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Le Développement de la Sensorialité chez les Bébés Prématurés en Néonatalogie : Une Exploration Musicale

DREZ Ludivine                                                                      le 18 octobre 2015

Ecole de puéricultrices

De Clermont-Ferrand

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Table des matières

INTRODUCTION.. 4

  1. Du choix du thème à l’objet de recherche. 5
  2. Mon Choix de thème. 5
  3. Ma situation d’appel 7
  4. Mon analyse de la situation et mon questionnement 9
  5. L’objet de recherche. 12
  6. De la problématisation à la question de recherche. 12
  7. La problématisation. 12

1.1. Le bébé prématuré. 12

1.2. La famille/ le rôle parental/ le lien d’attachement : 14

1.3. Les pratiques de soins : les soins de développement : 17

1.4. L’éveil sensoriel 19

  1. Question de recherche. 23

CADRE CONCEPTUEL.. 24

  1. Le grand prématuré et le développement de sa sensorialité. 24

1.1. Le développement de la sensorialité post-natale. 24

1.2. L’impact de la naissance prématurée sur le développement de la sensorialité. 26

1.3. Les besoins et les compétences du bébé né grand prématuré en termes de sensorialité. 27

1.4. Les soins de développement 28

  1. La parentalité. 28

2.1. Définition. 28

2.2. Le lien d’attachement 29

2.3. L’impact de la naissance prématurée sur la mise en place de la parentalité. 30

2.4. La place des parents dans les soins en service de réanimation néonatale et de néonatalogie. 31

  1. La puéricultrice. 31

3.1. L’accompagnement des parents d’un bébé né grand prématuré. 31

3.2. Le rôle de la puéricultrice et le lien d’attachement 33

  1. L’éveil sonore en néonatalogie. 34

4.1. Sensibilité auditive du nouveau-né. 34

4.2. Sensibilité auditive chez le bébé né grand prématuré. 35

4.3. La musique et le chant en néonatalogie. 35

Enquête de terrain-Méthodologie d’enquête. 38

  1. Choix et création de l’outil d’enquête. 38
  2. Population concernée. 38
  3. Démarche d’analyse. 38

ANALYSE PAR QUESTION.. 40

CONCLUSION.. 48

BIBLIOGRAPHIE.. 49

ANNEXES  50

 

 

 

 

 

INTRODUCTION

 

Une naissance est considérée comme prématurée lorsqu’elle n’atteint pas les 37 semaines d’aménorrhée. La chance de survie est d’autant plus faible que l’accouchement survient tôt avant le terme. En effet, l’organisme du bébé est encore immature et requiert des conditions particulières pour continuer son développement. C’est principalement pour cette raison que les bébés prématurés sont hospitalisés et séjournent en néonatalogie pour une période plus ou moins longue après leur naissance.

 

Consciente du nombre élevé des naissances prématurées et ayant toujours eu un attrait particulier pour les bébés, je me suis dirigée vers la voie de devenir infirmière puéricultrice. C’est ainsi que j’ai choisi, dans le cadre de ce travail de fin d’études, le thème sur le développement de la sensorialité des bébés prématurés et séjournant en néonatalogie.

 

Plusieurs études ont montré que, même si elle reste faible, la sensorialité des bébés prématurés est bien présente et se développe. C’est pour cette raison qu’il est important de leur aider dans leur développement. Tous les sens du bébé se développent, notamment l’audition. Des professionnels de la musique travaillent dans les unités de néonatalogie pour contribuer à l’éveil des bébés prématurés en leur jouant des morceaux de musique.

 

Après la présentation du choix du thème, je vais élaborer ma question de recherche. Je présenterai ensuite le cadre conceptuel et terminerai pas la partie exploratoire qui contient les résultats et analyses.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

I. Du choix du thème à l’objet de recherche

1. Mon Choix de thème

Depuis mon arrivée en 2011 au service de néonatalogie à l’hôpital mère-enfant de L., j’ai fait mon entrée dans un nouvel univers. Pour moi, le plus marquant fut celui du bébé prématuré.

J’ai été impressionnée de voir ce bébé si fragile et en même temps capable de s’adapter au monde qui l’entoure. Dès lors qu’il est né, il est tellement sollicité!

Au fur et à mesure que je suis restée dans le service, j’ai pu comprendre et avoir conscience de la spécificité d’une telle prise en charge et des responsabilités qui en découlent en tant qu’infirmière.

Par ce premier contact, j’ai pu comprendre le choc que pouvait ressentir les parents en voyant leur enfant. Je suis également consciente que pour eux, il est difficile d’entrer en relation avec lui et de développer des compétences parentales. En effet, la naissance prématurée entraîne un bouleversement au sein d’une famille, à noter que les parents se retrouvent entre le désir et la peur de découvrir leur bébé. Le bébé prématuré est un enfant né se trouvant très éloigné du bébé tel que les parents l’ont imaginé. Ils sont déçus de ne pas avoir vécu jusqu’au bout la grossesse et se sentent aussi responsables.

Au traumatisme de la naissance prématurée s’ajoute la séparation due à l’hospitalisation en service de réanimation néonatale ou de néonatalogie. De plus, les parents s’inquiètent du pronostic vital de leur bébé et des risques encourus par cette naissance prématurée.

 

J’ai été formée au projet de l’unité: les soins de développement, qui visent à favoriser le bien-être et le développement optimal du bébé prématuré. L’approche très humaine, préventive et individualisée de ce projet repose aussi sur une observation attentive du comportement de chaque bébé et une évaluation précise de ses compétences ce qui permet aux soignants et à ses parents de comprendre ses besoins particuliers et d’établir ensemble un programme de soins individualisés.

En effet, les parents ont une place prépondérante dans les soins donnés à l’enfant. Leur rôle est primordial dans le développement de l’enfant, notamment parce qu’ils sont les mieux placés pour lui apporter le soutien nécessaire. De plus, ce sont les parents qui peuvent comprendre leur bébé et lui donner tous les soins dont il a besoin dans la vie quotidienne.

 

L’autre objectif de cette philosophie de soins est d’aider et de soutenir les parents à tisser un lien d’attachement entre eux et leur bébé malgré les circonstances de prématurité.

 

L’attachement est l’une des composantes des liens émotionnellement forts, qui va se tisser entre le bébé et ses parents. C’est un processus progressif et durable, d’une importance toute particulière car le bébé va développer un sentiment de bien-être et de sécurité. Par la proximité qui s’établit entre eux, les parents peuvent répondre aux besoins de leur bébé et créer une base de sécurité pour celui-ci.

La sensorialité du bébé prématuré, notamment le toucher par le peau-à-peau et l’allaitement maternel, peut être un vecteur d’attachement et permettre de valoriser les compétences des parents.

Convaincue des bienfaits de cette philosophie, j’ai le souci de la mettre en place dans ma pratique professionnelle de tous les jours.

 

 

En 2013, selon l’INSERM, la prématurité représente 6,6% des naissances en France, soit 60 000 enfants prématurés qui naissent tous les ans dont 15 000 grands prématurés.

Un bébé est dit grand prématuré lorsqu’il naît entre 28 et 33 semaines d’aménorrhée sachant qu’un accouchement à terme survient à 41 semaines.

 

Avec l’avancée de la médecine et des techniques de soins, il est assez courant de prendre en charge, sur plusieurs mois, ces bébés nés grand prématurés.

En effet, je soigne fréquemment ces bébés et j’ai à plusieurs reprises ressenti des difficultés dans l’accompagnement de leurs parents. J’ai été confrontée à des parents submergés par l’angoisse lors du transfert de réanimation en néonatalogie. J’ai aussi pu constater que certains parents avaient une connaissance très précise des techniques médicales et des pratiques de soins. J’ai vécu plus particulièrement une situation qui explicite mon ressenti.

 

 

2. Ma situation d’appel

Courant 2014, L. est né prématurément à 28 semaines d’aménorrhée.

Ses premières heures de vie ont été difficiles avec un pronostic vital engagé. L. a été intubé et perfusé très rapidement. Cet enfant se trouvait dans un état de santé critique pendant plusieurs jours.

Puis, L. s’est stabilisé.

Son séjour en réanimation néonatale a duré plus d’un mois et demi.

Ses parents disent avoir vécu des moments d’angoisse, rythmés par intubation, taux d’oxygène dans le sang, malaise, poids, perfusion et cathéter central. Ils se disent aussi, durant ce séjour en réanimation, envahis par la peur de perdre de nouveau un autre bébé. Il y a quelques années, leur petite fille est morte dans les bras de sa maman suite à une mort inexpliquée du nourrisson.

Passé ce cap de la réanimation, L. a 34 semaines et il est transféré aux soins intensifs de néonatalogie, situé dans un autre service de l’hôpital. Il a encore besoin d’une ventilation non invasive type «optiflow» dotée de lunettes à fort débit en oxygène.

Au moment du transfert, la maman dit « vivre ce passage en néonatalogie avec beaucoup d’angoisse et d’insécurité bien qu’elle ait pu rencontrer l’équipe et visiter le service au préalable ». Pour elle, l’équipe ne connaît pas son fils et surtout ses besoins en oxygène pendant les soins. Il désature et s’agite. Donc, il est important pour cette maman d’augmenter les apports de L. pour son confort.

 

Quelques jours après son arrivée, je prends en charge L. sur quatre matinées.

Le premier matin de ma prise en charge, la maman de celui-ci arrive dans la chambre et regarde le scope, son taux d’oxygène délivré par la machine et les feuilles de transmission.

Je la rejoins et lui donne des nouvelles de son fils: son poids du jour, son état respiratoire de la nuit, et son sommeil.

Puis, elle me demande de prendre L. dans ses bras et aimerait savoir quand se déroulera son bain. Je lui explique que le bain sera plus tard dans la matinée. Une fois installé, L. s’agite et commence à désaturer. Sa maman est figée et a les yeux rivés sur le scope. Je l’invite à regarder son fils et à lui parler pour le rassurer.

  1. se stabilise et je les laisse tous les deux en peau-à-peau. Je reviens quelques minutes plus tard pour m’assurer que tout ce passe bien et je remarque que le débit d’oxygène a été augmenté. Je demande à la maman si mes collègues sont venus modifier ce débit et elle me répond que non. Elle me rétorque de façon agressive: «C’est moi et de toute façon j’agis pour le bien de mon fils en augmentant l’oxygène».

Je me suis sentie déstabilisée par cette réponse et j’essaye de lui expliquer que c’est à moi de modifier l’oxygène et que je préfère qu’elle m’appelle si L. avait besoin de quelque chose.

Les jours suivants, j’ai ressenti une difficulté dans l’accompagnement de cette maman.

 

Dans le cadre du projet de service, les soins de développement, l’équipe pluridisciplinaire souhaite développer la place de la musique et de la voix chantée en néonatologie afin de privilégier l’éveil et le confort du bébé. L’association Polyson intervient dans le service de néonatalogie depuis peu de temps à raison d’une séance par mois. Les musiciens chantent et jouent de la guitare auprès des bébés en présence des parents. Cette intervention est proposée à la maman de L. Elle accepte avec appréhension car elle a peur que L. soit dérangé.

A l’écoute de la musique, L. est calme, attentif, ouvre les yeux et cherche d’où vient ce nouveau son. La maman semble très surprise et émue de voir son fils réagir de cette manière. Elle lui prend la main et lui parle spontanément. Elle dit «c’est la première fois que L. réagit de cette façon».

  1. écoute sa maman et semble disponible à l’échange.

J’ai été aussi étonnée de la réaction de L. et émue de voir sa maman changer de regard sur son enfant.

 

 

3. Mon analyse de la situation et mon questionnement

Cette situation m’a déstabilisée et m’a fait prendre conscience de la difficulté d’accompagner ces parents ayant derrière eux un long parcours en réanimation.

Je me suis questionnée sur plusieurs points.

 

A la naissance, un bébé prématuré est placé dans un incubateur à la bonne température et au bon degré d’humidité pour lui permettre de maintenir sa température corporelle. Il est branché à de nombreux fils pour permettre une surveillance constante: des électrodes de scope pour la surveillance cardiaque, un capteur de saturation pour l’oxygénation, un brassard à tension, puis il peut s’ajouter à cela une sonde gastrique, des lignes de perfusions, et une ventilation respiratoire plaquée sur le visage de l’enfant. La rencontre entre le bébé et ses parents peut s’avérer difficile notamment, pour certains, il est difficile de voir leur bébé au milieu de tous ces branchements.

 

Cette situation a été pour moi source de questionnement :

– Cette hyper médicalisation peut-elle donner aux parents une vision très médicale de leur bébé et les conditionner dans leur rôle parental?

– Quand il s’agit d’un premier bébé, les parents peuvent-ils se calquer à la réalisation des soins des soignants en se disant qu’elle est la meilleure pour s’occuper de leur bébé?

J’ai le sentiment, dans la situation décrite auparavant, que la maman de L. avait investi son bébé de façon très médicalisée malgré la pratique quotidienne du peau-à-peau et de la toilette. Notamment, elle parle de confort comme une stabilité respiratoire pour L. A-t-elle conscience des compétences de Lubin autre que son oxygénation?

Par ailleurs, son comportement peut-t-il s’expliquer par un besoin de protection, lié à l’éventualité de perdre son bébé ? Cette peur est-elle commune à tous les parents d’enfant né prématuré ou bien lié au fait que cette maman ait déjà perdu une petite fille il y a quelques années de cela ? C’est peut-être aussi un moyen pour elle de se protéger en maîtrisant la santé de L. S’est-elle entièrement investie dans la relation ? Mais, à l’inverse, y aurait-il quand même une forme d’attachement en agissant comme cela? Quels en sont les enjeux?

 

Je m’interroge aussi sur mon accompagnement auprès de cette maman.

Tout d’abord, en tant que future infirmière puéricultrice, je considère l’accompagnement au centre de la relation de soin. C’est l’essence même de notre rôle propre: l’observation, l’écoute, l’aide et le soutien apporté à l’enfant et ses parents. Ceux-ci sont au centre du soin. Une relation de confiance s’établit, ce qui permet d’agir ensemble pour le bien-être et le confort de l’enfant. C’est ainsi qu’un projet commun se constitue. En néonatologie, l’infirmière puéricultrice doit aussi aider les parents à développer des compétences en vue d’être autonomes à la sortie. Elle a un rôle d’éducation et de prévention.

 

En lien avec la situation, l’équipe de réanimation néonatale a accompagné pendant un mois et demi L. et sa famille. Une relation de confiance a pu se tisser. Le changement de service a probablement généré de la peur et une perte de repères chez cette maman. L’insécurité qu’elle évoque peut s’expliquer sans doute aussi par sa méconnaissance de l’équipe et des compétences de chacun de ses membres.

Lors de ma prise en charge de L. ai-je été suffisamment à l’écoute et rassurante auprès de cette maman, l’ai-je mis en difficulté? Peut-être en reportant à plus tard l’heure du bain de L. par habitude de service, je n’ai pas su considérer cette maman comme partenaire de soin? S’est-elle sentie incapable de décider pour lui?

Probablement, le fait qu’elle ait modifié le débit d’oxygène seul pourrait être une conséquence de tout cela.

Donc, quelle attitude aurais-je dû avoir suite à ce comportement?

Peut-on parler d’attitude ou de positionnement professionnel?

 

Je définirais une attitude comme un savoir-être, une des compétences de la profession d’infirmière puéricultrice alors que le positionnement professionnel se définirait de façon plus étendue en englobant mes valeurs personnelles et professionnelles avec toujours cette notion de cadre législatif notamment la responsabilité d’un enfant hospitalisé, et institutionnel.

 

La transmission d’informations auprès de cette maman m’interpelle également. Aurais-je trop parlé en langage professionnel ? ce qui pourrait engendrer ce comportement soignant? Quelles informations aurais-je pu transmettre à la maman de L.?

 

Enfin, je me pose la question, en tant que professionnelle en service de néonatalogie, de savoir s’il existe d’autres supports d’échange et de communication en complément du peau-à-peau, de l’allaitement maternel et de la toilette qui permettraient aux parents de découvrir différemment leur enfant?

Le chant et la musique peuvent-t-ils contribuer à cela?

 

J’ai pu constater que la musique avait suscité un moment de partage et de plaisir commun dans un environnement aux multiples agressions sonores. En effet, l’univers sonore du service de réanimation est surprenant. Il peut être à la fois très bruyant doté de sons inquiétants traduisant un éventuel problème notamment les alarmes des scopes, les alarmes des machines, et même l’activité humaine, et à la fois silencieux. Ces bruits peuvent générer du stress pour les parents et probablement les empêcher de se centrer sur leur bébé.

 

En quoi la musique a-t-elle engendrée ces réactions? Qu’apporte-t-elle? Des conditions sont-elles favorisantes?

 

La musique a pu, probablement, créer un environnement différent et permettre aux parents d’écarter pour un temps la sphère médicale et permettre une interaction.

Pourrait-il être un médiateur dans la relation et permettre donc à la puéricultrice d’accompagner les parents à reconnaître les compétences de leur enfant et les soutenir dans leur rôle de façon complémentaire?

L’infirmière puéricultrice pourrait-elle utiliser auprès du bébé prématuré cet éveil musical en partenariat avec ses parents pour venir créer et renforcer ce lien d’attachement et leur permettre une communication privilégiée.

Dans quel contexte utiliser le chant et la musique? Peuvent-ils faire partie d’un projet d’équipe?

 

4. L’objet de recherche

Je souhaite donc réfléchir à travers ce travail de recherche sur le thème: la puéricultrice et l’éveil sensoriel en néonatalogie permettant aux parents d’interagir avec leur bébé né prématuré (en complément du peau-à-peau, de l’allaitement maternel et de la toilette) afin de renforcer leur lien d’attachement.

 

 

II. De la problématisation à la question de recherche

1. La problématisation

1.1. Le bébé prématuré

Avec la reprise de la natalité et les grossesses multiples qui se sont multipliées, on assiste à  une hausse en nombre des naissances prématurées.

En se référant aux dernières enquêtes nationales périnatales de l’Inserm, selon lesquelles « un bébé sur 5, né avant terme, est un grand prématuré », nous pouvons constater que le nombre de bébés prématurés est élevé. Grâce aux avancées de la médecine, les bébés prématurés peuvent bénéficier d’une prise en charge dans de bonnes conditions et d’avoir plus de chances de survie, même pour les plus immatures. La prématurité est donc devenue un enjeu de santé publique et représente un coût pour la société. Il se pose aussi des questions éthiques quant à l’impact de la prise en charge et à la qualité de survie de ces bébés. Quel est leur devenir ?

 

Les enfants prématurés étant à haut risque de complications néonatales, cérébrales, respiratoires et digestives en particulier, les taux de survie sans pathologie néonatale grave sont plus faibles. Ils atteignent 97% à 32-34 semaines, 81% à 27-31 semaines, 30% à 25 semaines et 12% à 24 semaines[1].

 

Chez les enfants prématurés, on a remarqué que beaucoup souffrent de handicaps fonctionnels comme l’infirmité motrice cérébrale, la cécité ou des déficits au niveau de l’audition. Par ailleurs, on peut également noter la présence de difficultés d’attention, de langage ou d’apprentissage. Ces problèmes peuvent amener à des difficultés scolaires. Par ailleurs, la séparation et le risque de trouble d’attachement peuvent entraîner des troubles de communication et de comportement chez les bébés séparés de leurs parents pendant plusieurs mois, voire même être victime de maltraitance. Les facteurs qui empêchent l’attachement précoce entre le bébé et ses parents, principalement la prématurité, constituent une situation à risque de maltraitance ultérieure pour l’enfant.

 

Pourtant, malgré tous ces facteurs, il me semble indispensable pour la puéricultrice de permettre aux parents d’être en contact avec leur bébé le plus tôt possible.

 

Je m’interroge aussi sur comment aider les parents à entrer en contact ? Dans ma situation d’appel, la maman de L. prenait son fils en peau-à-peau régulièrement. Pourquoi le peau-à-peau est-t-il vecteur d’attachement pour certains parents et pourquoi moins bien avec d’autres ? Est-ce qu’on peut favoriser ce lien autrement, ou en complément du peau-à-peau ? Quelles autres compétences le bébé prématuré peut-il mobiliser pour échanger et communiquer avec ses parents ? Aussi, les parents sont-ils en mesure d’être attentifs aux signaux émis par leur enfant et en capacité de les reconnaître?

 

1.2. La famille/ le rôle parental/ le lien d’attachement :

Le moment de la naissance crée une nouvelle dynamique pour le couple. Ils deviennent parents et avec la venue de ce nouvel enfant, la famille se constitue. Mais une naissance prématurée vient souvent bouleverser ce processus.

Elle peut rendre difficile l’instauration du rôle de chacun du fait du traumatisme potentiel pour les parents et de l’envahissement d’émotions : inquiétude et chagrin pour certains, culpabilité pour d’autres. Certaines mères peuvent se sentir responsables de ne pas avoir conduit leur grossesse à terme et peuvent se sentir incompétentes.

 

Il se surajoute à cela l’hospitalisation du nouveau-né prématuré avec la séparation et le choc émotionnel. Le lien d’attachement peut-être difficile à se mettre en place?

 

A ce niveau de ma recherche, je me questionne sur ce qu’est l’attachement.

 

La théorie de l’attachement, développée par Bowlby, montre que l’attachement est une tendance à établir des liens affectifs privilégiés avec des personnes particulières dites figures d’attachement. Il s’agit d’une dimension fondamentale pour le développement psychique et social de tout être humain. Au cours de l’enfance, l’attachement est un lien basé sur le besoin de sécurité. Ce besoin est primordial chez le bébé et le petit enfant, au moment où l’individu en développement est immature et vulnérable. Donc, le nourrisson s’attache instinctivement à celui qui le soigne. Les réponses de la figure d’attachement permettent à l’enfant de sentir en sécurité. Cela va alors l’encourager à se détacher sereinement et à explorer son environnement. Bowlby parle d’« un équilibre entre les comportements d’attachement envers les figures parentales et les comportements d’exploration du milieu »2.[2]

 

En poursuivant ma réflexion, je me demande sur les façons dont se développe ce lien d’attachement.

Une première phase dite de pré-attachement, selon Bowlby, s’étend de la naissance à huit semaines au moins. Cette période est un enjeu important pour la mise en place du lien d’attachement. Pendant cette période, le bébé utilise des comportements qui ont pour but d’attirer et de faire réagir les personnes qui s’occupent de lui. Des comportements comme l’agrippement, le sourire, le babillage et les pleurs sont dirigés vers toutes les personnes proches du bébé.

 

A la naissance, lors de la phase de pré-attachement, des évènements obligent l’enfant à avoir une stabilité physique et hémodynamique, notamment le peau-à-peau et la toilette. Cette période est d’autant plus importante chez les prématurés que les chez bébés nés à terme. Les soignants peuvent-ils décider de différer l’installation du bébé en peau-à-peau par mesure de précaution ? Qu’en est-il à ce moment-là de l’instauration du lien précoce ?

 

De plus, dans le cadre d’une naissance prématurée, est-ce que l’enfant est capable d’émettre ces signaux et surtout est-ce que les parents sont en mesure de les reconnaître ? Effectivement, dans ma situation d’appel, la maman de L. a découvert son fils capable d’échanger et de communiquer une fois qu’il n’avait plus d’appareillage respiratoire et qu’il était sorti de l’incubateur. J’en déduis que l’incubateur et les appareillages médicaux ont pu empêcher cette rencontre. De même, suivant le terme de naissance du bébé, les temps d’éveil ne sont pas les mêmes et la reconnaissance des signaux serait d’autant plus importante pour permettre l’échange verbale. Un grand prématuré (notamment dans ma situation d’appel L. est né à 28 semaines), aura des moments d’éveil très courts et les mouvements lui demanderont un effort important. De plus, s’il est ventilé ou intubé, il ne pourra pas émettre des pleurs. Ces signaux seront furtifs et difficilement reconnaissables pour ses parents. Par exemple, à la venue du soignant ou de ses parents, le bébé peut soulever un sourcil, voire légèrement entrouvrir les yeux, peut-être même réussira-t-il aussi à bouger un bras ou un pied. L’observation doit être fine et demande une connaissance de l’enfant. Mais les parents n’ont aucune connaissance de leur enfant et de ces réactions. Un sentiment d’impuissance et d’incapacité risque d’apparaître face à cela. De même, il peut se créer un climat d’insécurité et les empêcher d’exercer leur rôle naissant de protection.  « Il est difficile pour eux de s’investir dans la protection d’un enfant pour lequel on ne se sent pas investi d’un rôle unique et spécifique[3] ». Une attention conjointe, accompagnée de la puéricultrice, pourrait-elle aider les parents dans la connaissance de leur enfant ?

 

Il serait également judicieux pour la puéricultrice de procéder à une évaluation des besoins et des capacités des parents  afin de leur offrir un accompagnement personnalisé et ne pas induire des comportements. Sa posture doit être sans jugement, sans agir à leur place, ni les forcer. Il est donc important que la puéricultrice accepte les parents tels qu’ils sont. Elle doit aussi se poser des questions sur la place qu’elle accorde aux parents auprès de leur bébé.

 

Faut-il à tout prix qu’ils maîtrisent certains gestes quand le bébé est en couveuse, notamment le change ou la toilette, d’autant plus si le bébé a une très grande prématurité? A 500g ou à 1000g, les parents ont des appréhensions à toucher leur bébé par peur de lui faire mal. Est-ce le toucher à utiliser en première intention? Je pense que l’objectif principal serait plutôt d’initier l’interaction, et de permettre aux parents d’être dans la communication avec leur bébé et de lui parler. Parler à son bébé serait-il un autre vecteur d’attachement ?

 

Par contre, je m’interroge sur la disponibilité des parents à pouvoir rencontrer leur enfant et être disponible à l’observation et à l’échange. La détresse de la maman et ses propres besoins prennent-ils le pas sur ceux de son enfant, et l’empêchent peut-être d’être suffisamment réceptive aux signaux? Sa vision d’elle-même peut-elle être comme une mère impuissante à soulager la détresse de son enfant et la perspective de s’occuper de lui peut-il la déborder ?

 

1.3. Les pratiques de soins : les soins de développement :

L’environnement des unités de néonatalogie et les pratiques de soins ont fortement évolué. Dans les années soixante, les services qui accueillaient les bébés prématurés n’acceptaient aucune visite de la famille par peur d’infecter ces enfants si fragiles et leurs parents les regardaient à travers une vitre.

Dans les années 70, le docteur Marshall Klaus a démontré l’importance de l’attachement précoce et a été le chef de file dans les soins mère-bébé. Il a pris les devants dans l’ouverture des services de néonatalogie aux parents et a encouragé les parents à s’impliquer dans les soins auprès de leur bébé.

Les soins sont actuellement réfléchis autour de la famille. Petit à petit, la théorie des soins de développement s’étend à tous les services de néonatalogie. Dans les soins donnés à l’enfant, les parents ont la place majeure. En effet,  ils sont considérés comme les personnes les plus appropriées pour soutenir leur bébé, le comprendre et lui apporter tous les soins de la vie quotidienne. Les équipes soutiennent ce lien parent/enfant. De plus, les soins visent à optimiser le développement du bébé prématuré notamment, en offrant des soins individualisés adaptés aux réactions comportementales du bébé et en évitant toutes sur-stimulations délétères pour lui.

Pourtant, le programme a été l’objet de critiques et de controverses car elles sont venues déranger les habitudes de soins bien ancrées. Mais “le paysage de la néonatalogie se transforme petit à petit: la présence parentale se renforce, le peau-à-peau est répandue, le stress et la douleur de l’enfant sont pris en considération[4]”.

Malgré cela, il existe un écart entre l’idéal des soins et sa mise en pratique. Quelles peuvent en être les raisons ? Existe-t-il un frein à cette mise en place ? Comment est considéré ce nouveau projet ? Existe-il une dynamique d’équipe, une cohésion ? Les équipes sont-elles formées à ces nouvelles pratiques ? Qui les forment ? Existe-il un accompagnement dans ces nouvelles pratiques? Peut-il émerger un épuisement par la difficulté ressentie inhérente entre l’écart de l’idéal des soins et de sa mise en pratique ?

 

La présence permanente des parents peut-elle être source de difficultés pour les soignants ? La crainte d’être jugé, critiqué peut rendre le geste plus difficile, chaque geste vécu comme une agression vis-à-vis de l’enfant. Certains soignants peuvent décider de faire certains gestes à l’écart des parents. Accepter de les faire en présence des parents nécessite une explication et une confiance en soi. Avec la mise en place des soins de développement, est-ce que les soignants se sentent assez à l‘aise pour accepter les parents à donner les soins ? Ont-ils la maîtrise de l’observation du bébé prématuré pour accompagner de façon efficiente les parents ? A contrario, certains soignants peuvent-ils impliquer les parents dans les soins plus comme des soignants ?

 

Aussi, j’ai le sentiment que certains soins sont devenus systématiques et non plus individualisées au vue de la tolérance et des besoins du bébé. Notamment, j’ai constaté, par mon expérience professionnelle, que le peau-à-peau était maintenant quasiment obligatoire à chaque venue des parents. L’un des objectifs serait de créer un partenariat entre les soignants et les parents et de les amener à une meilleure connaissance de leur enfant et une autonomie dans leur prise de décision pour son bien-être. Une responsabilité conjointe pourrait s’établir.

 

1.4. L’éveil sensoriel

Pour un bébé, naitre signifie changer d’environnement brutalement et plus encore pour le bébé prématuré. L’enfant est alors confronté au monde extérieur alors que ses sens (toucher, odorat, vision, ouïe) sont en plein développement. Sa sensorialité est déjà bien développée, mais ce processus est bouleversé par la naissance prématurée. Que perçoit-il des différents stimuli qui l’environnent ? Et en fonction du terme, perçoit-il les mêmes stimuli ? De quelle manière ? Des stimulations non adaptées peuvent-elles être délétères pour sa sensorialité ?

 

Lors d’une naissance prématurée, les attentes de l’enfant au niveau de la sensorialité et les stimulations auxquelles il fait face sont dissociées. Ceci est d’autant plus important que la prématurité est précoce. L’intervention humaine peut entraîner du stress et de l’inconfort pour ce bébé prématuré notamment lors des soins médicaux (prise de sang, ventilation respiratoire), mais aussi lors de soins non douloureux comme le change de couche. Le bébé peut être exposé à la douleur, et à une privation de sommeil.

 

Plusieurs études ont montré que l’environnement pouvait moduler le cerveau du bébé prématuré. Le climat stressant qui règne dans l’environnement d’une unité néonatale peut compromettre la maturation et l’organisation des systèmes neurologiques des nouveau-nés prématurés. De même, une inadéquation entre l’environnement extra-utérin et la capacité limité de la sensorialité et du système nerveux du nouveau-né prématuré peuvent avoir des conséquences neuro-développementales négatives d’où l’importance de limiter les excès de bruit, de luminosité, des stimulations douloureuses. Comment entrer en contact avec lui par des stimulations qui lui correspondent ? Sont-elles différentes suivant le terme de l’enfant?

 

L’émergence des différents sens suit un ordre chronologique invariant chez l’être humain. D’abord le toucher, puis l’olfaction, le goût, la proprioception (capacité à repérer son corps dans l’espace), l’audition et enfin la vision. Chez les bébés prématurés, concernant notamment le toucher, la perception et la sensation de l’enfant ne sont pas les mêmes quand il était le liquide amniotique et une fois qu’il est né.

 

L’enfant prématuré, même de très faible âge gestationnel de naissance, a des capacités tactiles relativement fonctionnelles. C’est pour cela que les soignants proposent aux parents des séances de peau-à-peau. Elles apportent des « stimulations positives visant à améliorer l’évolution des prématurés à court, moyen et long terme »[5]. Elles procurent à l’enfant des périodes de calme, d’apaisement. De plus, elles développent  aussi le goût et la future alimentation du bébé ainsi que les interactions mère-enfant. Les soignants se sont emparés de cette méthode. Au sein des services de néonatologie, elle est pratiquée quotidiennement comme j’ai pu vous l’expliquer plus haut. Par ailleurs, la peau d’un nouveau-né est très fragile à l’air libre. Cependant, les contacts proposés dans les soins sont assez souvent agressifs. Cela est désagréable pour le bébé qui préfère les mains contenantes aux frottements.

 

Bien sûr, le peau-à-peau est formidable, les équipes de périnatalogie sont persuadées de son intérêt. Existent-ils malgré tous des difficultés dans sa mise en place? Dans ma situation d’appel, la maman de L. avait ressentie des difficultés dans les interactions avec L. malgré les séances quotidiennes de peau-à-peau ?

Je me pose la question, lors du peau-à-peau, si les parents se sentent à l’aise ? Ils peuvent se sentir maladroits ou peur de faire mal et mal positionner leur bébé. L’insécurité peut-elle empêcher l’échange ? Il pourrait aussi s’ajouter à cela les appareillages : la puéricultrice pourrait  hésiter à mettre en peau-à-peau un enfant ayant une perfusion périphérique précieuse ou un enfant sous oxygénothérapie cela demanderait un temps d’installation assez long et une surveillance accrue avec monitoring et le scope pourrait être source de stress pour les parents. De plus, « le risque est que l’enfant “glisse” et se retrouve lové en boule sur le ventre du parent qui n’ose pas toujours attraper son enfant pour le réinstaller »[6]. Egalement, le peau-à-peau demande à ce que le parent soit torse nu et la proximité peau contre peau peut être ressenti pour le parent comme très intrusive et le fige pendant la séance. De plus, le service entièrement vitré et non muni de stores peut-elle devenir une gêne pour le parent à ce qu’il refuse la séance ?

Il peut aussi y avoir des difficultés d’installation par rapport au moment idéal pour le peau-à-peau. Les parents devraient faire preuve de disponibilité, de même que les soignants.

Les parents ne peuvent pas réaliser l’installation seuls, compte tenu de la complexité au niveau des installations. Ainsi, ils risquent de tirer sur la sonde gastrique, les divers fils, et ils doivent faire attention à une perfusion…L’autonomie est finalement difficilement envisageable pour les parents. De plus, certains parents préfèreraient faire du peau-à-peau le matin ou le soir, vu que des circonstances d’organisation peuvent venir perturber le moment, notamment la toilette, la visite du pédiatre, parfois le kinésithérapeute. Ces organisations constituent un facteur bloquant pour faire le peau-à-peau.

Le peau-à-peau demande aussi du temps, de 1 à 3 heures ou plus. Les soignants présentent-ils le temps du peau-à-peau de la même façon?

 

Face à toutes ces difficultés peut-on mobiliser une autre sensorialité du bébé prématuré pour renforcer le lien d’attachement et amener les parents à ne plus voir leur enfant comme objet de soins. « Tout ce qui favorisera la mise en place d’un lien de la meilleure qualité possible doit être absolument recherché par les équipes soignantes. Il est urgent, dans tous les cas que l’enfant et ses parents se reconnaissent mutuellement, malgré toutes les barrières relationnelles dues à la gravité de l’état de l’enfant, dans cette situation à hauts risques entre le bébé et sa famille[7]”.

Plusieurs travaux récents renforcent cette observation et démontrent que le nourrisson présente une faculté d’audition bien développée très tôt. C’est pour cette raison qu’il est capable de distinguer la voix de son père et celle de sa mère et que, quand la voix semblent lui parvenir de derrière, il tourne la tête. A quels décibels le bébé prématuré peut- il percevoir la voix de ses parents, et combien de décibels peut-il supporter sans que cela soit pour lui dérangeant ?

 

Dans les services qui accueillent les enfants prématurés, le silence est souvent de mise. Les conversations se font en chuchotant, les paroles délivrées aux bébés à demi-mots. Chez les plus immatures, la lumière est en permanence tamisée. Les parents auraient-ils peur de parler à leur enfant de peur de le déranger ? Savent-ils repérer les différents états de veille ou de sommeil dans lequel il se trouve ? Un prérequis, dans la philosophie des soins de développement, pour toute stimulation est de savoir observer l’enfant afin de repérer les différents états de veille ou de sommeil dans lequel il se trouve. Il s’agit en effet de préserver les états de sommeil (calme ou agité) et de ne pas proposer de stimulations tactiles et sonores intempestives dans ce moment-là. D’une part, le bébé ne réagira pas de manière adaptée aux stimulations (réactions de retrait) et d’autre part le sommeil est crucial dans le bon développement cérébral de l’enfant.  De la même manière, il est important de savoir repérer les phases d’éveil calme, où l’enfant recherche la communication, afin d’apporter les stimuli adaptés. La personne qui entre en communication tactile ou sonore avec le bébé doit être vigilante aux modifications comportementales pouvant survenir chez celui-ci, d’autant plus que l’enfant est immature. La puéricultrice devra donc apprendre aux parents à reconnaitre les signes de fatigue ou de stress, tels que agitation, bâillement, réaction de retrait ou de repli, afin d’adapter la durée et l’intensité du stimulus. Peut-elle aussi les accompagner à observer les réactions et comportements de leur bébé lorsqu’ils parlent ou chantent afin qu’ils progressent dans la connaissance de leur enfant. Parler et chanter à ses côtés ou lors d’un soin pourraient être une occasion supplémentaire pour eux de prendre confiance dans leurs capacités à répondre aux besoins de leur enfant et favoriser le lien d’attachement.

 

2. Question de recherche

Ma recherche se situe en service de réanimation néonatale et/ou soins intensifs de néonatalogie dans le cadre de la prise en charge des bébés nés grands prématurés.

 

Ma question de recherche est :

 

Pourquoi et comment la musique et le chant peuvent-ils permettre à la puéricultrice d’accompagner les parents d’un bébé né grand prématuré dans leur parentalité ?

 

 

 

CADRE CONCEPTUEL

1. Le grand prématuré et le développement de sa sensorialité

Un enfant prématuré est un enfant qui se retrouve brutalement au sein d’une unité de réanimation néonatale. Il est ainsi soumis à un environnement très différent de celui dans lequel il se trouvait auparavant, c’est-à-dire le ventre de sa mère, un milieu considéré comme répondant le plus à ses compétences et à ses besoins.

 

Pour le bébé prématuré, toutes les étapes d’adaptation à la vie extra-utérine requièrent des efforts, principalement quand le bébé est un grand prématuré. « Il fait face à un environnement hyper stimulant où bruit, lumière, odeur, froid et sécheresse s’associent aux stimulations répétées et souvent douloureuses en lien avec la prise en charge médicale et paramédicale du service de réanimation néonatale. Enfin, les entraves aux mouvements et les postures imposées sont éminemment anti physiologiques »[8].

 

Il est à rappeler que la grande prématurité fait référence à une naissance ayant lieu entre 28 SA et 32 SA et 6 jours.

 

1.1. Le développement de la sensorialité post-natale

Qu’elle soit à terme ou prématurée, la naissance est une continuité de la vie intra-utérine à la vie extra-utérine. « La formation des sensibilités prépare le nouveau-né à la découverte, puis à la connaissance du monde »[9].

 

Selon plusieurs travaux de recherche, les spécialistes de la naissance s’accordent à dire que le fœtus dispose de capacités sensorielles.

 

Afin d’approfondir la réflexion, je vais d’abord définir ce qu’est la sensorialité. D’après le Larousse, c’est une caractéristique d’un être vivant doté d’un système sensoriel, à noter qu’un système sensoriel désigne une partie du cerveau responsable de la sensation et regroupant les voies nerveuses, les récepteurs sensoriels ainsi que toutes les parties du cerveau destinés au traitement de l’information sensorielle. Il est intéressant de préciser que les systèmes sensoriels comprennent la sensibilité générale et la sensibilité spécifique : la vision, l’odorat, le goût, l’ouïe et le toucher[10].

 

Une succession de plusieurs étapes caractérise les systèmes sensoriels lesquels dépendent des interactions entre le fœtus et le nouveau-né avec leurs environnements humain et physique.

 

Dans l’ordre de leur achèvement, les organes et les systèmes sensoriels sont :

  • La peau et la sensibilité cutanée
  • La proprioception et la sensibilité vestibulaire
  • Le goût
  • L’odorat et la sensibilité olfactive
  • L’ouïe et la sensibilité auditive
  • La vue et la sensibilité visuelle.

Ainsi, ces organes seront mis en service selon leur ordre d’achèvement et la progression de la myélinisation.

 

D’une manière générale, l’organisation globale est achevée avant la naissance. Mais les systèmes sensoriels se développement progressivement après la naissance.

 

Le toucher

Le toucher est « l’organe de la communication qui fait entrer l’autre en soi. Il s’agit donc d’une communication très intrusive et ayant un impact physique et symbolique très fort »[11]. Il s’agit du premier élément qui permet à l’enfant d’établir un échange avec l’autre, une forme de communication non verbale.

 

Il est à noter que le développement de tous les récepteurs a lieu avant la naissance. Il y a donc une forte densité en récepteur sur la surface corporelle d’un bébé comparée à celle sur le corps d’un adulte. Vers la 13ème semaine gestationnelle débutent les connexions neuronales, une étape qui s’achève à la 30ème semaine. Nous pouvons dès lors voir que la sensorialité est importante dès la vie intra-utérine.

 

Chez le bébé né prématuré, il existe des sources de sur-stimulations du fait de la naissance prématurée et afin de l’aider à survivre. En effet, un bébé prématuré est exposé à divers types de gestes sources de stimulations négatives, d’où l’apparition d’une aversion au toucher. Cependant, un nouveau-né a un besoin fondamental d’être touché. Cela amène à renforcer que le peau-à-peau à un rôle important.

 

La formation de la sensibilité vestibulaire vient après celle de la sensibilité cutanée. Cette sensibilité a pour rôle de nous renseigner sur l’orientation de notre corps et nous aider ainsi à contrôler notre équilibre. Chez le fœtus, elle s’exprime par le réflexe vestibulo-oculaire qui peut être observée à 24 semaines ainsi que par le réflexe de Moro, à 32 semaines quand la mère effectue un mouvement brusque[12]. Chez le nouveau-né, elle est sollicitée par le bercement et est appréciée par le réflexe de Moro. Chez le prématuré, elle fonctionne aux environs des 25 semaines, quand le réflexe de Moro peut être évoqué.

 

1.2. L’impact de la naissance prématurée sur le développement de la sensorialité

Une naissance prématurée expose un bébé dans un univers de réanimation néonatale, c’est-à-dire un environnement différent de son environnement intra-utérin.

 

Un nouveau-né est un être vulnérable, et plus encore quand il s’agit d’un prématuré, car il dépend totalement de son environnement. Il est sensible aux agressions physiques et affectives ainsi qu’aux stimulations sensorielles. Il subit ces facteurs sans pouvoir s’y soustraire. Cependant, il reste capable d’exprimer des besoins, attentes et sensations sans pouvoir arriver à satisfaire par lui-même ses attentes. De plus, il est souvent pas ou peu entendu.

 

Le bébé prématuré, comme tout autre bébé, a des facultés. Il sent les goûts, voit, entend et ressent les contacts cutanés. Par ailleurs, il ressent également la douleur. Cependant, ses facultés sont limitées, compte tenu de la prématurité. Il a donc besoin d’un environnement spécifique pour exprimer ses besoins, à noter qu’il a un seuil de tolérance aux stimuli plus faible qu’un enfant né à terme. De là émane une problématique : la surstimulation d’un enfant prématuré en néonatalogie. Cette surstimulation résulte des agressions sonores, corporelles, visuelles ainsi que des perturbations de rythme et de la rupture spatiale. En outre, il peut aussi y avoir un manque de stimulation approprié pour ne citer que l’exemple du portage.

 

On pourra donc comprendre que le bébé né prématuré aura des difficultés à réagir à des stimulations qui vont au-delà de ses capacités d’adaptation.

 

La surstimulation peut entraîner chez le bébé prématuré un trouble de la sensorialité. Cela peut se manifester très tôt :

  • Le trouble de l’oralité
  • Le repli relationnel
  • Le trouble de l’oralité
  • Le comportement d’agrippement
  • L’atonie psychomotrice

Ces troubles peuvent amener à un retard psychomoteur, une reconnaissance partielle de l’unité corporelle.

 

1.3. Les besoins et les compétences du bébé né grand prématuré en termes de sensorialité

Comme nous l’avons déjà vu, un bébé prématuré est doté de capacités sensorielles. Il est ainsi apte à s’autoréguler devant son environnement. Le toucher étant l’une des capacités fondamentales d’un bébé, il est nécessaire que la personne qui le touche sache bien choisir le moment adéquat et prévenir le bébé de sa présence. L’adaptation des gestes est très importante, par exemple on préfèrera la paume au bout des doigts. Le bain devrait être enveloppé afin de procurer au bébé une sensation de chaleur, de réconfort et pour lui rappeler son environnement utérin.

 

Il est important de préciser qu’un bébé prématuré n’est pas un adulte en miniature. En effet, il ne se trouve pas nécessairement dans un état malade, mais son corps est simplement immature, d’où son séjour en néonatalogie. Il a besoin de poursuivre son développement en dehors de l’utérus. Ainsi, en réanimation, son séjour est relativement plus long que celui de l’adulte. Il ressent un besoin d’avoir le soutien de sa famille et d’être entouré par ses parents afin de compléter son développement. Par ailleurs, sa sensorialité est faible, compte tenu de l’immaturité de son cerveau vulnérable et en pleine croissance.

 

Un enfant prématuré est un enfant qui ressent la douleur, comme tout autre enfant. De plus, il est aussi exposé au stress.

 

1.4. Les soins de développement

Les soins de développement ont généralement lieu dans les unités de néonatalogie. Plusieurs modèles existent pour mettre en évidence la présence des parents dans les unités de néonatalogie, notamment le NIDCAP ® (Neonatal individualized developmental care and assessment program ou Programme néonatal individualisé d’évaluation et de soins de développement). Il est étroitement lié à l’approche des soins centrés sur la famille  car il regroupe les soins de développement et ceux centrés sur la famille en prenant les parents comme les principaux corégulateurs du développement du bébé. En effet, l’observation des comportements du bébé : son bien-être en recevant les soins mais aussi son expression de mal-être figure au cœur des soins de développement car les parents y sont associés de manière active ainsi qu’à la prise en charge du bébé. Cette dernière est donc individualisée selon les particularités du bébé.

 

2. La parentalité

2.1. Définition

Selon Claude Lévi-Strauss, une famille est une communauté de personnes qui sont réunies par des liens de parenté. Grâce à la famille, il se crée entre les membres une obligation de solidarité qui est censée favoriser le développement physique, social et affectif de tout un chacun. Comme elle est le lieu d’identité pour l’enfant, la famille a des missions et des fonctions à l’égard de l’enfant. En plus de la transmission génétique, la famille crée un engagement, ce qui demande aux parents d’être responsables de leur enfant, de lui fournir une éducation et de lui procurer le sentiment d’appartenir à sa famille ainsi que le sentiment d’être une personne à part entière.

 

Avec l’arrivée d’un enfant, il se crée des remaniements psychologiques au sein de la famille. C’est ce processus de maturation qui est désigné par « parentalité » définie comme « l’ensemble des réaménagements psychiques et affectifs permettant à des adultes de devenir parents, c’est-à-dire de répondre aux besoins de leur(s) enfant(s) sur le plan corporel, affectif et psychique »[13]. C’est au cours de la grossesse que le fait de devenir parents se construit.

 

La préoccupation maternelle primaire est un état d’hypersensibilité permettant à la mère de « deviner » les besoins de son bébé. Dans le cas d’une naissance prématurée, ce processus peut être bouleversé, ce qui fragilise la triade père-mère-enfant. Pour certaines mères, il se crée un sentiment de culpabilité de ne pas avoir mené à terme leur grossesse. Ainsi, la prématurité rend difficile le rôle de chaque membre de la famille et chacun vit la situation différemment.

 

2.2. Le lien d’attachement

Les premières relations d’attachement sont créées entre le bébé et les personnes qui prennent soin de lui et qui l’élèvent. Cependant, les liens d’attachement se construisent tout au long de la vie.

 

Les premiers instants de la vie du bébé facilitent l’instauration du lien d’attachement. En effet, le bébé naît doté de capacités de discrimination des éléments qui ne font pas partie du familier. Par ailleurs, il s’oriente vers une figure spécifique grâce à ses systèmes sensoriels : l’odorat, la gustation, l’ouïe. Il est à noter qu’une séparation de quelques semaines n’est pas un facteur bloquant l’attachement du bébé à sa mère.

 

Contraire de dépendance, l’attachement aide à survivre et se centre sur le contact de son enfant avec sa mère. Un attachement réussi est indispensable pour construire le sentiment de sécurité et de confiance en soi.

 

La séparation néonatale a un impact sur la relation mère-enfant. En effet, elle est à l’origine d’un traumatisme et renvoie la relation mère-enfant à l’essentiel. La majorité des parents, aux premières rencontres avec leur enfant, reconnaissent qu’ils n’ont accès qu’au minimum quant à leur relation avec leur enfant. Ces comportements qui semblent minuscules sont cependant énormes pour certaines personnes. Cela témoigne que l’enfant occupe une place importante dans la vie de ses parents et qu’il fait partie intégrante du champ de leur désir. De son côté, le bébé, bien que très fragile, essaie aussi d’exprimer son désir. Des études montrent que les saturations en oxygène du bébé augmentent lorsque ses parents s’approchent de lui[14].  Et même un bébé en train de mourir réagit pareillement.

 

2.3. L’impact de la naissance prématurée sur la mise en place de la parentalité

La naissance prématurée a un impact sur l’instauration de la parentalité. En effet, le séjour en néonatalogie crée auprès des parents d’intenses émotions de menace, de peur et de détresse compte tenu du danger vital auquel est exposé leur bébé. Le stress et la peur, de même que les modalités de leur régulation font l’objet de plusieurs théories psychologiques, entre autres la théorie de l’attachement.

 

Il peut en résulter un double traumatisme, c’est-à-dire pour les parents et pour l’enfant.

 

Pour la mère, des questions peuvent venir la tourmenter après la naissance, à la sortie de la maternité : elle s’inquiète et se demande si l’enfant l’aimera, s’il la reconnaitra. En effet, sortir de la maternité sans l’enfant est un cap douloureux pour la plupart des mères. Elles l’associent souvent à une forme d’abandon de l’enfant. Cela renforce le sentiment de culpabilité difficilement apaisée par une réassurance objective. Ce cas est évoqué par des auteurs, par exemple M. Bydlowski[15], qui parle de la perméabilité psychique spécifique à la grossesse, c’est-à-dire le moment où les sensations inconscientes refoulées  frôlent la conscience. Selon cet auteur, un tel vécu perdure chez les mères qui ont des bébés prématurés. La perméabilité psychique qui représente une grande vulnérabilité, correspond à l’attente des mères, c’est-à-dire le sentiment d’être séparée de leur enfant, la radicale coupure et la séparation. Il arrive des fois où une seule petite limite aux attentes de ces mères renvoie à cette dépossession et peut être insupportable. Les effets sont surprenants et parfois sous-estimés par les soignants.

 

2.4. La place des parents dans les soins en service de réanimation néonatale et de néonatalogie

L’importance de l’implication des parents, dans les services de néonatologie et particulièrement dans les services de prématurés, est maintenant un fait bien établi. Les effets bénéfiques sur le développement du bébé en sont démontrés. Les conditions d’une réelle intégration des parents dans les services de néonatologie restent cependant difficiles à mettre en pratique.

 

3. La puéricultrice

3.1. L’accompagnement des parents d’un bébé né grand prématuré

Selon le dictionnaire Le Petit Robert, accompagner signifie « se joindre à quelqu’un pour aller où il va, en même temps que lui », « guider, conduire, escorter et mener ».

 

D’après Verspieren, « accompagner quelqu’un ce n’est pas le précéder, lui indiquer la route, lui imposer un itinéraire, ni même connaitre la direction qu’il va prendre ; mais c’est marcher à ses côtés en e laissant libre de choisir son chemin, et le rythme de son pas »[16].

 

Lors de l’accompagnement des parents d’un bébé né grand prématuré, il est essentiel que la puéricultrice fasse en sorte que les parents soient accueillis de manière à leur permettre d’établir le contact avec l’enfant et de tenter ainsi de diminuer le stress psychologique et le traumatisme physique.

 

L’accompagnement des parents d’un bébé prématuré a pour objectif de les guider dans toutes les étapes consistant à établir les liens d’attachement avec l’enfant. Cet accompagnement permet à l’enfant de retrouver sa place dans la famille qui s’agrandit grâce à lui. Les liens peuvent ensuite se tisser et de développer même si les circonstances de naissances sont défavorables.

 

Afin que l’accompagnement puisse avoir lieu, il est nécessaire qu’une relation de confiance existe entre les parents et les soignants. Ces derniers devraient par conséquent faire usage des mots appropriés pour apprendre aux parents les soins à effectuer sur l’enfant. Par ailleurs, ils doivent aussi savoir gérer l’anxiété des parents, au vu de la situation qui se présente et des complications qui peuvent venir s’y rattacher.

 

Dans toutes les situations post-natales qui se présentent, les soignants doivent jouer le rôle de relais et de soutien, plus précisément un acteur ayant le rôle de trait d’union entre le bébé prématuré et ses parents. La réussite de l’établissement de la relation repose essentiellement sur le pouvoir et le savoir-faire du soignant, celui-ci devant optimiser l’accompagnement des parents. Par conséquent, une relation de confiance réciproque doit venir s’instaurer au sein de la triade parents/enfant/soignant. C’est pour cette raison qu’une attitude empathique devrait être mise en place.

 

Cependant, la mise en place de cette relation de confiance requiert une démarche compliquée. Cela se rencontre fréquemment dans le cas de l’accompagnement des parents de bébés prématurés. Les difficultés ont une origine multiple : découragement, fatigue, voire lassitude des soignants. Mais il peut aussi arriver que la difficulté soit due au comportement des parents qui sont souvent agressifs. Un autre facteur peut également avoir lieu, notamment l’état de santé aléatoire du bébé prématuré.

 

Afin d’aider les parents à devenir acteurs principaux des soins donnés à leur enfant, les soignants se doivent de mettre en place des soins qui dans lesquels ils ne tiennent pas la place principale. Pour cela, ils doivent alors accompagner les parents en leur donnant toutes les explications requises. Les soins et l’accompagnement doivent se dérouler dans de bonnes conditions, c’est-à-dire en fournissant toutes les explications nécessaires et en veillant à ne pas guider les parents.

 

Comme les parents veulent s’occuper de leur bébé au plus tôt, cela leur donnant le sentiment d’être réellement parents, les soignants doivent être présents pour les aider à faire en sorte que les parents aient et appliquent tous les gestes nécessaires dans les soins quotidiens. Pour cela, les soignants se réserveront d’imposer un modèle strict. Ainsi,, ils peuvent, par exemple, créer un petit guide en donnant des explications et conseils simples d’application et faciles à réaliser. C’est grâce à la réalisation de ces soins que les parents peuvent éprouver de la satisfaction et peuvent participer à la vie quotidienne de leur enfant.

 

Les soignants devraient être convaincus que leur présence et soutien sont très importants. Ils doivent rester disponibles et aider les parents en leur donnant un guide au cours du séjour du bébé en néonatalogie.

 

3.2. Le rôle de la puéricultrice et le lien d’attachement

En service de néonatalogie, le système d’attachement des parents devrait être privilégié par les professionnels car celui du bébé peut se développer progressivement lors de la mise en place des interactions avec les personnes qui l’élèvent.

 

La puéricultrice a un rôle très important dans la mise en place et l’entretien du lien d’attachement. Leur rôle consiste à contribuer aux soins et à ce que les parents restent présents auprès de leur bébé. Cela permet de diminuer de manière significative les doutes des parents et d’aider ceux-ci à répondre au mieux aux besoins de leur bébé.

 

En offrant aux parents des soins individualisés et personnalisés, la puéricultrice se trouve à la base de la mise en place du lien d’attachement.

 

« Une étude a été menée en 2010 pendant 10 mois, dans le cadre d’un travail de fin d’études. Des entretiens semi-directifs auprès de 4 infirmières et/ou puéricultrices, 2 auxiliaires de puériculture, 1 cadre et 1 psychologue de deux grands services de réanimation néonatale Ils ont permis de comprendre comment les professionnels peuvent conforter les parents dans leur rôle, d’éclairer l’accompagnement proposé au sein des services de réanimation néonatale et de faire émerger les points essentiels sur lesquels il reste à travailler. Les nombreuses informations obtenues grâce à l’enquête ont pu être regroupées en quatre thèmes :

  • Favoriser l’implication des parents auprès de leur bébé
  • Faciliter l’entrée en relation des parents avec leur bébé
  • Valoriser les parents dans leur rôle
  • Participer à l’accompagnement à la parentalité»[17].

 

4. L’éveil sonore en néonatalogie

4.1. Sensibilité auditive du nouveau-né

La fonction de l’audition est essentielle pour percevoir le monde qui nous entoure et nous permet d’accéder à l’information, à la fonction hédonique, à la communication et à la formation de la pensée.

 

La formation de l’oreille a lieu au cours de la 3ème semaine de gestation et celle de la spirale cochléaire à la 10ème semaine. « Le professeur Rémy Pujol de l’université de Washington avec le professeur Mireille Lavigne-Rebillard de l’hôpital de Montpellier ont attesté que le fœtus pouvait réagir significativement aux stimulations auditives externes en 1992 par des potentiels évoqués cochléaires mais seulement pour des intensités sonores fortes de 100db et des fréquences basses et moyennes »[18].

 

L’enfant réagit plus à la voix humaine qu’à un autre type de son. Par ailleurs, sa sensibilité est élevée par rapport aux changements d’intonation et de rythme de voix. La voix de la mère parvient au bébé un peu déformée mais de deux manières : par les voies internes (les os) et par les voies aériennes.

 

Pour le fœtus, l’intensité nécessaire pour obtenir une réponse diminue au fur et à mesure de la grossesse : de 115 décibels à 20 semaines à 85-95 décibels à 35 semaines[19]. « Au cours des trois derniers mois de grossesse, il présente des réactions physiologiques (mouvements, variations du rythme cardiaque) à l’émission d’un son, il peut distinguer entre deux voix, deux syllabes, deux phrases, (…), il s’habitue à des stimulations répétées et qu’il en est même capable d’apprendre. En effet, il différencie un stimulus maintes fois répété d’un stimulus nouveau. Par exemple, la diffusion journalière d’un texte ou d’un morceau de musique induit une décélération du rythme cardiaque fœtal (…), alors qu’un texte ou un morceau de musique diffusé pour la première fois provoquent une accélération du rythme cardiaque. Mieux encore, le fœtus, comme le prématuré, fait la différence entre sa mère s’adressant directement à lui ou en parlant à une tierce personne »[20].

 

4.2. Sensibilité auditive chez le bébé né grand prématuré

Comme le sens de l’audition est mature vers 33 semaines d’aménorrhée, un bébé né grand prématuré présente une sensibilité auditive moins élevée qu’un bébé né à terme. Par rapport à un enfant né à terme, un grand prématuré ne peut pas accéder directement aux sons à cause de l’existence de bruit de fond de son habitacle. Ce dernier réduit de manière significative l’univers sonore du bébé, en l’empêchant de faire les correspondances entre ce qu’il entend et ce qu’il voit.

 

4.3. La musique et le chant en néonatalogie

Un accompagnement des bébés par le chant et par la musique permet d’observer des réactions d’apaisement, ce qui améliore ainsi leur confort. « Chanter pour un enfant, quoi de plus naturel ? La voix relit le bébé à sa maman et le chant peut transporter le bébé dans un bain fœtal et réconfortant. La berceuse est un chant d’amour, de réconfort et de sécurité. Elle est accompagnée d’un rapprochement physique et émotionnel, qui compte tout autant que la douceur de la mélodie. Elle est un catalyseur émotif direct et puissant pour la communication et le resserrement des liens entre parent et enfant. Cependant, à l’hôpital ce n’est pas si facile, que ce soit pour les parents ou pour le personnel de chanter à l’enfant. Les situations d’hospitalisation des nouveau-nés bouleversent la mise en place du lien mère-enfant, mais la musique peut faciliter le tissage de ce lien en recréant une bulle, un univers sonore favorisant l’intimité et le lâcher-prise, afin que les parents puissent s’approprier l’espace et reprendre confiance »[21].

 

 

Des écrits parlent de l’importance du chant en néonatalogie. En effet, il a été montré que la musique est une forme d’accompagnement efficace pour l’enfant né prématurément ainsi que pour sa famille. C’est dans cette vision qu’a été créé le projet de partenariat entre l’Institut de puériculture et de périnatalogie de Paris et l’association Enfance et Musique. Dans ce projet, les soignants travaillant dans différents services chantent pour les bébés prématurés, et avec les parents.

 

Suite à la prise de conscience sur l’importance du chant en néonatalogie, le Camps (Centre d’action médico-sociale précoce) mène des actions de prévention et de dépistage. Il accueille des enfants de la naissance et jusqu’à l’âge de 6 ans afin de donner les soins les plus précoces dans la prise en charge de diverses maladies telles que les déficits sensoriels, moteurs et mentaux d’enfants de 0 à 6 ans. C’est ainsi que depuis 2001, un atelier musical parents/bébé a lieu une fois par semaine. Cet atelier est animé par des professionnels de la musique.

 

« Une mère expliqua alors les bienfaits de la musique pour elle et pour son enfant et avoua qu’elle aurait souhaité que cela existât avant, au moment où son bébé était tout petit, hospitalisé en service de néonatalogie. La musique aurait alors eu un rôle bénéfique pour lui »[22].

 

« Le projet de chanter en néonatalogie a débuté par une formation proposée à l’ensemble des professionnels des trois services de néonatalogie de l’IPP. De 20003 à 2006, 49 soignantes volontaires (cadre-infirmière, infirmières, puéricultrices et auxiliaire de puériculture) ont adhéré au projet. Une quinzaine de professionnels par an ont ainsi été formés, dans le cadre de la formation professionnelle, grâce au droit individuel de formation (DIF).

La formation se déroulait en deux temps sur une année :

  • Hors de l’IPP, dans les locaux de l’association Enfance et Musique (6 journées par an) ;
  • A l’intérieur de l’IPP dans les différents services (une à deux fois par mois)»[23].

 

Cela nous montre que l’efficacité du chant en néonatalogie est bien prouvée. Son application est effectuée par des professionnels de la musique.

 

 

Enquête de terrain-Méthodologie d’enquête

 

1. Choix et création de l’outil d’enquête

 

Afin de réaliser mon enquête, j’ai souhaité utiliser la technique de l’entretien semi-directif. En effet, concernant mon sujet, il m’a semblé pertinent de rencontrer les professionnels de terrain afin de recueillir leur ressenti, leur pratique  et échanger sur le thème. Le questionnaire n’aurait  pas pu me permettre d’avoir des données  qualitatives.

Pour cela, j’ai souhaité utiliser comme outil d’enquête  une grille d’entretien reprenant les différents concepts retrouvés dans ma question de recherche.  La grille d’entretien contenait des questions ayant toutes un objectif précis, me permettant ainsi de ne pas perdre de vue ce que je souhaitais recueillir. Le point de départ a été le concept d’attachement qui fut décliné par la suite en sous parties identifiées par ma problématisation.  Afin de ne pas influencer les réponses des professionnelles interrogées, j’ai choisi de rester relativement évasive sur le sujet traité et en ne présentant  que l’objet de recherche, point de départ de mon travail.

 

2. Population concernée

 

J’ai rencontré 6 puéricultrices travaillant dans des services de réanimation néonatale au sein de trois Centres Hospitaliers Universitaires (CHU) différents. Leur discours ont été enregistrés à l’aide d’un dictaphone avec leur autorisation.

 

3. Démarche d’analyse

 

Mon choix s’est porté uniquement sur des infirmières-puéricultrices puisque s’agissant de leur formation, le concept d’attachement est développé et je pouvais directement entrer dans le sujet. De plus, j’ai souhaité enquêté dans des services de réanimation néonatale puisque mon sujet concerne le grand prématuré et les premiers instants du tissage du lien d’attachement.

J’ai également voulu interrogées des professionnelles où un projet autour de la musique et du chant est amorcé. Egalement, j’ai souhaitais explorer dans un service n’ayant pas travaillé sur cette question pour pouvoir comparer les pratiques et voir s’il existe un réel bénéfice à cela dans les interactions parents-bébé.

J’ai cherché à comprendre les entretiens dans leur globalité tout en tentant de repérer les réponses correspondantes à mon objet et ma question de recherche. J’ai ensuite approfondie ma lecture en y dégageant des unités de sens que j’ai ensuite répertorié pour chaque question dans un tableau afin d’en faire une analyse quantitative.

Je propose de reprendre l’analyse quantitative et qualitative des informations recueillies à travers chaque question de l’entretien.

 

 

 

ANALYSE PAR QUESTION

Question n°1 :

 

  • Quand avez-vous eu votre diplôme de puéricultrice ?

 

  Année d’obtention du diplôme
Puéricultrice 1 2011
Puéricultrice 2 2012
Puéricultrice 3 2012
Puéricultrice 4 2011
Puéricultrice 5 2009
Puéricultrice 6 2006

 

Les 6 puéricultrices ont été interrogées quand elles ont obtenu leur diplôme. D’après ces résultats, nous pouvons constater que quatre ont été diplômées en 2011 et 2012, ce qui représente 66,67% des échantillons. Les deux autres infirmières ont été diplômées plus tôt, respectivement en 2006 et en 2009. Les réponses recueillies nous permettent de dire que les répondants sont diplômés depuis au moins 4 ans et pourraient donc avoir de l’expérience dans l’exercice de leur profession.

 

  • Depuis combien de temps travaillez-vous ici ?

 

  Année d’expérience en réanimation néonatale
Puéricultrice 1 4 ans
Puéricultrice 2 3 ans
Puéricultrice 3 8 ans
Puéricultrice 4 6 ans
Puéricultrice 5 4 ans
Puéricultrice 6 12 ans

 

Afin de connaitre les expériences des puéricultrices, je leur ai interrogé sur leurs années d’exercice en réanimation néonatale. Les réponses obtenues nous font constater que toutes les puéricultrices ont déjà une expérience significative en réanimation néonatale, c’est-à-dire une expérience d’au moins 3 années.

Question n°2:

 

  • Est-ce que l’instauration du lien d’attachement est une de vos priorités lors de l’accueil du bébé né grand prématuré ?

 

  Oui/Non Quand ?
Puéricultrice 1 Oui Après la phase aiguë de la réanimation et une fois que le bébé est installé et stable. Il débute à l’arrivée du papa.
Puéricultrice 2 Oui, Rapidement
Puéricultrice 3 Oui Retardé en fonction de l’état de santé de l’enfant et après l’avoir « techniqué », il débute avec le papa.
Puéricultrice 4 Oui Dans un second temps après avoir conditionné l’enfant, il commence une fois qu’un des parents est présent notamment le papa.
Puéricultrice 5 Oui A la première visite des parents et le papa en premier généralement
Puéricultrice 6 Oui Avec le papa

 

Toutes les puéricultrices interrogées se sont accordées à répondre par l’affirmative quand elles ont été questionnées sur l’importance de l’instauration du lien d’attachement lors de l’accueil du bébé prématuré. Cela nous permet de voir que l’établissement de ce lien d’attachement occupe une place importante dans l’accueil d’un bébé prématuré.

 

La mise en place du lien d’attachement a principalement lieu après la phase de réanimation. L’instauration de ce lien débute généralement avec le père de l’enfant. L’établissement de ce lien se fait donc très tôt.

Et pourquoi ?

 

Pour le bébé grand prématuré 1 2 3 4 5 6
Bien-être du bébé X X X      
Importance pour le devenir psychique et relationnelle X          
Recréer des repères de sa vie utérine X          

 

D’après les puéricultrices, l’instauration du lien d’attachement est bénéfique pour le bébé car il lui procure un bien-être et joue un rôle dans le devenir psychique et relationnel du bébé. Par ailleurs, il permet au bébé d’avoir des repères par rapport à sa vie intra-utérine.

 

Pour les parents difficulté de mise en place du lien par rapport : 1 2 3 4 5 6
à la séparation du bébé X   X   X X
au choc de la naissance prématurée     X X X  
à la culpabilité de la maman           X
à la technicité, les parents se sentent démunis et dépossédés dans leur rôle X X     X  
au décalage entre le bébé réel et le bébé imaginaire         X  
A la peur de toucher leur bébé/petit poids de naissance, de lui faire mal, l’infecter       X X  
Pour les parents  Pourquoi l’instauration du lien est-il une priorité ? 1 2 3 4 5 6
Les accompagner à entrer en relation avec leur bébé X     X X X
Retrouver une proximité, un contact X   X X X  
Connaissance de leur enfant dès le départ X          
Appropriation de l’enfant X X        
Investissement des parents dans leur rôle X X     X  

 

Cependant, la mise en place de ce lien d’attachement s’avère parfois compliquée, notamment pour les parents, pour de multiples raisons, entre autres le choc de la naissance prématurée, la culpabilité de la mère pour ne pas avoir mené la grossesse à terme, le manque de technique des parents et l’appréhension face à la prématurité, le décalage d’image qu’ont les parents du bébé réel et du bébé qu’ils ont imaginé. Par ailleurs, les parents ressentent aussi de la peur quand ils touchent leur bébé dont le poids est faible. Ils ont peur de lui faire du mal et de l’infecter.

Selon les puéricultrices, l’instauration du lien est une priorité pour les parents car cela leur permet de mieux bénéficier d’un accompagnement adéquat en entrant en relation avec leur bébé et en permettant de se retrouver plus près de lui dès les premiers instants de sa vie.

Question n°3:

  • Que mettez-vous en place pour permettre le tissage de ce lien parents/bébé lors de la 1ère rencontre ? Et au fil des jours, vos actions sont les mêmes ?

Pour permettre le tissage de ce lien d’attachement, la sensorialité n’est pas le premier outil mobilisé par l’ensemble des puéricultrices interrogées. Spontanément, 5 puéricultrices sur 6 évoquent l’explication de l’environnement au papa pour lui permettre de comprendre la situation et qu’il puisse par la suite faire le relai auprès de la maman pour la moitié des puéricultrices.

Ensuite, rétablir une proximité entre le la maman et son bébé est évoquée par 4 puéricultrices pour permettre le contact visuel de la maman et qu’elle puisse en avoir une image réelle par la réalisation de photos (réponse de 3 puéricultrices). Trois puéricultrices précisent l’intérêt de la présence des parents par l’autorisation de leur présence dans le service 24h/24h. Cette réponse confirme que le paysage de la néonatalogie se transforme petit à petit et que  la présence parentale se renforce.[24]

 

Elles utilisent :

  • l’odorat, pour 5 d’entre elles, avec le « doudou » imprégné de l’odeur de la maman
  • le toucher, pour l’ensemble des puéricultrices avec dans un premier temps la proposition faite aux parents de poser les mains sur leur bébé en leur expliquant comment faire afin de respecter les compétences d’un bébé né prématuré.

Je constate quand même par l’unanimité des réponses que les professionnelles sont vraiment persuadées de l’intérêt du peau-à-peau comme vecteur d’attachement, et c’est pour plus de la moitié d’entre elles le principal moyen de rencontre, d’échange et de communication entre le bébé et ses parents. Il permet aussi pour ces mêmes puéricultrices un bien-être et un confort pour le bébé, et une excellente manière « d’entretenir et ne surtout pas rompre » le lien d’attachement et de retrouver des sensations in-utéro.

 

Aussi, il permet de valoriser les compétences parentales pour plus de la moitié des puéricultrices interrogées. C’est donc un outil essentiel dans la prise en soin du bébé né grand prématuré et surtout de ses parents. De même, deux puéricultrices mentionnent que la peau permet aussi d’associer plusieurs sens comme celui du toucher et de l’audition.

 

Question n°4 :

 

  • Quels sont les soins où vous proposez aux parents de participer ?

Les puéricultrices initient les parents à tous les types de soins tout en leur faisant une proposition et sans toutefois leur forcer. Au départ, ce sont les soins les plus simples qui sont proposés aux parents. Cela est évoqué par 4 puéricultrices. Toutes les puéricultrices parlent des soins de confort qui sont les soins les plus proposés par les soignants. Le changement de position est évoqué par deux puéricultrices, de même que les massages des points d’appui et la toilette en collaboration. L’alimentation et les histoires ne sont mentionnées que par une puéricultrice.

 

Interrogées sur les raisons pour lesquelles les soins sont proposés aux parents, les puéricultrices

 

 

Question n°5 :

  • Pensez-vous avoir une réelle maitrise des nuisances sonores et sinon, quelles sont vos priorités ?

L’objectif de cette question était de savoir comment la puéricultrice perçoit l’environnement sonore du bébé prématuré, quelles sont ses actions et est-ce que cela est une priorité pour elle.

Toutes m’ont défini les nuisances sonores en me donnant des exemples comme un pousse seringue électrique « hurlant » à la fin de l’administration d’un médicament ou d’une alimentation, ou du bruit généré par de multiples intervenants auprès du bébé prématuré. Je retrouve finalement par ces réponses l’environnement sonore de la réanimation néonatale décrite dans le cadre théorique et conceptuel.

Les nuisances sonores ont ainsi été identifiées et ces puéricultrices essayent d’œuvrer pour une écologie sonore pour le bébé prématuré. 5 puéricultrices ont comme priorités de limiter le bruit qu’elles-mêmes peuvent faire et d’arrêter les appareils bruyants dès que possible. Mais, toutes ont conscience de la difficulté d’une réelle maîtrise dans cet environnement éminemment bruyant.

Les problèmes évoqués par ce manque de maitrise sont pour 5 puéricultrices, la présence de différents intervenants qui ne sont pas forcément sensibilisé à la limitation des nuisances sonores et de l’importance que cela a pour un grand prématuré. Une puéricultrice explique même que le service où elle exerce a régressé dans la prévention des nuisances sonores et l’équipe porte moins attention à cela. Limiter les nuisances sonores demande d’être attentive au quotidien.

Aussi, les professionnelles semblent manquer d’informations précises sur ce qui peut être dérangeant pour le bébé et à combien de décibels un son peut devenir une nuisance sonore. Il est important de savoir à combien de décibels un son peut déranger le grand prématuré argumente une puéricultrice. Elle m’explique « On n’a pas toujours en tête les répercutions réelles du bruit qu’on fait, tant que ce n’’est pas argumenté par un enregistrement de décibels et il y a un temps où on avait une oreille prêtée dans le service, et finalement elle sonnait rouge très, très régulièrement, avec pourtant des bruits qui nous semblaient pas être très bruyants ou très inconfortables pour les enfants ».

Enfin, pour 3 puéricultrices, la charge de travail ne permet pas toujours d’intervenir rapidement pour couper le matériel bruyant.

Toutefois, un environnement trop calme expose au risque potentiel de déprivation sensorielle et pourrait nuire au développement de l’enfant. Baigner dans un fond sonore agréable est important aussi. C’est pour cela que j’ai souhaité posé la question n°6.

 

Question n°6 :

 

  • Expliquer ce que l’on fait, rassurer pendant un soin, ce sont « les règles de l’art ». Comment utilisez-vous votre voix pour communiquer avec ce bébé grand prématuré ?

 

  1 2 3 4 5 6
Je lui parle X X X X X X
C’est l’intonation de la voix qui prime (différente si l’on s’adressait à un adulte) plus que les explications X     X    
Je parle en continu X     X    
Expliquer à ‘enfant ce qu’on lui fait, le prévenir   X     X X
Modulation de la voix, plus douce et moins forte lorsque c’est un grand prématuré     X X X X
Chanter       X X  

 

 

Pour rassurer le bébé prématuré pendant un soin, les puéricultrices mentionnent qu’elles utilisent la parole. 4 d’entre elles disent que la modulation de la voix est importante et qu’elles essaient d’avoir une voix douce et moins forte quand il s’agit d’un grand prématuré. Seule la moitié des répondants expliquent à l’enfant les gestes qu’elles entreprennent et  deux puéricultrices seulement avouent parler en continu. Deux puéricultrices disent chanter mais l’une d’entre elles a avoué que chanter s’avère difficile et gênant quand il y a du monde autour. Cela nous montre donc que la chanson ne se positionne pas en priorité pour les puéricultrices malgré son importance.

Toutefois, toutes les puéricultrices s’accordent à dire qu’il est possible de stimuler l’audition du bébé, même si celui-ci est un grand prématuré. Selon elles, il est donc important d’inciter les parents à parler à leur bébé sans chuchoter. Par ailleurs, la stimulation de l’audition du bébé peut se faire dès que l’on s’occupe de lui. Il est aussi important de prévenir le bébé de tous les actes à faire.

 

 

CONCLUSION

Cet écrit est pour moi l’achèvement de ma formation. Sa réalisation m’a beaucoup apporté tant sur le plan personnel que sur le plan professionnel. En effet, depuis la recherche bibliographique jusqu’à l’interprétation des résultats d’enquête, j’ai pu réaliser que ce travail a requis à la fois une grande prudence, un esprit large et à la fois capable de synthétiser les informations recueillies, compte tenu des contraintes sur le nombre de pages et du contenu à écrire.

 

Au début de ce travail, je me suis questionné sur les raisons pour lesquelles la prise en charge des bébés prématurés s’avère difficile malgré la formation des professionnels au cours de leur parcours d’études et même lors de leur parcours professionnel. J’ai alors choisi de travailler sur l’importante du chant dans l’éveil de la sensorialité des bébés prématurés. A travers les résultats d’enquête, j’ai pu comprendre et conclure que le chant tient une place importante dans l’éveil du bébé, de même que l’accompagnement des parents dans la prise en charge très tôt de leur bébé souvent loin de l’image qu’ils se font de ce petit être. Les parents sont souvent réticents à s’occuper très tôt de leur bébé. Cela impacte sur la parentalité et peuvent donner aux parents le sentiment de bien s’occuper de leur enfant.

 

 

 

BIBLIOGRAPHIE

  1. de Broca. Le développement de l’enfant, Aspects neuro-psycho-sensoriels. Masson, Collection Abrégés, 2012, 5èmeédition

Bydlolwski M. 2005. La dette de vie. Itinéraire psychanalytique de la maternité. Puf. Paris

Henriette Bloch, Pierre Lequien, Joëlle Provasi. L’enfant prématuré. Paris : Armand Colin, 2003

Henriette Bloch, Pierre Lequien, Joëlle Provasi. L’enfant prématuré. Paris : Armand Colin, 2003

http://pediadol.org/Le-peau-a-peau-des-bienfaits.html

httpp: //www.virginiebasset.com

Jacques Sizn, Bernard Guillois, Charlotte Casper, Gérard Thiriez, Pierre Kuhn /Soins de développement en période néonatale: de la recherche à la pratique, page220

LAMOUR M, BARRACO M. Souffrances autour du berceau, éditions Morin, 1998

Le traumatisme de la séparation néonatale. Mai 2007. N°2007. Cahiers de la puéricultrice

MAMBRINI C. Naître trop tôt, les carnets de parentel, juin 2009

Marie-Claire Busnel, « Audition fœtale et réactivité prénatale à la voix maternelle « adressée » Que savent les fœtus ? Toulouse, ERES « 1001 bébés », 2001

Nelly Massiat. 2012. Permettre aux parents de se sentir utiles pour leur bébé prématuré. Soins pédiatrie – Puériculture. N°265

Nelly Thomas. Modalités d’observation et d’évaluation des fonctions psychomotrices aux différents âges de la vie. Université Pierre et Marie Curie

Voyage au centre de l’audition – Spécialistes Cochlea. Visité le 21/08/2015 – 11h01.Dernière mise à jour : 16/12/2014

www.inserm.fr

 

 

ANNEXES

 

Annexes 1 : Grille d’entretien

Dans le cadre de mon travail de recherche, je souhaite vous interroger sur votre prise en soin de bébé né grand prématuré et plus particulièrement sur l’accompagnement de ses parents. Soyez dans vos réponses au plus près de vos pratiques et non pas dans ce qu’il est recommandé de faire. L’entretien sera enregistré et restera bien sûr anonyme. Il durera environ 45 minutes.

Je vais commencer :

Question n°1 :

  • Quand avez-vous eu votre diplôme de puéricultrice et depuis combien de temps travaillez-vous ici ?

Objectif : Cerner le public, et éventuellement, en faire une analyse quantitative.

Question n°2:

  • Est-ce que l’instauration du lien d’attachement est une de vos priorités lors de l’accueil du bébé né grand prématuré ? Et pourquoi ?

Objectif : Question d’introduction du sujet et recueil du positionnement de la puéricultrice par rapport à la mise en place du lien d’attachement.

Question de reformulation :

  • A la naissance d’un bébé grand prématuré, dans les premiers jours de vie, quelles sont vos priorités à son accueil ?

Question n°3:

  • Que mettez-vous en place pour permettre le tissage de ce lien parents/bébé lors de la 1ère rencontre ? Et au fil des jours, vos actions sont les mêmes ?

Objectif : Connaître le panel sensoriel mobilisé par la puéricultrice pour faciliter le lien et les interactions entre le bébé né grand prématuré et ses parents, explorer un peu plus le peau à peau notamment les objectifs du peau à peau pour la puéricultrice et voir la place accordée à l’audition par la puéricultrice dans la mise en place du lien.

Question de reformulation :

  • Comment initiez-vous la première rencontre entre le bébé et ses parents ?
  • Et lorsque le risque vital est écarté comment privilégiez-vous les interactions entre le bébé et ses parents ?

Question de relance :

  • Quels sont pour vous les objectifs du peau à peau ? Considérez-vous le peau à peau comme un vecteur d’attachement ou plutôt un confort pour le bébé ?
  • L’audition, c’est un des sens assez développé chez le prématuré, est-ce que vous l’exploité pour favoriser l’attachement ?

Question n°4 :

  • Quels sont les soins où vous proposez aux parents de participer ? Pourquoi ?

Objectif : Cerner comment la puéricultrice considère la place des parents dans les soins auprès de leur bébé, plus particulièrement si les puéricultrices impliquent les parents dans l’observation de leur bébé en leurs donnant des éléments d’observation de ses compétences. L’objectif serait de les aider à trouver leur juste place dans les soins.

Question de reformulation :

  • Comment impliquez-vous les parents auprès de leur bébé?

Question de relance 

  • Comment amenez-vous les parents à prendre conscience des compétences de leur bébé ? Leur apprenez-vous à observer leur enfant et pourquoi ?
  • Avez-vous besoin de leur observation pour mettre en place des actions personnalisées, adaptées aux besoins du bébé.

Je m’intéresse plus particulièrement au sens de l’audition du bébé prématuré. Quand on parle de soins de développement, on pense d’abord à limiter les nuisances sonores liées à l’environnement….

Question n°5 :

  • Pensez-vous avoir une réelle maitrise des nuisances sonores et sinon, quelles sont vos priorités ?

Objectif : Savoir comment la puéricultrice perçoit l’environnement sonore du bébé prématuré, quelles sont ses actions et est-ce que cela est une priorité pour elle.

Question de relance:

  • Qu’est-ce que pour vous une nuisance sonore et que mettez-vous en place dans votre pratique pour les éviter? Est-ce que c’est une priorité pour vous ?

Question n°6 :

  • Expliquer ce que l’on fait, rassurer pendant un soin, ce sont « les règles de l’art ». Comment utilisez-vous votre voix pour communiquer avec ce bébé grand prématuré ?

Objectif : Cerner la place de la voix de la puéricultrice dans les interactions bébé/soignant, voir si elle perçoit des stimulations sonores comme positives et utiles au développement et au confort du bébé.

Question de relance :

  • A votre avis, quand et comment peut-on stimuler l’audition du bébé grand prématuré de façon positive ?

Question n°7 :

  • Est-ce que dans votre pratique quotidienne, vous utilisez la musique et le chant pour communiquer avec ce bébé.
  • Si non pourquoi ?
  • Si oui pourquoi et comment ?

Objectif : Recueillir le point de vue de la puéricultrice sur la place de la musique et du chant en réanimation néonatale et voir quelle place elle leur accorde dans sa pratique professionnelle. Comment les utilisent-elles ?

Question de reformulation :

  • Avez-vous déjà chanté auprès du bébé prématuré ou mis de la musique ? A quelle occasion ?

Question de relance :

  • Si oui, quelles réactions du bébé avez-vous pu observer ? Et si les parents étaient présents quelles ont été leurs réactions ?

Question 8 :

  • Est-ce que la musique ou le chant pourraient vous aider à amener les parents à entrer en communication différemment avec leur bébé ? Quel en serait l’intérêt ?

Objectif : Voir si la musique et le chant sont perçus par la puéricultrice comme un soin, et/ou comme un outil dans l’accompagnement à la parentalité. Savoir si la musique et le chant ont leur place dans le projet de soin de l’enfant?

Question de reformulation :

  • La musique et le chant peuvent-ils vous aider à soutenir la parentalité ?

Question 9 :

  • Dans votre prise en charge quotidienne auprès du bébé né grand prématuré et de ses parents, pensez-vous pouvoir utiliser la musique et le chant? Comment ?

Objectif : Savoir si la puéricultrice pourrait envisager de façon concrète la musique et le chant dans sa pratique quotidienne et de quelle façon.

Question de reformulation :

  • Pourriez-vous chanter lors des soins ?
  • Avec les parents ? Ou bien les inviter à chanter ?

Question de relance :

  • En collaboration avec les parents pendant un soin douloureux ou pendant un moment de confort et de partage ?
  • Ou bien dans le cadre d’un projet de service faisant intervenir des musiciens ?

 

 

[1] www.inserm.fr

Consulté le 17 octobre 2015

[2]

[3] Jacques Sizn, Bernard Guillois, Charlotte Casper, Gérard Thiriez, Pierre Kuhn /Soins de développement en période néonatale: de la recherche à la pratique, page220

[4] Jacques Sizn, Bernard Guillois, Charlotte Casper, Gérard Thiriez, Pierre Kuhn /Soins de développement en période néonatale: de la recherche à la pratique, page223

[5] http://pediadol.org/Le-peau-a-peau-des-bienfaits.html

Consulté le 17 octobre 2015.

[6] Ibid.

[7] Catherine Druon/ A l’écoute du bébé prématuré.

[8] MAMBRINI C. Naître trop tôt, les carnets de parentel, juin 2009, page 6

[9] Henriette Bloch, Pierre Lequien, Joëlle Provasi. L’enfant prématuré. Paris : Armand Colin, 2003.p.43

[10]

[11] A. de Broca. Le développement de l’enfant, Aspects neuro-psycho-sensoriels. Masson, Collection Abrégés, 2012, 5èmeédition. p25.

[12] Henriette Bloch, Pierre Lequien, Joëlle Provasi. L’enfant prématuré. Paris : Armand Colin, 2003.p.57.

[13] LAMOUR M, BARRACO M. Souffrances autour du berceau, éditions Morin, 1998, page 28

[14] Le traumatisme de la séparation néonatale. Mai 2007. N°2007. Cahiers de la puéricultrice. p.27

[15] Bydlolwski M. 2005. La dette de vie. Itinéraire psychanalytique de la maternité. Puf. Paris

[16] Verspieren, 1984

[17] Nelly Massiat. 2012. Permettre aux parents de se sentir utiles pour leur bébé prématuré. Soins pédiatrie – Puériculture. N°265

[18] Source : site web : Voyage au centre de l’audition – Spécialistes Cochlea. Visité le 21/08/2015 – 11h01.Dernière mise à jour : 16/12/2014

[19] Nelly Thomas. Modalités d’observation et d’évaluation des fonctions psychomotrices aux différents âges de la vie. Université Pierre et Marie Curie. 2003. p.14.

[20] Marie-Claire Busnel, « Audition fœtale et réactivité prénatale à la voix maternelle « adressée » Que savent les fœtus ? Toulouse, ERES « 1001 bébés », 2001, 104 pages. URL: www.cairn.info/que-savent-les-foetus–9782865865475-page-35.htm.

[21] Virginie Basset/ httpp: //www.virginiebasset.com

[22] Cahiers de la puéricultrice. Janvier 2009. N°223

[23] Ibid.

[24] Sous la direction de Jacques Sizun, Bernard Guillois, Charlotte Casper, Gérard Thiriez, Pierre Kuhn. Soins de développement en période néonatale: de la recherche à la pratique. Paris. Springer, 2014, page 223.

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