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Le droit des étrangers et la dualité juridictionnelle

Le droit des étrangers et la dualité juridictionnelle

 

Introduction

 

« En France, un habitant sur trois est d’origine étrangère, à la première, la deuxième ou la troisième génération ; que dans les années 20 ce pays compte le taux d’immigration le plus fort du monde, avant même les USA ». La France est ainsi qualifiée de terre d’asile et d’immigration. 

La situation n’est pas sans engendrer certaines difficultés. Malgré le constat français, la méfiance gagne toujours, et la population, et les pouvoirs publics. Il est un fait que l’étranger a toujours suscité cette méfiance et la défiance de la part des autochtones et ce dans chaque société. Mais qui est l’étranger ?

Puisque la nationalité peut être définie comme « le lien juridique qui rattache une personne, physique ou morale, à un Etat », sont donc des nationaux les individus qui ont des liens juridiques avec un Etat donné, et qui sont assujettis au droit de cet Etat. Il s’en déduit à contrario que, sont des étrangers tous les individus qui ne peuvent justifier du lien juridique de la nationalité avec l’Etat d’accueil et qui ne sont donc pas, en principe et dans certains domaines, assujettis au droit de cet Etat.

Les étrangers ont des droits. D’ailleurs, les étrangers et les nationaux jouissent ensemble des droits et libertés publiques. Ces libertés publiques consacrent les libertés individuelles qui s’imposent à tous, même à la puissance publique. D’ailleurs, les pouvoirs publics ne peuvent en contester l’existence, ni leur application. Ainsi, le Conseil d’Etat a-t-il jugé que les étrangers ont, au même titre que les nationaux, droit à une vie normale.

En France, les textes relatifs au Code de l’entrée et du séjour de l’étranger et du droit d’asile restent applicables depuis le 1er mars 2005 et définissent comme « étranger » celui qui n’a pas la nationalité française. Il faut différencier la notion d’étranger à celui d’immigré. Ce dernier, bien que n’étant pas réellement de parents français,  peut avoir la nationalité française, par mariage ou par naturalisation.

Notons également qu’il nous faut faire ici la différence entre étrangers issus de l’Union Européenne et étrangers qui ne sont pas ressortissants de l’Union Européenne. La distinction n’est pas anodine eu égard au droit particulier qui régit les Etats membres de l’Union Européenne dans leurs relations entre eux. Cette distinction permet ainsi de déterminer les droits de la personne car les ressortissants de l’Union bénéficient d’un traitement plus souple comparé à celui réservé aux ressortissants d’autres pays non membres.

Au niveau européen, le Traité de Maastricht a créé une nouvelle catégorie d’étrangers privilégiés : ce sont les ressortissants des Etats membres qui ont un statut quasi-national. Le privilège des ressortissants européens est marqué par la « libre circulation sur le territoire européen » et « l’égalité de traitement avec les nationaux ». Cela signifie que tout ressortissant de L’Union européenne a le droit de travailler et de vivre dans tous les pays membres de l’UE. Il s’agit d’une liberté fondamentale prévue par l’art. 39 du traité CE. Le ressortissant de l’UE a la possibilité de chercher un emploi dans un autre pays, de s’y établir pour des raisons professionnelles et d’exercer son activité sans avoir besoin d’un permis de travail au préalable. Il peut également choisir de s’y établir même quand il n’y exerce plus son emploi.

Il bénéficiera alors des mêmes traitements que les citoyens de son pays d’accueil en ce qui concerne les conditions de travail, l’accès à l’emploi, et tous les autres avantages fiscaux ou sociaux pour la facilitation de son intégration dans le pays d’accueil. 

Cette liberté de circulation et l’égalité de traitement en faveur des ressortissants des pays membre de l’Union ont été concrétisées par les accords de Schengen qui ne concernaient au départ que cinq Etats européens (la France, la RFA, la Belgique, le Luxembourg, les Pays-Bas) et qui étaient surtout destinés à faciliter la libre circulation des personnes au sein du marché commun, sans contrôle aux frontières intérieures de cet espace. L’objectif était d’installer progressivement la libre circulation au sein de l’espace commun, pour l’étendre plus tard à tous les Etats membres.

Le principe repose sur la disparition des frontières intérieures et le renforcement des frontières extérieures ce qui revient à conclure par une mise en place d’un instrument de contrôle, de standardisation des entrées du territoire européen pour la sécurité des citoyens au sein de cet espace juridique. Un dispositif d’entrée a été instauré par le biais d’une coopération entre les Etats membres : standardisation de politique de visa de courte durée et le visa long séjour, ce dernier étant du ressort des autorités nationales (art.18 de la Convention). 

Remarquons cependant qu’un règlement communautaire donne aux visas long séjour une valeur comparable à celle du visa court séjour. De cette manière, le titulaire d’un visa court séjour est libre de circuler et de séjourner dans l’Union européenne de la même manière qu’un titulaire d’un visa long séjour. 

En contrepartie, une harmonisation des modalités de contrôle a été instituée sur toutes les frontières extérieures : terrestres, portuaires et aéroportuaires par des règles communes de franchissement et de contrôle de personnes aux frontières : mêmes documents demandés, liste commune des pays pour lesquels un visa est exigé, harmonisation  des modalités de contrôle et de traitement des demandeurs d’asile. 

Cependant, pour éviter que la libre circulation ne permette à certaines catégories de personnes de se soustraire ou de soustraire certains biens de l’autorité de leur Etat, des dispositions ont été prises pour opérer une restriction à la liberté de circulation. Ainsi un système d’information Schengen (SIS)  permet des échanges d’informations sur les personnes signalées ou pour les objets volés. C’est un instrument de contrôle de l’immigration clandestine au service de la police migratoire. Avec le règlement de 2004 le SIS s’est doté de nouvelles fonctions en matière de lutte contre le terrorisme. Disposition qui a été prise par les Etats membres de l’espace Schengen pour faciliter la coopération policière et judicaire depuis l’ouverture des frontières intérieures de cet espace Schengen. 

Les étrangers issus de l’espace commun de l’Union Européenne bénéficient de protections destinées à leur permettre de se déplacer à leur guise au sein de cet espace pour promouvoir l’économie européenne et préserver ainsi les intérêts de l’Union. Ils bénéficient alors d’un statut très favorable les mettant presque sur le même pied que les nationaux d’un Etat membre de l’Union. 

Pour ce qui est des étrangers non européens, il en va autrement. En effet, ils ne bénéficient pas des privilèges que nous venons de citer et doivent impérativement remplir les conditions légales requises qui puisse leur permettre de s’établir paisiblement sur le territoire français. Des conditions contraignantes qui sont destinées à limiter la trop grande affluence des immigrants sur le territoire français, notamment venant des anciennes colonies. Et c’est cette catégorie d’étrangers qui nous intéresse dans le cadre de ce travail. 

Le cas des étrangers en France est multiple, il y a ainsi des étrangers qui demandent une entrée sur le territoire français afin de s’y établir pour une courte période. D’autre qui veulent rester pour une longue durée, étant ainsi obligés à faire une demande de titre de séjour, de certificats de résidence et d’autorisations provisoires de séjours. Il y a également ceux qui ont besoin de ce que l’on appelle contrat d’accueil et d’intégration, ceux qui veulent s’établir en France pour des raisons professionnelles, pour étudier, pour rejoindre leur famille ou encore pour demander l’asile et prendre refuge. Autant de situations qui doivent être encadrées par les autorités compétentes et qui entrent dans la sphère du droit des étrangers.

Les étrangers sont ceux qui ne font pas partie d’un groupe social, communautaire ou national. Mais qui n’en ont pas moins des droits, et cela même si le statut des étrangers repose souvent sur des principes d’interdiction bien que des libertés mettent en équilibre ces interdictions. Leur statut reflète une liberté définie par des droits et libertés à travers des textes législatifs ou constitutionnels, mais aussi des restrictions par des mesures « discriminatoires » qui vont contribuer à les marginaliser par rapport aux nationaux. Ce qui explique l’inégalité de traitement et de droits entre les nationaux et les étrangers.

 

  1. Bref aperçu  de l’évolution du droit des étrangers dans le droit français

Après la Révolution Française de 1789, le droit des étrangers se caractérisait par le fait que tous les étrangers nés en France pouvaient bénéficier de la nationalité française, c’est le « jus soli ». La raison en était, selon Saint-Just, un des pères de la Révolution, que la patrie d’un peuple libre est ouverte à tous les hommes de la terre. Un raisonnement qui n’a pas résisté aux oppositions de la part d’ailes radicales ou nationalistes, notamment à compter du XIXème siècle, qui auront pour résultat de consacrer le « jus sanguinis » dans les lois traitant de la nationalité.

En 1849, une loi du 3 Décembre avait renforcé les prérogatives régaliennes et le pouvoir discrétionnaire du gouvernement en légalisant pour la toute première fois le principe de « double peine » qui fait office de référence en matière de droit de l’immigration en France. 

Le principe de la double peine consiste dans un premier temps à mettre en œuvre toutes les dispositions et mesures nécessaires afin d’expulser le ressortissant étranger en situation irrégulière ; et lorsqu’il y a refus d’obéissance aux forces de l’ordre, ou incitation à la désobéissance de ses comparses face aux forces de l’ordre et autorités compétentes investies des pouvoirs d’expulsion, l’Exécutif est autorisé à sanctionner le ressortissant étranger par une peine privative de liberté ainsi qu’une reconduite aux frontières après avoir purgé la peine.

De nos jours, le principe de la double peine est fortement contesté du fait de son caractère excessif et non dissuasif. 

Vers la fin du XIXème siècle cependant, on assistera à la restauration du « jus soli », notamment par une loi du 26 juin 1889 qui permettra à tout étranger né en France et ayant grandi jusqu’à sa majorité sur le sol français de bénéficier automatiquement de la nationalité française, indépendamment du fait que les parents étrangers aient résidé ou soient nés en France. La consécration du « jus soli » demeurera la position de la France en matière de migration jusqu’à la Troisième République.

Car à l’aube de la troisième République, un regain de xénophobie se fait sentir en France, ce qui a pour conséquence l’adoption d’une multitude de lois et décrets prônant notamment des règles plus difficiles en matière d’acquisition de la nationalité par des étrangers ainsi qu’un verrouillage du secteur de l’emploi.  Le 10 août 1932, une loi sur le travail entend préserver la main-d’œuvre locale et nationale en marginalisant la main-d’œuvre étrangère afin de résorber la crise financière et économique qui a été engendrée par le fameux jeudi noir.

Cette xénophobie à l’encontre des étrangers est d’autant plus exacerbée sous la France de Vichy qui entendait non seulement restreindre l’accès des étrangers au secteur de l’emploi, mais également remettre en cause les nationalités déjà accordées à des étrangers à travers la révision de naturalisations déjà octroyées. Et cela par le biais de lois telles que celle du 16 juillet 1940 qui organise la procédure afférente à la déchéance de la nationalité française obtenue par des étrangers, ou encore celle du le 27 septembre 1940 qui consacre des travaux forcés frappant les étrangers qui seraient jugés de trop dans l’économie française, en d’autres termes ceux qui risqueraient de porter atteinte au marché de l’emploi pour les Français.

Mais cette situation ne durera pas, car l’ordonnance du 2 novembre 1945 codifiera et remaniera en profondeur tout le droit des étrangers en France, notamment concernant les conditions de séjour et d’entrée. Ordonnance qui deviendra la seule référence en matière de droit des étrangers dans le droit français et institue l’Office National de l’Immigration. Du moins jusqu’en 1980. En effet, le 10 Janvier 1980, la loi dite « Bonnet » entre en vigueur. Modifiant l’ordonnance de 1945, cette nouvelle loi entendait mettre en place les instruments d’un encadrement plus efficace de l’immigration. 

La garantie essentielle qu’elle proposait fut l’obligation de présenter des garanties de retour dans le pays d’origine pour l’étranger qui entre sur le territoire français sous le titre de  touriste ou d’une simple visite. Elle fit également transposer le droit de l’expulsion d’une logique préventive à une logique répressive en gardant la menace à l’ordre public comme motif d’expulsion dans le cadre du séjour irrégulier d’un étranger. C’est dans cette logique que les pouvoirs publics légalisèrent l’existence des centres de rétention  pour étrangers retenus dans l’attente de leur retour dès lors qu’il leur était opposé un refus d’entrer sur le territoire national. Le Conseil constitutionnel  ne sanctionna que partiellement ces dispositions dans la mesure où elles prévoyaient une intervention judiciaire tardive dans le cadre d’une privation de liberté pour les étrangers.

Le droit des étrangers prendra un nouveau visage avec la loi Pasqua du 29 Aout 1993 qui exigeait que tout étranger puisse, outre les conditions déjà  posées par la législation en vigueur, justifier de moyens d’existence suffisants pendant son séjour sur le sol français. Par ailleurs, bien qu’il ait maintenu la carte de résident de plein droit, le législateur en a redéfinit  les catégories en y ajoutant des conditions plus restrictives.

Pour renforcer cette politique rigoriste de l’immigration, la loi du 24 avril 1997, dite « loi Debré », durcit encore davantage les dispositions de la loi Pasqua en permettant notamment la confiscation des passeports des étrangers en situation irrégulière, et en systématisant le relevé de leurs empreintes digitales. Par ailleurs, la loi Debré entendait également limiter les pouvoirs du juge en matière de rétention. 

Bien que jugées excessives par l’opinion publique, ces deux lois n’ont par la suite jamais été totalement remises en cause même si elles ont subies quelques infléchissements, introduits notamment par les réformes de deux lois : les lois « Guigou » et « Chevènement » qui allaient dans le sens d’un assouplissement des législations antérieures en supprimant notamment la condition de la manifestation de volonté dans le cadre du « jus soli » (loi « Guigou ») ; ainsi que le rétablissement des catégories d’étrangers agréés au titre de séjour de plein de droit.

Outre ces mesures d’assouplissement significatives, les nouvelles lois Chevènement et Guigou disposèrent l’obligation de motivation aux autorités consulaires en cas de refus de visa, bien que cette obligation ne fût circonscrite qu’à certaines situations bien précises. Par ailleurs, ces lois supprimèrent également l’impératif du certificat d’hébergement au bénéfice d’une simple attestation d’accueil. D’autres mesures spécifiques favorables aux retraités furent en outre instituées.

Malheureusement toutes ces réformes ont également contribué à rendre encore plus confus le droit des étrangers déjà très complexe. Le Premier Ministre de l’époque, M. Lionel Jospin en disait, « Notre législation en ce domaine a été rendue complexe, parfois incohérente, et surtout incompréhensible, par trop de modifications successives. […] La République accueille ses hôtes selon ses lois qui doivent être claires et précises ».

Devant cette confusion patente et l’insécurité juridique qu’elle apportait aux justiciables, un projet de codification fut mis en chantier par la Commission Supérieure de Codification le 4/12/1995 afin de clarifier la situation. Projet qui a été mis en marche par Nicolas Sarkozy en 2003 par le biais de sa loi éponyme dont l’article 92 avait laissé au gouvernement la faculté d’adopter par voie d’ordonnance le volet législatif du code d’entrée et de séjour des étrangers. Dans un souci de cohérence juridique, la loi Sarkozy avait disposé en outre à ce que la codification se fasse à « droit constant » afin d’assurer selon ses propres dispositions «le respect de la hiérarchie des normes et la cohérence rédactionnelle des textes ainsi rassemblés et harmoniser l’état du droit ».

Notons que cette loi avait également apporté des modificatifs assez significatives et très restrictives aux dispositions de l’ordonnance de 1945. Venues modifier les apports de la loi du 11 mai 1998, ces dispositions entendaient ainsi apporter un aspect beaucoup plus répressif notamment concernant la durée de rétention des étrangers en situation irrégulière (le délai passe ainsi de 12 jours à 32) ; le peines prévues pour les infractions à la réglementation sur l’entrée et le séjour (en particulier l’aide au séjour irrégulier). 

Dans cette même logique restrictive, la loi Sarkozy avait réinstitué les formalités contraignantes de l’attestation d’accueil, ainsi qu’un contrôle beaucoup plus accru des mariages mixtes. Enfin, si elle avait pris l’initiative d’aménager la « double peine », la loi Sarkozy n’a pas entendu pour autant l’abolir. 

Mais si la loi Sarkozy avait accentué dans son ensemble une fois de plus le côté restrictif du cadre juridique régissant l’entrée et le séjour des étrangers en France, elle a tout de même instauré une innovation majeure qui n’avait jusque là jamais été mise en place : il s’agissait de l’instauration du contrôle par le Parlement des mesures entreprises par le gouvernement dans le domaine de l’immigration. En effet, dans ses dispositions préliminaires, le texte impose au gouvernement le dépôt devant le Parlement d’un rapport relatant les « orientations pluriannuelles de la politique d’immigration ». Ce rapport, selon la loi en question, doit contenir  toutes les données chiffrées en matière de titres de séjour, de regroupement familial, de mesures d’éloignement, de moyens mis en œuvre pour faire face à l’immigration clandestine etc. Bref, une véritable vitrine sur la politique migratoire du gouvernement. 

Si l’innovation introduite peut jouer en faveur de la protection du droit des étrangers en ce qu’elle oblige le gouvernement à évaluer de près les mesures qu’il prend avant de les appliquer et de risquer en cas d’excès dans l’un ou l’autre sens la sanction du législateur, elle peut malheureusement également aller dans le sens contraire en suscitant une polémique des chiffres. Quoiqu’il en soit, la disposition avait au moins le mérite de rendre plus transparente la politique migratoire de l’Etat. 

Et on constate alors un durcissement de la politique migratoire de la France qui n’a nullement été assoupli par l’institution du Code d’Entrée et du Séjour des Etrangers  et du Droit d’Asile communément appelé le CESEDA venu abroger enfin l’ordonnance du 2 Novembre 1945 relative aux conditions d’entrée et de séjour des étrangers en France ainsi que la loi du 25 juillet 1952 sur le droit d’asile. En effet, les réformes post-CESEDA démontraient clairement un durcissement de la législation dans la nouvelle orientation à la politique migratoire de l’Etat français. 

Parmi les objectifs de cette nouvelle orientation, le ministre de l’Intérieur entendait  notamment durcir les procédures d’octroi de visa et de titres de séjour ; restreindre les conditionnalités du droit au regroupement familial ; et instaurer une nouvelle refonte des conditions d’accès à la nationalité française. Une nouvelle réorientation qui se caractérisait également par la mise en place d’une procédure d’obligation de quitter le territoire français (OQTF). Autant de réformes qui contribuèrent au final à replonger le droit des étrangers dans la spirale d’opacification qui l’avait caractérisé avant l’entrée en vigueur du CESEDA.

Dans la volonté affichée de « remettre en ordre », selon toujours le Président, la politique française de l’immigration, l’ancien Ministre de l’Intérieur devenu nouveau Président de la République Française décide au lendemain de son accès au pouvoir, en 2008, de réformer non plus cette fois-ci uniquement les lois et règlements touchant au droit des étrangers mais la Loi Fondamentale.

 

  1. Le principe de la dualité juridictionnelle dans le traitement de la condition des étrangers

 

Ainsi que démontré plus haut, la France, Terre de liberté, est devenue une terre d’accueil privilégiée par les immigrants. Situation qui n’était pas au goût de tous, ce qui a conduit les décideurs publics à complexifier de plus en plus les procédures d’entrée et de séjour des étrangers sur son territoire pour tenter de filtrer au mieux, afin d’avoir une plus grande maîtrise sur le flux migratoire annuel exponentiel vers ses frontières. Et cela de telle manière que le sort de l’étranger se trouve aujourd’hui encadré de près par un « carcan » d’enchevêtrement de législations et de réglementations confuses que l’Administration est chargée tant bien que mal d’appliquer.

Devant cette complexification du Droit des étrangers et la sévérité accrue de l’autorité administrative dans le traitement des dossiers, le recours au juge s’est inévitablement corollairement systématisé et est devenu un pan très important et inévitable dans le traitement des difficultés relatives au statut des étrangers. 

Un recours qui, dans la majeure partie des cas, se fait bien évidemment à l’initiative de l’étranger qui conteste les décisions que l’administration a prises à son encontre. C’est donc à cette enseigne que malgré elle, la Justice intervient régulièrement dans la politique migratoire initiée par l’Exécutif. Dans le cas français, cette immixtion du juge dans la politique de l’immigration de l’Etat se fait à deux niveaux : 

  • au niveau du juge administratif bien évidemment, étant donné que les décisions contestées  sont du ressort exclusif de l’administration et qu’en vertu des principes fondateurs issus des articles 15 et 16 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen du 26 Août 1789 instituant la Justice administrative que l’Etat français a fait siens, mais aussi et surtout en vertu du principe fondamental admis par les lois de la République selon lequel « relève en dernier ressort de la compétence de la juridiction administrative l’annulation ou la réformation des décisions prises, dans l’exercice des prérogatives de puissance publique, par les autorités exerçant le pouvoir exécutif (…), de telles décisions sont naturellement de la compétence exclusive du juge administratif, et cela même si par le passé, le Parlement avait tenté de remettre en cause cette compétence du juge administratif en la matière .

 

  • Mais aussi au niveau du juge judiciaire. Cela peut être surprenant pour le profane étant donné le principe fondamental du droit français venant d’être énoncé et eu égard au principe de séparation des pouvoirs qui constitue le pilier du droit positif français. Mais cette situation est justifiée et légalisée par l’article 66 de la constitution qui fait du juge judiciaire le gardien exclusif de la liberté individuelle, ainsi d’ailleurs que le code de procédure pénale en son article 136 qui consacre la compétence exclusive des tribunaux judiciaires «dans tous les cas d’atteinte à la liberté individuelle».

La raison de cette protection particulière est que la liberté individuelle se présente comme une liberté spécifique: parce que «beaucoup plus qu’une liberté parmi d’autres, elle est le bouclier de toutes les autres libertés », ce qui explique pourquoi « le constituant français a choisi de sauvegarder la liberté individuelle par un mécanisme juridique qui lui est propre, la garantie judiciaire établie par l’article 66 de la Constitution. ».

 

Ainsi, sur ce fondement de l’article 66, le juge judiciaire est amené à intervenir chaque fois que la liberté individuelle d’une personne est mise en jeu, autrement dit chaque fois que l’administration prend des mesures d’éloignement à l’encontre d’un étranger. Et cela pour éviter que l’administration ne verse dans les excès (comme ce fut le cas sous le gouvernement de Vichy (voir supra) dès qu’il est question de problèmes relevant des prérogatives régaliennes comme c’est le cas en matière de nationalité, et partant du statut des étrangers. Pour le dire plus clairement, le juge judiciaire dispose d’un pouvoir de contrôle en matière de liberté individuelle, ou plus exactement en matière d’atteinte à la liberté individuelle.

Rigoureusement attaché au respect de cette intervention du juge judiciaire en matière de droit des étrangers, le Conseil Constitutionnel en avait confirmé l’assise dans sa décision de principe désormais célèbre dite « décision Bonnet ». Dans le cas d’espèce, la loi dite « Bonnet », tout en consacrant légalement l’existence des centres de rétention administratives, s’était également permis de restreindre par le biais de son article 6 l’intervention du juge judiciaire, qui devait ainsi avoir lieu uniquement dans le cas où la rétention de l’étranger devait être prolongée au-delà de 7 jours. 

Face à cette disposition légale, le Conseil Constitutionnel affirma dans sa décision précitée que « la liberté individuelle ne peut être tenue pour sauvegardée que si le juge intervient dans le plus court délai possible ». Qu’en conséquence, une simple loi ne pouvait remettre en cause une compétence d’attribution constitutionnellement garantie au juge judiciaire. Cette jurisprudence du Conseil Constitutionnel n’a jamais connu de revirement jusqu’ici.

Pivot primordial dans le contrôle de la politique de l’immigration de l’Etat, le juge, qu’il soit administratif ou judiciaire est donc un acteur incontournable s’agissant du droit des étrangers. Evidemment, du fait de cette position centrale, d’aucuns (les politiques, les associations de protection des étrangers…) auront tantôt fait de taxer (à tort ou à raison) ces magistrats de favoriser ou au contraire d’entraver la politique de l’Exécutif en matière de maîtrise des flux migratoires. Jusqu’à maintenant, il est très difficile de répondre par l’affirmative ou par la négative à de telles allégations pour la simple raison que la complexité de  l’écheveau de la justice étant ce que nous en avons vu qu’elle était, il n’y a pas qu’un seul juge qui intervient mais des juges (juge judiciaire, juge administratif, magistrat du Parquet, magistrat du Siège…). 

Mais si la réponse à un tel questionnement semble jusqu’ici quelque peu hasardeuse,  il est un constat par contre que personne ne pourra dénier s’agissant du droit des étrangers : c’est celui l’engorgement des Cours et Tribunaux.

En effet, corollaire de la complexité du cadre juridique et règlementaire régissant l’étranger, les juridictions ont subi ces dernières années les conséquences d’une inflation exponentielle de contentieux liés aux décisions prises en fonction de ce cadre juridique peu pratique à mettre en œuvre. Conséquence fâcheuse d’une telle situation, il est apparu que les tribunaux n’arrivent tout simplement plus à régler ces contentieux dans les délais légaux, laissant par conséquent s’éloigner de plus en plus l’idéal d’une bonne administration de la justice qui est portant le leitmotiv de toutes les Républiques qui se sont suivies depuis la Révolution de 1789.

Face à l’ampleur du phénomène et à la montée de la grogne tous azimuts (syndicat des magistrats, syndicat des fonctionnaires,  associations œuvrant pour la protection des droits des étrangers…), le Président Sarkozy annonce au lendemain de son accession au sommet de l’Etat, en 2008, qu’une réforme profonde de la politique migratoire française est nécessaire et sera entreprise. Cette politique de réforme sera axée selon le Président sur deux fronts :

 

  • Le premier front devait porter sur un amendement de la constitution afin de « définir des plafonds chiffrés à caractère normatif ». En clair, la mise en place de quotas « ethniques » pour mieux maîtriser mais surtout filtrer les flux migratoires.

  • Le second volet de la réforme quant à lui envisageait une réflexion « sur une unification de l’ensemble du contentieux des étrangers » dans le but affiché de «confier à un seul ordre de juridiction le contentieux de l’ensemble du processus administratif d’admission au séjour ou d’éloignement des étrangers ».

 

S’agissant du premier volet du projet de réforme, les réactions des acteurs de la vie publique ne se sont pas fait attendre. En effet, même si le projet que le Chef de l’Etat avait en tête se voulait de rendre moins opaque la politique migratoire française, l’opinion générale des techniciens sur l’idée de l’introduction d’un principe de quotas « ethniques » comme fondement de la politique d’immigration était plus que négative, et ce pour différentes raisons :

  • La première tenait tout simplement à une impossibilité technique de trouver une assise juridique à une telle politique d’immigration. Ainsi, comme l’a confirmé la commission « Mazeaud » (qui avait été chargée en 2008 par le Président lui-même de l’étude de « faisabilité »de sa réforme de l’immigration), il est par exemple juridiquement impossible d’appliquer une telle politique de quotas en matière d’immigration familiale et d’asile. En effet, s’agissant de l’immigration familiale, le droit au regroupement familial stricto sensu est garanti par la constitution elle-même. Le siège de la matière est selon l’avis du Conseil Constitutionnel qui avait été amené à se pencher sur la question en 1993, l’alinéa 10 du Préambule de la Constitution de 1946.

Mais au-delà de cet obstacle constitutionnel, la politique des quotas se heurte à un autre obstacle de taille, s’agissant toujours de l’immigration familiale et du droit au regroupement familial : il s’agit de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales à laquelle la France a adhéré. En effet, c’est  l’article 8 de cette convention qui est le siège du « problème » puisqu’il a généré au fil des décennies une jurisprudence abondante et protectrice du droit des étrangers au regroupement familial. Un droit au surplus reconnu et défendu par le droit européen par le prisme d’une jurisprudence tout aussi protectrice de la Cour de Justice des Communautés Européennes.

L’immigration familiale n’est pas la seule à constituer un obstacle à l’application d’une telle politique des quotas. En effet, la commission « Mazeaud », toujours dans ses conclusions, avait mis en exergue le fait qu’une telle politique s’avérerait également anticonstitutionnel et donc par conséquent impossible à appliquer au regard de l’immigration d’asile si l’on en croit le Conseil Constitutionnel (dans sa décision en date du 13 Août 1993).  Plus grave encore: elle violerait non seulement le droit international régissant le statut des réfugiés (notamment la Convention de Genève) mais aussi et par la même occasion le droit communautaire étant donné que celui-ci opère un renvoi aux traités internationaux précités.

Enfin, sur le chapitre de l’immigration du travail, si elle ne se heurte pas vraiment à des obstacles juridiques véritablement contraignants, la politique des quotas apparaît par contre, comme le démontre encore une fois les travaux de la commission Mazeaud, tout à fait inopportune, et ceci pour deux raisons principales.

La première raison tient du fait que qu’une politique de quota dans le domaine de l’immigration du travail ne saurait et ne pourrait être décidée unilatéralement par l’Etat français à lui tout seul, cela à cause bien évidemment du respect principe d’égalité, mais également d’un autre côté d’une nécessaire négociation avec les pays d’origine des travailleurs en question.

La deuxième raison se résume par le déficit d’intérêt qu’une telle politique présenterait par rapport à l’objectif visé d’une maîtrise quantitative de l’immigration du travail étant donné que contrairement aux deux facettes précédentes de l’immigration (familiale et asile), celle-ci peut-être réglée de façon totalement discrétionnaire.

 

  • La seconde raison fondant les objections des techniciens sur l’erreur qu’il y aurait à adopter une politique de quota pour régler les problèmes de l’immigration tient au fait qu’une telle politique n’est pratiquée nulle part ailleurs au sein de l’Union Européenne. 

Mise à part l’exception italienne qui avait tenté l’approche par quota pour régler sa politique d’immigration en matière de travail avec certains pays africains (avec le succès que l’on sait si on ne parle que du drame humain quasi quotidien que vivent les clandestins entre les côtes libyennes et les îles de Lampedusa ou encore de la Sicile), aucun pays européen ne s’est hasardé jusqu’ici vers une politique de quota pour juguler ses flux migratoires étant donné les obstacles que l’on a vus et au manque d’intérêt que cela apporterait.

Devant ces arguments, le gouvernement avait fini par abandonner ce volet de la réforme annoncée.

Restait alors le projet d’unification des contentieux des étrangers. Un terrain encore plus glissant que le précédent car il remet en question un des fondements majeurs de l’Etat de droit : le principe de la dualité juridictionnelle. Institué par la constitution de la deuxième République, ce principe se veut en effet le garant contre l’arbitraire de l’Exécutif.

Un principe sacro-saint que le Président de la République a nommément pointé du doigt lors de sa conférence de presse le 8 Janvier 2008 comme le principal responsable de l’engorgement des contentieux étrangers. C’est ainsi que le chef de l’Etat avait confirmé « urbi et orbi » qu’il avait bien demandé à son ministre chargé de l’Immigration de l’époque, Brice Hortefeux, de « supprimer cette bizarrerie française, que, s’agissant du droit des étrangers, il y a deux ordres de juridiction, un public, un judiciaire – excusez du peu, avec des jurisprudences contradictoires ».

Comme en ce qui concernât le premier volet de la réforme, les réactions ne se sont pas fait attendre après cette volonté présidentielle affichée d’écorner un des piliers du principe de la séparation des pouvoirs et de la démocratie en générale : tollé général évidemment des syndicats des magistrats administratifs, des juristes de tous bords, et bien sûr des associations œuvrant dans la protection des droits des immigrés.

Face à ces réactions virulentes de par et d’autre de la société civile comme de l’Administration de la Justice elle-même, le Chef de l’Etat avait alors tenté de tempérer les choses en confiant à une grande figure de la justice, l’ancien Président du Conseil Constitutionnel, M. Pierre Mazeaud, de faire une « étude de faisabilité » du projet d’unification.

Mais au-delà de ces débats virulents, la question d’une réforme plus en profondeur du droit des étrangers reste d’actualité et est d’une grande importance pour venir à bout de toutes les difficultés qui submergent le système actuellement. Car si on analyse la question du droit des étrangers, l’on s’aperçoit que la plus grande confusion règne en matière juridictionnelle, il est difficile de savoir à l’avance quelle juridiction sera compétente pour connaître de telle ou telle affaire. Rien que pour déterminer quel juge est compétent pour connaître d’un litige, cela occasionnera déjà une perte de temps dans les démarches juridiques. On avance au cas par cas, ce qui donne une impression de tâtonnement intolérable, eu égard aux intérêts qui sont en jeu.

La dualité juridictionnelle est l’un des piliers du droit positif français, il est claire que ce système offre de sérieux avantages, mais est-ce qu’il apporte vraiment les effets escomptés en matière de droit des étrangers ? Etant donné les difficultés qui persistent en la matière, nous pouvons déduire que cette dualité de juridiction occasionne des difficultés qui rendent les procédures lourdes et longues. Mais la question est en quoi est-ce qu’elle pose problème réellement ? 

Une unification est envisagée par les décideurs publics en faveur de la juridiction administrative (étant donné le caractère administratif des décisions contestées), avec la création d’une juridiction qui ne se chargerait que des questions relatives au statut des étrangers,  mais est-ce que cette unification est opportune ?

Pour répondre à ces questions nous allons dans un premier temps décortiquer le contentieux des étrangers de façon à pouvoir dégager les inconvénients de la dualité juridictionnelle (Partie I) avant de nous concentrer sur la question de l’unification qui, bien qu’elle semble à première vue être en mesure d’alléger la procédure en la matière, n’est pas sans présenter des complications pouvant porter atteinte à certains principes fondamentaux du droit positif français (Partie II).

Première partie : La dualité, principe du droit des étrangers

 

Le fondement de l’ordre juridictionnel français réside dans la subdivision droit public-droit privé, c’est la summa divisio du système juridique français, elle caractérise la séparation des pouvoir au sein de l’ordre juridictionnel, une séparation qui a pour but d’une part de préserver la machine administrative contre les ingérences de la juridiction judiciaire qui pourrait être de nature à en compromette le bon fonctionnement et les missions (voir infra). 

Et d’autre part, de protéger les justiciables contre l’arbitraire de l’administration, arbitraire qui s’est révélé particulièrement pénalisant pour les justiciables par le passé étant donné le lien étroit qui a longtemps persisté entre le juge administratif et l’administration, le poussant à favoriser cette dernier en méconnaissant les droits des justiciables.

Le principe de la dualité juridictionnelle est un principe très bien ancré dans le système juridique français et qui n’a jamais été remis en cause depuis. Cependant, force est de constater que malgré  tous les travaux intellectuels menés dans ce sens, la ligne de démarcation entre les compétences respectives de ces deux juridictions n’a pas été aussi clairement établie qu’il ne le semble au premier abord.

En effet, s’il est un reproche qui pourrait être fait au système juridictionnel c’est son manque de simplicité qui a conduit à une opacité très peu sécurisant pour les justiciables. Opacité qui est particulièrement perceptible en matière de répartition des compétences. Il est vrai que la Révolution de 1789 a favorisé la mise en place du principe selon lequel il est interdit au juge judiciaire de «troubler de quelque manière que ce soit les opérations des corps administratifs » et de citer devant lui « les administrateurs pour raison de leurs fonctions ». Il est vrai également que l’article 66 de la constitution que nous avons précité établit clairement que c’est le juge judiciaire qui est le garant de la liberté individuelle, dans la réalité les choses sont moins tranchée.

Il s’est ainsi révélé que le seul fait de la présence d’une personne publique dans un litige n’emporte pas automatiquement compétence de la juridiction administrative. En effet, il convient d’étudier au préalable le contexte du litige, de manière à pouvoir dégager si la personne publique en question s’est comportée comme un sujet ordinaire de droit sans revêtir ses attributs de puissance, car alors le litige devra échoir à la compétence de la juridiction judiciaire. De même, dans certains cas, qui sont moins rares que l’on pourrait le croire, les personnes privées peuvent être amenées à être présentées devant le juge administratif.

Pour contourner cette difficulté, il est possible de référer à la nature de l’activité exercée par la personne publique et dans le cadre duquel est survenu le litige, ainsi tout litige touchant à la fourniture de service publique est du ressort du juge administratif, mais encore une fois, rien n’est définitif. En effet, il reste encore à « distinguer entre services publics administratifs (correspondant aux prérogatives régaliennes) et services publics industriels et commerciaux (les activités économiques proprement dites) pour lesquels la compétence est en principe judiciaire ».

Le problème posé par cette opacité des répartitions des compétences entre les deux juridictions c’est qu’elle favorise les excès qui peuvent compromettre sérieusement les droits et libertés, surtout les libertés individuelles, des justiciables. De plus les justiciables ne savent pas toujours devant quelle juridiction ils devraient s’adresser, une ignorance qui alourdit encore les procédures et favorise l’engorgement des Cours et Tribunaux. Mais pire encore, même lesdites juridictions ne sont pas fixées sur leur propre compétence qui semble fluctuer, tantôt elle déborde de la sphère administrative ou judiciaire, tantôt elle rétrécit.

Cette situation est particulièrement manifeste en matière de droit des étrangers et est particulièrement décriée. En effet, les justiciables, tout comme les associations pour la protection des droits des étrangers ainsi que les différents techniciens déplorent particulièrement la lenteur et la lourdeur des procédures dues à cette opacité. Ajouté à cela le sentiment d’être dans une zone de non-droit du fait de cette opacité et de l’insécurité juridiques qui en est obligatoirement le corolaire.

Car, en matière de droit des étrangers, plus particulièrement pour toutes les questions de la procédure (obtention de visa, qualité en laquelle l’étranger est amené à s’établir en France…), le principe de la dualité juridictionnelle justifie l’ingérence de la juridiction administrative dans des questions qui devraient normalement échoir à la juridiction judiciaire, sans pour autant que cette dernière soit complètement dessaisie de la question. Installant une situation intolérablement complexe au détriment des étrangers.

Le principe de la dualité juridictionnelle est un principe qui a été érigé pour garantir l’indépendance de chaque ordre juridictionnelle et obtenir une meilleure organisation de la justice. La séparation des pouvoir et la répartition des compétences entre les deux ordres juridictionnels, et qui sont les corolaires de ce principe garantissent alors une plus grande sécurité juridiques pour les différents acteurs (justiciables, Administrations, et les Juges), car favorise une plus grande transparence dans la gestion de la justice.

Dans la majorité des cas, le principe de la dualité juridictionnelle fonctionne sans trop de problème, du moins quand il n’y a aucun ambigu dans la compétence ou non de la juridiction saisie pour un litige. Et si ambigu il y a, le Tribunal de conflit se charge de régler le problème de manière à éviter les conflits de juridictions et les décisions contradictoires (quand les deux s’estiment compétentes pour une même affaire) ou au contraire le déni de justice (quand aucune des deux juridictions ne s’estime compétent). 

Le principe n’étant pas tout récent, la jurisprudence en la matière est foisonnante, ce qui signifie qu’en principe, il ne devrait plus se poser aucun problème dans la mise en œuvre du principe de la dualité de juridiction. Mais à tout principe, il y a exception, car dans certains cas sensibles, comme la question des étrangers, rien n’a été tranché et tout reste encore à définir. 

Un petit coup d’œil sur l’état du contentieux des étrangers nous permettrait d’ailleurs de nous rendre compte de l’état de confusion dans lequel les juges (judiciaires et administratifs) essayent tant bien que mal de respecter et d’appliquer ce principe dans leur décision. Le respect du principe de la dualité juridictionnel, loin de faciliter l’office du juge a rendu son travail plus laborieux, tâtonnant voir hasardeux, et dans la majorité des cas, injuste envers les principaux concernés, les étrangers.

Le constat de cet état de confusion qui, loin de s’être atténué, s’est encore empiré avec les différentes réformes entreprises tant au niveau national qu’européen, nous amène au questionnement pourquoi ? Pour y voir plus claire, Avant de nous pencher sur la dualité appliquée aux contentieux (Chapitre II), revisitons d’abord la situation de l’étranger en France (Chapitre I).

Chapitre I : La situation de l’étranger en France

 

Section I : La complexité de la situation des étrangers

 

En l’état actuel des choses, le contentieux des étrangers en France se caractérise surtout par la confusion indescriptible qui y règne. Confusion qui se manifeste notamment par une inflation des contentieux, et le fait que ce contentieux constitue, comme nous l’avons vu supra, un contentieux de masse ne fait qu’empirer les choses.

Ce qui est à déplorer c’est que cette confusion contribue largement à la dégradation des droits des étrangers, ainsi qu’au blocage des juridictions administratives qui ne savent plus à quel saint se vouer pour débloquer la situation. Pour pouvoir avancer des solutions, il est nécessaire d’identifier d’abord le problème, il faut identifier les causes de cette complexité et en mesurer les conséquences.

 

§1 : Les causes de la complexité 

 

On peut identifier deux causes dans la complexité du contentieux des étrangers en France. La première cause réside en la multitude de décisions administratives pouvant être prises en la matière par les autorités compétentes. D’autre part, cette situation se trouve encore  complexifiée par les inextricables dédales procéduraux.

 

  1. La multiplicité des décisions administratives pouvant être prises à l’égard de l’étranger

 

Les décisions administratives dont il est question dans cette partie de notre travail concerne toutes les décisions qui ont traits à l’entrée mais également à la sortie ou plus exactement à l’éloignement des étrangers du territoire français.

Nous aurons donc à étudier plusieurs points dont l’entrée sur le territoire français, le séjour sur le territoire français, la procédure d’éloignement, les décisions de placement en centre de rétention.

 

  1. Par rapport à l’entrée sur le territoire français

 

L’étranger qui veut entrer sur le territoire français doit impérativement être en possession de documents pouvant justifier sa présence sur le territoire. Des documents dont l’obtention doit suivre une procédure aussi sévère (parfois jugée trop sévère) que longue à l’issu de laquelle, ils sont délivrés sous divers titres, selon que l’étranger soit venu à titre de touriste, de travailleur, d’étudiant, de réfugié politique. La situation peut alors être étudiée sous deux aspects, soit que l’étranger forme une requête depuis son pays d’origine, soit qu’il la fasse à la frontière française.

Généralement, cette requête consistera en une demande de visa, de regroupement familial … Mais cela va bien sûr dépendre de la qualité de l’étranger, s’il s’agit d’un travailleur par exemple ou d’un étudiant…

 

  1. S’agissant de l’étranger de droit commun

 

Pour cette catégorie d’étranger, la requête concernera surtout la demande de visa. En effet, l’obtention de ce visa est une condition sine qua non de l’entrée sur le territoire français. Et le traitement de cette demande constitue également l’une des principales décisions administratives pouvant être prise à l’égard de l’étranger.

Par visa on entend le document fourni par les autorités investies des pouvoirs de police des frontières (Ministère de l’intérieur  et de l’immigration en France) et qui permet à l’étranger qui en est titulaire de passer légalement les frontières d’un pays limitrophe ou éloigné.

Il s’agit donc d’un document juridique qui offre à l’étranger la possibilité et l’opportunité de séjourner pendant un temps limité ou non sur le territoire d’accueil. Il faut cependant remarquer que ces documents, même s’ils sont parfaitement en règles et remplissent tous les critères nécessaires, ne garantissent pas toujours à cet étranger de pouvoir entrer et rester sur le territoire français.

En effet, la « police des frontières » pourra toujours valablement refuser l’entrée sur le territoire français d’un étranger dont les papiers sont en bonne et due forme, et ce pour des motifs d’opportunité dont la justification découle des pouvoirs régaliens de l’Etat d’accueil par rapport à ses frontières.

La décision administrative de délivrance du visa relève de la compétence exclusive des autorités investies des pouvoirs diplomatiques et consulaires du pays d’accueil à l’étranger, ou encore dans certains cas, des autorités de police des frontières lors de l’arrivée même sur le territoire du pays d’accueil. En règle générale, la requête de visa se fait le plus souvent depuis le pays d’origine de l’étranger, ce qui nous paraît logique dans la mesure où c’est le document qui va lui ouvrir les frontières de la France.

Pour être valable et produire tous ses effets, le visa doit comprendre plusieurs mentions essentielles :

–         la date de délivrance dudit visa de séjour

–         l’autorité en charge de la délivrance du document

–         la durée du séjour accordé par l’autorité diplomatique ou consulaire

–         la durée pour laquelle le visa pourra recevoir utilisation

–         le motif pour lequel le visa a été accordé

–         le territoire sur lequel le visa est valide

 

S’agissant de la délivrance à proprement dit du visa, il faut savoir qu’il s’agit d’une décision qui ne saurait être accordée d’office, dans la mesure où elle concerne et met en jeux la sécurité et l’intégrité de la France. C’est également le moyen le plus rapide et le plus sûr de contrôler l’immigration. Ce qui explique qu’il soit soumis à des conditions de réciprocité entre le pays d’origine de l’étranger et le pays d’accueil. Cette nécessité de réciprocité répond à un souci de maintenir une certaine égalité entre les ressortissants de deux ou plusieurs pays ayant conclu un accord bilatéral ou multilatéral.

 

Notons cependant que dans certains cas, l’exception de visa peut être possible, le plus souvent dans le cadre d’accords bilatéraux ou multilatéraux. C’est le cas par exemple pour les pays membres de l’Union Européenne ; le visa n’est pas indispensable dans cadre de l’espace Schengen et issus des accords de Schengen. Ces accords de Schengen dispensent les ressortissants des pays européens ayant conclu lesdits accords de visa et de droits de visa à l’entrée dans les pays concernés. Ainsi par exemple, les ressortissants des pays issus des 25 de Saint-Marin, de Monaco, d’Andorre, du Vatican… peuvent résider sur le territoire de l’espace Schengen pour une durée indéterminée.

Notons toujours que nonobstant l’existence de ce genre d’accord, les pays peuvent opérer des infléchissements concernant la règlementation de l’entrée sur leur territoire et prendre ainsi des mesures administratives unilatérales dispensant certains ressortissants de visa et de limitation de séjour. Ce type de décisions est le plus souvent pris dans un but économique, touristique ou d’affaires, pour promouvoir le pays auprès d’éventuels partenaires.

 

Comme nous l’avons déjà souligné, la délivrance de visa ne se fait pas d’office, et une demande d’obtention de visa peut très bien faire l’objet d’un rejet. Mais ce rejet doit être motivé. Les motifs de rejet sont nombreux.

Ainsi par exemple, le refus peut résulter su fait que le requérant a mal apprécié la demande par lui effectué, par rapport au type de visa requis. Ainsi, il peut y avoir incompatibilité ou inadéquation entre la demande de visa et le séjour requis. Cela signifie donc que la demande de visa peut ne pas correspondre au visa sollicité, par exemple dans le cas où un demandeur de visa pour la France requiert un visa touristique de court séjour alors même qu’il déclare verbalement auprès des agents diplomatiques d’ambassade ou consulaires qu’il compte séjourner en France pour une durée supérieure à trois mois.

Le refus peut également être motivé par une ou des fraudes de la part du demandeur par rapport aux pièces du dossier à fournir ; dans ce cas, le demandeur ne pourra se représenter à nouveau auprès du service de demande de visas qu’après un laps de temps déterminé. Cependant, même en l’absence de fraude, lorsque le demandeur du visa a mal justifié sa demande, l’administration en charge de l’octroi des visas peut y trouver un motif de refus.

La mauvaise foi du demandeur peut également motiver le refus de l’administration de lui octroyer un visa. Par exemple, le demandeur aurait  l’intention de s’installer en France, alors même qu’il essaie d’y parvenir en demandant tout d’abord un visa court séjour ou touriste, qu’il entend proroger une fois sur place.

Cas également s’il transparait durant l’entretien avec les agents diplomatiques ou consulaires que le demandeur entend chercher un emploi stable une fois arrivé sur le territoire français, de manière à obtenir plus facilement une carte de séjour. C’est pour parer à ce genre de situation que autorités françaises disposent de façon régalienne sur l’octroi ou non du visa pour motif d’opportunité, un moyen de se prémunir contre les manœuvres de demandeurs peu scrupuleux.

L’insuffisance de la motivation de la requête peut également justifier un refus d’octroi du visa. De même que l’existence d’un différend d’ordre politique entre le pays d’accueil et le pays d’origine dont le demandeur est ressortissant. Le refus peut également résulter su fait que le pays d’accueil connaît des problèmes d’immigration et ne peut admettre de nouveaux immigrés pendant une certaine période de temps.

La dernière raison, mais pas la moindre qui pourrait motiver le refus d’octroi de visa est que le demandeur présente un certain danger pour l’ordre public du pays d’accueil. Cette dernière motivation est donc d’ordre public.

Le fait que le refus doive être motivé signifie qu’il peut faire l’objet d’un recours, le demandeur qui a vu sa candidature à l’obtention du visa rejetée peut donc ester en justice dans le cas où il estime que l’administration a rejeté abusivement sa demande. Cas notamment quand le refus de visa n’est pas explicite et non motivé. Il faut cependant que ce recours reste exceptionnel, il est réservé à certains cas seulement, pour une certaine catégorie de personne et dans certains pays ; car dans le droit français le principe en la matière est posé par loi n° 79-587 qui dispose clairement qu’il n’est nullement question de motiver les décisions de refus de visa des particuliers.

Concernant toujours le visa, il faut savoir qu’il existe différents types de visa, qui corresponde à différentes catégories de demandeurs. Les visas octroyés dans le cadre d’un séjour sur le territoire français se divisent donc  en plusieurs catégories, il sera donc fonction du type de passeport détenu par le ressortissant étranger : par exemple, le visa accordé sera différent selon que le passeport du demandeur soit un passeport classique, un passeport diplomatique, un passeport de service…

Le visa est dit de « court séjour » lorsqu’il n’excède pas 3 mois de validité ; il est dit de « long séjour temporaire » lorsque le visa ne dépasse pas 6 mois de validité. Enfin, il y a le visa « long séjour » lorsque la durée du séjour octroyée dépasse 3 mois et n’est pas limitée à 6 mois.

Pour ce qui est des visas long séjour, le Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile régit la question en son article L 311-1 : celui-ci dispose que n’importe quel étranger de 18 ans et plus, souhaitant demeurer sur le territoire français à l’expiration des 3 mois du visa court séjour pourra le faire uniquement s’il obtient une carte de séjour.

Il est également spécifié que la carte de séjour doit faire l’objet d’une demande formulée dans les 2 mois de l’entrée en France. La demande d’une carte de séjour est inutile dans le cas où le ressortissant étranger ne demeure en France que pour une durée inférieure à 3 mois, dans le cas où il obtient un « long séjour temporaire » et que son visa contienne expressément la mention marginale « dispense temporaire de carte de séjour ». 

Il faut souligner que l’obtention d’un visa long séjour ne dispense pas le ressortissant étranger de la procédure de demande de carte de séjour une fois arrivé sur le territoire du pays d’accueil. Il s’agit là même une procédure obligatoire et qui doit être réalisée dans les 2 mois à compter de l’entrée sur le territoire français. La carte de séjour est délivrée par les services de la Préfecture en charge de cela.

L’obligation d’obtenir une carte de séjour en bonne et due forme est une obligation d’ordre règlementaire et constitue une fois de plus une forme de sécurisation du droit des étrangers et ce, à la fois pour le bien de l’étranger (afin de lui éviter des situations irrégulières) et pour l’ordre public frontalier du pays d’accueil. Notons à ce titre que chaque type de visa est associée une carte de séjour appropriée, conformément aux dispositions de la règlementation en vigueur et contenu dans le Code des étrangers ou CESEDA.

Enfin, en ce qui concerne l’étranger mineur, il n’y a pas lieu à délivrance de carte de séjour. Cependant, exceptionnellement, les mineurs de 16 à 18 ans qui travaillent avec rémunération peuvent se voir délivrés une carte de séjour puisqu’ils sont considérés comme faisant partie intégrante de la population active, et doivent à ce titre être pourvus des papiers nécessaires pour pouvoir rester sur le territoire français. 

Hors ce cas qui constitue une exception communautaire, les étrangers mineurs sont en mesure de demander auprès des services préfectoraux du lieu où ils résident un « DCEM » ou Document de Circulation pour Etranger Mineur. C’est grâce à ce document que les étrangers mineurs seront en mesure d’entrer sur le territoire français sans avoir besoin de visa, par exemple après être rentré dans leur pays pour des vacances.

 

  1. S’agissant d’une entrée au titre de regroupement familial 

 

Une demande de regroupement familial peut être envisagée lorsque la survie du couple ou de la famille est menacée par l’éloignement géographique. Il s’agit également de mettre en œuvre une politique migratoire beaucoup plus humaine et prenant en compte le droit de la famille de vivre ensemble, dans une même sphère géographique.

Le régime juridique applicable en matière de regroupement familial est plus clément envers les étrangers, du moins dans une certaine mesure. Ainsi, conformément au Décret du 13 août 1981, lorsqu’il y  a lieu à regroupement familial et que l’autre conjoint du ressortissant français est étranger, le conjoint du ressortissant français sera dispensé des droits de visa découlant des frais de dossier. Cela signifie donc que conjoint d’un ressortissant français bénéficie de la gratuité de la délivrance d’un visa de passeport étranger.

La question du regroupement familial a beaucoup fait couler l’encre du législateur, il y a ainsi tout un arsenal de textes destinés à en règlementer les modalités. Ce qui signifie que même si le législateur semble s’être montré moins sévère sur la question dans le CESEDA, les textes règlementaires qui viennent régler les détails pratiques du regroupement en atténuent fortement cette apparente souplesse. En effet, il y a une multitude de mesures qui peuvent être pris à l’égard du prétendant au regroupement familial, compromettant ainsi ce dernier. 

Les textes prévoyant ces mesures sont essentiellement des textes réglementaires, c’est-à-dire relevant des autorités administratives et du pouvoir exécutif. Ainsi par exemple, l’ordonnance N° 45-2658 du 2 novembre 1945 en ses articles 29, 30 et 30 bis. Et le décret N° 99-566 du 6 juillet 1999 qui est venu en application du chapitre VI de l’ordonnance précitée. 

Il y a également eu l’arrêté du 7 novembre 1994 portant règlementation des modalités de dépôt de demande de regroupement auprès de l’Office des Migrations Internationales. Ainsi que l’arrêté du 6 juillet 1999 portant règlementation du contrôle médical des étrangers ayant eu autorisation de séjourner en France. Ainsi que l’arrêté du 31 décembre 1999 portant définition du  formulaire d’imprimé pour la demande de regroupement familial.

Autant de textes dont le manquement peut justifier le refus d’octroi de visa pour motif de regroupement familial. Mais au-delà de la règlementation nationale, il y a également les règles applicables au niveau international, et notamment au niveau européen, qui ne doivent pas être négligées, autant par l’administration que par les demandeurs.

Parmi les textes applicables au niveau européen, le premier, qui constitue une règle fondamentale et universellement reconnu non seulement en Europe mais dans tous les pays démocratiques, est la Déclaration universelle des Droits de l’Homme proclamée le 10 décembre 1948 qui consacre en son article 16 le droit sacro-saint à avoir une vie familiale et privée.

Vient ensuite est la Convention européenne de sauvegarde des Droits de l’Homme qui pose les principes inviolables auxquels il est fait une défense absolue aux membres de l’Union de faire défaut. La Convention réaffirme ainsi dans son article 8 le principe du droit à la vie privée et familiale.

Il y a également la Charte sociale Européenne du le 8 octobre 1961 qui dispose en son article 19 que tout travailleur légalement immigré en Europe a droit à ce qu’il lui soit facilité la procédure de regroupement familial. De même que la Convention sur le statut juridique des travailleurs migrants du 24 novembre 1977 qui favorise également le regroupement de la famille d’un travailleur étranger.

Et enfin il ne faut pas oublier la convention des Nations Unies du 26 janvier 1990 sur les droits de l’enfant, notamment à avoir une vie familiale saine et normale.

Une multitude de textes applicables en la matière donc, et dont l’application peut être très complexe dans la mesure où il n’y a pas vraiment d’harmonisation entre les différents textes existants.

 

  1. Les personnes pouvant bénéficier du regroupement familial 

La première personne concernée est le conjoint étranger. Le droit français a su tenir compte des principes fondamentaux qui viennent d’être rappelés, de sorte que le CESEDA dispose en son article L 211-2-1 que non seulement il y a lieu pour les autorités consulaires ou diplomatiques concernées de statuer dans les plus brefs délais sur la demande de visa, mais en plus il ne saurait être question de refus de visa au conjoint d’un ressortissant français que dans des cas bien spécifiques. Cas quand l’octroi du visa risquerait d’une manière ou d’une autre de porter atteinte à l’ordre public du pays d’accueil ; au cas où le mariage serait annulé ; ou encore lorsqu’il y aurait fraude à la loi de la part de l’un ou l’autre des époux français et étranger.

Le refus de visa doit toujours être motivé et est susceptible de faire l’objet d’un recours, ce qui signifie que la loi N° 79-587 qui dispose qu’il n’est nullement question de motiver les décisions de refus de visa des particuliers, est inopérante en la matière.

Lors de son entrée en France, le conjoint étranger se verra ainsi attribué une carte de séjour temporaire qui ne lui sera cependant délivrée que sur présentation d’un visa dont la durée devra nécessairement excéder les 3 mois et qui doit obligatoirement comporter la mention« vie privée et familiale »

Cependant, la présentation de ce visa n’est pas la seule condition pour l’obtention d’une carte de séjour. En effet, des contrôles devront être effectués par les autorités une fois l’étranger sur le territoire français pour vérifier que les agissements de ce dernier ne risquent pas de nuire à l’ordre public. 

Ainsi par exemple, le conjoint étranger ne soit pas surpris en situation de polygamie, même si celle-ci est autorisée dans le pays d’origine de l’étranger où aurait été célébré le mariage. Il est également impératif que la communauté de vie des époux français et étranger soit respectée, autrement il y aurait tout simplement fraude à la loi ; il faut également que le conjoint français n’ait pas été déchu de sa nationalité française.

De même, avant toute délivrance de carte de séjour, les autorités compétentes doivent veiller à ce que l’acte de mariage soit retranscrit sur les registres d’état civil français le plus proche, soit au consulat ou à l’ambassade de France dans le cas où ce mariage n’aurait pas été célébré en France. Une autre façon de vérifier la légalité et la validité du mariage par rapport aux lois en vigueur sur le territoire français.

Et enfin, les conjoints ne doivent pas avoir eu l’intention de frauder la loi. C’est le cas par exemple quand un étranger se marie avec un français, les conditions de fond aussi bien que les conditions de forme sont réunies, notamment les formalités de publicité et de célébration, l’interdiction de polygamie…D’autre part, il n’y a eu aucun motif de nullité, tel que l’opposition d’un proche parent des conjoints. Mais le préfet, lors de l’examen de la procédure de demande de titre de séjour par les époux, a mis en exergue le fait que le contrat de mariage a été conclu  uniquement dans le but d’avoir une carte de séjour en France. Dans ce cas, il est compétent pour refuser la délivrance de la carte de séjour, cette décision administrative constituant une mesure visant à contrecarrer les tentatives de fraude à la loi. Mais pour tempérer les pouvoirs du préfet en la matière, le Conseil d’Etat a posé le principe selon lequel un recours pour excès de pouvoir reste toujours possible.

 

  1. Les parents dont l’un des enfants se trouve en France

En règle générale, le regroupement familial s’opère dans l’hypothèse où l’un des parents se trouve à l’étranger, cependant, il y a également l’hypothèse où c’est l’un des enfants (généralement l’ainé) qui se trouve en France et les parents sont restés à l’étranger. Le regroupement familial reste possible dans cette hypothèse, les parents peuvent en faire la demande auprès du consulat ou de l’ambassade de la France de leur pays. Ils peuvent ainsi obtenir  un titre de séjour avec comme mention sur la carte de séjour « ascendants à charge de ressortissants français ». Si les parents en question arrivent à prouver qu’ils ont entretenu et éduqué l’enfant en France depuis qu’il est né ou du moins, depuis deux années consécutives, ils pourront obtenir la carte de séjour « vie privée et familiale ».

 

  1. Les mineurs

La carte de séjour « vie privée et familiale » peut également être délivré au profit du mineur de 19 ans tout au plus, qui a vécu en France avec ses parents depuis sa minorité, et plus spécifiquement avant qu’il ait atteint l’âge de 13 ans. Elle peut également être délivrée au profit du mineur étranger de 19 ans maximum qui a été confié avant ses 16 ans à l’institution de « l’aide sociale à l’enfance ».

 

  1. Le conjoint scientifique

Le conjoint scientifique étranger peut également se voir octroyer une carte de séjour dans le cadre d’un regroupement familial quand ce dernier est en possession d’une carte de séjour temporaire avec la mention « scientifique ».

 

  1. Les étrangers nés en France

Bénéficient également de ladite carte de séjour les étrangers qui sont nés en France et qui soit :

–         ont étudié en France dès l’âge de 10 ans et ce, pour une période d’au moins 5 ans consécutives et continues

–         ont habité en France durant 8 ans au moins

 

  1. Les étrangers résidant dans un Etat membre de l’Union Européenne

la carte de séjour « vie privée et familiale » peut également bénéficier aux étrangers qui résident de façon continue dans un Etat membre de l’Union européenne et ayant de ce fait une carte de séjour avec mention « résidents de longue durée CE » ; ou encore les étrangers disposant d’un titre de séjour temporaire, que ce soit à titre d’étudiant, de visiteur, de chercheur, d’artiste…dans l’un des Etats membres de l’Union.

 

  1. Les cas exceptionnels

Quelques cas exceptionnels peuvent également bénéficier des largesses législatives en matière de titre de séjour : 

  1. il s’agit notamment des étrangers qui sont autorisés à être admis au titre de séjour « vie privée et familiale », pour des raisons exceptionnelles telles que le motif humanitaire, dont les conditions d’admission sont définies par la « Commission Nationale de l’Admission Exceptionnelle au Séjour ». Autre catégorie admise au titre de ce titre de séjour, les étrangers impliqués de près ou de loin dans des affaires de proxénétisme et qui en est victimes ou témoins.

 

  1. La Circulaire DPM/DMI2 no 2006-133 du 15 mars 2006 prévoit également la mesure de famille accompagnante, il s’agit ici de permettre l’entrée des membres de la famille d’un étranger hautement qualifié. Le dispositif de la famille accompagnante est un dispositif de faveur destiné à encourager un étranger disposant de compétences et de qualifications particulières pouvant servir les intérêts de l’Etat français à rester sur le territoire français. Le but est donc d’empêcher qu’il ne fasse profiter un autre pays de ses compétences.

La procédure de la famille accompagnant existe depuis 1948 en France mais a toujours été limitée quant à sa portée et quant au nombre de bénéficiaires étrangers. Depuis, trois autres circulaires sont venues préciser la procédure de famille accompagnante : la circulaire DPM/DMI2  no 143 du 26 mars 2004 relative aux cadres dirigeants et de haut niveau ; la circulaire DPM/DMI2 no 212 du 7 mai 2004 relative à l’accès au marché du travail de leurs conjoints étrangers et la Circulaire DPM/DMI2 no 2006-133 du 15 mars 2006 relative à la procédure de famille accompagnante.

La dernière circulaire vient en réalité préciser les dispositions des deux premières et dispose que les étrangers hautement qualifiés pourraient se voir recrutés par des entreprises françaises ou « détachés » par des entreprises étrangères en France ; il importe peu que le contrat de travail soit à durée déterminée ou indéterminée.

Notons cependant que malgré quelques ressemblances, et même si nous évoquant la question dans le cadre du regroupement familial, le régime de la famille accompagnante ne doit pas être confondu avec le régime de regroupement familial. Les dispositifs régissant ces deux questions sont complètement distincts, et leur régime juridique diffère.

 

  1. Le droit des étrangers en France a prévu une autre situation exceptionnelle : celui des personnes invalides et dont les revenus mensuels sont considérés comme au dessous du seuil minimum acceptable.

Dans l’absolu, le droit français ne reconnait aucun motif de discrimination à l’égard d’une personne souffrant d’une invalidité physique dans le régime du regroupement familial. 

En effet, l’article L-411-1 du Code de l’Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d’Asile ou CESEDA dispose clairement que « le ressortissant étranger qui séjourne régulièrement en France depuis au moins un an, sous couvert d’un des titres d’une durée de validité d’au moins un an prévus par la présente ordonnance ou par des conventions internationales, peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre du regroupement familial, par son conjoint et les enfants du couple mineurs de 18 ans ». Il n’y a donc aucune disposition qui serait destinée à empêcher une personne invalide à prétendre au regroupement familial.

Par ailleurs l’article L 411-5 du même CESEDA dispose que « le regroupement familial ne peut être refusé que pour l’un des motifs suivants :

–         Le demandeur ne justifie pas de ressources stables et suffisantes pour subvenir aux besoins de sa famille. Sont prises en compte toutes les ressources du demandeur et de son conjoint indépendamment  des prestations familiales.  Les ressources doivent atteindre un montant au moins égal au salaire minimum de croissance mensuel. 

–         Le demandeur ne dispose ou ne disposera pas  à l’arrivée de la famille  d’un logement considéré comme normal pour une famille comparable vivant en France. 

Ainsi, il est évident que toute forme de discrimination ne saurait être tolérée et acceptée, étant donné que les motifs de refus de regroupement familial sont limitativement énumérés par la loi et qu’en outre, le regroupement familial entend mettre en exergue le droit fondamental de tout un chacun de jouir d’une vie familiale et privée, au-delà des obstacles frontaliers et des souverainetés exacerbées.

C’est donc en conformité avec la Convention européenne des droits de l’homme et de sauvegarde des libertés individuelles, plus précisément en son article 8, que la procédure de regroupement familial entend s’appliquer même aux personnes invalides à revenus faibles.

Mais il faut cependant souligner l’importance de cette notion de « revenu faible ». En effet, le revenu de la personne qui prétend au regroupement familial peut être faible mais il doit cependant être suffisant pour subvenir aux besoins de sa famille.

Dans la pratique, le droit fondamental au regroupement familial peut donc se trouver écorché pour ces étrangers invalides. En effet, cette la condition de ressources suffisantes fait le plus souvent défaut chez la plupart d’entre eux. La pension d’invalidité ou l’allocation aux handicapés n’est guère suffisante pour pouvoir espérer héberger les membres de sa famille.

La condition de la ressource suffisante opère donc une discrimination indirecte pour ces étrangers invalides par rapport à leur droit au regroupement familial. Le paradoxe dans ce refus d’accorder le regroupement à ces personnes invalides consiste en ce que c’est justement ce handicap qui motive, pour leur permettre de bénéficier de l’assistance de leur famille et de la présence de leur conjoint pour les actes quotidiens. Une situation qui semble sans issue dans la mesure où leur handicape ou invalidité ne leur permettront pas d’occuper un emploi normal, et partant d’augmenter leur revenu.

La jurisprudence « F. c/ Ministre de l’Aménagement du Territoire » illustre parfaitement  la situation paradoxalement discriminatoire que connaissent la plupart des étrangers invalides sollicitant le regroupement familial. En l’espèce, le principal concerné est le sieur « F » ; celui-ci est marocain et a vécu en France depuis 1982. En 1991, le sieur F a bénéficié d’une pension d’invalidité, deuxième catégorie. Dans la foulée, la COTOREP a estimé qu’il pouvait bénéficier du statut de travailleur handicapé. Le même organisme a jugé son taux d’incapacité à hauteur de 80%, ce qui est plus que considérable. 

En tant qu’étranger, il n’a pu bénéficier du « Fonds Spécial Invalidité » et s’est contenté de sa maigre pension d’invalidité.

Le sieur F s’est alors pourvu en justice afin d’obtenir gain de cause dans la lutte qu’il avait engagé pour obtenir un traitement égalitaire quant aux ressources financières d’invalidité. Le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de Nanterre lui a donné gain de cause en 1996 et c’est ainsi que sa pension d’invalidité de l’époque a connu une hausse de 2100 francs, soit de 4000 à 6100 francs.

Mais étant donné la très mauvaise condition physique et psychologique du sieur, il sollicita auprès du préfet à ce que son épouse habitant au Maroc et s’occupant de leurs trois enfants mineurs profite de la mesure de regroupement familial ainsi que leurs enfants eux-mêmes.

La réponse du Préfet du département des Hauts de Seine fut tardive, c’est-à-dire un an après la demande. Celle-ci fut évidemment une décision de refus du regroupement familial avec comme motif de refus l’insuffisance de ressources financières.

Le principal argument mené par le sieur F, aidé du CATRED, était de dire que le préfet avait commis un excès de pouvoir manifeste dans la prise de décision de refus et que cette décision était insuffisamment motivée. A l’appui de ce moyen, il a également été soutenu qu’il y a eu atteinte au droit fondamental de mener  une vie de famille normale et que la motivation d’insuffisance de ressources financières était disproportionnée par rapport au droit violé ; en l’espèce, il y aurait eu violation de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme qui dispose que « toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale[…] Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits  et libertés d’autrui ».

Il a donc également été mis en exergue dans le recours que l’absence de ressources suffisantes ne pouvait et ne devait être invoqué par le préfet eu égard à la situation exceptionnelle dans laquelle se trouvait le sieur F et en l’absence de tout motif d’ordre public.

Le tribunal administratif de Paris fait droit à la demande du sieur F en annulation de la décision administrative interdisant le regroupement familial. Ainsi, le jugement N° 9709591/4 du tribunal administratif de Paris en date du 26 mars 1999 a rendu la décision suivante : « […]qu’il ressort des pièces du dossier que monsieur F perçoit une pension d’invalidité, que la COTOREP lui a reconnu un taux d’incapacité de 80%, qu’il est atteint d’affections médicales qui rendent nécessaires l’assistance d’une tierce personne, que dans ces conditions et eu égard à l’ensemble des circonstances de l’espèce,  le ministre a porté une atteinte disproportionnée au droit de l’intéressé au respect de sa vie privée et familiale, en confirmant la décision par laquelle le sous-préfet de Boulogne-Billancourt a rejeté la demande de regroupement familial présentée au bénéfice de son épouse. ». 

Grâce à cette décision mémorable et ayant fait jurisprudence, le tribunal administratif de Paris a réaffirmé le principe du droit au regroupement familial même pour les personnes invalides ou souffrant d’un handicap et par là même, d’une insuffisance de ressources financières.

Le regroupement familial est une démarche permettant aux étrangers de faire venir en France leur famille ou du moins, certains membres. Aussi bien le conjoint étranger que les enfants mineurs du ressortissant français sont concernés par cette mesure de regroupement. Toutefois, la procédure de regroupement familial n’est pas ouverte aux personnes en situation de concubinage, quand bien même la communauté de vie existe réellement.

C’est l’Office Français de l’Immigration et de l’Intégration qui aura alors en charge la procédure de regroupement familial et toutes les vérifications qui doivent être faite dans le cadre de cette procédure.

 

  1. Conditions d’admission sur le territoire français

 

Quatre conditions sont donc exigées par les autorités concernées dont l’OFII, à savoir :

  • il faut que l’étranger demandeur soit apte à prouver qu’il a séjourné en France de façon régulière et continue et ce, pour une période d’au moins 18 mois ; par ailleurs, à cette condition sine qua non s’ajoute la nécessité d’avoir en sa possession soit  une carte de séjour dont la validité temporaire est d’au minimum une année et comportant une autorisation de travail, soit une carte de résident, soit une carte de résident délivrée en France mais comportant la mention « résident de longue durée-CE », soit encore un reçu justifiant une demande de renouvellement d’un des documents mentionnés ci-dessus.

 

  • la deuxième condition exigée par l’OFII est la justification d’aptitudes financières au regroupement familial  suffisantes mais surtout stables. La méthode de calcul de ce montant financier se base sur les 12 derniers mois de travail du demandeur, étant entendu que les 12 mois courent à compter du dépôt de la demande. Toutefois, les allocations et prestations familiales n’entrent pas en compte pour ledit calcul, étant donné que seul le traitement de base est essentiellement pris en compte, ainsi que les diverses indemnités et primes de fonction. Le montant exigé est calculé en fonction de l’envergure de la famille en question. Cependant, il existe un cas spécifique qui prend en compte des allocations : celui de l’adulte handicapé.

 

  • La troisième condition exigée pour le regroupement familial en France est une condition liée à l’hébergement de la famille. En effet, il est impératif que le demandeur souhaitant faire venir sa famille en France puisse subvenir à leurs besoins, dont la nécessité d’avoir un logement décent, salubre, et de taille raisonnable proportionnellement à la taille de la famille.

 

  • Et enfin, la quatrième condition a trait au respect des valeurs républicaines des principes d’équité universellement reconnus à travers les principes fondamentaux véhiculés par la Déclaration Universelle des droits de l’Homme.

 

Mais la condition sine qua non pour bénéficier du régime de regroupement familial demandeur l’obligation pour le demandeur étranger de s’engager à respecter pleinement les valeurs de la France républicaine, notamment celles ayant trait au droit de la famille et retranscrites au travers du Code civil français et des textes internationaux ratifiés par la France en la matière. Ces principes sont notamment l’égalité entre hommes et femmes, le droit des enfants à être scolarisés, la monogamie, les droits de l’homme et de la femme… Il va ainsi de soi par exemple, qu’une demande fondée sur la polygamie n’aura aucune chance d’aboutir.

 

  1. La procédure

 

  1. La demande

En ce qui concerne la procédure pour effectuer le regroupement familial, elle se divise en plusieurs étapes. Dans un premier temps, le demandeur doit se rendre directement auprès de la Préfecture afin de faire établir la demande à travers un imprimé à remplir. 

Mais dans certains départements français comme le Jura, la demande est à faire auprès de la D.D.A.S.S ou de l’OFII. Dans d’autres départements encore, il faut s’adresser auprès de  l’ANAEM. 

Une fois le formulaire dûment rempli, le maire est saisi du dossier et il est notamment chargé d’émettre son avis à travers un rapport préliminaire qui précise les conditions de ressources financières et de  logement du demandeur souhaitant héberger sa famille.

Dans certains départements français, le dossier est d’abord transmis auprès de l’O.M.I, l’Office des Migrations Internationales, avant d’être transmis au Maire. L’avis du maire devra alors sur la base du fait qu’il juge que le demandeur respecte ou non les principales valeurs républicaines en vigueur en France. Le maire détient ainsi dès cette étape préliminaire un certain pouvoir discrétionnaire qui rend déjà plus ou moins complexe la procédure d’obtention du regroupement familial.  Le maire doit donner son avis dans les deux mois qui suivent la transmission du dossier auprès de lui. S’il ne notifie pas sa réponse dans ce délai, son avis est considéré comme étant réputé favorable.

C’est ensuite seulement que l’OFII est saisi du dossier ; une fois à l’OFII, le dossier est instruit par cette entité de façon à confirmer ou infirmer l’avis donné par le maire. C’est ensuite seulement que l’OFII est saisi du dossier ; une fois à l’OFII, le dossier est instruit par cette entité de façon à confirmer ou infirmer l’avis donné par le maire.

Le préfet doit décider de la suite à donner à la demande de regroupement familial dans les 6 mois à compter de l’introduction de la demande auprès de l’OFII. Il a l’obligation légale de notifier le demandeur de sa réponse, ainsi que toutes les autres entités censées exécuter la décision administrative favorable ou de refus.

 

  1. En cas de refus

Au cas où la réponse serait un refus, le préfet a l’obligation de notifier au demandeur les motifs de refus. 

De plus la décision de refus doit impérativement mentionner au verso les voies de recours offertes au demandeur pour contrer ladite décision. Le silence du préfet dans le délai de 6 mois vaut rejet de la demande et ouvre droit aux recours en excès de pouvoir et en violation de la loi devant le juge administratif. Lorsque ce dernier annule pour excès de pouvoir la décision administrative concernée, le préfet est dans l’obligation de réexaminer le cas du demandeur.

Cependant, il existe une forme de recours à titre gracieux dans lequel le juge administratif n’a pas à intervenir ; dans cette hypothèse, le recours constitue une forme de recours hiérarchique à adresser soit auprès du ministre de l’Intérieur soit auprès du ministère de l’Immigration.

 

  1. En cas de décision positive

Lorsque la décision du préfet est positive, il convient d’exécuter dans les meilleurs délais le regroupement familial sollicité, c’est-à- dire au plus tard dans les 6 mois de la notification de la décision favorable. Mais les personne bénéficiant du regroupement familial devront au préalable s’acquitter d’une redevance proportionnelle au nombre des membres de la famille prévus entrer sur le territoire français auprès de l’OFII ou de l’OMI.

D’autre part, elles devront également faire une demande de visa long séjour par les membres de la famille dans leur pays d’origine. Et cela à compter de la décision administrative octroyant le regroupement. Une demande qui devra être envisagée dans les  6 mois suivant la décision d’accord du préfet.

 

  1. Les dossiers à fournir

Un dossier de demande de regroupement familial est composé de plusieurs pièces obligatoires, faute de quoi le dossier serait jugé irrecevable. Le demandeur doit dans un premier temps présenter  les justificatifs de son titre de séjour : il s’agit entre autres de la carte de séjour temporaire, de la carte de résident, et du reçu de demande de renouvellement de l’un de ces documents.

Mais il y a également les papiers justificatifs de l’état civil du demandeur,  ceux-ci doivent absolument être des documents originaux et non des copies. De plus, ces originaux doivent être accompagnés d’une traduction faite par un traducteur assermenté auprès d’une Cour d’appel ou auprès des autorités diplomatique et consulaire. Les justificatifs d’état civil du demandeur ainsi que ceux de sa famille désignés comme devant bénéficier du regroupement doivent donc être retranscrits dans la langue d’origine et comprendre une traduction en français. 

Ainsi, le premier justificatif d’état civil requis est l’acte de mariage des époux afin d’établir le lien conjugal les unissant ; d’autre part, les actes de naissance de leurs enfants est requis afin d’établir le lien de filiation. Si le demandeur est récemment divorcé, il doit également produire son acte de divorce.

Concernant le sort des enfants adoptés par le couple, il faut dans ce cas produire la décision judiciaire d’adoption s’il s’agit d’adoption judiciaire. Lorsqu’il y a eu décès de l’un des parents ayant conduit le parent survivant à solliciter le regroupement familial pour lui et ses enfants, l’acte de décès doit être produit.

Pareillement, lorsqu’un des parents a connu une déchéance par rapport à son autorité parentale, il faut apporter la décision judiciaire consacrant ladite déchéance. Autre cas, lorsque le parent demandeur entend faire venir en France son enfant encore mineur et dont il a eu la garde suite à une décision judiciaire, il doit produire cette décision judiciaire en même temps que le consentement écrit et authentifié de l’autre parent resté dans le pays d’origine.

Quant aux pièces justificatives de logement, il faut notamment produire le contrat de bail et le dernier récépissé de quittance de loyer lorsque le demandeur a un statut de locataire.

Par contre, lorsque le demandeur est propriétaire d’une propriété bâtie, il doit produire l’acte de propriété. Lorsque le demandeur bénéficie d’un hébergement aux frais et charges de son employeur, il doit produire une attestation dûment signée par ce dernier.

Enfin, lorsque le demandeur est hébergé gratuitement par la famille ou par un tiers, il doit produire le justificatif de bail (quittance de loyer) ou acte de propriété de son hébergeant. Pour ce qui est des justificatifs de ressources, il y a une distinction des pièces à produire selon que le demandeur est salarié, non salarié, exerçant une profession libérale, ou rentier.

 

  1. Pour le demandeur salarié

Le demandeur salarié devra produire son contrat de travail ainsi que ses bulletins de solde des 12 derniers mois à compter de la demande. Il est procédé au calcul de la moyenne de la rémunération perçue lors de ces 12 derniers mois et celui-ci est comparé au revenu mensuel minimum (autrefois le SMIC ; actuellement le RSA ou Revenu de Solidarité Active).

Toutefois, et quand bien même le salaire du demandeur serait trop juste, il est toléré à ce que les revenus du couple soient considérés ensemble dans leur globalité. Enfin, le demandeur salarié doit produire son dernier avis d’imposition.

 

  1. Le demandeur non salarié

Lorsque le demandeur n’est pas salarié, ce sont également les revenus des 12 derniers mois de travail qui sont considérés dans le calcul. Cependant, c’est le document justificatif qui diffère : dans notre cas, le demandeur peut, s’il est commerçant, produire un extrait de son inscription au Registre du commerce, le plus récent en date, ou de moins de 3 mois.

Si le demandeur est un artisan ou assimilé, il devra produire le même extrait mais cette fois, auprès du Répertoire des métiers.

S’il est déjà retraité ou souffrant d’un handicap, il doit justifier  l’existence d’une pension de vieillesse  ou d’une pension pour invalidité. Quoi qu’il en soit, cette pension ne saurait être inférieure au revenu minimum légal.

Lorsque le demandeur exerce une profession libérale telle que avocat, huissier, notaire, il doit produire un extrait du Répertoire « SIRENE » datant  de moins de 3 mois.

Pour toutes ces catégories, la situation comptable et fiscale doit également être mise à jour et produite.

 

  1. Le rentier

Ils doivent produire tous les documents attestant  la provenance de leurs fonds et justifiant leur régularité. De plus, le demandeur rentier doit produire une attestation bancaire garantissant la solvabilité et la fiabilité financière du rentier demandeur.

 

  1. Les autres conditions à remplir

La demande de visa long séjour sur motif de regroupement familial est entre autres soumise à une évaluation de la connaissance du français, la langue qu’ils vont devoir parler désormais. La raison de cette évaluation est que la famille nouvellement installée ne doit en aucune façon représenter une trop grande charge pour l’Etat. Ce qu’elle deviendra si ses membres ne parle pas la langue française puisque cela va compromettre toute chance de trouver un travail et d’avoir une vie normale et sans assistance. 

Cette évaluation est obligatoire pour les personnes qui ont entre 16 et 65 ans, selon les dispositions de la loi N° 2007-1631 du 20 novembre 2007. Si, à l’issue de l’évaluation et du test, il est jugé que le membre de la famille n’a pas les aptitudes suffisantes en français, il peut être proposé une formation accélérée qui ne peut dépasser deux mois. Aux termes de cette période de deux mois, la personne est de nouveau soumise à réévaluation ; si ses résultats sont enfin positifs, elle se verra attribuée une attestation prouvant son aptitude à la connaissance du français. Cette attestation est une condition sine qua non à l’obtention du visa long séjour.

Enfin, il est impératif que les membres de la famille ayant obtenu un visa long séjour entrent sur le territoire français au plus vite, soit dans les 3 mois suivant l’octroi du visa. Et une fois sur le territoire français, ils doivent se rendre auprès de l’OFII, de l’ANAEM ou de la DDASS  afin d’effectuer une visite d’accueil ainsi qu’une visite médicale. Il leur est remis leur certificat médical ainsi que leur contrat d’accueil et d’intégration.

Ce contrat établit les bases de l’accueil réservé à ces étrangers et est obligatoire pour les membres de la famille ayant au moins 16 ans. Et il est prévu par la loi de novembre 2007 pour assurer et garantir le droit des enfants à bénéficier d’une scolarité minimale ainsi qu’à former les parents étrangers sur leurs devoirs et droits en tant que parents en France.

Lorsque les parents font défaut à leurs engagements issus dudit  contrat, ils pourront être poursuivis en justice et encourront des sanctions pénales ainsi que la suspension des prestations financières familiales. Autre sanction possible, le non renouvellement du titre de séjour lorsque celui-ci arrivera à expiration.

Une fois passés à l’OFII, l’ANAEM ou la DDASS,  les nouveaux arrivants peuvent enfin se rendre à la préfecture afin de prendre possession de leur carte de séjour temporaire dont la mention « vie privée et familiale » leur permettra notamment de travailler sur le sol français. Cette carte de séjour a une validité de 1 an.

C’est seulement après avoir vécu et résidé en France pendant 3 ans à compter de la délivrance de la carte de séjour temporaire « vie privée et familiale » que le nouvel arrivant peut espérer obtenir un titre de séjour lui conférant la qualité de résident. La carte de résident, une fois obtenue, est valable pendant 10 ans.

C’est dire que la procédure à suivre pour obtenir les papiers qu’il faut pour s’établir en France est longue et ardue, et une seule petite anomalie dans tout ce parcours peut justifier un refus de l’octroi de la carte de séjour par l’administration.

 

Section 2 : Le contentieux en matière de droit des étrangers

 

Le contentieux des étrangers est ce que l’on pourrait qualifier de « contentieux de masse ». La massification de ce contentieux ne s’est pas fait du jour au lendemain, elle résulte en effet d’un long processus résultant de  « l’accumulation de requêtes individuelles contre des décisions fondées sur une interprétation unique de la loi, erronée ou perçue comme telle. Il s’agit de ce que l’on nomme habituellement le contentieux sériel, qui se traduit le plus souvent par un afflux de requêtes présentant à juger des moyens quasiment identiques, dans un intervalle de temps relativement restreint. ». Mais également « de l’accumulation de requêtes individuelles contre une multitude de décisions distinctes, faisant application d’une même législation, mais cette fois-ci à des situations individuelles qui sont – en principe- distinctes. »

Processus dont l’évolution s’est faite de manière conjointe aux trois périodes caractéristiques de l’Histoire qui ont porté l’avènement progressif du droit des étrangers en France, (post première guerre mondiale ; après le choc pétrolier et la décennie 2000). Nous allons donc procéder à l’étude de l’évolution du contentieux des étrangers selon ce même schéma.

 

§1 : Historique du contentieux des étrangers

 

  1. Le contentieux des étrangers après la 1ère guerre mondiale

 

D’une manière générale, on peut affirmer que c’est après la Grande Guerre que commence véritablement à se dessiner le cadre juridique « moderne » destiné à régir la question des étrangers, de leur entrée et séjour en France. Et cela même si la question était déjà d’actualité bien avant que ne commence la Guerre.

En effet, le droit spécialisé des étrangers a fait sa première apparition sous la deuxième moitié du XIXe. Ainsi, en 1832, l’Etat avait instauré une première loi qui lui permettait d’astreindre les étrangers séjournant en France dans un lieu ou plutôt une ville de son choix afin de garder un œil sur l’évolution de la situation migratoire dans le pays. Le non respect de cette loi étant passible d’une expulsion pure et simple hors du territoire français.

Ces dispositions déjà très sévères ont encore été durcies en 1849 avec l’institution du principe de la « double peine » selon lequel tout étranger refusant de se soumettre à l’injonction d’expulsion en vertu de la loi de 1832 pouvait être emprisonné avant d’être officiellement reconduit à la frontière.

L’instauration de ce principe de la double peine marque alors un tournant important dans l’évolution du contentieux des étrangers puisque crée une ouverture pour l’implication du juge judiciaire en tant que garant des libertés individuelles, tout en affermissant également le rôle et l’implication du juge administratif, dans la mesure où les décisions de reconduite à la frontière émanaient de l’administration. 

La question de la règlementation de la situation des étrangers était donc déjà d’actualité à cette époque, malheureusement le contentieux à proprement dit était quasiment inexistant du fait de la jeunesse de la justice administrative qui en était encore à ses balbutiements. Et cela d’autant plus que la question de la mise en œuvre de la responsabilité de l’Administration était très difficile, pour ne pas dire impossible, à concevoir. Impossible donc pour l’étranger de mettre en branle quelque recours que  ce soit contre les décisions administratives prises à son encontre.

Ce n’est que pendant la période post-première guerre mondiale que le contentieux des étrangers commence à faire une percée parmi les autres contentieux administratifs. Et cela grâce à l’étoffement du cadre juridique régissant le séjour et bientôt l’entrée de l’étranger sur le territoire français.

C’est le décret du 02 Avril 1917 qui instaura l’obligation pour les immigrants âgés de 15 ans et plus de posséder une carte d’identité valant permis de séjour sous peine de reconduite à la frontière. Outre cette obligation, ce décret imposa également à ce que les titulaires de ces cartes d’identité les fassent viser auprès de la mairie ou du commissariat de police chaque fois qu’ils envisageaient de changer de résidence. Une disposition qui devait faire du juge administratif le juge naturel des contentieux qui en découlèrent.

Le développement du cadre légale règlementant la situation des étrangers se poursuit pendant la période d’entre deux-guerres. C’est ainsi que dans les années 30, à l’époque où la crise économique faisait rage et face au contexte socio-économique difficile qui en a résulté, le gouvernement prend l’initiative de plusieurs textes de loi dans le dessein d’encadrer de près le travail des étrangers dans le pays, de façon à protéger les nationaux déjà éprouvés par la crise. C’est le cas par exemple de la loi du 10 Août 1932 qui a été votée dans le but de contenir tant bien que mal l’ « invasion » des mains d’œuvres étrangères au travers des différents secteurs professionnels.

Mais il faudra attendre l’année 1945 et la promulgation de l’Ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945, relative aux conditions d’entrée et de séjour en France des étrangers pour que le régime de l’entrée et du séjour des étrangers en terre française soit enfin unifié dans un même texte.

Qualifiées de « mesures de haute police », la mise en application par l’autorité administrative des dispositions de l’ordonnance peut alors faire l’objet d’un contrôle devant le juge administratif. Même si la mise en œuvre de ce recours pouvait se révéler extrêmement limité. Et cela du fait de la qualification que l’ordonnance elle-même donne à certaines situations. Ainsi par exemple, quand l’ordonnance en question a requalifié le séjour irrégulier comme étant une simple contravention, elle a incidemment écarté de facto l’intervention du juge administratif dans ce genre de contentieux.

Le panorama du contentieux des étrangers à l’époque permet ainsi de dégager deux points, la précarité de la situation de l’étranger et le constat d’un contentieux encore bien timide.

 

  1. Le contentieux des étrangers après le 1er choc pétrolier

 

Dans les années 80, le droit et contentieux des étrangers est marqué par le retour du principe de la double peine qui redevient alors d’actualité. De par ce principe, qui allait dans le sens d’un durcissement de la législation à l’égard de l’entrée et du séjour des étrangers en France, l’étranger en situation irrégulière sur le sol français était non seulement passible d’une décision administrative de reconduite à la frontière (dont le contrôle du bien fondé appartenait naturellement au juge administratif étant donné la nature de la décision) mais parallèlement d’une mesure de rétention qui pouvait aller jusqu’à sept jours avant que le juge judiciaire ne pût intervenir pour statuer sur son cas.

Cependant, cette disposition a été jugée par le Conseil Constitutionnel comme allant à l’encontre du respect du principe de la double juridiction, elle a donc été partiellement réformée par le même Conseil Constitutionnel qui avait ainsi disposé que qu’en cas de rétention, le délai de sept jours était objectivement trop long pour que le juge judiciaire pût jouer son rôle de protecteur des libertés individuelles. Mais elle n’a cependant pas supprimé le principe de la double peine, se contentant de réduire le délai de rétention à 48h.

Jusqu’à cette période, le droit des étrangers était jugé trop sévère mais au moins avait-il le mérite d’être claire : les étrangers devaient être pourvu d’une carte de séjour pour pouvoir s’installer sur le territoire français, dans le cas contraire ils faisaient l’objet d’expulsion, ainsi que d’une mesure de rétention en cas de résistance. 

Mais l’entrée en vigueur de la loi  n° 81-973 du 29 octobre 1981 parue au JO du 30 octobre 1981 va commencer à embrouiller les choses et contribuer à construire la très mauvaise réputation du droit et de la politique française en matière de traitement des étrangers. En effet, avec cette nouvelle loi, le législateur qualifiait le séjour irrégulier comme étant un délit passible d’une mesure d’éloignement que seule le juge pénal était en droit de prononcer. Et cela sans pour autant que la procédure de rétention ne soit abrogée par la nouvelle loi. Bien au contraire, puisque cette dernière en reprécise les contours.

Ainsi, l’intervention du juge judiciaire est maintenue avec la mesure de rétention, la loi précise ainsi que la privation de liberté doit être soumise au contrôle d’un juge civil 24 heures après son prononcé. Le résultat de l’entrée en vigueur de cette nouvelle loi est que l’étranger est peut faire l’objet de mesures sévères (expulsion, rétention et éloignement) devant trois juridictions différentes. Car cette loi permet désormais l’intervention non plus seulement d’un seul mais de deux juges judiciaires : le juge civil ainsi que le juge pénal. Une situation complexe qui va lentement mais très surement faire du contentieux des étrangers un contentieux de masse (voir supra) très difficile à gérer du fait de la lourdeur de la procédure.

Une lourdeur qui entraîne d’ailleurs un grand nombre de protestation, et cela malgré les efforts de clarification et de justification sur les rôles des juges judiciaires et administratifs dans le contentieux de la reconduite aux frontières. Des protestations d’abord de la part des organisations de défense des droits des étrangers qui dénoncent le « l’automatisme » de ces dispositifs. 

Mais surtout de la part des autorités publiques elles-mêmes. La principale raison de la grogne et les critiques de ces dernières porte essentiellement sur « les difficultés de coordination qu’avaient les autorités judiciaires et administratives par rapport à l’exécution des peines de reconduite ».

Devant les critiques, le législateur décide alors de réajuster un peu les choses et dispose, dans la loi n°86-1025 du 9 septembre 1986 relative aux conditions d’entrée et de séjour des étrangers en France, que la décision de reconduite sera désormais un acte purement administratif et totalement distinct de la décision d’expulsion à raison d’une menace pour l’ordre public.

Il faudra cependant attendre 1990  et la Loi n° 90-34 du 10 janvier 1990 pour que cette décision de reconduite soit enfin passible d’un recours en annulation beaucoup plus souple établit en faveur de l’étranger. Cette loi prévoit en effet que non prévoit non seulement un tel recours en annulation a un effet suspensif mais aussi et surtout que le juge doit statuer là-dessus dans les 48h à daté de l’introduction du recours. La nouvelle loi dispose par ailleurs que le juge en charge de connaître de la décision de reconduite devra statuer seul et sans les conclusions du Commissaire du Gouvernement.

Sur  plan théorique, l’idée semblait excellente, d’autant plus que pour la première fois, le texte se montre favorable aux étrangers en leur permettant de défendre leur cas. Cependant, elle s’est révélée très compliquée à mettre en œuvre dans la pratique, en effet, la procédure du recours suspensif en annulation constitue première procédure d’urgence « de masse » organisée dans le cadre de la justice administrative et notamment dans le cadre du contentieux des étrangers. Pour cette raison, le juge administratif a été très rapidement submergé par les recours qui se sont bousculés, il s’est trouvé incapable d’assurer la célérité dans les réponses à ces recours et cela malgré le soutien logistique procuré par le Ministère de l’Intérieur dans l’exécution de leur tâche.

C’est ainsi qu’est apparue la première grande « série » de contentieux qui a été comparé à un « tsunami » par le Professeur Chapus ,  avec les 27 000 recours portant sur le cumul du supplément familial de traitement.  Il aura fallu attendre le début des années 2000 avant que le législateur prenne enfin les mesures adéquates pour faire face à ce dérèglement.

 

  1. Le contentieux des étrangers contemporain 

 

Les années 2000 seront marquées par une inflation sans précédent, et pas très surprenante non plus, du contentieux des étrangers au niveau des différentes juridictions administratives comme judiciaires. Une inflation qui ne surprend donc pas vraiment dans la mesure où il s’agit là de la conséquence des politiques législatives passées. Face aux problèmes les décideurs publics décident alors de mener une grande réforme législative en vue de dénouer la crise, puisque crise il y avait avec l’étouffement des Juridictions, la précarité de la situation des étrangers et la multiplication des cas de situation irrégulière.

Ainsi, pour remédier à la situation chaotique engendrée par la mise en œuvre de la Loi de 1990, le législateur décide de sortir une nouvelle loi en 2006. Entrée en vigueur le 24 Juillet de cette année 2006, le texte institue une nouvelle forme de décision qui regroupe simultanément le refus de séjour et l’obligation de quitter le territoire français, communément dénommé OQTF.

Il s’agit donc d’une autre forme de mesure d’éloignement à l’encontre de l’étranger qui ne disposerait, ou auquel on aurait retiré les documents nécessaires à son entrée et installation sur le territoire national. L’obligation de quitter le territoire Français peut donc résulter du refus de la délivrance d’un titre de séjour,  d’un récépissé de demande de titre de séjour ou une autorisation provisoire de séjour par un préfet, mais également du retrait d’un tel document.

Conformément au régime antérieur de la loi de 1990, la personne qui se voit notifiée  une obligation de quitter le territoire français dispose toujours d’un recours suspensif en annulation de la décision devant le Tribunal administratif, recours qui doit être introduit dans un délai de un mois à partir de l’annulation. L’innovation se trouve dans le fait que désormais, le Tribunal Administratif bénéficiera d’un délai de trois mois pour statuer sur le bienfondé de la décision. Toutefois, ce délai peut être réduit à 72 heures si cette décision a été assortie d’une mesure de rétention.

Une autre grande innovation apportée par le législateur consiste en ce que désormais les décisions de refus d’admission en France au titre du droit d’asile peuvent également faire l’objet d’un recours suspensif. C’est la loi du 20 Novembre 2007 qui a apporté cette innovation sur la pression de la Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH) qui avait condamné le pays pour avoir opéré une politique de refus systématique  d’accorder quelle que  voie de recours que ce soit aux candidats à l’asile

Au terme de ce développement nous pouvons faire trois constats. Premièrement, nous pouvons constater que s’agissant du droit au séjour sur le territoire français, celui-ci relève exclusivement d’une décision administrative, dont le contentieux par conséquent revient tout naturellement au juge administratif. Deuxièmement, on aura remarqué que le séjour irrégulier sur le sol français est érigé en une infraction pénale, sanctionnée par conséquent comme telle. Et enfin, troisièmement, que chaque fois qu’il est question de liberté individuelle, seul le juge judiciaire est apte à intervenir, même si de l’avis de beaucoup, cette intervention du Juge judiciaire n’est pas encore suffisamment forte et par conséquent peu protectrice pour l’étranger.

 

§2 : Les mesures sources de contentieux

 

Nombreux sont les points qui peuvent être à l’origine du contentieux des étrangers. En effet, l’administration est très protectrice de l’intégrité du territoire. Elle lutte contre les invasions et les immigrés clandestins. Les mesures prises par l’administration pour éviter cette clandestinité sont la lutte contre le travail irrégulier, l’astreinte à quitter le territoire, l’interdiction de retour, etc. Ces mesures peuvent être accompagnées de mesure de rétention de l’étranger ou l’assignation  à domicile de l’étranger. Pour une pratique dans la compréhension, nous étudierons en premier les mesures d’éloignement qui sont les sources du contentieux des étrangers en France. Nous revisiterons ensuite les mesures prises par l’administration pour l’application de ces mesures.

 

  1. La mesure d’éloignement en France

 

  1. L’obligation de quitter le territoire français

 

Une innovation introduite pendant la présidence de Nicolas Sarkozy. Cette innovation visait la simplification des procédures d’éloignement des étrangers en situation irrégulière. Ainsi, le législateur  a décidé les décisions en un seul acte. Pourtant, bien que la simplification a été le but, il est clair que celui-ci n’ait pas été forcément atteint.

Des aménagements ont dû être apportés pour l’agencement entre le nouveau et l’ancien régime. L’autorité administrative ne peut plus prendre d’arrêté de reconduite à la frontière pour les cas anciennement visés aux 3° et 6° de l’article L. 521-1 (refus de délivrance ou de renouvellement et retrait d’un titre de séjour). Une telle décision a été affirmée par le juge administratif lui-même.

Cette position a également été confirmée par le Conseil d’État qui a suspendu l’exécution du I de la circulaire du 22 décembre 2006 relative à l’entrée en vigueur des dispositions de l’article 52 de la loi du 24 juillet 2006. La nouvelle procédure d’OQTF devient ainsi la seule procédure  applicable pour tout motif autre que l’existence d’une menace à l’ordre public, la délivrance ou le renouvellement d’un titre de séjour.

La nouvelle procédure concerne tous les étrangers, y compris les ressortissants d’un État membre de l’Union européenne. Ainsi, ces dispositions ont été appliquées à des ressortissants tunisiens.

 

  1. Les Cas d’OQTF

 

C’est l’article L. 511-1 qui prévoit les cas ouvrant la possibilité à l’administration de prononcer une OQTF. Le législateur a organisé les mesures permettant à l’autorité administrative d’ordonner à un étranger en situation irrégulière sur le territoire français de quitter celui-ci, mesures reconnues par le conseil constitutionnel. Remarquons néanmoins que si la décision sur le séjour est motivée par des considérations relatives à l’ordre public, elle ne peut être assortie d’une OQTF. La reconduite à la frontière interviendra.

l’étranger, même entré régulièrement en France, qui s’est maintenu plus d’un mois en France après avoir fait l’objet d’une décision de retrait, de refus de première délivrance ou de renouvellement d’un titre de séjour peut faire l’objet d’une OQTF. Le préfet ne peut prendre une décision obligeant un étranger à quitter le territoire français sans lui avoir dans la même décision refusé, de manière explicite, un titre de séjour ; en revanche, un refus de titre de séjour ne doit pas être nécessairement assorti de l’OQTF.

L’OQTF doit nécessairement être jointe à une décision refusant de délivrer ou de renouveler un titre de séjour ou retirant ce titre, un récépissé de demande de titre ou une autorisation provisoire de séjour. Mais n’est pas assimilée à un refus de séjour qui pourrait être accompagnée d’une OQTF du préfet de retirer le récépissé de demande du statut de réfugié. L’Administration ne peut prononcer d’OQTF qu’après avoir opposé de manière explicite un refus à la demande de titre de séjour.

L’administration doit être impartiale. Ainsi, l’OQTF peut être frappée d’illégalité si l’étranger qui en fait l’objet remplit les conditions légales pour obtenir de plein droit un titre de séjour. Pour apprécier la légalité de la mesure d’éloignement, le juge se place à la date du refus de délivrance ou de renouvellement du titre. D’ailleurs,  un refus de titre de séjour peut être constitutif d’une faute de nature à engager la responsabilité de l’État.

Un cas particulier doit être retenu. La remise à un demandeur d’asile d’une autorisation provisoire de séjour doit être considérée comme abrogeant implicitement la mesure d’éloignement. Mais le demandeur d’asile débouté peut faire l’objet d’une OQTF dès lors que la reconnaissance de statut de réfugié entraîne, de plein droit, l’attribution d’une carte de résident. La mesure d’éloignement peut intervenir en cas de refus intervenu après le rejet d’une demande du bénéfice du statut de réfugié.

 

  1.  La procédure

 

Il appartient à la préfecture d’effectuer la notification par lettre recommandée avec avis de réception (LRAR) dans un délai maximal de 14 jours après l’avis de passage laissé par le facteur, date de première présentation du pli au domicile ou indiqué sur l’avis de passage, lorsque le courrier n’a pas été retiré dans les 14 jours.

L’étranger a un mois à compter de sa notification pour quitter le territoire. Passé ce délai, cette obligation peut être exécutée d’office par l’Administration. Si l’étranger est incarcéré au moment de la notification du refus de titre de séjour, le délai d’un mois ne court qu’à compter de sa libération.

Avant 2007, la décision d’OQTF devait être motivée en application de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979. Cette motivation se confondait toutefois avec celle du refus ou du retrait de titre de séjour dont elle découle nécessairement. Cette motivation pouvait être contenue dans la lettre de notification jointe à la décision, bien que les deux documents ont des signataires différents. Mais depuis la loi du 20 novembre 2007, l’obligation de quitter le territoire français n’a pas à faire l’objet d’une motivation.

Mais par ailleurs, les décisions de retrait d’un titre de séjour ou de refus de séjour doivent être motivées, car ce sont des décisions individuelles défavorables restreignant l’exercice d’une liberté publique ou constituant une mesure de police.

 

  1. La reconduite à la frontière

 

La reconduite à la frontière a été prévue dans la législation relative à l’entrée et au séjour des étrangers par la loi du 29 octobre 1981 en tant que simple mesure d’exécution de l’interdiction judiciaire du territoire. Avec la loi du 9 septembre 1986 apparaît la nouvelle procédure de reconduite à la frontière, administrative qui sanctionne l’irrégularité de l’entrée ou de la situation de l’étranger en France.

 

  1. Les causes de la reconduite à la frontière

 

  1. Situation irrégulière

 

D’abord, la reconduite à la frontière peut être prononcée contre l’étranger qui ne peut justifier d’une entrée régulière sur le territoire, sauf s’il est titulaire d’un titre de séjour en cours de validation.

Egalement, une reconduite ne peut être faite contre des étrangers en transit qui ne doivent justifier que des conditions d’entrée dans le pays de destination. Tels sont également le cas des marins d’un navire étranger bénéficiaire des stipulations du chapitre III de l’annexe à la convention de Londres du 9 avril 1965 visant à faciliter le trafic maritime international. Les mineurs ne peuvent non plus faire l’objet d’une reconduite à la frontière. Ces mineurs ne sont pas tenus d’avoir un titre de séjour

L’irrégularité de l’entrée peut être régularisée si l’étranger est titulaire d’un titre de séjour en cours de validité. Cette solution ne concerne pas les étrangers qui auraient obtenu un titre de séjour de manière frauduleuse et ne vise en fait que les personnes qui, après une entrée irrégulière, ont obtenu la reconnaissance du statut de réfugié.

 

  1. Maintien au-delà de la durée de validité du visa

 

C’est l’article L. 511-1, II, 2° du code des étrangers qui vise le cas de l’étranger qui s’est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou à l’expiration d’un délai de trois mois à compter de son entrée en France sans être titulaire d’un premier titre de séjour régulièrement délivré.

Mais l’étranger qui a sollicité un titre de séjour à deux reprises et a été admis provisoirement au séjour ne peut faire l’objet d’une reconduite à la frontière. Il en est également ainsi pour l’étranger qui ne s’est maintenu sur le territoire au-delà de la durée de validité de son visa que pour des raisons indépendantes de sa volonté.

 

  1. Maintien plus d’un mois en l’absence de demande de renouvellement de titre de séjour 

 

La reconduite à la frontière peut intervenir pour l’étranger qui n’a pas demandé le renouvellement de son titre de séjour temporaire et s’est maintenu sur le territoire au-delà du délai d’un mois suivant l’expiration de ce titre ou pour une demande. Il en est également ainsi de l’étranger qui demande le renouvellement sans avoir répondu à une demande en vue de compléter son dossier ou de l’étranger qui ne respecte pas les procédures à lui imposées.

 

  1. La compétence préfectorale

 

La compétence de délivrer un arrêté de reconduite à la frontière revient au préfet. Il s’agit du préfet du département dans lequel a été constatée l’irrégularité du séjour de l’étranger quel que soit le lieu de l’interpellation de celui-ci. Pour la ville de Paris, cette compétence relève du Préfet de police.

Le préfet peut déléguer sa signature. Cette délégation ne produit néanmoins effet que si elle a fait l’objet d’une publication régulière. A défaut, l’arrêté préfectoral de reconduite à la frontière est entaché d’incompétence. La délégation n’a toutefois pas à être expressément mentionnée dans l’arrêté de reconduite à la frontière. Les dispositions de l’article 4 alinéa 2 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 doivent être respectées.

Il appartient également à la préfecture d’effectuer la notification à l’intéressé. Les arrêtés de reconduite doivent être motivées. La motivation doit comporter l’énoncé des considérations de droit et de fait. Si l’arrêté de reconduite ne comporte aucune énonciation des considérations de fait sur lesquelles il se fonde, il peut être annulé.

 

  1. L’expulsion

 

L’expulsion constitue une mesure qui a pour effet d’éloigner les étrangers du territoire national au motif qu’ils troublent l’ordre public ou qu’ils constituent une menace grave à son égard. L’expulsion constitue une mesure de police destinée à maintenir l’ordre et à préserver la sécurité.

 

L’expulsion revêt un caractère administratif. Ce caractère de mesure de police administrative implique l’application immédiate de toute législation nouvelle relative à l’expulsion. Ce caractère administratif implique également que les stipulations de l’article 7 de la convention européenne des droits de l’homme lui sont inapplicables. Mais l’expulsion doit respecter l’article 5 de la convention européenne en matière d’information.

Les mesures d’expulsion sont des mesures de police auxquelles sont assignés des objectifs différents de ceux de la répression pénale. Aucune disposition de la Constitution ne fait obstacle à ce que la loi confère à l’autorité administrative le pouvoir de prendre un arrêté d’expulsion fondé sur des faits de nature à justifier une condamnation pénale, alors même qu’aucune condamnation définitive n’aurait été prononcée par l’autorité judiciaire.

 

De ce fait, les décisions d’expulsion n’entrent pas dans le champ d’application de l’article 8 de la Déclaration de 1789 dès lors qu’il n’a pas porté atteinte aux garanties juridictionnelles de droit commun. Le conseil constitutionnel estime que l’expulsion ne porte pas atteinte aux libertés individuelles. Néanmoins, l’expulsion constitue une restriction de l’exercice d’une liberté publique.

 

  1. Compétence en matière d’expulsion

 

L’article R. 522-1 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile attribue la compétence à l’autorité administrative pour prononcer l’expulsion d’un étranger en application de l’article L. 521-1, après accomplissement des formalités prévues à l’article L. 522-1 (expulsion « simple »). Il s’agit du préfet de département et, à Paris, du préfet de police.

Il n’est pas nécessaire que le préfet territorialement compétent pour prononcer une décision d’expulsion soit le préfet du département dans lequel l’intéressé réside ou est détenu à la date de la décision. Le préfet compétent pour notifier à l’intéressé le bulletin spécial l’avisant la procédure d’expulsion est également compétent pour prendre l’arrêté d’expulsion quand bien même l’intéressé aurait déja quitté le département en question.

Le ministre de l’intérieur est également compétent en la matière. Mais cette compétence est désormais limitée aux arrêtés d’expulsion pris en application des articles L. 521-2 (nécessité impérieuse) ou L. 521-3 (atteinte aux intérêts fondamentaux de l’État).

 

L’expulsion doit être motivée. En tant que mesure de police restreignant l’exercice d’une liberté publique, l’arrêté d’expulsion doit mentionner l’ensemble des considérations de droit et de fait. La simple reprise de manière littérale du texte du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est insuffisante. Mais la référence à un rapport d’enquête sur l’intéressé coupable d’un homicide volontaire est considérée comme suffisante par le conseil d’Eta.

L’arrêté d’expulsion doit indiquer la possibilité pour l’intéressé d’introduire, dans un délai de deux mois, un recours pour excès de pouvoir devant le tribunal administratif. Les informations doivent être administrées à l’intéressé. À défaut, la notification n’est pas de nature à faire courir le délai de recours contentieux.

 

  1. la commission d’expulsion

 

L’expulsion ne doit être prononcée qu’après que l’étranger ait été convoqué pour être entendu devant la commission d’expulsion. Cette condition n’est écartée qu’en cas d’urgence absolue.

 Lorsque le préfet envisage l’ expulsion, il doit en informer l’intéressé par la notification d’un « bulletin spécial ». Ce bulletin indique les raisons de l’expulsion, la date et l’heure de la réunion de la commission d’expulsion. Les débats devant la commission sont publics. L’étranger peut s’y faire assister d’un conseil et d’un interprète et il peut demander le bénéfice de l’aide juridictionnelle.

A la réception du bulletin spécial, l’étranger peut demander et obtenir communication de son dossier. La communication du dossier le jour même de la réunion de la commission ne prive pas l’intéressé d’un moyen de présenter utilement sa défense.

Aux termes de l’article R. 522-6, le bulletin de notification est remis à l’étranger, quinze jours au moins avant la date prévue pour la réunion de la commission soit par un fonctionnaire de police, soit par le greffier de l’établissement pénitentiaire dans lequel l’étranger est détenu. Si la remise à l’étranger lui-même n’a pu être effectuée, la convocation est envoyée à sa résidence par lettre recommandée avec demande d’avis de réception confirmée. Si l’étranger a changé de résidence sans en informer l’Administration, la notification est faite à la dernière résidence connue par lettre recommandée suivant toujours les prescriptions de l’article R. 522-6.  L’envoi de l’invitation à comparaître devant la commission à une adresse erronée constitue une faute engageant la responsabilité de l’État.

La commission est composée du président du tribunal de grande instance du chef-lieu du département ou d’un juge délégué par lui, président, d’un magistrat désigné par l’assemblée générale du tribunal de grande instance du chef-lieu du département et d’un conseiller du tribunal administratif. La violation des règles en matière de désignation des membres ou de composition de la commission entraine l’annulation de l’arrêté d’expulsion.

Le chef du service des étrangers à la préfecture assure les fonctions de rapporteur ; le directeur départemental de l’action sanitaire et sociale ou son représentant est entendu par la commission. Néanmoins, ces derniers n’assistent pas à la délibération de la commission.

L’étranger et tous les intéressés doivent être auditionnés par la commission. L’audition constitue une formalité substantielle. Son défaut entraîne l’irrégularité de la procédure. Les débats de la commission sont publics sauf si son président décide, pour des motifs d’ordre public de siéger à huis clos. Le président de la commission d’expulsion n’est toutefois pas tenu de faire droit à une demande de huis clos formulée par l’étranger.

L’avis de la commission doit être rendu dans le délai d’un mois, il est communiqué à l’intéressé accompagné de sa motivation et au préfet. La violation de ce délai entraîne le dessaisissement de la commission et l’impossibilité pour l’autorité administrative de prendre l’arrêté d’expulsion. Cet avis doit également être motivé au risque d’entacher l’avis, mais également l’arrêté d’expulsion d’irrégularité.

 

  1. Appréciation de la menace à l’ordre public

 

Les articles L. 521-1 à L. 521-3 établissent une hiérarchie dans la menace à l’ordre public.  Une menace « grave » justifie une expulsion de l’article L. 521-1. L’Administration devra justifier d’une nécessité impérieuse pour la sûreté de l’État ou la sécurité publique pour prendre un arrêté d’expulsion sur le fondement de l’article L. 521-2. La notion de « nécessité impérieuse » a été interprétée comme constituant un degré de gravité supplémentaire par rapport à la menace grave pour l’ordre public. Les faits de même nature peuvent donner lieu à une expulsion simple et à une expulsion pour nécessité impérieuse.

L’article L. 522-3 prévoit l’incrimination la plus grave : comportements de nature à porter atteinte aux intérêts fondamentaux de l’État, ou liés à des activités à caractère terroriste, ou constituant des actes de provocation explicite et délibérée à la discrimination, à la haine ou à la violence contre une personne déterminée ou un groupe de personnes. Les mineurs ne sont pas touchés.

 

  • Menace grave à l’ordre public

 

La menace s’apprécie à la date de l’arrêté d’expulsion. La notion de menace grave ne peut s’assimiler à la commission d’une infraction pénalement sanctionnée : les infractions pénales commises par un étranger ne sauraient, à elles seules, justifier légalement une mesure d’expulsion. Les faits ayant donné lieu à des condamnations amnistiées doivent être pris en considération. La commission doit établir de manière indépendante le risque de menace généré par la présence de l’étranger sur le territoire français.

Pourtant, l’existence de condamnations pénales constitue souvent, aux yeux du juge, une justification de l’expulsion. La gravité est appréciée souverainement par le juge. L’expulsion pour menace grave a pu être valablement fondée sur des actes portant atteinte à l’intégrité physique des personnes. Ces comportements révèlent la dangerosité de l’individu.

Le trafic de stupéfiants est également considéré comme une menace grave à l’ordre public . Le fait que la dangerosité de l’individu soit motivée par un combat politique n’a pas pour effet de faire disparaître la menace grave à l’ordre public. Les infractions pénales de moindre gravité ne révèlent en revanche aucune menace grave contre l’ordre public.

Le comportement isolé n’est pas constitutif de menace grave. Mais la récidive peut être considérée comme une potentialité de menace.Ce type de raisonnement est d’autant plus justifié lorsqu’il s’agit d’infractions répétées et de gravité croissante sur les biens et les personnes.

Si l’article 8 CEDH prévoit le droit à la vie familiale, ce droit est atténué en fonction de la gravité des faits reprochés à un étranger dans le cadre du contrôle de proportionnalité effectué entre les considérations d’opportunité et le droit à mener une vie familiale normale. L’appréciation du juge se manifeste par un contrôle de proportionnalité entre la menace à l’ordre public et l’intensité de la vie familiale en France de l’intéressé.

Pour les immigrés dits de la seconde génération, le juge a d’abord retenu une conception plus extensive du droit à mener une vie familiale normale. Toutefois, on assiste à un raidissement de la Cour européenne des droits de l’homme. Elle a par exemple estimé nécessaire l’éloignement d’un étranger entré en France à l’âge de 2 ans et condamné à trois ans de prison, dont deux avec sursis, pour trafic de stupéfiants. Ce raidissement est également constaté pour le juge administratif. Le juge administratif n’hésite pas à rejeter un recours formé contre un arrêté d’expulsion formé par un immigré de la seconde génération en raison de la gravité de la menace à l’ordre public.

 

  • Nécessité impérieuse pour la sûreté de l’État ou la sécurité publique

La « nécessité impérieuse » ne fait l’objet d’aucune définition légale. Elle n’avait été conçue au départ que pour permettre l’expulsion des terroristes. Il appartient à l’autorité administrative d’apporter la preuve de cette nécessité impérieuse.Cette exigence rejoint l’obligation de motivation.

Il n’est ni nécessaire ni suffisant que l’intéressé ait fait l’objet de condamnations pénales. La levée, par le juge pénal, de la peine d’interdiction définitive du territoire ne saurait être utilement invoquée à l’encontre de la mesure d’expulsion.

L’expulsion pour nécessité impérieuse pourra être prononcée à l’égard d’un étranger auteur d’infractions dont aucune prise isolément ne justifierait le recours à cette procédure, mais dont la multiplication permet de caractériser cette nécessité impérieuse. La notion de récidive est également ici prise en compte dans l’appréciation du juge bien que la répétition de délits ne constitue pas nécessairement une justification du recours à la procédure spécifique de l’article L. 521-2. La gravité croissante des actes pourra révéler une nécessité impérieuse motivant l’expulsion. Une telle répétition d’infractions de gravité croissante peut ainsi justifier l’expulsion d’un étranger, même « protégé ».

Certains crimes et délits relèvent d’un aspect particulièrement grave que la répétition ne soit plus une condition dans le prononcé de la gravité et la nécessité impérieuse. Ce sont par exemple les actes portant gravement atteinte à la sécurité des personnes, coups et blessures, meurtre et homicide, ou encore des viols sur mineure.

La nécessité impérieuse pour la sécurité publique a également été reconnue à l’encontre d’un étranger ayant contribué de manière répétée à l’entrée et au séjour irréguliers de travailleurs clandestins, personnes particulièrement vulnérables, dans des conditions attentatoires à la liberté et aux droits économiques et sociaux les plus élémentaires. Il en est également ainsi du trafic de stupéfiants reconnu comme menace impérieuse par la jurisprudence ainsi que la participation à des activités terroristes

 

La jurisprudence distingue les comportements moins dangereux. Le juge considère par exemple qu’il y a impérieuse nécessité à expulser le trafiquant de drogue, mais non celle du simple pourvoyeur ou du consommateur. Les simples sympathisants de mouvements terroristes bénéficient également de cette considération indulgente. Ainsi, ne justifie pas d’une expulsion pour nécessité impérieuse une ressortissante iranienne dont les liens avec les « Moudjahidin du Peuple » se sont limités à la réception d’une somme d’argent, la participation à une manifestation. Le juge se livre à un contrôle de proportionnalité entre la réalité de la démarche de réinsertion de l’intéressé et la gravité de son comportement.

 

  • L’urgence absolue

 

L’autorité administrative peut procéder à l’expulsion d’un étranger sans procéder à la consultation de la commission d’expulsion en cas d’urgence absolue. Les circonstances de fait justifient l’impossibilité matérielle de différer l’expulsion de l’intéressé. Le délai de droit commun de convocation de l’intéressé devant la commission et de la notification de l’avis rendu et de l’arrêté d’expulsion peut durer de 3 semaines à 2 mois. Il appartient à l’administration d’apporter la preuve de cette urgence.

L’urgence absolue s’apprécie à la date de l’arrêté d’expulsion et la condition tenant à la gravité du comportement de l’intéressé rejoint ici l’appréciation de l’urgence. Si les faits reprochés à l’étranger sont trop anciens, le juge censurera l’arrêté d’expulsion.

Constitue un cas classique d’urgence absolue la libération imminente de l’étranger . C’est ainsi le cas d’un  étranger condamné à 6 ans de réclusion criminelle qui avait déjà effectué 2/3 de sa peine : l’arrêté d’expulsion pouvait à juste titre envisager la libération anticipée qui a d’ailleurs eu lieu un an et demi avant le terme normal de la détention. Il suffit que l’autorité administrative puisse, à juste titre, estimer qu’une libération anticipée était possible.

Le juge admet une conception très souple de l’urgence en fonction de la gravité des faits reprochés à l’intéressé. Il y a urgence absolue pour un étranger qui avait été condamné pour viols et libéré, ou du trafiquant de stupéfiant libéré après 2ans d’emprisonnement. La gravité de certains actes est telle que l’urgence absolue ne peut être que logiquement distinguée. C’est le cas du trafic de drogue, du trafic d’armes ou encore de l’espionnage  ou du terrorisme.

Mais l’autorité administrative n’est pas fondée à invoquer l’urgence absolue pour justifier son propre retard. Ne justifie pas d’une expulsion en urgence absolue un étranger libéré un an plus tôt alors que l’intéressé était incarcéré depuis cinq ans et que l’autorité préfectorale connaissait la date d’élargissement depuis.

 

  1. Les mesures destinées à l’efficacité de la procédure d’éloignement

 

  1. La rétention administrative

 

La directive de 2008 prévoit que, dans le cadre de l’exécution d’une mesure de départ forcé, des mesures moins coercitives doivent être préférées à un placement en rétention. Elle impose également aux États de garantir « un contrôle juridictionnel accéléré de la légalité de la rétention (…) le plus rapidement possible à compter du début de la rétention ».

Il est impératif que l’étranger puisse promptement contester la nécessité du placement en rétention. Il appartient au préfet de motiver cette mesure. La loi du 16 juin 2011 présente la rétention comme une mesure d’exception décidée par défaut et susceptible d’être contrôlée devant le juge administratif.

Une telle faculté existait déjà. Mais compte tenu des délais impartis au juge administratif, cette voie était rarement explorée. Le juge administratif statuait alors que les délais de placement initial en rétention étaient épuisés. Le législateur a justifié l’allongement des délais de placement initial à cinq jours. Le législateur a également souhaité éviter que le maintien en rétention ne soit prolongé par le juge judiciaire alors que ce placement a été prononcé sur la base d’une mesure de départ forcé que le juge administratif aurait ensuite annulé.

La réforme porte par ailleurs la durée totale de placement en rétention de trente-deux à quarante-cinq jours. Le législateur n’a pas ici utilisé l’habilitation ouverte par l’article 15 de la directive précitée qui autorisait une rétention de six mois renouvelable jusqu’à dix-huit mois sous plusieurs réserves.

La loi a le mérite de simplifier la lecture du droit. Jusqu’alors, les délais de la deuxième prolongation différaient selon que la non-exécution de la mesure de départ forcé était imputable à l’attitude de l’étranger ou à des facteurs extérieurs. Dorénavant,  le juge des libertés et de la détention peut prononcer une prolongation pour une nouvelle période uniforme de vingt jours si le préfet se réfère à une « urgence absolue ».

Une telle urgence se traduit par une « menace d’une particulière gravité pour l’ordre public » créé par le comportement de l’étranger qui peut se manifester par la perte ou la destruction des documents de voyage, dissimulation d’identité,  ou un retard non imputable à l’Administration.

Le législateur a également réformé le cadre d’exercice des droits reconnus à l’étranger en calquant le régime sur celui de la zone d’attente. L’information des personnes est assurée à l’arrivée dans le centre de rétention, ou « dans les meilleurs délais possible » si l’Administration est confrontée au placement d’un nombre important d’étrangers

La loi a modifié les conditions d’information des droits pour permettre au JLD de tenir compte des circonstances particulières et, ainsi, ne pas sanctionner un retard d’information. La réforme introduit enfin un dispositif de purge des nullités qui conduit le JLD saisi d’une deuxième requête à se prononcer sur les seules irrégularités de procédure survenues après la première audience de prolongation. De même, la loi limite les motifs de libération, comme en matière de zone d’attente, aux atteintes substantielles aux droits de l’étranger.

La rétention administrative existe depuis la loi du 29 octobre 1981. Elle  a pour objet de faciliter l’exécution des mesures d’éloignement. Elle a été admise par le Conseil d’État par référence au régime de l’assignation à résidence, mais également par la Cour de cassation. La loi Bonnet avait déjà prévu qu’une personne expulsée puisse être retenue jusqu’à l’exécution de l’arrêté d’expulsion Mais cette disposition fut censurée par le Conseil constitutionnel qui considère que l’intervention du juge judiciaire n’était prévue que pour prolonger, au-delà de sept jours, la rétention administrative.

 

L’article L. 551-1 du code des étrangers prévoit le placement en rétention d’un étranger dans des locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire cet étranger dans les cas suivants: 

  1. soit, devant être remis aux autorités compétentes d’un État membre de l’Union européenne en application des articles L. 531-1 et L. 531-2 ne peut quitter immédiatement le territoire français ; 
  2. soit, faisant l’objet d’un arrêté d’expulsion, ne peut quitter immédiatement le territoire français ; soit, faisant l’objet d’un arrêté de reconduite à la frontière pris en application des articles L. 511-1 à L. 511-3 et édicté moins d’un an auparavant, ou devant être reconduit à la frontière en exécution d’une interdiction du territoire prévue au deuxième alinéa de l’article 131-30 du Code pénal, ne peut quitter immédiatement le territoire français ;
  3. soit, faisant l’objet d’un signalement ou d’une décision d’éloignement mentionnés à l’article L. 531-3, ne peut quitter immédiatement le territoire français ;
  4. soit, ayant fait l’objet d’une décision de placement au titre de l’un des cas précédents, n’a pas déféré à la mesure d’éloignement dont il est l’objet dans un délai de sept jours suivant le terme du précédent placement ou, y ayant déféré, est revenu en France alors que cette mesure est toujours exécutoire ;
  5. soit, faisant l’objet d’une obligation de quitter le territoire français prise en application du I de l’article L. 511-1 moins d’un an auparavant et pour laquelle le délai d’un mois pour quitter volontairement le territoire est expiré, ne peut quitter immédiatement ce territoire.

 

  1. Les causes de la rétention

 

Ces causes ont été précisées par le conseil constitutionnel. Le maintien d’un étranger en rétention au titre de cette disposition n’est possible que si la mesure d’éloignement prise à son encontre n’a pu être exécutée, malgré les diligences de l’Administration, en raison du défaut de délivrance ou d’une délivrance trop tardive des documents de voyage par le consulat dont il relève ou de l’absence de moyens de transport.

La détention doit respecter la dignité humaine. Le maintien d’un étranger pendant 3 mois dans un centre de détention dépendant d’un commissariat a été considéré comme un traitement dégradant au sens de l’article 3 de la convention européenne des droits de l’homme.  La détention peut en effet faire naître chez le détenu un sentiment de solitude.

 

  1. L’impossibilité d’exécuter la mesure d’éloignement 

 

La rétention administrative résulte de l’empêchement matériel de l’exécution immédiate de la mesure d’éloignement,  l’absence de places disponibles  par exemple. La rétention nécessaire par exemple pour déterminer la nationalité de l’intéressé qui conditionne la détermination du pays de destination ou en raison du temps nécessaire à l’obtention de laisser passer. L’autorité administrative est également fondée à réaliser la rétention lorsque la décision fixant le pays de destination fait l’objet d’une annulation contentieuse.

 

  1. L’insuffisance de garanties de représentation

 

Il est en effet à craindre que l’intéressé ne profite du retard dans l’exécution de l’éloignement pour disparaitre et s’y soustraire. A titre d’exemple,  l’intéressé était, au moment de son interpellation, dépourvu de passeport et de domicile certain pour décider son placement en rétention administrative.

Lorsque la mesure est motivée par le fait que l’étranger ne dispose pas de garanties de représentation effectives, elle est entachée d’erreur manifeste d’appréciation lorsque l’intéressé apporte la preuve contraire.

La décision de mise en rétention administrative peut intervenir alors même que la décision d’éloignement n’a pas été mise en œuvre pendant une période dépassant deux ans, compte tenu notamment des circonstances. L’étranger aurait pu disparaitre pour se soustraire à la mesure.

La décision de mise en rétention ne peut s’analyser comme une nouvelle mesure d’éloignement que si l’Administration s’est abstenue de toute mesure d’exécution de la décision d’éloignement et, notamment, n’a pas eu recours à la rétention administrative . La rétention est valablement décidée à l’encontre d’un étranger sur le fondement d’un arrêté précédemment exécuté, dès lors que cet arrêté est toujours en vigueur au moment où le juge statuera à nouveau.

L’arrêté préfectoral doit être motivé et présenter des considérations de fait de nature à justifier le placement en rétention administrative. L’arrêté doit établir la réalité de la nécessité absolue de maintenir l’intéressé dans les locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire et ne peut se contenter d’une motivation stéréotypée.

 

  1. La Durée de la rétention

 

La rétention de l’étranger ne peut intervenir que pour une durée strictement nécessaire à l’exécution de la mesure d’éloignement, du départ de l’étranger. L’étranger pourra être maintenu en rétention pendant une durée maximale de trente-deux jours. Cette durée se décompose en trois phases.

  1. la décision préfectorale initiale de maintien en rétention, valable 48 heures ;
  2. la prolongation judiciaire pour une durée maximale de quinze jours ;
  3. une prorogation judiciaire pour une durée maximale de quinze jours en cas d’urgence absolue, d’une menace d’une particulière gravité pour l’ordre public ou lorsque l’impossibilité d’exécuter la mesure d’éloignement résulte de la perte ou de la destruction des documents de voyage de l’intéressé, de la dissimulation par celui-ci de son identité ou de l’obstruction volontaire faite à son éloignement.

La prolongation de cette rétention ne peut se justifier que par l’urgence absolue et une menace d’une particulière gravité pour l’ordre public.  Il a été décidé qu’un étranger ne justifiant d’aucun hébergement ou ressources permettant une assignation à résidence ne pouvait être concerné par une prorogation.

Au-delà du délai maximal de 32 jours, si la mesure d’éloignement n’a toujours pas pu être exécutée, l’étranger devra être remis en liberté, au risque pour l’Administration de commettre une voie de fait. La décision de placement est prise par le Préfet après l’interpellation de l’étranger et, le cas échéant, à l’expiration de sa garde à vue, ou à l’issue de sa période d’incarcération en cas de détention. La décision doit être  écrite et motivée et notifiée à l’étranger et est immédiatement avisé de ses droits par l’intermédiaire d’un interprète s’il ne connaît pas la langue française. Le procureur de la République en est immédiatement informé.

Le contrôle du juge judiciaire peut intervenir à tout moment, le cas échéant avant toute demande de prolongation et sur saisine sans forme de l’étranger. L’article R. 552-17 prévoit que l’étranger en rétention qui demande, hors des audiences de prolongation qu’il soit mis fin à sa rétention saisit le juge des libertés et de la détention par simple requête adressée par tout moyen au juge. À peine d’irrecevabilité, la requête est motivée et signée de l’étranger ou de son représentant, et accompagnée de toutes les pièces justificatives.

 

  1. Les autres conditions de la rétention

 

  1. Le lieu de la rétention

 

En application de l’article R. 551-2, les étrangers retenus dans des locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire sont placés en principe dans des établissements dénommés « centres de rétention administrative » qui reçoivent, dans la limite de leur capacité d’accueil et sans considération de la compétence géographique du préfet ayant pris l’arrêté de placement en rétention, les étrangers quel que soit le lieu de leur résidence ou de leur interpellation.

L’autorité administrative peut décider de déplacer l’étranger d’un lieu de rétention vers un autre lieu de rétention, sous réserve d’en informer les procureurs de la République compétents du lieu de départ et du lieu d’arrivée, ainsi que, les juges des libertés et de la détention compétents.

Il existe également des lieux appelés « locaux de rétention administrative » dans lesquels le préfet peut décider d’envoyer les étrangers  lorsqu’en raison de circonstances particulières, notamment de temps ou de lieu, des étrangers ne peuvent être placés immédiatement dans un centre de rétention administrative. Les étrangers peuvent être maintenus dans ces locaux pendant une durée n’excédant pas 48 heures.

Toutefois, en cas d’appel de l’ordonnance du juge des libertés et de la détention, s’il n’y a pas de centre de rétention administrative dans le ressort de la cour d’appel où se situe le local, l’étranger peut y être maintenu jusqu’à ce que le président de la cour d’appel ait statué. Il en va de même en cas de recours contre l’arrêté de reconduite à la frontière, s’il n’y a pas de centre de rétention administrative dans le ressort du tribunal administratif où se situe le local.

 

  1. L’information de l’intéressé

 

L’étranger doit être informé dans les meilleurs délais que, pendant toute la période de la rétention, il peut demander l’assistance d’un interprète, d’un conseil ainsi que d’un médecin. Il est également informé de sa possibilité de communiquer avec son consulat ainsi qu’une personne de son choix. Si l’étranger ne parle pas le français, la langue utilisée et désignée par ce dernier sera celle utilisée tout au long de la procédure

Le juge judiciaire s’assure de l’exercice effectif des droits des étrangers placés en rétention administrative.  L’étranger a ainsi le droit de communiquer avec son avocat, notamment par téléphone. Néanmoins, les textes sont muets en ce que ces appels soient gratuits ou non.

La disposition selon laquelle la faculté de demander l’assistance d’un conseil doit s’exercer « dès le début du maintien »  en rétention implique que les personnes placées en rétention puissent demander l’assistance d’un avocat. Mais cette disposition n’implique en rien qu’il soit nécessaire qu’un avocat soit, grâce à une permanence, accessible à tout moment.

L’Administration met à la disposition des avocats un local permettant la confidentialité de leurs échanges avec les personnes en rétention et équipé des moyens adéquats pour faire usage des voies de recours ouvertes aux intéressés.

L’étranger a la possibilité de se faire assister par un interprète, par un médecin ou un conseil. Cette information doit être lui être délivrée au moment de la notification de la décision de maintien en rétention et non au moment de la garde à vue. Si l’étranger n’a pas pu bénéficier de l’assistance d’un interprète, le juge refusera la prolongation du maintien en rétention.

Le juge des libertés et de la détention est le gardien de la liberté individuelle. Il lui appartient de s’assurer que l’étranger a été, au moment de la notification de la décision de placement en rétention, pleinement informé de ses droits et placé en mesure de les faire valoir.

 

  1. Assignation à résidence

 

  1. Les conditions de l’assignation

 

L’article L. 513-4 dispose que l’étranger qui est obligé de quitter le territoire français ou qui doit être reconduit à la frontière et qui justifie être dans l’impossibilité de quitter le territoire français en établissant qu’il ne peut ni regagner son pays d’origine, ni se rendre dans aucun autre pays peut être astreint à résider dans les lieux qui lui sont fixés, dans lesquels il doit se présenter périodiquement aux services de police et de gendarmerie.

Ce régime est également appliqué à l’étranger faisant l’objet d’un arrêté d’expulsion qui ne peut quitter immédiatement le territoire français. L’arrêté d’expulsion n’est réputé avoir été exécuté qu’à la date à laquelle l’intéressé a effectivement été éloigné du territoire.

L’étranger doit se rendre au lieu qui lui est indiqué. Il ne peut le quitter, sous peine de sanction pénale, sans l’autorisation du préfet. Néanmoins, l’étranger peut librement circuler dans la circonscription qui lui a été assigné. Mais l’étranger assigné à résidence a l’obligation de se présenter périodiquement aux autorités de police et gendarmerie dans les conditions fixées par l’arrêté. Les mesures de surveillance ne doivent pas porter atteinte à la liberté individuelle.

L’étranger assigné à résidence ne peut quitter le territoire français. Cette impossibilité peut résulter notamment des risques encourus en cas de retour dans le pays d’origine ou de l’absence de pays d’accueil. L’assignation à résidence est destinée à permettre à l’intéressé d’effectuer toutes démarches utiles en vue de son admission dans un pays d’accueil de son choix.

Il appartient à l’étranger qui sollicite une assignation à résidence d’apporter la preuve de l’impossibilité de regagner son pays d’origine. L’étranger doit également prouver l’impossibilité de se rendre dans un autre pays. Ces preuves peuvent être le refus de visa émanant d’un ou plusieurs consulats étrangers en France.

Si l’étranger rapporte la preuve, notamment parce que les autorités consulaires du pays d’origine ne reconnaissent pas au requérant la qualité de ressortissant, le juge annulera le refus d’assignation à résidence, indépendamment de la gravité des faits commis par l’intéressé. Le Conseil d’État estime néanmoins que d’autres démarches auprès d’autres pays auraient été nécessaires pour établir l’impossibilité de quitter le territoire. Il incombe a contrario à l’Administration de démontrer que l’intéressé est admissible sur le territoire d’un ou plusieurs autres États.

Les conditions de mise en œuvre de l’assignation à résidence mentionnées à l’article L. 513-4 sont limitatives. L’autorité administrative ne peut ainsi prononcer une assignation à résidence en dehors de ces cas limités.

L’assignation à résidence peut elle remplacée la rétention administrative en cas de manque de place ? Le conseil d’Etat a répondu par la négation à cette question. Le juge administratif d’admettre également que l’assignation à résidence dans une caserne est illégale et constitue un détournement de la procédure de rétention administrative.

 

  1. La procédure de l’assignation

 

  1. L’autorité compétente

 

La compétence pour prononcer la décision d’assignation à résidence, revient au ministre de l’Intérieur en cas d’expulsion « dérogatoire » qui statue par arrêté. Le préfet et, à Paris, le préfet de police sont ceux compétents dans les autres cas. Mais  l’assignation à résidence peut également être prononcée par décision du juge judiciaire en alternative à la rétention administrative lorsque l’étranger dispose de garanties de représentation suffisantes. Mais en principe, seule l’autorité administrative peut prendre une mesure d’assignation à résidence ; le juge ne peut y pourvoir.

Le ministre de l’Intérieur seul peut assigner à résidence un étranger qui a fait l’objet d’une décision d’interdiction du territoire prononcée par une juridiction judiciaire et qui ne peut déférer à cette mesure.

 

  1. Le motif de l’assignation

 

L’arrêté d’assignation à résidence doit être motivé en droit et en fait. Il doit indiquer les raisons du choix d’un département autre que celui du lieu de résidence habituel du requérant. Mais l’assignation à résidence dans un département autre que celui dans lequel l’intéressé travaille est possible.

L’autorité administrative procède à un examen particulier de la situation de l’intéressé. Elle s’assure que la mesure ne porte pas une atteinte excessive au droit de l’intéressé à mener une vie familiale normale. Il a été néanmoins jugé que le fait que l’épouse du requérant ait fait l’objet d’une assignation à résidence dans un autre département que son mari n’était pas contraire à l’article 8 de la convention européenne des droits de l’homme.

Chapitre II : La dualité juridictionnelle, principe du droit français

 

La dualité de juridiction est considérée comme le « principe d’organisation du système juridictionnel français, ayant valeur constitutionnelle, selon lequel il existe deux catégories de juridictions : des juridictions administratives (…) chargées de connaître de la plupart des litiges dans lesquels sont en cause l’Etat ou les autres collectivités publiques ; des juridictions judiciaires pour le reste (…). ».

Le principe de séparation des pouvoir instauré par la dualité juridictionnelle constitue aujourd’hui la base de notre système juridique et repose sur  l’affirmation « qu’aucun organe ne puisse détenir en dehors de la nation elle-même, la totalité des compétences attachées à la souveraineté », et constitue en cela la seule véritable garantie de l’effectivité et la pérennité de la démocratie.

C’est un principe qui n’est pas tout récent puisqu’on peut en retracer l’existence assez tôt dans l’histoire de la France, mais il est à souligner qu’il n’a pas toujours été considéré à sa juste valeur, pour ne pas dire complètement ignoré, par les intéressés. En retracer l’historique nous aidera très certainement à comprendre le rôle qu’il a joué dans le développement du contentieux des étrangers en France.

Nous avons pu observer au cours du chapitre précédent de la complexité de la situation de l’étranger en France. Cette complexité est souvent la source des contentieux des étrangers en France. Le préfet est l’autorité compétente pour prononcer des mesures à l’encontre des étrangers, notamment en ce qui concerne les mesures d’éloignement. Dans certains cas, le ministre de l’intérieur intervient également dans la mise en œuvre de mesure pour assurer l’ordre public et la sécurité.

Le préfet, mais également le ministre de l’intérieur, sont des autorités administratives. Les décisions prises par ces autorités revêtent un caractère administratif qui ouvre compétence de principe à la juridiction administrative. Nous avons néanmoins pu observer le rôle que peut prétendre le juge judiciaire dans ces contentieux. Il existe autant de jugements et d’arrêts des juridictions civiles qu’administratives. Comment se manifeste alors cette dualité de juridiction dans le contentieux des étrangers ? En premier lieu, nous reviendrons sur la consécration de la dualité juridictionnelle dans le droit français pour aborder ensuite le rôle de chaque juridiction dans le contentieux des étrangers.

 

Section 1 : L’évolution historique de la dualité juridictionnelle 

 

L’étude de l’évolution de dualité juridictionnelle doit être menée sur deux niveaux pour bien rendre compte de son utilité et de sa place dans l’ordre juridique actuel. D’une part, du point de vue de son fondement et d’autre part en ce qui concerne son interprétation qui laisse également transparaître cette évolution.

 

§1 : Le fondement du principe  

 

  1. Historique de la dualité à la française

 

Le principe de la dualité juridictionnelle est née de la volonté de l’administration de régler elle-même les litiges qui entrent dans le cadre de ses activités et cela parce que  « juger l’administration, c’est encore administrer ».

La prise de conscience de cet état de chose et le constat d’un disfonctionnement de l’administration du fait du juge judiciaire qui avait trop tendance à se montrer conservateur et empêcher toute réformes qui étaient pourtant nécessaire pour instaurer un véritable Etat du droit. En effet, dans la période qui précède le XIXe siècle, l’état du droit français laissait à désirer dans la mesure où l’Etat et les autres pouvoirs publics français n’étaient pas soumis à un contrôle juridique efficient. Or pour que véritable Etat de droit il y ait, il aurait fallu que ledit Etat et les autres pouvoirs publics soient soumis à ce contrôle juridique, une idée à laquelle les parlements d’Ancien Régime étaient plus que réfractaires car cela auraient diminué leur influence au sein de l’administration.

Rappelons que dans l’Ancien Régime, c’était à l’intendant qu’était confiée la tâche de fonctions administratives majeures, à l’intendant qui était ne dépendait que du roi et de son Conseil, cependant, ce même conseil se voyait également doté  d’une section spécialisée dans les affaires judiciaires parallèlement à ses attributions administratives. Plus tard, c’est le Parlement qui jouissait des attributions judiciaires, rendant les arrêts au nom  du Roi, il représente alors  le Roi dans ses prérogatives judiciaires et cela au plus haut niveau, ainsi ses décisions ne sont pas susceptibles d’appel. Et dans les mêmes temps, il avait également des attributions non judiciaires qui consistaient en la surveillance des administrateurs locaux, participation à l’édiction de certaines ordonnances…

Une situation intenable qui fait ainsi l’objet d’un premier édit en 1641, l’édit de Saint-Germain  qui interdisait aux juges « de prendre connaissance des affaires d’Etat, administration et gouvernement du royaume ». Richelieu entendant ainsi limiter le droit de remontrance du parlement qui consistait à remettre en cause un édit royal jugé contraire aux intérêts du peuple et des principes monarchiques, un droit dont il usait de manière itérative, bloquant ainsi toute tentative de réforme au sein de l’administration. Cet édit marque le début du principe de la séparation du pouvoir en France, et cela même s’il n’a reçu qu’assez peu d’échos. 

Bien conscients de cette trop grande immixtion du pouvoir judiciaire dans les affaire de l’Etat, les Révolutionnaires de 1790 ont également tenus à interdire au pouvoir judiciaire de connaître des affaires de l’administration par le biais de la Loi des  16 et 24 août 1790 en son article : « Les fonctions judiciaires sont distinctes et demeureront toujours séparées des fonctions administratives. Les juges ne pourront, à peine de forfaiture, troubler, de quelque manière que ce soit, les opérations des corps administratifs, ni citer devant eux les administrateurs pour raison de leurs fonctions. ». Ce texte, tout comme son prédécesseur reçoit une application assez relative, ce qui  pousse le législateur à rappeler le principe par le biais du décret du 16 fructidor an III : « Défenses itératives sont faites aux tribunaux de connaître des actes d’administration, de quelque espèce qu’ils soient, aux peines de droit ».

Notons que ces deux textes n’ont jamais été abrogés, en effet les autres textes qui ont suivi n’ont fait que donner des précisions sur les conditions d’intervention du juge judiciaire sans remettre en cause le principe posé. Ainsi, par exemple, la Constitution de la Ve République dispose que l’indépendance de l’autorité judiciaire est garantie par le président de la République

 

  1. Manifestation de la dualité

 

Le système juridictionnel français s’est toujours inscrit sous la forme de deux ordres de juridiction évoluant de façon parallèle. La juridiction judiciaire et la juridiction administrative cohabite de façon indépendante.

La juridiction administrative est aujourd’hui strictement indépendante de l’Administration active bien qu’elle ait été à l’origine intégrée aux autres aspects du pouvoir exécutif, la juridiction administrative a évolué et a pris de plus en plus de liberté pour devenir « une véritable instance inscrite dans l’Administration mais distincte d’elle »

Ce résultat a pu être atteint par l’élimination progressive de la présence d’administrateurs actifs dans la sphère juridictionnelle de  l’Administration et la reconnaissance, à divers degrés, de l’indépendance des magistrats administratifs et des conseillers d’État.

La juridiction administrative est compétente à l’égard des litiges qui concernent l’administration. La juridiction judiciaire est plutôt axée vers le règlement des litiges entre particuliers, relations d’affaires, de même qu’aux matières pénales. Néanmoins, la juridiction judiciaire peut disposer de certaines affaires administratives. Nous voyons déjà ici une certaine atténuation de la séparation rigide de la compétence des deux juridictions.

 

§2 : La mise en œuvre du principe

 

La première étape dans la mise en place de la justice administrative a conduit à l’instauration d’un système où le juge était également l’administrateur, c’est le système dit de l’Administrateur-Juge. Car les Tribunaux ont été créés à une époque où il n’y avait pas encore de Juge Administratif, ce qui fait que dans la pratique, c’était en fait les autorités administratives elles-mêmes qui ont été amenées à trancher leurs différends avec les particuliers. Particuliers qui étaient donc dans l’impossibilité de s’adresser à un Tribunal dans le règlement des conflits avec l’Administration.

C’est sur la base de ce système et de son évolution que naîtra la juridiction administrative telle que nous la connaissons aujourd’hui. A ce stade de son évolution, les litiges administratifs ont donc d’abord été soumis à des administrateurs actifs comme le Roi, les Directoires dans les départements et par les Conseils des Communes dans les communes (ainsi que dit dans la Constitution de 1791).

Ce qui est tout-à fait dans l’esprit de l’affirmation selon laquelle juger c’est encore administrer, malheureusement, ce système laisse planer un doute très sérieux sur l’impartialité du Juge et même sur sa compétence. Doute qui a conduit à la création d’une administration consultative et à la naissance du système de la justice retenue.

C’est la Constitution du 22 frimaire an VIII qui a contribué en la mise en place de ce système, et cela en prévoyant, dans son article 52, la mise en place du Conseil d’Etat. Il s’agit d’un corps spécial placé aux côtés de l’autorité administrative, il se chargeait alors d’examiner les litiges « s’élevant en matière administrative » et de les régler en donnant son avis et en proposant des solutions au Chef de l’Etat. 

Notons cependant qu’alors, le Conseil d’Etat ne constituait pas une Juridiction, en effet il ne pouvait pas prendre des décisions, se cantonnant dans un rôle consultatif. Au final c’est quand même l’administration qui a le fin mot de l’histoire. 

C’est le système de la justice retenue où c’est le Chef de l’Etat qui prend la décision finale. Dans la pratique, elle se manifeste par le fait que les solutions proposées par le Conseil d’Etat sont soumises à la signature du Chef d’Etat. Cependant, les problèmes administratifs devenant de plus en plus complexes, le chef de l’État faisait pratiquement toujours confiance à son conseil, entérinant pratiquement tous ses avis, ce qui a donné une plus grande indépendance et une marge de manœuvre plus large au Conseil d’Etat, facilitant son élévation au titre de véritable juridiction. 

C’est ainsi, et avec l’entrée en vigueur de  la loi du 24 mai 1872 portant sur la réorganisation du Conseil d’Etat qu’on assiste  à la naissance d’un système de « justice déléguée », où le Conseil d’État devient un vrai juge.

Il faut cependant remarquer que le système de ministre-juge n’a jamais vraiment été abandonné et a donc continué à exister en parallèle tout au long de cette évolution. Ce que fait que quand le Conseil d’Etat était devenu une juridiction à part entière, le recours qui était introduit auprès de lui constituait en réalité un appel contre la décision du ministre qui était toujours  le juge de droit commun en premier ressort. C’est l’arrêt Cadot du Conseil d’État du 13 décembre 1889 qui fera complètement disparaître ce système du ministre-juge. 

En effet, « Par cette décision, le Conseil d’État a affirmé qu’il était compétent pour connaître de tout recours en annulation dirigé contre une décision administrative, sauf si un texte en dispose autrement de façon expresse. Jusqu’alors le Conseil d’État n’était compétent pour connaître d’un recours en annulation que dans la mesure où un texte l’avait expressément prévu. A défaut, c’étaient les ministres qui disposaient de la compétence générale pour se prononcer sur les recours dirigés contre les décisions administratives. » 

 

Section 2 : L’application de la dualité au contentieux des étrangers

 

§1 : L’intervention des deux juridictions dans le contentieux

 

«Il n’y a pas de matières juridiques où la subtilité soit plus nuisible et la mobilité moins permise que les questions de compétence. Les solutions qui leur sont données doivent être facilement comprises, parce qu’elles sont destinées à guider les justiciables. Elles doivent être stables, parce qu’elles tracent des règles aux tribunaux de tout ordre et que ceux –ci seraient moins portés à les observer si les juridictions supérieures, après avoir tracé ces règles, se laissaient trop facilement aller à les modifier ».

 

  1. La reconnaissance de la dualité dans le contentieux

 

La répartition des compétences entre le juge judiciaire et le juge administratif a été consacrée maintes fois par la Cour constitutionnelle. Dans sa décision du 28 juillet 1989, le Conseil Constitutionnel a déclaré contraire à la Constitution et portant atteinte au principe fondamental de la République l’article 10 de la loi relative aux conditions d’entrée et de séjour des étrangers qui insérait dans le texte de l’ordonnance du 2 novembre 1945 un article 22 bis permettant à l’étranger de contester la légalité de l’APRF dont il faisait l’objet devant le président du tribunal de grande instance.

Pour le conseil constitutionnel, la compétence de principe pour statuer sur la légalité des décisions de l’administration revenait à la juridiction administrative, le Conseil déclarait conforme à l’article 66 de la Constitution l’article 35 bis de l’ordonnance du 2 novembre 1945 soumettant au contrôle de l’autorité judiciaire toute prolongation au-delà de 24 heures du maintien en rétention administrative des étrangers ne pouvant quitter immédiatement le territoire français. Ce délai a ensuite été prolongé de 24 à 48 heures.

Le Tribunal des conflits n’a été que très exceptionnellement saisi d’un conflit positif de compétence entre les deux ordres juridictionnels dans le cadre d’un contentieux relatif à la rétention. Dans un arrêt du 25 avril 1994, le Tribunal des conflits a estimé que les litiges relatifs aux conditions matérielles d’exécution de la rétention des étrangers en instance d’éloignement sont du plein ressort, en l’absence de voie de fait, à la seule compétence des juridictions administrative.

Dans un arrêt du 5 juin 2000, le Tribunal des conflits a attribué la compétence au juge judiciaire pour statuer sur une demande de l’étranger tendant à ce qu’il soit mis fin à sa détention dès lors que l’APRF avait fait l’objet d’un retrait par l’autorité administrative, suivi de l’émission d’un nouvel APRF.  Le retrait devant produire les mêmes effets qu’une annulation par le juge administratif. Le juge judiciaire n’était saisi que parce que l’administration avait au mépris de la loi maintenu l’étranger en rétention dans l’intervalle séparant les deux décisions d’éloignement

La Cour de cassation consacre également du principe de la séparation des pouvoirs, donc de la compétence. Elle casse les décisions dans lesquelles la demande de prolongation de la rétention est rejetée au motif que la décision administrative d’éloignement, de placement, voire leur notification seraient entachées d’illégalité.

La Cour de cassation  rappelle souvent aux juges « du fond » de manière récurrente qu’ils ne peuvent donner des injonctions à l’administration sur la base du principe de la séparation des pouvoirs.

Le Conseil d’État, demeuré juge d’appel des décisions du juge administratif des référés saisi sur le fondement des articles L.521-1 ou L.521-2 du code de justice administrative prononce l’annulation chaque fois qu’une juridiction administrative se prononce sur une demande de l’étranger afin d’obtenir la suspension de l’exécution de la décision de placement  après l’expiration du délai de 48 heures. En effet,  au-delà de ce délai,  le juge judiciaire a seul compétence pour statuer sur la rétention.La mission du juge administratif est de contrôler la légalité de l’arrêté de placement en rétention, après que le juge judiciaire ait accueilli ou rejeté la demande de prolongation de la rétention.

 

  1. L’ordre des interventions

 

Actuellement, reporte l’intervention du juge judiciaire après l’expiration du délai dans lequel le juge administratif doit statuer sur une éventuelle demande d’annulation de la décision de placement en rétention. Ce report implique un nouvel allongement de la durée initiale de rétention qui passe de 48 heures à 5 jours.

Bien qu’il s’agisse d’un acte matériellement distinct de la mesure d’éloignement, la décision de placement en rétention ne fait que rarement l’objet d’un recours autonome devant le tribunal administratif. Sa légalité n’est pas davantage remise en cause dans le recours dirigé contre la mesure d’éloignement. C’est l’annulation de cette mesure qui est recherchée par l’auteur du recours. Une annulation entraîne la caducité de la mesure privative de liberté par application de l’article L. 512-4 du CESEDA.

Normalement, il appartient au juge administratif de se prononcer sur la légalité de la mesure prise par l’administration. En principe, le juge judiciaire n’a de compétence qu’au-delà du délai maximal de rétention, avant de 48 heures, maintenant de 5 jours. Un rejet du recours contre la mesure d’éloignement a d’ailleurs toutes les chances d’entraîner le rejet d’un éventuel recours contre la décision de placement dès lors que la juridiction administrative compétente pour en connaître en 1ère instance paraît assez souvent se satisfaire en pratique d’une motivation type consistant en la reproduction de l’article L. 551-1 du CESEDA.

L’article L. 512-4 du CESEDA prévoit qu’en cas d’annulation de la mesure d’éloignement, il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance (rétention ou assignation à résidence). Le juge judiciaire n’a de compétence que, soit que l’administration n’ait pas tiré les conséquences pratiques d’une annulation, soit que le juge judiciaire soit amené à statuer sur la rétention après une annulation de la mesure d’éloignement par le juge administratif.

Mais il existe une certaine interversion des interventions des juridictions. Les observations sur la pratique des juridictions nîmoises montrent en effet qu’en l’état actuel du droit, le juge des libertés et de la détention saisi dès la notification de la décision de placement, elle-même concomitante de la décision d’éloignement, statue dans 98% des cas sur la rétention avant que le juge administratif qui dispose d’un délai de 72 heures pour statuer et statue en moyenne le 5e jour suivant la notification de la mesure d’éloignement (48 heures + 72 heures) se soit prononcé sur la légalité de cette mesure.

Dans ces conditions c’est seulement la juridiction saisie d’un appel contre l’ordonnance du JLD qui peut le cas échéant être informée en cours d’audience d’une annulation de la décision administrative, mais cette information la conduit à prononcer un non-lieu à statuer, une décision qui ne préjuge en rien de la régularité ou irrégularité de la rétention.

Cet allongement de la durée légale de la rétention à 5 jours pourrait théoriquement être utilisé par l’administration pour exécuter la mesure d’éloignement. Mais cette exécution étant suspendue par le recours en annulation devant le juge administratif, il y a tout lieu de penser que celui-ci sera rapidement submergé par le nombre des recours et que sa mission deviendra plus complexe. La reforme devant améliorer l’efficacité entraine une lourdeur administrative.

Cet allongement n’empêchera pas que le JLD, désormais tenu de statuer dans les 24 heures de sa saisine sous peine d’être dessaisi, rende sa décision avant le juge administratif, comme c’est aujourd’hui le cas car il est probable que l’administration n’attendra pas le terme du délai de 5 jours pour le saisir au risque de voir sa demande déclarée irrecevable comme tardive ou rejetée, au motif qu’un maintien à disposition de la justice ne peut conduire à prolonger au-delà de 5 jours la durée de la rétention.

 

  1. Le juge administratif dans le contentieux des étrangers

 

Il est souvent facile d’attribuer pleine compétence au juge administratif dans le contentieux des étrangers. La raison en est la prépondérance de la qualité d’autorité administrative des auteurs des mesures prises contre les étrangers. En effet, le contentieux des étrangers est fortement basé sur des décisions du préfet ou du préfet de police pour le cas de Paris, préfet qui interviennent par acte administratif. Or, il est de principe que le contentieux des actes administratifs soit du ressort du juge administratif.

Le juge administratif est compétent pour les recours contre les mesures prises par l’autorité administrative, notamment en matière d’éloignement, reconduite à la frontière, obligation de quitter le territoire français, ou encore contre l’expulsion. Ce sont ces recours que nous allons revoir dans cette partie.

 

  1. Le recours contre les décisions administratives

 

  1. Recours contre une OQTF devant le juge administratif

 

L’étranger qui fait l’objet d’un refus de séjour, d’un refus de délivrance ou de renouvellement de titre de séjour ou d’un retrait de titre de séjour, de récépissé de demande de carte de séjour ou d’autorisation provisoire de séjour assorti d’une obligation de quitter le territoire français mentionnant le pays de destination peut, dans le délai d’un mois suivant la notification, demander l’annulation de ces décisions au tribunal administratif. Le juge administratif est ainsi le juge compétent pour connaitre du recours en annulation de la décision administrative.

Son recours suspend de la mesure administrative. Mais il ne fait pas obstacle à une éventuelle rétention administrative. Le tribunal administratif dispose de trois mois pour statuer, délai courant à compter de sa saisine. La procédure de droit commun est appliquée ; une formation collégiale statuant après conclusions du commissaire du gouvernement.

Dans le cas où une rétention administrative est prononcée avant que le juge n’ait rendu sa décision, le juge statue selon la procédure applicable aux arrêtés de reconduite à la frontière. Le juge doit se prononcer sur la légalité de l’obligation de quitter le territoire français et de la décision fixant le pays de renvoi, au plus tard soixante-douze heures à compter de la notification par l’Administration au tribunal de la rétention. Un juge unique statue.

Lorsque la saisine du juge précède la mesure de rétention, le juge des libertés et de la détention peut néanmoins décider de la remise en liberté avant que le tribunal administratif n’ait statué. Ce dernier doit statuer selon la procédure de droit commun

L’étranger peut recourir à une aide juridictionnelle au plus tard lors de l’introduction de sa requête en annulation dérogent à la règle générale fixée par l’article 18 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

En vertu de l’article sus cité, l’aide juridictionnelle peut être demandée avant ou pendant l’instance ; toute juridiction administrative est tenue en vertu du droit constitutionnellement garanti à toute personne à un recours effectif devant une juridiction, de transmettre sans délai une demande d’aide juridictionnelle au bureau d’aide juridictionnelle compétent, qu’il soit placé auprès d’elle ou auprès d’une autre juridiction, et de surseoir à statuer jusqu’à ce qu’il ait été statué sur cette demande, sauf en présence d’une irrecevabilité manifeste, insusceptible d’être couverte en cours d’instance.

Il arrive qu’une nouvelle demande d’aide juridictionnelle soit formée à la suite d’une décision de caducité d’aide juridictionnelle. Cette nouvelle demande n’a pas pour effet pour autant d’interrompre de recours contentieux.

L’’article 39 du décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 prévoit qu’une demande d’aide juridictionnelle présentée avant l’expiration du délai de recours a pour effet d’interrompre ce délai. Un nouveau délai d’un mois court à compter de la réception par le requérant de la notification de la décision du bureau d’aide juridictionnelle

L’aide juridictionnelle garantit la mise en œuvre du droit constitutionnel à un recours effectif. Une décision juridictionnelle rendue en méconnaissance de l’obligation de surseoir à statuer ne peut être valable lorsqu’a été présentée une demande d’aide juridictionnelle. Cette méconnaissance doit être soulevée d’office par la juridiction saisie de cette décision.

 

  • La procédure

 

Le législateur a déterminé les règles de procédure administrative et contentieuse auxquelles sont soumises l’intervention et l’exécution des décisions par lesquelles l’autorité administrative signifie à l’étranger l’obligation de quitter le territoire français. L’article 24 de la loi du 12 avril 2000 ne saurait être utilement invoqué à l’encontre d’une décision portant OQTF.

Si les décisions de refus ou de retrait à un étranger du droit de demeurer sur le territoire français avec obligation de quitter le territoire avec un pays de destination sont regroupées au sein d’un acte administratif unique, aucune disposition ne s’oppose à ce que les intéressés contestent séparément devant le juge de la légalité chacune de ces décisions. Ils peuvent soulever des moyens distincts. Le juge apprécie la légalité de chaque décision au regard des moyens soulevés par les intéressés contre la décision attaquée.

Lorsque le préfet a mis à exécution l’OQTF et fait procéder à l’éloignement de l’intéressé, cela ne saurait priver d’effet une procédure de référé dès lors qu’elle est présentée sur le fondement de l’article L. 521-2 du Code de justice administrative qui est destiné à protéger les libertés fondamentales en permettant au juge des référés d’ordonner toute mesure nécessaire à cette fin.

 

L’OQTF et les autres décisions sont indépendantes.  le recours devant le juge administratif contre l’OQTF ne prive les requérants de la possibilité de présenter une demande de suspension à l’encontre de la décision de refus de séjour, de refus de délivrance ou de renouvellement d’un titre de séjour dans les conditions énoncées aux articles L. 521-1 et L. 521-2 du Code de justice administrative.

Le départ volontaire avant la décision préfectorale portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire, prive l’intéressé de tout intérêt à contester cette décision en tant qu’elle porte OQTF.

 

  • Le délai du recours

 

Le délai de recours est de un mois. L’introduction d’un recours administratif préalable n’aurait pour effet de proroger ledit délai. Ce délai d’un mois est jugé par ailleurs par le conseil d’Etat comme suffisant. Le délai de recours d’un mois contre l’OQTF n’est pas prorogé par l’exercice d’un recours administratif. Si l’intéressé souhaite introduire un recours administratif, il doit également introduire un recours contentieux dans le délai d’un mois.

Mais si la notification de la décision de refus de séjour assortie d’une OQTF mentionne la possibilité de former un recours administratif dans le délai de 2 mois, l’erreur commise par l’autorité administrative ne peut léser le requérant. Si le requérant a formé un recours gracieux dans le mois de la notification, celui-ci doit être regardé comme ayant prorogé le délai de recours contentieux conformément au droit commun.

Le délai de recours d’un mois à l’encontre de l’OQTF est un délai franc. L’expiration un samedi, un dimanche, un jour férié ou chômé, reporte la recevabilité de la requête présentée le premier jour ouvrable suivant.

 

  • Le Jugement

 

Le tribunal administratif peut rejeter un recours, sans même une audience lorsque la requête est irrecevable. La requête est irrecevable si elle a été tardive, présentée après l’expiration du délai de recours, ou encore si elle ne respecte pas les règles de présentation. Le président de tribunal administratif peut également rejeter le recours par simple ordonnance lorsqu’il considère que la requête n’a aucune chance d’aboutir.

Le juge peut également prononcer l’annulation des décisions attaquées. L’annulation a pour conséquence la fin de la rétention administrative de l’intéressé. Il lui est délivré une autorisation provisoire de séjour jusqu’à ce que l’autorité administrative statue  sur son droit au séjour. Le jugement est notifié aux parties par tous les moyens.

L’annulation de la décision portant OQTF, lorsqu’elle ne résulte pas directement de l’annulation de la décision de refus de titre de séjour, ne nécessite aucune mesure d’exécution particulière. Mais dans le cas contraire, l’annulation d’un refus de titre de séjour gèle la mesure d’éloignement, alors même que le motif de l’annulation serait infondé.

Il appartient à l’étranger d’apporter les justifications nécessaires s’il veut demander un réexamen de son titre de séjour. Pour cela, le préfet n’est  pas tenu de le convoquer en préfecture. Le préfet doit néanmoins délivrer une autorisation provisoire de séjour. Cette autorisation ne peut être inférieure à un mois.

Les parties disposent d’un mois pour interjeter appel. Le délai court contre toute partie à l’instance à compter de la notification du jugement à elle faite. L’appel n’a pas  d’effet suspensif. Le jugement ayant rejeté une demande d’annulation d’une OQTF est seulement susceptible de faire l’objet d’une décision de sursis à exécution dans les conditions de droit commun.

 

  1. La procédure contentieuse de la reconduite à la frontière

 

Le Conseil constitutionnel examiné la conformité à la Constitution de l’article 10 de la loi de juillet 1989 relative aux conditions d’entrée et de séjour en France des étrangers. Cette disposition en effet confiait au président du tribunal de grande instance l’examen des recours introduits contre des mesures préfectorales.

Le conseil constitutionnel a estimé que les décisions prises par une autorité administrative sur le fondement de l’ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée, constitue l’exercice de prérogatives de puissance publique. De ce fait, le conseil constitutionnel attribuait une compétence exclusive des juridictions administratives pour statuer sur les demandes tendant à leur annulation. L’étranger faisant l’objet d’une mesure de reconduite à la frontière peut en demander l’annulation devant le tribunal administratif.

Il arrive que le litige soulève une difficulté qui relève de la compétence de la juridiction judicaire. C’est par exemple le cas de la détermination de la nationalité de l’étranger intéressé. Dans ce cas, le juge administratif devra surseoir à statuer et poser une question préjudicielle. Si l’exception de nationalité française ne présente aucune difficulté sérieuse, le juge administratif écarte le moyen sans passer par le juge judiciaire.

Les règles de procédure contentieuse relatives aux arrêtés de reconduite à la frontière  sont prévues  par l’article 22 bis de l’ordonnance du 2 novembre 1945 dans sa rédaction issue de la loi n° 90-34 du 10 janvier 1990. L’article L. 776-1 du Code de justice administrative.

Le chapitre VI du titre VII du livre VII de la partie réglementaire du Code de justice administrative est consacré à la procédure applicable à ce type de contentieux, la procédure de droit commun étant dés lors écartée. « Sont seules applicables à la présentation, à l’instruction et au jugement des recours en annulation dirigés contre » les arrêtés de reconduite. Cet article introduit un « mini code » relatif au contentieux des arrêtés de reconduite à la frontière, selon les termes de Daniel Chabanol dans son Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel annoté et commenté. L’auteur y définit une procédure sui generis.

Le juge administratif, juge de la reconduite à la frontière, est également compétent pour connaître des conclusions dirigées contre le placement en rétention administrative. Il est également compétent pour connaitre des demandes d’annulation contre la décision fixant le pays de destination à la condition que ces conclusions soient présentées simultanément à celles tendant à l’annulation de la reconduite à la frontière. Dans ce cas, le recours est suspensif.

Mais lorsque la mesure de reconduite à la frontière et la décision fixant le pays de destination sont prises par des actes distincts et non simultanés, elles obéissent à des procédures différentes.

Pour autant, il a été jugé que cette situation ne prive pas l’étranger d’un recours effectif au sens de l’article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales contre la décision fixant le pays de destination. Celle-ci peut faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir ou d’une requête en référé selon les règles du droit commun.

Les prescriptions de l’article 22 bis de l’ordonnance ne sont pas applicables dans les départements de Guadeloupe, de Guyane, de Martinique, de la Réunion et la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon, pendant cinq ans à compter de l’entrée en vigueur de la loi du 11 mai 1998 avant de réserver, dans son III, cette exception à la Guyane et à la commune de Saint-Martin, en Guadeloupe. Cette exception d’applicabilité a été entérinée par le conseil d’Etat qui a affirmé sa pleine légalité.

  • La simplification de la procédure par le juge unique

 

L’article R. 776-2 du Code de justice administrative prévoit que les jugements sont rendus par le président du tribunal administratif ou le magistrat qu’il délègue, sans conclusions du commissaire du gouvernement. Le recours à un juge unique constitue une exception à la règle traditionnelle selon laquelle les juridictions administratives statuent en formation collégiale. Cette procédure a pour but de simplifier mais surtout d’expédier les affaires.

Toutefois, si le président ou le conseiller délégué, juge unique, estime la présence d’une difficulté suffisamment sérieuse pour mériter qu’il en soit délibéré, il peut renvoyer la requête à une formation collégiale de jugement. Une telle solution découle du fait que le juge de la reconduite ne constitue pas une juridiction distincte du tribunal lui-même, mais une simple formation au sein de la juridiction. Ce renvoi devant un tribunal collégial constitue une simple mesure d’administration de la justice insusceptible de faire l’objet d’un recours contentieux.

« La décision par laquelle le jugement d’un litige dont une juridiction administrative est saisie, est renvoyé d’une formation de jugement à une autre au sein de la même juridiction, constitue une mesure d’administration de la justice insusceptible de faire l’objet d’un recours devant le juge d’appel ou de cassation ».

 

  • La première instance compétente

 

Le tribunal administratif territorialement compétent est celui dans le ressort duquel a son siège le préfet qui a pris la décision de reconduite à la frontière. Cette disposition constitue une dérogation aux dispositions de l’article R. 312-8.

 

  • Les conditions de recevabilité de la demande en annulation

 

  • La décision attaquée

 

La décision attaquée doit être la mesure administrative. Il arrive que la reconduite à la frontière résulte d’une condamnation à une interdiction du territoire français (ITF) prononcée par une autorité judiciaire. Dans ce cas, la demande d’annulation présentée devant le juge administratif est irrecevable. La décision fixant le pays de renvoi est une mesure administrative susceptible de recours devant la juridiction administrative.

Le préfet peut néanmoins faire usage des pouvoirs en vertu de l’article 22 de l’ordonnance du 2 novembre 1945 pour prendre une mesure administrative de reconduite à la frontière à l’encontre de l’étranger qui, du fait de l’absence d’exécution de la sanction pénale, se trouve en situation irrégulière sur le territoire français. Dans ce cas, il n’existe plus de contradiction entre la mesure préfectorale et la décision judiciaire.

Lorsqu’un arrêté de reconduite à la frontière a été dépourvu de mesure d’exécution pendant une durée anormalement longue, retard exclusivement imputable à l’administration, l’exécution d’office d’une reconduite se fonde, non sur l’arrêté initial, même s’il est devenu définitif, mais sur un nouvel arrêté dont l’existence est révélée par la mise en œuvre de l’exécution d’office et qui doit être regardé comme s’étant substitué à l’arrêté initial. Ce nouvel arrêté peut faire l’objet d’un recours contentieux contre l’autorité qui a pris les mesures d’exécution d’office.

Dans l’appréciation de ce délai d’exécution, ne peut être regardé comme une durée anormalement longue le délai inférieur à une année écoulé entre l’intervention de l’arrêté ordonnant la reconduite à la frontière de l’étranger et la décision ordonnant son placement en détention administrative. En effet, aucun changement de circonstance de droit ou de fait n’est intervenu dans la situation de l’étranger.

 

  • Le requérant

 

L’étranger peut, dès le dépôt de sa requête, demander l’assistance d’un avocat commis d’office. Néanmoins, le ministère d’un avocat n’est obligatoire dans le contentieux de la reconduite à la frontière. Le président du tribunal administratif informe aussitôt le bâtonnier de l’ordre des avocats près le tribunal de grande instance dans le ressort duquel se tiendra l’audience et le bâtonnier effectuera la désignation de l’avocat commis d’office sans délai.

Le refus de faire droit à la demande d’assistance d’un avocat frappe d’irrégularité la procédure. Il s’agit là d’un droit absolu de l’étranger. Pour illustration, la non-désignation d’un avocat sur demande d’un étranger, malgré les diligences opérées par le magistrat délégué, entache le jugement d’irrégularité alors même que les avocats étaient en grève le jour de l’audience.

Autant que l’étranger a demandé la désignation d’un avocat, la possible absence de l’étranger lors des audiences, alors que l’avocat aurait été présent, n’entache la procédure. La circonstance que le requérant n’ait pu rencontrer son conseil avant la tenue de l’audience n’est pas une cause d’irrégularité du jugement non plus.

Le préfet qui a pris la mesure de reconduite à la frontière représente l’Etat dans la procédure. Dès le dépôt de la requête, le président du tribunal administratif lui transmet la copie de celle-ci et des pièces qui y sont jointes.

Le requérant doit être l’étranger.  Seul l’étranger qui fait l’objet d’un arrêté de reconduite à la frontière justifie d’un intérêt direct dans l’action lui donnant qualité pour en demander l’annulation. La requête présentée par la concubine  ou le conjoint d’un étranger frappé d’un arrêté de reconduite est en principe jugée irrecevable.

Néanmoins, en matière d’intervention, l’intérêt est apprécié de manière libérale. C’est ainsi qu’ont été recevables les interventions présentées par l’époux de la personne faisant l’objet de l’arrêté de reconduite ou encore par le père de l’intéressé. Par contre, des enseignants de classes où sont scolarisés les enfants de l’étranger qui fait l’objet de la reconduite à la frontière n’ont pas intérêt pour intervenir, ni ‘un élu intervenant bien qu’il ait la qualité de conseiller de d’une ville. L’intérêt à intervenir des associations est assez largement admis par la jurisprudence administrative.

 

  • La requête

 

Si en matière de recours pour excès de pouvoir le délai pour déposer sa demande est de deux mois, avec la loi du 10 janvier 1990, le législateur prévoit  le recours contre les arrêtés de reconduite à la frontière dans le délai particulièrement bref de 24 heures.

Par ailleurs, le recours pour excès de pouvoir de droit commun n’est pas recevable contre les décisions de reconduite à la frontière qui ne peuvent être contestées que dans les formes et délais prévus par l’article 22 bis et les articles R. 241-1 et suivants alors applicables du Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel.

Mais un allongement a pu être constaté dans la loi du 11 mai 1998. Le texte distingue deux hypothèses : le délai reste  de 48 heures si l’arrêté est notifié par voie administrative et le délai est de sept jours si l’arrêté est notifié par voie postale.

La notification par voie administrative s’opère par la remise directe du texte de la décision à son destinataire qui appose sa signature sur la lettre de notification. Le point de départ du délai est fixé à l’heure à laquelle l’arrêté est notifié à l’étranger. L’intéressé pourrait refuser de recevoir la notification, mais cela ne fait pas obstacle au déclenchement du délai.

Contrairement au délai imparti pour formuler une demande en annulation d’une OQTF, l’absence de caractère franc du délai de la demande d’annulation d’un arrêté de reconduite à la frontière a été confirmée pour les délais spéciaux de 48 heures et de 7 jours, institués par la loi du 11 mai 1998. Le délai de sept jours doit être décompté de jour à jour et non d’heure à heure.

L’étranger est retenu par l’autorité administrative, au moment de la notification de l’arrêté peut, en vertu du deuxième alinéa de l’article R. 776-6 du Code de justice administrative, valablement déposer sa requête « soit auprès de ladite autorité administrative, soit au greffe du tribunal devant lequel il comparaît en vue de la prorogation de sa rétention administrative ».

 

  • Le jugement

 

  • Assistance d’un interprète lors de l’audience

 

Le juge doit statuer explicitement sur la demande d’interprète si l’étranger y a recouru. Le jugement rendu sans que le magistrat ait statué sur la demande explicite d’un étranger ne parlant pas le français d’être assisté par un interprète à l’audience est entachée d’irrégularité. Il appartient au président du tribunal d’apprécier le bien-fondé de cette demande. Un ressortissant ghanéen qui séjournait en France depuis quatre ans ne peut avoir besoin d’interprète.

 

  • Délai pour statuer

 

Le juge de la reconduite dispose d’un délai de 48 heures pour statuer à partir de l’enregistrement de la requête. Mais ce délai n’étant pas prescrit à peine de nullité, le jugement rendu plus de 48 heures après la saisine du tribunal n’est néanmoins pas irrégulier.

 

  • Prononcé du jugement

 

Le jugement est prononcé à l’audience. « La minute du jugement est signée par le magistrat qui l’a rendu ». « Le dispositif du jugement, assorti de la formule exécutoire prévue à l’article R. 751-1, est communiqué sur place aux parties présentes à l’audience qui en accusent aussitôt réception. S’il ne l’a pas été sur place, le jugement est notifié sans délai et par tous moyens aux parties qui en accusent réception. La notification mentionne la possibilité de faire appel et le délai dans lequel cette voie de recours peut être exercée ».

 « Le préfet signataire de l’arrêté attaqué et l’étranger peuvent interjeter appel du jugement devant le président de la section du contentieux du Conseil d’État ou un conseiller d’État délégué par lui ». Cette compétence déroge à la compétence du juge d’appel de droit commun que la loi du 31 décembre 1987 a donnée aux cours administratives d’appel.

« Le délai d’appel est d’un mois. Il court contre toute partie à l’instance à compter du jour où la notification a été faite à cette partie dans les conditions prévues à l’article R. 776-17, troisième alinéa ». Le délai d’appel court à compter du jour de la réception par l’intéressé de la notification de la décision du bureau d’Aide Juridictionnelle si le requérant a sollicité une aide juridictionnelle en temps utile.

 

  1. Le contentieux administratif de la fixation du pays de destination

 

Les décisions du préfet en d’OQTF, se combinent entre la décision sur le séjour, la mesure d’éloignement et la fixation du pays de destination. Ces trois décisions rassemblées en une seule font l’objet d’un régime contentieux spécifique. S’agissant de la reconduite à la frontière et de l’expulsion, l’illégalité susceptible d’entacher la décision fixant le pays de renvoi est sans influence sur la mesure d’éloignement. La mesure fixant le pays de destination peut faire l’objet d’un recours distinct et autonome. Le juge des référés peut en être valablement saisi.

Le recours autonome contre la fixation du pays de destination suit les mêmes règles que le recours contre la mesure d’éloignement.  Lorsque la décision fixant le pays de renvoi vise à exécuter une mesure de reconduite à la frontière, le recours contentieux contre cette décision n’est suspensif d’exécution que s’il est présenté au président du tribunal administratif en même temps que le recours contre la mesure de reconduite à la frontière en question. L’arrêté fixant le pays de destination n’est susceptible que du recours pour excès de pouvoir de droit commun en dehors de la reconduite à la frontière. Il n’a pas d’effet suspensif.

Le recours contre la décision fixant le pays de destination n’est ainsi suspensif que dans trois cas : l’étranger fait l’objet d’une OQTF ; l’étranger demande et obtient le référé suspension ; le recours a été présenté en même temps que la requête dirigée au principal contre l’arrêté de reconduite à la frontière.

L’annulation de la décision fixant le pays de destination a pour effet d’empêcher la mise à exécution de la mesure d’éloignement mais n’aura en réalité aucune incidence sur celle-ci. Jusqu’à la fixation d’un nouveau pays de destination, l’étranger fera le plus souvent l’objet d’une mesure d’assignation à résidence ou d’une mesure de rétention administrative. L’annulation de la décision fixant le pays de destination peut  à obliger l’Administration à réexaminer sa situation en vue d’une éventuelle régularisation.

 

  1. Le rôle du juge judiciaire

 

L’administration peut faire appel à l’intervention du juge des libertés et de la détention. Cette procédure est appelée « contentieux civil ». Mais cette expression est doublement critiquée. D’abord, le terme de contentieux pose un problème en ce que le contentieux n’existe que par la saisine même du juge des libertés et de la détention. Ensuite, le choix du terme civil ne reflète pas l’état de la procédure. Si les règles de forme sont celles du code de procédure civile, les règes de fond sont celles du code de procédure du pénal et du CESEDA relatives à la rétention.

Le juge des libertés et de la détention est une institution créée par la loi  n° 2000-516 du 15 juin 2000, « renforçant la protection de la présomption d’innocence et les droits des victimes ». Le juge des libertés et de la détention avait été mis en place afin de contrôler les détentions excessives avant les jugements. En effet, rare n’était pas les détentions, souvent arbitraires, mais surtout longuement étalées dans le temps, portant ainsi atteinte à la liberté du prévenu, mais surtout créant une image de condamné au prévenu avant tout jugement.

Les étrangers ont également le droit à un procès équitable. Pour cela, les détentions des étrangers ne doivent pas être arbitraires, ni porter atteinte aux libertés fondamentales. Il appartient au juge judiciaire, et notamment au juge des libertés et de la détention, de prévenir ces droits de l’étranger.

Les mesures d’éloignement sont des mesures à caractère administratif. Ce caractère administratif confère pleine compétence à la juridiction administrative, notamment en ce qui concerne le contrôle de la légalité des mesures prises contre l’étranger. Néanmoins, la privation probable de libertés permet au juge judiciaire de s’immiscer dans ce cadre classiquement administratif.

 

  1. Les raisons de la compétence judiciaire

 

En principe, le pouvoir exécutif, par le biais des autorités administratives, n’ont pas le pouvoir de décider de priver une personne, de sa liberté. Néanmoins, l’article 16 de la constitution du 14 octobre 1958 offre la possibilité pour l’administration de prendre des mesures privatives de libertés en cas de menace de trouble à l’ordre public.

La rétention administrative et l’assignation à résidence en attendant l’application des mesures d’éloignement sont celles qui fondent la compétence du juge judiciaire. A l’origine, la rétention était dépourvue de régime juridique. Mais l’évolution du droit des étrangers a fini par admettre la possibilité pour l’administration de prononcer des mesures de rétention pour des étrangers en attente d’exécution de l’éloignement.

Les mesures d’éloignement sont le plus souvent accompagnées de mesures de rétention.  Les mesures de rétention permettent à l’administration d’effectuer les démarches nécessaires, notamment la fixation du pays de destination de l’étranger faisant l’objet de l’éloignement.

La rétention est une mesure administrative. Mais elle ne peut faire devant le juge administratif que d’un recours pour excès de pouvoir suivant le droit commun. Le juge judiciaire n’a pas de compétence sur la question de la régularité de la mesure administrative. La compétence de cette dernière ne se fonde que sur les atteintes à la liberté de l’étranger.

Il n’appartient pas non plus au juge judiciaire de préjuger de la validité de la décision administrative ayant entraîné la mise en rétention, en l’occurrence une expulsion.  Il lui appartient toutefois de vérifier que l’intéressé n’est pas un étranger  protégé auquel cas il ne peut faire d’une rétention administrative. Il lui appartient également de s’assurer que l’étranger retenu est effectivement susceptible d’une mesure d’éloignement. Un mineur par exemple ne peut faire l’objet de mesure d’éloignement, et par tant de mesure de rétention. Le juge judiciaire peut être saisi afin de vérifier la compatibilité de l’état de santé de l’intéressé avec son maintien en rétention. Ce contrôle relève du pouvoir souverain du juge du fond.

 

  1. Le contentieux des mesures de rétention

 

Le  juge judiciaire, s’il n’est pas tenu de se prononcer de la validité des mesures d’éloignement nécessitant la rétention de l’étranger, il doit se pencher sur la régularité de la procédure de la mesure de rétention, notamment dans la notification de la décision de rétention à l’intéressé. Le juge judiciaire est compétent pour connaître d’un constat par huissier demandé par un étranger tendant à établir les conditions de sa rétention administrative.

Le juge judiciaire doit s’assurer de l’impossibilité d’exécuter la mesure d’éloignement. Les raisons de la rétention peuvent être la perte ou de la destruction des documents de voyage de l’intéressé, de la dissimulation par celui-ci de son identité ou de l’obstruction volontaire faite à son éloignement.

Le juge judiciaire vérifie également  de l’interpellation  de l’étranger. L’absence de production du rapport de police ayant servi de base à l’interpellation peut être sanctionnée par le juge judiciaire.Le juge judiciaire prévient l’irrégularité du procès-verbal.

Ainsi, une irrégularité affectant les conditions de la rétention pourra entraîner la remise en liberté de l’intéressé. C’est par exemple le défaut d’information du procureur de la République relevé par le juge. La rétention peut être entachée d’illégalité si le contrôle d’identité qui l’a précédé est lui-même entaché d’illégalité. C’est le cas lorsque le contrôle  s’est déroulé non dans un lieu public mais dans un lieu ouvert au public, un centre d’affaires géré par une chambre de commerce par exemple.

 

  1. La preuve devant le juge des libertés

 

La preuve d’une irrégularité dans la privation de liberté incombe à l’étranger qui s’en prévaut. L’administration quant à elle a l’obligation  de produire les procès-verbaux et justificatifs des mesures privatives de liberté, du contrôle d’identité et de l’interpellation.

La Cour de cassation a précisé que les moyens tirés de la violation de la liberté individuelle doivent être soulevés lors de la première comparution de l’étranger devant le juge et non à l’occasion de la deuxième comparution pour une demande de prorogation supplémentaire présentée par le préfet. En revanche, la Cour a décidé que si les moyens tirés de la violation de la liberté individuelle ont été soulevés lors de la première comparution, le juge pourra décider de la remise en liberté de l’étranger à l’occasion de l’instance consacrée la prorogation de la  rétention.

 

  1. Les décisions du juge des libertés

 

Le juge des libertés et de la détention intervient sur la demande de prolongation de la rétention de l’étranger. Si le juge, après les vérifications, n’y voit aucun inconvénient, la rétention sera prolongée. Néanmoins, le juge des libertés pourra également prononcer le changement de la rétention en une mesure d’assignation, voire une remise en liberté de l’étranger.

  • Le changement en assignation à résidence de la rétention

 

A titre exceptionnel, le juge peut ordonner l’assignation à résidence de l’étranger lorsque celui-ci dispose de garanties de représentation effectives. L’étranger devra remettre à un service de police ou à une unité de gendarmerie de l’original du passeport et de tout document justificatif de son identité. Mais Le juge ne peut se contenter de constater que les conditions formelles de l’assignation à résidence sont réunies. Il doit rechercher l’existence de garanties effectives de représentation

L’étranger recevra un récépissé qui justifiera de son identité. La mention de la mesure d’éloignement en instance d’exécution y est portée. L’étranger devra résider dans les lieux qui lui sont fixés par le juge. L’étranger devra ainsi se présenter quotidiennement aux services de police ou aux unités de gendarmerie territorialement compétents au regard du lieu d’assignation.

 

  • La remise en liberté de l’étranger

 

Sur le fondement de l’article 66 de la Constitution et de l’article 136 du Code de procédure pénale, que le magistrat saisi pour décider du maintien en rétention ou de l’assignation à résidence, peut parfaitement décider de la remise en liberté de l’étranger concerné. Cette libération de l’étranger peut intervenir en raison de l’irrégularité du contrôle d’identité par exemple. 

La rétention « intervient sans priver l’autorité judiciaire de la possibilité d’interrompre la prolongation du maintien en rétention (…) elle ne saurait être assortie de garanties moindres que celles assurées aux personnes placées en détention provisoire ». Le juge peut ainsi rendre sa liberté à l’étranger sujet de la rétention administrative.

L’ordonnance mettant fin à la rétention est immédiatement notifiée au procureur de la République. L’étranger ne pourra être maintenu à la disposition de la justice que pendant un délai de quatre heures à compter de la notification de l’ordonnance au procureur de la République.

  1. Les recours contre la prolongation

 

  • L’appel

 

Les ordonnances de prolongation peuvent faire l’objet d’un appel. Le délai pour interjeter appel est de vingt-quatre heures du prononcé devant le premier président de la cour d’appel ou son délégué. L’appel peut être formé par l’étranger, le ministère public et le préfet. L’appel doit être motivé. Mais le juge apprécie souverainement cette motivation.

Ce  délai de vingt-quatre heures est insusceptible de prorogation. Toutefois, le juge  pourra vérifier si l’étranger ne se trouvait pas dans l’impossibilité d’exercer cette voie de recours, notamment parce qu’il aurait été retenu au centre de rétention. En réalité, il appartient au président du tribunal de grande instance de faire connaître oralement aux parties le délai d’appel et les modalités selon lesquelles le recours doit être exercé.

Le juge d’appel statue dans les quarante-huit heures de sa saisine. Le délai est calculé et prorogé conformément aux articles 640 et 642 du Code de procédure civile. Si le délai expire un dimanche ou un jour férié, il est reporté au premier jour ouvrable suivant.

Le délai de 48 pour statuer en appel est impératif  La violation de ce délai est sévèrement réprimé par la Cour de cassation. Si le premier président n’a pas statué dans ce délai, il se trouve dessaisi. Ce dessaisissement du juge d’appel entraîne la caducité, à compter de l’expiration du délai de 48 heures, de la décision déférée de prolongation du maintien en rétention de l’étranger.

Le premier président de la cour d’appel, ou son délégué est saisi sans forme. Les parties sont convoquées par tout moyen. Le préfet et l’étranger doivent avoir été régulièrement avisés de l’audience. Néanmoins,  l’absence du préfet ou de son représentant à l’audience ne vicie pas la procédure. L’étranger ne peut se prévaloir de ce que le préfet n’aurait pas été informé de son appel et de la date de l’audience. L’avocat de l’étranger doit également être avisé de l’audience d’appel.

L’appel n’est pas suspensif. Si le juge a rejeté la prolongation et prononcé la libération de l’étranger, ce dernier devra être remis en liberté. Toutefois, le ministère public peut demander au premier président de la cour d’appel ou à son délégué de déclarer son recours suspensif lorsqu’il lui apparaît que l’intéressé ne dispose pas de garanties de représentation effectives ou si l’étranger représente une menace grave pour l’ordre public afin de mettre la personne à la disposition de la justice.

L’appel  accompagné de la demande qui se réfère à l’absence de garanties de représentation effectives ou à la menace grave pour l’ordre public, est formé dans un délai de quatre heures à compter de la notification de l’ordonnance au procureur de la République et transmis au premier président de la cour d’appel ou à son délégué.

Le juge décide, sans délai, s’il y a lieu de donner à cet appel un effet suspensif, en fonction des garanties de représentation dont dispose l’étranger ou de la menace grave pour l’ordre public, par une ordonnance motivée rendue contradictoirement qui n’est pas susceptible de recours. L’intéressé est maintenu à la disposition de la justice jusqu’à ce que cette ordonnance soit rendue.

L’effet dévolutif de l’appel oblige le juge du second degré à se prononcer sur la rétention elle-même ; par voie de conséquence, l’annulation de la procédure de première instance ne vaut pas annulation de toute la rétention. Il faut remarquer que le juge d’appel ne peut pas se prononcer sur la validité de la requête préfectorale. Cette question n’ayant pas été contestée devant le juge et n’étant pas en cause d’appel, elle ne ressort pas de sa compétence.

 

  • La cassation

 

Le pourvoi en cassation ouvert à l’étranger, au préfet et au ministère public, peut être formé dans les dix jours suivant la notification de l’ordonnance du premier président. Les parties sont dispensées du ministère d’avocat dans cette procédure de cassation. Il est estimé que lorsque la Cour de cassation casse l’arrêt, la saisine de la cour de renvoi est sans objet puisque le délai de rétention administrative est déjà expiré.

 

  1. L’évolution de la dualité

 

L’article L. 552-1 CESEDA qui dans sa version actuelle énonce : « Quand un délai de 48 heures s’est écoulé depuis la décision de placement en rétention, le juge des libertés et de la détention est saisi aux fins de prolongation de la rétention ». Cet article du CESEDA est conforme à l’article 25 du code de procédure civile dispose que le juge statue en matière gracieuse lorsqu’en l’absence de litige il est saisi d’une demande dont la loi exige, en raison de la nature de l’affaire ou de la qualité du requérant, qu’elle soit soumise à son contrôle.

Bien que la formulation de l’article L 552-1 CESEDA soit muette sur la question, il appartient bien à l’administration de saisir le juge des libertés et de la détention afin de demander la prolongation de la rétention de l’étranger, ce dernier étant dés lors le défendeur dans la procédure.

Il appartient ensuite au juge de s’assurer par les moyens et les pièces produits par l’administration que l’étranger a été mis en mesure d’exercer pleinement ses droits au moment de la notification de la décision de placement en rétention et de la durée d’une telle rétention, ainsi que le centre de rétention auquel sera admis l’étranger.

Le juge judiciaire n’a aucune compétence concernant la validité de la mesure prise par l’autorité administrative, notamment sur la mesure d’éloignement. La compétence du juge judiciaire se cantonne à la question de l’éventuelle prolongation de la rétention de l’étranger en attente de l’exécution de la mesure d’éloignement.

Néanmoins, le juge des libertés et de la détention s’immisce complètement dans le domaine réservé à la compétence administrative. En effet, il lui est reconnu le pouvoir d’intervenir dans la rétention de l’étranger, notamment en écourtant la période de rétention, ou en décidant la remise en liberté de l’étranger.

Le législateur a entendu modifier le régime de la rétention administrative par la loi n° 2003-119 du 26 novembre 2003 et allongeant la durée maximale de la mesure en prévoyant la possibilité que  la rétention passe au-delà de quarante-huit heures.  Mais il n’a pas prévu que le juge des libertés puisse remettre en liberté l’intéressé. Cela témoigne bien des lacunes de la législation. 

 

La prolongation devenait ainsi la seule solution pouvant être prononcée par le juge des libertés. Néanmoins, le contrôle du juge doit porter sur la procédure suivie par l’administration. Si  l’Administration n’a pas respecté les obligations qui lui incombent, ce non-respect devrait  être sanctionné par la remise en liberté de l’étranger. Si  la jurisprudence reconnait cette solution, le législateur semble l’avoir omis. 

 

L’évolution a été apportée par le décret n° 2006-1378 du 14 novembre 2006. Le juge des libertés peut  désormais interrompre, à tout moment, la prolongation de la mesure de rétention, à la demande de l’étranger ou à la demande du ministère public, dès lors que « les circonstances de droit ou de fait le justifient ».

Si dans son principe la possibilité est offerte au juge des libertés de prononcer la libération de l’étranger, dans la pratique le cas reste relativement rare. Les requêtes sont rejetées dans la majorité des cas. Le motif d’un tel rejet est le plus souvent l’absence de circonstance nouvelle, de fait ou de droit depuis le placement en rétention administrative ou son renouvellement.

Par ailleurs, la situation est telle que l’étranger ne semble pouvoir demander sa libération qu’en cas de prolongation de la rétention. Il lui faudra dés lors attendre le délai normal de la rétention, de quarante huit heures qui passent à cinq jours, pour espérer retrouver la liberté.

 

Deuxième partie : L’unification, un faux remède pour un vrai problème

 

Dans la première partie, nous nous sommes penchés sur le dualisme dans le contentieux de l’étranger. Nous avons pu constater la complexité de la situation de l’étranger en France. L’étranger peut faire l’objet d’obligation de quitter le territoire, d’expulsion, ou encore de reconduite à la frontière. Ces mesures peuvent être prises par l’autorité administrative qui n’est autre que le préfet, ou le préfet de police pour la ville de Paris. Les étrangers peuvent être refoulés à la frontière si les autorités administratives considèrent qu’ils peuvent représenter un danger, une menace à l’ordre public.

Dans l’attente de l’exécution de ces mesures, les étrangers peuvent être mis, toujours sur la décision du préfet, en rétention administrative, ou se retrouvent assignés en résidence surveillée. Par ailleurs, cette seconde solution est relativement rare par rapport à la première.

Ces mesures prises par le préfet revêtent un caractère totalement administratif, réservant ainsi la compétence contentieuse à la juridiction administrative. Les actes administratifs sortent de la sphère de compétence du juge judiciaire. L’intervention de ce dernier n’est prévue que dans le cas où le préfet prévoit de rallonger la mesure de rétention de l’étranger. En effet, la Cour constitutionnelle a affirmée le recours obligatoire au juge judiciaire dans ce cas, le juge judiciaire qui reste le garant de la liberté des personnes.

La compétence est ainsi partagée entre les deux ordres de juridiction. Le juge administratif connait du contrôle de la légalité des mesures administratives, le juge judiciaire de l’allongement de la privation de liberté des étrangers.

Bien que ce dualisme soit autant affirmé, des personnalités, notamment le président de la république française, tiennent à bannir cette dualité qui est le pilier du droit français, contrairement à la juridiction unitaire et universelle connue dans les systèmes anglo-saxons. La dualité posée par l’article 13 de la loi du 16 et du 24 aout 1790 est remise en question, un principe qui est indéniable du droit français depuis et même bien avant.

La force et l’indépendance du juge administratif vis-à-vis de l’administration ont souvent été l’objet d’hésitation. La confiance, et plutôt la non-existence en ce que le juge administratif juge et condamne des actes de l’administration  s’est toujours fait ressentir, impliquant la remise en question de son utilité.

Néanmoins, le juge administratif, surtout le conseil d’Etat, a su faire son chemin et affirmé sa place dans le mécanisme juridictionnel et affirme sa pleine indépendance et volonté de tenir l’administration dans la légalité. Cette volonté s’est fortement retrouvée dans l’arrêt célèbre blanco.

Le contentieux des étrangers affirme t-il être la dérogation au principe ? Il fut un temps où le juge judiciaire a été chargé de régler le contentieux des étrangers. Le conseil constitutionnel d’affirmer qu’une telle mesure n’est pas possible et heurte au principe de la séparation des pouvoirs du droit français.

Néanmoins, le même conseil constitutionnel a affirmé que « Cependant [que], dans la mise en œuvre de ce principe, lorsque l’application d’une législation ou d’une réglementation spécifique pourrait engendrer des contestations contentieuses diverses qui se répartiraient, selon les règles habituelles de compétence, entre la juridiction administrative et la juridiction judiciaire, il est loisible au législateur, dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice, d’unifier les règles de compétence juridictionnelle au sein de l’ordre juridictionnel principalement intéressé».

L’unification est-elle alors possible ? Dans ce cas, quelle juridiction se retrouvera avec ces compétences et quelles procédures seront appliquées ? L’unification, un faux remède pour un vrai problème ? Le remède qui n’est pas évident est la remise en question de la dualité en droit français (Chapitre I). Le vrai problème réside en ce que l’intervention du dualisme doit être mieux encadrée Chapitre II).

Chapitre premier : La remise en question de la dualité à la française

 

La dualité juridictionnelle est-elle une bizarrerie à la française ? Certains sont de cet avis et tentent de l’évincer en essayant une unification des compétences, surtout en matière administrative. En effet, la solution logiquement proposée est d’évoluer et d’agrandir l’intervention du juge judiciaire jusqu’aux actes de l’administration, un domaine jusque là réservé à la juridiction administrative.

Le fait est que les deux ordres de juridiction se répartissent radicalement. Sur le plan de la formation, rien ne présage la possibilité pour un juge judiciaire de connaitre des questions administratives. La formation du juge judiciaire est axée sur la procédure civile, celle qui ne peut que différer de la procédure pénale. Le juge judiciaire n’a pas la formation du contentieux administratif.

Il en est de même pour le juge administratif. Celui-ci est formé sur le contrôle de légalité des actes administratifs. La notion de liberté qui est le terrain réservé au juge judicaire pourrait ne pas avoir la même envergure aux yeux du juge judiciaire.

L’exception pouvant être relevé serait la compétence du juge pénal sur des questions administratives pouvant offrir la solution aux litiges. En effet, de par cette exception, le juge pénal, bien qu’il soit judiciaire, a la possibilité de se prononcer sur la légalité d’un acte administratif, règlementaire ou non, si cette question est essentielle à la recherche de la solution.

Section 1 : L’état de la dualité française

 

§1 : La complexité du dualisme

 

La justice est un service public. Rendue au nom du peuple français, elle est au service des justiciables. Une bonne justice se doit d’être à la portée de tous. Chaque personne a droit à un procès équitable. Une bonne justice revient tout d’abord à reconnaître le juge compétent pour trancher son litige.

Les règles de répartition des compétences doivent être simples et stables. Le justiciable n’est pas nécessairement un juriste avisé. La procédure doit être à sa portée de compréhension. Stables, les changements trop fréquents nuisent à la compréhension et à la maîtrise du dispositif en vigueur. 

 

  1. Le manque de simplicité

 

Il a été faite interdiction  au juge judiciaire de «troubler de quelque manière que ce soit les opérations des corps administratifs » L’administration a en quelque sorte bénéficié d’une certaine immunité devant le juge judiciaire.

 

Une telle prohibition trouvait sa pleine application à l’époque de l’État-gendarme. Mais la multiplication de l’intervention publique et l’avènement du dirigisme étatique en ont considérablement relativisé la portée. Le juge judicaire a commencé à retrouvé sa compétence devant la supériorité de l’administrateur.

Peu à peu, le juge judiciaire a commencé à s’immiscer dans les affaires administratives et l’interrogation sur la ligne de partage entre les deux ordres de juridictions n’a fait que se complexifier avec le temps.

Une bonne administration de la justice suppose une simplicité permettant au justiciable de reconnaître facilement le juge compétent pour connaître du différend qui l’oppose à l’administration. Le critère de répartition des compétences entre les deux ordres de juridictions reste introuvable.

 

  1. Les critères de délimitation de la compétence

 

La qualité de la personne juridique n’est pas un élément décisif de détermination de la compétence. La compétence du juge administratif n’est strictement commandée par la présence d’une personne publique en cause dans le litige. Les personnes publiques sont justiciables devant le juge judiciaire chaque fois qu’elles se débarrassent de leurs attributs de puissance publique pour se comporter comme des sujets de droit ordinaires. Tel est par exemple, le cas de passation de contrats dans les conditions du droit commun.

Il n’est pas rare non plus que des personnes privées soient citées à comparaître devant le juge administratif lorsque le juge administratif sanctionnent les atteintes à l’intégrité du domaine public ou tranchent des litiges concernant les marchés publics, ou encore dans les hypothèses de gestion par une personne privée d’un service public au moyen de prérogatives de puissance publique.

Le critère de délimitation de la compétence n’est pas non plus matériel. Si la nature de l’activité origine du litige n’est pas indifférente et présage de la compétence de l’une ou de l’autre juridiction, sa prise en considération n’a pas pour autant un effet automatique sur la compétence juridictionnelle.

L’extension de l’intervention publique dans le champ des activités sociales a contribué de ce point de vue à accroitre davantage la brume. Ainsi, certaines tâches prises en charge par des personnes publiques sont néanmoins considérées comme des activités privées de l’Administration et relevant du contentieux du juge judiciaire.

La qualification de service public attribuée à certaines activités n’entraîne pas nécessairement la compétence du juge administratif. Il faut encore distinguer entre services publics administratifs correspondant aux prérogatives régaliennes et services publics industriels et commerciaux  qui correspondent à des activités économiques pour lesquels la compétencene peut être que judiciaire.

Le  critère formel n’est que d’un faible secours. Certes, il est de principe que la compétence suit le fond, lorsque des situations sont régies par des rapports de droit privé, leur contentieux relève logiquement de la juridiction judiciaire.

La répartition des compétences entre les deux ordres ne résulte pas de l’application d’un critère unique et explicite. Elle s’opère de manière pragmatique par la combinaison de ces trois critères mentionnés.

 

  1. Le difficile contentieux administratif

 

Il faut reconnaitre qu’il existe une absence de principe directeur susceptible de régler simplement la question de la compétence du juge induisant inévitablement une extrême parcellisation du contentieux intéressant l’Administration. Deux exemples peuvent appuyer cette image.

Le premier exemple peut être tiré des atteintes au droit de propriété privée, l’expropriation notamment. Les juristes considèrent traditionnellement qu’une telle atteinte doit être placée sous la protection du juge judiciaire.

Les textes législatifs ponctuels aménagent des régimes particuliers d’indemnisation en cas de dépossession d’un bien par voie administrative. La théorie de l’emprise irrégulière veut que le caractère irrégulier de la dépossession ou de l’occupation temporaire d’un immeuble par des services administratifs soit constaté par le juge administratif avant que la réparation des dommages en résultant soit ordonnée par le juge judiciaire.

La théorie de la voie de fait donne pleine compétence au juge ordinaire pour constater et réparer les atteintes graves à la propriété privée. Cette compétence judiciaire n’est néanmoins possible que dans les seuls cas où l’action de l’Administration est manifestement illégale, qu’elle ne sot susceptible de se rattacher à l’exercice de son pouvoir.

Le contentieux proprement dit de l’expropriation pour cause d’utilité publique donne lieu à un partage très subtil des compétences entre les deux ordres. Le juge administratif apprécie la légalité des mesures administratives, déclaration d’utilité publique et arrêté de cessibilité. Le juge judiciaire se concentre sur l’évaluation juste et préalable de l’indemnité à servir au propriétaire visé. Le partage de compétence est toujours présent.

Mais en réalité, le juge judiciaire peut effectuer ses contrôles également, ce qui risque de paralyser pendant un moment la procédure. Inversement, la compétence du juge administratif resurgit au stade de 1 indemnisation, s agissant de réparer les dommages imputables a des lenteurs de la procédure administrative, ou encore les préjudices lies à l exécution de travaux publics consécutifs a la prise de possession des biens expropriés.

La protection de la liberté individuelle revient au juge judiciaire naturellement. L’« autorité judiciaire» est «gardienne» des libertés individuelles, selon les termes de l’article 66 de la Constitution.

Encore une fois, un tel principe ne revêt pas un caractère absolu Ainsi, s’agissant des mesures de placement d’office dans les hôpitaux psychiatriques, la jurisprudence est désormais fixée sur la compétence du juge judiciaire pour apprécier la nécessité de l’hospitalisation d’office, mais la régularité de la procédure de placement est placée sous le contrôle du juge administratif.

Spécifiquement en matière de police des étrangers, les mesures administratives de reconduite à la frontière ou d’expulsion se retrouvent sous le seul contrôle du juge administratif, la loi ayant aménagé le dispositif en vigueur avec l’aval du Conseil constitutionnel. De telle mesure pourtant porte atteinte à la liberté individuelle dont le juge judiciaire devrait être seul compétent.

Ces inconvénients ont été maintes fois soulignés et dénoncés. C’est ainsi que des mécanismes correcteurs ont été imaginés pour y remédier, tant la récurrence des occasions de conflits nuit à l’efficacité et à la crédibilité de l’organisation juridictionnelle française. Cependant, les efforts déployés aussi bien par voie législative que par voie jurisprudentielle ne constituent que des palliatifs insuffisants.

 

  1. La tentative de correction

 

  1. Les solutions tentées

 

La difficulté éprouvée est d’ordre structurel, deux solutions ont été dés lors imaginées. Soit traiter les contentieux au cas par cas et tenter de les résoudre de manière pragmatique par une combinaison circonstancielle des différents paramètres déjà mentionnés ; soit tenter de définir à défaut d’une impossible solution globale  des réponses sectorielles et cohérentes par rapport à la question lancinante du mode de répartition des compétences juridictionnelles.

Le Tribunal des conflits a été chargé de régler les difficultés de compétence qui persistent entre les deux ordres de juridictions. Plusieurs de ses interventions récentes ont marqué l’intérêt qui continue de s’attacher à sa jurisprudence. Le rôle de cette juridiction reste essentiel dans la recherche de la solution au conflit de compétence.

Le législateur intervient pour des raisons d’opportunité et pour corriger des solutions jurisprudentielles peu satisfaisantes ou entériner les autres. De nombreux textes législatifs particuliers ont été adoptés pour déterminer la juridiction compétente dans certains domaines spécifiques. Ces interventions législatives compensent les incertitudes quant aux questions soulevées par le justiciable.

Il est à noter l’intervention de la Loi du 5 avril 1937 relative à la responsabilité de l’État du fait des accidents scolaires : les parents des victimes n’ont d’autre action que contre l’État dont la responsabilité est substituée à celles des «enseignants fautifs ». Mais cette loi institue l’action devant les tribunaux judiciaires. 

Plus intéressante est la technique dite des blocs de compétence, permettant au-delà du cas concret résolu de dégager une solution de principe applicable à un ensemble significatif de questions contentieuses analogues ou voisines. La Loi du 31 décembre 1957 a unifié le régime de responsabilité du fait des accidents causés «par un véhicule quelconque ». Cette loi confie l’ensemble de ce contentieux au juge judiciaire, que le véhicule soit privé ou administratif.

La même solution a été retenue en attribuant la compétence exclusive des tribunaux judiciaires à la responsabilité civile des exploitants publics et privés d’installations nucléaires civiles et militaires (Loi du 30 octobre 1968).La formation de ces blocs de compétence est souvent le fruit de jurisprudence riche sur certains secteurs, obligeant ainsi le législateur à admettre une solution légalisée.

La matière des travaux publics en relation avec la vieille loi du 28 pluviôse an VIII interprétée de manière extensive est considérée comme un domaine de compétence privilégié de la juridiction administrative, qu’il s’agisse de responsabilité contractuelle ou extracontractuelle ou encore de la garantie décennale des entrepreneurs et architectes.

C’est à la jurisprudence du tribunal des conflits à qui l’on doit la célèbre théorie du service public industriel et commercial dont la principale conséquence est d’assujettir en principe les activités relevant du régime de droit privé sous le contrôle du juge judiciaire.

 

  1. Solutions insuffisantes

 

Des solutions sont recherchées par la jurisprudence et le législateur afin d’améliorer la compréhension du partage de compétence entre la juridiction judiciaire et la juridiction administrative. Toutefois, ces hypothèses  en pratique ne concernent qu’une fraction minime du contentieux de l’Administration.

Par ailleurs, la théorie des blocs de compétences, qui aurait dû être de nature à simplifier de manière radicale les données de la répartition des compétences, n’aboutit qu’à des résultats limités. Trois exemples peuvent faire ressurgir cette limite.

L’administration tente de résister à l’application de la loi. L’administration continue à faire bloc contre l’attribution de compétence au juge judiciaire pour connaître des dommages causés par les véhicules administratifs. Le Tribunal des conflits a eu l’occasion de préciser qu’ « un véhicule est tout engin susceptible de se mouvoir par le moyen d’un dispositif propre », sans pour autant résoudre toutes les questions pratiques. Quelques arrêts pour apprendre que «la qualité de véhicule était refusée aux conteneurs d’ordures ménagères, en dépit des roulettes dont ils sont agrémentés ».

 

Le fonctionnement des ouvrages publics est l’une des illustrations de la limite des blocs de compétence. En effet, le fonctionnement de tels ouvrages est susceptible de provoquer des accidents dont le contentieux relève en principe du juge administratif en application de la théorie des dommages de travaux publics. Cependant, un tel ouvrage peut parfois être utilisé dans la gestion d’un service public industriel et commercial. Le fonctionnement de ces ouvrages ressort ainsi normalement du juge judiciaire.

C’est une solution intermédiaire qui a été retenue, liée à la qualité de la victime du dommage. Lorsque la victime est un usager du service public gestionnaire de l’ouvrage, la compétence sera judiciaire ; en revanche si elle utilise l’ouvrage public sans revêtir la qualité d’usager du service, la compétence restera administrative. La prépondérance du juge administratif reste encore fortement d’actualité et le partage de compétence également, n’évoluant en rien la difficile règle de partage. La notion même de bloc de compétences se retrouve fragilisée.

La volonté législative de constituer un bloc de compétences peut être battue en brèche pour des raisons pratiques. Ainsi, le souci légitime manifesté par l’Ordonnance modifiée du 1er décembre 1986 et avalisé par le Conseil constitutionnel d’unifier le contentieux de la concurrence au profit de l’ordre juridictionnel judiciaire, est progressivement remis en cause par l’évolution de la jurisprudence administrative.

L’extension régulière du droit de la concurrence à un nombre croissant d’activités, y compris administratives, phénomène lié aux progrès de l’intégration communautaire, conduit peu à peu le Conseil d’État, dans le cas du contentieux administratif ordinaire, à en faire une application systématique et donc à s’ériger en interprète autorisé de ses dispositions au même titre que la Cour de cassation.

La dualité se pose ainsi comme une difficulté. La matière du contentieux des étrangers n’est pas la seule touchée par cette difficulté. Elle n’est que sa manifestation. En réalité, c’est le principe de partage de compétence entre le magistrat civil et la magistrat administratif sur toutes les matières qui souffre de cette difficulté. Néanmoins, difficulté n’enlève pas la nécessité de la dualité.

 

§2 : L’évolution de la juridiction administrative

 

La juridiction administrative a été conçue sur le mode d’un privilège de juridiction concédé à l’Administration. Malgré les aménagements de toutes sortes intervenus depuis l’origine qui lui ont permis de trouver toute sa place dans le régime français de démocratie libérale, le Conseil d’État continue à être l’objet de critiques récurrentes. Pointée pour cause sa trop grande proximité du Pouvoir.

 

  1. La garantie juridictionnelle de la juridiction administrative

 

L’appréciation à porter sur la procédure administrative contentieuse s’avère très positive. Les garanties offertes au justiciable de nos jours sont tout à fait satisfaisantes et, par certains aspects, plus favorables que celles dont il disposerait devant le juge judiciaire, que la personne se place sur le terrain de l’accès à la juridiction ou sur celui de l’instruction des recours.

 

  1. L’accès au juge administratif

 

L’accès au prétoire administratif est extrêmement aisé. Contrairement au procès judiciaire, la représentation par un avocat n’est pas nécessaire. La procédure administrative est dépourvue de formalisme et souvent peu onéreux. Quelques points essentiels peuvent venir conforter ce constat.

Une simple lettre rédigée sur papier libre et en langue française suffit pour introduire valablement un recours. Elle ne doit contenir que l’exposé des faits litigieux et les moyens invoqués par le requérant à l’appui de sa  demande. Cette lettre est accompagnée de la décision attaquée ou la pièce justifiant du dépôt d’une demande lorsque la décision attaquée est une décision implicite de l’administration.

Le coût d’accès à la juridiction administrative est des plus réduits. Jusqu’en 1994, il pouvait même être totalement nul. Mais depuis le 1er janvier 1994, pour dissuader les requérants intempestifs, la recevabilité de la requête est subordonnée au paiement d’un droit de timbre de 100FF dont seules sont dispensées les personnes bénéficiaires de l’aide juridictionnelle.

Le ministère d’avocat en matière d’excès de pouvoir dans le contentieux des impositions, celui des pensions, celui des élections et dans certains aspects du contentieux de la responsabilité n’est pas nécessaire du moins devant les juridictions inférieures. Si la nécessité de recourir à un avocat devant les juridictions de l’ordre judiciaire renchérit considérablement le coût de la justice et décourage dans certains cas l’action des justiciables, cette pression n’existe pas dans le contentieux administratif.

L’intérêt à agir du requérant est entendu de manière très libérale par le juge administratif. Sauf en matière de plein contentieux où le recours est fondé sur l’existence d’un droit subjectif lésé aisément reconnaissable. Le requérant n’a pas nécessairement à démontrer qu’une atteinte a été portée à l’un de ses droits pour être recevable. Sans faire du recours pour excès de pouvoir « une action populaire » offerte à tout citoyen contre n’importe quelle décision, le juge en admet largement l’ouverture. Il suffit au requérant de prouver l’intérêt personnel au redressement d’une situation irrégulière, que cet intérêt soit matériel ou moral, individuel ou collectif, dès lors qu’il est légitime.

Les recours contentieux doivent néanmoins être introduits dans des délais très brefs. Le délai de droit commun est de deux mois à compter de la notification d’une décision individuelle ou de la publication d’un acte réglementaire. En cas de silence, ce qui équivaut à une décision implicite de refus, le délai de deux mois court à compter de l’expiration du délai de quatre mois du silence. La brièveté de ces délais, nécessaire à la sécurité des relations juridiques est peut être la raison qui pourrait constituer une gêne pour les justiciables. 

Pour plus de facilité pour les justiciables, un décret de 1983 a prévu que les délais de recours ne sont opposables qu’à la condition d’avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours possibles, dans la notification de la décision.

 

  1. Le traitement équitable

 

La procédure administrative est pleinement contradictoire. Le juge ne se prononcera que sur la base d’un échange argumenté des positions des parties en présence, au cours duquel les moyens invoqués par chacune d’entre elles sont communiqués à l’autre afin de faire l’objet d’un débat contradictoire. 

La procédure suivie devant les juridictions administratives est essentiellement écrite, mémoire introductif, mémoire en réplique, ordonnance du chef de juridiction, rapport du magistrat spécialisé, conclusions du commissaire de gouvernement. Cette exigence confère au procès administratif un caractère objectif qui ne peut que servir les intérêts du justiciable. La communication des pièces et documents sera plus fluide et le débat plus ouvert.

La partie orale du débat lors de l’audience publique est d’un rôle marginal. Les observations orales et les plaidoiries ne servent que pour développer le contenu des mémoires écrits. En pratique, elles n’interviennent que rarement.

Enfin, cette procédure revêt un caractère inquisitorial très marqué, en opposition totale avec la procédure civile de type accusatoire. Devant le juge judiciaire, ce sont les parties qui conduisent l’instance alors que le procès administratif est dirigé exclusivement par le juge. C’est au juge que sont adressés les mémoires et documents écrits et il lui appartient d’organiser leur échange en même temps qu’il impartit à chacun les délais de réponse.

La possibilité a été reconnue au juge administratif de répartir la charge de la preuve entre le requérant et l’Administration. Il s’est conféré le pouvoir dans une affaire restée célèbre «d’exiger de l’administration la production des documents susceptibles d’établir sa conviction» ainsi que la communication des «raisons de fait ou de droit» pour lesquelles a été prise la décision contestée.

 

  1. Le rapprochement des juridictions 

 

Le grief souvent adressé au juge administratif est de ne pas tenir la balance égale entre les prérogatives de la Puissance publique et les intérêts du justiciable. La comparaison établie entre les jurisprudences judiciaire et administrative démontrait la faiblesse de la juridiction administrative.

Le juge judiciaire se montrait plus soucieux que le juge administratif de protéger les droits individuels et les intérêts patrimoniaux des personnes privées. Mais depuis un certain temps, la situation tend à évoluer. Le juge administratif est maintenant doté de moyens similaires de contrôle que le juge judiciaire sur la question des libertés individuelles. Les solutions qu’il adopte sont tout à fait équivalentes à celles dégagées par le juge judiciaire.

 

  1. Le rapprochement des moyens

 

Le juge administratif doit trancher le litige qui lui est soumis. C’est sa mission intrinsèque qui correspond précisément à la jurisdictio du droit romain. Pour assurer l’autorité de la chose jugée, il doit aussi disposer de tous les moyens nécessaires au rétablissement de la légalité. La solution est bien admise en droit privé. En revanche, elle ne s’est imposée qu’avec difficulté en droit administratif français. L’idée de contraindre l’Administration s’accordait mal avec la tradition juridique de la France à une certaine époque.

Mais la situation tend toujours à évoluer. Si le juge administratif s’est toujours interdit d’assortir spontanément ses décisions de mesures de contraignantes destinées à surmonter la résistance ou l’inertie de l’Administration, des textes législatifs déjà adoptés ou sur le point de l’être lui confèrent désormais dans ce domaine des pouvoirs analogues à ceux dont dispose traditionnellement le juge judiciaire.

En effet, autrefois, le détenteur d’un titre de justice, n’obtenait que difficilement ou tardivement sa bonne exécution de la part de l’administration. Les progrès de l’esprit public ont fini par provoquer une réaction législative. La Loi du 16 juillet 1980 et la Loi du 8 février 1995 ont établi la plénitude de juridiction du juge administratif et le pouvoir d’astreindre l’administration à l’exécution de condamnation contre elle. 

D’une part, sur demande expresse du requérant introduisant sa requête principale, tout juge administratif peut désormais assortir sa décision d’une injonction d’exécution, dans le cas où la chose jugée implique nécessairement qu’une mesure déterminée soit prise.

D’autre part, en cas d’inexécution d’une décision rendue par une juridiction administrative, le Conseil d’État peut prononcer contre l’administration récalcitrante une astreinte qui peut se manifester en une condamnation à payer une somme d’argent déterminée par jour de retard, mesure destinée à provoquer cette exécution et dont la liquidation sera opérée ultérieurement, par analogie à l’astreinte en droit commun.

L’office du juge se trouve ainsi parfaitement établi. Il n’était certes pas privé de moyens pour pallier la longueur des procédures, mais ces moyens étaient assortis de restrictions qui en limitaient considérablement l’efficacité. Pour s’en tenir aux techniques de droit commun, le président du tribunal administratif peut en cas d’urgence «ordonner toutes mesures utiles » mais « sans faire préjudice au principal et sans faire obstacle à l’exécution d’aucune décision administrative » {Loi du 28 novembre 1955).

Le sursis à exécution a toujours été considéré en jurisprudence comme une simple facilité pour le juge. Son octroi est soumis à une double condition : l’une tenant aux conséquences irréversibles de la décision dont le sursis est demandé, l’autre tenant à l’existence d’au moins un moyen sérieux d’annulation.

Existaient par ailleurs des procédures spéciales de sursis ou d’urgence, mais limitées dans leur champ d’application. Un projet de loi soumis au Parlement le 18 mars 1999 a été adopté en première lecture devrait remédier à ces carences. Ladite loi institue un juge administratif de l’urgence analogue au juge civil des référés et transforme ainsi le sursis à exécution en un « référé suspension » à des conditions simplifiées. 

 

  1. Le rapprochement de la jurisprudence

 

Le principe selon lequel compétence juridictionnelle et fond du droit appliqué sont liés connaît de longue date plusieurs dérogations. Le Conseil d’Etat se réfère souvent à des règles éditées par le Code civil, par exemple aux articles 1153 et 1154 sur les intérêts moratoires et sur leur compensation ou encore aux articles 1792 et 2270 sur la garantie décennale des entrepreneurs en matière de travaux publics. 

De son côté,  le juge judiciaire recourt parfois au régime et aux mécanismes du droit administratif pour résoudre certains litiges. C’est par exemple le cas  de la mise en cause de la responsabilité de l’État en raison de l’activité des services judiciaires ou de certaines autorités administratives indépendantes. D’ailleurs, il a été reconnu que le juge pénal a pleine compétence pour apprécier la légalité des actes administratifs, règlementaires ou individuels.

Le régime de responsabilité appliqué par les juridictions administratives a longtemps été moins avantageux pour les justiciables que celui qui mis en œuvre devant les juridictions judiciaires. Le Tribunal des conflits avait estimé que les dispositions du Code civil devaient être écartées. La responsabilité de l’Administration « n’est ni générale ni absolue ; qu’elle a ses règles spéciales qui varient selon les besoins du service et la nécessité de concilier les droits de l’État avec les droits privés ».

Mais le régime indemnitaire garanti devant le juge administratif est maintenant équivalent, voire plus favorable que celui pratiqué par le juge ordinaire. Il en va ainsi pour les règles d’évaluation des dommages de travaux publics.  Pendant longtemps, le Conseil d’État n’engageait la responsabilité des services administratifs que sur le terrain de la faute lourde difficile. Cette exigence a été abandonnée concernant des actes médicaux.

Le Conseil d’État a ainsi créé un régime de responsabilité sans faute du service public hospitalier qui est sans équivalent dans les établissements de soins privés selon le régime appliqué par le juge judiciaire.

L’écart énorme entre les deux juridictions est aujourd’hui en voie de disparition. Les jurisprudences élaborées dans chacun des deux ordres ont tendance à se rapprocher sinon à se confondre. Sur le plan organique également, avec la mise en place des cours administratives d’appel, les deux ordres sont désormais organisés selon des modalités voisines sinon identiques. Cela signifie t-il la possibilité d’unifier les juridictions, en général ou sur certains points, tel le contentieux des étrangers ?

 

Section 2 : L’esquisse d’une unification en droit français

 

Il est indéniable que si autrefois un faussé séparait catégoriquement les deux ordres de juridiction, les efforts entrepris tendent à remettre un équilibre entre les deux. Les moyens utilisés par les deux ordres se rapprochent. Des équivalences et des pratiques de l’un se retrouvent chez l’autre. Mais cela reste sur le plan formel. Sur le fond, la compétence semble camper sur ce qui pourrait être la compétence naturelle de chacun.

Spécifiquement, sur la matière du contentieux des étrangers, ce contentieux est gouverné par deux aspects, l’aspect administratif et la liberté de l’intéressé. Le juge judiciaire peut il connaitre de l’aspect administratif ? Le juge administratif peut il être intéressé par les notions de libertés et de droits fondamentaux ? La réponse à ces deux questions pourrait être la réponse à la possibilité de l’unification des procédures entre les mains d’un seul juge.

 

§1 : La compétence du juge judiciaire sur les actes administratifs

 

Il existe des aspects de l’acte administratif qui sont naturellement dévolus à la compétence du juge judiciaire. Des dispositions législatives particulières attribuent compétence aux tribunaux judiciaires pour connaître des litiges intervenus dans une matière qui aurait dû normalement, en raison de sa nature et  faire partie du contentieux administratif. En vertu de l’article 34 de la Constitution du 4 octobre 1958, c’est la loi qui définit la compétence juridictionnelle.

Le conseil constitutionnel a également adhéré à ce que certaines matières soient dévolues à la compétence du juge judiciaire, bien que par nature, ces matières revêtent un aspect administratif. Ces matières sont largement celles qui touchent le domaine fiscal, les impôts et les taxes. Mais le conseil constitutionnel institue également la compétence judiciaire sur des questions de la concurrence.

 

  1. La compétence légale du juge judiciaire

 

  1. La compétence en matière fiscale

 

  1. Le principe

 

L’attribution de la compétence du juge judiciaire en matière fiscale est l’œuvre du législateur. L’autorité judiciaire est compétente pour connaitre des réclamations individuelles concernant les droits d’enregistrement, la taxe de publicité foncière, les droits de timbre, les contributions indirectes et taxes assimilées à ces droits, taxes ou contributions. Pour  les droits de douane, la compétence judiciaire est prévue par l’article 357 bis du Code des douanes. Il en est également ainsi de l’impôt de solidarité sur la fortune.

Pour cela, le juge judiciaire peut également connaitre de la légalité des mesures prises par l’administration. « Considérant que l’autorité judiciaire, compétente pour statuer sur les réclamations relatives à l’application des contributions et taxes indirectes, l’est également pour apprécier la légalité et interpréter le sens des actes administratifs en vertu desquels la perception a eu lieu ».

Le juge judiciaire a été déclaré compétent pour connaître de la décision administrative qui refusait l’exemption de droits de mutation par décès en ces termes. « Il appartient aux tribunaux judiciaires seuls de connaître des litiges qui peuvent s’élever au sujet de la perception des droits d’enregistrement et qu’ils jouissent à cet égard de la compétence la plus étendue ». Le juge judiciaire est le seul compétent dans le contentieux fiscaux. Il peut contrôler la légalité des actes administratifs, règlementaires ou individuels.

 

  1. La limite

 

Néanmoins, le juge administratif n’est pas complètement écarté du contentieux fiscal. La juridiction administrative demeure compétente pour connaître d’un acte administratif détachable de la procédure d’établissement et de recouvrement d’un impôt dont le contentieux relève de la compétence de l’autorité judiciaire.

Le contentieux des droits de mutation relève de la compétence judiciaire, mais la décision de refus d’une demande d’agrément d’une entreprise nouvelle constitue un acte administratif détachable de la procédure même d’établissement et de recouvrement du droit de mutation. Il appartient au  juge administratif  d’apprécier la légalité de la décision contestée.

 

  1. La portée de la décision

 

Les tribunaux judiciaires ne peuvent que déclarer inapplicable l’acte administratif qu’ils estiment illégal. Ils ne peuvent pas prononcer l’annulation d’un tel acte. Cette compétence est réservée au juge administratif.

« S’il appartient à l’autorité judiciaire de statuer sur les réclamations relatives à l’application des taxes indirectes et d’apprécier, à cette occasion, la légalité des actes en vertu desquels cette perception a eu lieu, la compétence qui lui est attribuée ne fait pas obstacle à ce que les intéressés défèrent à la juridiction administrative, afin d’en faire prononcer l’annulation pour excès de pouvoir, les actes administratifs qui établissent les taxes et en fixent les tarifs ».

Le juge judiciaire, dans la limite de sa compétence, devra, le cas échéant, assurer le respect des règles de droit international, et notamment des règles du droit communautaire dans l’interprétation et l’appréciation de  la légalité des actes administratifs tant réglementaires qu’individuels.

 

  1. La compétence en matière de concurrence

 

« Les règles définies au présent livre, s’appliquent à toutes les activités de production, de distribution et de services, y compris celles qui sont le fait de personnes publiques, notamment dans le cadre de conventions de délégation de service public ».

Les affaires relevant du droit de la concurrence s’appliquent dans tous les secteurs d’activités, y compris celles publiques. Le critère d’applicabilité des règles de la concurrence posées par l’article. L. 410-1 du Code de englobe « toute activité de production, de distribution ou de services » ».  Cela explique que de nombreux litiges pouvant concerner le droit de la concurrence relèvent de la compétence du juge judiciaire.

 

  1. L’entière compétence du juge judiciaire

 

La jurisprudence a dû déterminer la juridiction compétente pour connaître des pratiques anticoncurrentielles des opérateurs ne s’accompagnant pas de prérogatives de puissance publique. La cour d’appel de Paris n’est juge que des décisions de l’autorité de la concurrence dont le contrôle ne porte que sur des agissements ou des pratiques anticoncurrentielles auxquelles se livrent des opérateurs économiques, qu’ils soient de droit public ou de droit privé.

La Cour de cassation a admis l’intervention de l’autorité de la concurrence et de la cour d’appel de Paris dans une affaire concernant la procédure de passation d’une convention de délégation de service public pour le renouvellement du contrat d’affermage de la production et de la distribution d’eau potable entre la Société Suez Lyonnaise des Eaux (SLE) et quatre communes. La SLE, fermier en place, disposait d’un équipement de production.

La jurisprudence a également retenu la compétence de l’autorité de la concurrence pour l’appréciation des agissements des personnes parties aux contrats à l’occasion de l’exécution de ces contrats dès lors qu’ils sont susceptibles de constituer des pratiques anticoncurrentielles.

La jurisprudence a admis la compétence des autorités judiciaires chargées de l’application du droit de la concurrence pour statuer sur les pratiques anticoncurrentielles imputables à une personne publique à l’occasion de l’exécution d’un marché public lorsque ces pratiques ne manifestent pas la mise en œuvre de prérogatives de puissance publique.

Le juge administratif, tout comme le juge judiciaire qui connait des questions de concurrence peuvent saisir l’autorité de la concurrence. La doctrine a bien relevé l’existence d’un tel partage et de dialogue entre les juges.

 

  1. Les limites de l’attribution légale de compétence

 

La compétence du juge judiciaire n’excédait pas les limites de la possibilité d’un aménagement précis et limité que le législateur peut prévoir afin d’unifier un contentieux réparti entre les deux ordres de juridictions au profit de l’ordre juridictionnel principalement intéressé. La détermination des limites de la compétence judiciaire en matière de concurrence a été précisée par le Tribunal des conflits dans sa décision du 6 juin 1989 « Préfet de la région Île-de-France c/ cour d’appel de Paris ».

En se fondant sur l’article 53, le tribunal des conflits a affirmé les limites de la compétence de la cour d’appel de Paris. « Il résulte de l’article 53 de l’ordonnance du 1er décembre 1986 que les règles qui y sont définies ne s’appliquent aux personnes publiques qu’autant que celles-ci se livrent à des activités de production, de distribution ou de services ». « L’organisation du service public de la distribution de l’eau à laquelle procède un conseil municipal n’est pas constitutive d’une telle activité, que l’acte juridique de dévolution de ce service n’est pas, par lui-même, susceptible d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur le marché ».

La compétence du juge administratif n’exclut néanmoins pas l’application du droit de la concurrence. La question a d’ailleurs été posée au Conseil d’État saisi par le juge judiciaire d’une question préjudicielle dans un litige relatif à un contrat de concession conclu entre la ville de Sens et la société de Pompes funèbres générales. La Cour de cassation contrôle le respect de cette compétence du juge administratif.

 

  1. La compétence du juge judiciaire non répressif

 

Le juge judiciaire non répressif a compétence pour interpréter les actes administratifs réglementaires. Mais l’appréciation de la légalité des actes administratifs, réglementaires ou non réglementaires ne relève jamais, en principe, de la compétence du juge judiciaire non répressif. La compétence du juge judiciaire est différente lorsque l’administration est coupable de voie de fait.

 

  1. L’interprétation des actes administratifs

 

  1. Les actes règlementaires

Les actes règlementaires sont des actes administratifs qui ont un caractère général et qui s’applique à tous. Les actes administratifs règlementaires ont le même statut que les textes de loi.

Le Tribunal des conflits a reconnu aux tribunaux judiciaires les plus larges pouvoirs pour déterminer le sens et la portée d’un acte administratif réglementaire. Comme tout juge, le juge judiciaire est compétent pour interpréter la loi et les règles de droit de portée générale.  Les tribunaux judiciaires peuvent également  interpréter les actes réglementaires à l’occasion des litiges dont ils sont saisis.

C’est ainsi qu’un règlement d’urbanisme  qui est un texte réglementaire, dont la régularité n’était pas contestée, pouvait être interprété par le juge de l’ordre judiciaire, sans qu’il y ait lieu de surseoir à statuer. C’est ainsi également que le juge judiciaire est compétent pour interpréter le plan d’occupation des sols d’une commune, lequel revêt les caractères d’une décision administrative réglementaire.

 

  1. Les actes non réglementaires

 

  1. Incompétence de principe du juge judiciaire non répressif

 

De ce qui précède, il en ressort que le juge judiciaire non répressif n’a, en principe, pas le droit d’interpréter les actes administratifs individuels ou collectifs dont le sens est obscur ou ambigu. Les actes administratifs individuels sont des mesures prises par l’administration à l’endroit d’une seule personne ou d’un groupe de personnes désignées et nommées. Le juge judiciaire non répressif doit surseoir à statuer pour saisir le juge administratif d’une question préjudicielle.

Pour les actes administratifs individuels ou collectifs, le principe a été affirmé par le Tribunal des conflits. « Les tribunaux judiciaires sont incompétents pour interpréter les dispositions obscures ou ambiguës des actes administratifs spéciaux ou individuels ». Les juridictions judiciaires ont d’ailleurs également affirmé cette incompétence du juge judiciaire en la matière.

Ainsi, l’interprétation d’une délibération d’un conseil régional sur le point de savoir si le mandat conféré à son président emportait le pouvoir de signer une clause attributive de compétence pour signer une convention, s’agissant d’un acte administratif non réglementaire, constituait une question préjudicielle relevant de la compétence de la juridiction administrative. Le juge judiciaire doit surseoir à statuer jusqu’à ce que le juge administratif s’exprime.

Il en est de même pour les contrats administratifs. Les tribunaux judiciaires non répressifs ne peuvent interpréter des contrats administratifs dont la rédaction soulève une difficulté sérieuse. Sur ce point, juridiction administrative et juridiction judiciaire s’accorde à écarter la compétence du juge judiciaire non répressif.

Mais les tribunaux judiciaires restent toujours compétents lorsqu’il s’agit d’interpréter des contrats de droit privé. Le contentieux de ces contrats relève pleinement de la compétence du juge judiciaire non répressif.

 

  1. La question préjudicielle

 

Lorsque  le juge judiciaire non répressif se trouve devant une difficulté d’interprétation d’un acte administratif non réglementaire, il doit surseoir à statuer afin de poser une question préjudicielle  au juge administratif. Cette procédure obéit à la réunion de conditions de fond et de conditions de forme.

  • Sur le fond, Les tribunaux judiciaires non répressifs ne peuvent recourir à une question préjudicielle concernant l’interprétation d’un acte administratif non réglementaire que si l’acte à interpréter est obscur ou ambigu. L’interprétation doit nécessairement avoir une influence sur la solution du litige.

« Si les tribunaux judiciaires sont incompétents pour interpréter des dispositions obscures ou ambiguës des actes administratifs spéciaux et individuels, il leur appartient d’en faire l’application quand ces actes sont clairs et précis ». Le législateur a prévu dans certains cas des partages de compétence qui peuvent conduire à ce que Negrin appelle « une question préjudicielle partielle ».

Lorsque la question d’interprétation porte sur le point de savoir si un acte est réglementaire ou individuel, la jurisprudence avait tout d’abord estimé qu’une question préjudicielle était nécessaire avant de revenir sur cette utilité. La Cour de cassation d’affirmer « qu’en présence des dispositions claires et précises de ce plan excluant toute question préjudicielle, il appartenait à l’autorité judiciaire d’en déterminer le caractère réglementaire et d’en assurer l’application ».

  • Sur la forme,  La procédure de la question préjudicielle suppose tout d’abord que les parties en cause devant le juge judiciaire non répressif présentent des conclusions soulevant la difficulté d’interprétation d’un acte administratif non réglementaire. Il faut que cette question soit présentée devant le juge du fond. Cette question ne peut pas être soulevée pour la première fois en cassation.

Il faut ensuite un jugement de sursis à statuer du juge et la nécessité du renvoi du juge administratif compétent pour statuer sur le problème d’interprétation. Ce jugement invite la partie la plus diligente à s’adresser au juge administratif pour répondre à la question posée. Seules les parties en cause devant l’autorité judiciaire peuvent saisir le juge administratif tendant à l’interprétation de l’acte administratif objet du renvoi.

« Toute déclaration d’illégalité d’un texte réglementaire par le juge administratif, même décidée à l’occasion d’une autre instance, s’impose au juge civil qui ne peut faire application de ce texte illégal ». La déclaration d’illégalité d’un acte administratif par le juge administratif n’a pas pour autant effet de remettre en vigueur l’acte antérieur auquel il s’était substitué.

 

  1. L’appréciation de la légalité des actes administratifs

 

La juridiction judiciaire non répressive n’a pas compétence pour contrôler la légalité d’un acte administratif qu’il soit réglementaire ou non réglementaire. Le juge judiciaire non répressif doit surseoir à statuer et saisir le juge administratif d’une question préjudicielle.

 

  1. Pour les actes réglementaires

 

Il faut distinguer l’interprétation et l’appréciation de la légalité d’un règlement administratif. « L’interprétation ne trouble pas, car elle suit, se conforme, applique. La déclaration d’illégalité refuse cette application, elle écarte le règlement, elle trouble l’opération du corps administratif ».Le Tribunal des conflits refuse expressément au juge judiciaire non répressif  le pouvoir de contrôler la légalité de ces règlements.

La Cour de cassation reconnait également cette incompétence du juge judiciaire non répressif d’apprécier la légalité d’actes administratifs réglementaires. « L’appréciation de la légalité d’un acte réglementaire échappe à la compétence du juge judiciaire ». La Cour de cassation a par exemple censuré un arrêt qui tendait à « apprécier la légalité de l’article 173 du décret qui est une disposition de nature réglementaire ».

C’est ainsi que la délibération communale classant dans la voirie communale un chemin rural ne peut faire l’objet d’appréciation de sa légalité par le juge judiciaire non répressif. La compétence revient exclusivement au juge administratif.

Il en est de même en matière sociale. De nombreuses décisions de jurisprudence ne reconnaissent pas au juge judiciaire le droit d’apprécier la légalité d’actes administratifs réglementaires. C’est ainsi qu’un conseil de prud’hommes a sursis à statuer jusqu’à ce que la juridiction administrative apprécie la légalité d’une disposition du statut du personnel de la SNCF.

 

  1. Pour les actes administratifs individuels et collectifs

 

Le principe demeure le même. Le juge judiciaire non répressif n’est pas compétent pour contrôler la légalité des actes administratifs individuels ou collectifs. De nombreux arrêts du tribunal des conflits affirment et réaffirment d’ailleurs ce principe. De son côté, la Cour de cassation tend également à respecter cette incompétence de principe.

Dans le cas d’une autorisation de l’inspection du travail accordée à l’employeur de licencier un salarié protégé, autorisation administrative, le juge judiciaire non répressif ne peut, sans violer le principe de la séparation des pouvoirs, apprécier ni le caractère sérieux des motifs retenus pour justifier le licenciement ni la régularité de la consultation du comité d’entreprise.

 

  1. Les mesures administratives contre l’étranger

 

Le contentieux des Étrangers est une illustration de cette incompétence du juge judiciaire non répressif à apprécier la légalité des actes administratifs individuels. Le juge judiciaire, saisi dans les conditions prévues par l’article 35 bis de l’ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945, peut seulement statuer sur une ou plusieurs des mesures de surveillance et de contrôle nécessaires au départ de l’étranger, faisant l’objet d’un arrêté de reconduite à la frontière, et ne peut, sans excéder ses pouvoirs, apprécier la légalité d’un acte administratif qui ne saurait constituer une voie de fait, qu’il soit de nature réglementaire ou individuelle.

Une autre illustration du contentieux des étrangers, le juge judiciaire qui est saisi d’une demande relative au maintien en zone d’attente d’un étranger ne peut, connaissance prise des raisons du refus d’asile opposé à l’intéressé par l’Administration, et du délai nécessaire pour assurer son départ, que statuer sur ce maintien au-delà de quatre jours. En aucun cas il n’a de compétence à soulever la question de la légalité de la mesure.

Une ordonnance rendue par un juge de la rétention prolongeant la rétention d’une personne étrangère, décide la mise en liberté de celle-ci en arguant que cette personne ne peut être expulsée en vertu de l’article 25 de l’ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée, préjuge de la validité de l’arrêté d’expulsion.  Une telle décision encourt la cassation.

Dernières illustrations par le contentieux des étrangers,  la décision du juge de la rétention « qui n’est pas celle d’une juridiction pénale au sens de l’article 111-5 du Code pénal, ne peut pas préjuger la validité de la décision administrative ayant entraîné la mise en rétention de l’étranger ».

 

  1. Les actes administratifs et les normes internationales

 

Les traités internationaux et le droit communautaire doivent l’emporter sur les lois nationales avec lesquelles ils sont incompatibles, même si ces lois sont postérieures aux textes internationaux concernés. Une telle solution a été consacrée par la Cour de cassation. Il en résulte que le juge judiciaire non répressif a compétence pour examiner la compatibilité d’une loi avec des normes internationales ou communautaires.

Spécifiquement pour les actes administratifs, réglementaires et non règlementaires, le contrôle de la compatibilité d’un acte administratif avec le droit communautaire nécessite l’obligation de surseoir à statuer pour une éventuelle question préjudicielle portant sur la régularité de l’acte administratif concerné posée au juge administratif.

Néanmoins, d’autres arrêts reconnaissent la compétence du juge judiciaire non répressif dans le contrôle de compatibilité d’un acte administratif aux conventions internationales. C’est ainsi que la chambre commerciale de la Cour de cassation s’est référé « à la primauté du droit communautaire sur le droit national en se référant à la primauté du droit communautaire sur le droit national » pour admettre que le juge judiciaire non répressif était compétent pour écarter l’application d’un règlement administratif.

Le tribunal des conflits quant à lui impose la nécessité du sursis et de la question préjudicielle. Dans un arrêt, le tribunal des conflits avaient argué de ce que le « litige, qui ne met pas en cause l’exercice de prérogatives de puissance publique du service postal, ressortit à la compétence des juridictions de l’ordre judiciaire, sous réserve d’éventuelles questions préjudicielles sur l’appréciation de la légalité d’actes administratifs relatifs à l’organisation et aux conditions d’exploitation de ce service ».

« Le Tribunal des conflits exclut que le juge civil puisse, le cas échéant, invoquer ce que seraient les exigences ou la primauté du droit communautaire pour tenir en échec la jurisprudence « Septfonds ». C’est-à-dire que les propres exigences du principe de séparation des autorités se manifestent sans distinction selon que l’appréciation de la légalité d’un acte administratif est faite au regard du droit interne ou au regard du droit communautaire ».

 

  1. Les actes constitutifs de voie de fait

 

Le Tribunal des conflits a considéré que les tribunaux judiciaires sont compétents pour interpréter et pour apprécier la légalité d’actes administratifs réglementaires ou non qui portent atteinte à l’inviolabilité du domicile privé, à la liberté individuelle ainsi qu’au respect dû au droit de propriété lorsque ces actes constituent des voies de fait.

Le tribunal des conflits a défini et délimité la notion de voie de fait de façon négative. « Il n’y a voie de fait justifiant, par exception au principe de séparation des autorités administratives et judiciaires, la compétence des juridictions de l’ordre judiciaire que dans la mesure où l’administration soit a procédé à l’exécution forcée, dans des conditions irrégulières, d’une décision, même régulière, portant une atteinte grave au droit de propriété ou à une liberté fondamentale, soit a pris une décision ayant l’un ou l’autre de ces effets à la condition que cette dernière décision soit elle-même manifestement insusceptible d’être rattachée à un pouvoir appartenant à l’autorité administrative ».

La constitution de voie de fait est une condition sine qua non. Si l’instance civile est fondée sur des faits constitutifs d’infractions portant atteinte à la liberté individuelle et à l’inviolabilité du domicile, le juge judiciaire non répressif n’est pas compétent pour se prononcer sur la légalité des actes administratifs tant que la voie de fait n’a pas été constaté.

Il s’en découle que la question de savoir si l’annulation par le tribunal administratif d’un arrêté d’expulsion implique ou non une nouvelle admission de l’intéressé au séjour relève exclusivement du juge administratif. Ce serait à tort qu’un juge judiciaire se reconnaitrait compétent sur le fondement de l’article 136 du Code de procédure pénale  si aucune atteinte à la liberté individuelle au sens de ce texte n’était invoquée.

L’article 432-4 nouveau du code pénal  ne considère comme atteintes à la liberté individuelle que les seuls actes d’arrestation, de détention ou de rétention arbitraires commis par des fonctionnaires publics. Les litiges relatifs aux conditions matérielles d’exécution de la rétention des Étrangers en instance d’éloignement ressortissent, en l’absence de voie de fait, à la seule compétence des juridictions administratives.

Le Tribunal des conflits a confirmé cette jurisprudence traditionnelle en 1997. En l’espèce, deux étrangers clandestins se sont vu opposer une décision de refus d’entrée sur le territoire français et de maintien à bord du navire dans lequel il se trouvait. Sur le référé civil qui constatait l’existence d’une voie de fait, le tribunal des conflits a affirmé que l’ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée, relative aux conditions d’entrée et de séjour des étrangers en France, a attribué en principe à l’Administration le pouvoir de procéder à l’exécution forcée des décisions d’éloignement et de refus d’entrée des étrangers. Les décisions concernées ne sauraient être regardées comme constitutives de voie de fait et réfutait toute compétence du juge judiciaire.

 

§2 : Le juge administratif et les libertés fondamentales

 

Le contentieux des étrangers impliquent deux figures. La première figure est l’aspect administratif des mesures administratives prises à l’encontre de l’étranger. La seconde se manifeste par une éventualité d’atteinte aux libertés fondamentales de l’étranger par les mesures de rétention administrative.

Le droit positif reconnaît une compétence de principe au juge judiciaire en matière de protection des droits fondamentaux, même lorsqu’est en cause un acte ou un agissement administratif. La justification est apportée par Laferrière. Selon l’auteur, « il existe des droits individuels, des facultés légales attachées à la personne (…). Les difficultés auxquelles peut donner lieu l’exercice de ces droits relèvent, en principe, de l’autorité judiciaire ».

Le juge administratif est considéré comme le garant de l’intérêt général, mais également comme le protecteur des prérogatives de l’administration. Il n’est pas facile d’imaginer ce juge concilier cet intérêt général et celui de l’administration avec les droits et libertés de l’individu.

Sur la question de l’unification du contentieux des étrangers, nous devons nous tourner vers l’appréciation du juge de la liberté fondamentale, et de faire ressortir la compétence, le pouvoir, mais aussi la volonté du juge administratif, de connaitre des questions de libertés fondamentales.

 

  1. Libertés fondamentales

 

  1. Généralité

 

De prime abord, il existe, ou existait, une incertitude sur la notion de liberté fondamentale. En effet, elle a été rapidement attachée aux « principes fondamentaux garantis par les lois de la République ».Le droit positif s’est simplement empressé de rattacher les libertés fondamentales à la compétence du juge judiciaire, sans que cela ne puisse plus être discutée.

Pourtant, d’autres variantes des libertés fondamentales, bien que n’étant pas reconnues parmi les composantes classiques et constitutionnelles des libertés fondamentales, se retrouvent sous la compétence du juge administratif. C’est le cas par exemple du droit à la vie, ou encore la liberté d’aller et venir.

Le Conseil constitutionnel a fait un pas en avant. Aujourd’hui, il clairement la liberté individuelle et les droits.  Ces derniers étaient jusqu’alors présentés comme des composantes de la première. Les juges jusque là se référaient à l’article 66 de la Constitution pour les seuls cas d’atteinte grave et prolongée à la liberté individuelle.

Le Conseil constitutionnel recourt au critère de la gravité de l’atteinte à la liberté individuelle pour dénoncer une loi qui ne prévoit pas la compétence du juge judiciaire. Mais jusqu’en 1995, la liberté individuelle sera analysée comme un standard indéterminé.

Le Conseil distingue désormais le concept prétorien de « liberté personnelle ». La notion de liberté personnelle, suivant l’article 2 de la convention des droits de l’homme de 1789, exprime un principe général de liberté générateur d’obligations pour le législateur mais dont la protection n’incombe pas nécessairement au juge judiciaire. La liberté individuelle garantit la sûreté personnelle comprise comme le droit d’aller et de venir sans être arrêté arbitrairement, même provisoirement.

La compétence classique en matière de libertés individuelles a été dévolue au juge judiciaire. Sa compétence s’étend aux atteintes à la liberté d’aller et de venir qui sont limitées dans le temps. Il en est ainsi du contentieux des gardes à vue ainsi qu’à des contrôles d’identité qui peuvent être prolongés par une rétention de quatre heures.

 

  1. La notion d’atteinte grave à la liberté et ses conséquences

 

Les litiges relatifs à la liberté individuelle ne sont pas réservés au seul juge judiciaire. Le législateur peut « fixer des modalités d’intervention de l’autorité judiciaire différentes selon la nature et la portée des mesures touchant à la liberté individuelle qu’il entend édicter ».

Spécifiquement au contentieux des étrangers, le Conseil constitutionnel a précisé la double condition de l’intervention du juge judiciaire. La première a trait à l’intensité de l’atteinte à la liberté individuelle, le Conseil opérant une distinction entre « une mesure qui prive un individu de toute liberté d’aller et venir et une décision qui a pour effet d’entraver sensiblement cette liberté ». Une privation sensible de la liberté individuelle peut être encadrée par le juge administratif. 

 

  1. La durée et l’intensité

 

La durée de privation de liberté se combine avec l’intensité.  D’ailleurs, l’intensité de la privation peut se traduire par une durée excessive de cette privation. Le législateur doit prévoir l’intervention du juge « dans les meilleurs délais », lorsque l’atteinte se prolonge dans le temps.

Le délai qui commande la compétence du juge judiciaire n’a jamais été précisé par le Conseil constitutionnel. Il dépend de la gravité de l’entrave. Mais une certaine tolérance se fait sentir de sa part. Si auparavant, le Conseil avait censuré une durée de rétention administrative de sept jours placée sous le seul contrôle du juge administratif, en 1992, la loi avait été censurée au motif que le juge judiciaire ne pouvait pas être saisi d’une privation de liberté de vingt jours.

 

  1. Les pouvoirs du juge judiciaire

 

Le pouvoir du juge judiciaire est conditionné. En effet, il ne peut pas apprécier la légalité des décisions qui relèvent de la juridiction administrative. Ainsi, il ne peut pas se référer à l’absence ou au retard de notification préalable de la décision de refus d’admission sur le territoire. Egalement, il ne peut s’autoriser à apprécier la régularité du placement en zone d’attente ou de la décision administrative estime manifestement infondée la demande l’asile.

En matière de rétention administrative, le juge judiciaire est fondé à « interrompre à tout moment la prolongation du maintien en rétention, de sa propre initiative ou à la demande de l’étranger, lorsque les circonstances de droit ou de fait le justifient ». Cette compétence est d’ordre légal. Mais cette compétence exclut le contrôle des conditions d’exécution matérielle de la rétention ni la légalité d’une telle mesure.

 

  1. La compétence conditionnée du juge administratif

 

La matière de liberté fondamentale et de liberté individuelle échappe en principe et classiquement à la compétence du magistrat administratif. L’existence d’une voie de fait ne fait que réduire ce périmètre de compétence. 

Aucune disposition semblable à l’article 66 de la Constitution ne réserve une compétence au juge administratif pour statuer sur des litiges mettant en cause des droits fondamentaux. Les cas de compétences administratives sont isolés et doivent être recherchés pour entrevoir les contours des matières relevant du juge administratif.

Le premier critère de compétence du juge administratif relève de l’inexistence de voie de fait. Un deuxième critère renvoie à la nature de la mesure ayant méconnu un droit fondamental. La compétence du juge administratif est subordonnée à un acte qui révèle l’exercice d’une prérogative de puissance publique.

 

  1.  Condition quant aux actes

 

Le code de justice administrative a introduit une procédure de référé liberté introduite par la loi n° 2000-597 du 30 juin 2000 permettant de mesurer l’éclatement de la protection des droits fondamentaux. Il assigne au juge administratif le soin d’assurer la sauvegarde d’une liberté fondamentale à laquelle une atteinte grave et manifestement illégale aurait été portée. 

Cette réforme établit la confusion sur la notion de droits fondamentaux. La procédure de référé liberté ne confère pas au juge administratif un monopole de compétence pour statuer sur l’ensemble des litiges liés à des droits clairement et limitativement énumérés. La loi renvoie aux conséquences d’un acte ou d’un agissement, le degré de gravité de l’atteinte. Mais la loi n’a pas tenu à identifier les domaines de compétence respectifs des deux juridictions, le législateur laisse le soin au juge la définition des droits fondamentaux et sa sphère de compétence.

 

  1. Acte constitutif de voie de fait

 

  1. Incompétence du juge administratif

 

La voie de fait enlève toute compétence au juge administratif. La compétence judiciaire se justifie par la dénaturation des pouvoirs confiés par un texte à l’administration. Il s’en suit que la voie de fait  qui donne compétence au juge judiciaire ne porte pas atteinte à la compétence du juge administratif « puisque l’acte a perdu même son caractère d’acte administratif ».

La théorie de la voie de fait n’a pas été aisée à établir. Si aujourd’hui les actes constitutifs de voie de fait doivent être d’une particulière gravité dans l’atteinte aux droits fondamentaux, à une autre époque, une simple illégalité avait pu être relevée par le juge comme une voie de fait. Cette ancienne conception  revenait à « accepter qu’une illégalité simple puisse être à l’origine d’une voie de fait. (Or) ce n’est rien de moins que mettre en cause la légitimité et, par suite, la raison d’être, de la justice administrative ».

La qualification de voie de fait a été retenue pour des cas de violation de droits fondamentaux consécutive à des exécutions forcées irrégulières.  La compétence du juge judiciaire est retenue en cas d’atteinte grave à un droit consécutivement à une décision « insusceptible d’être rattachée à un pouvoir appartenant à l’autorité administrative » .

 

  1. Limites de compétence du juge judiciaire

 

En l’absence de procédure de dessaisissement du juge administratif, ce dernier peut toujours statuer sur un acte ou un agissement constitutifs de voie de fait. Le juge administratif peut alors annuler l’acte en cause et indemniser la victime . Le juge administratif peut constater parfois que l’acte est inexistant, c’est-à-dire « nul et non avenu ».

Le juge judiciaire est souvent tenter de relever des actes constitutifs de voie de fait pour soulever sa compétence. Parfois, il essaie de déceler la voie de fait dans des actes attribués expressément par la loi à l’autorité administrative. De telle décision sont de nature à dénaturer la théorie de la voie de fait.

Par ailleurs, la légalité d’un acte ou d’un agissement constitutif d’une voie de fait peut être admise si l’autorité rapporte une situation d’urgence imprévue, un intérêt général et l’impossibilité d’agir légalement . Si « l’autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle, de statuer sur les conséquences de tous ordres des atteintes arbitraires à cette liberté, celles-ci ayant par elles-mêmes le caractère d’une voie de fait, cette règle reçoit exception dans le cas où des circonstances exceptionnelles empêchent de reconnaître ce caractère aux atteintes dont (il) s’agit ».

 

  1. Le référé liberté en cas d’atteinte grave aux libertés fondamentales

 

La compétence du juge administratif en matière de référé liberté s’apprécie au regard de conditions strictes qui imposent aux parties de rapporter une « atteinte grave » à une liberté, une illégalité manifeste commise par une personne publique ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public et une situation d’urgence qui nécessite des mesures provisoires afin de sauvegarder la liberté en cause.

Le juge des référés n’est compétent pour statuer « que pour autant que le litige principal auquel se rattache ou est susceptible de se rattacher la mesure d’urgence qu’il lui est demandé de prescrire, ressortit lui-même à la compétence directe » de sa juridiction.

Mais l’article L. 521-2 du Code de justice administrative qui instaure la procédure administrative de référé liberté ne définit ni la notion de liberté fondamentale ni les contours de l’atteinte grave et manifestement illégale. Ce vide ne facilite pas la délimitation des compétences respectives des juges judiciaire et administratif.

La solution proposée a été de confier au juge administratif l’intégralité des litiges se rapportant aux atteintes aux droits fondamentaux du fait d’un acte ou d’un agissement administratif. Mais une telle solution constituait un bouleversement dont le législateur n’était pas prêt à admettre. En effet, cette solution envisageait l’abandon de la théorie de la voie de fait, théorie restaurée par le tribunal des conflits solennellement le 23 octobre 2000.

 

  1. La conception de liberté fondamentale dans le référé

 

La qualification de liberté fondamentale a été admise au titre de la protection du principe de « libre administration des collectivités territoriales ». C’est ainsi que l’égalité de traitement entre candidats à une élection a été assimilée à une liberté fondamentale pat le tribunal administratif de Melun.

Le juge des référés a à plusieurs reprise exprimer  une volonté de circonscrire la notion de liberté fondamentale et a exclut d’assimiler des situations à la reconnaissance de valeur de liberté fondamentale. La liste des cas exclus est longue et non limitative.

 

  1. La portée de la compétence administrative

 

Pour autant, la qualification en liberté fondamentale ne consacre pas un monopole de compétence au juge administratif. Tout est cas d’espèces. La pratique démontre simplement que des actes ou des agissements sont susceptibles de porter atteinte à des situations protégées qui relèvent de la compétence de la juridiction administrative

 

  1. Condition quant à l’exercice d’une prérogative de puissance publique

 

  1. La compétence à valeur constitutionnelle

 

Agissant avec ses prérogatives de puissance publique, l’autorité administrative n’est justiciable que devant le juge administratif. La compétence du juge administratif découle d’un principe fondamental reconnu par les lois de la République selon lequel « à l’exception des matières réservées par nature à l’autorité judiciaire, relève en dernier ressort de la compétence de la juridiction administrative l’annulation ou la réformation des décisions prises dans l’exercice des prérogatives de puissance publique, par les autorités exerçant le pouvoir exécutif, leurs agents, les collectivités territoriales de la République ou les organismes publics placés sous leur autorité ou leur contrôle ».

Dans le cadre d’acte règlementaire, l’autorité administrative est fondée à édicter toute mesure d’individualisation et d’en préciser la portée. De tels actes peuvent restreindre l’exercice des droits fondamentaux pour des motifs d’ordre public ou de conciliation entre deux droits. Les décisions prises dans l’exercice des prérogatives de puissance publique, relèvent de la compétence du juge administratif. La seule exception reconnue reste la voie de fait.

La portée d’une telle reconnaissance de compétence administrative n’est toutefois pas absolue. Cette compétence est remise en cause « lorsque l’application d’une législation ou d’une réglementation spécifique pourrait engendrer des contestations contentieuses diverses ». Le législateur a la possibilité d’ « unifier les règles de compétence juridictionnelle au sein de l’ordre juridictionnel principalement intéressé ».

 

  1. La portée de la compétence

 

  1. Compétences sur les sanctions administratives

 

Des mesures administratives peuvent punir « une personne qui exerce une liberté sans avoir dû au préalable s’insérer dans une réglementation (…) ou si la peine n’a aucun rapport avec la réglementation que l’autorité entend faire respecter ». Ces mesures ne portent pas atteinte au « principe de la séparation des pouvoirs, non plus qu’aucun principe ou règle de valeur constitutionnelle .

Le conseil constitutionnel de préciser néanmoins que « une autorité administrative, agissant dans le cadre de prérogatives de puissance publique, (peut) exercer un pouvoir de sanction, la sanction susceptible d’être infligée (doit être) exclusive de toute privation de liberté ». « L’exercice du pouvoir de sanction (doit être) assorti par la loi de mesures destinées à sauvegarder les droits et libertés constitutionnellement garantis ». Le contrôle de ces sanctions relève de la compétence du juge administratif. L’exception toutefois se révèle pour les décisions du Conseil supérieur de l’audiovisuel dont la légalité est appréciée par le Conseil d’État.

 

  1. Compétence sur les actes de police administrative

 

Le Conseil constitutionnel institue la « conciliation (…) entre l’exercice des libertés constitutionnelles reconnues et les besoins de la recherche d’auteurs d’infractions et de la prévention d’atteinte à l’ordre public, notamment à la sécurité des personnes et des biens (qui sont) nécessaires, l’une et l’autre, à la sauvegarde de droits de valeur constitutionnelle ». Cette décision de la Cour constitutionnelle se fonde sur la primauté des conventions internationales.

Les actes de police administrative sont pris dans l’exercice d’une prérogative de puissance publique, ils relèvent dés lors de la compétence du juge administratif qui peut assurer la régulation des droits fondamentaux.

 

  1. Compétence sur les actes relatifs à la liberté d’aller et de venir

 

  • Concernant les nationaux

 

Le tribunal des conflits a estimé qu’un retrait irrégulier de passeport étaient constitutifs de voie de fait. Un tel retrait porte atteinte à la liberté d’aller et de venir, « laquelle n’est pas limitée au territoire national mais comporte également le droit de le quitter ».

Ces décisions sont prises dans le cadre d’un pouvoir confié par la loi à l’administration, elles doivent être contestées devant le seul juge administratif lorsqu’elles sont simplement irrégulières sans constituer des voies de fait.

 

  • Concernant les étrangers

 

« S’agissant de l’usage par une autorité exerçant le pouvoir exécutif ou par un de ses agents de prérogatives de puissance publique, les recours tendant à l’annulation des décisions administratives relatives à l’entrée et au séjour en France des étrangers relèvent de la compétence de la juridiction administrative ».

Le juge administratif hérite d’un monopole de compétence en matière de reconduite à la frontière et d’expulsion. Le juge administratif statue également sur la légalité des arrêtés de placement en zone d’attente et en rétention administrative.

C’est une juridiction spécialisée par contre, la Commission des recours des réfugiés, qui statue sur les demandes de reconnaissance du statut de réfugié présentées au titre du 4e alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 ou de la Convention de Genève du 28 juillet 1951. Depuis la loi n° 2003-1176 du 10 décembre 2003, la compétence de cette juridiction administrative spécialisée a été étendue aux litiges se rapportant à la protection subsidiaire. Le refus d’admettre au séjour provisoire un candidat au statut de réfugié reste en revanche de la compétence du tribunal administratif.

Chapitre II : L’impossible unification

 

Des efforts ont été entrepris afin de rapprocher davantage le juge administratif du justiciable, pour que celui-ci puisse avoir une plus grande compréhension et moins d’appréhension. Si autrefois le juge administratif était considéré comme le protecteur des intérêts de l’administration et de l’administrateur, son évolution vers l’indépendance vis-à-vis de son justiciable lui a valu le respect et la confiance.

Néanmoins, la dualité juridictionnelle qui est le principe même du droit français, reste une difficulté qui génère des contestations et des lenteurs dans la procédure. Si les matières et la compétence semblent être cloisonnées hermétiquement, la pratique démontre l’imbrication inévitable des matières.

En effet, les actes administratifs ouvrent l’exclusivité de compétence au juge administratif. Mais ces actes ne peuvent ignorer les conséquences sur la liberté des justiciables. Lorsqu’il s’agit d’atteinte à la liberté, le juge judiciaire reprend ses droits et se retrouvent seul compétent pour se prononcer.

Les questions préjudicielles existent dans l’un et l’autre sens. Le juge administratif peut être amené à poser des questions préjudicielles sur des questions de liberté au juge judiciaire, autant que le juge judiciaire doit surseoir à statuer sur des questions préjudicielles relevant exclusivement de la compétence du juge administratif.

Cela étant, les situations dans lesquelles les questions préjudicielles peuvent être écartées ne sont pas rares. La compétence de l’une et de l’autre juridiction peut être étendue à celle de l’autre. Le juge judiciaire peut par exemple connaitre des actes administratifs lorsque ces actes constituent une voie de fait entravant la liberté fondamentale. Certains points peuvent également relever sans restriction au juge judiciaire.

La question de liberté réservée au juge judiciaire, le juge administratif trouve néanmoins des exceptions pour asseoir sa compétence en la matière. La prérogative de puissance publique motive souvent cette compétence.

Le contentieux des étrangers peut d’ailleurs venir appuyer ces constats. D’autres domaines réalisent cette exception et démontre l’esquisse d’une unification des procédures entre les mains d’un seul juge. Alors pourquoi ne pas réaliser cette unification afin de promouvoir la politique d’immigration ?

Si l’unification des compétences du contentieux des étrangers est imaginée, ou imaginable, à quel juge attribuera-t-on cette compétence ? Quels sont les obstacles à l’unification juridictionnelle, spécifiquement au contentieux des étrangers ?

Section 1 : L’ambition de la reforme

 

La reforme voulue instaurée exige le rassemblement des compétences entre les mains d’un seul juge qui connaitra de tout le contentieux des étrangers. L’instigateur d’une telle reforme a été le Président de la République française Nicolas Sarkozy. Dans sa conférence de presse du 8 janvier 2008, il a confirmé la mission confiée au ministre de l’Immigration, Brice Hortefeux, « d’avancer sur deux points extrêmement importants ».

 D’une part, la mission du ministre devait « d’aller jusqu’au bout d’une politique fondée sur des quotas ». D’autre part, la mission était « de supprimer cette bizarrerie française, que, s’agissant du droit des étrangers, il y a deux ordres de juridiction, un public, un judiciaire – excusez du peu, avec des jurisprudences contradictoires ».

Sur ce second point, bien que l’unification ait été la volonté stratégique à établir, aucune précision sur le choix de la juridiction compétente n’a été mentionnée. Toutes les perspectives restent dés lors d’actualité. Il se pourrait que cette compétence dans le contentieux des étrangers se concentrent entre les mais du juge administratif, autant qu’il se pourrait que l’unification s’opère au profit du juge judiciaire. L’hypothèse que l’on ne peut également écartée est la mise en place d’une nouvelle juridiction d’exception qui traitera spécifiquement de ce contentieux.

Une commission a été érigée afin de débattre de la question. Cette commission de réflexion associe « non seulement les représentants des deux grands ordres de juridiction de notre pays, mais aussi des spécialistes du droit constitutionnel et des experts des questions d’immigration en France et en Europe », commission présidée par l’ancien président de la Cour constitutionnelle, Pierre Mazeaud.

 

§1 : Les objets de la réforme

 

Si l’on en croie les termes de la lettre de mission adressée par le ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du développement solidaire, Brice Hortefeux, à la commission présidée par Pierre Mazeaud le 30 janvier 2008, les objets de la réforme souhaitée par le Président de la République (outre le fait qu’ils sont axés dans un cadre constitutionnel) visaient essentiellement deux volets : 

 

  • Une réflexion sur la notion de « quotas migratoires » d’une part (A) ; 

 

  • Et une réflexion approfondie sur la faisabilité d’une simplification, voire d’une unification « de la répartition des compétences entre les deux ordres de juridiction », s’agissant du contentieux de l’entrée, du séjour, et de l’éloignement des étrangers. (B)

 

  1. Une réflexion profonde sur la politique des quotas migratoires

 

Face au désarroi suscité par les différentes problématiques causées par les mouvements migratoires, l’Etat français envisagea de recourir à la politique des quotas d’immigration pour tenter de réguler le phénomène à l’intérieur de ses frontières. Si elle semblait révolutionnaire en 2008, l’idée d’une telle politique migratoire basée sur la notion de quota n’était cependant pas chose nouvelle.

En effet, dès 2003, Nicolas Sarkozy appellait déjà de ses vœux qu’un tel concept puisse servir de socle à la politique de l’immigration  française : c’est ainsi qu’à l’occasion de ses nombreux discours, le futur Président de la République faisait souvent déjà la différence entre ce que disait-il l’immigration « que nous subissons, comme le regroupement familial et les demandeurs d’asile » d’une part, à laquelle l’Administration, si elle ne peut pas véritablement la restreindre (pour cause d’obstacles constitutionnels comme nous le verrons plus tard), peut à tout le moins poser des exigences plus sévères, et de l’autre une « « immigration choisie (…) en fonction des besoins de notre économie et de nos capacités d’intégration », qu’il faudrait toujours selon ses dires quant à elle inciter.

Notons par ailleurs que ce discours, M. Sarkozy n’a pas été le seul à l’avoir adopté : en effet, le concept de quota migratoire avait semble-t-il également beaucoup inspiré la gauche en 2004. La preuve en est le projet développé cette année là par le Secrétaire National du PS chargé des questions d’immigrations, Malek Boutih, qui y faisait explicitement référence comme on peut le constater dans l’extrait de la note qui suit :

 

« Les quotas seront établis par une cellule d’analyse et de prévision des flux migratoires qui publiera régulièrement un rapport déterminant le nombre d’immigrés qui seront accueillis. Cette cellule sera en relation avec les partenaires sociaux, les différents ministères et administrations concernés, les représentants des pays partenaires, les associations et organismes travaillant en direction des immigrés. La cellule d’analyse devra en outre publier régulièrement des rapports de bilan sur le nombre d’entrées effectives, ainsi que sur l’efficacité des dispositifs prévus pour l’accueil et l’insertion des immigrés.

C’est le gouvernement, en conseil des ministres, qui validera le nombre de titres de séjour accordés. Un ministre délégué à l’immigration et au co-développement assurera la gestion permanente de ce dossier. Une commission parlementaire, composée de députés issus de tous les groupes représentés à l’Assemblée nationale, sera chargée de contrôler la nouvelle politique d’immigration sous la forme d’un rapport tous les trois ans ». 

 

Nous remarquerons d’ailleurs l’analogie étonnante entre ce projet du PS et la politique migratoire que le Président de la République a mis en œuvre depuis son accession au pouvoir.

 

C’est donc dans l’optique de concrétiser cette politique d’immigration que le Président de la République enjoint officiellement Brice Hortefeux (alors Ministre de l’Immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du co-développement) le 09/07/2007 de travailler à « fixer chaque année des plafonds d’immigration selon les différents motifs d’installation en France » ainsi que de trouver une solution afin que « (…)l’immigration économique représente 50% du flux total des entrées à fin d’installation durable en France » . Un objectif pour lequel Patrick Weil avait alors émis de sérieux doute en 2007 lors d’une interview « vérité » sur le blog du journal « Le Monde ». En effet, selon M.Weil, l’optionnalité d’une immigration économique à 50% tel que la souhaitait M. Sarkozy était et reste à ce jour tout simplement irréalisable du fait  de différentes variables :

 

  • Primo, M.Weil, souligne que lorsque le Président de la République avait fixé ce taux de 50% dans la lettre de mission qu’il avait adressée à M. Hortefeux, il avait alors fait clairement référence aux statistiques canadiennes en la matière. Or, selon M.Weil, ces statistiques  canadiennes « ne sont pas construites de la même manière que les statistiques françaises ».  En effet, aux dires de M.Weil, en France, lorsque l’on vient « au titre d’un lien de famille, d’un migrant économique, ou d’un réfugié, [l’on sera] classé dans la grande catégorie de « migration familiale » comme si [l’on venait] au titre de conjoint de Français ou de parent d’enfant français », alors qu’au Canada «  les familles de réfugiés sont comptées avec les réfugiés, et les familles de migrants économiques sont comptées avec la migration économique. Mais si [l’on désagrège] la catégorie migration économique canadienne et que [l’on affecte]  les familles de migrants économiques à une catégorie migration familiale, [on se rend compte] que sur les deux cent cinquante-deux mille migrants permanents que le Canada a reçus en 2006, seuls cinquante-six mille étaient des migrants économiques, ce qui fait un pourcentage de 21,4 % ». Et pourtant, le Canada, étant donné sa superficie et sa population, accueille bien plus d’immigrants que la France (quatre fois plus), et tout autant que l’hexagone, il respecte également aussi bien le droit au regroupement familial que le droit d’asile. Mais malgré cette priorisation de l’immigration économique, le pays n’a pas réussi jusque là à dépasser le seuil des 22%. 

C’est en s’appuyant sur ces constats que M.Weil se demande si le Président de la       République ne s’était pas mépris dans la compréhension qu’il avait eue du système canadien. Car dans le cas contraire, cette référence aux fausses prouesses de l’administration canadienne ne serait en fait, souligne toujours ce Directeur de Recherches du CNRS, qu’une consigne explicite de la part du Chef de l’Exécutif français afin « de freiner par tous les moyens l’immigration de famille jusqu’à ne plus respecter le principe constitutionnel du droit à la vie de famille. ». Si cette seconde hypothèse s’avérait réelle, elle serait alors d’autant plus choquante car « en tant que Président de la République », M.Sarkozy « est le garant de notre Constitution et des principes qui sont contenus dans son préambule, qu’il a le devoir de faire respecter. » 

 

Afin d’éclairer au mieux la question et de trancher toutes ces polémiques sur le sujet, le gouvernement confia donc en 2008 à la commission Mazeaud la mission d’une réflexion approfondie sur :

-ce qu’il fallait entendre exactement par « politique de quotas »

-et le caractère judicieux du choix d’une telle politique pour la France

 

  1. Appréhension de la notion de « politique de quotas »

 

S’agissant de la première question, les membres de la Commission de réflexion relève que l’expression « quotas migratoires » renferme intrinsèquement différentes acceptions : ainsi, selon l’angle sous lequel on souhaite le prendre, cette expression pourra désigner soit des « objectifs indicatifs ou impératifs » à atteindre, soit « des quantités fixées à priori ou à constater a posteriori » ; soit encore des «contingents minimaux à atteindre ou plafonds à ne pas dépasser », et les listes d’interprétations ne s’arrêtent pas là…

Il va sans dire qu’avec une telle polysémie, l’acception se prête volontiers à de multiples interprétations qui peuvent être sources de confusion. Pour éviter autant que possible les malentendus, la commission Mazeaud a donc décidé que la notion de « quota » devait être prise dans l’esprit même de la lettre de mission, c’est-à-dire dans le sens d’un plafonnement chiffré prédéterminé du nombre de titres de séjour à accorder par la France. La commission poursuit en expliquant que ce contingentement contraignant pour l’administration doit constituer des « plafonds annuels (fixés globalement par catégorie de titres) et non par exemple d’orientations chiffrées ou d’agrégations ex post. Il ne s’agit pas non plus d’autres types de dispositifs restrictifs tel que les systèmes à points ou que les règles d’opposabilité de la situation de l’emploi dans le pays d’accueil ».

Pour identifier les cibles catégorielles qui seraient visées par ce projet de politique de quota,  la commission souligne par ailleurs qu’il est impératif de distinguer de façon précise quelles sont exactement les « différents types d’entrées durables d’étrangers » en France chaque année. C’est à ce titre qu’elle révèle ainsi que la France connaît en fait annuellement trois grandes catégories de flux migratoires :

▪ La première est constituée par le flux de l’immigration légale 

 Sont concernés ici, les étrangers qui viennent s’installer de façon durable et régulière en France sans pour autant que cette installation soit forcément définitive. Pour la commission, seule la détermination des catégories composant ce premier flux permettra de recenser objectivement la typologie des titres de séjour délivrés par l’administration (2).

Grosso modo, la commission relève donc sept catégories principales d’entrées durables en France :

«1) les étrangers non soumis à autorisation (ressortissants de l’Union européenne

et de l’Espace économique européen, personnel diplomatique) ;

  2) les demandeurs et titulaires du droit d’asile (réfugiés au sens de la convention

de Genève, asile territorial, protection subsidiaire), ainsi que les étrangers

que la France doit accueillir pour des motifs humanitaires (raisons de

santé…) ;

  3) ceux autorisés à séjourner en vue de travailler (salariés, professions indépendantes,

chercheurs, professions artistiques et culturelles…) ;

4) ceux autorisés à séjourner sans travailler eu égard à leurs moyens d’existence

(retraités des pays tiers, visiteurs de longue durée…) ;

 5) les étudiants ;

6) les bénéficiaires de mesures générales de régularisation ;

7) les bénéficiaires du rapprochement familial au sens large (regroupement

à partir du pays d’origine, installation de parents de Français, délivrance

sur place de la carte « vie privée et familiale), c’est-à-dire les étrangers admis à séjourner parce que proches de Français ou d’étrangers déjà admis à séjourner à l’un des titres précédents. »

Si l’on en croie les statistiques de l’administration, cette première catégorie correspondrait chaque année à plus de 180 000 individus.

Soulignons par ailleurs que de toutes ces sous-catégories, seules celles de la troisième, de la quatrième, de la cinquième et enfin de la sixième font véritablement l’objet d’une régulation objective par les services de l’immigration.

Catégoriellement, la part que représente chacune des composantes de ce premier de type de flux migratoire reste plutôt assez contrastée. Ainsi, s’agissant des demandeurs d’asile, ils représentent environ 35 000 individus par an, soit à peu près un cinquième des chiffres de l’immigration légale. Outre ces demandeurs, les réfugiés titulaires effectifs du droit d’asile (soit environ 9 800 individus), les étrangers malades séjournant en France pour raison humanitaire (environ 6 400 personnes) ainsi que les enfants accompagnant toutes ces catégories de personnes (environ 4 500) viennent également s’ajouter dans cette composante.

Dans la pratique, le sort réservé à ces demandeurs d’asile n’est pas uniforme. Ainsi, il en est certains à qui l’Etat français accède à la demande et deviennent réfugiés, d’autres encore qui accèdent au titre de séjour sous un autre statut, et enfin une dernière part qui n’arrivant pas à « tirer son  épingle du jeu » se décide soit à rester sur le territoire de façon irrégulière soit à partir du pays. 

Les étrangers candidats au titre des « liens familiaux » représentent quant à eux le plus gros du contingent avec plus de 100 000 demandes chaque année, soit environ deux tiers des demandes. Pour ce qui concerne les immigrés « légaux » originaires de l’Union Européenne et de l’espace économique européen en général, seul les chiffres relatifs aux actifs salariés (qui font l’objet d’une déclaration obligatoire) sont connus officiellement. Il représentent environ 41 000 personnes chaque année.

Les candidats (ressortissants des pays tiers à l’UE) à l’immigration professionnelle quant à eux représentaient en 2006 plus de 10 700 personnes, tandis que les étrangers autorisés à séjourner sans travailler (la sous-catégorie des retraités ainsi que des visiteurs de longue durée) représentaient, toujours selon le même rapport du Parlement, environ 8 800 personnes en 2006 (2 300 et 6 500 respectivement pour les retraités des pays tiers à l’UE et les visiteurs de longue durée).

La part des étudiants, elle, représentait environ 45 000 individus en 2006. Il convient toutefois de souligner qu’étant donné qu’une bonne frange des étrangers de cette catégorie retournent dans leurs pays respectifs une fois les études terminées, elle ne peut réellement être regardée comme relevant d’installations de longue durée. 

En ce qui concerne la sous-catégorie des personnes bénéficiant de mesures de régularisation, le rapport parlementaire de 2007 en comptait 31 700 cette année là. Notons qu’en pratique, une bonne frange des régularisations s’effectue au moyen de l’octroi de carte de séjour « vie privée et familiale ». Une subtilité qu’il faut bien souligner pour ne pas risquer de les recomptabiliser également dans la sous-catégorie de l’immigration familiale. 

Pour ce qui est des entrées au titre du regroupement familial justement, selon les terminologies qui les concernent, les données indiquaient en 2006 :

* 55 900 étrangers admis au titre  de famille de Français ;

* environ 20 000 personnes au titre de familles d’étrangers établis sur le territoire français

* et enfin 22 900 personnes au titre de « liens personnels et familiaux ».

 

Soit un total d’environ 98 800 individus pour toute la sous-catégorie relative à l’immigration familiale. 

Contrairement au point de vue de la Commission Mazeaud, le rapport du Parlement concernant « Les orientations de la politique de l’immigration » relève quant à lui uniquement cinq sous-catégories d’entrées (légales) pour les séjours de longue durée octroyés aux étrangers issus des Etats-tiers :

« – les réfugiés : 10 200 en 2006 (10 000 par an en moyenne depuis 2000) ;

– les travailleurs (immigration économique) : 10700 en 2006 (13 600 par an en moyenne depuis 2000) ;

– les étudiants : 45 000 en 2006 (49 500 par an en moyenne depuis 2000) ;

– l’immigration familiale : 98 800 en 2006 (91000 par an en moyenne depuis 2000) ;

– s’y ajoute un groupe hétérogène avec différents motifs (visiteurs,

étrangers malades, retraités, autres) : 21 000 en 2006. » (3)

Au regard de ces données, le rapport du parlement évalue ainsi le montant total de l’immigration « propre » (c’est-à-dire légale) aux alentours de 183 600 personnes pour l’année 2006. Dans ce chiffre, seuls 5,8% se rattachaient à la catégorie de l’immigration pour raison économique tandis que celle au titre des liens familiaux représentaient près de 54 % de ce montant.

▪ Le deuxième grand flux migratoire qui caractérise l’immigration en France concerne l’immigration irrégulière

Cette seconde catégorie de flux migratoire connaît deux principales origines :

 

-La première concerne essentiellement les personnes qui sont entrées certes légalement sur le territoire français mais qui par la suite y sont restées de façon irrégulière. Tels sont par les exemples les cas des touristes et autres visiteurs qui décident, à l’expiration de leur visa de séjour de rester définitivement en France. C’est aussi le cas des étudiants qui à la fin de leurs études demeurent sur le sol français sans titre valable ; ou encore des demandeurs d’asile qui nonobstant le refus de leur demande d’asile, décident de verser dans la clandestinité pour demeurer en France.

-La deuxième catégorie d’entrée et de séjour illégaux concerne quant à lui les étrangers qui cette fois-ci sont entrés clandestinement sur le territoire français sans donc avoir détenu de titre à un quelconque moment de leur entrée ou de leur séjour en France.

 

Soulignons que cette immigration irrégulière demeure un phénomène très difficile à appréhender. Une des causes en est l’étanchéité de la frontière qui sépare l’immigration régulière de cette immigration irrégulière. Le nombre conséquent des mesures de régularisations opérées par l’administration chaque année (entre 20 000 et 30 000) illustre parfaitement le propos.

 

▪ Enfin, un troisième flux caractérise l’immigration en France : c’est celui relatif à l’acquisition de la nationalité française.

 

En 2006, le total des personnes ayant ainsi acquis la nationalité française  s’élevait à près de 170 000, soit un nombre proche du total des installations définitives sur le territoire français. 

 

  1. La politique de quota est-il un choix judicieux pour la maîtrise de l’immigration ?

 

Outre ces questionnements sur ce qu’il fallait exactement entendre par la notion de politique de quotas, la lettre de mission enjoignit également la commission Mazeaud à porter une réflexion approfondie sur le caractère judicieux d’un recours pour le gouvernement à une telle politique pour réguler les flux d’immigration en France.

 

Pour répondre à la question, la commission se pencha sur les effets directs et indirects qu’un tel choix allait forcément induire. C’est ainsi que le groupe de réflexion constata qu’en la réalité des choses pour l’heure, une telle politique ne pourrait véritablement réussir à cibler qu’environ un vingtième du nombre total des installations étant donné que seules quelques sous-catégories (comme nous l’avons vus précédemment) « donnent effectivement prises à régulation ». 

 

Par conséquent, si le gouvernement souhaite véritablement asseoir sa politique de quota pour faire passer ce taux de 5 et 50% (ainsi que le révèle la lettre de mission), la commission Mazeaud conclut qu’il serait nécessaire à ce moment là d’envisager :

« – soit réduire considérablement l’immigration familiale ;

– soit augmenter considérablement l’immigration de travail, c’est-à-dire le nombre de titres de séjour délivrés dès l’origine en vue de l’exercice d’une activité professionnelle ;

-soit agir sur les deux quantités à la fois. »

Il va sans dire que pour réaliser de tels objectifs, l’Etat devra recourir à une politique d’un extrême volontarisme comme l’indique le rapport final de la commission Mazeaud. Une situation controversée que l’on pourrait cependant éviter aisément si l’Administration décidait toutefois d’assimiler par « immigration du travail » l’immigration familiale rattachée autour des étrangers résidents actifs. Les enquêtes statistiques démontrent en effet que ce flux migratoire reposant sur le regroupement familial intègre tôt ou tard le marché du travail. Avec le nombre qu’il représente aujourd’hui, ce flux permettrait ainsi d’atteindre facilement le taux de 50% dont fait mention la lettre de mission.

Il convient toutefois de relever qu’en agissant ainsi, l’administration fonderait sa définition de l’immigration du travail sur un constat « ex post » qui ne manifesterait plus dès lors un choix « ex ante » qui, pourtant devrait animer la politique migratoire du travail relativement aux besoins cruciaux de l’économie nationale « insuffisamment pourvus par le marché du travail national ». Par ailleurs une telle acception ne retracerait plus véritable le quota annuel d’installations que l’Etat entendrait autoriser.

Ces différents constats sur la faiblesse du taux d’immigration sur laquelle les pouvoirs publics ont une véritable emprise régulatrice mettent au jour un grand problème de souveraineté nationale pour l’Etat français. En effet, une des composantes de la notion de souveraineté est rattachée à l’emprise effective d’un Etat sur son territoire national.

Dans ce prolongement, on soulignera par ailleurs également qu’une des autres composantes de cette notion de souveraineté tient également au fait pour les autorités gouvernementales de réguler de façon effective l’accès pour les non-nationaux aux différents « cercles concentriques » de l’accueil par la Nation : en d’autre termes, « le séjour temporaire, la résidence durable, et la citoyenneté ». 

Si l’on s’en tient à la notion de souveraineté, un tel accueil ne saurait être empreint d’un jugement de valeur (est-ce que c’est bien ou non ?), mais plutôt « auréolé » d’un libre arbitre : veut-on oui ou non accueillir ces étrangers ? Certes, on admettra qu’un tel accueil pourra être influencé, voire imposé par les traités et autres conventions ou engagement internationaux (convention de Genève, accords bilatéraux, traités européens etc.) auxquels l’Etat aura adhéré, mais toujours est-il que de tels accords doivent en principe passés par l’approbation du peuple ou de ses représentants, et donc nécessairement par le « souverain ».

Il conviendra de relever toutefois que malgré le respect d’un tel processus, un Etat peut, en s’engageant dans une convention internationale, ne pas soupçonner véritablement les conséquences qu’un tel engagement aura sur sa politique d’accueil à l’avenir. Ce fut par exemple le cas de la France lorsqu’elle a adhéré à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. En effet, il s’est avéré qu’en y adhérant, la France ne soupçonnât pas alors les « interprétations généreuses » qui allaient être effectuées par la Cour de Strasbourg relativement à l’article 8 de ce traité.

On notera d’ailleurs à ce propos les incidences encore plus fâcheuses, s’agissant du système européen, que ces jurisprudences édictées par de telles Cours supranationales ont la notion de souveraineté aujourd’hui.

C’est dans le but de réaffirmer pleinement cette souveraineté qu’il commençait à perdre que l’Etat français entendait visiblement instaurer cette politique de quota si l’on en croie les directives de la lettre de mission : fixer un contingentement contraignant basé sur chaque type d’immigration afin de réaffirmer le libre arbitre de la nation française quant à la question de savoir qui elle veut bien accueillir sur son territoire. La question qui se pose face à ces objectifs avoués et aux moyens employés est : est-ce bien la solution adéquate ?

Si l’on en croie les conclusions du rapport de la Commission, sur lesquels nous nous sommes déjà étalés lors de nos propos introductifs, mais également les réflexions de nombre d’éminents techniciens, la réponse à cette question est bien NON. En effet, en ce qui concerne l’immigration familiale en particulier, l’institution d’une politique de quota migratoire se heurte principalement à des obstacles aussi bien constitutionnels que conventionnels (au niveau du droit européen notamment)

 

§2 :  : Les obstacles à la reforme

  •  Les obstacles constitutionnels

L’un des premiers principaux obstacles vient spécifiquement de l’article 1er de la Constitution : en effet, parce qu’il consacre le principe d’égalité devant la loi sans distinction d’origine, de race ou de religion, cet article n’autorise pas, comme l’a fort bien souligné la décision du Conseil Constitutionnel en date du 15 novembre 2007, la mise en place sous quelque forme que ce soit de « traitements […] reposant sur l’origine ethnique ou la race ».

 

Notons que bien que la majorité de la doctrine soit d’accord pour dire que cet article 1er de la Constitution constitue bien un obstacle à la concrétisation d’une politique migratoire basée l’origine des migrants, certains juristes comme le Pr Anne-Marie Le Pourhiet le contestent fortement. En effet, selon ce spécialiste en Droit Public, les dispositions de l’article 1er de la Constitution ne visent que les citoyens français. De ce fait, il serait donc impossible selon son point de vue, comme la majorité de la doctrine le fait aujourd’hui, d’étendre le champ d’application de ce principe également aux candidats à l’immigration pour justifier le refus de la mise en place d’une politique de quota global. Agir ainsi, toujours selon Mme Le Pourhiet, « reviendrait à interdire constitutionnellement à la France de choisir sa politique d’immigration, ce qui paraît difficilement concevable et peu conforme aux affirmations récurrentes du Conseil constitutionnel sur l’absence de droit général et absolu à l’entrée et au séjour. ». Pour illustrer ses propos, le Pr Le Pourhiet d’ajouter que « La France a depuis longtemps des liens privilégiés avec certains pays et notamment ses anciennes colonies, va-t-on remettre en cause ces conventions bilatérales au motif qu’elles introduiraient une distinction selon l’origine ? ». Enfin, Mme Le Pourhiet ajoute qu’il « convient également de ne pas confondre abusivement l’origine étatique et géographique avec l’origine ethnique. Définir avec le Maroc ou la Tunisie le nombre de travailleurs de ces pays qui sera admis en France pour l’année à venir ne constitue pas une «sélection ethnique» mais une banale politique interétatique. Il paraît donc difficile de conclure à l’inconstitutionnalité manifeste des quotas d’immigration. »

 

D’autres grands juristes comme Serge Slama ne sont pas d’accord sur ce point de vue. En effet, selon ce dernier, lorsque le Président de la République parle dans la lettre de mission qu’il a confiée à Brice Hortefeux de trouver une solution qui permette « une maîtrise globale de l’immigration en France, en fixant un objectif quantitatif d’entrées de migrants conforme aux capacités d’accueil de la Nation » et d’ « obtenir un équilibre entre les différentes composantes de l’immigration en France – économique ou familiale – et, de même, entre les grandes régions de provenance des flux migratoires dans notre pays », pour lui il n’y a aucun doute, il s’agit bien de mettre en place des « quotas ethniques ».

L’expression « grandes régions du monde » n’est ici utlisé que pour euphémiser les choses pour ne pas trop choquer, c’est tout. Par ailleurs, si l’on ne peut qu’être d’accord avec Mme Le Pourhiet sur le fait qu’il convient de faire effectivement le distinguo entre « origine ethnique » et « origine étatique ou géographique », l’on ne peut aussi malheureusement qu’être sceptique sur la véritable définition à laquelle se réfère le gouvernement lorque le Président de la République parle effectivement de « région du monde » : en effet, ce terme ne peut intrinsèquement et primordialement que se référer à une origine ethnique dans l’inconscient général (on parlera ainsi par exemple des ressortissants de la région du Maghreb ou de l’Afrique subsaharienne, ou encore de l’Asie) avant de renvoyer à une origine étatique…C’est sans doute en ce sens que le Conseil Constitutionnel avait envisagé les choses lorsqu’il avait invalidé l’article 63 de la loi Hortefeux sur les statistiques portant sur « la mesure de la diversité des origines des personnes, de la discrimination et de l’intégration ». En effet,  la juridiction constitutionnelle avait à cette occasion été amenée à constater que « les traitements nécessaires à la conduite de telles études  ne sauraient, sans méconnaitre l’article 1er de la Constitution, reposer sur l’origine ethnique ou la race ».

 

Mais au-delà de cette polémique sur le sens et le champ d’application que cet article 1er de la Constitution a suscitée au sein de la doctrine, il convient de souligner tout simplement, comme l’a fort bien cerné la Commission Mazeaud, que si cette question de la politique de quotas ne peut trouver réellement une assise juridique, c’est parce qu’elle porterait forcément atteinte aux droits fondamentaux des familles au regroupement familial étant donné que comme nous l’avions précédemment vu, si l’administration entend réellement atteindre ces 50% d’immigration économique, il faudra bien écorner les droits du regroupement familial.

 

Mais outre cet article 1er de la Constitution, c’est l’alinéa 10 du Préambule de 1946 qui garantit de façon expresse le droit pour les familles aussi bien françaises qu’étrangères établies en France au rapprochement familial. En effet, cet alinéa proclame que « la Nation assure à l’individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement». Par ailleurs, la jurisprudence du Conseil Constitutionnel n’a cessé au fil des décennies de confirmer ces garanties constitutionnelles de non discrimination d’une part et de droit au regroupement familial de l’autre. C’est en ce sens par exemple que la décision n°93-325 DC en date du 13 Août 1993 a véritablement dessiné  le « statut constitutionnel » des étrangers :

« si le législateur peut prendre à l’égard des étrangers des dispositions spécifiques, il lui appartient de respecter les libertés et droits fondamentaux de valeur constitutionnelle reconnus à tous ceux qui résident sur le territoire de la République ; que s’ils doivent être conciliés avec la sauvegarde de l’ordre public qui constitue un objectif de valeur constitutionnelle, figurent parmi ces droits et libertés, la liberté individuelle et la sûreté, notamment la liberté d’aller et venir, la liberté du mariage, le droit de mener une vie familiale normale (…) et en outre que les étrangers peuvent se prévaloir d’un droit qui est propre à certains d’entre eux, reconnu par le quatrième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 auquel le peuple français a proclamé solennellement son attachement, selon lequel tout homme persécuté en raison de son action en faveur de la liberté a droit d’asile sur les territoires de la République ».

Au travers de cette décision, l’on peut relever également qu’au principe constitutionnel du droit à mener une vie familiale, vient aussi se greffer celui de la liberté du mariage. C’est en vertu de cette consécration constitutionnelle que la même juridiction constitutionnelle a donc pu censurer non seulement « l’assimilation de l’irrégularité du séjour à un indice sérieux de non-consentement au mariage, conduisant au refus de sa célébration » mais également  l’obligation qui avait été « faite à l’officier d’état civil d’informer immédiatement le préfet de l’irrégularité du séjour ».

Eu égard à ces considérations, il apparaît donc patent que ces droits constitutionnels ne pourraient être  disconvenus uniquement parce que le contingent fixé par l’Etat serait atteint.

Rappelons d’ailleurs que c’est à cause de ces obstacles constitutionnels dirimants que le Premier Ministre Dominique de Villepin avait déjà en 2006, à l’issue du comité interminisétriel de contrôle de l’immigration du 09/02/06, renoncé à intégrer dans le CESEDA les « quotas prévisonnels » que le ministre de l’Intérieur de l’époque, Nicolas Sarkozy, avait inséré dans son avant-projet de loi en date du 30/01/2006.

Conséquemment à cette impossibilité d’instauration d’une politique de quotas, l’Etat a dû se satisfaire de « piètre » palliatifs : c’est ainsi que la loi nº 2005-32 du 18 janvier 2005, la loi nº 2007-1545 du 30 octobre 2007 ainsi que la loi Hortefeux du 20 novembre 2007 n’ont pu imposer que des « indications sur le nombre de titres de séjour délivrés et procédures réalisées et proposer  également des indicateurs permettant d’estimer le nombre d’étrangers se trouvant en situation irrégulière sur le territoire français ».

 

Au vu de ses développements, une conclusion s’impose d’elle-même : pour espérer asseoir une politique de quotas, seule l’alternative d’une révision constitutionnelle s’offrait au gouvernement. C’est d’ailleurs ce à quoi le rapport final de la commission Mazeaud avait également abouti. Un choix que l’Exécutif a dû toutefois écarté eu égard à d’autres obstacles juridiques encore plus dirimants : ceux issus du droit conventionnel.

 

  1. Les obstacles conventionnels

 

Dans ce cadre des obstacles conventionnels, il faut effectuer une distinction entre d’une part les conventions internationales que la France a ratifiées dans le cadre des Nations Unies, les conventions européennes que le pays a ratifié en tant que membre du Conseil de l’Europe, et enfin les conventions communautaires auxquelles l’Hexagone a automatiquement souscrites en tant que membre de l’Union Européenne.

 

  1. Les conventions internationales ratifiées par la France dans le cadre des Nations Unies

 


Dans ce cadre, trois principales conventions font véritablement obstacles à la concrétisation d’une politique de quota, notamment au niveau de l’immigration familiale :

  • La première est constituée par la Convention de Genève du 28/07/1951: 

Bien qu’elle ne semble régir dans son ensemble qu’uniquement le sort des réfugiés, la Convention de Genève contribue pourtant également, s’agissant particulièrement de la France, à faire le lit de l’édifice protecteur du regroupement familial. En effet, bien qu’il « n’existe pas de disposition spécifique relative aux familles des réfugiés dans [ladite] convention, l’acte final de la conférence des plénipotentiaires des Nations unies l’ayant adopté recommande aux États signataires d’« assurer le maintien de l’unité de la famille du réfugié, notamment dans le cas où le chef de famille a réuni les conditions voulues pour son admission dans le pays ». C’est donc en ce sens que la France a décidé, après avoir ratifié cette Convention, de reconnaître légalement parlant que « font partie des catégories attributaires de plein droit d’une carte de résident les conjoints et les enfants mineurs des réfugiés politiques, aux mêmes conditions que les conjoints de ressortissants français ». Notons que c’est dans cette optique de  maintenir l’unité de famille que les jurisprudences concomittantes et du Conseil d’Etat et de la Cour Nationale du Droit d’Asile ont posé comme principe que le statut de réfugié puisse être obtenu sans forcément que des craintes personnelles soient caractérisées à l’égard du demandeur. C’est en ce sens que l’OFPRA a ainsi la faculté d’élargir la protection aux proches parents du réfugié mais sous certaines conditionnalités jurisprudentielles :

 

Pour ce qui est du conjoint, il faut distinguer selon qu’il s’agisse de l’époux (c’est-à-dire  légalement marié) ou d’un simple concubin :

  • S’il s’agit d’un mariage, la demande ne sera considérée qu’à la condition que celui-ci a été contracté conformément aux lois du pays de célébration,
  • S’il s’agit d’un simple concubinage, la jurisprudence recommande qu’il soit vérifié que cette union apparaisse comme étant légitime et constituant une liaison suffisamment stable et continue avant d’accorder les mêmes prérogatives au concubin (e) pour que le couple forme une famille,
  • Enfin, il est généralement requis que ce mariage ou ce concubinage soit antérieur à la date à laquelle la personne reconnue réfugiée à titre principal avait déposé sa demande d’asile

 

S’agissant des enfants, le principe leur sont profitable :

  • S’ils sont entrés sur le territoire français avant l’âge de 18 ans
  • Peu importe qu’il s’agisse d’enfants légitimes, légitimés, naturels ou bien adoptés
  • sans aucune condition de nationnalité (excepté le cas où ils sont de nationalité française).

Pour ce qui est des personnes sous tutelle quant à elles, le principe de l’unité de famille leur sont profitable : 

  • « si elles sont mineures au moment de leur arrivée en France, cette condition n’étant pas exigée dans le cas de personnes incapables et dépendantes du réfugié du fait d’un handicap physique ou mental,
  • si le lien de tutelle préexistait à la date du dépôt de la demande d’asile du tuteur réfugié,
  • sans condition de nationalité (toujours sauf s’ils sont de nationalité française). »

Notons que dans tous ces cas, la preuve du lien de parenté avec le réfugié doit être apportée par celui qui l’invoque.

Par ailleurs, il faut souligner que le principe de l’unité de famille ne peut pas profiter aux parents collatéraux ou aux ascendants du réfugié, et cela quand bien même ceux-ci seraient à la charge de celui-ci. Il ne peut en outre concerner les personnes faisant explicitement l’objet d’une clause d’exclusion, ni à celles « demeurant sous la protection de leur pays d’origine, c’est-à-dire maintenant des liens d’allégeance avec les autorités de ce pays, que ce soit en y retournant ou par le biais de leur représentation à l’étranger, en conservant ou obtenant des documents tels que passeports, pièces d’identité ou actes d’état civil », ni enfin aux proches parents (descendants, conjoints…) des personnes ayant elles-mêmes profité de l’unité de famille de sorte à éviter à ce que le principe se transmettrait en cascade.

Toujours dans ce cadre des Nations Unies, la France a ratifié par le passé une autre Convention qui, aujourd’hui, constitue elle aussi un certain obstacle à la mise en œuvre concrète d’une politique de quota assise sur l’imigration familiale : 

  • Il s’agit de la Convention internationale relative aux droits de l’Enfant du 26/01/1990

Ratifié par la France, cette Convention impose à tous les Etats signataires de reconnaître que « l’enfant, pour l’épanouissement harmonieux de sa personnalité, doit grandir dans le milieu familial dans un climat de bonheur, d’amour et de compréhension », et que « dans toutes les décisions concernant les enfants (…) l’intérêt de l’enfant doit être une considération primordiale ». Il faut souligner toutefois que ces dispositions n’imposent en rien aux Etats signataires de systématiquement donner droit aux demandes de regroupement familial sollicitées par les familles migrantes bien que l’article 10-1 de ladite Convention recommande que de telles requêtes soient analysées « dans un esprit positif, avec humanité et diligence ». Néanmoins, s’agissant de la France spécifiquement, le Conseil d’Etat, dans un arrêt de principe en date du 22 septembre 1997, a considéré que cet article 3-1 de la CIDE était directement applicable devant les juridictions françaises. Depuis cette décision du CE, l’article 3-1 fut dès lors systématiquement invoqué par les candidats au regroupement familial devant les Cours et tribunaux et a permis ainsi une quasi-institutionnalisation  judiciaire de ses principes

  • Une troisième Convention internationale, enfin, complète cet arsenal d’obstacles conventionnels : il s’agit de la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leurs familles. 

Contrairement aux deux précédentes, celle-ci concerne de façon directe la question du regroupement familial puisqu’elle énonce dans ses dispostions que les Etats parties doivent prendre « les mesures appropriées pour assurer la protection de l’unité de la famille du travailleur migrant » et « pour faciliter la réunion des travailleurs migrants avec leur conjoint ou avec les personnes ayant avec eux des relations qui, en vertu de la loi applicable, produisent des effets équivalant au mariage, ainsi qu’avec leurs enfants à charge mineurs et célibataires ». Il faut relever toutefois que si elles semblent tout à fait contraignantes, les dispositions de cette Convention sont loin d’être aussi gênantes pour le gouvernement dans la réalisation de sa politique de quota comparées à celles des Conventions européennes comme nous allons le voir.

 

  1. Les Conventions européennes ratifiées par la France dans le cadre du Conseil de l’Europe

 

Dans ce cadre, deux principales conventions nous intéresseront ici :

  • La première est la Charte sociale européenne :

Ratifiée par la France en 1972, cette Charte a donc été conçue dans le cadre du Conseil de l’Europe. A l’instar des conventions  internationales que l’on a vues précédemment, elle plaide également en faveur de la protection de l’unité de famille, particulièrement dans le cadre de l’immigration professionnelle : c’est ainsi que son article 19.6 préconise qu’en « vue d’assurer l’exercice effectif du droit des travailleurs migrants et de leur famille et la protection et l’assistance sur le territoire de toute autre partie contractante, les parties contractantes s’engagent à faciliter autant que possible le regroupement de la famille du travailleur migrant autorisé à s’établir lui-même sur le territoire ». Notons toutefois que comme le précisent ces dispositions de l’article 19.6, la Charte sociale européenne n’a vocation à s’appliquer qu’aux ressortissants des Etats signataires. De ce fait, elle ne s’applique donc pas en fait à la majorité de la population étrangère française et ne constitue pas, sous cette optique, un réel obstacle quant à la mise en œuvre  d’une politique de quota assise sur l’immigration familiale excepté pour ce qui concerne les Etats signataires. 

  • La Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales

 

Contrairement à la Charte sociale européenne, cette Convention européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales constitue quant à elle un véritable obstacle dirimant pour l’application d’une politique de quota. La raison en tient principalement à deux caractéristiques notables qui faisait défaut à la Charte sociale européenne :

 

La première tient ainsi au fait que la CESDHLF, contrairement donc à la Charte sociale, n’est pas limitée aux seuls ressortissants des Etats signataires de la Convention (dans le cadre du Conseil de l’Europe rappelons-le). Par conséquent tous les étrangers résidant en France, sans distinction de nationalité, peuvent invoquer ses dispositions protectrices.

La seconde au fait que, là encore contrairement à la Charte sociale européenne, la CESDHLF possède des organes de contrôle très efficaces pour assurer le respect de ses dispositions.

Sur le plan purement juridique, c’est l’article 8 de ladite Convention qui est le siège du dispositif protecteur du droit des étrangers au regroupement familial. En effet, cet article dispose que : « toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ». C’est sur sa base que la Cour Européenne des Droits de l’Homme a jugé selon une jurisprudence constante que « le regroupement dans le pays d’accueil est un droit dans tous les cas où la vie familiale normale est impossible hors du pays d’accueil. », imposant ainsi par là simultanément des obligations négatives (ne pas éloigner) et positives (regrouper) aux pouvoirs publics. Etant donné l’abondance de la jurisprudence en ce sens, il est à parier que la mise en œuvre d’un quelconque plafonnement ayant un caractère « impératif » dans le cadre de la politique migratoire serait à n’en pas douter sanctionné par la Cour Européenne des Droits de l’Homme comme caractérisant une discrimination sur la base de la nationalité (prévue d’ailleurs par l’art.14 de la CESDHLF), mais aussi comme étant contraire à la CESDHLF.

 

  1. Le cadre juridique protecteur dressé par le droit communautaire

 

Outre ces obstacles conventionnels, l’impossibilité d’asseoir une politique de quota tient également au droit communautaire ainsi qu’à la jurisprudence qui en découle, dictée par les instances juridictionnelles européennes telles que la Cour de Justice des Communautés Européennes (CJCE). En effet, s’imposant devant les législations internes dans la hiérarchie des normes, ces directives ainsi que ces juriprudences constituent plus que les obstacles constitutionnels que l’on a vus précédemment de véritables pierres d’achoppement pour la mise en œuvre d’une politique de « l’immigration choisie » voulue par le Président Sarkozy. C’est en ce sens par exemple que la directive européenne de 2003 sur le regroupement familial constitue aujourd’hui une véritable « bête noire » pour les partisans de l’immigration choisie.

Une directive dont les dispositions ont au surplus été interprétées on ne peut plus explicitement par la Cour de Justice des Communautés Européennes en 2006. En effet, dans son arrêt en date du 27 juin 2006, ladite Cour avait clairement posé sa position quant à la possibilité pour les Etats de recourir à la politique de quota : ainsi dans son considérant n°100, la CJCE affirma que bien que « le critère de la capacité d’accueil de l’État membre peut être l’un des éléments pris en considération lors de l’examen d’une demande, [il] ne saurait être interprété comme autorisant un quelconque système de quotas ou un délai d’attente de trois ans imposé sans égard aux circonstances particulières des cas spécifiques ».

 

Dans la pratique, c’est la Commission Européenne qui est le véritable « moteur » de cette politique migratoire et d’asiles européens.

Il en est également de même pour ce qui est de l’asile. En effet, aussi bien les dispositions constitutionnelles, internationales que communautaires écartent toute faisabilité d’une telle politique de contingentement relativement à l’asile. Consciente de cette infaisabilité, la lettre de mission avait d’ailleurs écarté d’office l’asile de son projet.

S’agissant de l’immigration professionnelle par contre, si les obstacles juridiques ne sont pas aussi dirimants que pour les deux autres catégories précédentes, la faisabilité d’une politique de contingentement à son égard n’en est pas moins aussi difficile, voire impossible pour diverses raisons.

En effet, il s’avère tout bonnement impossible par exemple pour la France d’édicter à sa seule convenance (sans impliquer les pays d’origine des candidats à l’immigration professionnelle) des quotas de travailleurs. Une telle politique ne pourrait être  réalisable qu’au travers d’un encadrement conventionnel (conventions bilatérales ou multilatérales selon les cas). Toutefois, même dans un tel cadre, son application soulèverait toujours de sérieuses difficultés :

« – tant au  stade de la négociation de l’accord, en vue de sauvegarder l’exercice ultérieur de prérogatives nationales de caractère régalien (examen des demandes de cartes) ;

– que dans le cadre de son application par la France ». En effet, selon la commission Mazeaud, le problème se situerait pour la France au niveau du respect du contingentement annuel concernant les cartes de séjour « compétences et talents » octroyées aux ressortissants d’un pays déterminé. En effet, mis à part le fait « qu’il doit faire l’objet de clauses suffisamment précises, [un tel contingentement] appelle une procédure d’examen centralisé des demandes permettant le classement de l’intérêt des candidatures selon les critères légaux et s’apparentant par conséquent à une sélection. » 

Outre cela, le choix du recours à une politique de quota présente en pratique peu d’intérêt étant donné que cette catégorie peut être valablement et est d’ailleurs réguler d’une manière discrétionnaire par l’Etat. En effet, depuis 1932, le recours et l’entrée de main-d’œuvre étrangère sur le sol français est fortement règlementée. Actuellement, trois grands principes gouvernent la question : 

-Le premier fait état du fait que l’entrée de travailleurs immigrants sur le territoire français relève de la compétence exclusive de l’ANAEM, aujourd’hui OFII

-Le second se rapporte au fait qu’aucun étranger n’a le droit de travailler en France s’il n’est pas muni d’un contrat de travail en bonne et due forme.

-et enfin le troisième principe repose sur la règle selon laquelle tout contrat de travail ainsi délivré doit recevoir l’approbation du ministère du travail (qui est en droit d’y opposer son veto s’il constate que le poste proposé correspond à une catégorie poste de travail pour lequel il existe en France un taux de chômage élevé).

Mis à part ces points d’achoppement évoqués, l’inutilité d’une politique de quota en matière d’immigration du travail vient également du fait que l’argument de l’hypothèse d’un décuplement à venir de cette catégorie d’immigration est une chose complètement irréaliste. En effet, si l’on en croie les dernières données de l’INSEE, le nombre de la population française, loin d’être stagnant, est en progression constante comparée à celui des voisins européens immédiats.

Ainsi les ultimes projections de cette institution tablent sur le fait que la population hexagonale atteindra les 70 millions d’âmes d’ici à 2050, soit une progression de près de 10 millions d’individus. Dans le prolongement de ce constat, si l’on imagine que « le taux d’activité par âge et par sexe restaient constants » et que dans la même foulée, le taux du flux migratoire se stabilisait autour de 100 000 (rappelons qu’il était de183 600 en 2006) personnes par an, il est indéniable comme le souligne la commission Mazeaud que « la population active resterait [alors] constante » et que le spectre d’un décuplement serait par conséquent à écarter complètement.

Face à ce constat, certains avancent cependant qu’une telle projection, si elle est juste, ne prend malheureusement pas en compte l’hypothèse d’un éventuel dynamisme disproportionné de l’économie française dans les années à venir. S’il est légitime, l’argument n’est pas non plus valable. En effet, dans une telle hypothèse (qui « boosterait » les créations d’emploi), il suffit de mobiliser les énormes gisements d’actifs qui restent inutilisés à l’heure actuelle : parmi ceux-ci on a par exemple les femmes (qui si elles sont aussi mobilisées que les hommes le sont aujourd’hui, pourront constituer jusqu’à 2,4 millions de « main d’œuvre » potentielle) ou encore les seniors .Un tel vivier représenterait donc à eux tous seuls près de 5 millions d’actifs potentiels. De quoi combler largement les déficits de personnels…On peut par conséquent en conclure que l’argument du décuplement est totalement inopérant s’agissant de la catégorie de l’immigration professionnelle.

Parallèlement à ce constat, si l’on croie toujours le rapport final de la commission Mazeaud,  « les représentants du patronat et des syndicats entendus par la Commission n’ont pas exprimé le besoin d’accueillir une immigration importante. Ils souhaitent seulement un allégement des procédures pour l’entrée de personnes qualifiées afin de résorber plus rapidement les goulots d’étranglement actuels. »

Enfin, pour ce qui est de l’immigration irrégulière, une politique de quota serait on ne peut plus inutile étant donné la difficulté de prise à régulation de cette catégorie. Par ailleurs, le recours avéré à un contingentement plutôt que d’induire l’effet régulateur recherché, risquerait au contraire d’inciter encore davantage les candidats.

 

Section 2 : Le choix de la simplification

 

Si le contentieux des étrangers est reconnu comme compliqué, surtout pour les étrangers eux-mêmes, il reste indéniable que l’intervention du juge judiciaire dans la procédure de maintien et de rétention des étrangers ne peut être contestée nullement contestée ni reportée à la compétence du juge administratif.

La directive relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, dite « directive retour » et adoptée le 16 décembre 2008, subordonne la rétention des étrangers en situation irrégulière à l’intervention de « l’autorité judiciaire ».

La Belgique quant à elle a fait le choix de créer une juridiction spécialisée sur le contentieux des étrangers. Mais bien qu’ayant voulu créer cette juridiction indépendante, la Belgique a tenu à conserver au juge judiciaire de droit commun le contrôle de la privation de liberté. 

Le projet de loi adopté, relatif à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité  a préféré de mettre de côté le projet d’unification des contentieux, et d’opter à de propositions, prudentes, de simplification des procédures contentieuses. 

 

A la place de rechercher la mise en place d’une juridiction nouvelle, il serait judicieux d’établir une situation plus claire et plus compréhensible des rôles de chaque juge. Ainsi, sur l’allongement de la durée de rétention, , il a fallu résoudre certaines difficultés techniques.

Dans la pratique, le délai de quarante-huit heures apparait en insuffisant.  Le délai dont dispose le juge administratif pour se prononcer sur la légalité de la reconduite à la frontière étant porté à soixante-douze heures, le juge des libertés et de la détention se prononce sur un maintien en rétention alors que la mesure de reconduite qui en est le fondement était susceptible d’être ensuite annulée. Ce qui a pour conséquence de rendre l’intervention du juge judiciaire inutile.

 

Après un amendement du Sénat, suggérant un délai de saisine du magistrat de quatre jours, le délai de cinq jours est au final arrêté par l’Assemblée nationale le 11 mai 2011. Désormais, un régime dérogatoire est prévu lorsque l’étranger est lié à des activités terroristes, permettant, sous le regard du juge des libertés et de la détention, de porter la durée de rétention exceptionnellement  à dix-huit mois.

 

Bibliographie 

 

Ouvrages 

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  • Serge SLAMA, Le contentieux des refus de séjour assortis d’une OQTF : une mécanique implacable applicable dès le 1er janvier 2007, http://www.droits-libertes.org
  • TRASSOUDAINE Serge, Le contentieux judiciaire des étrangers maintenus en rétention administrative ou en zone d’attente, éd. Ecole nationale de la magistrature, mai 2003, mise à jour au 30 octobre 2006.
  • VANDENDRIESSCHE Xavier, « Etrangers – Définitions. Principes. Orientations », J.-Cl. Adm., Fasc. 233-50.

 

Thèses

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Rapports

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  • Rapport annuel de la Direction de la population et des migrations. 18e édition Corinne REGNARD, Immigration et présence étrangère en France en 2005, 264 p.
  • Rapport au Premier ministre. Commission nationale consultative des droits de l’homme, La lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la xénophobie en 2006, 300 p. 
  • Rapports et documents n° 3-2006, Centre d’analyse stratégique (ex-Commissariat général du plan), Les statistiques ethniques : éléments de cadrage, 128 p.
  • Rapport de la Commission sur le cadre constitutionnel de la nouvelle politique d’immigration, « pour une politique des migrations transparente, simple et solidaire », Juillet 2008 (rapport Mazeaud).

 

Colloques et séminaires

  • Colloque organisé à l’occasion du Xème anniversaire du  tribunal administratif de Cergy-Pontoise en association avec  l’Université de Cergy-Pontoise : Allocution de clôture par Jean-Marc Sauvé vice-président du Conseil d’Etat, « Dix années de croissance du contentieux :  Quelles réalités ? Quelles réponses ? », http://www.conseil-etat.fr/media/document/DISCOURS%20ET%20INTERVENTIONS/intervention_colloque_cergy_24112011.pdf
  • DELAGE Pierre-Jérôme, « La liberté individuelle sacrifiée (à propos de la circulaire n° NOR : JUSD0630020C du 21 février 2006) », Dr. pén. 2006, n° 12, ét. n° 21.
  • DELARUE Jean-Marie, « Le droit des étrangers, Table ronde avec Jean-Marie DELARUE, François JULIEN-LAFERRIERE, Vincent TCHEN, Célia VEROT », Dr. Adm. 2008, n° 2, entretien n°1.
  • DESPREZ François, « D’une précision sémantique et d’un frein posé aux conditions d’intervention du juge des libertés et de la détention en matière de rétention administrative », Procédures 2008, n° 7, ét. n° 2.
  • DOSSIER SPECIAL : « Droit des étrangers : entre impératif de sécurité et droit à la liberté », AJ pén. 2008, p. 9.
  • GACON Hélène, « L’intervention du juge judiciaire dans la procédure de rétention administrative : une garantie pour les étrangers, mais pour combien de temps ? », AJ pén. 2008, p. 16.
  • GUIMEZANES Nicole,  « Loi n° 2003-1119 du 26 novembre 2003, relative à la maîtrise de l’immigration, au séjour des étrangers en France et à leur nationalité », JCP G 2003, act. n° 50, p. 2169.

 

  •  Séminaire de l’Association des Conseils d’Etat et des juridictions administratives suprêmes de l’Union européenne, «  Le juge national du contentieux des étrangers entre normes nationales et européennes », par  Mr G. DEBERSAQUES, Premier Président du Conseil du Contentieux des Etrangers,  Mr S. BODART, Président du Conseil du Contentieux des Etrangers, Bruxelles, 17 Décembre 2010

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  • Année 90

 

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  • CE, ass., 11 oct. 1991, n° 128128, min. Int. c/ Abdelmoumen D. : JurisData n° 1991-046933 ; Rec. CE 1991, p. 939 ; AJDA 1991, p. 890 chron. Maugüé et Schwartz ; RFD adm. 1991, p. 978, concl. M. de Saint-Pulgent
  • CE, 18 oct. 1991, n° 91521, min. Int. c/ Izaskun A. M
  • CE, 22 mars 1991, n° 90943, Ahmed B
  • CE, 22 mars 1991, n° 67102, Raffi M
  • CE, 17 mai 1991, n° 99748, Elhouari B. : JurisData n° 1991-643019
  • CE, 8 juill. 1991, n° 108810, Mouslam F. : JurisData n° 1991-044597 ; Rec. CE 1991, p. 275.
  • CE, 8 juill. 1991, min. Int. c/ Uriarte D. de G. : Rec. CE 1991, p. 197 ;
  • CE, 26 juill. 1991, n° 124593, préfet Hautes-Alpes. Maintien en France malgré l’absence de demande de titre de séjour 
  • CE, 25 sept. 1991, n° 105122, min. Int. c/ Hocine B
  • C.C. 92-307 DC, 25 février 1992, Zones de transit, RIC. l, p. 493
  • CE, 26 févr. 1992, n° 125651, Allel Y
  • CE, 26 févr. 1992, n° 105013 
  • CE, 26 févr. 1992, n° 86471, Couider
  • CE, 13 mars 1992, n° 124255, Raj K. : JurisData n° 1992-042742 ; Rec. CE 1992, tables, p. 975.
  • CE, 13 mai 1992, n° 105172, Abderrazak B.
  • CE, 13 mai 1992, n° 70687, Ahmed S. : JurisData n° 1992-045242 ; Rec. CE 1992, tables, p. 975
  • CE, 31 juill. 1992, n° 132971, préfet Seine-et-Marne : JurisData n° 1992-047095 ; Rec. CE 1992, tables, p. 977
  • CE, 2 nov. 1992, n° 121715, min. Int. c/ R, tentative d’assassinat
  • CE, 15 févr. 1993, n° 118148, préfet Bas-Rhin : JurisData n° 1993-644024
  • CE, 24 mai 1993, n° 131765, Luis Maria I. A. : JurisData n° 1993-042315 ; Rec. CE 1993, p. 164
  • CE, 11 juin 1993, n° 121424, min. Int. c/ B, meurte 
  • CE, 23 juin 1993, n° 127342, El Hadi B. : JurisData n° 1993-045772 Rec. CE 1993, tables, p. 775
  • Cons. const., 13 août 1993, déc. n° 93-325 DC : Rec. Cons. const. 1993, p. 224 ; JCP G 1994, I, 3728, obs. Guimezanes ; RFD const. 1993, p. 587, note Favoreu ; RD publ. 1993, p. 5, note F. Luchaire ; Dr. soc. 1994, p. 69, note Dupeyroux et Prétot ; LPA 9 sept. 1994, note Mathieu et Verpeaux ; Pouvoirs 1993, p. 166, obs. Giquel et Avril ; RFD adm. 1993, p. 871, obs. Genevois ; Rev. crit. DIP 1994, p. 1, obs. Turpin ; RD publ. 1994, p. 1165, obs. Fabre-Alibert
  • CE, 27 oct. 1993, n° 126320, Adam S
  • CE, 12 janv. 1994, n° 136260, Jallel B. : JurisData n° 1994-041673
  • CE, 24 janv. 1994, n° 127546, Abderramane M’B. : JurisData n° 1994-040663 ; Rec. CE 1994, p. 28 ; JCP G 1994, IV, 711
  • CAA Nancy, 9 mars 1994, n° 92NC01024, Omar O. : JurisData n° 1994-042194 ; Rec. CE 1994, tables, p. 943
  • CAA Bordeaux, 26 juill. 1994, n° 94BX00470, Kabangu M’P
  • CE, 29 juill. 1994, n° 145997, Hocine B. : JurisData n° 1994-049796
  • CE, 12 sept. 1994, n° 96803, min. Int. c/ B. : JurisData n° 1994-047437, vols avec violence
  • CE, 12 sept. 1994, n° 145598, Mohamed O. : JurisData n° 1994-047438 
  • CE, 28 oct. 1994, n° 135729, Djamal H. : JurisData n° 1994-048706 ; D. 1995, somm. p. 177, obs. F. Julien-Laferrière
  • CE, 28 oct. 1994, n° 136428, Giacomo V. : JurisData n° 1994-048700 ; Rec. CE 1994, tables, p. 944
  • TA Lille, 10 nov. 1994, S. : Rec. CE 1994, p. 713 ; RFD adm. 1995, p. 141, concl. L.-D. Laugier
  • TA Versailles, 6 déc. 1994, Abderrahmane B., Sofiane N., Boualem C. : RFD adm. 1995, p. 376, concl. Krulic.
  • TA Lyon, 29 nov. 1994, Mohamed C. : RFD adm. 1995, p. 381
  • CE, 16 déc. 1994, n° 153852, Ahmed A.
  • CE, 6 janv. 1995, n° 146370, préfet Pas-de-Calais
  • CE, 11 janv. 1995, n° 157216, min. d’État, min. Int. et Aménag. territ. c/ Boubaker H. : JurisData n° 1995-041557 
  • TA Lyon, 31 janv. 1995, n° 9403532-9403533, Tayeb B. – CAA Lyon, 3 avr. 1997, n° 96LY01525, Hassane O. : JurisData n° 1997-043226.
  • CE, 6 févr. 1995, n° 150844, min. Int. et Aménag. territ. c/ M. : JurisData n° 1995-041504
  • CE, 8 févr. 1995, n° 147285, préfet de police ; CE, 21 mars 2001, n° 208541, Mathio Emma E. : JurisData n° 2001-062104 ; Rec. CE 2001, p. 150 ; RFD adm. 2001, p. 773 ; 
  • TA Rouen, 17 févr. 1995, n° 94-951, 94-952, D. : Rec. CE 1995, tables, p. 834
  • CE, 14 juin 1995, n° 160884, Abdallah A. : JurisData n° 1995-048163 
  • TA Lyon, 27 sept. 1995, n° 9500364, Mohamed N., Vols, coups et blessures volontaires, attentats à la pudeur
  • CE, 4 déc. 1995, n° 157932, min. d’État, min. Int. et Aménag. territ. c/ Allal T. : JurisData n° 1995-051820
  • CE, 29 déc. 1995, n° 158193, Min. d’État, min. Int. et Aménag. territ. c/ Assignamey P. : JurisData n° 1995-052254
  • Cass. 2e civ., 27 mars 1996, n° 95-50.005 : JurisData n° 1996-001348 ; JCP G 1996, IV, 1195 ; D. 1997, somm. p. 50, comm. F. Julien-Laferrière.
  • Cass. com., 6 mai 1996, n° 94-13.347, France Télécom c/ Sté communication Média service [CMS] : JurisData n° 1996-001766 ; AJDA 1996, p. 1033, note Bazex ; RFDA 1996, p. 1161, note B. Seiller ; JCP G 1997, I, 4019, chron. J. Petit
  • CE, 13 mai 1996, n° 143075, Hedi J. : JurisData n° 1996-050640
  • CE, 17 juin 1996, n° 171242, Rachid B. : JurisData n° 1996-050838
  • CE, 19 juin 1996, n° 153192, Rusid H. : JurisData n° 1996-050983
  • CE, 31 juill. 1996, n° 153875, Chikh B. : JurisData n° 1996-050890
  • Cass. 2e civ., 9 oct. 1996, n° 95-50.080 : JurisData n° 1996-003687 ; Bull. civ. 1996, II, n° 228 ; JCP G 1996, IV, 2319
  • CE, 30 oct. 1996, n° 148563, Rachid M. : JurisData n° 1996-051189 ; Rec. CE 1996, p. 418 ; JCP G 1997, IV, 889
  • TA Lille, 21 nov. 1996, n° 95-5397, Benjamin Nenda T ; TA Nantes, 30 mai 1997, Soualmi : RFD adm. 1998, p. 294, concl. Millet ; TA Clermont-Ferrand, 19 févr. 1998, n° 96581, Manuel D.
  • CAA Nantes, 12 juin 1997, n° 96NT00926, min. Int. c/ Ali B
  • CE, 11 juin 1997, n° 163964, Alcindo de C. P.
  • CE, 8 janv. 1997, n° 158580, min. Int. et Aménag. territ. c/ Ezzedine M’B
  • CE, 13 janv. 1997, n° 176410, préfet Yvelines : JurisData n° 1997-050110
  • CE, 5 févr. 1997, n° 173013, préfet Moselle : JurisData n° 1997-050023 ; RFD adm. 1997, p. 427
  • TA Lyon, 6 févr. 1997, n° 9503580, Mustapha O.
  • CE, 10 févr. 1997, n° 168786, préfet Yvelines

 

  • CE, 26 févr. 1997, n° 177242, préfet Gironde
  • CE, 19 mars 1997, n° 169978, Mahmut P. : JurisData n° 1997-050083 ; Dr. adm. 1997, comm. 167
  • CE, 24 mars 1997, n° 162318, E
  • CAA Lyon, 3 avr. 1997, n° 96LY00190, Boutayeb T. : JurisData n° 1997-044704
  • CE, 21 avr. 1997, n° 158919, GISTI
  • C.C. 97-389 DC, 22 avril 1997, Certificats d’hébergement  RlCI, p. 707
  • Trib. confl. 12 mai 1997, Préfet de police c. Ben Salem et Taznaret, A.J.D.A., 1997.575
  • CE ,11 juin 1997, n° 163964, Alcindo de C. P. : JurisData n° 1997-050764
  • CE, 11 juin 1997, n° 169013, Mohamed M. : JurisData n° 1997-050765
  • CE, 18 juin 1997, n° 182029, Timbila K
  • CE, 4 juill. 1997, n° 168747, préfet Loire-Atlantique : JurisData n° 1997-050969
  • CE, 30 juill. 1997, n° 163710, Nabil A
  • CE, 30 juill. 1997, n° 168788, min. Int. c/ Taieb B.
  • CE, 30 juill. 1997, n° 163933, Doudouh B 
  • CE, 3 sept. 1997, n° 184644, préfet de police
  • CE, 10 sept. 1997, n° 183250, Mohamed S.
  • CE, 22 sept. 1997, n° 168243, Marouf El B.
  • CE, 24 oct. 1997, n° 172414, Mohamed B, activité terroristes
  • Cass. 2e civ., 12 nov. 1997 : Bull. civ. 1997, II, n° 264 ; JCP G 1997, IV, 2537 ; D. 1997, inf. rap. p. 262
  • CE, 29 déc. 1997, n° 168042, Salah Ben Hedi Ben Hassan K. : JurisData n° 1997-051472 
  • CE, 30 mars 1998, n° 170987, Ahmed H.
  • CE, 1er avr. 1998, n° 172619, Ali B
  • CE, 1er avr. 1998, n° 187442, préfet Alpes-Maritimes : JurisData n° 1998-050539
  • CE, 8 avr. 1998, n° 171548, Abdessamad L. : JurisData n° 1998-050476
  • CAA Lyon, 19 févr. 1998, n° 96LY20686, min. Int. c/ Mongie D. : JurisData n° 1998-043955.
  • CE, 6 mars 1998, n° 173216, M’R.
  • CE, 1er avr. 1998, n° 163901, min. Int. c/ Mustapha K. : JurisData n° 1998-050553
  • CAA Nancy, 23 avr. 1998, n° 96NC02245, min. Int. c/ Abdelkader E. : JurisData n° 1998-042519
  • CE, 27 avr. 1998, n° 165419, Mohamed B. : JurisData n° 1998-050474
  • CE, 27 mai 1998, n° 169513, Virginie K. et Jean-Michel B.
  • CE, 12 juin 1998, n° 180421, Dardour
  • CE, 27 mai 1998, n° 175093, préfet de police
  • CE, 24 juin 1998, n° 184854, préfet de police 
  • CAA, Marseille, 17 déc. 1998, n° 96MA01270, Abdelkader O, proxénétisme 
  • CE, 30 déc. 1998, n° 195243, préfet Gironde : JurisData n° 1998-051479
  • CAA Nancy, 10 déc. 1998, n° 95NC01474, Rabah L.
  • CE, 3 févr. 1999, n° 195691, Mahamet D
  • Cass. 2e civ., 4 mars 1999, n° 98-50.002 : JurisData n° 1999-000994 ; Bull. civ. 1999, II, n° 37
  • Cass. 2e civ., 4 mars 1999, n° 98-50.012 : JurisData n° 1999-000909
  • Cass. 2e civ., 4 mars 1999, n° 98-50.003 : JurisData n° 1999-000913 ; Bull. civ. 1999, II, n° 38
  • Cass. 2e civ., 4 mars 1999, n° 98-50.005 : JurisData n° 1999-000907 ; Bull. civ. 1999, II, n° 43
  • CE, 10 mars 1999, n° 199146, Boubaker Ben Saïd B. S. : JurisData n° 1999-05029
  • CE, 31 mars 1999, n° 199667, Aladji F
  • Paris du 26 mars 1999, F. c/ Ministre de  l’aménagement du territoire, de la ville et de  l’intégration.
  • Cass. 2e civ., 10 nov. 1999, n° 98-50.033 : JurisData n° 1999-003923 ; Bull. civ. 1999, II, n° 167.
  • CEDH, 30 nov. 1999, Baghli c/ France : RTDH 2000, p. 493, obs. Levinet. – V. aussi CEDH, 13 févr. 2001, n° 47160/99, Ezzoudhi c/ France

  • Année 2000

 

  • CE, 23 juin 2000, n° 213584, Madala D. : JurisData n° 2000-060676 ; Rec. CE 2000, p. 243. 
  • CAA Paris, 5 juill. 2000, n° 99PA00879, min. Int. c/ B. W. : Rec. CE 2000, tables, p. 1038
  • CE 28 juill. 2000, n° 196494, Ouadji G. : JurisData n° 2000-061124 ; Rec. CE 2000, tables, p. 1039.
  • CEDH, Grande Ch., 5 octobre 2000, req. n° 39652/98, Maaouia c/ France, CEDH/ECHR 1999-II
  • CE, 6 oct. 2000, n° 211855, préfet Alpes-Maritimes : JurisData n° 2000-061326 ; Rec. CE 2000, tables, p. 1035
  • CE, 29 déc. 2000, n° 216121, préfet de police : JurisData n° 2000-061894 ; Rec. CE 2000, p. 667.
  • CE, 18 janv. 2001, n° 229247, Cne Venelles, Morbelli : Juris-Data n° 2001-061707 ; Dr. adm. 2001, comm. 155
  • Cass. 2e civ., 29 mars 2001, n° 00-50.053 : JurisData n° 2001-008975 
  • CAA Lyon, 10 mai 2001, n° 00LY02341, min. Int. c/ Reda S. : JurisData n° 2001-159087 ; Rec. CE 2001, tables, p. 992
  • CAA Nantes, 26 juin 2001, n° 99NT00627, P. : Rec. CE 2001, tables, p. 992
  • CE, 5 sept. 2001, n° 211853, préfet Alpes-Maritimes : JurisData n° 2001-063096 ; RFD adm. 2001, p. 1334
  • T. confl., 19 nov. 2001, n° 3272, Préfet de police c/ TGI Paris et Mohamed c/ Min. int. : Juris-Data n° 2001-162143, rétention prolongée d’un passeport.
  • CE, 12 déc. 2001, n° 223099, Mariama M
  • CAA Douai, 31 janv. 2002, n° 01DA00274, min. Int. c/ Ahmed M
  • CEDH, 5 févr. 2002, n° 51564/99, Conka c/ Belgique
  • CAA Paris, 5 févr. 2002, n° 99PA04231, Faical S.
  • CE, 22 févr. 2002, n° 224496, Mamadou Abdoul D. : JurisData n° 2002-063625 ; Rec. CE 2002, p. 54 ; AJDA 2002, p. 415, note Guyomar et Collin ; RFD adm. 2003, p. 1080, concl. Chauvaux ; www.ajda.fr, obs. Vandendriessche
  • CE, 22 févr. 2002, n° 231414, Mohamed S. : JurisData n° 2002-063627 ; Rec. CE 2002, p. 773
  • CE, 10 avr. 2002, n° 223802, min. Int. c/ Antonio C.-R. : JurisData n° 2002-064330
  • CAA Nancy, 8 août 2002, n° 00NC01603, min. Int. c/ Hakverdi D
  • CE, 6 déc. 2002, n° 241186, Ahcène M. : JurisData n° 2002-064754
  • CAA Nancy, 12 déc. 2002, n° 00NC00295, min. Int. c/ S. : JurisData n° 2002-204586 ; Rec. CE 2002, tables, p. 772
  • CE, 30 déc. 2002, n° 234415, Ordre avocats CA Paris : JurisData n° 2002-064744 ; Rec. CE 2002, p. 487 ; AJDA 2003, p. 239, concl. Guyomar ; RFD adm. 2003, p. 189
  • TGI Limoges, 20 févr. 2003, préfet Haute-Vienne, inédit
  • CE, 21 mars 2003, n° 236966, préfet Isère
  • CE, 23 mai 2003, n° 246942, Zair A. A. : JurisData n° 2003-065472
  • CAA Nancy, 26 juin 2003, n° 99NC01279, Abdelhamid B
  • CEDH, 10 juill. 2003, n° 53441/99, Benhebba c/ France
  • CEDH, 15 juill. 2003, n° 52206/99, Mokrani c/ France
  • Cons. const., 20 nov. 2003, déc. n° 2003-484 DC : Rec. Cons. const. 2003, p. 438 ; JCP G 2003, 2169, note Guimezanes ; JCP G 2003, 2249, obs. Zarka ; LPA 20 et 21 janv. 2004, note Schoettl ; LPA 27 déc. 2004, note Mathieu et Janicot ; RFD const. 2004, p. 96, note Domingo ; RD publ. 2004, p. 275, note Ferran ; D. 2004, p. 1278, note Domingo ; AJDA 2004, p. 599, note Lecucq
  • CE, 12 déc. 2003, n° 252383, préfet de police : JurisData n° 2003-066261 ; Rec. CE 2003, tables, p. 811
  • CE, 2 avr. 2004, n° 251368, Namia G.
  • CAA Nantes, 22 juill. 2004, n° 04NT00237, préfet Eure-et-Loir : JurisData n° 2004-273893 ; Rec. CE 2004, tables, p. 726
  • Cass. 2e civ., 4 nov. 2004, n° 04-50.021
  • CE, 10 nov. 2004, n° 260241, préfet Isère
  • CE, 10 déc. 2004, n° 259952, préfet Puy-de-Dôme, utilisation de fausses identités.
  • CE, 14 mars 2005, n° 247467, Karim Ahmed M. : JurisData n° 2005-068161
  • TA Besançon, 12 oct. 2005, n° 0501542, Nfaoui
  • CE, 26 oct. 2005, n° 264660, préfet Aveyron
  • CE, 23 nov. 2005, n° 273970, Fatima A.
  • Cass. 1re civ., 31 janv. 2006, n° 04-50.121 : JurisData n° 2006-031904
  • CAA Lyon, 11 avr. 2006, n° 01LY00981, Ahmed S. : JurisData n° 2006-305224
  • Arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes, grande chambre 27 juin 2006, Parlement européen c/Conseil de l’Union, affaire C-540/03.
  • CEDH, 27 juill. 2006, n° 32927/03, Kaja c/ Grèce
  • CEDH, 12 oct. 2006, n° 13178/03, Mubilanzila Mayeka et Kaniki Mitunga c/ Belgique : RTDH 2007, p. 823, note Masson ; RFD adm. 2007, p. 1041, chron. Sudre et Labayle
  • CAA Lyon, 7 nov. 2006, n° 03LY01234, N.
  • CAA Bordeaux, 21 déc. 2006, n° 06BX02264, préfet Vaucluse
  • TA Rennes, 30 janv. 2007, n° 07167, Traore : AJDA 2007, p. 336
  • TA Cergy-Pontoise, 7 févr. 2007, n° 0701017, Benyettou.
  • CE, 15 févr. 2007, n° 300968, GISTI : JurisData n° 2007-071651 ; AJDA 2007, p. 396 
  • TA Limoges, 6 juill. 2007, n° 0700828, Ahmed
  • CAA Bordeaux, 31 juill. 2007, n° 06BX00167, Antony G. : JurisData n° 2007-342194, exigence de motivation même en cas d’extrême urgence.
  • CA Bordeaux, 20 août 2007, n° 07102
  • CA Paris, 27 août 2007, n° 07/02343
  • CE, avis, 19 oct. 2007, n° 306821, n° 306822, Youssef H. : JurisData n° 2007-072537 ; AJDA 2007, p. 2009 ; RFD adm. 2007, p. 1309 ; Dr. adm. 2007, comm. 153.
  • CAA Versailles, 6 nov. 2007, n° 05VE1774, min. Int. c/ S.
  • CE, 28 nov. 2007, n° 306901, R. et R. : JurisData n° 2007-072806
  • CAA Douai, 10 janv. 2008, n° 07DA00970, Mohamed T
  • Cass. 1re civ., 9 févr. 2008, n° 06-20.689 : JurisData n° 2008-042168 ; Bull. civ. 2008, I, n° 4 ; AJDA 2008, p. 1111, note Boillot-Burg
  • CA Toulouse, ord. juge libertés et détention, 21 févr. 2008, n° 08089, K. : D. 2008, p. 2910, note Lombard et Haroune
  • CE, 22 févr. 2008, n° 294256, min. Int. c/ Ahmed S
  • CAA Bordeaux, 26 févr. 2008, n° 07BX01561, El Bachir B
  • CE, avis, 28 mars 2008, n° 311893, M’Barek B
  • CE, avis, 28 mars 2008, n° 311893, M’Barek B. : JurisData n° 2008-073314 ; Rec. CE 2008, p. 124 ; AJDA 2008, p. 2174, note Lecucq ; JCP G 2008, IV 1823
  • TGI Lille, 2 avr. 2008, n° 08/00663, H
  • CAA Lyon, 10 avr. 2008, n° 07LY00725, Nouidi
  • CAA Lyon, 3 avr. 2008, n° 07LY02269, Amela A.
  • CAA Bordeaux, 3 juill. 2008, n° 07BX02710, préfet Haute-Garonne
  • CAA Douai, 16 sept. 2008, n° 07DA01969, Lumbila
  • Cass. 1re civ., 22 oct. 2008, n° 07-20.068 : JurisData n° 2008-045460
  • CAA Douai, 30 oct. 2008, n° 08DA00290, Nadjet B. : JurisData n° 2008-004693 ; AJDA 2009, p. 32, obs. Lepers
  • TA Lyon, 16 déc. 2008, n° 0800094, E
  • CAA Douai, 9 avr. 2009, n° 08DA01327
  • CEDH, 11 juin 2009, n° 53541/07, S.D. c/ Grèce 

 

Textes 

  • Directive de l’Union Européenne 2008/115/CE
  • Loi du 21 Avril 1832
  • Loi du 10 Janvier 1980
  • loi n°86-1025 du 9 septembre 1986 relative aux conditions d’entrée et de séjour des étrangers en France, J.O n° 86 du 12 septembre 1986 page 11035
  • la Loi n° 90-34 du 10 janvier 1990, Portant modification l’ordonnance no 45-2658 du 2 novembre 1945 relative aux conditions d’entrée et de séjour des étrangers en France.
  • L. n° 93-1027 : Journal Officiel 29 Aout 1993
  • L. n° 97-396 : Journal Officiel 25 Avril 1997
  • L. n° 98-349 : Journal Officiel 12 Mai 1998
  • L. n° 2003-1119 : Journal Officiel 27 Novembre 2003
  • Loi n° 2006-911 du 24 juillet 2006 relative à l’immigration et à l’intégration, JO n° 170 du 25 juillet 2006 page 11047
  • Loi n° 2007-1631 du 20 novembre 2007 parue au JO n° 270 du 21 novembre 2007, Loi relative à la maîtrise de l’immigration.
  • Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile commenté et annoté, Code administratif, Dalloz, 2010.
  • Décret n° 2006-1378 du 14 novembre 2006, relatif à la partie réglementaire du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, J.O. du 15 novembre 2006, p. 17153

 

Autres 

  • http://www.conseil-etat.fr/fr/presentation-des-grands-arrets/13-decembre-1889-cadot.html
  • Jacques Fauvet, » Pour une politique d’immigration « , Le Monde, 17 octobre 1945
  • http://www.generiques.org/ (consulté le 31 août 2006)
  • RAJFIRE – Réseau pour l’autonomie des femmes immigrées et réfugiées 
  • http://maisondesfemmes.free.fr/rajfire.htm (consulté le 31 août 2006)
  • GISTI – Groupe d’information et de soutien aux immigrés 
  • http://www.gisti.org/ (consulté le 31 août 2006) 
  • FASILD – Fonds d’action et de soutien pour l’intégration et la lutte contre les discriminations http://www.fasild.fr (consulté le 31 août 2006)
  • Centre pour l’initiative citoyenne et l’accès au droit des exclus (CICADE) http://cicade.asso.free.fr/ (consulté le 21 août 2006)
  • GROUPE D’INFORMATION ET DE SOUTIEN DES IMMIGRES, Le guide de l’entrée et du séjour des étranges en France, La Découverte, 2009.
  • Patrick Weil : « 50 % d’immigration économique, c’est mission impossible »
  • LEMONDE.FR
  • Serge Slama, L’autre révision constitutionnelle (Première partie) – La constitutionnalisation des quotas ethniques, la documentation française ; 28 Janvier 2008
  • Edmond Machefer, « Les limitations d’origine supranationales aux politiques de gestion des flux migratoires des Etats européens », paru le 16 janvier 2011 sur le site www.polemia.com
  • L’unité de famille, article paru sur le site web de l’OFPRA le 04 Juin 2009

Sommaire

 

Introduction 1

  1. Bref aperçu  de l’évolution du droit des étrangers dans le droit français 3
  2. Le principe de la dualité juridictionnelle dans le traitement de la condition des étrangers 7

 

Première partie : La dualité, principe du droit des étrangers 13

 

Chapitre I : La situation de l’étranger en France 16

Section I : La complexité de la situation des étrangers 16

 

 

  1. La multiplicité des décisions administratives pouvant être prises à l’égard de l’étranger 16

 

  1. Par rapport à l’entrée sur le territoire français 16

a- S’agissant de l’étranger de droit commun 17

b- S’agissant d’une entrée au titre de regroupement familial 20

 

2- Les personnes pouvant bénéficier du regroupement familial 22

  1. Les parents dont l’un des enfants se trouve en France 23
  2. Les mineurs 23
  3. Le conjoint scientifique 24
  4. Les étrangers nés en France 24
  5. Les étrangers résidant dans un Etat membre de l’Union Européenne 24
  6. Les cas exceptionnels 24

 

B- Conditions d’admission sur le territoire français 28

 

C- La procédure 29

 

  1. La demande 29

a- En cas de refus 30

b- En cas de décision positive 31

 

  1. Les dossiers à fournir 31

a- Pour le demandeur salarié 32

b- Le demandeur non salarié 32

c- Le rentier 33

 

3- Les autres conditions à remplir 33

 

Section 2 : Le contentieux en matière de droit des étrangers 34

 

 

A- Le contentieux des étrangers après la 1ère guerre mondiale 35

B- Le contentieux des étrangers après le 1er choc pétrolier 36

C- Le contentieux des étrangers contemporain 38

 

 

A- La mesure d’éloignement en France 39

 

1- L’obligation de quitter le territoire français 39

a- Les Cas d’OQTF 40

b- La procédure 41

 

2- La reconduite à la frontière 42

 

a- Les causes de la reconduite à la frontière 42

i- Situation irrégulière 42

ii- Maintien au-delà de la durée de validité du visa 43

iii- Maintien plus d’un mois en l’absence de demande de renouvellement de titre de séjour 43

 

b- La compétence préfectorale 44

 

3- L’expulsion 44

 

a- Compétence en matière d’expulsion 45

 

i- la commission d’expulsion 46

 

ii- Appréciation de la menace à l’ordre public 48

Menace grave à l’ordre public 48

Nécessité impérieuse pour la sûreté de l’État ou la sécurité publique 50

L’urgence absolue 52

 

B- Les mesures destinées à l’efficacité de la procédure d’éloignement 53

 

1- La rétention administrative 53

 

a- Les causes de la rétention 55

i- L’impossibilité d’exécuter la mesure d’éloignement 55

ii- L’insuffisance de garanties de représentation 56

 

b- La Durée de la rétention 57

 

c- Les autres conditions de la rétention 58

i- Le lieu de la rétention 58

ii- L’information de l’intéressé 58

 

2- Assignation à résidence 59

 

a- Les conditions de l’assignation 59

 

b- La procédure de l’assignation 61

  1. L’autorité compétente 61
  2. Le motif de l’assignation 61

 

Chapitre II : La dualité juridictionnelle, principe du droit français 63

 

Section 1 : L’évolution historique de la dualité juridictionnelle 64

 

A- Historique de la dualité à la française 64

B- Manifestation de la dualité 65

 

 

Section 2 : L’application de la dualité au contentieux des étrangers 68

 

 

A- La reconnaissance de la dualité dans le contentieux 68

 

B- L’ordre des interventions 69

 

1- Le juge administratif dans le contentieux des étrangers 71

 

a- Le recours contre les décisions administratives 71

i- Recours contre une OQTF devant le juge administratif 71

La procédure 73

Le délai du recours 73

Le Jugement 74

 

b- La procédure contentieuse de la reconduite à la frontière 75

La simplification de la procédure par le juge unique 76

La première instance compétente 77

Les conditions de recevabilité de la demande en annulation 77

Le jugement 80

 

c- Le contentieux administratif de la fixation du pays de destination 81

 

2- Le rôle du juge judiciaire 82

 

a- Les raisons de la compétence judiciaire 83

 

b- Le contentieux des mesures de rétention 84

 

i- La preuve devant le juge des libertés 85

 

ii- Les décisions du juge des libertés 86

Le changement en assignation à résidence de la rétention 86

La remise en liberté de l’étranger 86

 

iii- Les recours contre la prolongation 87

L’appel 87

La cassation 89

 

3- L’évolution de la dualité 89

Deuxième partie : L’unification, un faux remède pour un vrai problème 91

 

Chapitre premier : La remise en question de la dualité à la française 93

 

Section 1 : L’état de la dualité française 94

 

 

A- Le manque de simplicité 94

1- Les critères de délimitation de la compétence 94

2- Le difficile contentieux administratif 95

 

B- La tentative de correction 97

1- Les solutions tentées 97

2- Solutions insuffisantes 98

 

 

A- La garantie juridictionnelle de la juridiction administrative 100

1- L’accès au juge administratif 100

2- Le traitement équitable 101

 

B- Le rapprochement des juridictions 101

1- Le rapprochement des moyens 102

2- Le rapprochement de la jurisprudence 103

 

Section 2 : L’esquisse d’une unification en droit français 104

 

 

A- La compétence légale du juge judiciaire 105

 

1- La compétence en matière fiscale 105

a- Le principe 105

b- La limite 106

c- La portée de la décision 106

 

2- La compétence en matière de concurrence 107

a- L’entière compétence du juge judiciaire 107

b- Les limites de l’attribution légale de compétence 108

 

B- La compétence du juge judiciaire non répressif 109

 

1- L’interprétation des actes administratifs 109

 

a- Les actes règlementaires 109

 

b- Les actes non réglementaires 110

i- Incompétence de principe du juge judiciaire non répressif 110

ii- La question préjudicielle 111

 

2- L’appréciation de la légalité des actes administratifs 113

a- Pour les actes réglementaires 113

b- Pour les actes administratifs individuels et collectifs 114

c- Les mesures administratives contre l’étranger 114

 

3- Les actes administratifs et les normes internationales 115

 

4- Les actes constitutifs de voie de fait 116

 

 

A- Libertés fondamentales 118

 

1- Généralité 119

 

2- La notion d’atteinte grave à la liberté et ses conséquences 120

a- La durée et l’intensité 120

b- Les pouvoirs du juge judiciaire 121

 

B- La compétence conditionnée du juge administratif 121

 

1- Condition quant aux actes 122

 

a- Acte constitutif de voie de fait 122

i- Incompétence du juge administratif 122

ii- Limites de compétence du juge judiciaire 123

 

b- Le référé liberté en cas d’atteinte grave aux libertés fondamentales 124

i- La conception de liberté fondamentale dans le référé 125

ii- La portée de la compétence administrative 125

 

2- Condition quant à l’exercice d’une prérogative de puissance publique 126

 

a- La compétence à valeur constitutionnelle 126

 

b- La portée de la compétence 126

i- Compétences sur les sanctions administratives 126

ii- Compétence sur les actes de police administrative 127

iii- Compétence sur les actes relatifs à la liberté d’aller et de venir 127

Concernant les nationaux 128

Concernant les étrangers 128

 

Chapitre II : L’impossible unification 129

 

Section 1 : L’ambition de la reforme 130

 

 

1- Appréhension de la notion de « politique de quotas » 133

2- La politique de quota est-il un choix judicieux pour la maîtrise de l’immigration ? 137

 

 

A- Les obstacles constitutionnels 139

 

B- Les obstacles conventionnels 142

1- Les conventions internationales ratifiées par la France dans le cadre des Nations Unies 142

2- Les Conventions européennes ratifiées par la France dans le cadre du Conseil de l’Europe 145

3- Le cadre juridique protecteur dressé par le droit communautaire 146

 

Section 2 : Le choix de la simplification 149

 

Bibliographie 151

 

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