Le coût du travail minimum n’est-il pas un obstacle à la compétitivité de nos PME ?
Sujet : Le coût du travail minimum n’est-il pas un obstacle à la compétitivité de nos PME ?
SOMMAIRE
Glossaire
INTRODUCTION
Partie I : Les difficultés liées au coût du travail
- Le coût du travail : une notion complexe
- Coût du travail et productivité
- Coût du travail et salaire minimum
- Le Smic et le salaire patronal
- Le coût du travail et les emplois non qualifiés
- Le débat sur la suppression du SMIC
- Le Smic en Europe
- Le manque de politique industrielle
Comment aider les entreprises à se développer ?
- La nécessité de privilégier les PME
- Un retard dans une perspective internationale
- La fiscalité : un handicap pour les entrepreneurs
Partie II : La France dans la compétition européenne
- La compétitivité des pays européens
- Coût du travail et productivité en Europe
- La position de la France
- a) La France : une bonne productivité horaire
– La loi des rendements décroissants
- b) La France a une compétitivité commerciale satisfaisante malgré certaines faiblesses
– Des PME trop timides
– Améliorer le cadre des échanges internationaux pour les PME
- c) Une compétitivité technologique à améliorer
– GED
– Le Droit individuel à la formation (DIF)
3- La France face à l’Allemagne
4- La France au cœur de la compétition : Cas du secteur aéronautique
- a) Les besoins étatiques
- b) La compétition Airbus et Boeing
- c) L’industrie et son impact économique
- d) Le domaine aéronautique français en chiffres
- B) Le Conseil « Compétitivité » de l’Union Européenne
Partie III : Le coût du travail : Un frein à la compétitivité ?
- Le coût du travail : un handicap ?
1) Pour les libéraux, baisse du coût du travail permet baisse du chômage
2) La vision keynésienne : vers la hausse du chômage
3) Les économies de l’Organisation pour la Coopération et le Développement Economique (OCDE) voient les avantages de la flexibilité
- Le coût du travail élevé n’est pas un handicap majeur à la compétitivité extérieure de l’économie française vis-à-vis des pays développés
1) La France dans le besoin d’un rééquilibrage
2) Le cas des autres pays du monde
- Un autre facteur de compétitivité : les IDE
1) la prise en compte de la productivité : les IDE ne s’implantent pas forcément là où les salaires sont les plus faibles
2) Les IDE : des choix complexes
– Un avantage pour les pays en voie de développement
– La fiscalité
CONCLUSION
Bibliographie
Glossaire
CDD: Contrat à durée déterminée
CES : Conseil économique et social
CGPME : Confédération générale du patronat des petites et moyennes entreprises
DGTPE : Direction générale du Trésor et de la Politique Economique
EADS: European Aeronautic Defence and Space Company
Eurostat : Office statistique des communautés européennes
GED: Gestion électronique de documents
IDE: Investissement direct étrangers
IS: Impôts sur les sociétés
OMC : Organisation mondiale du commerce
OST : Organisation scientifique du travail (Taylor)
PME : Petites et moyennes entreprises
RDT : Recherche scientifique et le développement technologique
SIEG : Services d’intérêt économique général
SMIC : Salaire minimum interprofessionnel de croissance
TVA : Taxe sur la valeur ajoutée
INTRODUCTION
Le coût du travail est l’ensemble des salaires bruts versés et l’ensemble des cotisations sociales versées à l’employé. Ces charges sociales sont au cœur du débat sur les créations d’emplois.
- Pour les auteurs néoclassiques, un coût du travail trop élevé est un frein à l’embauche. En effet, selon eux, l’employeur n’embauchera un salarié supplémentaire que si celui-ci lui rapporte plus qu’il ne coûte ou autrement dit, il n’embauchera que si la productivité marginale (production obtenue par le dernier travailleur embauché) est supérieure au coût marginal (coût du dernier travailleur embauché). Plus le coût du travail est élevé, moins les employeurs seront incités à embaucher. De plus le coût du travail est un élément important de la compétitivité des entreprises, plus il sera élevé, plus les employeurs seront incités à licencier, substituer le capital au travail ou délocaliser la production vers des pays à main d’œuvre bon marché. Pour ces auteurs, tout ceci joue contre l’emploi, surtout pour les travailleurs non ou peu qualifiés, pour lesquels la productivité marginale est faible, alors que le coût du travail est élevé en raison des charges sociales importantes et de l’existence du SMIC.
- Cependant il convient de nuancer fortement ce jugement. Il est impossible d’établir une relation entre montant des coûts salariaux et le niveau des taux de chômage. De plus il est difficile de réduire les cotisations sociales. Celles-ci sont la source du financement de la protection sociale (assurance maladie, vieillesse, chômage, etc..) et les réduire implique de trouver d’autres modes de financement de la protection sociale (par ex la CSG[1]). De même, remettre en cause le SMIC est dangereux. Celui-ci garantit un pouvoir d’achat minimum et permet le maintien de la consommation. Il évite aux catégories les plus défavorisées de basculer dans la pauvreté et l’exclusion. Enfin, les entreprises cherchent de plus en plus à adapter leur production face aux fluctuations de la conjoncture. Elles vont essayer de transformer le coût salarial de coût fixe en coût variable, plus flexible avec l’utilisation d’intérimaires, de CDD, de travailleurs à temps partiel.
Le SMIC, augmente chaque année en fonction de l’évolution de l’économie et de la conjoncture, tout comme le minimum garanti, qui sert notamment de référence à l’évaluation des avantages en nature consentis aux salariés. Se pose alors la question de savoir si face à cette augmentation continuelle du salaire minimum en France, les PME ne se trouveraient pas dans une situation défavorable à leur développement. Les PME représentent 80 % des entreprises exportatrices françaises mais seulement 15 % du chiffre d’affaires national à l’étranger. Le coût du travail représente t’il une menace pour la compétitivité des entreprises ?
Partie I : Les difficultés liées au coût du travail
Le taux de chômage est élevé en France, de l’ordre de 10% en 2010 selon la définition du Bureau International du Travail.
Le coût du travail englobe la rémunération du travail accompli, les versements pour les heures rémunérées mais non effectuées, les primes et gratifications, le coût de la nourriture, des boissons et des autres avantages en nature, les coûts relatifs au logement du personnel supportés par l’employeur, les dépenses de sécurité sociale à la charge de l’employeur, le coût pour l’employeur de la formation professionnelle, les services sociaux et divers postes, tels que le transport des travailleurs, les vêtements de travail et le recrutement, ainsi que les impôts considérés comme coûts de main-d’œuvre.
Le coût de la main-d’œuvre est une notion très proche mais un peu plus large que la celle de rémunération des salariés utilisée en comptabilité nationale. Le coût de la main-d’œuvre inclut la majorité des composantes de la rémunération des salariés :
* les rémunérations en espèces et en nature que les employeurs versent à leurs salariés en paiement du travail accompli par ces derniers salaires et traitements nets que les employés touchent effectivement
* les services sociaux dont les salariés peuvent bénéficier librement et individuellement comme les cantines et les services assimilés, les installations des services de caractère éducatif, culturel, sportif ou récréatif, les centres de vacances destinés exclusivement aux employés, les contributions aux mutuelles de crédit et le coût des services connexes dont bénéficient les travailleurs, et divers autres postes tels que les vêtements de travail portés en dehors du lieu de travail, les frais de transport des travailleurs entre le domicile et le lieu de travail à la charge de l’employeur, etc.
* les cotisations sociales salariales (additionnées aux salaires nets, elles sont égales au salaire brut).
* les cotisations sociales salariales patronales imputées à la charge des employeurs
Mais le coût de la main-d’œuvre n’inclut pas les jetons de présence des administrateurs, qui font partie de la rémunération des salariés. Par contre, le coût de la main-d’œuvre comprend également:
* le coût pour l’employeur du recrutement
* le coût pour l’employeur de la formation professionnelle
* certains biens et services destinés au personnel mais qui ne font partie de la rémunération des salariés mais des consommations intermédiaires des entreprises
* les impôts basés sur l’emploi ou sur les bordereaux de salaires qui peuvent être considérés comme coûts de main-d’œuvre, après déduction de tous abattements ou allocations accordés par l’État.
Le coût de la main-d’œuvre, tout comme la rémunération des salariés excluent les dépenses engagées par l’employeur, telles que les frais d’aménagement du lieu de travail, les examens médicaux, les activités sportives et autres activités de loisirs, ainsi que le remboursement par l’employeur des dépenses supportées par son personnel pour l’achat de vêtements et d’outils de travail.
Parmi les travailleurs les moins qualifiés, ceux dont les emplois peuvent s’exercer sans formation ou expérience particulière, le taux est encore bien supérieur, supérieur à 30% pour les individus sans diplôme de moins de 30 ans. Le débat sur les causes du chômage oppose les économistes qui comme Jean-Paul Fitoussi réclament des politiques monétaires et budgétaires plus favorables à la croissance en Europe, et d’autres qui mettent davantage l’accent sur le niveau élevé du coût du travail pour les entreprises françaises, et donc sur la nécessité de réformes structurelles touchant à la législation du travail. Dans le coût du travail, on compte le montant des salaires, celui des cotisations sociales qui financent notamment l’assurance-maladie et l’assurance-vieillesse, et les autres dépenses liées à la législation du travail, comme le risque d’avoir à verser des indemnités au cas où des licenciements seraient nécessaires. Face au problème du chômage des moins qualifiés, la baisse du coût du travail peut-elle être une solution ?
A- Le coût du travail : une notion complexe
Le coût du travail se défini comme étant l’ensemble des dépenses de l’entreprise liées à l’utilisation de la main d’oeuvre. Le coût du travail comprend donc les salaires bruts versés aux salariés et l’ensemble des cotisations sociales versées par l’employeur. Le coût du travail est constitué de toutes les dépenses induites par l’utilisation du facteur travail dans l’entreprise. Il comprend le salaire brut (avec les primes, les congés payés et les cotisations sociales à la charge des salariés) et les cotisations sociales patronales
1- Coût du travail et productivité
La productivité de la main-d’œuvre est traditionnellement mesurée par la productivité par personne occupée, c’est-à-dire par la production rapportée au nombre de personnes ayant un emploi. La meilleure façon de lutter contre les délocalisations ce n’est pas forcément de réduire les salaires, il vaut mieux essayer d’élever la productivité. Il faut bien comprendre que le coût unitaire de la main-d’œuvre a deux composantes : d’un côté le salaire et de l’autre la productivité. Et on en revient là à la première question. La productivité très élevée en France permet aux coûts unitaires salariaux français d’être plus bas qu’en Europe.
Trois formes se sont historiquement succédées :
- Le « contrôle simple ou hiérarchique » de l’employeur : c’est lui le maître en matière de salaire ;
- Le « contrôle technique » du taylorisme et de l’OST[2] : c’est l’ère du salaire aux pièces ;
- Le « contrôle bureaucratique » avec le développement de la hiérarchie, des règles et des procédures : le salaire dépend de la classification des postes. Ce constat a toutefois des limites qui incitent à tenir compte des arguments favorables à l’amélioration ou au maintien des salaires, lorsqu’il faut soutenir la demande ou favoriser la productivité du travail
Toutes les comparaisons internationales ne sont pas défavorables aux arguments keynésiens, qui mettent en garde contre le risque d’une spirale de baisses de salaires dans certaines circonstances
Le lien entre chômage et coût élevé du travail n’est pas systématique. En 2007, le coût horaire du travail au Danemark a dépassé de 6% à celui de la France, et pourtant le taux de chômage danois était très faible par rapport au taux français: 3,5%.
D’un point de vue théorique, Keynes a souligné le risque d’une spirale à la baisse des salaires et de la production. Une baisse des salaires n’améliore pas forcément l’emploi car cela diminue le pouvoir d’achat d’une partie de la population, et les entreprises peuvent être conduites à produire encore moins si elles prévoient une baisse de la consommation de leurs propres produits. Dans ce cas elles peuvent même être amenées à réduire encore davantage les salaires ou à licencier. Il peut être utile au contraire de favoriser l’amélioration du pouvoir d’achat si toutes les capacités de production (machines, main-d’oeuvre) ne sont pas utilisées.
Les salaires élevés favorisent aussi la productivité du travail, qui représente un atout important des pays développés face à la concurrence des pays à bas salaires
Les salaires élevés ne constituent pas seulement un moyen de soutenir la demande. Ils améliorent aussi, du côté de l’offre, la productivité. Des salariés bien payés sont plus productifs, en meilleure santé, moins stressés. La perspective de pouvoir toucher un bon salaire incite aussi à faire des efforts de formation qui seraient négligés en cas d’incertitude trop forte sur les revenus futurs. Ces arguments sont connus sous le nom de « théorie du salaire d’efficience ».
La théorie du salaire d’efficience prend d’autant plus d’importance, dans les pays développés, que leur principal atout réside précisément dans la productivité de leurs travailleurs. Ils n’ont pas intérêt à privilégier la baisse des coûts salariaux dans leur recherche de compétitivité par rapport aux pays à bas salaires, qui feront toujours mieux qu’eux dans ce domaine.
2- Coût du travail et salaire minimum
Coût du travail et salaire minimum sont deux notions intimement liées. Au 1er juillet 2009, le montant mensuel brut du Smic est de 1 337,70 euros pour 151,67 heures de travail, soit une revalorisation sur douze mois de 1,3 %. En dix ans, le Smic horaire brut a augmenté de 42 %, passant de 6,21 euros en 1999 à 8,82 euros en 2009.
- Le Smic et le salaire patronal
Cette année est le commencement d’une réforme importante : le salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC) ne sera plus revalorisé au 1er juillet comme c’était le cas en 2009, mais au 1er janvier l’année (art. 24 de la Loi en faveur des revenus du travail[3]).
Avec 4.273 euros mensuels de salaire net moyen, les dirigeants de société sont loin de tous rouler sur l’or. Certains secteurs paient tout de même mieux que d’autres. Le salaire net moyen d’un dirigeant d’entreprise s’élève à 51.281 euros, selon une étude de l’Insee commandée par le syndicat patronal des petites et moyennes entreprises CGPME. Cela équivaut à 4.273 euros mensuels. Mais derrière cette moyenne se cachent de grandes disparités, liées à la taille de l’entreprise et à son secteur d’activité.
Ainsi, les patrons des sociétés de moins de 20 salariés gagnent en moyenne 0,56 fois le salaire de leurs homologues à la tête d’entreprises de 20 à 50 salariés. Les écarts les plus importants se trouvent dans les secteurs des transports, des activités financières et des services aux entreprises. Ces deux derniers étant par ailleurs des secteurs où les dirigeants sont bien mieux rémunérés que la moyenne. Le secteur financier est particulièrement remarquable puisque le salaire d’un dirigeant de PME de moins de 20 salariés y est de 80.821 euros, contre 39.553 euros en moyenne. Dans les services aux entreprises, le salaire atteint les 57.660 euros pour cette même catégorie de dirigeants.
Tableau montrant le SMIC mensuel
Horaire hebdo. |
Nb. d’heures mensuelles |
SMIC brut en vigueur à partir du 01/01/10 |
35 H | 151 2/3 H | 1 343,80 € |
36 H (1) | 156 H | 1 391,78 € |
37 H (1) | 160 1/3 H | 1 439,75 € |
38 H (1) | 164 2/3 H | 1 487,84 € |
39 H (1) | 169 H | 1 535,82 € |
40 H (1) | 173 1/3 H | 1 583,79 € |
41 H (1) | 177 2/3 H | 1 631,88 € |
42 H (1) | 182 H | 1 679,86 € |
43 H (1) | 186 1/3 H | 1 727,83 € |
44 H (2) | 190 2/3 H | 1 785,51 € |
- Le coût du travail et les emplois non qualifiés
Le diplôme est un facteur d’employabilité, c’est à dire que plus je suis diplômé, plus mes chances de sortir du chômage sont importantes. Mais même diplômé je ne suis pas protégé du chômage (à diplôme égal, le taux de chômage augmente dans le temps) alors que les personnes les moins qualifiées sont les plus touchées.
Pour lutter contre le chômage des moins qualifiés, un coût du travail trop élevé peut être incriminé et l’imposition d’un salaire minimum est une rigidité à la baisse des salaires. De plus, à cause de la concurrence internationale, un ajustement des salaires des peu qualifiés aux concurrents pour être aussi compétitif s’impose (pression à la baisse sur les salaires).
D’un autre côté, si la rémunération des emplois peu qualifiés augmente, les emplois vont tendre à être remplacés par des machines et si la main d’œuvre devient trop chère les entreprises seront tentées de délocaliser. Ce coût du travail concerne à la fois le salaire direct mais aussi les charges sociales et notamment patronales qui pèsent sur le travail. Ce problème du coût du travail affecte aussi les jeunes car ils manquent d’expérience, ce qui offre un argument pour peser sur leurs salaires.
Les différentes solutions :
- Théorie des Classiques : Il faut baisser le salaire des non qualifiés, c’est à dire qu’il faut favoriser une flexibilité à la baisse. Cependant le salaire minimum empêche la baisse des salaires. Ainsi dans le schéma ci dessous, si le salaire minimum se situe au-dessus du salaire d’équilibre, il constituera alors une barrière à la baisse du salaire vers ce niveau d’équilibre et ainsi le chômage ne pourra être résorbé.
Il faudrait donc supprimer le salaire minimum pour une flexibilité à la baisse. Il est plus facile de baisser les salaires dans les services que dans l’industrie puisque dans le tertiaire la productivité y est faible. La croissance étant plus intensive en emplois dans le tertiaire, la baisse des salaires ou leur moindre progression a donc un effet plus important sur l’emploi.
- C’est un facteur de déversement de l’emploi dans les services par exemple, puisque l’on constate qu’en France les plus bas salaires se situent surtout dans la restauration, dans le commerce et dans les services aux particuliers.
- Aux Etats-Unis se sont largement développés les emplois peu qualifiés, peu rémunérés, surtout dans le tertiaire (poor jobs).
Cette solution connaît des limites :
- Ce type de développement de l’emploi risque d’accroître les inégalités sociales entre les salaires les plus bas et les emplois les mieux rémunérés. Ainsi le SMIC même s’il constitue une rigidité sert avant tout à réduire les inégalités.
- Abaisser ainsi le coût de la main d’oeuvre constitue un frein au progrès technique et à l’innovation
- Cela est facteur de chômage keynésien.
- Cela décourage la main d’oeuvre (la rémunération est trop basse)
Le coût salarial ou coût du travail est ce que coûte le salarié à l’employeur :
Coût salarial = Salaire net + Cotisations salariales + Cotisations patronales
Par exemple en France en 1993, les cotisations sociales représentent 40,5 % du salaire minimum et 43 % du salaire moyen ouvrier. En France, pour un coût salarial moyen ouvrier en 93, le salaire net représente 58% et les cotisations représentent donc 42%. Ce qui constitue en Europe la part du salaire net la plus basse. D’autre part on voit que les charges sociales sont surtout payées par les employeurs (30% du coût salarial ). D’où l’idée d’abaisser les charges sociales sur les bas salaires et notamment les charges patronales pour favoriser l’embauche.
Abaissement des charges sociales :
-En substituant des impôts aux charges sociales : par exemple on a remplacé les charges patronales par la CSG.
– Ainsi l’Etat subventionne les emplois peu qualifiés. Par exemple dans le cadre de la politique de l’emploi, les contrats Emploi Solidarité sont exonérés des charges patronales (emplois aidés- ils concernent des populations ciblées : chômeurs de longue durée, jeunes sans qualification). L’Etat a été ainsi un des premiers agents économiques à créer des emplois précaires et il continue à subventionner ces » emplois aidés « mais cette solution connaît également des limites :
- En exonérant les employeurs, comment peut-on financer les prestations sociales ? L’Etat choisit de transférer les responsabilités de l’entreprise vers la société.
- Des effets pervers de la baisse des charges sociales sur le travail : comme l’effet de substitution où l’entreprise se sépare de quelques salariés pour les remplacer par des emplois aidés ; l’effet d’aubaine lorsque l’entreprise qui cherche de la main d’oeuvre attend pour embaucher des emplois aidés ; ou l’effet d’appel : des inactifs encouragés par ces nouvelles mesures redeviennent actifs et se retrouvent au chômage.
Ces difficultés concernant le coût du travail pour les personnes non qualifiées et aussi les personnes qualifiées, va jusqu’à l’idée de suppression du SMIC
- Le débat sur la suppression du SMIC
La suppression du SMIC n’aurait probablement pas de conséquences favorables dans le secteur industriel car toute baisse des salaires en dessous du SMIC réduit la productivité. Or, étant donné la forme des fonctions de production en France, et étant donné la façon dont se substitue le capital au travail, il est douteux qu’une telle mesure puisse substituer du travail au capital dans l’industrie manufacturière. En revanche, cette mesure présente des avantages pour les services, notamment de proximité, où l’influence des salaires sur la productivité n’a pas de sens. Cela ferait apparaître une demande solvable qui ne peut pas s’exprimer pour l’instant, compte tenu de rémunérations trop élevées. Le problème, classique, est l’acceptation sociale d’une telle mesure.
- Le Smic en Europe
Vingt des vingt-sept pays membres de l’Union européenne disposent d’un salaire minimum légal. Ce dernier varie fortement, de 92 euros par mois en Bulgarie à 1.570 euros au Luxembourg, soit un écart de un à 17. Toutefois, à niveau de vie équivalent les écarts sont moindres, passant à un rapport de un à sept, le salaire le plus bas étant alors enregistré en Roumanie. La proportion des salariés percevant ce salaire minimum est également très disparate et tend à augmenter avec celui-ci. Ainsi, moins de 1 % des Espagnols le reçoivent, contre 17 % des Français.
En janvier 2009 le salaire minimum au sein de l’Union européenne varie, en valeur mensuelle brute, de 123 euros en Bulgarie à 1 642 euros au Luxembourg. Vingt pays sur vingt-sept possèdent un salaire minimum légal, qui, pour neuf d’entre eux, est inférieur à 500 euros.
Le Smic dans les pays européens
Pays | En euros | En parité de pouvoir d’achat |
Pourcentage de salariés percevant le salaire minimum en 2005 |
Belgique | 1.259 | 1.203 | NC |
Bulgarie | 92 | 216 | 16,0 % |
Estonie | 230 | 362 | 4,8 % |
Espagne | 666 | 724 | 0,8 % |
France | 1.254 | 1.150 | 16,8 % |
Grèce | 668 | 768 | NC |
Hongrie | 258 | 423 | 8,0 % |
Irlande | 1.403 | 1.141 | 3,3 % |
Lettonie | 172 | 310 | 12,0 % |
Lituanie | 174 | 324 | 10,3 % |
Luxembourg | 1.570 | 1.503 | 11,0 % |
Malte | 585 | 805 | 1,5 % |
Pays-Bas | 1.301 | 1.244 | 2,2 % |
Pologne | 246 | 389 | 2,9 % |
Portugal | 470 | 546 | 4,7 % |
République Tchèque | 288 | 465 | 2,0 % |
Roumanie | 114 | 204 | 9,7 % |
Royaume-Uni | 1.361 | 1.292 | 1,8 % |
Slovaquie | 217 | 351 | 1,7 % |
Slovénie | 522 | 701 | 2,8 % |
Source : Eurostat / janvier 2007
- Le manque de politique industrielle : Comment aider les entreprises à se développer ?
La principale faiblesse de l’économie française est sans doute son absence de politique industrielle. Si l’on observe bien la spécialisation des Etats-Unis dans le secteur des nouvelles technologies, du Royaume-Uni dans le secteur des services financiers, de l’Allemagne dans celui de l’industrie lourde des biens d’équipement, on a du mal à observer quel serait le domaine de spécialisation de l’économie française. Il n’est pas toujours facile de faire la part entre discours et pratiques.
Ils peuvent se contredire, rendant la politique du partenaire peu « lisible » et prêtant à confusion, voire débouchant sur des procès d’intention lorsque des problèmes surgissent. La prolifération du terme « politique industrielle », devenu un véritable fourre-tout désignant tout et son contraire, est devenue en elle-même un facteur de confusion. S’agit-il d’une politique de développement industriel général cherchant à combler un retard industriel ? D’une politique visant à protéger ou à renforcer les producteurs nationaux contre la concurrence étrangère ? Ou tout simplement d’une politique de « lobby industriel » visant à renforcer les producteurs industriels en les protégeant de réglementations trop contraignantes en matière d’environnement ou de protection des consommateurs ? D’une politique sectorielle tendant à créer ou à renforcer des secteurs « stratégiques » et ainsi à structurer le système productif ? Ou au contraire d’une politique industrielle « horizontale » favorisant l’émergence de conditions-cadres favorables à l’industrie ? D’une politique des « champions nationaux » (ou européens) dont l’objectif est de constituer des groupes nationaux capables d’être des leaders dans la compétition internationale ? Ou d’une politique de la compétitivité du système productif, du « site de production » afin d’améliorer les conditions de production et l’attractivité du territoire national en agissant sur un vaste ensemble de facteurs ?
Par ailleurs, la France centre ses échanges sur la zone euro et dans des secteurs peu adaptés à la demande des pays émergents. C’est sans doute pour ces raisons qu’elle n’a pas profité pleinement, contrairement à l’Allemagne par exemple, de la reprise engagée dès le second semestre 2003 aux Etats-Unis, et surtout en Asie et dans les pays de l’Est.
Il faudra rendre plus visible et plus claire la politique industrielle que l’on désire mener en France. Cela pourrait passer aussi par une politique non pas française, mais européenne, et par la construction de grands groupes tels qu’EADS[4], qui permettraient de rivaliser avec des grandes multi nationales américaines.
Mais la France souffre aussi d’un manque de pilotage macroéconomique. Il devient extrêmement délicat à l’heure actuelle, puisque, en premier, la politique budgétaire est contrainte par le pacte de stabilité, en deuxième, la politique monétaire est dans les mains de la Banque centrale européenne et de son gouverneur, Jean-Claude Trichet, ainsi que le taux de change, qui est guidé par ces mêmes taux d’intérêt. Dans ces conditions, le pilotage macroéconomique passerait davantage par une politique coopérative entre les Etats européens, qui pourraient soit de façon transitoire accepter de faire une relance budgétaire coordonnée, inciter le directeur de la Banque centrale européenne à ne pas resserrer trop tôt sa politique monétaire, et enfin, à mener des politiques nationales coopératives. L’exemple de l’Allemagne, qui en 2007 augmentera sa TVA tout en baissant ses cotisations sociales, est un exemple parfait de politique non coopérative qui aboutira à une croissance peut-être supérieure en Allemagne, mais qui viendra rogner la croissance de ses partenaires européens, et notamment la France et l’Italie, d’environ un demi-point en 2007.
La France souffre d’un retard très important par rapport aux Etats-Unis, mais aussi avec ses principaux partenaires européens. La part des nouvelles technologies dans l’investissement total en France ne représente que de 10 %, alors qu’elle se situe aux alentours de 16 % en Allemagne, de 20 % au Royaume-Uni, et de 25 % aux Etats-Unis. Ce retard a pour conséquence une moindre contribution des nouvelles technologies à la croissance, qui est trois fois plus forte aux Etats-Unis qu’en France, deux fois plus forte au Royaume-Uni, et plus élevée également en Italie, au Japon et en Allemagne.
Ce retard est principalement dû à un manque d’investissements en recherche et développement du secteur privé, car si on ne regarde que le secteur public, l’effort consacré par ce dernier dans les nouvelles technologies est comparable à celui des grands pays. Il est donc important d’inciter les entreprises privées françaises à innover et à investir dans ce secteur des nouvelles technologies, afin de combler le retard par rapport à nos partenaires.
Pour le CES, il y a un environnement réglementaire encore trop contraignant. Il convient également de réduire les obstacles à la fluidité des échanges internationaux auxquels les PME sont les premières confrontées.
– Faciliter l’accès à l’information. Cela passe notamment par une meilleure mise en valeur du portail européen « Priorité PME », créé par la Commission européenne en vue d’informer les entreprises sur l’ensemble des législations, programmes et initiatives les concernant.
– Alléger les procédures douanières. Les titres et des formulaires nécessaires devraient être dématérialisés et mis à disposition gratuitement sur Internet : un gain d’argent mais aussi de temps pour l’entreprise.
– Continuer le démantèlement des barrières non tarifaires. Pour contrer cette source d’entraves aux échanges, le CES propose entre autres, la création d’une agence indépendante pour mener des missions d’enquêtes et proposer des mesures correctives.
Le CES insiste sur le fait que ce développement à l’international n’est possible qu’à condition de renforcer les PME sur un plan national. Stimuler l’innovation au sein des petites entreprises est une priorité. Ainsi, seuls 12 % des brevets sont déposés par des PME. Pour cela, elles doivent se regrouper. Les pôles de compétitivité ont un rôle central en la matière à condition que les plus petites des entreprises soient mieux représentées au sein de leur gouvernance. Cela passe également par l’essor des groupements d’entreprises, qui permettent notamment la réalisation d’économies d’échelle par la mise en place de services communs : avec seulement 48 groupements soit 287 entreprises, ils sont actuellement trop peu nombreux.
Les exportations françaises en fonction de la taille des entreprises
PME de 0 salarié | 0,7 % |
PME de 1 à 9 salariés | 4,4 % |
PME de 10 à 19 salariés | 2,2 % |
PME de 20 à 49 salariés | 3,8 % |
PME de 50 à 249 salariés | 4,6 % |
Société de plus de 250 salariés | 84,3 % |
Source : DGI – Insee, 2004
- a) La nécessité de privilégier les PME
La différence entre l’Allemagne et la France réside dans le nombre d’entreprises exportatrices, qui baisse en France, passant de 103 000 en 2000 à 88 000 en 2004. Alors que, dans le même temps, ce nombre a augmenté outre-Rhin. C’est sans doute une piste intéressante pour expliquer les différences de performances entre la France et l’Allemagne, même si, selon moi, elle n’explique qu’une partie du problème. La principale explication à la baisse des parts de marché enregistrée par la France depuis 2003 n’est pas un problème structurel, puisque les parts de marché en 2002 étaient identiques à celles de 1995. Les pertes de parts de marché ne sont donc pas structurelles, mais liées à une politique de désinflation compétitive menée en Allemagne depuis 2001. Cette politique a permis à l’Allemagne, en baissant le salaire réel outre-Rhin, de gagner des parts de marché et de les prendre à la fois à la France, mais également à l’Italie et à l’Espagne.
- Un retard dans une perspective internationale
Il convient de tenir compte du contexte international. L’expérience française – et européenne – s’oppose ici nettement à l’expérience américaine ; l’investissement est resté peu dynamique en Europe, alors qu’il a fortement progressé outre-Atlantique. Outre une analyse en termes de niveau, il faudra s’intéresser également à la nature des dépenses d’investissement effectuées.
L’investissement des entreprises françaises, rapporté au PIB, est demeuré, depuis 1995, à un niveau faible (moins de 12 %), inférieur à celui de nos principaux partenaires, ainsi que l’illustrent les graphiques suivants.
L’écart apparaît particulièrement marqué avec les Etats-Unis et le Royaume-Uni. Un élément d’explication peut être trouvé dans les positions différenciées des pays dans le cycle. Sur les quinze dernières années, les cycles d’investissement européen et américain ont en effet évolué en sens opposé. Aux Etats-Unis, il y a eu une baisse du taux d’investissement jusqu’en 1992, puis un redressement spectaculaire, qui a débouché sur l’une des plus longues phases d’expansion de l’après-guerre. En Europe continentale, au contraire, l’essor du taux d’investissement jusqu’en 1990-92 a fait place à une réduction, puis à une stagnation à des niveaux proches de ceux du milieu des années quatre-vingt. Il est donc possible que l’écart des taux d’investissement productifs entre les Etats-Unis et l’Europe traduise pour partie un décalage cyclique dans le temps.
La progression particulièrement forte du volume de l’investissement aux Etats-Unis, ces dernières années, permet cependant d’envisager que des mutations plus profondes soient à l’oeuvre. Une rupture de tendance dans l’augmentation de l’investissement productif américain semble s’être produite au cours du dernier cycle.
Le rythme d’accroissement du volume de l’investissement américain a été multiplié par deux au cours de la décennie 1990-2000, par rapport à la tendance passée. De 1970 à 1990, le volume de l’investissement productif a progressé en moyenne de 4 % l’an. De 1990 à 2000, l’augmentation moyenne a été de 8,1 % par an.
Aucun phénomène similaire n’a été observé en France, ni en Europe. L’investissement productif dans l’Union européenne a progressé en moyenne de 2,8 % sur la période 1990-2000 (1,8 % pour la France), contre 2,6 % sur la période 1970-1990 (2,7 % pour la France).
L’investissement massif des entreprises américaines dans les nouvelles technologies de l’information et de la communication explique pour une large part cette divergence entre Etats-Unis et Europe.
- b) La fiscalité et le social : un handicap pour les entrepreneurs
La position géographique de la France en fait une localisation de choix pour les entreprises cherchant à s’implanter en Europe. Malgré les avantages fiscaux qui permettent de réduire l’assiette fiscale, la fiscalité sur les sociétés constitue-t-elle un handicap pour la France ?
En relativisant l’importance de la fiscalité française dans les délocalisations, le Conseil des Impôts[5] a soulevé beaucoup de critiques. En effet, le rapport remis par le Conseil au Président de la République affirme que le lien entre la localisation des entreprises en France et la fiscalité, notamment l’Impôt sur les Sociétés (IS), est faible. En ciblant les discussions sur l’IS les commentateurs du rapport n’ont pas été en mesure de percevoir les voies de réforme que suggère ce travail. Si le document remis au Président conduit à relativiser l’impact du taux de l’IS en France, c’est pour mettre en évidence que la France souffre d’autres maux, qui sont, étant donné le contexte actuel, bien plus préoccupants.
Le rapport réduit le rôle de l’IS, parce qu’il apparaît évident qu’il joue un rôle marginal dans le processus de décision des entreprises. Dans une enquête réalisée par Ernst et Young Law (cité dans le rapport), il ressort que les chefs d’entreprises semblent accorder plus d’importance à la disponibilité d’infrastructures (de transports, logistiques et de télécommunications) et de main d’œuvre qualifiée qu’aux critères fiscaux. (Voir annexe 1).
Or la position de la France sur l’ensemble de ces paramètres n’est pas défavorable (voir annexe 2) et sa position géographique en fait une localisation de choix pour les entreprises cherchant à s’implanter en Europe. C’est dans ce contexte, que le rapport établit que la fiscalité sur les sociétés ne semble pas particulièrement handicaper la France. Néanmoins, il souligne également que la concurrence fiscale grandissante, peut à l’avenir rendre la position de la France plus délicate. En effet, si la France dispose d’un grand nombre d’avantages (infrastructures, qualité du travail, etc…), elle devient vulnérable aux attaques de ses partenaires européens, comme l’Allemagne qui a fait passer le taux effectif de l’IS de 45 % en 1998 à 26,37% en 2004.
En ce qui concerne le taux de l’impôt sur les sociétés, la France a les moyens d’être concurrentielle. Bien que son taux nominal soit élevé, le système français n’est pas si défavorable (voir annexe 3). En effet, il existe un ensemble d’avantages fiscaux (régimes d’amortissement, régimes d’intégration fiscale, etc…) qui permettent de réduire l’assiette fiscale de manière très importante. Si bien qu’en alignant son assiette fiscale sur celle de ses partenaires européens, la France pourrait baisser son taux d’IS et maintenir un niveau de recettes constant voire supérieur, puisque selon le rapport, les entreprises attachent plus d’importance aux taux (plus lisibles) qu’aux avantages fiscaux. En fait, le premier enseignement de ce rapport est qu’il est essentiel d’améliorer la lisibilité du système fiscal français.
Dans cette perspective, on comprend mieux l’opposition aux mesures anti-délocalisation. En effet, la multiplication des niches fiscales (crédit d’impôt pour les entreprises qui re-localisent, allègements fiscaux pour les entreprises qui participent à un projet de recherche dans les pôles d’activités, crédit de taxe professionnelle pour le maintien de l’activité dans la zone d’emploi en grande difficulté) contribue à limiter la lisibilité du système fiscal français pour une efficacité plus que contestable. Comme nous l’avons vu dans l’article « Les délocalisations : une recomposition de l’industrie », il est contre-productif d’utiliser les deniers publics pour chercher à retenir des entreprises qui inévitablement partiront, car quelques soient les réductions fiscales obtenues, le gain en terme de coût du travail sera dans la majorité des cas plus avantageux.
Dans cette perspective, les taxes locales comme la taxe professionnelle, qui augmentent le coût du travail, paraissent plus pénalisantes que l’IS. Par ailleurs, outre la taxe professionnelle, les entreprises paient un ensemble de taxes locales (les taxes foncières, taxes spéciales d’équipement, etc…) qui sont d’autant plus préoccupantes que les présidents de régions annoncent des augmentations des impôts locaux de plus de 10% pour 2005[6]. La croissance de la fiscalité locale risque à terme de poser problème non seulement pour attirer les compagnies étrangères, mais également pour les entreprises françaises.
Agir sur la fiscalité locale paraît plus intéressant dans la mesure où cela permettrait de réduire le coût du travail et donc la profitabilité de certaines délocalisations[7] mais également parce cela stimulerait la création d’entreprises et le développement des PME. En effet, alors que l’IS ne touchent que les entreprises réalisant des profits l’ensemble des entreprises (y compris celles déficitaires) sont assujetties aux cotisations sociales et aux différentes taxes locales. Le poids de ces prélèvements, parce qu’il peut mettre en péril un grand nombre de jeunes entreprises, dont le flux de dépenses augmente plus vite que le flux de recettes, est beaucoup plus dissuasif que le taux de l’IS. « Si l’on s’en tient à l’IS seul en ne tenant pas compte des impôts locaux assis ou non sur les bénéfices la position de la France est confirmée par des études de la direction de la prévision et de l’analyse économique, selon lesquelles elle se classe au 3ème ou 4ème rang sur un panel de 12 pays d’Europe au regard du taux marginal effectif » (rapport du conseil des impôts, op. cité p.86). Si bien que le poids de l’IS seul, compte tenu des effets d’assiettes et de taux, est relativement modéré en France.
Au delà de l’amélioration de l’IS, la France doit accentuer ses efforts pour réduire le fardeau que représente la fiscalité locale. Le gouvernement, de par l’exonération de la taxe professionnelle pour les nouveaux investissements productifs, paraît conscient de ce problème. Néanmoins, les avantages accordés aux entreprises ne sont que des « rustines » sur des problèmes qui, lorsque ces avantages arriveront à échéance (par exemple décembre 2005, pour l’exonération de taxe professionnelle) se poseront à nouveau. C’est pour cette raison qu’une remise en cause de la fiscalité qui pèse sur la production doit être la priorité du gouvernement. Ce problème est d’autant plus prégnant que pour restaurer sa compétitivité au niveau international, la France doit impérativement développer de nouvelles activités et nul n’ignore que les nouvelles technologies et les nouveaux services émergent le plus souvent au sein de nouvelles structures innovantes. Il faut augmenter le taux de natalité et les chances de survie de ces entreprises, source de richesses et d’emplois pour demain.
En mettant l’accent sur le problème de l’IS, les commentateurs du rapport ont omis d’en dégager le principal enseignement, à savoir qu’il est inutile d’agir sur l’IS si on ne remet pas en cause les contraintes inhérentes à la fiscalité locale des entreprises.
Malgré tout, le Conseil des impôts tempère le poids de la fiscalité sur l’attractivité de la France, puisque selon son rapport, la fiscalité globale en France (hors cotisations sociales) est moins pénalisante, qu’elle en a l’air. Pour notre part, ses conclusions, étant donnée l’augmentation attendue des impôts locaux, risquent de devenir obsolètes.[8].
Le tableau suivant montre les prélèvements obligatoires en France, en comparaison avec l’Allemagne.
Les prélèvements obligatoires en France et en Allemagne (en % du PIB)
Allemagne | France | |
Impôts sur la production (y compris TVA) et les importations | 12,5% | 14,8% |
Impôts sur le patrimoine, les revenus et les transferts | 11,8% | 12,1% |
Cotisations sociales effectives | 16,4% | 17,9% |
Total des prélèvements obligatoires | 40,6% | 44,8% |
Source : Eurostat
Ce tableau montre le taux supérieur pour la France concernant les prélèvements obligatoires. Ces taux nous amènent à se questionner sur la compétitivité de la France.
Si en principe, le coin fiscalo social n’influence pas le chômage, il y va autrement dans ces rapports avec les emplois peu qualifiés.
D’une part, du point de vue macroéconomique, dans une économie ouverte où les capitaux sont supposés parfaitement mobiles, les variations du coût du travail seraient intégralement
reportées sur les salariés donc les variations du coin fiscalo-social n’auraient pas d’impact sur le chômage. En pratique, toute augmentation du coin fiscalo-social se trouverait donc reportée sur les salariés sous forme de diminution de leur rémunération nette, laissant le coût du travail inchangé. L’hypothèse de parfaite mobilité des capitaux est naturellement simplificatrice ; mais il est vraisemblable, dans un contexte d’accroissement de la mobilité du capital, que la majeure partie des variations du coin fiscalo-social soit reportée sur les salaires nets.
Par ailleurs, il faut préciser que la neutralité du coin fiscalo-social sur le coût du travail n’implique pas sa neutralité sur l’emploi. Le mécanisme de report du coin fiscalo-social sur les salariés implique une diminution de la rémunération nette du travail, réduisant de ce fait les incitations au travail et donc l’offre de travail. Ces effets peuvent être importants pour certaines populations. C’est notamment le cas des travailleurs au bas de la distribution des salaires, pour qui les gains à la reprise ou à la conservation d’un emploi peuvent être faibles. C’est aussi éventuellement le cas des travailleurs mobiles hautement qualifiés qui verraient leur rémunération nette diminuer après une augmentation des cotisations et pourraient choisir de s’expatrier. Ainsi, une augmentation du coin fiscalo-social peut avoir un effet dépressif sur le niveau d’emploi, même quand elle est neutre sur le chômage.
D’autre part, l’analyse microéconomique suggère que ce mécanisme de report du coin fiscalo-social sur les salariés joue plus ou moins facilement, en fonction des pouvoirs de négociation respectifs des employés et des employeurs. En France, les mécanismes de négociation salariale sur les salaires bruts au niveau des branches peuvent limiter les possibilités pour l’employeur de reporter les hausses de coin fiscalo-social sur le salaire net.
De plus, le report ne peut par définition s’opérer pour les salariés rémunérés au niveau du salaire minimum. Pour ceux-ci, une augmentation des cotisations se répercute donc intégralement sur le coût du travail, et donc sur l’emploi. C’est donc pour l’emploi peu qualifié que la question du poids des impôts et des charges sur le travail est la plus déterminante.
Partie II : La France dans la compétition européenne
Le problème du coût du travail et de la compétitivité ne touche pas que la France mais également les pays européens. Etant donné qu’il s’agit essentiellement de pays développés, ces derniers se retrouvent donc dans une situation d concurrence. Mais quelle est la place de la France dans cette compétition ?
- La compétitivité des pays européens
Alors que le gouvernement se félicite de l’amélioration des indicateurs socio-économiques, le chômage vient de descendre en dessous de la barre des 9% en juillet et la croissance dépasse 1% au deuxième trimestre. Au delà de ces bons résultats, comment le pouvoir exécutif va-t-il utiliser le bonus financier engendré par cette bonne surprise dans l’amélioration de la compétitivité Française face à ses concurrents?
- Coût du travail et productivité en Europe
Dans un contexte de mondialisation, la question du coût du travail est de plus en plus cruciale. La concurrence est de plus en plus forte, y compris pour les services. La tendance est donc à la comparaison des coûts du travail. Très inégaux, ces coûts du travail vont probablement avoir tendance à se rapprocher, même si ce n’est pas dans un avenir proche.
« Le coût du travail est plus élevé au Royaume-Uni ou en Allemagne qu’en France »[9]
Le coût du travail peut varier d’un pays à l’autre dans l’Union Européenne. La France a toujours un coût du travail horaire supérieur à la moyenne de l’UE, mais n’a cependant pas le coût le plus élevé. La productivité est corrélée au niveau de vie des actifs occupés, le taux d’emploi détermine la capacité à répartir l’effort productif et à employer les personnes en âge de travailler et le temps de travail définit implicitement le partage du temps personnel entre travail et loisir. L’Union européenne se distingue par un faible nombre d’heures travaillées par personne occupée, par une productivité de la main-d’œuvre plus faible qu’aux Etats-Unis mais plus forte qu’au Japon et enfin par un faible taux d’emploi.
Coût de la main d’œuvre en Europe en 2004
PAYS |
COÛT HORAIRE MAIN-D’OEUVRE (en Euros)
|
RÉPARTITION DU COÛT
|
||
SALAIRES ET
TRAITEMENTS |
COTISATIONS SOCIALES
DES EMPLOYEURS
|
AUTRES |
||
Allemagne | 26,54 | 75,4% | 22,6% | 2,1% |
Autriche | 23,60 | 72,1% | 23,7% | 4,2% |
Danemark | 27,10 | 87,7% | 8,0% | 4,3% |
Espagne | 14,22 | 74,5% | 24,4% | 1,1% |
Finlande | 22,13 | 77,8% | 20,5% | 1,7% |
France | 24,39 | 68,1% | 27,7% | 4,3% |
Grèce | 10,40 | 74,1% | 25,5% | 0,4% |
Irlande | 17,34 | 85,0% | 12,4% | 2,6% |
Luxembourg | 24,23 | 84,2% | 14,2% | 1,6% |
Pays-Bas | 2,99 | 78,0% | 20,4% | 1,6% |
Portugal | 8,13 | 79,8% | 19,3% | 0,9% |
Royaume-Uni | 23,85 | 81,5% | 15,6% | 2,9% |
Suède | 28,56 | 66,5% | 29,6% | 3,9% |
MOYENNE U.E | 22,70 | 75,7% | 21,5% | 2,8% |
Source : Eurostat
Coût du travail horaire en Europe en 2010 :
Pays | Salaire horaire brut en € |
Union Européenne (EU 27) | 22,7 |
Zone Euro | 27,1 |
Danemark | 37,4 |
Belgique | 35,6 |
Luxembourg | 35,2 |
France | 32,9 |
Autriche | 32 |
Finlande | 31,5 |
Pays-Bas | 31,2 |
Allemagne | 30,9 |
Suède | 30,7 |
Italie | 25,6 |
Royaumes Unis | 22,4 |
Espagne | 20 |
Grèce | 17 |
Chypre | 15,5 |
Slovénie | 14 |
Portugal | 12,1 |
Malte | 10,1 |
République Tchèque | 9,6 |
Estonie | 7,8 |
Hongrie | 7,6 |
Slovaquie | 7,5 |
Pologne | 6,9 |
Lettonie | 5,9 |
Lithuanie | 5,8 |
Roumanie | 4 |
Bulgarie | 2,9 |
Dans un communiqué publié le 2 juin 2008, Eurostat (Office statistique des communautés européennes) révèle que le coût horaire moyen de la main d’œuvre était de 20,35 euros en 2006 dans l’Union européenne à 27, mais que les coûts constatés dans les différents Etats membres variaient dans un rapport de 1 à 20.
En 2006, la Suède connaissait le coût horaire de la main-d’œuvre le plus élevée (32,16 €), suivie du Danemark (31,98 € en 2005), du Luxembourg (31,98 €), de la Belgique (31,58 €) et de la France (30,31 €). Les coûts horaires les plus bas étaient en Bulgarie (1,65€), en Roumanie (2,68€), en Lettonie (3,41€) et en Lituanie (4,21€). Ces chiffres incluent la rémunération des salariés (salaires et traitements en espèces et en nature, cotisations patronales), les frais de formation professionnelle, les autres dépenses (frais de recrutement, etc.), ainsi que les impôts relatifs à l’emploi considérés comme coûts de la main-d’œuvre, déduction faite des subventions reçues.
Ces informations sont extraites de « L’Europe en chiffres – Annuaire Eurostat 2008 » qui présente l’évolution d’indicateurs clés (démographie, économie, éducation, protection sociale, commerce international, sciences et technologie, etc.) au cours des onze dernières années dans l’Union à 27, la zone euro EuroMonnaie unique de plusieurs Etats membres de l’Union européenne qui forment la zone euro. Les Etats membres et les pays candidats.
- La position de la France
La recherche de la compétitivité ne se limite pas au marché national, qui reste certes une plate-forme inévitable et incontestable dans le processus de « l’accès à la compétitivité globale». Les PME, surtout celles qui sont exportatrices, doivent témoigner leur compétitivité à l’international. Néanmoins, pour réussir une stratégie d’exportation, les PME doivent tenir compte de certaines spécificités de cette stratégie en leurs seins. Choisir d’exporter impose à la PME de se mettre à niveau à fin d’être compétitive sur les marchés internationaux. Certes, des exigences en termes de production ou de commercialisation sont déterminantes pour la compétitivité. Mais dans le cas des PME le portage politique de la décision d’exportation joue un rôle décisif.
L’examen de la littérature traitant le concept de compétitivité révèle l’absence d’une définition unique du terme pour guider les efforts des chercheurs. La compétitivité d’une entreprise peut être définie comme étant la capacité d’une entreprise à faire face à la concurrence, tant sur les marchés extérieurs que sur son marché interne. Une industrie compétitive est celle qui possède la capacité de gagner un profit et maintenir une part du marché domestique et international.
« Le coût moyen du travail en France reste… plus faible que celui de l’Allemagne, du Royaume-Uni ou du Danemark, malgré des cotisations patronales plus élevées. Les résultats sont les mêmes si l’on prend la productivité du travail. »[10]
Il apparaît dans ces propos que le coût horaire industriel moyen est moins élevé en France qu’en Allemagne, au Canada, au Royaume-Uni et en Italie. Si on pondère le coût du travail en prenant en compte sa productivité, la France se classe seulement au 8e rang en Europe en 2007 selon les données d’Eurostat. Ce rapport sur les prélèvements obligatoires des entreprises montre ainsi clairement que le coût du travail est en France moins élevé que chez les pays européens les plus développés, bien que « le taux de prélèvements obligatoires sur les entreprises » soit « en France plus élevé que dans la plupart de ses concurrents ». Le président de la Cour des comptes précise cependant que « ce niveau élevé s’est quasiment stabilisé depuis 1985, surtout au cours de la période récente grâce à des allégements massifs consentis aux entreprises ». La responsabilité du président de la République dans cette affaire est particulièrement lourde. Si le total des aides aux entreprises est évalué à 65 milliards d’euros par le CPO, les choses vont en s’accélérant. En 2007 et 2008, les entreprises auront bénéficié de près de 12 milliards de réduction de prélèvements obligatoires supplémentaires, principalement au titre de l’impôt sur les sociétés et de la taxe professionnelle. On annonce même que « les lois de finances pour 2009 et 2010 devraient amplifier le phénomène ». Le rapport du CPO jette donc un gros pavé dans la mare des adeptes de la baisse du coût du travail et des pleureuses de la droite et du Medef qui affirment qu’en France, les entreprises seraient accablées par des salaires trop élevés et des charges exorbitantes.
- a) La France : une bonne productivité horaire
La France jouit d’une productivité élevée. Le coût du travail n’est pas le principal obstacle à la compétitivité française, puisque les coûts salariaux sont compensés par une productivité plus élevée, ce qui nous ramène à des coûts horaires plus faibles que la moyenne européenne. Certes, il est possible encore de tenter de gagner en compétitivité, mais il semble que ce ne soit pas la priorité et qu’une meilleure politique industrielle d’un côté, un meilleur pilotage macroéconomique de l’autre et des investissements significatifs en recherche et développement soient plus efficaces en matière de croissance, d’emploi et d’attractivité de la France.
En termes de productivité horaire du travail, la France connaît une performance remarquable, puisqu’elle se situe au-dessus de l’ensemble des pays de l’OCDE, à l’exception de la Norvège. Elle a, par exemple, une productivité horaire très nettement supérieure à celle que connaissent le Royaume-Uni, l’Espagne, les Etats-Unis, le Japon et même l’Allemagne.
Ce constat est moins vrai si l’on se réfère à une productivité par salarié. Avec un tel critère, la productivité française se situe au niveau de celle des Etats-Unis, même légèrement en dessous. Et très largement inférieure à la productivité de l’Irlande, par exemple.
Enfin, une des explications à cette bonne performance de productivité du travail, c’est en fait qu’une grande partie de la population active est au chômage en France. Il est possible de penser que les chômeurs français ont une productivité inférieure aux actifs, et que pour faire une meilleure comparaison internationale, il serait souhaitable de comparer à taux de chômage identique. Si un tel calcul est difficile, il est tout de même possible de le mener, et on se rend compte alors que la productivité en France n’est pas aussi bonne que le laisse penser l’indicateur de productivité horaire, et se situerait certes au-dessus de la moyenne de l’Union européenne, mais en dessous de la productivité que l’on peut rencontrer notamment aux Etats-Unis.
La légendaire productivité horaire du travail en France, c’est-à-dire ce que produit chaque personne au travail par heure, est toujours parmi les plus élevées au monde, dépassant en 2006 de 17 % celle du Danemark, de 14 % celle de la Grande-Bretagne et même de près de 7 % celle des Etats-Unis. Pourtant, il n’y a pas de quoi pavoiser. L’avantage résultant de cette forte productivité horaire diminue dès que l’on passe à la productivité par personne employée, qui tient compte du nombre d’heures de travail effectuées par chacun. Cette productivité est inférieure de 11,3 % à celle des Etats-Unis. Explication : La France de la faiblesse de notre durée du travail (1 535 heures contre 1 804 heures aux Etats-Unis, pays avec lequel la différence est la plus importante).
Enfin, si on raisonne en termes de produit intérieur brut par habitant, c’est-à-dire de performance globale et de niveau de vie, le France se retrouve dernière dans la liste. Ainsi, depuis 1980, le PIB par habitant a reculé de 10 % par rapport à celui des Américains, et la productivité horaire de 6 %. Ce PIB, c’est-à-dire la production totale d’un pays divisée par le nombre d’habitants, varie avec la quantité de travail produite. Il dépend donc de la productivité horaire du travail, de la durée moyenne de celui-ci, du taux d’emploi, et de la part de la population en âge de travailler dans la population totale. Or, le taux d’emploi en France est faible, en grande partie à cause de maux endémiques : les difficultés des jeunes à entrer dans la vie active et l’exclusion des seniors des emplois. Seulement 62,3 % des 15-64 sont au travail contre 75,5 % au Danemark, 72,6 % en Grande-Bretagne et 71,5 % aux Etats-Unis.
– La loi des rendements décroissants
La France a une productivité supérieure aux USA et supérieure à l’Allemagne bien que le temps de travail par salarié y soit plus faible. Comment expliquer ce paradoxe ? Il faut chercher l’explication dans une vieille loi économique datant de Ricardo appelée loi des rendements décroissants.
Ricardo a établi son raisonnement non sur le travail mais sur un autre facteur de production : la terre. Il expliquait que la croissance économique nécessite en permanence la mise en exploitation de nouvelles terres agricoles pour nourrir les travailleurs. Or les terres nouvelles, laissées en friche jusque-là (terrains en pente, difficile d’accès, peu productifs), sont caractérisées par des rendements moindres. La croissance économique rencontre donc tôt ou tard une limite physique : c’est l’état stationnaire.
Appliquons maintenant la méthode de Ricardo au facteur travail. L’idée est que plus on travaille longtemps, moins l’heure de travail supplémentaire est efficace (fatigue, stress…).
Exemple :
Heures | 1h | 2h | 3h | 4h | 5h | 6h | 7h | 8h | 9h | 10h |
Production | 100 | 100 | 98 | 96 | 93 | 90 | 85 | 82 | 78 | 73 |
La première heure, ce travailleur produit 100. La 8ème heure, il ne produit plus que 82. S’il travaille 8 heures par jour (hypothèse française), sa production totale est de 744, soit une productivité horaire de 93 (744/8h). S’il travaille 10 heures par jour (hypothèse américaine), sa production totale est de 895, soit une productivité horaire de 89,5 (895/10h). On peut effectivement dire que le travailleur américain travaille plus dans la journée, mais en divisant par le nombre d’heures travaillées il est moins productif que le salarié français.
Tout se base sur l’idée que la dernière heure travaillée est aussi la moins productive. Or comme les Américains ont une durée quotidienne de travail plus longue, donc ils devancent la France. La productivité annuelle par tête en France est inférieure à celle des Etats-Unis, car le taux d’emploi y est moindre.
- b) La France a une compétitivité commerciale satisfaisante malgré certaines faiblesses
Malgré le montant record de ses exportations en 2006, en hausse de 8,6 % par rapport à 2005, la France doit retravailler une faiblesse de taille pour maintenir le cap : le poids des PME françaises dans le commerce mondial demeure beaucoup trop faible. Le Conseil économique et social (CES) s’est penché sur la question et émet ses recommandations dans un avis rapporté par le président de la CGPME.
– Des PME trop timides
Sur près de 2,5 millions d’entreprises françaises, seules 4 % d’entre elles sont actives sur les marchés extérieurs. Parmi elles, on compte 79 % de PME indépendantes mais leur part dans le chiffre d’affaires total des exportations n’excède pas les 15 %. Des chiffres qui révèlent une faiblesse structurelle. Elles sont de trop petite taille, sachant que plus les firmes sont de dimension importante, plus leur probabilité de se développer à l’international est grande. L’Hexagone compte ainsi 6,5 % d’entreprises entre 10 et 49 salariés et 1,1 % entre 50 et 249 salariés contre 14,2 % et 2,3 % en l’Allemagne.
100 000 entreprises implantées en France sont exportatrices, soit environ 5 % de l’ensemble. À titre de comparaison, l’Allemagne compte un nombre total d’entreprises sur son territoire une fois et demie supérieur à celui de la France. Les entreprises allemandes, notamment les PME , sont plus extraverties que leurs homologues françaises. Un phénomène qui s’explique avant tout par les différences de structure des tissus microéconomiques des deux pays. En termes relatifs, la France compte davantage de « petites » entreprises et l’Allemagne davantage d’entreprises « intermédiaires ». En France, 93 % des PME sont des micro entreprises de moins de 10 salariés, contre 64 % en Allemagne, alors que les PME de 10 à 249 salariés représentent 34 % des entreprises en Allemagne, contre 7 % seulement en France. La frange des entreprises de taille intermédiaire constitue pour l’Allemagne un actif stratégique pour conquérir les marchés émergents lointains, d’une part parce que la capacité de projection à l’international d’une entreprise est d’autant plus faible que sa taille est petite, d’autre part parce que les pays émergents, s’ils présentent des taux de croissance en moyenne plus élevés que les pays développés, sont également plus risqués.
Face à cette différence montrant un retard de la France, il est prioritaire de favoriser les échanges internationaux par la mise en place d’un cadre règlementaire adéquat et efficace.
– Améliorer le cadre des échanges internationaux pour les PME
Les dirigeants de PME connaissent trois principaux obstacles au développement de leur entreprise dans les marchés extérieurs : le manque de temps, l’insuffisance de leurs moyens humains et des difficultés de financement. Et pour y remédier, le CES émet plusieurs propositions :
– Déployer auprès des PME, des conseillers du commerce extérieur et des techniciens de l’export. D’après le rapport, le recours à des cadres exports retraités ou d’anciens dirigeants pour accompagner et conseiller le chef d’entreprise devrait être plus systématique.
– Renforcer le dispositif Volontariat international en entreprise (VIE). C’est le moyen le plus intéressant de recruter immédiatement un salarié dédié au commerce extérieur. Ubifrance, l’agence française pour le développement international, est en mesure de proposer plus de 40.000 candidats (commerciaux, ingénieurs, etc.). Avec seulement 4.000 VIE en activité, ce dispositif gagne à être davantage sollicité en instaurant par exemple un « ticket modérateur » pour réduire le coût du service pour les PME.
– Augmenter les ressources financières des PME pour leurs capacités exportatrices. Les fonds propres et la trésorerie des petites entreprises sont en effet souvent insuffisants. Les financements alternatifs à la dette bancaire, via un fonds d’investissement ou un fonds commun de placement, devraient être plus sollicités.
– Mettre en place un diagnostic gratuit de la capacité des PME à se lancer à l’export. Le rapport souligne qu’un tel dispositif existe en Suède. Il permettrait de dresser une liste des entreprises potentiellement exportatrices, afin d’optimiser leur accompagnement en fonction de leurs besoins réels.
– Le temps de travail
Un bilan des 35 heures en termes de création d’emplois a été mené par l’Insee et la Dares, service du ministère du travail, et a abouti à une création de 350 000 emplois au cours de la période 1997-2002, avec un pic à 160 000 créations d’emploi pour la seule année 2000. Cet effet net de la réduction du temps de travail correspond à 18 % des emplois créés au cours de cette même période puisque, rappelons-le, entre 1997 et 2002, deux millions d’emplois ont été créés dans l’Hexagone.
Ce succès relatif des 35 heures tient au fait qu’il n’y a pas eu de dérapage des coûts salariaux unitaires, cela grâce à la fois à des gains de productivité liés à la réorganisation au sein des entreprises, liés également aux aides de l’Etat, qui a baissé les charges pour les entreprises qui signaient un accord 35 heures, et enfin à la modération salariale, qui a été en moyenne d’environ 18 mois.
Ces trois éléments ont permis aux entreprises d’absorber le surcoût des 35 heures. N’ayant pas de répercussions sur les coûts salariaux unitaires, l’amélioration de la compétitivité française, qui a débuté en 1996, a perduré jusqu’en 2002, où l’on note au cours de cette période une très nette amélioration des coûts unitaires relatifs de la France par rapport à l’ensemble de ses partenaires européens et par rapport aux pays anglo-saxons.
Le problème d’augmenter la durée du travail en France devra être posé au moment où le taux de chômage aura atteint un niveau proche de son niveau structurel. S’il est difficile d’évaluer ce dernier, il paraît certain qu’avec un taux de chômage à 9,5 % nous sommes encore au-dessus de ce taux de chômage structurel. Donc, pour l’instant, une augmentation de la durée du travail n’est pas nécessaire. Il faut espérer que, dans un horizon relativement proche, cette question redevienne d’actualité, cela voudrait dire alors que nous serions proches d’un taux de chômage aux alentours des 7 %.
- c) Une compétitivité technologique à améliorer
Les TIC représentent un « facteur de compétitivité pour les entreprises ». Si l’assertion est aujourd’hui assimilée par le plus grand nombre, la petite entreprise, à son échelle locale, s’interroge encore sur l’absolue nécessité des nouvelles technologies. Tel est le premier constat formulé dans le cadre d’une étude sur la diffusion des TIC auprès des PME, commandée par le ministère de l’Industrie en janvier 2003.
Au terme de cette étude et de plus d’un an de travaux, une palette de six outils d’aide à la promotion des TIC auprès des petites et moyennes entreprises a été livrée au ministère. Ces ressources sont distribuées aux conseillers PME, tels que les conseils régionaux, les conseils généraux ou les directions régionales de l’industrie. Elles sont également mises à la disposition de tous sur le site de la mission pour l’économie numérique.
Parmi les outils disponibles au téléchargement, un guide méthodologique apporte des conseils sur la manière de sensibiliser les PME aux nouvelles technologies ou de les accompagner dans leurs projets d’intégration. Les conseillers les moins avertis peuvent, dans un premier temps, se former aux TIC à l’aide de modules de formation pensés par le cabinet de conseils.
– La Gestion Electronique de Documents
Véritable outil de productivité, la gestion électronique de documents (GED) connaît à ce jour une révolution en s’ouvrant aux PME. En effet, historiquement réservés aux grands comptes, les systèmes de GED se décomplexifient et deviennent plus accessibles pour les PME que ce soit au niveau des fonctionnalités proposées ou encore de la tarification pratiquée. En effet, pour quelques centaines d’euros, il est désormais possible d’accéder à des solutions globales permettant d’industrialiser de bout en bout un processus de gestion de documents. Cette révolution s’explique notamment par la croissance exponentielle du nombre de documents échangés par les entreprises et par le fort développement des échanges dématérialisés qui tendent à devenir une règle de fonctionnement, notamment avec la banalisation de la signature électronique.
Il devient alors crucial pour les PME qui ne disposent pas de ressources humaines extensibles de rationaliser leur mode de gestion de documents pour permettre à leurs collaborateurs de se concentrer sur leurs missions sans avoir à rechercher manuellement des informations indispensables à la réalisation de leurs objectifs. Un autre facteur lié à la démocratisation des outils de GED tient au lancement de nombreuses applications SaaS[11] qui dégagent les entreprises de toutes problématiques d’installation, de maintenance, d’acquisition de licences et d’achats de nouvelles versions.
La tendance du marché est donc largement orientée vers la fourniture d’offres globales et flexibles qui peuvent aisément évoluer en fonction du développement de l’entreprise. Loin d’être des solutions « au rabais », les offres pour PME se concentrent donc sur les besoins fondamentaux de celles-ci afin de leur proposer des fonctionnalités immédiatement opérationnelles et génératrices de productivité à court terme.
Outre ces éléments, le développement de ces solutions s’explique par les contraintes d’accès à l’information imposées par les clients des PME qui attendent de ces dernières une réactivité accrue et un suivi personnel de qualité. En s’équipant, elles améliorent ainsi leur avantage concurrentiel et augmentent leur qualité de service.
Il convient néanmoins de préciser le périmètre fonctionnel couvert par les applications dédiées au middle market. En effet, contrairement aux plates-formes destinées aux grands comptes, elles proposent des fonctionnalités plus intuitives et prédéfinies. Plus packagées, elles offrent tout de même la possibilité de personnaliser un certain nombre de process pour être en phase avec la logique organisationnelle des entreprises. Ainsi, par exemple, des fonctionnalités liées à la mobilité sont désormais proposées dans de nombreuses offres pour répondre aux besoins des collaborateurs mobiles (forces commerciales…).
Parmi les spécificités de ces offres se distingue également le nombre important de connecteurs proposé en standard. En effet, au travers de ces derniers, les plates-formes de GED pourront intégrer aisément des données provenant d’applications bureautiques (exemple de la suite Office de Microsoft) mais également d’applications métier usuellement utilisées dans les PME (logiciel de comptabilité….). Grâce à cette approche, les entreprises du middle market peuvent alors mettre en place un mode de traitement normalisé et bénéficier d’un outil transversal répertoriant l’intégralité de leurs données.
Enfin, cette ouverture au marché des PME s’explique également par la saturation des besoins en équipements des grands comptes et par la demande croissante des petites et moyennes entreprises en solutions pensées pour répondre à leurs besoins dès le lancement de leur activité. Poussée par la banalisation des échanges électroniques, la GED est désormais un maillon essentiel des systèmes d’information des PME. Plus qu’un concept, elle est aujourd’hui largement adoptée et se positionne dans les premiers achats d’outils informatiques, juste derrière les suites bureautiques.
– Le Droit individuel à la formation (DIF)
Un écart important s’est creusé entre les grandes entreprises et les PME. Les premières ont en général bien intégré le DIF et mis en place l’organisation nécessaire, allant parfois même au-delà du cadre légal ou conventionnel. En revanche, dans les PME, la situation est plus mitigée. Même si certaines ont pris les devants et bien mesuré les enjeux du DIF, un grand nombre de PME et plus encore de TPE ne disposent d’aucun service spécifique à la formation et ne sont donc pas encore armées pour faire face au DIF.
Et pourtant, le DIF, de par sa durée et sa structure, se positionne comme un vecteur de productivité très important car proche des préoccupations opérationnelles des entreprises. Ce constat est d’autant plus fort pour les équipes informatiques des PME, souvent à l’origine de la valeur ajoutée créée par l’entreprise.
Le DIF est donc une véritable chance pour les salariés comme pour les entreprises. Pour les salariés, c’est la possibilité, chaque année, d’acquérir de nouvelles compétences avec pour objectif d’améliorer leur employabilité et leurs compétences techniques. Ainsi, un collaborateur informaticien d’une PME pourra maintenir son niveau de connaissance en fonction de l’évolution rapide des standards du marché et contribuer à augmenter sa productivité (passage de certifications constructeur Microsoft, Adobe…) comme celle de son entreprise.
Cette caractéristique fondamentale est un atout pour les entreprises qui souhaitent investir sur « l’avenir » et fidéliser leurs collaborateurs. Cette notion s’applique particulièrement aux PME gravitant dans le secteur des technologies pour qui la fidélisation de leurs collaborateurs est un enjeu de compétitivité majeur. Pour les entreprises, le DIF est donc une opportunité d’avoir, avec des formations courtes, des collaborateurs plus expérimentés, plus experts et plus rentables !
Mais concrètement, comment mettre à profit une formation DIF et comment traduire un besoin fonctionnel en un cours de quelques heures ?
Il convient bien entendu de prévoir et d’anticiper ses besoins. Après avoir fait ce travail de fond, il est alors nécessaire de se pencher sur la mise en oeuvre et, avec son partenaire formateur, d’étudier toutes les possibilités offertes, que ce soit dans le contenu de la formation comme dans sa forme (cours présentiels, e-learning, sur mesure, inter ou intra-entreprise).
Finalement, une des règles d’or est peut être de s’adapter au mieux au profil des stagiaires et de combiner un ensemble d’outils qui leur permettront de percevoir cette formation comme une chance et pas seulement comme un droit !
A noter également que la formation intéresse très peu de salariés à partir du moment où elle doit être réalisée hors temps de travail. En effet, souvent les entreprises, et particulièrement les PME, ne peuvent pas, de par leur taille, proposer de formations durant les heures de travail où chaque maillon de la chaîne, du DG jusqu’aux opérationnels, doit démultiplier d’efforts pour rester compétitif et se positionner sur de nouveaux marchés.
Donc comment faire pour mettre en place le DIF dans les PME ? C’est cette question que devrait se poser certaines PME d’autant que si elles ne le font pas, elles courent un vrai risque et le DIF, facteur de compétitivité pourrait se transformer en facteur de désorganisation sociale, opérationnelle et financière ; ne correspondant pas à l’objectif initial de la réforme.
Les entreprises qui n’ont pas encore entamé une stratégie sur la mise en place du DIF pour leurs salaries s’exposent à un triple risque.
Tout d’abord, il y a un risque social en cas de non information des salariés. Des articles, des sites Web, des publications à destination des salariés fleurissent de plus en plus, ce qui a pour conséquence une meilleure information du dispositif par les salariés. Ils sont en droit de se demander pourquoi, dans le cadre même de leur entreprise, ils n’ont pas été informés.
Ensuite, un risque de désorganisation opérationnelle plane pour l’entreprise. Nous n’imaginons peut être pas ce que 20 heures par salariés cumulables sur 6 ans peut représenter si celles-ci ne sont pas « consommées ». Pour exemple, pour une PME comptant 14 salariés n’ayant pas incité la mise en place d’actions de formation dans le cadre du DIF, aura au bout de cette période une « dette » en heures de formation représentant une année de travail d’un salarié. Ce scénario « apocalyptique » viendrait cannibaliser tous les effets bénéfiques escomptés pour l’entreprise et pour le salarié.
Enfin, un risque financier existe car le budget formation pour l’entreprise risque d’exploser. Non seulement le volume d’heures de formation augmente, puisque le DIF s’ajoute aux formations du plan, mais si trop de salariés cumulent leurs droits, les dépenses peuvent être très importantes à terme.
Une PME de 14 salariés, pour reprendre notre exemple, qui n’aurait formé aucun de ses salariés dans le cadre du DIF, aurait au bout de six ans à financer 1 680 heures de formation.
Garantir le succès d’un plan de DIF au sein d’une PME n’est donc pas nécessairement une chose aisée. Il convient donc de préparer au mieux ce type de projet, en concertation avec les salariés et les professionnels de la formation, avant de lancer une campagne. Et il existe de vraies solutions pour les entreprises afin d’inciter leurs salariés à prendre leur DIF au fur et à mesure et orienter leur choix.
D’une part, une des solutions est d’informer les salariés. Plus les salariés sont informés et mieux ils comprennent la réforme et la façon dont l’entreprise compte la mettre en place, moins les demandes de DIF risque d’être éloignées des réalités de l’entreprise.
D’autre part, la création d’un catalogue de formations DIF est également une solution à préconiser. De nombreuses entreprises ont déjà choisi cette voie, elles ont créé un catalogue de formations DIF qu’elles proposent à leurs salariés. Bien sûr, ce catalogue n’est qu’incitatif, mais c’est un bon outil pour susciter les envies. De plus, cela permet d’orienter les personnes ayant choisi une formation au catalogue vers des organismes de formation connus de l’entreprise et donc de mieux maîtriser les contenus et les coûts de formation. C’est d’ailleurs certainement la solution gagnante.
Une fois le dispositif mis en place dans l’entreprise, le DIF prend alors tout son sens et garantit des gains de productivité importants et particulièrement auprès des populations informatiques. Malgré le fait que certains domaines doivent être améliorés au sein des entreprises françaises, la France est loin d’être exclue de la compétition pour ce qui est des entreprises européennes, voire internationales.
3- La France face à l’Allemagne
Depuis 1945, les relations franco-allemandes, tourmentées depuis toujours, se sont constamment améliorées. En 2006, au niveau européen, la France est le 2e exportateur, derrière l’Allemagne mais loin devant le Royaume-Uni et l’Espagne, que l’on présente comme des modèles. Ce critère est-il pertinent pour mesurer la bonne santé économique d’un pays ?
Le cas de l’Allemagne est d’ailleurs intéressant à cet égard, puisque si elle tire sa croissance de ses fortes exportations, ses performances économiques depuis cinq ans sont faibles en termes de croissance du PIB, puisqu’elle a une croissance inférieure à celle de la moyenne de ses partenaires européens. On s’aperçoit également que le taux de chômage n’est pas en ligne avec les performances extérieures de ces deux pays, puisque l’Allemagne, comme la France, connaît un taux de chômage proche de 10 %, alors qu’au Royaume-Uni celui-ci se situe aux alentours de 5 %, et que l’Espagne a depuis un an un taux de chômage inférieur aux deux gros « poids lourds » de la zone euro.
– la taille des PME allemandes.
En Allemagne on dénombre pour une population voisine 5000 entreprises privées employant entre 500 et 3000 salariés. En France il n’y en a que 400 soit 12 fois moins ! Les entreprises françaises ont peur de grossir, sans doute par ce que cela nécessite une organisation plus large et une capacité de vraie délégation du fondateur à plusieurs dirigeants qui devront se partager la responsabilité des chaines de valeur de l’entreprise.
Or comment déléguer en toute confiance si les patrons de PME ne s’intéressent qu’à une délégation verticale (purement hiérarchique), nécessitant un management très rapproché, chronophage et peu évolutif, en oubliant de se piloter « aussi » de manière transversale (processus). Cela les entreprises allemandes l’ont compris depuis longtemps et elles ont même parmi elles, IDS Scheer, entreprise créée par un professeur d’université devenu grand entrepreneur et premier éditeur mondial de logiciels de BPM (Business Process Management).
A l’inverse des PME françaises, les PME allemandes étant « pilotées à deux mains » par leur patron, savent s’organiser en processus et pas seulement en fonctions. Leurs processus sont pilotés par des cadres de haut niveau. Cela rassure les patrons allemands qui maîtrisent leur entreprise verticalement et horizontalement et leur permet de déléguer largement sans risquer de perdre leur pouvoir initial de fondateur.
Ce mode de management bien compris en Allemagne ne semble par l’être en France et pourtant il permet d’assurer une « délégation de mission » (autorité de compétence) et pas seulement une « délégation de fonction » (autorité hiérarchique)
– L’excédent commercial allemand : le plus élevé d’Europe
Les PME allemandes ont depuis longtemps appris à compenser la faible croissance intérieure par l’exportation, en vendant des produits haut de gamme que les acheteurs étrangers acceptent de payer cher et par cela supporter des salaires plus élevés.
Générer 60% des ventes à l’étranger est affaire courante. A titre de comparaison, la Chine, pays encore globalement peu développé et dont le marché intérieur est encore très loin de la maturité, exporte aussi 60% de son PIB ! L’Allemagne peut-elle être comparable à la Chine au plan mondial, sur ce point ?
– Les PME allemandes sont aussi performantes que les très grandes entreprises européennes
OHB « un petit poucet qui voit grand dans le spatial », entreprise de 1500 salariés détenue à 70% par une famille d’entrepreneurs, vient de battre le colosse EADS et sa filiale ASTRIUM pour la fabrication des premiers satellites qui constitueront la constellation Galileo. OBH comme une grande majorité des PME allemandes sont des champions de la performance, que cette performance ne se décrète pas mais qu’elle s’obtient par un management nouveau et adapté.
Evolution de la part des exportations dans le PIB
Source : Commission européenne
Le graphique ci-dessus montre qu’il y a une supériorité de l’Allemagne par rapport à la France concernant la part des exportations dans le PIB. On voit alors la puissance des industries allemandes par rapport aux industries françaises.
Face à ces grosses PME allemandes, les autres entreprises européennes de cette taille souvent ne sont plus assez compétitives parce qu’au cours de la décennie qui vient de s’écouler, elles n’ont pas su prendre le train des organisations nouvelles et tirer tout le profit possible des innovations et des TIC … Il n’est que de regarder les difficultés d’acceptation et de compréhension rencontrées auprès des PME françaises par le plan numérique engagé par l’Etat.
Cet aspect organisationnel et managérial, autant que technologique, est à regarder de près car le problème important pour les autres nations européennes c’est qu’elles ne savent pas comment corriger les déséquilibres économiques générés par la super compétitivité allemande.
Comme il est impossible de demander aux entreprises allemandes d’être moins performantes, c’est aux autres de faire l’effort de se hisser vers l’excellence et de se comparer sur les « Observatoires de bonnes pratiques », car ils existent mais sont très peu utilisés, en France en particulier.
– Les PME allemandes sont les champions du dépôt de Brevet
Protéger son capital immatériel innovant ou son savoir-faire pour mieux conserver un avantage concurrentiel ou bien pour en tirer profit par la cession de licences d’exploitation, voilà encore un levier que très peu de PME françaises utilisent.
– Une formation des dirigeants
Les patrons de PME allemandes ont très souvent reçu une vraie formation pratique dans l’industrie en complément de leurs études, car le taux d’apprentissage en Allemagne est très supérieur à ce qu’il est en France où on a parfois un peu de mépris pour cette pratique de formation.
Malgré la crise actuelle, les grands pays émergeants sont parvenus à préserver leur croissance et représentent à la fois d’énormes débouchés mais aussi une concurrence potentielle redoutable. Le moment est donc venu d’effectuer un benchmarking[12] salutaire sur des critères pouvant caractériser avec sérieux l’ADN des entreprises performantes…
Il est vrai qu’en termes de productivité horaire du travail, la France connaît une performance remarquable, puisqu’elle se situe au-dessus de l’ensemble des pays de l’OCDE, à l’exception de la Norvège. Elle a, par exemple, une productivité horaire très nettement supérieure à celle que connaissent le Royaume-Uni, l’Espagne, les Etats-Unis, le Japon et même l’Allemagne.
Ce constat est moins vrai si l’on se réfère à une productivité par salarié. Avec un tel critère, la productivité française se situe au niveau de celle des Etats-Unis, même légèrement en dessous. Et très largement inférieure à la productivité de l’Irlande, par exemple.
La politique industrielle reste décidément une pomme de discorde entre la France et l’Allemagne. Des différends, voire des conflits, ont récemment fait l’actualité à ce sujet. La crise au sein d’EADS a opposé les deux gouvernements dans un bras de fer sans précédent qui a envenimé les relations bilatérales.
Un colloque organisé ce mois je Juin 2010 se base sur la comparaison France-Allemagne. Il sera mené conjointement par le CIRAC[13] et le DFI[14] sur la période 2008-2010 avec le soutien du CIERA[15] et de l’Université de Cergy-Pontoise (Civilisations et identités culturelles comparées des sociétés européennes et occidentales, CICC), ce colloque portera sur l’évolution des relations professionnelles et des conditions d’emploi dans les anciens services publics à l’échelle franco-allemande, puis européenne. Il s’adresse aux représentants des partenaires sociaux, à des experts de la thématique traitée et sera ouvert aux étudiants de niveau Master et doctorants intéressés.
Axée autour des services d’intérêt économique général (SIEG) tels que les services de réseau (secteur postal, télécommunications, transports ferroviaires et énergie) et les services locaux (approvisionnement en eau et traitement des déchets), la rencontre approfondira dans un premier temps la réflexion engagée lors des journées d’étude d’avril et novembre 2009.
4- La France au cœur de la compétition : Cas du secteur aéronautique
L’industrie aéronautique et spatiale est une industrie d’une importance majeure tant par elle-même que pour les applications induites et son rôle économique et stratégique. Elle est très diversifiée en terme de produits et de services. Elle est composée de secteurs – avions de transport de passagers, avions de combat ou de mission, hélicoptères, lanceurs, satellites, missiles de combat – dont les marchés évoluent de manière indépendante, mais elle a néanmoins une grande unité à cause de la communauté des méthodes, des techniques et des technologies. Le double défi du plus lourd que l’air et de la sécurité (puisque tout accident technique a des conséquences catastrophiques) conduit à ce que seules des solutions techniquement très élaborées conviennent. Le développement, la validation et la mise en oeuvre de ces solutions nécessitent de nombreuses compétences de haut niveau. C’est pour cela que ce secteur est d’une très grande intensité capitalistique.
- a) Les besoins étatiques
L’industrie aéronautique et spatiale constitue pour la France un secteur d’excellence reconnu. C’est une industrie de souveraineté qui donne à notre pays la possibilité d’exprimer et d’exercer une politique internationale et de défense autonome, et dont les enjeux associés sont considérables en matière d’emplois qualifiés, de développement technologique et de contribution à la balance commerciale. Avec 25 milliards d’euros de chiffre d’affaires, dont 73% dans le domaine civil et 69% à l’exportation, elle emploie 100 000 personnes dont 60% d’ingénieurs et techniciens hautement qualifiés.
Cette industrie est, par la complexité des techniques et technologies qu’elle emploie, l’apanage d’un petit nombre de pays ; dans chaque domaine, les entreprises qui les maîtrisent complètement sont peu nombreuses et plutôt en diminution qu’en augmentation. Son marché est totalement mondial (sauf le marché institutionnel américain), et majoritairement civil. Il est composé de secteurs indépendants et spécifiques qui peuvent fluctuer rapidement et très fortement, mais globalement il ne faut pas attendre de croissance importante de l’activité sur les 20 prochaines années.
Depuis un demi-siècle, les entreprises françaises ont développé progressivement leur action dans le cadre de coopérations, souvent européennes, parfois transatlantiques. Les restructurations transnationales, les accords multinationaux comme ceux de la LOI[16] et les évolutions de l’Union Européenne, qui prend un poids croissant dans les domaines de la Recherche, de l’Espace, de la Sécurité et, peut-être demain, de la Défense, renforcent le cadre européen dans lequel s’inscrit la stratégie de l’industrie française. L’appréciation de l’importance majeure de ce secteur est partagée par les plus grands Etats mondiaux qui ont tous décidé des actions spécifiques pour renforcer leur industrie.
Dans un marché qui a peu de chances de s’étendre, la compétition sera donc encore plus farouche entre les acteurs, et l’actuelle parité euro-dollar aggrave considérablement les termes de cette compétition. Les entreprises françaises ont atteint un niveau d’excellence reconnu mais il est nécessaire, pour le maintien de leurs capacités, de définir une stratégie prenant en compte les nouveaux aspects de la donne mondiale.
La stratégie et le plan d’actions qui l’accompagne doivent suivre trois guides majeurs :
– permettre à l’Etat de disposer, sans contrainte extérieure inacceptable, des matériels ou équipements dont il a besoin ;
– donner à l’industrie les possibilités de maintenir et développer ses capacités et de conquérir de nouveaux marchés ;
– renforcer l’importance de ce secteur pour l’économie française en termes d’emplois qualifiés, de développement technologique et de contribution à la balance commerciale.
Ces besoins pourront être satisfaits en général par l’industrie nationale, seule ou en coopération. Néanmoins, dans certains domaines, les capacités industrielles existantes ne pourront être maintenues faute de marchés suffisants en volume et dans la durée.
Celles qui paraissent nécessiter une action particulière sont les suivantes :
– Missiles balistiques : un programme de maintien des compétences s’appuyant en particulier sur un développement exploratoire est nécessaire pour que la politique de dissuasion puisse être poursuivie au-delà du M51.
– Avions de combat : tant pour les besoins liés à la composante aérienne de la dissuasion que pour les actions classiques de nos forces, il est nécessaire de maintenir les compétences françaises, ce qui est rendu possible pour quelque temps par la conjugaison du programme Rafale et du développement exploratoire UCAV[17]lancé en 2003.
– Maintien de l’accès libre à l’espace : les décisions du Conseil de l’Agence Spatiale
Européenne de mai 2003 devraient permettre de le conforter grâce aux actions décidées pour le programme Ariane V et la création d’un pas de tir Soyouz en Guyane. Encore faudrait-il que ces décisions soient mises en oeuvre et leurs financements établis, au besoin par un redéploiement de la contribution française.
– Utilisation de l’espace pour les besoins des armées : l’espace est devenu une composante essentielle pour l’efficacité de nos forces. Les travaux du Conseil Scientifique de la Défense, et l’étude, confiée par Madame le Ministre de la Défense à la commission présidée par Monsieur Bujon de l’Estang, doivent définir les technologies critiques, les besoins des armées ainsi que les moyens et l’organisation nécessaires pour les satisfaire.
– Missiles de combat terrestre : tant pour l’armement de l’hélicoptère Tigre que pour l’équipement de nos forces, un missile anti-char, successeur des Milan et Hot, est indispensable. Il faut donc lancer rapidement un programme d’études amont permettant d’en définir les caractéristiques à partir des briques existantes.
– Les drones et les systèmes de drones transforment progressivement l’équipement de nos forces. Les travaux en cours doivent être poursuivis avec l’objectif de bien identifier les concepts d’emploi, les technologies nécessaires et les applications et marchés possibles.
- b) La compétition Airbus et Boeing
La compétition commerciale entre Airbus et Boeing, les deux groupes aéronautiques qui se partagent le marché mondial des avions de ligne, pose de manière particulièrement exemplaire la question des subventions, dans le contexte de la libéralisation et de la globalisation de l’économie. Comment cette rivalité entre les deux constructeurs s’est-elle transformée de simple concurrence commerciale en un différend international à caractère juridique, chaque entreprise contestant la légalité des aides publiques directes ou indirectes reçues par l’autre ?
1992 : L’accord euro-américain
Dans un premier temps, le 17 juillet 1992, les Etats-Unis et l’Union européenne signent un accord bilatéral portant sur les subventions européennes à Airbus et américaines à Boeing. Celui-ci prévoit que les prêts remboursables sur dix-sept ans accordés par les gouvernements européens sont limités à 33% des frais de recherche et développement et que l’industrie américaine peut bénéficier d’aides de la NASA et du Pentagone pour un montant de 3% de son chiffre d’affaires.
2004 : Le différend devant l’OMC
L’accord de 1992 est dénoncé le 6 octobre 2004 par les Etats-Unis qui introduisent une plainte auprès de l’OMC (Organisation mondiale du commerce), considérant que les aides à la construction d’avions civils gros porteurs (il s’agit de l’Airbus A380), ne respectent pas les termes de l’accord de 1992. Le même jour, l’Union européenne dépose un dossier auprès de l’OMC, estimant à 8,5% (au lieu de 3%) les aides de la NASA et du Pentagone concernant le financement du futur 787 Dreamliner de Boeing.
L’année 2005 ne permet pas de progrès. Si une tentative de règlement au niveau diplomatique selon la procédure de règlement des différends de l’OMC, aboutit en janvier 2005 à un accord transitoire en vue de supprimer les aides et subventions dans les trois mois, l’absence de progrès constatée en avril 2005 suscite une nouvelle plainte réciproque.
L’ORD (Organe de règlement des différends) est chargé de mettre en place deux groupes spéciaux afin d’examiner les plaintes, un négociateur étant nommé par ailleurs.
- c) L’industrie et son impact économique
Les capacités de l’industrie dépendent de plusieurs facteurs :
– Les compétences humaines : dans ce secteur, encore plus que dans d’autres, les clés de la réussite viennent de la qualité des hommes et des femmes. L’outil de formation est actuellement de grande valeur, mais il va souffrir progressivement de la tendance à la désaffection des étudiants pour les carrières scientifiques et techniques ainsi que des contraintes budgétaires. Il est donc nécessaire de renforcer la coordination entre les acteurs pour établir une démarche plus globale portant sur l’attractivité, le contenu et l’évolution des études, la concentration de pôles de savoir et les perspectives de carrière. De même, il est souhaitable que les travaux en cours sur la gestion des fins de carrière permettent de définir des solutions améliorant l’emploi des compétences, et dans certains cas celles de « jeunes retraités».
– Le niveau très élevé de recherche et développement, autofinancé par les entreprises françaises (plus de 7% du chiffre d’affaires) ne leur permet pas d’accroître leur effort pour faire face à l’augmentation des financements publics aux Etats-Unis. Il est donc nécessaire de poursuivre de manière significative le mouvement de remontée des crédits publics français.
De même, la rénovation décidée des modalités de soutien aux exportations de défense doit être mise en oeuvre le plus rapidement possible.
– L’articulation et la coordination entre les différents ministères, les régions et l’industrie en Recherche, Technologie et Développement, doivent être améliorées afin de définir (et de faire connaître) les technologies, les filières technologiques et les centres de compétences les plus porteurs d’avenir, qu’il faut privilégier dans les choix et les politiques d’achat des acteurs publics et privés, maîtres d’ouvrage et maîtres d’oeuvre.
– Un plan PME-PMI doit être établi, couvrant les aides nationales et régionales allant de la recherche jusqu’à l’aide à l’investissement, et leur donnant la possibilité technique et financière de faire des offres compétitives à tous les maîtres d’oeuvre mondiaux.
– Compte tenu de l’importance que prennent les instances européennes en matière de recherche, d’espace, de sécurité et, demain de défense, il est nécessaire que la France participe activement à l’élaboration de leurs objectifs, de manière cohérente et itérative avec les siens propres.
– Les maîtrises d’ouvrage étatiques doivent être «fortes», c’est-à-dire avoir une compréhension approfondie des besoins et des conditions techniques, industrielles et financières dans lesquelles ceux-ci peuvent être satisfaits. Pour cela, les réflexions en cours sur la conduite des programmes pourraient utilement déboucher sur une organisation de la DGA plus concentrée et rassemblant dans une même direction ses compétences aéronautiques et spatiales.
– Les programmes de série doivent être gérés avec la préoccupation d’améliorer la compétitivité des produits et la productivité des industriels. Le partenariat, qui n’exclut pas la mise en concurrence, doit être la règle entre les maîtres d’ouvrage, les maîtres d’oeuvre, les équipementiers et les sous-traitants.
– La protection du capital de certaines entreprises, et en particulier des PME-PMI, fait actuellement l’objet de plusieurs travaux, notamment par le Conseil Economique de Défense. Il paraît souhaitable qu’au moins les trois axes suivants soient retenus :
1) favoriser, en allant au-delà des dispositions législatives actuelles, l’actionnariat salarié dans les entreprises ;
2) favoriser l’action des fonds privés ou mixtes en matière de capital risque ;
3) appliquer strictement les procédures de contrôle des investissements étrangers.
Globalement, les résultats obtenus à ce jour démontrent une efficacité certaine des acteurs publics et privés. Néanmoins, compte tenu du renforcement de la compétition mondiale, il est nécessaire, comme indiqué plus haut, d’aller plus loin dans la coordination de leurs actions. Pour cela, il faut expliciter et débattre des besoins à court et long terme des uns et des autres et identifier les filières d’excellence aux différents niveaux de la chaîne de valeur : aéronefs[18], moteurs, sous-ensembles ou équipements majeurs ou éléments et équipements de base complexes. La tenue d’assises périodiques rassemblant les acteurs, avec pour objectif de prendre en commun des décisions engageantes en matière de choix et de plans d’actions, est très souhaitable. Pour des raisons de mobilisation et de retentissement, un rythme bi-annuel, avec une convergence pour le Salon du Bourget, serait sans doute une bonne solution.
- d) Le domaine aéronautique français en chiffres
L’Ile-de-France bénéficie de la présence de trois grands groupes d’envergure mondiale : EADS, Dassault Aviation et le groupe Safran. Ces trois groupes représentent plus de 20 000 emplois, soit 88 % des effectifs franciliens du secteur. La taille moyenne des établissements est élevée puisqu’elle atteint 310 salariés.
Sur les 75 établissements employeurs du secteur présents en Ile-de-France, 13 dépassent l’effectif de 500 salariés et concentrent 81 % des effectifs régionaux. Parmi eux, six dépassent 1 000 salariés. Les grands groupes disposent de quelques sites de grande envergure, à l’image des sites EADS des Mureaux ou de celui du groupe Safran sur l’aérodrome de Melun qui s’étendent chacun sur une cinquantaine d’hectares du fait de la nature de leurs activités.
La construction aéronautique et spatiale est une activité de haute technicité qui requiert du personnel qualifié. Outre la présence de grands sites de production, la nature des activités présentes en Ile-de-France laisse une part importante aux fonctions de siège, de recherche et développement et de test. Le secteur comprend de nombreux cadres et techniciens (respectivement 37 % et 34 % des salariés du secteur) par rapport à l’ensemble de l’industrie (32,5 % et 26,5 %). L’industrie aéronautique et spatiale est très peu féminisée (17,6 %), avec une présence deux fois moindre que celle observée dans l’ensemble de l’industrie (35 %).
L’Ile-de-France domine les records. Avec 23 288 salariés travaillant dans la construction de moteurs pour aéronefs, 54 % soit 12 627 sont en Ile-de-France. Pour ce qui est de la construction de cellules d’aéronefs, sur 61 457 employés, 7 952 sont en Ile-de-France. Enfin, pour la construction de lanceurs et engins spatiaux, il y a un total de 12 418 employés en France, dont 21 % en Ile-de-France. En somme, l’industrie aéronautique française compte 97 163 personnes dont 23 206 (24 %) en Ile-de-France.
- B) Le Conseil « Compétitivité » de l’Union Européenne
Au sein de l’Union Européenne, le Conseil « Compétitivité » a été instauré en juin 2002. Ce conseil est basé sur la fusion de trois formations qui existaient précédemment, à savoir les Conseils « Marché intérieur », « Industrie » et « Recherche ». Sa création est la réponse au besoin qui de traiter de manière plus cohérente et mieux coordonnée les questions liées à la compétitivité de l’Union européenne. En fonction des points inscrits à l’ordre du jour, le Conseil est composé de ministres chargés des affaires européennes, de l’industrie, de la recherche, etc. Cette formation du Conseil se réunit cinq ou six fois par an.
Le Conseil « compétitivité » joue un rôle horizontal et veille à ce qu’une approche intégrée soit mise en œuvre pour renforcer la compétitivité et la croissance en Europe. Dans cet objectif, il procède à un examen régulier des questions tant horizontales que sectorielles liées à la compétitivité, en se fondant sur les analyses fournies par la Commission et donne son avis sur la manière de prendre dûment en compte les questions ayant trait à la compétitivité dans toutes les initiatives politiques qui ont une incidence sur les entreprises. De plus, le Conseil « compétitivité » examine les propositions législatives qui relèvent de ses différents domaines d’activité, sur lesquelles il statue à la majorité qualifiée, en général dans le cadre de la procédure de codécision avec le Parlement européen.
Les trois volets d’activité du Conseil « Compétitivité » sont les suivants:
– Marché intérieur
Le marché intérieur est une priorité majeure et permanente de l’Union européenne puisque sa mise en place a pour but de créer un espace de libre circulation des personnes et des marchandises. À cette fin, le Conseil « Compétitivité » traite un grand nombre de questions telles que les marchés publics, la libre prestation de services et la liberté d’établissement, la libre circulation des marchandises, les droits de propriété intellectuelle et industrielle, le droit de la concurrence et le droit des sociétés.
– Industrie
Les questions qui ont trait à la politique industrielle continuent de relever essentiellement de la compétence des États membres. Les actions entreprises en vertu du traité instituant la Communauté européenne doivent viser à assurer les conditions nécessaires à la compétitivité de l’industrie de la Communauté, grâce à une étroite coopération entre la Communauté et ses États membres.
Le traité prévoit que, conformément au principe d’un système de marchés ouverts et concurrentiels, l’action de la Communauté vise à accélérer l’adaptation de l’industrie aux changements structurels, à encourager un environnement favorable à l’initiative et au développement des entreprises de l’ensemble de la Communauté, et notamment des petites et moyennes entreprises, à encourager un environnement favorable à la coopération entre entreprises et à favoriser une meilleure exploitation du potentiel industriel des politiques d’innovation, de recherche et de développement technologique.
Jusqu’à présent, l’objectif des actions entreprises par la Communauté a été d’aider les États membres à surmonter les crises qu’ont connu les principaux secteurs industriels de la Communauté sans créer de distorsions de concurrence tout en permettant la restructuration des secteurs concernés dans un délai déterminé. Les critères appliqués visent à garantir que cette restructuration soit coordonnée et qu’il soit procédé à l’évaluation de la stratégie utilisée pour créer les conditions nécessaires à la promotion de secteurs capables de rivaliser avec les secteurs correspondants d’autres pays industrialisés ou de nouveaux pays industrialisés.
– Recherche
La recherche scientifique et le développement technologique (RDT) jouent un rôle de plus en plus important dans le processus de développement économique.
Le traité instituant la Communauté européenne définit les objectifs, les règles et les procédures pour la mise en œuvre des actions de RDT. L’objectif principal de l’action de la Communauté est de renforcer les bases scientifiques et technologiques de l’industrie européenne et sa compétitivité internationale en concentrant les ressources affectées à la recherche sur certains domaines clés et sur des technologies prioritaires.
Le septième programme cadre (2007 2013) est le principal instrument de l’Union pour ce qui est du financement de la recherche en Europe. Il joue un rôle dans la création d’un Espace européen de la recherche, en tant que but vers lequel doit tendre la recherche européenne. Il vise l’excellence scientifique, le renforcement de la compétitivité et de l’innovation grâce à la promotion d’une coopération renforcée, à une plus grande complémentarité et à une meilleure coordination à tous niveaux entre les différents acteurs concernés.
Partie III : Le coût du travail : Un frein à la compétitivité ?
Après une pause en 2005, l’euro a renoué en 2006 avec la dynamique d’appréciation qui avait débuté en 2002 et avait fortement pesé pendant trois années consécutives sur le positionnement concurrentiel des exportateurs français. L’année 2005 avait ainsi marqué une nette rupture dans cette tendance avec le repli de la devise européenne et le redressement de notre compétitivité. Dans un environnement de change de nouveau défavorablement orienté, la compétitivité de la France enregistre en 2006 un fléchissement, tant en termes de coût salarial qu’en termes de prix. En 2006, la compétitivité-prix de la France par rapport aux 24 pays de l’OCDE s’est stabilisée au 1er semestre (+0,2 % après le gain de +2,5 % au 2nd semestre 2005) et fléchirait dans la seconde partie de l’année, perdant –0,6 % (la variation en moyenne annuelle au total ressort à +1,2 %). Au 2nd semestre, l’essentiel du repli proviendrait de l’évolution des parités monétaires, dont l’impact serait en partie atténué par la modération des prix des exportations françaises. Au 2nd semestre 2006, la compétitivité-prix de la France par rapport aux pays de l’OCDE se situerait à un niveau supérieur de +6,3 % au-dessus de sa moyenne depuis 1980, et de +4,4 % au-dessus de sa moyenne depuis 1990.
- Le coût du travail : un handicap ?
Dans les pays capitalistes industrialisés, le débat fait rage chez les économistes à propos du lien coût du travail/emploi. Les positions sont tranchées sur une question pourtant plus complexe qu’il n’y paraît. En effet, on doit définir les notions de coût de travail, niveau d’emploi pour pouvoir établir des relations entre elles.
La rémunération du travail est à la fois le principal moyen de subsistance de l’écrasante majorité des travailleurs, et un coût de production pour les employeurs. Cette distinction va se refléter dans les courants fondateurs des théories économiques. Les classiques et les marxistes insistent sur le niveau de vie correspondant à la rémunération du travail et mettent en avant le caractère conflictuel du partage de la valeur ajoutée et donc de la détermination des salaires. Quant aux néoclassiques, ils se situent davantage du côté de l’entrepreneur, à la recherche de la meilleure combinaison productive possible dans un objectif de maximisation du profit. Le travail est désincarné ; c’est un facteur de production faisant l’objet d’un marché, la spécificité humaine ne se retrouvant que dans les caractéristiques particulières de l’offre de travail. Enfin Keynes, tout en reprenant les postulats de base néoclassiques, introduit la distinction entre salaire nominal et salaire réel. La rigidité du premier jointe à la détermination du niveau de l’emploi sur le marché des biens explique que le chômage puisse ne pas être automatiquement résorbé. Il existe différentes théories sur le coût du travail qui peuvent être en opposition.
1) Pour les libéraux, baisse du coût du travail permet baisse du chômage
Depuis 1993, en France, l’une des pistes des politiques actives de l’emploi (le taux de chômage était alors de 13 %) consiste à réduire le coût du travail, cette mesure pouvant aussi bien passer par une diminution des rigidités salariales (le SMIC notamment) que par une réduction des charges sociales, précisément sur les bas salaires.
La baisse du coût du travail permet de réduire le chômage des travailleurs moins qualifiés.
De ce fait, cette baisse du coût du travail rend le facteur travail plus attractif face au capital et aux travailleurs étrangers. Favoriser le travail des personnes moins qualifiées permet d’avoir un coût de travail inférieur, d’où un coût de production plus économique. La baisse du coût de travail permet alors une réduction du taux de chômage. De même, la baisse du coût du travail permet de stimuler les différents éléments de la demande.
Mais cette politique de l’emploi se heurte à certaines limites. La France est structurellement moins demandeuse d’emplois peu qualifiés et ceux-ci restent cantonnés à un marché secondaire du marché. La réalisation de cette baisse du chômage par la baisse du coût de travail ne peut donc se faire car les travailleurs non qualifiés ont peu d’offre de la part d’employeurs. De plus, cette politique peut avoir des effets néfastes quant au financement de consommations collectives et aggraver les inégalités, cela peut entraîner une faible croissance économique.
Plusieurs comparaisons, selon les pays et selon les catégories socio-professionnelles, semblent confirmer le lien entre coût du travail et chômage, particulièrement pour les travailleurs peu qualifiés. La classification des professions et catégories socioprofessionnelles fait apparaître un taux de chômage nettement inférieur dans le cas des agriculteurs et des artisans commerçants, qui sont des catégories de travailleurs souvent assez peu qualifiés mais indépendants, par rapport aux ouvriers et aux employés, catégories les moins qualifiées parmi les salariés. Or ce qui caractérise les indépendants, c’est qu’aucun salaire minimum ne s’oppose à la baisse de leurs revenus, selon les évolutions de l’offre et de la demande de leur production. Un agriculteur exploitant peut accepter de continuer à travailler malgré des bénéfices inférieurs au salaire minimum, et des horaires de travail supérieurs au maximum légal prévu pour les salariés. D’autre part, avant la crise de 2007 le taux de chômage aux Etats-Unis était très inférieur au taux de la plupart des pays européens. Une des explications possibles est le niveau peu élevé du salaire minimum aux Etats-Unis. Cela a entraîné le phénomène des « working poors », mais cela favorise peut-être aussi l’ajustement de l’offre et de la demande de travail peu qualifié.
2) La vision keynésienne : vers la hausse du chômage
A la base des développements néoclassiques sur l’offre de travail, on trouve la « désutilité» du travail : rappelons que les offreurs de travail, c’est-à-dire les salariés potentiels, sont censés arbitrer librement entre travail et loisirs. Le marché est donc censé leur permettre de doser la quantité de travail qu’ils souhaitent offrir. Cette hypothèse paraît assez difficile à admettre, dans un marché où le travail possède une durée légale (même si des aménagements sont possibles). Mais surtout, et c’est là le plus important, l’offre de travail est supposée être une fonction croissante de son prix. Si on prend le problème dans l’autre sens, cela signifie que moins le travail vaut cher, moins les salariés sont censés être tentés d’en proposer, et plus ils sont censés lui préférer les loisirs. Cette hypothèse est absolument indispensable pour l’ensemble du raisonnement néoclassique. Or, il s’agit d’une hypothèse extrêmement contestable, dans la mesure où la plupart des salariés n’ont que leur travail pour vivre, et n’ont guère de choix ! Ainsi, on peut penser légitimement qu’une baisse des salaires conduit les salariés à vouloir travailler non pas moins (comme le disent les néoclassiques), mais davantage, afin de compenser leur baisse de revenu horaire. Dans ces conditions, le remède au chômage qu’est la baisse des salaires entraînera un accroissement de l’offre de travail… donc du chômage.
La critique de la vision néoclassique de Keynes part d’une situation qu’il a observé : celle de la crise des années trente, où toute baisse supplémentaire du salaire semblait incapable de résorber le chômage, où les emplois manquaient même pour les salariés prêts à travailler à n’importe quel prix, et où la crise se manifestait d’abord et avant tout comme une immense surproduction entraînant une spirale déflationniste : une crise de la demande, que toute baisse ultérieure des salaires ne pouvait qu’aggraver. Keynes insiste sur l’existence de la thésaurisation monétaire (due à la préférence des agents pour la liquidité), qui rend possibles les situations de surproduction : contrairement à ce qu’affirmaient les néoclassiques, l’épargne et l’investissement ne sont pas forcément égaux. Le taux n’intérêt n’équilibre pas épargne et investissement, mais offre et demande de monnaie, ce qui n’est pas du tout la même chose.
Pour lutter contre le chômage, Keynes affirme l’inutilité, voire la nocivité des recommandations néoclassiques traditionnelles. La baisse des salaires ne peut que contribuer à déprimer la demande effective, donc le niveau global de la production. Les seuls moyens d’action efficaces sont ceux qui peuvent augmenter la demande effective. On peut ainsi dire que l’analyse keynésienne se démarque sous quatre aspects majeurs du courant néoclassique :
* Keynes raisonne sur une dynamique, sur des flux de biens et de monnaie, là où les néoclassiques étudient des situations statiques, où les agents disposent de stocks donnés (les « dotations initiales »).
* Il introduit une dimension d’incertitude et d’anticipation des agents (tant concernant la demande, avec la demande effective, que les profits, avec l’efficacité marginale du capital) là où les néoclassiques raisonnaient à partir de situations où les agents disposent d’une information parfaite.
* Il raisonne sur une économie monétaire, là où les néoclassiques utilisaient un modèle purement réel (c’est-à-dire un modèle où la monnaie n’intervient qu’en tant qu’unité de compte parfaitement neutre). Ce qui implique à la fois que la monnaie puisse être désirée pour elle-même (ce qui invalide la loi des débouchés) et plus généralement, que les phénomènes monétaires (tels que l’inflation) ont une conséquence directe sur le niveau d’activité réel.
* Keynes veut montrer que le marché, livré à lui-même, n’est pas forcément capable d’aboutir à l’optimum. C’est en particulier le cas sur la question sensible du chômage. Toute son analyse vise donc à légitimer l’intervention économique de l’État, supplétif indispensable à l’initiative privée, et à donner des fondements rationnels à cette intervention.
Les thèses keynésiennes, devenues (avec plus ou moins de fidélité) la doctrine officielle des États développés durant les « trente glorieuses », ont été depuis largement critiquées et remises en cause par les héritiers du courant néoclassique.
3) Les économies de l’Organisation pour la Coopération et le Développement Economique (OCDE) voient les avantages de la flexibilité
La flexibilité aboutit à la baisse du coût du travail. Le but de cette flexibilité est la rentabilité. La flexibilité permet de lutter contre le chômage (selon les libéraux) avec un assouplissement des conditions d’utilisation de la main d’oeuvre ainsi que des facilités juridiques, financières et administratives destinées à accroître l’embauche, politique monétaire moins stricte. Exemple : les USA : développement d’emplois précaires, salaires faibles, lutte contre le syndicalisme : le chômage a baissé mais la population est découragée.
La flexibilité semble être justifiée par les évolutions rapides de la demande et pour rendre les prestations plus adaptées aux demandes des ménages et des entreprises. Elle permet aux entreprises de sélectionner les salariés avant de les embaucher définitivement. Les savoir-faire évoluent et deviennent vite obsolètes. Les entreprises doivent adopter la flexibilité fonctionnelle car elle repose sur la polyvalence des salariés et sur les nouvelles qualifications, nécessaires pour l’avenir.
La flexibilité permet aux entreprises de suivre l’évolution rapide des techniques avec les ateliers flexibles. Elle permet aux entreprises de :
* passer un cap difficile
* réduire les coûts de l’entreprise
* contrôler la main d’oeuvre : syndication plus difficile
La flexibilité peut favoriser en partie les salariés : les emplois aidés ainsi que ceux qui ont une employabilité faible (probabilité de trouver un emploi). Les jeunes peuvent aussi bénéficier de la multiplication de leurs expériences professionnelles (passage souvent obligé). La modulation des horaires peut faciliter l’harmonisation de la vie privée et professionnelle. Les salariés employés en CDD veulent aboutir à un CDI et cherchent à avoir la productivité maximale.
La flexibilité n’incite pas à la productivité (minimum de salaire = minimum d’efforts). Le salarié qui a le sentiment d’être bien traité dans l’entreprise va faire des efforts de productivité : c’est la théorie du salaire d’efficience. L’incertitude peut donc démotiver un salarié en emploi précaire : l’entreprise ne tient pas compte de la dimension personnelle et sociale du travail.
Les entreprises sont moins poussées à innover. La compétition existe en système capitaliste, or la flexibilité peut nuire à l’innovation : bénéficiant d’une main d’oeuvre peu chère, les entreprises ne remplacent pas les hommes par des machines et l’économie peut être sclérosée par manque de dynamisme.
La diversité des statuts ne favorise pas la coopération entre les employés (baisse du taux de syndication et affaiblissement des mouvements revendicatifs).
La pauvreté et la faiblesse de la demande : les revenus des travailleurs précaires sont faibles : la précarité est source de pauvreté économique et d’exclusion. Même des actifs occupés peuvent vivre en dessous du seuil de pauvreté. La théorie keynésienne affirme que si les revenus sont faibles, l’investissement est faible car il y a peu de projets.
- Le coût du travail élevé n’est pas un handicap majeur à la compétitivité extérieure de l’économie française vis-à-vis des pays développés
De manière générale, les pays ayant un coût du travail[19] élevé sont également ceux dont la productivité moyenne du travail est élevée, et la France occupe à cet égard une position médiane au sein des pays de l’OCDE.
Dans ces conditions, le coût moyen du travail perçu par les entreprises ne semble pas être un handicap majeur à la compétitivité extérieure de l’économie française, vis-à-vis des pays développés. S’agissant des économies en développement (Chine, Inde, etc.), la prise en compte de la productivité réduit également les écarts avec les économies occidentales. Toutefois la comparaison des coûts salariaux unitaires (CSU, rapport du coût du travail à la productivité, horaire ou par tête) demeure très nettement à l’avantage et des économiques en développement. Il va de soi que ces écarts de CSU ne peuvent raisonnablement pas être résorbés par une seule réduction du coût de travail dans les économies développées.
La compétitivité ne s’apprécie cependant pas seulement au regard des coûts des facteurs mais aussi en termes de spécialisation (géographique et par produit), d’infrastructures publiques et de sécurité de l’environnement institutionnel. Cette compétitivité hors prix constitue aujourd’hui un déterminant important des performances commerciales.
La France est le 2e exportateur, derrière l’Allemagne mais loin devant le Royaume-Uni et l’Espagne, c’est l’un des critères de la bonne performance économique d’un pays. Mais ce n’est pas le seul. Le cas de l’Allemagne est d’ailleurs intéressant à cet égard, puisque si elle tire sa croissance de ses fortes exportations, ses performances économiques depuis cinq ans sont faibles en termes de croissance du PIB, puisqu’elle a une croissance inférieure à celle de la moyenne de ses partenaires européens. On s’aperçoit également que le taux de chômage n’est pas en ligne avec les performances extérieures de ces deux pays, puisque l’Allemagne, comme la France, connaît un taux de chômage proche de 10 %, alors qu’au Royaume-Uni celui-ci se situe aux alentours de 5 %, et que l’Espagne a depuis un an un taux de chômage inférieur aux deux gros « poids lourds » de la zone euro.
1) La France dans le besoin d’un rééquilibrage
Le rééquilibrage d’une balance des paiements doit ainsi faire l’objet d’une politique économique particulière à mettre en place à long terme. Une politique commerciale appropriée peut permettre d’améliorer les données, que ce soit par une politique à l’exportation que par une politique à l’importation telles que les économies d’énergie ou la reconquête du marché intérieur.
Pendant longtemps, l’un des remèdes utilisé constituait à dévaluer ou réévaluer la monnaie du pays. Mais ces manipulations monétaires avaient des effets négatifs trop importants car elles entraînaient une augmentation des coûts des matières premières et de l’énergie très largement importées, ce qui générait une hausse des prix et par voie de conséquence, une augmentation des salaires et donc des coûts. Depuis l’adoption de l’euro, ces manipulations monétaires ne sont plus possibles, étape par étape, et ne restent plus comme solutions que les efforts à faire porter sur les compétitivités prix et produit. Cela a pour conséquence des exigences de plus en plus fortes en terme de productivité exigée des salariés. Cela s’est traduit par des suppressions d’emplois qui font augmenter le niveau du chômage et pèse ainsi encore plus sur le niveau d’activité.
Ces conséquences sont certes difficiles à supporter mais il paraît bien difficile de les éviter dans un contexte d’internationalisation croissante des économies et d’une concurrence de plus en plus forte des pays en voie de développement.
Il faut donc s’attendre à des années difficiles tant que les pays en développement n’auront pas rattrapé les pays développés en terme de coûts salariaux, ce qui commence à se faire mais lentement.
2) Le cas des autres pays du monde
La compréhension de la situation de la France peut se faire à partir de la comparaison avec la situation et les réalités dans les autres pays d’Europe et du monde.
Grande-Bretagne : la productivité globale se redresse fortement
En 1870, le PIB par habitant de la Grande-Bretagne était supérieur de 40 % à celui des Etats-Unis. Il est aujourd’hui de 21,6 % inférieur, proche de celui de la France. Malgré cette contre-performance sur le long terme, la Grande-Bretagne résiste mieux au rouleau compresseur américain que le Danemark et la France. C’est en effet le seul de ces trois pays qui ait réduit depuis 1980 son écart de PIB par habitant, de 4 points de pourcentage. Ce qui indique que la productivité du travail y connaît un sursaut.
L’écart de productivité horaire avec les Etats-Unis est encore de 9 % en 2006, mais il était de 23 % en 1980. Et sur la même période, le Danemark et la France ont perdu du terrain. Comme aux Etats-Unis, le taux d’emploi est élevé (72,6 %), celui des jeunes (58,1 %) et des seniors (56,8 %) compris. La productivité par personne employée se redresse également fortement (+70,5 % depuis 1980), une progression très supérieure à celle de ses trois concurrents. En 2005, elle demeure inférieure à celle des Etats-Unis, mais supérieure à celle de la France et du Danemark grâce à une durée du travail plus longue (1672 heures). L’écart est d’autant plus significatif que le travail à temps partiel atteint un niveau inégalé (23,6 %) dans ce pays, et même quand on le compare à ses autres voisins nordiques.
Danemark : un taux d’emploi record qui compense des faiblesses structurelles
Le Danemark est la lanterne rouge de notre benchmark pour la productivité par personne employée. En 2005, celle-ci est de 26 % inférieure à celle des Etats-Unis, de 14,7 % à celle de la France et de 5,2 % à celle de la Grande-Bretagne.
Cela s’explique par le fait que le Danemark combine une durée du travail assez modérée (1 551 heures), proche de celle de la France, et un niveau de temps partiel relativement élevé, de 18 %. Autant de facteurs qui jouent sur la productivité par emploi. Comme dans l’Hexagone et en Grande-Bretagne, la productivité horaire danoise perd du terrain face à celle des Etats-Unis. En 1995, elle la dépassait pourtant de 1 %.
Au bout du compte, le Danemark a des résultats positifs puisque son PIB par habitant dépasse légèrement ceux de la Grande-Bretagne et de la France. En outre, le retard face au PIB par habitant des Etats-Unis est stabilisé depuis 20 ans (-17 % en 2006) – alors que celui de la France ne cesse de perdre du terrain. La technique réside dans un taux d’emploi record qui ne faiblit pas depuis 15 ans : 75,5 % en 2005. Comme en Grande-Bretagne et aux Etats-Unis, jeunes et seniors sont largement au travail.
Etats-Unis : productivité, taux d’emploi et technologies
Les Américains travaillent plus que les Européens : 1 804 heures par an contre 1 672 heures pour les Britanniques. Ils sont les champions de la productivité par personne employée, et ce bon score sert d’étalon pour tous les autres pays. Les Etats-Unis affichent également de très bons résultats en matière de productivité horaire, bien supérieurs à ceux de la Grande-Bretagne et du Danemark.
Pour les experts, les 6,5 % de retard de productivité horaire face à la France ne sont pas significatifs. Dès lors que les Américains travaillent annuellement beaucoup plus d’heures, une baisse du rendement horaire est inévitable. Par ailleurs, ces mêmes spécialistes jugent cette productivité horaire malgré tout élevée, sachant que le taux d’emploi y est de 71,5 %.
- Un autre facteur de compétitivité : les IDE
L’investissement direct étranger (IDE) est l’opération par laquelle un agent acquiert des actions ou des parts de propriété dans une entreprise d’un autre pays afin d’exercer une influence sur sa gestion.
1) la prise en compte de la productivité : les IDE ne s’implantent pas forcément là où les salaires sont les plus faibles
La France est un investisseur majeur à l’étranger. Alors que le stock mondial d’investissements directs étrangers (IDE) exprimé en dollars a été multiplié par 12 entre 1980 et 2003, le stock d’IDE détenu par la France a été multiplié par 26 (en USD), pour atteindre plus de 570 milliards d’euros fin 2003 selon la Banque de France. À cette date, la France détenait 7,8 % du stock mondial d’IDE, se positionnant au troisième rang des investisseurs mondiaux, derrière les États-Unis et le Royaume-Uni. Les IDE proviennent presque exclusivement des pays riches (OCDE), même si la zone asiatique a vu sa part multipliée par 14 au cours de la décennie 1990. Dans l’OCDE, les principaux pays investisseurs étaient les Etats-Unis, le Royaume-Uni, les Pays-Bas, l’Allemagne, la France et le Japon. En Asie, hormis le Japon, les principaux pays investisseurs étaient la Corée du sud, la Chine, Singapour et la Thaïlande. Les flux d’IDE se sont développés nettement plus vite que les échanges commerciaux. Ils ont été multipliés par près de 5 entre 1984 et 1996.
Si les IDE proviennent pour l’essentiel des pays riches, ils leur sont aussi majoritairement destinés : la demande mondiale étant concentrée dans ces pays, il est normal qu’ils suscitent de nombreux investissements. Cependant, l’asymétrie est ici moins forte que pour l’origine des IDE, parce que l’Asie et, dans une moindre mesure, l’Amérique Latine reçoivent une part de plus en plus grande des IDE. A l’intérieur de ces zones, les IDE sont concentrés sur quelques « pays émergents » (Chine, Brésil, Argentine), dont la croissance rapide attire les investisseurs.
Structure des IDE dans le monde par zone d’origine et zone de destination (en %)
en% | Flux entrants | Flux sortants | ||||||
1990 | 1992 | 1994 | 1998 | 1990 | 1992 | 1994 | 1998 | |
OCDE | 84.3 | 70.0 | 58.3 | 58.6 | 96.4 | 93.5 | 93.0 | 92.5 |
Afrique et Moyen-Orient | 2.1 | 2.8 | 3.0 | 2.1 | 0.2 | 1.6 | 0.9 | 0.6 |
Asie (sauf Japon) | 9.2 | 15.3 | 23.8 | 22.3 | 0.4 | 4.5 | 4.8 | 5.4 |
Europe de l’Est | 0.2 | 3.3 | 3.3 | 4.9 | 0.0 | 0.1 | 0.1 | 0.2 |
Amérique latine | 4.2 | 8.5 | 11.6 | 12.1 | 0.4 | 0.4 | 1.2 | 1.2 |
Source : FMI
En 1990, 84,3 % des IDE mondiaux étaient réalisés dans les pays de l’OCDE, et la même année, 96,4 % des IDE mondiaux provenaient des pays de l’OCDE. La France est l’un des premiers pays pour l’accueil des IDE (derrière le Luxembourg mais devant la Chine). La France accueille un montant élevé d’investissements directs étrangers.
Ainsi que l’illustre le graphique suivant, le montant des investissements directs étrangers en France progresse tendanciellement depuis 10 ans. En 2000, les investissements directs étrangers en France avoisinaient les 50 milliards d’euros.
Les investissements étrangers en France
Sources : Banque Mondiale
Le stock des investissements directs étrangers en France est évalué à 277,1 milliards d’euros, au 31 décembre 2000, ce qui place la France au quatrième rang des pays industrialisés pour l’accueil des IDE, derrière les Etats-Unis, le Royaume-Uni et l’Allemagne. L’estimation à la fin 2001 fait ressortir une nouvelle hausse sensible de ce stock, puisque celui-ci s’établirait à 335 milliards d’euros. La France est également une terre d’accueil privilégiée de l’investissement international. Entre 1980 et 2003, le stock d’investissements étrangers en France exprimé en dollars a été multiplié par dix-sept pour s’élever à 405 milliards d’euros selon la Banque de France. Fin 2003, la France concentrait sur son territoire 5,3 % des investissements mondiaux, au cinquième rang des principales destinations de l’IDE, derrière les États-Unis, le Royaume-Uni l’Allemagne et la Chine. En particulier, les investisseurs européens et américains sont très actifs sur le territoire français, où ils détiennent 95 % du stock total d’IDE. Rapportés à la taille du territoire, ces montants sont élevés. Le stock d’IDE accueillis par la France représente près du quart du PIB français et les flux d’IDE entrants y ont représenté 13 % de la FBCF en moyenne au cours des dix dernières années (contre 4 % au cours de la décennie précédente).
Mais les IDE sortant de France sont plus importants que les IDE y entrant, c’est-à-dire qu’il y a plus d’agents français qui investissent à l’étranger que d’agents étrangers qui investissent en France. Les entreprises françaises investissent en effet beaucoup à l’étranger pour y profiter d’une croissance économique supérieure à celle de l’hexagone.
L’internationalisation des entreprises françaises leur permet de conforter leur part de marché mondial, et, partant, d’asseoir leur développement. En 2001, les filiales françaises sous contrôle direct à l’étranger1 ont réalisé un chiffre d’affaires de près de 380 milliards d’euros, un montant proche du total des exportations françaises de biens et services. Reflet à la fois de la hausse du chiffre d’affaires moyen des filiales et de l’augmentation du nombre d’implantations, le chiffre d’affaires des filiales françaises ;à l’étranger a progressé de 15 % par an en moyenne entre 1995 et 2001, pour représenter près de 17 % de la production marchande réalisée sur le territoire national.
Les IDE assurent une source substantielle de recettes, recensées dans la balance des paiements de la France. Encore négatifs en 1995, les revenus nets générés par les investissements directs sont désormais excédentaires et ont progressé au cours de la seconde moitié des années quatre-vingt-dix. Leur cumul entre 1999 et 2004 atteint près de 70 milliards d’euros. Il représente plus de trois fois l’excédent dégagé par les échanges de biens et 70 % du surplus affiché par les échanges de services, soit un montant équivalent aux revenus nets tirés du tourisme. Une telle source de revenus a, toutes choses égales par ailleurs, vocation à augmenter, à mesure de la croissance des IDE et du différentiel entre le stock de nos investissements à l’étranger et le stock des investissements étrangers en France. La France, en effet, est structurellement exportatrice nette de capitaux, caractéristique liée à son niveau de développement et à la déformation tendancielle de sa structure démographique vers les catégories âgées, épargnantes en termes nets.
Au plan international, les revenus nets dégagés par la France au titre des IDE l’ont classée, par le montant cumulé en 2000-2003, au quatrième rang mondial (troisième en 2003), derrière les États-Unis, le Royaume-Uni et la Suisse. Ce classement a progressé au cours des années récentes. Au cours de la période 1995-1999, l’excédent des revenus d’investissements enregistré par la France la situait en moyenne au septième rang mondial. Un tel classement reflète l’effet conjugué de deux facteurs :
- L’écart élevé, relativement aux autres économies mondiales, entre le stock d’investissements français à l’étranger et le stock des investissements étrangers en France
- fait notable toutefois, l’importance des revenus drainés par la France tient moins à l’abondance des recettes qu’à la faiblesse relative des « sorties de capitaux » en proportion du stock des investissements étrangers sur notre territoire.
2) Les IDE : des choix complexes
L’analyse des relations internationales requiert que l’on tienne compte des dimensions économique, politique et citoyenne dans lesquelles elles s’inscrivent. La dimension économique fait référence aux flux d’échange de biens, de services et d’investissements ainsi qu’à la caractérisation de la division internationale des processus productifs qu’indiquent les relations de propriété, de sous-traitance, ou les accords internationaux entre firmes. La dimension politique renvoie principalement aux actions des pouvoirs publics sur le plan international qu’il s’agisse des accords internationaux ou de la politique d’aide ou de défense nationale. La dimension citoyenne concerne les actions internationales liées à des mouvements politiques ou culturels ou aux activités des organisations non gouvernementales.
Ces trois ordres sont interdépendants. La nature des rapports politiques influence à l’évidence les rapports économiques et réciproquement, selon des modalités variées. Des relations économiques entre pays ayant des niveaux de développement très différents conditionnent également le type de relations politiques qu’ils peuvent avoir ; les relations politiques auront tendance à reproduire cette hiérarchie économique. De même, l’absence de dynamique citoyenne, le manque de visibilité et la faible implication des citoyens conduisent à limiter le renforcement de relations politiques. Ces interdépendances jouent un rôle crucial dans la dynamique des relations internationales et en particulier des unions régionales.
Les IDE sont le moyen pour les firmes d’internationaliser leur processus de production. C’est donc par les IDE que se réalise la « mondialisation productive ».
La décision d’investir à l’étranger est généralement motivée par la recherche d’une fiscalité avantageuse, la qualité des infrastructures ou le niveau de qualification et/ou de coût des travailleurs du pays d’accueil et les « effets d’agglomération » (les entreprises s’implantent à proximité d’autres entreprises). En revanche, la volonté de contourner des droits de douanes ou d’économiser les coûts de transports semble peu importante.
Pour les pays d’accueil, les IDE sont, comme les investissements en général, un facteur de croissance (effet sur la demande globale, mais aussi effets sur les capacités de production).
- Dans les vieux pays industriels, les IDE peuvent être un moyen de relancer l’activité des régions industrielles en déclin, ce qui incite les Etats et les collectivités locales à développer leur attractivité aux yeux des investisseurs étrangers.
- Pour les pays en développement, dans un contexte ou l’essentiel du commerce mondial est réalisé par les entreprises multinationales, les IDE sont un moyen de s’insérer dans la mondialisation et de stimuler les exportations. Les IDE sont aussi un moyen de bénéficier de « transferts technologiques » : les investisseurs étrangers amènent avec eux des procédés de production innovants, des méthodes d’organisation performantes et des savoir-faire qui se diffuseront progressivement à l’ensemble du pays et doperont sa productivité. Le pays d’accueil aura ainsi bénéficié du progrès technique sans avoir eu à le financer.
Pour le pays d’origine, les effets sont plus difficiles à évaluer : si l’IDE correspond à une délocalisation, il peut y avoir, au moins dans l’immédiat, des suppressions d’emplois ; si l’IDE correspond à une implantation qui aurait pu être faite dans le pays d’origine mais qui ne l’est pas, ce n’est pas non plus favorable à l’emploi. Cependant, à plus long terme, les IDE peuvent générer des exportations pour le pays d’origine et une demande supplémentaire en provenance du pays d’accueil de l’IDE.
– Un avantage pour les pays en voie de développement
Presque tous les gouvernements des pays en voie de développement sont désireux d’attirer l’investissement direct étranger (IDE). Celui-ci peut générer de nouveaux emplois, apporter de nouvelles technologies et, plus généralement, promouvoir la croissance et l’emploi. L’augmentation nette du revenu intérieur qui en résulte est partagée par le secteur public par l’imposition des salaires et bénéfices des sociétés sous contrôle étranger et éventuellement par le biais d’autres impôts sur les entreprises (par exemple l’impôt foncier). L’IDE peut aussi avoir une incidence positive sur le revenu intérieur du fait de ses retombées, telles que l’instauration de nouvelles technologies et la valorisation du capital humain (des qualifications). Étant donné ces avantages potentiels, les décideurs réexaminent continuellement leurs réglementations fiscales de manière à faire en sorte que leur pays soit attrayant pour l’investissement de l’étranger. Les politiques fiscales peuvent également apporter un soutien à l’investissement direct à l’étranger, dans la mesure où cet investissement peut être efficace pour assurer l’accès à des marchés étrangers et la réalisation d’économies d’échelle, se traduisant par une augmentation du revenu intérieur net.
Par ailleurs, les gouvernements s’efforcent continuellement de concilier le désir d’offrir à l’IDE un environnement fiscal compétitif et la nécessité de faire en sorte qu’une part suffisante de l’impôt national soit prélevée sur les multinationales.
Cependant, s’il est admis que l’impôt constitue un facteur important dans les décisions de localisation de l’investissement, ce n’est pas le principal déterminant. L’IDE est attiré vers les pays qui offrent : l’accès aux marchés et des perspectives de bénéfices ; un cadre juridique et réglementaire prévisible et non discriminatoire ; la stabilité macroéconomique ; une main-d’oeuvre qualifiée et réactive ; et des infrastructures développées. Tous ces facteurs influeront sur la rentabilité à long terme d’un projet.
Les responsables politiques doivent faire face dans ce domaine à de nombreux problèmes complexes qui sont notamment les suivants : dans quelle mesure l’IDE est-il sensible à la fiscalité ? Comment la planification fiscale intervient-elle ? Quels sont les principaux déterminants de l’investissement direct de l’étranger et à l’étranger ? Comment les pays ont-ils réagi aux pressions visant à faire baisser les impôts sur l’IDE ?
– La fiscalité
Au coeur du débat sur le niveau approprié de l’impôt sur les sociétés d’un pays d’accueil se trouve la question difficile de savoir comment l’IDE réagit à la fiscalité. Le traitement de cette question est primordial pour déterminer l’attitude à adopter face aux pressions en faveur d’un régime fiscal compétitif de l’IDE. Il est par ailleurs essentiel pour procéder à des évaluations des coûts et des avantages des allègements fiscaux accordés au titre de ces investissements et pour estimer l’incidence des réformes éventuelles de la politique en matière d’impôt sur les sociétés sur les recettes fiscales.
Les études portant sur les flux transfrontaliers montrent qu’en moyenne l’IDE diminue de 3.7 % à la suite d’une augmentation d’un point du taux d’imposition qui lui est applicable. Il existe cependant un grand nombre d’estimations, la plupart des études aboutissant à des diminutions comprises entre 0 et 5 %. Cette variation reflète en partie les différences entre les secteurs et les pays étudiés, ou les périodes concernées. Ainsi, des études récentes constatent que l’IDE devient de plus en plus sensible à la fiscalité, ce qui s’explique par la mobilité accrue du capital à mesure que les obstacles non fiscaux à l’IDE sont supprimés. Ces estimations peuvent être utilisées pour estimer l’incidence à long terme de l’IDE sur la réforme de l’impôt sur les sociétés.
Dans l’évaluation des réactions de l’IDE aux réformes fiscales, l’une des incertitudes porte sur la question de savoir quelle est l’incidence de la fiscalité sur les décisions en matière d’IDE et quels sont les taux d’imposition pris en compte par les investisseurs. Les comparaisons peuvent mettre l’accent sur les taux légaux « affichés » de l’impôt sur les bénéfices des sociétés (IS). Il est possible aussi que les taux effectifs moyens d’imposition ou les taux effectifs marginaux d’imposition aient plus d’importance que les taux affichés, dans la mesure où ils font intervenir des dispositions déterminant le pourcentage de bénéfices qui sont imposables. Les taux effectifs moyens d’imposition envisagent la charge fiscale moyenne applicable aux projets d’investissement tandis que les taux effectifs marginaux d’imposition envisagent la charge fiscale à la marge. Les taux légaux d’imposition peuvent différer sensiblement des taux effectifs, dans la mesure où les bénéfices imposables diffèrent des bénéfices (économiques) effectifs.
La question se pose aussi de savoir quel est le rôle de la planification fiscale (qui est examiné ci-dessous). Une autre difficulté résulte du fait que les réactions de l’IDE aux réformes fiscales risquent de différer d’un pays à l’autre (contrairement à l’hypothèse adoptée par les cadres d’analyse standards) et que l’on peut s’attendre à ce qu’elles dépendent d’un certain nombre de facteurs difficiles à mesurer et à prendre en compte.
Les analyses confirment l’opinion selon laquelle la sensibilité de l’IDE à l’impôt dépend du pays d’accueil et de la mobilité des activités des entreprises sur lesquelles repose la base d’imposition. En particulier, lorsque les entreprises bénéficient de la localisation de leur production sur de vastes marchés de manière à réduire les coûts des échanges, tels que les coûts de transport, on peut prévoir un certain degré d’inertie dans les choix de localisation des entreprises. Du fait des prestations offertes par les pays d’accueil ainsi que d’une certaine fixité du capital, les bénéfices peuvent être imposés jusqu’à un certain point sans décourager l’investissement. Cette opinion est compatible avec la constatation du fait qu’un certain nombre d’économies de l’OCDE disposant de marchés de grandes dimensions et d’entrées importantes d’IDE (comme les États-Unis, le Japon et l’Allemagne) ont des taux d’impôt sur les sociétés relativement élevés. De nouveaux modèles explicatifs laissent également entendre que le taux d’imposition optimal applicable aux entreprises a tendance à baisser à mesure que les coûts des échanges diminuent et que le capital devient plus mobile. Cette opinion est compatible avec la constatation selon laquelle un certain nombre de pays appliquent une charge fiscale moindre aux activités industrielles ou commerciales plus mobiles telles que les transports maritimes, la production cinématographique ou les activités des sièges sociaux.
La plupart des études des effets de la réforme fiscale sur l’IDE laissent de côté les stratégies de planification fiscale utilisées par les investisseurs pour réduire leur imposition. Cependant, il semble que ces activités de planification fiscale soient importantes et qu’elles aient tendance à se développer, et des travaux récents de l’OCDE invitent les chercheurs à prendre en compte les effets des activités de planification fiscale en analysant dans l’analyse de l’incidence de la fiscalité sur l’IDE. Des travaux qui pourraient être menés à l’avenir dans ce domaine pourraient aboutir à une amélioration des estimations de la charge fiscale applicable à l’IDE ainsi que de la sensibilité de l’IDE à l’impôt.
En somme, le système des IDE permet un développement de l’économie, mais il ne faut pas voir dans les IDE la seule voie possible pour que la France soit compétitive. Les moyens internes sont importants dans la poursuite de cet objectif. En effet, la politique publique doit pouvoir agir, influencer le fonctionnement de l’économie et permettre de la diriger vers une meilleure productivité à un meilleur coût, d’où la compétitivité.
CONCLUSION
Le coût du travail en France n’est pas le principal obstacle à la compétitivité française, puisque les coûts salariaux sont compensés par une productivité plus forte, ce qui nous ramène à des coûts salariaux unitaires plus faibles que la moyenne européenne. Certes, il est possible encore de tenter de gagner en compétitivité, mais il semble que ce ne soit pas la priorité et qu’une meilleure politique industrielle d’un côté, et un meilleur pilotage macroéconomique de l’autre soient plus efficaces en matière de croissance, d’emploi et d’attractivité de la France. La France réalise plus des 2/3 de son commerce extérieur avec les autres pays membres de l’Union Européenne et ces échanges sont, globalement, légèrement excédentaires. Le 1er client et le 1er fournisseur est l’Allemagne, pays avec lequel le déficit est redevenu la règle. 12% du commerce extérieur est réalisé avec les autres pays de l’OCDE et ces échanges sont également déficitaires. Le commerce extérieur français reste mal adapté à la demande mondiale. L’industrie française est spécialisée dans des produits dont la demande n’est pas encore très forte, comme l’aéronautique, et est a contraire absente des créneaux porteurs tels que les biens d’équipement ainsi que des biens de consommation à forte technologie.
Par ailleurs, la France exporte relativement peu vers les pays dont la croissance est la plus forte (la Chine mais aussi les États-Unis). La France souffre également d’un problème structurel lié à la taille de ses entreprises qui sont très majoritairement des petites et moyennes entreprises pour lesquelles il est difficile, voire impossible, de vendre à l’étranger.
La France est fortement tributaire de gros contrats tant dans le domaine aéronautique, civil et militaire que pour le matériel ferroviaire et l’énergie nucléaire. Le principal autre pays est la Chine et nos échanges sont là aussi fortement déficitaire. Malgré la force des arguments d’inspiration néo-classique (libérale) en faveur de l’ajustement de l’offre et de la demande de travail par les prix, il semble que le raisonnement keynésien demeure valable en situation de faiblesse de la demande et de sous-emploi des capacités de production : la baisse des salaires peut alors contribuer à accroître le chômage. Les choix de politique économique pour résoudre le chômage dépendent donc du diagnostic posé sur la situation actuelle. La croissance économique contribue donc à produire des effets quantitatifs et qualitatifs sur l’emploi. En principe, elle contribue à en créer puisqu’il faut mobiliser davantage de facteur travail pour produire. De même, elle utilise aussi plus de capital et modifie aussi la structure des emplois en mobilisant une main-d’oeuvre de plus en plus qualifiée. Toutefois, si la création de richesses est le fruit de gains de productivité supérieurs à la progression du volume de biens et de services à créer, la quantité d’emplois à mobiliser sera moindre. De même, on assiste depuis quelques années à une montée de la précarité, et notamment dans le secteur tertiaire. Par conséquent, la croissance doit s’accompagner d’une politique de l’emploi ambitieuse visant à la fois à assurer la reconversion professionnelle des salariés licenciés, à élever le niveau de qualification de chacun, et à faire en sorte que les emplois créés soient de bonne qualité.
Le coût du travail en France n’est pas le principal obstacle à la compétitivité française, puisque les coûts salariaux sont compensés par une productivité plus forte, ce qui nous ramène à des coûts salariaux unitaires plus faibles que la moyenne européenne. Certes, il est possible encore de tenter de gagner en compétitivité, mais il semble que ce ne soit pas la priorité et qu’une meilleure politique industrielle d’un côté, et un meilleur pilotage macroéconomique de l’autre soient plus efficaces en matière de croissance, d’emploi et d’attractivité de la France.
En France, chaque fois que la demande intérieure s’accroît, ce sont les importations qui en profitent davantage que la production intérieure. Toute relance de la demande intérieure s’accompagne d’une aggravation du déficit commercial. Par ailleurs, chaque fois que le commerce mondial progresse, la progression des exportations est inférieure à la progression globale.
Il faut augmenter la compétitivité des entreprises, ce qui suppose des efforts dans 4 domaines principaux:
-lutter contre l’inflation et les coûts pour préserver ou améliorer la compétitivité prix.
-investir dans la recherche pour innover et répondre aux segments de marché les plus dynamiques de la demande mondiale.
-investir dans la formation et la technologie pour améliorer la compétitivité produit en améliorant sa qualité et en étant plus en adéquation avec la demande.
-investir dans la commercialisation pour vendre le produit sans oublier le service après-vente qui permet de mieux satisfaire la clientèle et de la fidéliser.
ANNEXES
Annexe 1 : Extrait du Rapport du Conseil des Impôts
Pour apprécier l’importance relative des différents paramètres aux yeux des chefs d’entreprise, un baromètre classe leurs attentes respectives à l’égard du site d’implantation, lorsque celui-ci est susceptible d’être choisi n’importe où dans le monde.
Le résultat, par ordre décroissant d’importance, en est le suivant :
– se rapprocher d’un marché cible ;
– bénéficier de bonnes infrastructures de transport et de logistique ;
– bénéficier de bonnes infrastructures de télécommunications ;
– disposer d’un environnement et d’un climat social stables ;
– bénéficier d’une zone monétaire stable ;
– disposer d’un droit du travail flexible ;
– se rapprocher d’une main d’œuvre qualifiée ;
– abaisser les charges fiscales de l’entreprise ;
– avoir un environnement administratif et législatif clair et stable ;
– abaisser les coûts salariaux ;
– faciliter la communication avec les autres implantations et les marchés de l’entreprise ;
– offrir une bonne qualité de vie aux salariés ;
– bénéficier d’aides ou de subventions des pouvoirs publics ;
– se rapprocher de pôles régionaux d’excellence ;
– baisser les charges sociales des expatriés ;
– être au contact d’une place financière de 1er plan ;
– bénéficier d’une faible fiscalité des stock-options.
Annexe 2 : Tableau de bord de l’attractivité de la France dans un ensemble de 10 pays
(Allemagne, Belgique, Espagne, Etats-Unis, France, Royaume Unis, Italie, Japon, Pays-Bas, Pologne).
Indicateur | Rang de la France |
Etat leader parmi les 10 référencés |
Infrastructures ferroviaires : densité des voies ferrées à grande vitesse |
1 | France |
Productivité horaire du travail | 2 | Belgique |
Démographie : croissance de la population | 3 | Etats-Unis |
Compétences linguistiques | 4 | Pays-Bas |
Dépenses de R&D / PIB | 4 | Japon |
Coût horaire du travail manfacturier | 4 | Pologne |
Dynamisme endogène : croissance de l’investissement des entreprises sur le marché domestique |
5 | Espagne |
Accessibilité des marchés : mesure du potentiel marchand | 5 | Belgique |
Niveau d’éducation atteint par les 25-34 ans | 5 | Japon |
Infrastructures routières : densité des autoroutes | 5 | Belgique |
Absence de contraintes administratives | 5 | Royaume-Uni |
Marché domestique : croissance PIB sur moyenne période (1990-2003) |
6 | Espagne |
Nombre de jours de grève, hors fonction publique | 6 | Japon |
Internet : nombre d’abonnés ADSL et câble pour 100 habitants | 7 | Belgique |
Capital-risque levé en % du PIB | 8 | Etats-Unis |
Fiscalité des personnes : taux d’imposition des hauts revenus (cas d’un célibataire sans enfant) |
4 | Royaume-Uni |
Fiscalité des personnes : imposition des impatriés | 6 | Royaume-Uni |
Fiscalité des entreprises : taux effectif moyen d’imposition | 6ème sur 7 * | Royaume-Uni |
Source : Tableau de bord de l’attractivité, AFFI, 2004
(*) Le taux effectif (le taux affiché) est choisi car il demeure le taux de référence, néanmoins il n’est pas révélateur de la fiscalité qui pèse sur les entreprises. Le taux nominal, aurait été dans ce sens plus pertinent.
Annexe 3 : Taux effectifs et taux nominaux de l’impôt sur les sociétés en Europe (en % de l’EBE).
Source « L’harmonisation fiscal en Europe », Amina Lahrèche-Révil, CEPII, 2002.
Annexe 4 : Structure des IDE dans le monde par zone d’origine et zone de destination (en %)
en% | Flux entrants | Flux sortants | ||||||
1990 | 1992 | 1994 | 1998 | 1990 | 1992 | 1994 | 1998 | |
OCDE | 84.3 | 70.0 | 58.3 | 58.6 | 96.4 | 93.5 | 93.0 | 92.5 |
Afrique et Moyen-Orient | 2.1 | 2.8 | 3.0 | 2.1 | 0.2 | 1.6 | 0.9 | 0.6 |
Asie (sauf Japon) | 9.2 | 15.3 | 23.8 | 22.3 | 0.4 | 4.5 | 4.8 | 5.4 |
Europe de l’Est | 0.2 | 3.3 | 3.3 | 4.9 | 0.0 | 0.1 | 0.1 | 0.2 |
Amérique latine | 4.2 | 8.5 | 11.6 | 12.1 | 0.4 | 0.4 | 1.2 | 1.2 |
Source : FMI
Bibliographie
– Décret n°96-117 du 14 février 1996 modifiant le décret n° 89-938 du 29 décembre 1989 réglementant les relations financières avec l’étranger
– Chambre de commerce et d’industrie de Paris (CCIP), L’avenir de l’industrie française – entre concurrence et compétitivité, 2008
– Philippe Aghion, Patrick Artus,Mondialisation : les atouts de la France , Conseil d’analyse économique (CAE n.71), 2007
– Marie-France Barthet, Muriel Thoin, Les pôles de compétitivité ; Délégation interministérielle à l’aménagement et à la compétitivité des territoires (DIACT)
2009, 128 pages
– www.ocde.org
[1] Contribution Sociale Généralisée
[2] Organisation scientifique du travail
[3] Loi n° 2008-1258 du 3 décembre 2008 – Journal Officiel n° 282 du 4 décembre 2008
[4] European Aeronautic Defence and Space Company
[5] Le Conseil des impôts est un organisme indépendant d’analyse et de proposition dans le domaine de la fiscalité, rattaché à la Cour des comptes.
[6] Le Monde, vendredi 8 octobre 2004
[7] Les délocalisations ne sont pas toujours aussi rentables que les entreprises le croient, parfois les frais d’installation et de développement d’un site peuvent amputer jusqu‘ à 60% des bénéfices de la délocalisation
[8] Cf Annexe 1
[9] Adrien de TricornoFt, article publié le 24 Mars 2010 dans LE MONDE ECONOMIE
[10] Philippe Séguin, premier président de la Cour des comptes, à l’occasion de la présentation du rapport réalisé par le conseil des prélèvements obligatoires (CPO) pour le Sénat
[11] Software as a Service
[12] Etudier et analyser les techniques de gestion, les modes d’organisation des autres entreprises afin d’en retirer le meilleur
[13] Centre d’information et de recherche sur l’Allemagne contemporaine
[14] Institut Franco-Allemand de Ludwigsburg
[15] Centre Interdisciplinaire d’Etudes et de Recherches sur l’Allemagne
[16] LOI : Letter Of Intent signée par 6 pays et concernant la coopération européenne
[17] UCAV : Unmanned Combat Air Vehicle – avion de combat sans pilote
[18] C’est-à-dire véhicules complets : avion, hélicoptère, lanceur, satellite, missile
[19] Par coût du travail, on entend le salaire brut majoré des cotisations sociales à la charge de l’employeur. Dans l’analyse de la compétitivité de l’économie française, le coût du travail doit être apprécié relativement à sa productivité.
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