisserie depuis le Moyen Age jusqu’à nos jours » – Edition, A. Mame et fils (Tours), 1886 – page 152
[9] Dictionnaire Larousse en ligne/ Encyclopédie – Tapisserie : www.larousse.fr – Rubrique : technique de la tapisserie
[10] Source : Tapisserie la « Licorne de Cluny »
[11] J. Masschelein-kleiner, V. Verbeken – « La conservation des tapisseries » in SOS TAPISSERIE – 24 œuvres majeures sauvées de la dégradation
[12] J. Masschelein-kleiner, V. Verbeken – « La conservation des tapisseries » in SOS TAPISSERIE – 24 œuvres majeures sauvées de la dégradation
[13] Maria-Anne , Privat-Savigny – « Petite histoire de la conservation des tapisseries » in La restauration des œuvres d’art. Eléments d’une histoire oubliée XVIIIème – XIXème siècle – TECHNE n°27-28, 2008
[14] Cf plus haut
[15] Source : Tapisserie la « Licorne de Cluny »
[16] De Witt, Manufacture Royale de Tapisserie, depuis 1889 – Rubrique : Conservation-Restauration-Nettoyage
Site officiel : www.Dewitt.be
[17] Citée dans : Maria-Anne , Privat-Savigny – « Petite histoire de la conservation des tapisseries » in La restauration des œuvres d’art. Eléments d’une histoire oubliée XVIIIème – XIXème siècle – TECHNE n°27-28, 2008
[18] Cesare Malvasia – « Felsina Pittrice » – 1678
[19] Dictionnaire en Ligne : Wikipédia « http://fr.wikipedia.org/wiki/Velcro»
[20] André Brutillot – « Conservation Tapisserie : Principles and Practice » – Butterworth Heinemann, Novembre 2005
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