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Le français dans le monde : enjeux et valorisation de la langue de Molière

SOMMAIRE

INTRODUCTION 4

1 MATÉRIEL ET MÉTHODES 7

1.1 Exposé historique de la langue française 7

1.2 La démarche méthodologique 7

2 RÉSULTATS 10

2.1 L’usage du français dans le monde d’alors et d’aujourd’hui 10

2.1.1 Les causes historiques du succès de la langue française 10

2.1.2 Le français dans la société mondialisée d’aujourd’hui 12

2.1.3 Combien d’habitants de la planète parlent le français ? 12

2.1.4 Combien de pays déclarent le français comme une langue officielle ? 15

2.2 Le français en tant que langue de scolarité et langue de travail 21

2.2.1 Le français, une des langues enseignées mondialement 22

2.2.2 La place du français en Afrique et dans l’Océan Indien 23

2.2.3 Importance et crédit de la langue française en Afrique 24

2.2.4 Image associée à la langue française 26

2.2.5 L’enseignement du français en Europe 29

2.2.6 La francophilie au sein des instances de l’Union Européenne 36

Commission européenne 38

Cour des comptes européenne 39

3 La francophonie dans la société malgache 42

3.1 Tour d’horizon du paysage scolaire malgache 43

3.2 Horizon communicationnel du français 44

3.2.1 Google 44

3.2.2 Internet 44

3.2.3 Diplomatie 44

3.2.4 Médias 44

3.2.5 Télévision 44

3.2.6 Radio 45

3.2.7 Presse écrite 45

3.3 Le français en tant que langue de scolarisation 45

3.4 La langue française est le garant de la « literatie » 46

3.5 La vulgarisation de la langue française : un objectif illusoire ? 48

3.6 Les principaux messages à retenir 50

4 La francophonie en Autriche 51

4.1 Le français, un idiome au rôle effacé 51

4.2 Le statut du français dans le monde de l’enseignement en Autriche 53

4.3 Les apprenants de la langue française dans les neuf provinces fédérales 53

4.4 Les opportunités de développement 57

4.4.1 Politique linguistique de l’UE 57

4.4.2 Potentiel de séduction culturelle 57

4.4.3 La France, un marché à forte croissance 58

5 DISCUSSION 58

5.1 Présence francophone en Afrique 59

5.2 Présence du français en Europe 60

5.2.1 Le français porte un attribut historique 60

5.2.2 Le français mis en faveur dans les productions littéraires 60

5.2.3 Le français mis en faveur par le secteur touristique 61

5.3 Le français : entre frontières francophones et non francophones 61

5.4 Politique de la France pour défense l’usage et la maîtrise de la langue française : Vade-mecum en 10 points 61

CONCLUSION 63

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES 66

INTRODUCTION

Le français figure parmi les langues de portée véritablement universelle, tant à l’oral qu’à l’écrit.  À ce jour, 6 703 langues vivantes ont été dénombrées, mais plus de la moitié d’entre elles n’intéresse que des minorités tribales et ethniques et sera condamnée à disparaître. Le français est la sixième langue la plus parlée de la planète, ce recul étant expliqué par la charge démographique des pays de l’Asie, comme l’Inde, le Japon ou la Chine. Les estimations de l’Organisation internationale de la francophonie (OIF) en 2010 font état de 220 millions de gens qui ont un niveau de connaissance acceptable du français et peuvent être qualifiés de francophones

Pour la France, le maintien de l’usage et de la popularité de la langue française ainsi que la défense de la culture francophone correspondent à un défi majeur dans les années à venir. La langue n’est pas seulement un support de dialogue et d’échange d’informations.  Bien entendu, sa finalité première est de favoriser la pleine intégration de l’individu dans la vie en société, en l’aidant à s’exprimer sans ambiguïté dans un système linguistique reconnu unanimement par tous. Outre cette fonction purement cognitive, la langue est également utilisée comme un instrument d’influence géopolitique sur les populations d’autres pays qui décident de l’adopter à côté de leur langue maternelle. 

Dans l’ère de globalisation qu’est le nôtre, la langue étrangère inspire les mœurs autochtones, influence les modes de vivre et de pensée et pose les fondements de la primauté des castes. Le multilinguisme renforce la suprématie économique des pays qui réussissent à imposer leur patrimoine lexical, phonétique et linguistique. 

Pour évaluer le poids international d’une langue, le nombre d’étudiants désireux d’en avoir la maîtrise verbale et écrite semble un critère judicieux. Malgré l’abondance des pays anglophones, le français n’en reste pas moins la langue de choix de plusieurs centaines d’institutions scolaires et d’universités en Asie, en Afrique de l’Ouest, en Amérique du Nord et au Canada. Savoir parler le français est un signe de distinction chez la plupart des communautés africaines, où l’illettrisme est encore très élevé. Dans les anciennes possessions de la Métropole, la maîtrise du français reste l’attribut de la jeunesse intellectuelle, des cadres fortunés et des classes dirigeantes. Dans les régions anglo-saxonnes, le français se hisse au premier rang des langues étudiées. Dans d’autres régions comme le Moyen-Orient, elle vient en seconde ou troisième position, après l’anglais, l’espagnol ou l’allemand. L’aisance dans le maniement de la langue de Molière est largement reconnue comme un atout pour favoriser son ascension professionnelle

Dans ce décor institutionnel, où l’anglais règne en maître tandis que le multilinguisme est revendiqué au nom de la liberté d’expression et de la diversité culturelle, le choix de la langue d’étude est un dilemme pour les étudiants d’hier et d’aujourd’hui. L’option la plus séduisante dépend du système éducatif du pays, selon l’adhésion à l’espace francophone, anglophone ou hispanique. Le type de carrière professionnelle envisagée est aussi déterminant.  Si l’anglais impose sa notoriété dans tout ce qui a trait au marketing et au commerce, le français a su conserver une noble place dans les sciences sociales. La littérature contemporaine doit énormément à la France et, dans les métiers du web, il convient de noter que le français est la sixième langue sous laquelle les contenus électroniques sont écrits,  traduits et diffusés aux quatre coins du globe. Enfin, le français s’impose, aujourd’hui encore, comme la langue par excellence des relations diplomatiques. 

Le débat autour des enjeux liés à la maîtrise professionnelle de la langue française, voilà ce qui résume l’ambition de notre travail. La problématique s’énonce comme suit : « Quelle place la langue française occupe-t-elle aujourd’hui, pour justifier l’enthousiasme des nombreux apprenants face au triomphe incontesté de l’anglais américain ? » L’objectif de la présente étude consiste à mettre en exergue l’utilité et la raison d’être de la langue française dans le régime éducatif à travers l’analyse du rayonnement mondial de la culture francophone. 

La problématique suscite une foule d’autres interrogations qui représentent les objectifs spécifiques de l’étude :  

  • Comment évoluent la diffusion et la pratique du français à travers le monde ? 
  • À quoi l’aptitude de lecture ou d’expression écrite en français servirait-t-elle aux étudiants ? 
  • Qu’est-ce que les populations non francophones  gagneront-elles à prendre le parti de la francophilie ? 

Par conséquent, l’étude vise à produire les résultats attendus suivants : 

  • Décrire avec exactitude la situation de la langue française en se penchant sur la  pratique, le nombre de locuteurs, la distribution géographique des francophones et le classement par rapport aux autres langues d’audience internationale ; 
  • Faire la lumière sur les diverses raisons qui incitent et encouragent les populations estudiantines à apprendre le français ; 
  • Illustrer les valeurs économiques, sociales, éducatives, identitaires et culturelles du français dans deux cas distincts : pays francophone (Madagascar) et pays non francophone (Autriche). 

  • MATÉRIEL ET MÉTHODES

  • Exposé historique de la langue française

Le français appartient à la famille des langues gallo-romanes. D’après les recherches historiographiques, les origines de la langue française remontent vers l’an 850 après Jésus-Christ, vers l’époque carolingienne. L’histoire nous apprend que deux souverains se sont entendus pour livrer combat à leur frère aîné – le roi Lothaire – qui, dans son appétit de pouvoir, ne voulut pas partager la couronne. Cette guerre de succession a eu lieu entre les trois fils de Charlemagne.  Pour confirmer le pacte de fraternité entre les deux royaumes, des serments solennels ont été proclamés. Charles le Chauve a énoncé sa déclaration en langue germanique pour être compris du peuple germain tandis que  Louis a fait la sienne dans l’idiome occitan. Cet évènement, connu sous le terme de « serments de Strasbourg » restera dans les Annales de l’histoire linguistique de l’Europe. En effet, ce sont les plus anciens manuscrits traduits en deux langues. En 842, la date des serments est considérée comme celle de la naissance de la langue française.  

  • La démarche méthodologique

– Travaux bibliographiques 

La consultation d’ouvrages et d’études antérieures relatives à la langue française constitue une étape obligée afin de mieux cerner le sujet de recherche. Nous n’avons eu aucune peine à réunir des données intéressantes, vu que le débat sur le rôle du français dans le système scolaire suscite un foisonnement de discours et de réflexions ; en outre, les diverses manifestations de la francophonie attirent perpétuellement l’attention de la communauté internationale. 

La bibliographie s’étend alors sur une étonnante variété de collections : articles de revues spécialisées comme Hérodote ou Revue internationale de l’éducation de Sèvres ; publications statistiques de Wikipédia, de l’Eurostat et de l’Organisation internationale de la francophonie ; études régionales en Afrique, en Bulgarie ou au Canada ; mémoires en ligne sur le bilinguisme ou livrant une approche sociologique de l’enseignement du français ; ateliers et colloques internationales… De cette cacophonie littéraire, nous tirons la preuve que le français revêt un statut tout à fait particulier et c’est avec un visible intérêt que nous avons formulé nos axes d’analyse sur le sujet. 

– Outils conceptuels : 

Pour évaluer le rôle mondial de la langue française, notre méthodologie s’est reposée sur une série d’indicateurs ad hoc, validés unanimement par les lexicologues. Notre système d’estimation s’articule autour de six critères : 

  • le nombre de locuteurs ayant en commun la langue française ; 
  • l’entropie, qui renvoie à la dispersion territoriale des populations francophones ;
  • le statut officiel  du français dans les autres pays ;  
  • la densité collégiale et lycéenne, c’est-à dire le nombre d’élèves qui suivent des cours de Français langue seconde (FLS) ou français langue étrangère (FLE) ;
  • le statut de la langue au sein de l’Union européenne ;
  • l’utilisation de la langue dans les grandes organisations internationales.  

Ces critères d’appréciation sont notablement répétés dans les travaux sur les langues internationales, d’où leur usage à bon escient à des fins de catégorisation. Le nombre d’usagers est un grand classique ; il fournit une preuve indiscutable du succès universel de la langue. Cela dit, plusieurs linguistes critiquent le dénombrement des locuteurs comme une information lacunaire ou trompeuse. Comme il sera détaillé plus loin, la croissance démographique du pays d’origine risque de fausser cette estimation. Il serait plus intéressant de quantifier le public extraterritorial. D’autres critères de classement doivent être retenus, comme le nombre de locuteurs natifs, l’obtention d’un statut officiel, les différentes fonctions d’usage et l’interférence dans le système éducatif et du travail. 

Depuis peu, l’évaluation du poids relatif d’une langue a fait l’objet d’améliorations significatives par suite des travaux de Louis Jean Calvet. C’est un brillant professeur de lexicologie à l’université de Provence. On lui attribue l’honneur d’avoir inventé un baromètre des langues en introduisant sept autres critères de calcul : 

  • le nombre des prix Nobel de littérature décernés à la langue ; 
  • l’indice de développement humain des pays où la langue est principalement parlée ;
  • le taux de fécondité ;
  • la fréquence d’utilisation de l’internet ;
  • le volume d’articles sur Wikipédia ;
  • le trafic de traduction généré en tant que langue source ; 
  • le trafic obtenu en tant que langue de traduction cible. 

Il convient de préciser que ces critères n’ont pas été considérés dans toute leur ampleur dans la présente étude. Si pertinents soient-ils, ils mesurent plutôt le poids d’une langue dans ses aspects multisectoriels, tandis que l’intérêt de l’étude se limite à une vue descriptive de la galaxie francophone. Notre mémoire rend compte de l’hétérogénéité des paysages linguistiques dans lesquels les individus sont amenés à l’étude ou à l’usage quotidien de la langue française. 

– Vue d’ensemble sur l’usage et la pratique du français 

Dans la présente étude, nous ne prétendons pas fournir des estimations exactes sur le nombre de locuteurs francophones ni sur l’effectif des apprenants du français, en laissant cette tâche aux économistes. Si de telles informations s’y retrouvent, c’est pour permettre de dégager une vue d’ensemble de la situation du français, c’est-à-dire, lire et comprendre la carte géolinguistique où s’insère le français en tant que langue vivante internationale. La base de données utilisée pour le recensement des populations européennes francophones est tirée de l’Eurostat. Quant aux populations d’Afrique, d’Asie et du Moyen-Orient, leur estimation est puisée dans les rapports annuels de l’OIF. 

– Approche comparative 

L’anglais est la langue rivale dont la France entend limiter à tout prix la marche en promouvant la francophonie. Au lieu que l’anglais s’impose comme une langue utilitaire et populaire, le français se veut une langue d’élite, unique par sa richesse sémantique, sa rigueur syntaxique et son élégance naturelle. C’est dans ce sens que le président de l’Académie française s’est adressé aux gagnants du concours de 1998, lorsqu’il dit que nulle autre langue n’est mieux propre à traduire les pensées les plus subtiles de l’homme2. Selon lui, « le français est le langage le plus civilisé du monde »

Partant de cette idée, l’étude analyse en profondeur l’image de marque traditionnellement associée à la langue française. Pour ce faire, l’approche comparative entre les deux champions s’avère d’une nécessité primordiale. Le travail ne se borne pas à identifier « Qui parle quelle langue ? » mais amène également à réfléchir sur « quelle langue dominante dans quel espace économique ?» et « quelle habileté langagière pour les besoins de quelles populations ? » 

– Indicateurs de classement

Pour affiner les résultats, nous avons jugé utile d’évaluer le rang du français dans le catalogue des langues à statut international. Le classement mettra l’accent sur les domaines de prouesse de la langue française. 

Nous nous sommes appuyés sur une terminologie robuste pour mieux détacher le poids de la langue française à l’échelle des pays, des familles et des individus. 

  • langue maternelle : jusqu’à ce jour, les lexicologues ne s’accordent pas sur une définition de référence de la langue maternelle. Tantôt, ce terme désigne la première langue apprise, tantôt c’est la langue entendue dès la venue au monde ou celle qui est parlée ordinairement dans la cellule familiale. 
  • langue seconde : le concept de « langue seconde » reflète la situation d’un pays où le français se mêle aux usages et coutumes de la société si bien qu’elle n’est plus tout à fait une langue étrangère.  
  • langue étrangère : est qualifié de langue étrangère tout idiome qui n’a pas été acquis à la naissance sans être non plus une langue seconde. 
  • langue de travail : désigne une langue fréquemment usitée dans le milieu professionnel. 
  • RÉSULTATS

  • L’usage du français dans le monde d’alors et d’aujourd’hui 

  • Les causes historiques du succès de la langue française

Jusqu’au milieu du xixe siècle, le français était la maîtresse du langage ; la politique expansionniste de Louis XIV y est sans doute pour quelque chose, mais aussi l’épanouissement des arts, des lettres et des sciences durant le xviiie siècle a participé à cette influence linguistique. 

D’où vient alors que la langue de Molière a pu être supplantée par l’anglais ? Pour réfléchir sur la place actuelle du français, il faut replacer le débat dans un dimensionnement temporel et géographique. Jetons un clin d’œil à l’histoire pour expliquer les origines du succès retentissant de la langue française. 

  • Tout démarre à la Renaissance

C’est durant la Renaissance, considérée comme l’âge d’or de la France, que la langue française a connu un véritable essor. Le roi soleil a invité les peintres, les philosophes et les écrivains à séjourner à la cour. Il a commandé une série d’œuvres d’art importantes qui exaltent le personnage du roi et témoignent du faste et de la grandeur de l’empire. Des auteurs notoires comme Racine, Boileau et Voltaire ont été nommés au poste d’historiographes du roi ; ils ont pour mission d’écrire des annales sur la vie des monarques : la nourriture de la table, l’architecture des châteaux, la vie joyeuse et insouciante des courtisans, mais aussi les stratégies militaires. 

Les rois successifs de France se sont conformés à cette politique de Louis XIV qui met l’art et la culture au service de la politique. Il suffit de se remémorer des toiles de Louis David, qui montrent un portrait équestre de Bonaparte, ou l’imposante colonne Vendôme qui immortalise les épisodes de la guerre d’Austerlitz. 

  • Une langue nourrie par les écrits littéraires

La littérature était pareillement considérée comme un accessoire du pouvoir royal. Le xixe siècle a vu une France entourée d’hommes et de femmes de lettres qui brillent par leur talent. Quelques-uns dispersent des idées libérales et révolutionnaires qui secouent l’Europe entière, à l’instar de Georges Sand ou de Jean-Jacques Rousseau ; d’autres partent à l’étranger et relatent leurs récits de voyage dans des écrits passionnés ; d’autres encore livrent d’émouvantes confessions sur l’histoire de leur siècle, comme le célèbre Châteaubriand. Tous ces auteurs vont contribuer à la diffusion spectaculaire de la langue française. 

Grâce aux génies de la plume, un tableau relativement riche et captivant de la société française est transmis à la postérité. Or, de l’intérêt pour une langue à l’intérêt pour un pays, il n’y a qu’un pas que les peuples n’hésitent pas à franchir. La France l’a très vite compris, et elle s’est ingéniée à ressusciter son brillant passé historique à travers les artifices du langage. 

  • Le français, une langue coloniale

La seconde moitié du xixe siècle est marquée par la mise en œuvre d’initiatives de conquête en direction de l’Afrique et du Nouveau-Monde qui allaient donner une nouvelle impulsion à la langue française. Les États européens estiment que les ressources nationales étant insuffisantes pour soutenir les besoins d’une économie industrielle, il faut partir à la recherche de nouvelles terres productives et fertiles.  En appliquant la loi du plus fort, la France a annexé de larges portions de territoires en Afrique, en Asie et dans l’Océan Indien. 

La dictature économique s’est accompagnée d’une aliénation de la langue locale. Le français a écrasé l’idiome des peuples indigènes, puisque dans la plupart des pays colonisés, la scolarité doit suivre le régime linguistique de la métropole. Dans les centres administratifs, le français était la langue de communication et de rédaction des textes officiels. Le système d’enseignement fait naître une fracture sociale en séparant les enfants des foyers riches, qui ont les moyens d’accéder à une éducation francophone, et les enfants défavorisés qui sont privés de cette chance et réduits à vivre en milieu rural. 

Plus tard, les descendants des colons se sont installés sur les territoires conquis, trop heureux d’une agriculture rentable en exploitant une main d’œuvre à bas coût. Ils sont devenus des potentats locaux et légitiment leur position par des projets sociaux qui visent à équiper les villes  stratégiques. C’est de cette façon que le français a envahi l’Afrique et s’est rapidement répandu en Asie et dans les petites îles de l’Océanie. 

  • Le français dans la société mondialisée d’aujourd’hui

À partir du xxe siècle, la puissance économique des Etats-Unis a changé la donne : l’anglais progresse à une allure prodigieusement accélérée ; les produits du cinéma et du spectacle américain ne cessent d’enflammer la foule, tandis que l’ouverture aux échanges mondialisés accentue la tendance vers l’unilinguisme anglophone. 

L’affaire est d’ores et déjà tranchée ! Entendons-nous bien : il n’est point question de discuter de l’ordre de priorité d’une langue sur une autre, mais d’analyser le statut véritable de la langue française.  

  • Combien d’habitants de la planète parlent le français ? 

  • En 2010

Bien qu’il existe plus de 6 000 langages, les hommes recourent à une langue plutôt qu’à une autre dans leur échange verbal, si bien que les langues n’ont pas le même public et ne sont pas parlées avec la même fréquence. Le mode de classement d’après le nombre de locuteurs est donc une première approche pour répondre aux objectifs de l’étude. 

Le Tableau 1 donne un aperçu du nombre de locuteurs pour chaque langue. 

Tableau 1 : Classement des langues d’après le nombre total de locuteurs 

Rang Langue Nombre de locuteurs maîtrisant la langue % par rapport à la population mondiale
1 Mandarin 1 200 000 000 13,33
2 Anglais 1 080 000 000 12
3 Hindi 725 000 000 8,05
4 Français 520 000 000 5,77
5 Espagnol 389 000 000 2,72
6 Russe 275 000 000 4,32
7 Arabe 259 000 000 2,87
8 Portugal 224 000 000 2,48

Source : Population.data.net, consulté le 10 mars 2017

Huit langues affirment leur prépondérance sur toutes les autres, en ce sens qu’elles sont parlées par plus de 25 millions d’êtres humains. Le chinois vient en tête de liste, en regroupant près de 1 200 millions de locuteurs. Les adeptes du français se comptent autour de 520 millions, ce qui le hisse au quatrième rang. Ce calcul a été fourni par population.data.net, tandis que l’OIF évalue à 220 millions le nombre de locuteurs francophones dans le monde entier. En fait, l’effectif des individus francophones souffre d’un manque de consensus dans la terminologie comme dans les méthodes d’estimation. Ainsi, la base de calcul de l’OIF intègre des populations hors de l’espace francophone mais qui savent écrire et parler en français. Il en va ainsi des 11,2 millions d’Algériens, de 0,5 million d’Israélites et des 90 000 citoyens de Val d’Aoste. 

En dépit de statistiques inexactes, on peut dire que l’usage du français ne touche qu’un public quantativement restreint au regard des autres langues.  Il est devancé par l’anglais, l’espagnol, l’arabe ou le hindi. À titre de comparaison, il convient de mentionner que les anglophones sont de … millions. 

  • En 1980

Est-ce que ces statistiques reviennent à dire que la situation du français est alarmante ? Les gens montrent-ils une propension à tourner le dos au français au profit d’une autre langue étrangère ? Nous ne saurons y répondre sans donner une estimation précise de l’effectif des francophones  dans le passé. Par conséquent, il apparaît judicieux de connaître dans quel rang le français s’est fait classer dans les années 1980. 

Tableau 2 : Classement des langues les plus parlées (1980)

Rang Pays Nombre de locuteurs Rang Pays Nombre de locuteurs
1 Chinois (mandarin…) 873 000 000 8 Bengali 144 000 000
2 Anglais 386 000 000 9 Allemand 119 000 000
3 Russe 265 000 000 10 Japonais 117 000 000
4 Espagnol 245 000 000 11 Malais-indonésien 109 000 000
5 Hindi 237 000 000 12 Français 103 000 000
6 Arabe 147 000 000 13 Ourdou (Inde, Pakistan…) 68 000 000
7 Portugais 145 000 000 14 Italien 61 000 000

Source : Auteur, Manuel de géographie (1982)

L’examen de ce tableau d’honneur appelle les constats suivants : 

  • Déjà en 1980, le record en nombre de locuteurs revient au chinois, ce qui s’explique moins par la réputation propre de cette langue que par l’accroissement démographique de la Chine ;  
  • L’arabe a supplanté l’anglais, alors qu’en 1980, c’était encore la deuxième langue la plus courante ;  
  • Fait étonnant, le français a progressé sensiblement dans le tableau d’honneur des langues ; l’année 2010 a vu doubler le nombre des usagers de la langue française qui est passée du 12e au 5e rang, par rapport à l’année de référence 1980. 
  • Il y a lieu de noter le déclin de l’allemand, de l’italien et du russe qui font pâle figure dans le classement de 2010 bien qu’ils demeurent les langues officielles de l’Union Européenne. 

D’un point de vue numérique, l’idée que le français n’a plus qu’une valeur internationale modeste peut être avancée. La culture francophone ne concerne que 2,74 % des 10 milliards d’habitants de la planète ; ce chiffre est presque dérisoire comparé à celui de l’arabe ou du mandarin qui sont parlés par % et % de la population mondiale. 

  • Combien de pays déclarent le français comme une langue officielle ? 

Toutefois, la dimension planétaire du français ne se mesure pas qu’à l’aune du nombre d’interlocuteurs. Les experts en didactique des langues sont d’avis d’examiner le nombre de pays dans lequel la langue bénéficie d’un statut officiel. Le Tableau 3 révèle un catalogue des langues juridiquement reconnues dans plusieurs États.  

Tableau 3: Liste des langues officielles dans plusieurs pays

Langue Famille

Linguistique

Nombre de pays

où la langue est officielle

Rang
Anglais Indo-européenne germanique 57 1er
Français Indo-européenne, romane 36 2e
Arabe Sémitique 26 3e
Espagnol Ibéro-romane 21 4e
Portugais Indo-européenne, romane 10 5e 
Allemand Indo-européenne, germanique  8 6e
Italien Indo-européenne, romane 7 7e
Russe Indo-européenne, slave orientale 4 8e

Source : http://fr.wikipedia.org, liste des langues officielles 

D’après ce tableau, le critère de langue officielle réhabilite la place de distinction de l’anglais et du français, en se traduisant par un déclassement de l’arabe (3e rang) et une exclusion du mandarin. Bien que le français soit numériquement minoritaire, ce sous-effectif est compensé par la juridicisation de la langue dans une trentaine d’États. Dans ces derniers, les gouvernements reconnaissent la pratique formelle du français en stipulant dans leur constitution que c’est une langue principale de l’État. 

Il y a 57 pays qui élèvent l’anglais au rang de parler officiel. Le français en compte 36, contre 21 pays pour l’espagnol et 26 pour l’arabe. Pour la France, les pays qui partagent officiellement son langage se situent en Afrique subsaharienne : Congo, République démocratique du Congo, Bénin, Mali, etc. L’époque coloniale a façonné un modèle linguistique dont les indigènes peinent à se défaire, même s’ils ont beau obtenir l’affranchissement politique. 

Pour une poignée de pays occidentaux, le choix du français s’explique par des liens historiques ou par le souci de développer des relations diplomatiques vis-à-vis de la France. Tel est le choix du royaume de Monaco qui a été pendant longtemps une possession française. Quelques pays adoptent un principe de neutralité linguistique et instituent le français à côté de deux ou trois autres langues officielles : la Suisse, le Luxembourg et la Belgique font partie de ces groupes territoriaux où le français est une langue statutaire. 

Il est donc clair que ce nouveau classement est plus conforme aux idées courantes qui mettent l’English au premier rang, le French au second et priorisent ensuite les autres langues européennes. Il relativise surtout le poids du chinois et de l’arabe. Bien que ces deux langues accaparent un nombre substantiel de locuteurs, ils ne prévalent pas en dehors du public autochtone. Seuls l’anglais, le français et, dans une moindre mesure, l’espagnol possèdent une envergure transfrontalière. 

  • Densité francophone dans les pays où le français est un idiome officiel

Cela dit, essayons maintenant d’identifier ces entités territoriales qui accordent un statut particulier à la langue de Molière. 

La Figure 1 ci-dessous présente une répartition géographique de la foule francophone dans les pays officiellement francisés. À première vue, on en tire que le français est répandu sur tous les cinq continents. Toutefois, un examen attentif permet de relever que le niveau de maîtrise langagière varie extrêmement d’un territoire à l’autre. À Jersey, une île anglo-normande dépendante du Royaume-Uni, le français est officiel mais il est parlé par moins de 5 % des habitants ; à l’opposé, c’est la langue couramment utilisée dans la principauté de Monaco. 

Qui sont ces pays défenseurs de la langue française ? Il y a lieu de distinguer quatre groupes linguistiques : les pays abritant une vaste majorité de francophones natifs ; les pays adoptant un multilinguisme affirmé où le français est la première ou deuxième langue étrangère ; les pays où la connaissance du français est l’apanage d’une minorité de gens considérés comme des élites locales ; les pays où le français a été admis en considération des différences ethnoculturelles. 

  • Les pays à forte proportion de francophones natifs

Le premier est constitué de pays où le français est la langue maternelle des résidents. Est appelée « langue maternelle » la langue entendue dès la naissance, intériorisée dans le cadre familial, et par laquelle l’enfant s’est fait transmettre les éléments d’éducation et identitaires. S’y trouvent évidemment l’Hexagone, avec 97% de francophones natifs, mais aussi la Belgique, le Luxembourg ou l’Italie du Val d’Aoste. 

Ces pays partagent un long passé historique avec la France : durant le Moyen Âge, les bruxellois et les luxembourgeois étaient rattachés au royaume franc ; au lendemain de l’indépendance (1830), les querelles linguistiques se sont avivées. Les autorités belges ont institué le français comme langue d’éducation scolaire ; le flamand a été longtemps méconnu et n’a acquis droit de cité que soixante ans plus tard (1898). 

À propos du Val d’Aoste, le trafic maritime sur les ports de la Méditerranée a laissé des liens indélébiles. Le français a été une langue de commerce pour cette région productrice d’agrumes et d’oliviers, et son usage est aujourd’hui maintenu par 60% des villageois

À l’autre bout du monde, le Canada compte un pourcentage remarquable de francophones de naissance : 29 % dans l’ensemble du pays et 93 % dans l’État de Québec. Envahi d’abord par les français, puis laissé entre les mains de l’Angleterre en vertu du traité de Paris de 1763, le Canada est une terre d’immigration marquée par le bilinguisme. Les souvenirs de l’occupation française se retrouvent dans de nombreux noms de lieux et de cours d’eau, de  la Nouvelle-Orléans au Saint-Laurent en passant par Détroit, et surtout dans l’attachement obstiné des habitants de la province canadienne de Québec à la langue française léguée par leurs ancêtres. 

Dans ce groupe figurent enfin quelques territoires rattachés à la France d’Outre-mer : Guadeloupe, Saint-Martin, la Martinique, la Réunion… Il s’agit d’anciennes colonies qui sont restées sous domination métropolitaine. Face à la montée fulgurante de l’anglais, la présence de ces solides forteresses de la francophonie est un réconfort. 

  • Les pays officiellement plurilingues

L’exclusivité de la langue française dans le champ visuel et sonore de la communication permet de construire des typologies élégantes et très révélatrices du choix stratégique d’un pays vis-à-vis de la francophonie. Quelques États ont joué la carte de la diversité. Ils admettent volontiers le français en lui attribuant la même valeur statutaire que les autres langues étrangères. 

La Suisse, qui est francophone à 66% et priorise en même temps l’allemand, l’italien et le romanche, appartient d’emblée à cette catégorie. On peut citer également l’île des Seychelles, l’île Maurice, le Sénégal, le Cameroun, la Guinée équatoriale, le Djibouti et la monarchie de Monaco. Les traits distinctifs de ce groupe sont à rechercher dans la maîtrise étendue de la langue française, d’une part, et l’utilisation concomitante d’autres langues à caractère mondial, d’autre part. À la différence du premier groupe, ils n’abritent pas des francophones de naissance mais des locuteurs en langue seconde : cas du Cameroun. 

La mise en concurrence des langues est un choix perspicace, en empêchant que l’utilisation exclusive du français n’occasionne une dépendance économique vis-à-vis de l’Hexagone, comme, par exemple, l’attirance pour les produits fabriqués en France ou la fuite intellectuelle vers les firmes françaises au lieu de servir les industries locales. La Suisse, par exemple, défend le français avec ferveur non sans « permettre à ses citoyens de vivre dans une autre langue maternelle ayant un statut de langue officielle »

  • Les pays officiellement mais minoritairement francophones 

Le troisième groupe est composé de pays où le caractère institutionnel du français contraste nettement avec la faible densité de locuteurs francophones. Ce sont le plus souvent les pays du Tiers-Monde : peu alphabétisés, les gens n’arrivent pas à ancrer la culture francophone de façon orale et manuscrite. De ce fait, cette région enregistre le plus bas pourcentage de populations capables d’écrire et de converser en français à l’échelle d’un pays. 

Ainsi, à Madagascar, le français tient une place de choix dans les communiqués officiels et administratifs ; pourtant, un peu plus de 20 % des malgaches seulement comprennent le français écrit. À Rwanda, le taux de francophonie est de 5,6 % contre 12,7 % au Niger. Il est frappant de constater que ces états à minorité francophone se rassemblent dans la géographie de la faim et de la malnutrition. Pour ces pays, il est permis de penser que l’appartenance francophone a été imposée par la force des choses plutôt qu’une initiative volontariste des gouvernements. 

Soucieuse de développer des relations extérieures durables avec la métropole, l’administration a institué la pratique du français. Or, l’offre de formation en langues étrangères est inexistante, ou, si elle existe, la qualité des prestations n’est pas au rendez-vous. Ce cas est amplement rapporté dans la littérature. Dans son étude sur le bilinguisme au Cameroun, E.E. Camille a exposé les sentiments de frustration causés par les barrières linguistiques. Après le départ des colons britanniques, la vulgarisation du français n’a pas été pensée dans une optique d’aménagement et d’équité territoriale. Les Grandes Écoles sont concentrées uniquement autour des pôles de production. La sélection des élèves se base sur un équilibre numérique entre les provinces, ce qui favorise « une culture de la médiocrité »5. Les anglophones de la localité d’Yaoundé ont été mis en situation d’exclusion sociale. « Dans la communauté francophone, les segments d’élites produisent représentations collectives et discours normés sur le social pour asseoir les bases d’une domination structurelle et progressive. »5

Pour l’Afrique Subsaharienne, l’acquisition d’un bon niveau d’expression en français nécessite d’être étendue à toutes les couches sociales. C’est à cette condition que la langue française pourrait devenir « un outil intellectuel propice au développement du peuple noir et africain », selon le vœu de Léopold Senghor. Si cet objectif se concrétise, la francophonie pourra démanteler les rapports de pouvoir à l’origine des disparités sociales et des luttes de classe, et le partage de la même langue sera favorable au bonheur du plus grand nombre en faisant reluire les valeurs et les civilisations africaines. Les politiques qui œuvrent au progrès de l’enseignement de base, assurent la gratuité des services d’éducation et de formation en français langue seconde et financent l’ouverture d’écoles d’expression française en milieu rural offrent un formidable potentiel. 

  • Les pays francophones à composante cosmopolite

Certains pays, ou plutôt des entités territoriales non autonomes, ne comptent qu’une centaine d’individus francophones : Jersey, Val d’Aoste… Le gouvernement de ces territoires a pris soin de reconnaître le statut officiel du français, bien que ses locuteurs soient négligeables sur le plan statistique. Il est respectueux de la diversité historique, linguistique et culturelle des citoyens. 

Au fil des siècles, le français n’a cessé de subir des transformations lexicales et syntaxiques. Il se décline en différentes formes : français créole, français acadien,  français, français… À force de vouloir contrôler les pays, la France ne craindra-t-elle pas de se voir aliéner son parler et sa culture ? Ou bien les français ont-ils adopté la maxime : « c’est par notre langue que nous existons dans les autres pays. Elle est l’ambassadeur de nos propres valeurs, en portant le cachet de notre sagesse et de notre civilisation » ? 

La distribution des locuteurs du français sur les quatre coins du globe témoigne de son rôle crucial dans l’organisation géopolitique mondiale. Maintenant, nous allons voir que si le français domine par la répartition territoriale de ses adeptes, son hégémonie se confirme mieux dans le secteur éducatif. 

  • Le français en tant que langue de scolarité et langue de travail

La section suivante aborde la situation mondiale de la langue française sous l’angle de la question scolaire et du cursus professionnel. Il est intéressant de savoir si le français est représenté, dans des proportions respectables, dans le contenu des offres de formation linguistique. Nous tâcherons d’explorer les tendances qui se dégagent des statistiques entre pays et entre années de distance. 

  • Combien y a-t-il d’étudiants en français langue étrangère ou seconde ? 
  • Quelles sont les principales motivations qui poussent à l’apprentissage du français ? 
  • Dans quels pays l’enseignement du français a perdu le plus de points et dans quels autres on observe un record d’effectifs ? 

Nous dédierons toute notre réflexion à ces questions afin de mettre la lumière sur la valeur didactique de la langue française. Noble, limpide et élégant, le français a tout pour plaire aux hommes d’esprit ; nous démontrerons dans cette section que le succès scolaire de la langue française est inséparable de son image de prestige et de sa dimension culturelle.  

  • Le français, une des langues enseignées mondialement 

Le français n’est pas seulement un héritage linguistique dont plusieurs millions de gens se réclament, il revêt aussi un rôle de premier plan dans le volet de l’éducation et de la formation professionnelle. En effet, le français est le linga franca des écoles dans de nombreuses régions du monde. En Belgique, en Suisse et au Québec, c’est en français que les élèves reçoivent les cours et les exercices. Chez les étudiants anglophones, le français n’est pas la langue d’enseignement ; toutefois, il détient le premier rang par l’importance de ses apprenants à titre de première langue étrangère. L’Afrique est le plus important bastion d’élèves francophones, comme le montre la Carte 1 suivante. Elle conforte une fois de plus la présence planétaire de la langue française qui trouve, sur tous les continents, des candidats à son apprentissage. 

En même temps, la carte informe sur l’inégale répartition des étudiants francophones à travers le monde. En Europe, 16,1 millions d’élèves souhaitent maîtriser le français. En règle générale, le français jouit d’une excellente réputation dans les écoles occidentales mais il pâtit de la concurrence des langues étrangères. 

Ils sont de 1,9 million en Afrique du Nord et au Moyen-Orient, ce qui laisse penser que les jeunes arabes négligent l’étude de la langue française. 

Le taux d’apprentissage atteint un record en Afrique Subsaharienne et en Océan Indien : évalué à 54,5 millions, le chiffre est encore appelé à croître selon les prévisions de l’OIF. 

On recense 3,8 millions d’étudiants en français en Amérique et Caraïbes contre 0,092 million seulement en Asie et aux petites îles de l’Océanie. Il semble que la langue française est en position de minorité dans ces régions qui rentrent davantage dans la zone hispanophone (Argentine, Cuba, Colombie, Panama, Mexique, Bolivie, Venezuela…), sinophone (Chine, Singapour…) ou russophone (Russie, Kazakhstan, Kirghizistan…), à l’exception des départements d’outre-mer. 

Carte 1 : Cartographie mondiale de l’enseignement de la langue française

Source : OIF, 2014

  • La place du français en Afrique et dans l’Océan Indien 

La plupart des étudiants africains prennent conscience à quel point il est capital de maîtriser la langue de Molière pour consolider leur destin professionnel. Pour l’immense majorité des écoliers en Afrique, le contact avec la langue française intervient dès les premières années de classe. Toutefois, les visages de la francophonie scolaire ne sont pas les mêmes au sein de la région africaine. Chaque pays possède ses particularismes linguistiques malgré l’hégémonie relative de la langue française. 

À la Réunion et aux Comores, c’est la langue d’instruction et de transmission des compétences didactiques. C’est par elle que les enfants apprennent à compter et à faire leurs tables de multiplication. La langue autochtone se limite aux élèves des petites sections, ou utilisée accessoirement comme soutien pédagogique

Au Maroc, l’usage du français reflète l’image et les fonctions culturelles que lui attribue la population. L’arabe est la langue quotidienne, présente dans les médias et les offices religieux ; le tamazight et le tachelhit sont utilisés dans les tribus berbères. Le français est vu comme l’idiome de la bourgeoisie et des gens de haut standing. À l’université, la plupart des modules sont dispensés en français et les écoles marocaines sont nombreuses à envoyer les étudiants les plus méritants dans les universités partenaires en France. La confrérie marocaine Ainsi, les foyers marocains voient d’un bon œil l’immersion francophone de leurs enfants, perçue comme un bon départ dans la vie professionnelle. 

Néanmoins, la politique éducative peut décider de valoriser les langues nationales. Aussi l’arabe se voit-t-il attribuer une place importante dans l’univers religieux. Dans les sociétés coraniques, comme au Maroc ou aux Comores, l’arabe classique est enseigné à partir du cycle primaire jusqu’en terminale et entre comme matière d’examen au baccalauréat. 

Que le français soit si prisé et enseigné dans ces pays n’a rien qui doive surprendre, étant donné leur passé francophone. Plus surprenant, le rôle scolaire de la langue française se vérifie dans les territoires où elle n’est ni une langue maternelle ni une langue courante. 

En Égypte, on assiste à un regain d’intérêt pour l’apprentissage du français. Jusqu’au début du xxe siècle, les égyptiens utilisaient ce langage dans la vie courante. Ensuite, les changements institutionnels ont fait chuter la popularité du français en 1920. Aujourd’hui, le gouvernement perçoit la fonction utilitaire de cette langue pour les populations. En effet, même si l’anglais domine de façon constante, le français reste un idiome incontournable dans l’administration, les professions commerciales et les cercles intellectuels. L’Égypte met en avant des collèges bilingues qui enseignent le français. Les apprenants de la langue de Molière totalisent 8 millions en 2013, dont 2 millions répartis dans des établissements universitaires francophones : c’est un effectif remarquable dans le continent africain.  

  • Importance et crédit de la langue française en Afrique

Le sondage d’opinion d’Africascope mené en 2008 prouve que le français a une valeur d’expression identitaire chez les sociétés africaines. L’étude couvre 13 pays d’Afrique subsaharienne et les citadins instruits ont été ciblés, le but étant de mesurer le crédit qu’ils accordent à la francophonie. 

  • Un atout de respectabilité sociale

Les résultats ont été sans appel : pour les africains, être francophone donne une source d’estime et de fierté. À Libreville (77%), à Douala (82%), à Dakar (68%) et à Abidjan (88%), un bon niveau en français est reconnu comme un atout en soi, tant d’un point de vue professionnel que sur le plan privé. L’africain francophone se valorise à ses propres yeux et gagne en même temps le respect de l’entourage. À Nouakchott, capitale de Mauritanie,  et à Bamako de Mali, plus de la moitié des répondants partagent également cet avis.  

  • Un préalable pour trouver un emploi

Être francophone est jugé comme une des conditions de l’insertion professionnelle. C’est le second message révélé par l’enquête d’Africascope. Dans tous les pays étudiés, la maîtrise irréprochable du français est un préalable pour dénicher un emploi. À Cotonou, un centre d’affaires de Bénin, la proportion de gens soutenant cette idée atteint 97 %. Dans les autres villes, comme Kinshasa, Dakar ou Conakry, l’importance de la langue française pour éviter le chômage est reconnue par plus de 88% des répondants. La région de Douala affiche un taux beaucoup plus faible (42 %), de même que les villes tunisiennes (66 %). La situation linguistique de Douala est caractérisée par l’usage concomitant de l’anglais et du français, ce qui limite le rayonnement de la culture francophone. 

  • Essentiel pour faire des études supérieures

Le français rend aussi service aux citoyens africains désireux de poursuivre une formation universitaire. En effet, les filières francophones sont majoritaires dans les centres d’enseignement. Cela dit, le même sondage rapporte que l’influence du français est plus intense dans la recherche de travail que dans la réalisation d’études supérieures.  Dans les agglomérations de Cotonou, de Niamey et de Brazzaville, la pratique du français est jugée indispensable par plus de 88 % des sujets enquêtés.  Le taux culmine à 91% pour Congo et un peu au-dessous de 90 % dans les États de Tchad, de Gabon et de Mali. Excepté ces régions, l’anglais est qualifié de « langue indispensable », dans un score minimum de 66 %, pour réussir son parcours universitaire. 

  • Faible opportunité salariale

Ainsi, même au sein de la galaxie francophone, les étudiants ont conscience de l’ultime intérêt d’apprendre l’anglais pour bâtir un plan de carrière solide. Pour eux, le français est bel et bien une langue de première importance, mais qui n’offre pas une sécurité optimale pour s’accomplir professionnellement. Que l’aisance communicationnelle en français serve davantage pour la chasse à l’emploi que pour les ambitions universitaires, ce résultat pourrait être interprété de diverses façons. 

Sans doute, l’on peut avancer que le chômage est une crise sociale persistante dans les pays du Tiers-Monde. Les actifs trouvent alors dans la maîtrise du français un refuge efficace contre le chômage.  Selon nous, cette hypothèse n’est pas la bonne. Il est plus correct de dire que le travail est garanti à toutes personnes attestant d’un niveau d’éducation suffisant pour parler en bon français.  Ainsi, le français est un ticket d’entrée dans le monde du travail, mais sans plus. Il ne garantit ni l’accès à un meilleur traitement salarial ni l’ascension du statut hiérarchique en retour des différences de qualification. 

  • Position froide à propos de l’identité francophone

Plus loin, nous explorerons en détail l’effet du choix linguistique sur les écarts de salaire et de revenu. Mais si l’on regarde le sentiment d’appartenance à la francophonie, les résultats ne sont pas très flatteurs ; peu d’enquêtés manifestent une attitude affective vis-à-vis de la langue française. Ils ne contestent pas l’utilité du français, mais n’entrevoient pas les bénéfices en termes de bien-être économique et social. Ils souhaitent que le rôle de la francophonie soit renforcé dans le domaine éducatif et de la formation. 

  • Image associée à la langue française

Nous le savons maintenant : la langue française jouit d’un crédit considérable dans les villes et métropoles de l’Afrique Subsaharienne. Sa maîtrise est cruciale pour trouver du travail, pour faire  une démarche administrative ou poursuivre un cursus universitaire. Il est inconcevable, pour un bamakois, un tchadien ou un malien, de participer pleinement à la vie sociale et  culturelle de son pays, sans être un francophone. C’est au cœur de ces enjeux d’intégration citoyenne qu’on doit placer l’enseignement du français. 

Dans la partie qui suit, l’idée que les locuteurs francophones ou non francophones se font du français sera mise en exergue. Quelle image symbolique est généralement attribuée à la langue française ? Comment les francophones d’Afrique conçoivent la place du français par rapport à l’anglais ? Quelles connotations, positives ou négatives, s’imposent dans leur esprit lorsqu’on y fait allusion ? Il n’est pas anodin ou superflu d’approfondir ces questions, pour peu qu’on veuille comprendre les comportements linguistiques des populations, notamment l’usage auquel ils consacrent la langue française. 

La Figure 2 ci-après nous éclaire sur ce sujet : elle donne un aperçu des opinions communément partagés sur l’anglais et le français.  

L’analyse a recueilli les propositions des locuteurs francophones, à qui il a été demandé de classer les langues sur un certain nombre de critères de valeur. L’avis des répondants a été noté sur une échelle métrique : -2, lorsqu’ils repoussent carrément l’image appliquée à la langue ; +2, lorsqu’ils sont entièrement d’accord avec le critère. Le score 0 signifie que le répondant n’a aucune opinion sur le sujet. L’échantillon d’étude est pris dans les publics lycéens de Bamako. 

Figure 2: Différence de perception entre le français et l’anglais

Source : Auteur, données de l’OIF, 2017

À propos de l’anglais, l’idée couramment véhiculée est celle de « langue américaine ». Dans l’imaginaire des jeunes africains, l’anglais est un symbole de l’américanisme, c’est-à-dire  modernité, snobisme, pragmatisme. Parler en anglais est donc pour eux une façon d’être en phase avec leur époque, d’extérioriser leur jeunesse et leur ardeur de vivre. 

L’autre image qui revient sans cesse est « langue dominante », « langue d’audience internationale ». Image flatteuse, qui ne date pas d’hier et qui est liée à la supériorité économique des États-Unis. Il faut dire que l’anglais règne sans partage dans le secteur audiovisuel : films, musiques, bandes dessinées et autres productions culturelles. Les artistes et chanteurs américains rencontrent un succès triomphal auprès des générations entières. Rien d’étonnant alors si l’idée de langue dominante est unanimement approuvée. 

L’anglais est une langue que les lycéens prennent plaisir à parler. L’anglais, en tant que langue facile, langue plaisante, progresse parmi les jeunes générations. Il est donc constaté que l’anglais jouit d’une image sociale et culturelle avantageuse auprès de la jeunesse francophone. Qu’en est-il du français ? 

Au vu des notes affectées par les bamakois, l’association entre « français » et « France » obtient un assentiment général. La note est de l’ordre de 1,65, ce qui dénote que la langue française est assimilée au patrimoine historique et culturel de la France. 

Le français est également associé aux hommes et aux femmes de lettre. Cette idée rejoint la périphrase habituelle qui surnomme le français «  langue de Molière ». Le critère de langue littéraire a affiché une note de 1,2. Les bamakois estiment que c’est une langue noble, délicieuse et raffinée ; mais il y a une autre interprétation : le français est réservé à un public cultivé et non au commun des mortels. 

Par rapport à l’anglais, le français renvoie une image négative, peu sympathique et impopulaire. Le français est associé à « l’école », aux « francophones » et au « colonisateur ». Le classement des opinions attribue une note de 1,12 au critère « coloniale », ce qui exprime un sentiment de fardeau, de contrainte ou de sujétion intellectuelle. 

Les lycéens de Bamako n’apprennent pas le français de leur propre gré. Sans doute, ils maîtrisent le français parce que c’est la langue adoptée par le système scolaire. Ils s’inclinent devant l’éclat et la dignité incontestable de cette langue, en tant que langage de la raison, de l’érudition ainsi que des réalisations intellectuelles. Ils considèrent aussi que le français est une langue de la littérature par excellence – n’a-t-elle pas engendré les grands noms de la poésie et de la littérature mondiale ? Cela dit, les bamakois n’oublient pas que c’est une langue importée de France, un instrument de la politique coloniale qui a porté un coup dur à leur pays. Les révoltes et les rancœurs nationalistes restent tenaces, étouffant tout élan de solidarité envers la francophonie. 

Toutefois, le souvenir de la domination coloniale, lorsqu’on parle du français, n’est pas forcément une mauvaise chose. Cela pourrait être un stimulant pour un éveil de la combativité et de la pugnacité africaine, le but étant de trouver dans l’habileté langagière une compétitivité singularisante sur la scène internationale. Il s’agit de se servir de la langue française comme une arme précieuse pour s’ouvrir au monde et pour développer son employabilité locale et transnationale. 

Vu le rayonnement intellectuel et diplomatique du français, il est ahurissant que les gouvernements n’aient jamais songé à faire un saut qualitatif dans le volet de l’enseignement scolaire à travers des programmes d’aménagement linguistique. S’ils se plaignent d’être instrumentalisée par la langue française, n’ont-t-ils pas une part de responsabilité en n’ayant rien fait pour lui tenir la bride ? Comme dit le président de l’Académie française, « la grammaire est la plus belle conquête de l’homme ». Il ajoute qu’il n’est pas donné à tout un chacun de connaître l’imparfait du subjonctif. Bien maîtrisée, elle peut devenir un outil de lutte performant pour combattre la pauvreté et l’obscurantisme. L’éducation est le pilier du progrès, or, la langue est le canal par lequel passe obligatoirement tout processus éducatif. Pour l’Afrique francophone, l’heure est venue de s’atteler à la mise sur pied d’un système d’éducation rationnel, répondant aux besoins et aux priorités du développement, à commencer par une vulgarisation effective de la langue française, sans que l’héritage francophone soit tenu pour un argument pour bannir l’anglais ou les autres langues étrangères dans le système éducatif.

  • L’enseignement du français en Europe 

En Europe, le français se porte très mal. Une enquête récente a été ouverte à ce sujet, rapportée dans un article de Wikipédia. Elle s’est penchée sur l’analyse des préférences des parents concernant les compétences linguistiques des enfants. D’après les sondages, l’anglais était la première langue envisagée, en affichant un taux de préférence de 78% ; près de 21% optaient pour l’allemand, 8% des parents seulement souhaitent que leurs enfants apprennent le français. Ces statistiques sont pour le moins inquiétantes, en témoignant à quel point la langue française a perdu sa notoriété et son crédit dans la société européenne d’aujourd’hui. 

Le statut du français est fondamentalement différent lorsqu’on passe de l’Afrique vers l’Europe. Les pays du Nord sont dotés d’une forte personnalité : leur capital artistique et culturel date de plusieurs siècles et n’a pas beaucoup à envier à celui de la France. Au lieu que les États du Tiers-Monde ressemblent à de jeunes républiques fourvoyées, tiraillées entre les coutumes et la modernité, victimes d’une déperdition identitaire, les vieux pays de l’Europe apparaissent comme des pierres fermes, ayant leur propre stratégie linguistique. Même si le passé prestigieux de la France n’est pas sans susciter l’admiration des peuples voisins,   le français ne trouve plus sa place hégémonique dans les sociétés occidentales. 

L’usage que l’européen fera de la langue française dépend le plus souvent de ses origines, de ses opportunités professionnelles, de son lieu de résidence ou de sa situation de migration. Pour l’européen, le français n’est pas une matière obligatoire. Luxembourg, Belgique et la Suisse sont l’exception qui confirme cette règle : pays francophones, où le français jouit d’un statut juridique formel et enseigné à partir de l’école élémentaire. À l’heure actuelle, l’offre des établissements d’enseignement en langue étrangère connaît un plein essor. L’UE s’est fixé un objectif ambitieux de trilinguisme pour les générations futures : à part sa langue natale, le citoyen devra être à même de pratiquer deux autres langues des pays membres. L’étudiant peut privilégier le français en tant que première langue ou deuxième langue étudiée. C’est lui qui, d’un libre consentement, décide d’aller vers la langue française, même si celle-ci se glisse sournoisement dans son cadre de vie, à travers les livres, les compositions musicales ou les guides de voyage qui font l’éloge de la France. 

Ce qu’il y a de sûr, c’est que le français exerce un pouvoir d’attraction remarquable chez les étudiants européens. À quoi se ramènent les atouts d’une identité francophone ? Il y a lieu de se demander cette question, lorsqu’on voit que, derrière l’anglais, c’est encore la langue étrangère la plus prisée en Europe. Essayons d’aller un plus loin sur le sujet.  

  • Densité de l’apprentissage à différents niveaux de classe 

Le tableau ci-après nous donne l’effectif des étudiants apprenant le français sur différentes périodes. En jetant un coup d’œil sur ces statistiques, l’amélioration des taux d’apprentissage est relativement faible. Ainsi, les actions de soutien et de développement de la langue française n’ont donc pas porté leurs fruits. Dans les pays non anglophones, le français échoue à s’élever au premier rang des langues étudiées. Il en va ainsi en Allemagne ou en Autriche, où l’allemand est la langue maternelle tandis que l’anglais est la langue étrangère favorite. 

Tableau 4 : Les apprenants du français parmi la population collégienne et lycéenne de l’UE

Élèves CITE 1 Élèves CITE 2 Élèves CITE 3
2005 4,1 30,4 25,8
2006 4,6 32,2 30,8
2007 3,7 34,5 25,3
2008 13 34,6 26,8
2009 12,9 33,8 26,2
2010 12,5 33,9 23,1
2011 12,4 34,1 23,1
2012 12,6 34,5 23,8

Source : Auteur, données Eurostat

Force est de relever la variation du nombre d’apprenants suivant les niveaux d’étude. Le CITE 1 affiche le taux le plus bas : inférieur à 13%. Les élèves du cycle primaire sont assimilés à la petite enfance ; il est considéré qu’à cet âge, l’école devrait privilégier les activités d’éveil propices à l’insertion sociale de l’enfant, celui-ci n’étant pas mentalement préparé à une immersion linguistique. Une bonne nouvelle : la proportion d’élèves apprenant le français a progressé de 3 jusqu’à 13 %.dans les établissements primaires Cela s’explique par des changements survenus dans la gouvernance éducative de l’UE : le souci de favoriser l’acclimatation des élèves  aux langues étrangères ; l’exhortation à rendre obligatoire la première langue étrangère dès les débuts de l’école élémentaire. 

Pourtant, le tableau nous informe qu’après l’entrée en vigueur de cette innovation juridique, l’effectif des apprenants du français stagne toujours autour de 12%. Ceci est la preuve que le français n’est pas enseigné, dans la majorité des écoles européennes, en qualité de langue étrangère principale. Ce privilège revient fréquemment à l’anglais, qui se transforme en matière obligatoire à partir d’un âge minimum de six ans et maximum de dix ans. D’autres statistiques révèlent que le nombre d’élèves du primaire choisissant la voie anglophone a nettement augmenté entre 2005 et 2010. Il est passé de 60 à 73% de l’ensemble de la population écolière. 

  • L’apprentissage du français dès les années du cycle primaire

Le tableau 5 ci-dessous montre les pays dans lesquels le français est appris par les élèves des institutions primaires. Des indications relatives au rang du français par rapport aux autres langues enseignées et à l’âge d’introduction de la langue parmi les disciplines obligatoires de l’école complètent le tableau.   

À la lumière de ces données, on sait que le français a le vent en poupe dans le pays du Luxembourg où le taux d’apprenants atteint un record de 83,6%. Bien qu’il n’arrive qu’en seconde position derrière l’allemand, il est vigoureusement enseigné à l’école en vertu de la politique éducative qui fixe à sept ans l’âge d’apprentissage de la deuxième langue étrangère. En Islande, c’est à partir de dix ans que la deuxième langue devient une matière formelle, mais l’effectif des étudiants francophones n’est pas encore significatif. 

Le français est la première langue enseignée dans la Communauté flamande de la Belgique, en Irlande et au Royaume-Uni. Les belges commencent leur bain de langue en français, au moment où ils fréquentent l’école préscolaire. Les francophones comptent pour 31,5% des élèves de l’enseignement général. 

Au Royaume-Uni, 69,5% des élèves du cycle primaire partagent la culture francophone ; toutefois, la législation britannique n’oblige pas les étudiants à suivre un cours de langue étrangère qui reste une option facultative. 

En moyenne, l’âge auquel les enfants scolarisés en Europe apprennent une deuxième langue étrangère s’établit entre 12 et 15 ans. 

Tableau 5: L’enseignement du français dans les classes primaires

Pays Pourcentage d’apprenants Âge à partir duquel le français est obligatoire Rang du français dans les langues étrangères
Luxembourg 83,6 7 ans 2ème langue apprise
Communauté flamande de la Belgique 31,5 3 ans 1ère langue apprise
Espagne 5,4 NA 2ème langue apprise
Royaume-Uni 69,5 NA 1ère langue apprise
Irlande 2,9 NA 1ère langue apprise
Roumanie 15,7 10 ans 2ème langue apprise
Grèce 24,4 10 ans 2ème langue apprise

Source : Eurostat, 2012

  • Le taux de francophonie chez les étudiants du cycle secondaire  

Dans la plupart des États européens, le français fait son entrée dans le programme d’études au début du cycle secondaire. On ne peut que féliciter le volontarisme politique des chefs d’État, qui ont pris l’engagement de décréter l’enseignement de deux langues étrangères dès le plus jeune âge. Ils ont réalisé que les langues forment un bien commun, un capital intellectuel sans équivalent pour les populations, et que le fait d’être épiglotte renforcera l’amitié et la cohésion sociale au sein de l’Union européenne. 

En Europe, le français se classe au deuxième rang des langues étudiées. Il est activement présent dans les collèges de Belgique, de Chypre et de Roumanie, où plus de 85 % des élèves du CITE 2 se disposent à apprendre la langue française. En Espagne, pas moins de 36 % des élèves fréquentant l’enseignement secondaire étudient le français.  En Italie, ce chiffre est de 72,3 % parmi les élèves du CITE 2 contre 26,7% pour les élèves du CITE 3. Au vu de ces effectifs, il semble que les jeunes ressortissants des pays de la Méditerranée manifestent un enthousiasme évident pour la langue française. 

En revanche, le français a peu de partisans dans les pays nordiques, tels le Danemark, la Norvège ou la Suède. Les collégiens aussi bien que les lycéens sont plutôt branchés sur l’allemand. Toutefois, même dans l’espace germanophone, la langue française n’est pas négligeable, en ayant conquis 9,2 % d’apprenants parmi les collégiens de Danemark et 19 % parmi les lycéens de Suède. 

Tableau 6 : Pourcentage d’étudiants apprenant le français dans quelques pays de l’UE

Pays Cite II (%) CITE III Francophone 
Luxembourg 100 84,7 Oui
Belgique 92,9 90,4 Oui
Bulgarie 4,1 11,4 Oui
Allemagne 25,3 13,8 Non
Danemark 9,2 5,1 Non
Chypre 92,6 35,7 Oui
Italie 72,3 26,7 Non
Grèce 48,0 6 Non
Irlande 65,5 60,6 Non
Espagne 36,9 22,3 Non
Suède 15,5 18,9 Non
Portugal 52,8 6,4 Non
Roumanie 85,8 84,2 Oui
Royaume-Uni 44% 27,3 Non
Norvège 13,4 5,2 Non

Source : Auteur, chiffres de l’Eurostat

La volonté de promouvoir le multilinguisme a conduit certains États à judiciariser la deuxième langue étrangère comme un module obligatoire à un certain moment du cursus scolaire. Toutefois, les modalités d’application de cette loi ne sont pas uniformes, tant dans le choix de la langue à apprendre – qui revient soit aux étudiants, soit aux pouvoirs publics – que dans le délai minimum d’apprentissage. 

En Espagne, le français est la langue que les élèves souhaitent comprendre et maîtriser le plus après l’anglais. Or, les autorités éducatives ne peuvent imposer aux écoles d’enseigner une langue particulière. Elles se bornent à proposer un large éventail de langues à destination des élèves âgés de plus de 10 ans. Ceux-ci peuvent souscrire ou renoncer à l’expérience francophone. Néanmoins, la seconde langue devient une matière de base dans certains territoires autonomes comme Madrid, Aragon ou les Îles Canaries. 

En Irlande et en Écosse, les élèves de l’enseignement secondaire inférieur ne sont pas tenus d’apprendre une langue étrangère, comme cela se passe pour les étudiants du même âge des autres pays. En revanche, il incombe aux écoles d’offrir un large panel de langues pour que les étudiants aient l’opportunité d’approfondir la filière de leur choix. Et cette langue n’est autre que le français. Les écoles n’ont pas l’autorité pour faire de la langue étrangère une obligation scolaire, sauf pour les classes d’âge de 14 à 16 ans. 

A l’autre spectre de l’échelle, la langue française joue un rôle de premier plan à Luxembourg. Obligatoire, la matière s’impose à tous les élèves, sans distinction de classe d’âge ni de niveau de scolarité. En Belgique, le pourcentage remarquable d’apprenants en français ne peut s’expliquer que par le statut règlementaire de cette langue. 

En dehors du Luxembourg, du Chypre et de la Belgique, le français n’est proposé que comme une matière optionnelle. Même s’il n’est pas expressément prescrit, il est l’une des langues les plus recommandées par les documents de politique nationale de l’Éducation de nombreux pays européens. A ceci il s’ajoute que la foule estudiantine en Europe a toujours nourri une passion inaltérable pour la langue française. 

La qualité des enseignants de langue étrangère

Il est faux de penser que la maîtrise du français est déterminée par le nombre d’années passées à étudier cette langue en classe. Certes, l’école, en tant que lieu d’échange et de partage, est le meilleur endroit pour connaître le français dans ses bases lexicales, grammaticales et phonologiques. Il n’en reste pas moins que plusieurs résidents de l’Union européenne ont découvert le français postérieurement à leur vie scolaire.  

  • La francophilie au sein des instances de l’Union Européenne

L’Union Européenne (UE) est la forme de regroupement la plus aboutie des pays européens, tant par le nombre de pays adhérents que par l’ampleur des intérêts mis en jeu. Elle est à la fois une union douanière, un espace de libre échange ainsi qu’une zone d’intégration monétaire. Étudier la place de la francophilie, l’étendue de son audience verbale et l’intensité des publications francophones  au sein de l’UE est donc d’un intérêt certain. Quel est le crédit de la langue française dans les rapports diplomatiques ? Quel rôle est le sien dans le positionnement de la France vis-à-vis des pays voisins ? Le recours massif à l’anglais ne remet-il pas en cause l’officialité et la légitimité de la langue française au sein des grandes instances internationales ? Tels sont les thèmes que nous aborderons dans cette prochaine partie. 

  • Un plurilinguisme affiché 

L’Union européenne (UE) reconnaît 24 langues officielles : l’allemand, l’anglais, le portugais, l’espagnol, le grec, le bulgare, l’irlandais, l’italien, le polonais, le hongrois, le letton, le lituanien, le suédois, le néerlandais, le slovène, le roumain, le danois, le finnois avec, bien sûr, le français. Elle autorise  les représentants de chaque pays à parler dans la langue de leur choix, en se voulant être le chantre de la liberté d’expression et de la démocratie dans toutes ses formes. Cette règle s’applique lors des réunions en plénière, des commissions parlementaires et des harangues présidentielles. À propos des communiqués officiels, la Direction générale de traduction se charge d’éditer et de produire des versions en vingt-quatre langues. 

Toutefois, la portée opératoire de ce principe reste limitée. L’irlandais a été exclu de la liste des langues de traduction, parce que l’effectif d’interprètes qualifiés ne le permet pas. Le turc, le luxembourgeois, le gaélique, le basque, bien que langue institutionnelle des pays membres, sont tout simplement ignorés. Lorsqu’ils donnent des conférences de presse, les responsables privilégient constamment l’anglais et le français, sinon l’allemand. 

  • Trois langues hypercentrales

Parmi ces 24 langues, trois sont employées par les agences de travail de l’Union : l’allemand, qui est la première langue parlée en Europe, l’anglais et le français. 

Plus d’un indice confirme le statut particulier de la francophonie dans l’UE. Signalons d’abord l’avantage numérique : 14 pays européens se sont rangés dans le camp francophone, ce qui dépasse largement la moyenne. La Macédoine, la Bulgarie, la Roumanie sont les nouveaux-venus. Désormais, il y a fort à parier que la francophonie pourra faire entendre sa voix et peser dans les décisions de l’organisation au bénéfice des pays membres. Même si ces pays ne sont pas très branchés sur les normes et les croyances francophones, étant donné leur passé communiste, ils veulent rendre hommage à la prééminence linguistique de la France et faire de celle-ci un allié économique pour contrebalancer l’influence des États-Unis. 

La densité francophone au sein de l’UE est lourde de résonances géopolitiques. « En termes de territoire, Pologne, Roumanie et Bulgarie totalisent une superficie supérieure à celle de la Francophonie occidentale. Leur apport démographique est significatif, en dépassant en nombre les locuteurs en France, à Luxembourg, en Suisse, en Belgique et à Monaco. Leur poids au centre de l’Europe et au sein de l’UE est un atout diplomatique non négligeable pour l’organisation géopolitique qu’est l’OIF »8.   

Il y a donc des raisons de croire que ce renouveau démographique va payer des dividendes pour la francophonie, en redessinant la carte scolaire et universitaire du monde entier. Il est clair que les pays appartenant à la Francophonie désirent resserrer leurs liens avec l’Hexagone, et pour tirer maximalement profit de ce partenariat, ils donneront un essor vigoureux à l’enseignement de la langue française. 

  • Les pratiques linguistiques des institutions de l’union européenne

INSTITUTIONS POLITIQUE LINGUISTIQUE

Commission européenne

Trois langues sont parlées par les agents de la Commission européenne : l’anglais, le français, l’allemand. 
Conseil de

l’union européenne

Parlement européen Le principe de la diversité linguistique est respecté lors des sessions parlementaires. 

Les déclarations à la presse se font dans cet ordre d’importance : en français, en anglais, dans la langue de l’orateur et en allemand. 

Cour de justice de l’Union européenne Le français s’impose dans les processus de délibération consultative. 

Les arrêtés rendus par la Cour sont traduits obligatoirement dans les 24 langues officielles.  

Cour des comptes européenne

Le multilinguisme est de rigueur dans les publications produites, pour qu’elles soient parfaitement comprises des citoyens. 

Le français est utilisé dans les relations professionnelles. 

Banque centrale européenne L’anglais est la langue de travail exclusive de la banque depuis qu’elle a vu le jour

Le français étant une pratique professionnelle établie dans l’Union Européenne, le candidat à un poste à pourvoir doit justifier d’une aisance orale et rédactionnelle en français, s’il désire maximiser les chances de recevabilité de sa candidature. Un cas typique est celui d’un projet de recrutement, dans lequel les appels d’offres sont transcrits uniquement en français et en anglais. Même si la personne dispose de toutes les aptitudes souhaitées pour prétendre au poste, elle sera hors course à cause de son attribut linguistique. Est-ce une faute de ne pas faire partie de la communauté francophone ? Les citoyens européens ne jouissent pas d’un traitement équitable à travers ce parti pris linguistique. C’est l’une des reproches majeures qui sont adressées à la francophonie. 

caution des bagages professionnels. 

L’anglais est la langue véhiculaire dominante au sein de l’équipe de travail de l’Union Européenne. Le département de traduction a déjà mis en garde contre ce net recul du français. En 2014, les contenus anglophones sont de 74,8 % ; la part de l’allemand (2,74 %) et du français (8,32 %) est sensiblement inférieure. En référence à l’année 1997, le français était visible sur 41 % des rapports et des dossiers de presse de la Commission européenne. L’allemand en était à 5 %. L’unilinguisme anglophone risque de contrecarrer la progression saine et durable de la langue française. 

« S’il y a un aspect à l’égard duquel la comparaison avec l’anglais est profitable au français, c’est la plus forte capacité de ce dernier à produire une identité culturelle ». L’anglais incarne les croyances américaines qui tournent autour du snobisme, du pragmatisme et de la modernité. Or, l’image d’un passé rénové, reconstruit autour des vestiges d’une vénérable civilisation, hante les imaginations les moins romantiques. En enseignant sa langue, la France lâche tout un creuset d’histoires, de cultures et de sagesses qui ont façonné le visage actuel de l’Europe. Derrière la question lexicale, il y a un système de valeurs qui incarnent la représentation idyllique de la France. Le luxe des maisons de mode, les célèbres palaces parisiennes, les montres opulentes de Rolex, un ensemble architectural impressionnant… Ainsi, l’attirance des ressortissants de l’Europe orientale vis-à-vis de la francophonie se place également sur un terrain affectif. Lors de l’atelier « La francophonie et l’intégration européenne », la traductrice albanaise Mirela Kumbaro a dit : « le français compte pour moi au-delà des raisons professionnelles »9. Ce qu’il envie à la langue anglaise, c’est l’utilisation fonctionnelle dans le milieu de la bureaucratie et les pourparlers internes. 

Ils vantent les avantages de parler couramment le français, notamment l’obtention de bourses d’études, le séjour à l’étranger à des fins de formations, d’acquisition de nouveaux savoir-faire ou pour passer d’agréables vacances, l’accès à un bien-être prospère et l’opportunité de mener une vie plus conforme à ses aspirations. 

Graphe 1 : Évolution quantitative des populations scolaires apprenant le français (2007-2010)

Source : Auteur (2017)

Répartition des francophones dans l’Océan Indien

Répartition des francophones en Afrique du Nord et Moyen-Orient

  • La francophonie dans la société malgache

Madagascar est un pays insulaire situé au cœur de l’Océan Indien.  Il est séparé de l’Afrique par le canal de Mozambique. Après un demi-siècle de colonisation, il est devenu une république démocratique en 1960. La capitale est dénommée Antananarivo ou « la cité des mille ». 

La pyramide des âges montre une forte jeunesse de la population dont …% ont moins de 25 ans. Selon les chiffres de la Banque Mondiale, 92% des ménages vivent en dessous du seuil de pauvreté et ne sont pas en mesure de subvenir à leurs besoins essentiels. Le taux d’alphabétisation est de 63% en 2005, et 7% des élèves ont achevé leur cycle de scolarité. Le malgache est la langue officielle, mais le français s’impose dans toutes les facettes de la vie quotidienne. L’économie se fonde essentiellement sur des recettes d’exportation, comme la vanille, le girofle ou le litchi et sur la mise en valeur des gisements de nickel. 

Dans cette section, nous tenterons de reconstituer les éléments de fondation de l’environnement linguistique de Madagascar. Dans ce pays d’obscurantisme et de misère, l’intrusion de la langue étrangère fait émerger une classe d’élite vers laquelle la masse populaire tourne des regards d’envie. Nous explorerons la place tenue par la francophonie dans le destin scolaire des enfants. Nous discuterons des enjeux qui attendent le gouvernement malgache pour tirer parti de la langue française. 

  • Tour d’horizon du paysage scolaire malgache

L’histoire de l’éducation formelle à Madagascar remonte à l’aube du xixe siècle. L’île était alors divisée en une dizaine de tribus, lorsque vers 1818, la société missionnaire de Londres (LMS) débarqua sur la côte de Toamasina dans un but explicite d’évangélisation. Un jeune agent du LMS, du nom de Davis Johns, a entrepris de transcrire la bible en version malagasy. Il apprenait l’alphabet au peuple en leur propageant en même temps la doctrine chrétienne. Davis Johns s’est attaché immédiatement la faveur du roi Radama Ier – un souverain des hautes terres de Madagascar – dont la clairvoyance a pressenti que la literatie donnerait un nouveau souffle à sa puissance politique. Il a décidé que les familles de la noblesse devront envoyer leurs garçons et leurs filles à l’école. C’est ainsi qu’est né, le 8 décembre 1820, le premier collège de l’île ; bâti au centre de la capitale, il accueillait aux alentours de quatre mille élèves, sans compter trois cents andriana, parmi lesquels le roi Radama projetait de choisir ses soldats et ses meilleurs dignitaires.  

Cet exposé historique n’était pas sans intérêt, en ce qu’il donne une idée des transformations de l’appareil éducatif de Madagascar en nous projetant dans le statu quo actuel. Jusqu’à ce jour, l’éducation n’a pas débouché sur un changement radical des rapports sociaux. Certes, le taux d’alphabétisation progresse, et bien plus nombreux sont les citoyens qui savent lire et écrire que ceux qui sont illettrés. 

  • Horizon communicationnel du français

À Madagascar, l’usage du français recouvre un éventail de contextes de communication. D’après l’estimation de Wikipédia, un malgache sur cinq déclare pouvoir comprendre la langue française. 

  • Google

Le français est par défaut la langue d’interface de Google Madagascar. 

  • Internet 

À l’instar des pays de l’Afrique francophone, le français est présent sur les ressources en ligne et les contenus électroniques. C’est une langue essentielle pour s’informer, pour connaître les dernières actualités ou pour télécharger des documents sur internet. Tout au moins, le malgache fait bonne figure sur les réseaux sociaux comme Facebook, Instagram ou Twitter. Mais tous les fichiers web à visée instructive ou didactique sont en français. 

  • Diplomatie

Le français possède un caractère officiel dans l’État malgache. Lorsqu’il s’adresse au peuple, lors des journées solennelles ou des visites de région, le président de la République s’exprime dans sa langue maternelle mais il reprend toujours ses discours en français. Lors des relations extérieures avec les pays partenaires de Madagascar, le français est la langue de communication courante entre les autorités malgaches et les délégations étrangères. 

  • Médias 

Le monde des médias donne une place de choix à la langue française. Le pays accuse un grave retard dans l’industrie du cinéma et du spectacle, ce qui explique que les œuvres culturelles – des films long métrage jusqu’aux jeux vidéos, en passant par les séries, les documentaires et les bandes dessinées – sont majoritairement en français. L’anglais n’a qu’un rôle effacé, il n’apparaît que dans les émissions musicales ou éducatives. 

  • Télévision 

C’est à travers la télévision que la culture francophone s’est assimilée au vécu quotidien de la population. Les chaînes locales adoptent une politique de mixité : les émissions dévoilant des informations sur le pays (histoire, économie, mode, œuvres musicales…) sont en malgache ; les autres programmes sont francophones. Sur la chaîne nationale, le journal est repris intégralement en français, après une première diffusion dans la langue maternelle. Le canal satellite est très en vogue, même si le taux de pénétration est bas et se limite aux ménages aisés des communes urbaines. L’achat des chaînes étrangères – comme France 24, TV5 Monde ou Africa 24 – gagne chaque jour un peu plus de terrain, ce qui contribue à l’élargissement de l’audience francophone. 

  • Radio 

La plupart des chaînes radiophoniques n’utilisent que l’idiome local. La raison de ce parti pris pour la malgachitude est le souhait de cibler un public populaire qui, faute d’un niveau d’instruction avancé, n’a pas une bonne capacité d’écoute en français. À l’accès intellectuel s’ajoute la question d’accès économique : 84 % des ménages malgaches sont pourvus d’une radio, alors que le taux d’équipement en poste téléviseur avoisine les 18 %. 

Il est constaté que la télévision demeure un produit de luxe, excepté dans la capitale, et le ciblage d’un public aisé et plus instruit s’accompagne d’un changement de registre linguistique. La radio étant destinée au peuple, elle véhicule essentiellement ses informations dans la langue du peuple (c’est-à-dire le malgache) ; la télévision est un outil de divertissement pour les foyers à revenu moyen et supérieur, d’où l’appel fait à la langue française. 

  • Presse écrite

La presse écrite utilise les deux langues officielles pour décrire les actualités marquantes. Il est notable de noter que le journal n’est pas un support d’information très populaire, contrairement à l’audiovisuel. Lire les articles d’un hebdomadaire économique ou à vocation scientifique ne rentre pas dans les habitudes des malgaches. Il est vrai, la récente décennie a vu bondir le nombre des quotidiens à contenu exclusivement en malgache (Gazetiko, Taratra, Malaza, Tia Tanindrazana). Il reste que le statut économique des acheteurs de presse atteste la primauté de l’écrit sur l’oral et la notoriété de la langue française dans les médias malgaches. 

  • Le français en tant que langue de scolarisation

Le ministère de l’Éducation a institué le français comme langue d’enseignement scolaire. Les écoles ne sont pas tenues de l’introduire au commencement de l’enseignement de base. Toutefois, la langue française est enseignée à un âge précoce dans les établissements les plus célèbres. Puisque que les cours sont dispensés et expliqués dans cette langue, le niveau de maîtrise en français et les bonnes performances des élèves sont en étroite corrélation.  

Force est de noter que les écoles d’expression française sont les plus prestigieuses à Madagascar. Eu égard à ses ressources budgétaires limitées, l’administration n’est pas en mesure de financer correctement les dépenses de fonctionnement des écoles publiques. Dans son rapport, l’UNDP déplore le vieillissement des infrastructures, l’absence d’équipements adéquats pour se conformer aux standards pédagogiques, les piètres compétences des enseignants. On ne peut s’empêcher de frémir devant ces chiffres pénibles : un tiers des établissements sont dépourvus de toilettes, huit écoles sur dix ne sont pas raccordées à l’eau potable et près de la moitié du corps enseignant de l’État est concentrée à Tananarive et Fianarantsoa. 

Le secteur de l’éducation et de l’enseignement supérieur ne reçoit pas les investissements qu’il mérite, ce qui renforce la notoriété des structures privées, les plus connues étant les institutions catholiques et les écoles françaises : Clairefontaine, Collège de France, Lycée français, Petit Nid… Ainsi, l’accès à des prestations scolaires de qualité n’est pas gratuit à Madagascar. Comment un malgache moyen pourra-t-il supporter des frais d’écolage de 60 000 Ar (18 euros) par mois, lorsque son salaire annuel s’élève à 1 388 000 Ar (35 euros/mois) ? Il s’ensuit que les enfants des ménages favorisés fréquentent les meilleures écoles, tandis que les enfants pauvres vont dans les collèges et les lycées publics. 

Dans cette toile de fond d’inégalité scolaire, il est facile de comprendre que les enfants des écoles privées sont ceux qui maîtrisent le mieux le français. Voilà pourquoi les populations urbaines, notamment les gens de la capitale, parlent couramment la langue de Molière plus que les malgaches en milieu rural. Voilà pourquoi l’opportunité d’être un francophone est liée à l’origine sociale des parents et à leurs situations de fortune. 

  • La langue française est le garant de la « literatie »

Le rôle central de la langue française dans l’enrichissement du capital humain se comprend mieux, lorsqu’on se penche sur les données de l’alphabétisation des pays du Tiers-Monde. Le tableau ci-dessous compare le taux d’alphabétisation à Madagascar  avec celui des autres pays de l’Afrique qui pratiquent quotidiennement la langue française. 

Pays Proportion de gens alphabétisés Taux de francophonie
Niger 28,7 13
Mali 47 17
Madagascar 70,7 20
Côte d’Ivoire  55,3 34
Bénin 42 35
Cameroun 81 40
République démocratique du Congo 81,1 47
Seychelles  91,8 53
Tunisie 77,7 54
Gabon 98 80

 

La lecture de ce tableau appelle trois déductions principales : 

  • Bien que Madagascar se targue d’être le quatrième pays par l’effectif d’individus francophones (derrière la France, la République démocratique du Congo et le Gabon), il fait pâle figure lorsqu’on considère le pourcentage de francophones dans la population totale. Seuls 20 % des malgaches sont capables de lire et d’écrire en français. On peut dire que ce pourcentage est très modeste, comparé à ceux du Bénin ou du Cameroun qui comptent respectivement 35 % et 40 % de francophones. 
  • En général, la pénétration francophone influe positivement sur le taux de literatie. Le paysage éducatif en Afrique se particularise par la prescription du français en tant que langue de diffusion des savoirs académiques. Plus le français est parlé à la maison, plus vite l’enfant acquerra sa maîtrise ; l’expérience francophone va de pair avec une meilleure assimilation des compétences de base. C’est ainsi qu’au Niger, la proportion d’individus alphabétisés est de 13 % alors que c’est le cas de 9 personnes sur dix au Seychelles et de 7,7 personnes sur dix au Gabon. L’une des causes de ces disparités éducatives est probablement le degré de familiarité avec la langue française. L’enfant nigérian vit dans un milieu intellectuellement pauvre, où le français ne résonne pas en dehors de l’école (13 % de francophones). À l’opposé, l’élève gabonais maîtrise d’autant mieux l’alphabet que la langue de l’école est aussi celle qu’il entend à la maison (80 % de francophones). 
  • Madagascar progresse sur la voie de l’alphabétisation, contrairement à ce que son taux de francophonie ne le laisse penser. Cela dit, ce bon résultat est à relativiser. Il faut dire que les progrès en termes d’alphabétisation sont le fait de projets externes qui n’ont pas été intégrés dans les orientations générales de la politique scolaire. 

  • La vulgarisation de la langue française : un objectif illusoire ? 

Étudier le rôle didactique de la langue française à Madagascar revient aussi à évaluer les indicateurs clés de l’éducation. Certes, il n’est pas question de contester les louables valeurs de la francophonie, qui entend promouvoir la paix et la solidarité dans le Tiers-Monde, mais il convient de faire un bilan des réalisations scolaires. L’inquiétude se pose quant à la possibilité des malgaches d’accéder sur un pied d’égalité aux biens et services découlant de la francophonie. 

Jetons un regard attentif sur le Tableau 8 ci-dessous, qui résume les principaux chiffres de la scolarité à Madagascar.  

La majorité des malgaches ont une vie scolaire, mais la durée de fréquentation des écoles est éphémère. Au niveau primaire, le taux d’inscription excède la population en âge d’aller à l’école (167,9 %). Pourtant, 21,3 % des habitants sont analphabètes. Si paradoxal soit-il, ce résultat s’explique par le fait que peu d’élèves achèvent les cinq années de cycle primaire prescrites par l’enseignement de base. Tous les enfants sont inscrits à l’enseignement obligatoire, bien avant l’âge de six ans qui est l’âge légal de la première année d’études, mais le taux d’abandon survient dès que l’élève connaisse les éléments rudimentaires de la lecture et de l’écriture. 

Le taux de scolarisation connaît une baisse sensible dans l’enseignement secondaire. 40 % d’enfants sont inscrits, ce qui sous-entend que six enfants sur dix dans le groupe d’âge de 11 à 14 ans ne vont pas au collège. On relève une légère différence dans les années de scolarité accomplies par les garçons et les filles. En effet, les premiers restent plus longtemps à l’école que les secondes. Les hommes gagnent 4 points d’avance sur le plan de l’alphabétisation (78,5 contre 74,7 %) et 2 points d’avance sur le taux de scolarisation en primaire (167,9 contre 165 %) et au premier cycle du secondaire (40,2 contre 38 %). 

Le taux de fréquentation des lycées – écoles d’enseignement secondaire second cycle – plafonne à 12,7 %. Cet état de fait prouve que le niveau d’instruction des malgaches est si bas que la francophonie leur est tout simplement inaccessible. Seule la capitale héberge des étudiants brillants et cultivés : 58 % des tananariviens ont fait des études secondaires et 18% disposent d’un diplôme universitaire. Là encore, les écarts de cursus éducatif sont flagrants, jouant toujours en défaveur des filles. Elles sont nombreuses à s’arrêter à l’éducation primaire (27,5 %), et tendent moins que les garçons à poursuivre une formation supérieure (15,4 %).

Toutefois, les inégalités régionales transcendent de très loin les sexospécificités. Les ruraux n’ont qu’un médiocre niveau intellectuel. La proportion de personnes sortant de l’université n’y est que de 1,2 % alors que leurs homologues urbains en comptent plus de 11 %. Par conséquent, la capitale et les grands pôles urbains restent le bastion de la langue française. 

Indicateurs de l’éducation Variation selon le genre Variations géographiques 
Hommes Femmes Capitale

(H/F)

Urbaines

(H/F)

Rural

(H/F)

Taux brut de scolarisation

– Primaire

– Secondaire 1er cycle

– Secondaire 2nd cycle

167,9

40,2

12,7

165

38

12,6

ND

ND

ND

ND

ND

ND

ND

ND

ND

Niveau d’étude de la population

– Niveau primaire

– Niveau secondaire

– Diplômés en étude supérieure

50,6

29,8

3,7

49,4

29,4

2,7

18,9/27,5

58,8/54,9

20,3/15,4

23,1/28,3

60,6/57,9

13,2/9,7

55,7/53,9

25/24,4

1,4/1,2

Taux d’alphabétisation 78,5 74,7 97,3/96,3 95,4/94,1 75/70,6
Taux de réussite au baccalauréat 46

Selon le Rapport national sur le développement humain, 20% des habitants seulement comprennent le français et 5% du peuple sait s’exprimer en français. Là n’est pas le vrai problème : le fait que la langue française,  qui constitue le pivot du système d’enseignement, ne soit comprise que par une minorité d’intellectuels, c’est là le point faible. Le paradoxe entre la pratique intensive du français dans le milieu professionnel et le déficit criant en offres de formation qualifiées en langue française reflète l’échec de l’éducation publique. 

  • Les principaux messages à retenir

L’histoire, l’insularité, le poids de l’évangélisation, l’aspiration des jeunes à de nouveaux repères identitaires, l’européanisation du paysage éducatif et institutionnel, le positionnement diplomatique, la dépendance commerciale envers la puissance de tutelle…Tout semble expliquer l’appartenance de Madagascar à la galaxie francophone. Où nous voulons venir, c’est que les malgaches sont passés à côté d’une chance unique : l’opportunité de maîtriser une langue d’exception ; certes, le français est un témoignage de la colonisation, avec tout ce qu’elle comporte d’atrocité et de bassesses d’esprit ; mais c’est aussi un bien commun, une carte maîtresse qu’on peut jouer pour développer un capital de sympathie et d’attractivité économique à l’échelon mondial.  

Parler de francophonie a quelque chose d’indécent, voire ridicule, lorsqu’on sait que la très grande majorité des ménages malgaches vit dans la misère et n’a pas les moyens budgétaires pour éduquer leurs enfants et les nourrir selon les principes d’un régime alimentaire de qualité. Au risque d’être taxé de redondance, mais le défi est de taille, il n’est nullement question de discréditer le français ni d’abolir le système d’enseignement qui accorde un statut spécifique à la langue française. Au même titre que Madagascar, le Canada est un territoire francophone ; au départ des colons français, il a su généraliser l’usage et l’enseignement de la langue, si bien que tous les canadiens peuvent lire, parler et rédiger dans la langue française. Le blâme est à diriger sur les responsables du secteur de l’éducation, qui n’ont pas priorisé la répartition équilibrée des écoles dans les districts et les provinces de l’île. Faute de ne pas avoir prescrit l’apprentissage de la langue française dans une approche décentralisée, le système scolaire échoue à rendre universel l’accès à la connaissance, aux services de formation et aux compétences en langues étrangères. 

Être un pays francophone n’est pas uniquement un choix géopolitique. C’est aussi une responsabilité, un devoir de reconversion sociale et culturelle et, par-dessus tout, un défi d’assimilation linguistique. Il est d’une urgence primordiale de repenser le bilinguisme officiel de Madagascar dans le cadre d’une politique scolaire harmonisée. C’est à cette condition que les malgaches pourront assumer leur identité et leur héritage francophone. 

  • La francophonie en Autriche

L’Autriche est un pays de l’Europe orientale. Il abrite autour de 8 712 000 habitants sur une superficie de 83 870 km2. La division administrative permet de distinguer neuf provinces organisées en États fédéraux : Burgenland, Haute-Autriche, Tyrol, Salzbourg, Basse-Autriche, Carinthie, Styrie, Vienne et Vorarlberg. La capitale de l’Autriche est Vienne, une métropole bruyante et animée qui rassemble 1 700 000 habitants, soit 20% environ de la population totale. Le drapeau national est conçu en trois bandes latérales de couleur rouge, blanche et rouge. 

L’Autriche est un territoire d’immigration qui héberge une population cosmopolite. L’allemand est sans doute la langue la plus importante, en étant parlé par plus de 90 % des citoyens résidents. Il apparaît sur la fenêtre d’ouverture de Google, s’impose dans les textes officiels et administratifs, en plus d’être une langue des conversations formelles ou informelles. L’entrée de l’anglais est due principalement à l’utilisation massive de l’internet ; les sources de Wikipédia en Autriche sont à 40 % anglophones. 

  • Le français, un idiome au rôle effacé

Est-ce à dire que le français n’a pas droit de cité dans cette nation prospère ? Pas du tout. Vu sa population multiraciale, où l’on retrouve au moins une dizaine d’ethnies, l’Autriche se doit de plaider en faveur du multilinguisme. La présence francophone est notable dans le domaine de l’enseignement et de la formation professionnelle. En effet, le français se positionne comme la deuxième langue la plus enseignée en termes d’apprenants. 

« Au regard de l’Europe, il n’est pas question de prétendre à faire du français la langue unique. Il est simplement question d’affirmer que la langue française est indispensable ». Et d’ajouter : « le français, langue analytique, parfaitement précise quand elle est bien employée, convient par excellence aux définitions »

Tableau 7 : Les langues étrangères connues en Autriche

Groupe d’âge Proportion de gens déclarant maîtriser une langue étrangère (%)
comprend l’anglais comprend le français comprend l’italien
55 ans et plus 30,86 3,34 3,45
35 à 54 ans 39 6,89 5,29
15 à 34 ans 52 10 7,5
Ensemble

Source : Eurobaromètre, Les Européens et leurs langues

Le tableau ci-après indique les habiletés linguistiques de la population autrichienne. L’anglais est la langue étrangère la mieux maîtrisée : …% des habitants pensent être en mesure de converser en anglais. Or, c’est le cas de …autrichien sur … pour le français et de … sur … pour l’italien. 

Toutefois, ce calcul global cache des écarts gigantesques entre les tranches d’âge. Le mouvement francophone trouve de plus en plus d’adeptes parmi les jeunes générations. Si la proportion de gens qui ont une bonne capacité d’expression en français n’est que de 3,34 % parmi les quinquagénaires, elle se monte à 6,89 % dans la tranche d’âge de 35 à 54 ans. Ainsi, le français est la troisième langue la plus connue chez les vieux adultes alors qu’il devance l’italien (5,29 %) chez les personnes situées entre la trentaine et la cinquantaine. 

Il est à souligner que la connaissance de la langue de Shakespeare augmente plus vite que celle des autres langues étrangères. Si un autrichien sur deux sait s’exprimer en anglais dans la population d’âge de 15 à 34 ans, on ne recense qu’un autrichien sur dix qui parle le français dans ce même groupe d’âge. L’italien est une langue de statut minoritaire : il est parlé par moins de 7,5 % de la nouvelle génération. 

  • Le statut du français dans le monde de l’enseignement en Autriche

Il est infondé de croire que l’Autriche n’a que faire de la langue française puisqu’il est un pays allophone. Certes, la langue maternelle est l’allemand, mais le plurilinguisme confère un avantage intellectuel incontestable en jouant un rôle vital dans la compétitivité de l’économie autrichienne. L’intérêt de savoir parler et écrire dans une langue de statut international est bien compris par les citoyens. 

D’abord, la maîtrise du français est souhaitable pour avancer dans le processus d’intégration européenne. L’Autriche conçoit l’enjeu du bilinguisme anglais-français d’un point de vue géopolitique. La France signale son poids économique à plus d’un titre dans la zone euro. Elle est la première puissance agricole de l’Europe et tient la seconde place en termes de revenu nominal. Un petit nombre d’organisations internationales a implanté leur siège à l’Hexagone : l’UNESCO, l’OCDE, le… Par conséquent, la République autrichienne voit d’un bon œil les actions de partenariat avec la France, y compris le soutien de la langue française. 

L’Autriche, pour paraître un bon élève, s’est efforcée de suivre les directives de l’Union européenne en ce qui concerne la libéralisation linguistique. Le français est doté d’un capital culturel inestimable et se démarque des autres langues par sa présence planétaire. Il a tout pour plaire aux étudiants. Ainsi, tant le désir de s’attacher l’aide économique d’un grand frère que la reconnaissance du prestige culturel et intellectuel de la France expliquent que le français est enseigné comme deuxième langue étrangère en Autriche.   

  • Les apprenants de la langue française dans les neuf provinces fédérales

La carte 2 ci-après fournit une répartition des apprenants du français dans les provinces du pays. 

Carte 2 : Cartographie des apprenants de la langue française dans les provinces de l’Autriche

Source : Auteur, 2017

D’un point de vue numérique, le français perd du terrain par rapport à l’anglais, dans la mesure où son nombre d’apprenants en proportion du total des élèves se monte à 22,6 % au CITE 3. Pour l’anglais, ce chiffre est proche de 100 %. 

D’après cette carte, le français est répandu dans toutes les villes d’Autriche ; où qu’ils se trouvent, les élèves du pays ont la possibilité d’étudier la langue de Molière. Pourtant, le français n’est pas enseigné dans le même ordre d’ampleur. 

Trois agglomérations regroupent plus de 20 000 apprenants. À Vienne, en Haute-Autriche et en Basse-Autriche, les élèves sont nettement plus enclins à adhérer à la francophonie. C’est aussi dans ces régions que les universitaires et les étudiants des classes préparatoires aux grandes écoles sont les plus nombreux. 

Styrie affiche un effectif de 15 018 apprenants, devançant de loin Tyrol (9 901), Salzbourg (7 787) et Carinthie (7 342). Dans les bourgs de Vorarlberg et de Burgenland, la densité francophone est faible : moins de 5 500 apprenants. 

Le français retrouve son prestige dans quelques filières professionnelles : 

– les professions administratives et judiciaires ;

– les fonctions managériales, spécialement le management multiculturel des entreprises ; 

– les fonctions commerciales, exportation ou importation ; 

– les affaires diplomatiques

– le secteur touristique, l’organisation d’évènements et d’autres activités culturelles ; 

 Figure 3: âge d’apprentissage des langues étrangères et temps minimum d’enseignement

Dans les années 2000, le pays a mis en œuvre certains changements dans le volet éducatif : l’une de ces réformes porte sur l’abaissement de l’âge requis d’apprentissage de la première langue étrangère ; l’autre concerne l’existence d’un seuil d’âge à partir duquel la deuxième langue étrangère devient une discipline obligatoire. 

L’Autriche a suivi les prescriptions scolaires adoptées par la majorité des pays de l’UE. Avant 1995, l’élève n’est tenu d’étudier une langue qu’à l’âge de huit ans. En 2003, cette obligation s’est étendue aux enfants de six ans. Cela dit, l’Autriche n’a pas fait mieux que les autres pays de l’Union.  Les plus extraordinaires progrès ont été enregistrés au Luxembourg et au Finlande : les élèves finnois prennent leurs cours de deuxième langue étrangère dès leur treizième année et ce bain de langue couvre une période minimum de six ans.  Au Luxembourg, l’obligation d’étudier deux autres langages que la langue maternelle prend effet dès l’enseignement préprimaire et le temps d’apprentissage de la deuxième langue étrangère n’est qu’une année de moins par rapport à celui de la langue principale. 

Il ressort de ce tableau que la maîtrise du français par les élèves autrichiens ne va pas au-delà du niveau de base. Le règlement stipule que les étudiants assistent à des cours de deuxième langue étrangère entre 15 et 18 ans. Cependant, la durée de formation est visiblement trop courte. Tout au plus, l’élève pourra acquérir quelques éléments de grammaire, pour articuler les phrases de façon plus ou moins correcte. Il saura probablement s’exprimer sur des sujets simples, rendre compte d’une situation vécue en famille, au bureau ou au marché, en usant des termes courants du french every day. Mais la compétence des apprenants en français se bornera là.  Ce n’est pas au bout de trois ans que l’on réussit à rédiger des rapports ou à monter un dossier de  projet en français. Même en l’absence de statistiques concrètes, il y a lieu de croire que les étudiants de Vienne ou de Salzbourg ne travaillent pas la prononciation et ne pourront pas restaurer oralement un texte selon les règles phonétiques françaises. Bref, leur bilinguisme n’est pas d’une grande utilité, en ce qu’il n’autorise pas une mise en valeur professionnelle ou l’intégration d’un environnement multiculturel à dominante francophone.

Une multitude de contraintes se dresse en obstacle à la vulgarisation étendue du français parmi les nouvelles cohortes d’étudiants. 

D’une part, l’objectif  » européen trilingue » reste des déclarations d’intentions, mais rarement appliqué dans les faits. Peu de pays ont entrepris des réformes concernant l’apprentissage de la deuxième langue étrangère à un âge inférieur. Certes, le Luxembourg a déployé des efforts dans ce sens, ainsi que Malte et la Belgique, mais il s’agit de cas d’exceptions plus que de la règle. Force est d’ailleurs de noter que le régime linguistique de ces États écarte la langue française dans l’offre d’enseignement, ou bien ne considère pas  le français comme une langue étrangère. (En Belgique, par exemple, qui compte une forte proportion de francophones natifs, l’appellation de langue seconde est parfois employée.). Ce constat se retrouve en Autriche. Malgré les recommandations officielles, le taux d’apprenants s’estime tout juste à 20 % parmi les élèves d’âge 15-18 ans.

D’autre part, le faible effectif est lié à la durée relativement limitée du curriculum éducatif. L’Autriche accuse l’un des plus bas taux d’inscription aux écoles universitaires parmi les pays de l’OCDE. De nombreux élèves préfèrent s’arrêter au deuxième cycle de la formation secondaire. Les établissements d’orientation technique sont traditionnellement connus pour leurs rendements  académiques et leur taux d’emploi égale celui des centres universitaires. En revanche, « les universités sont perçues par le public comme peu efficaces en raison de cursus surchargés,  de la longueur des études et des taux d’abandons élevés ». Les titulaires du brevet technique font fi de la langue française, jugeant sans doute que l’habileté langagière n’est pas un réel atout dans leur activité professionnelle. 

Enfin, la foule estudiantine d’Autriche rencontre de sérieux soucis budgétaires plus que dans les autres pays de l’Union. Cela est en partie dû à un défaut d’accès au financement, comme les bourses d’études et les prêts universitaires. « Dans cette perspective, l’Autriche se distingue par la faiblesse des taux de rendement interne des études supérieures, l’insuffisance de flexibilité et de responsabilité de la formation ainsi que par les contraintes budgétaires des étudiants ». Le fait d’avoir à supporter des frais supplémentaires est un frein à la motivation d’apprendre la langue de Molière. 

  • Les opportunités de développement

  • Politique linguistique de l’UE

Étant un pays membre de l’Union, l’Autriche est tenue de s’aligner sur la doctrine du plurilinguisme. Le gouvernement a pris l’engagement de promouvoir l’usage et l’enseignement de deux langues étrangères. 

  • Potentiel de séduction culturelle

Le français détient un grand capital de sympathie auprès de la jeunesse estudiantine autrichienne. Autant l’anglais est jugé comme un idiome moderne, autant le français conserve une pleine valeur identitaire. L’attrait pour le français se double d’une attirance pour la France : l’histoire, la peinture et les beaux arts, la gastronomie… Il faut dire que le pays est réputé pour ses saveurs culinaires comme les vins, les fromages, les produits Danone… L’autrichien découvre la France à travers les bons plats qu’il trouve plus délectables que les autres cuisines. Pour les amoureux de culture et d’authenticité, la France est une destination de rêve pour vivre des rencontres autochtones. Les maisons de mode parisiennes comme Chanel, Christian Dior ou Louis Vuitton font également sensation en Autriche. 

La majorité des autrichiens ne lisent que des revues ou magazines anglophones. Ils se renseignent en allemand, même si l’anglais est vigoureusement utilisé dans la navigation internet, que ce soit dans les contacts professionnels ou les dialogues sur les réseaux sociaux. 

  • La France, un marché à forte croissance

La France est un poids lourd économique au sein de l’Union européenne. Être francophone est un atout indispensable pour accéder à certains marchés ou viser une carrière particulière. Qu’il veuille entrer dans la cour des grands, développer ses activités à l’international ou ouvrir des filiales un peu partout, l’entrepreneur a intérêt à apprendre le français. 

  • DISCUSSION

L’anglais est la linga frinca de l’ère contemporaine. Il est éminemment utilisé dans les espaces de communication visuels, sonores ou à distance.   De plus, il est réputé pour être une langue facile, sympathique et moderne. 

Reste que la connaissance avancée de la langue française est, sur de nombreux points, un atout incontestable. Elle l’est pour les étudiants, quel que soit le pays d’origine,  le niveau de scolarité ou la nature de l’activité professionnelle envisagée dans le futur. Elle l’est pour les entreprises de tous les secteurs économiques, si elles prétendent atteindre une envergure extraterritoriale ou signer leur identité par un effet d’image, d’éclat ou de prestance auprès de la clientèle. Elle l’est pour les décideurs et les hauts responsables politiques, le français étant la langue de choix pour entreprendre des démarches diplomatiques avec les pays de l’Union européenne. 

  • Présence francophone en Afrique

L’enseignement de la langue française revêt une importance vitale dans l’Afrique francophone. Pour l’immense majorité des écoles subsahariennes, le français cède nettement le pas sur la langue maternelle, celle-ci n’étant même pas une langue d’enseignement, mais faisant simplement office de soutien pédagogique ou, lorsqu’elle est une matière scolaire, le français se voit attribuer des coefficients deux ou trois fois plus élevés par rapport à la langue autochtone. Il est clair alors que la capacité de rédiger en bon français conditionne la réussite des élèves aux examens officiels. Ainsi, les élèves qui sont au point avec la langue française ont plus de chance de décrocher des bourses d’études pour continuer leurs études à l’étranger que ceux qui sont faibles en français, à moyenne égale ou à niveau de performance identique dans les autres matières. 

L’inégalité de chances dans l’accès aux fonctions publiques et aux postes de direction dans le secteur privé est une triste réalité à Madagascar. Le favoritisme et la corruption n’expliquent pas à eux seuls la persistance de ce problème.  Les employeurs sont très sceptiques face au curricula des jeunes diplômés en prêtant une attention particulière à la notoriété de l’école où le postulant a réalisé ses études secondaires. À Madagascar, les écoles françaises sont reconnues pour leur forte tradition pédagogique et leur aptitude à dispenser un enseignement de qualité, dû au niveau de compétences des enseignants. A l’opposé, les écoles publiques financées par le gouvernement – fréquentées par les enfants issus de milieu défavorisé – sont connues pour leur médiocrité, leurs mauvais résultats scolaires et les compétences variables des élèves en français. Il en résulte que le contexte éducatif a établi une division linguistique entre les minorités aisées et la majorité pauvre, de sorte que la division linguistique s’accompagne d’un écart de travail, de salaire et de niveau de vie au bénéfice d’une élite intellectuelle qui s’attribue tous les bénéfices potentiels de la francophonie. 

En Afrique, la langue française fait partie intégrante de la vie quotidienne. Elle est par exemple essentielle pour mener à bien des opérations administratives : livraison d’une facture, demande de licence d’activité commerciale, paiement d’un rôle d’impôt…Par conséquent, il est malaisé pour un agent économique, d’exercer ses droits et de remplir ses obligations bancaires, financières ou fiscales sans un niveau de compréhension minimum de la langue française. Pour ce qui est de la question « travail », les résultats du sondage mené par Africascope l’ont bien prouvé : 75 % des sujets enquêtés jugent qu’un bon niveau en français est indispensable pour intégrer un emploi. Le taux s’élève même à plus de 90 % dans certaines villes d’Afrique comme Cotonou, Libreville ou Brasilia. 

Que dire en revanche des villes bilingues comme Douala ou Yaoundé ? Le français tient encore une place centrale dans la vie des populations. Au moins 30% des répondants ont déclaré qu’être francophone est primordial pour décrocher un job. Pour les travailleurs de ces pays, le français n’est peut-être pas un critère éliminatoire dans les processus de recrutement, mais il reste un atout vivement souhaité. Dans l’Afrique anglophone, l’aisance à parler et à écrire en bon français est un avantage distinctif pouvant être récompensé par une promotion de carrière ou un accès à des postes stratégiques selon le type d’activité des entreprises. Un bon niveau d’expression orale en français est aussi jugé comme une exigence incontournable pour étudier à l’étranger. 

  • Présence du français en Europe 

  • Le français porte un attribut historique 

Dans l’imaginaire des peuples occidentaux, la langue française porte l’âme et la survivance d’une histoire commune. Cette histoire a ses racines dans l’ancien royaume franc, puis dans la dynastie carolingienne – à la tête d’un vaste empire unifiant l’Italie, la France et la Germanie – plus tard dans le règne mouvementé de Bonaparte qui a été une figure incontournable de l’Europe de la Renaissance. Jusqu’à ce jour, la France est encore un des poumons économiques de l’UE. Les pays de l’Ouest trouvent dans la langue française un emblème unique pour immortaliser les trésors de leurs cultures et de leurs traditions. 

  • Le français mis en faveur dans les productions littéraires

Certes, l’art et la littérature y sont pour beaucoup. Les poètes et les auteurs de romans de descendance française plongent un regard profond sur les mœurs et les traits psychologiques de la société. Il suffit de lire un Stendhal ou un Balzac pour se sentir impressionné par le réalisme et la fidélité de leurs passages narratifs. De ce fait, un amateur de lettres suisse ou italien, désireux d’approfondir son hobby ou d’en faire une carrière professionnelle, peut être amené à prendre des cours de français. La lecture d’un grand roman peut nourrir une passion pour la langue française. 

On retrouve les éléments de fondement d’une forte identité. En effet, pour évaluer la valeur d’une langue, il y a lieu de considérer la composante instrumentale et la composante symbolique. Si l’anglais triomphe par l’usage dans la conversation quotidienne, le français se distingue par sa capacité à faire naître des relations émotionnelles chez les locuteurs. 

  • Le français mis en faveur par le secteur touristique 

L’abondance du capital architectural et historique de France explique aussi en partie le formidable rayonnement de la langue française. L’Hexagone abrite une variété de sites, de monuments et de places publiques qui magnifient les paysages. C’est ce qui vaut à Paris d’être un haut-lieu touristique le plus fréquenté au monde, devançant l’Espagne, le Royaume-Uni, et les USA. Chaque département a ses icônes témoignant d’un intéressant morceau du passé : le musée du Louvres à Paris, le musée Grévin, l’église Notre-Dame de Sartres… Et que dire des antiques places royales, à l’instar de la place de la Concorde, de la place Victoire ou de la place Vendôme, objets de curiosité architecturale pour des visiteurs du monde entier ! D’une manière indirecte, le tourisme exerce un impact sur le souhait d’apprendre la langue française. 

  • Le français : entre frontières francophones et non francophones

On le comprend désormais : le rôle de la langue française ne se limite guère à l’importance numérique de ses locuteurs ni à son statut de filière obligatoire dans les établissements scolaires. Sa vitalité se retrouve dans la multitude des tractations sociales, des jeux médiatiques ou organisationnels qui créent constamment une dépendance avec l’usage de la langue. Dans notre société actuelle, où le ton dicte l’opinion et où l’image du produit est plus convaincante que sa valeur utilitaire, en suscitant une envie simple et pure de possession de l’objet, les firmes pourront mettre à profit le capital de sympathie de la langue française pour consolider leur positionnement concurrentiel. C’est un trait caractéristique de l’universalité du français.  

  • Politique de la France pour défense l’usage et la maîtrise de la langue française : Vade-mecum en 10 points

Pour défendre l’usage du français dans les institutions de l’UE, les autorités françaises ont mis au point un texte appelé « vade-mecum » qui souligne le respect et l’utilisation exclusive de la langue française dans la sphère diplomatique et les négociations internationales de haut niveau, quand bien même d’autres pays se tourneraient vers un unilinguisme anglophone.

Le vade-mecum peut être récapitulé en dix points principaux.  

  1. Souligne la langue française comme un idiome officiel ayant une pleine valeur statutaire au sein des institutions de l’Union ;

  1. Dispose que, dans les assemblées, les délégations de la France énoncent leur discours en français, qu’il y ait ou non un traducteur 

  1. Toutes circonstances exceptionnelles où l’usage du français a été impossible donnent lieu à un procès-verbal et un compte-rendu précis aux législations françaises.
  2. Au besoin, on peut demander un ajournement de la réunion.

  1. il est exigé des responsables de la réunion de remettre une version française des documents préliminaires. 

  1. Les Français se réservent le droit de repousser le débat d’un point de l’ordre du jour à une date ultérieure si les organisateurs n’ont pas produit ou remis en temps utile une version française des brochures ou des rapports d’observation. 

  1. Les représentants des pays francophones doivent s’abstenir de valider un verdict ou une disposition juridique sur la base d’un texte qui n’a pas été traduit en français ; 
  2. Le français est la langue exclusive par laquelle doivent être rédigés les textes et projets de loi délibérés dans le Conseil des ministres de l’Union.

  1. les dirigeants francophones communiquent dans leur langue lors des réunions non formelles, 

  1. Dans les relations bilatérales avec les pays tiers, le français doit prévaloir sur toutes les autres langues.

CONCLUSION

Au terme de cette présentation, nous avons porté un regard profond sur l’utilité d’apprendre le français en analysant de manière objective la place qui revient à la langue française dans le monde d’alors et d’aujourd’hui. D’après nos données, on retrouve une grande variété de réalités ; il est clair que les pays francophones reconnaissent que l’habileté langagière en français est incontournable pour se frayer une voie dans des emplois gradés et mieux rémunérés. Toutefois, ils n’accordent pas la même priorité à l’usage de la langue. Au sein de quelques pays, le français correspond à la langue maternelle. Chez d’autres groupes, il est la langue d’enseignement, la langue de travail et la langue des affaires administratives. Il en va ainsi des territoires de l’Afrique subsaharienne, comme Mali, Gabon, Bénin ou Burkina Faso.  On distingue une troisième catégorie de pays où le français ne possède pas de caractère officiel ; la langue locale a pris racine, s’imposant dans le cercle familial et parlée dans les propos de la rue. Toutefois, le français cohabite avec la langue vernaculaire en se positionnant comme une langue de qualité. Cette situation se retrouve au Maroc, à l’île Maurice et au Seychelles. 

L’étude a mis en relief qu’apprendre le français est un investissement robuste, peu importe la zone linguistique où l’on se trouve. Il est, avec l’anglais, la seule langue qui soit parlée et comprise des locuteurs des cinq continents. C’est l’idiome choisi par nombre d’institutions internationales – comme l’Union africaine ou le Comité d’organisation des jeux de la francophonie – dans les relations de travail. Un bon niveau d’expression orale et écrite en français est un atout robuste pour jeter les bases d’un plan de carrière international. 

En Europe, la politique éducative du pays conditionne l’offre d’enseignement en langues étrangères. La législation peut décider que les écoles dispensent une formation en langue étrangère à une période précise de la scolarité, en édictant ou non des règles explicites sur la langue à privilégier ou sur le créneau horaire d’études. Le français a la préséance sur les autres langues au Royaume-Uni, au Luxembourg, en Belgique, en Chypre et en Roumanie. Toutefois, le volume d’heures consacré à l’étude du français  varie au sein d’un même pays. Ainsi, au Royaume-Uni,  les écoles disposent d’une marge d’autonomie dans la répartition des horaires allouées au français  dans le calendrier global. La décision de faire de la langue étrangère une matière obligatoire est confiée aux soins de l’école. Il n’en va pas ainsi en Chypre,  où les institutions scolaires doivent proposer une offre exceptionnelle de langues  aux enfants à partir de 5 ans. 

Dans l’Afrique subsaharienne, le français constitue une langue incontournable étant donné  ses interactions dans le milieu organisationnel  et dans la vie sociale. Il affirme sa supériorité sur l’Internet, sur les documents scientifiques, sur les réalisations audiovisuelles, y compris  les films et les reportages. Les chiffres parlent d’eux-mêmes: être francophone est jugé nécessaire par plus de 88 % à Cotonou et à Libreville pour accéder à un emploi ou pour traiter des affaires administratives. Il n’est donc pas surprenant que le nombre d’apprenants croît fortement dans l’espace africain plus qu’en Europe ou en Asie. L’enseignement du français à grande échelle correspond à un enjeu critique dans les communautés d’Afrique pour repousser les frontières de la francophonie.

À Madagascar, la pratique du français creuse les fossés entre les pauvres et les couches aisées. Le bilinguisme engendre des rapports de pouvoir au profit d’une élite instruite qui habite dans les villes universitaires et sort elle-même d’une famille ayant un brillant passé scolaire. La majorité des malgaches est laissée pour compte dans le processus de développement, sous prétexte qu’elle ignore une langue qui a supplanté la sienne. La capacité de faire du business, de conclure des contrats ou d’obtenir des prêts bancaires est conditionnée par la maîtrise de la langue française. Source de discrimination et d’exclusion sociale, ce terrain de jeu inégalitaire dénonce les aspects pervers de la francophonie. 

Il ressort de l’étude des enseignements majeurs qui pourraient éclairer les décideurs dans l’optique d’une réforme de la politique linguistique de la France. Il s’agirait surtout de redéfinir le rôle unificateur de la langue française sur l’ensemble des pays relevant de l’aire francophone. À la France incombe le défi de concrétiser ses vœux de fraternité et de richesse interculturelle, en œuvrant pour un traitement équitable des migrants au même titre que les citoyens français (tant sur le plan des débouchés du travail que de l’accès à des postes de haute responsabilité) et en augmentant la prime salariale du bilinguisme dans les pays en voie de développement. 

 Dans les États européens, le français souffre du monolinguisme anglophone. 

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES

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    DOI : 10.3917/her.126.0153
  2. Michel, « Les entreprises françaises mondiales et l’usage du français… »,Hermès, La Revue, 3/2004 (n° 40), p. 158-162.

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Patrick Stuby, « Les usages de la langue française à Madagascar », Mémoire de Master of advanced studies, 

Annexe 1 : Liste des pays où le français est un parler officiel, selon le nombre absolu et le pourcentage de francophones. 

Entités territoriales Nombre de francophones Population

Totale

Densité francophone (%)
Belgique 8 088 000 11 183 000 72,3
 Région wallonnie-Bruxelles  4 658 000 4 753 000 98,0
Bénin 3 848 000 10 880 000 35,4
Canada  10 470 000 36 104 000 29,0
Québec  7 666 000 8 214 000 93,3
 Nouveau-Brunswick  320 000 769 000 41,6
Burkina Faso  3 965 000 17 915 000 22,1
Burundi  897 000 10 813 000 8,3
Cameroun  9 334 000 23 393 000 39,9
République centrafricaine 1 410 000 4 803 000 29,4
Comores 196 000 770 000 25,5
 République du Congo 2 717 000 4 671 000 58,2
 République démocratique du Congo 33 222 000 71 246 000 46,6
Côte d’Ivoire  7 218 000 21 295 000 33,9
Djibouti  450 000 900 000 50,0
France 62 968 000 64 683 000 97,3
Gabon 1 070 000 1 751 000 61,1
Guinée 2 974 000 12 348 000 24,1
Guinée équatoriale  231 000 799 000 28,9
Jersey 400 80 000 0,5
Haïti 4 454 000 10 604 000 42,0
Italie 9 394 000 61 142 000 15,4
Vallée d’Aoste 72 000 120 000 60,0
 Luxembourg 521 000 543 000 95,9
 Madagascar 4 847 000 24 235 000 20,0
 Mali 2 744 000 16 259 000 16,9
 Maurice 911 000 1 254 000 72,6
 Monaco 30 000 38 000 78,9
Niger 2 439 000 19 268 000 12,7
Rwanda  700 000 12 428 000 5,6
Sénégal 4 277 000 14 967 000 28 576,2
Seychelles 50 000 94 000 53,2
Suisse  5 402 000 8 239 000 65,6
Tchad  1 714 000 13 606 000 12,6
Togo 2 787 000 7 171 000 38,9
 Vanuatu  83 000 264 000 31,4

Source : Données du Wikipédia et de l’OIF

Tableau 8 : Classement des langues d’après le nombre de contenus disponibles sur Wikipédia

LANGUE NOMBRE D’ARTICLES  
Anglais 9 221 164 119
Japonais 1 473 037 990
Espagnol 1 146 307 990
Allemand 1 135 324 836
Russe 1 135 098 579
Français 899 316 906

Pourcentage d’élèves selon le nombre de langues étrangères apprises dans le cycle secondaire supérieur de filière générale 

Unilingue bilingue Trilingue
2005 2007 2010 2005 2007 2010 2005 2007 2010
Belgique française Be fr 0,0 0,0 0,1 20,9 20,7 20,5 79,1 79,3 79,4
Belgique flamande Be de .. .. .. .. .. .. .. .. ..
Belgique néerlandaise Be nl 1,0 1,8 0,6 0,0 0,0 0,3 99,0 98,1 98,1
Danemark 4,2 0,0 0,0 28,5 39,2 40,3 67,3 60,8 59,7
Cz 0,0 0,0 0,0 0,0 0,0 0,0 100 100 100
Luxembourg LU 0,0 0,0 0,0 0,0 0,0 0,0 100 100 100
Italie IT 13,3 1,5 1,5 65,9 73,9 72,6 20,8 24,7 25,9
Chypre CY 0,0 0,0 0,0 .. .. 13,4 .. .. 83,6
Espagne ES 3,3 3,9 5,0 68,5 67,8 71,5 28,1 28,3 23,4
Autriche AT 1,5 .. 0,3 22,4 .. 25,0 76,2 .. 74,6
Pologne PL .. 0,8 2,7 .. 19,9 24,9 .. 79,3 72,4
Portugal PT 44,9 .. 54,1 38,0 .. 42,1 17,1 .. 3,7
Grèce EL 1,1 .. 1,0 92,2 .. 93,3 6,7 .. 5,7
Irlande IE 18,3 18,8 18,5 72,8 73,0 73,8 8,9 8,2 7,8
Allemagne DE .. .. .. .. .. .. .. .. ..
Estonie EE 0,0 0,5 .. 19,1 2,1 .. 80,9 97,4 ..
Danemark DK 4,2 0,0 0,0 28,5 39,2 40,3 67,3 60,8 59,7
République Tchèque CZ 0,0 0,0 0,0 0,0 0,0 0,0 100 100 100
Turquie TR .. .. .. .. .. .. .. .. ..
Croatie HR 0,0 .. 0,0 9,4 .. 11,0 90,6 .. 89,0
Norvège  N0 .. .. .. .. .. .. .. .. ..
Liechtenstein LI .. .. …. .. .. .. .. .. ..
Slovaquie SK 0,0 0,0 0,0 0,7 1,7 1,2 99,3 98,3 98,8
Slovénie SI 1,9 1,4 1,5 3,0 0,4 0,8 95,0 98,3 97,7
Roumanie RO 0,0 0,0 0,0 8,2 7,9 1,7 91,8 92,1 98,3
Finlande FI 0,0 0,0 0,0 0,3 0,2 0,3 99,7 99,8 99,7
Suède SE 0,0 0,0 0,0 7,3 8,4 7,3 92,6 91,6 92,7
Islande IS 10,4 14,5 12,9 21,9 22,2 24,4 67,8 63,3 62,6
Lettonie LV 1,0 1,5 0,5 24,9 22,6 20,4 74,1 75,6 79,1
Lituanie LT 0,9 1,0 0,6 44,1 42,8 52,1 55,0 56,2 47,3
Hongrie HU .. 1,0 0,4 .. 57,2 55,2 .. 41,9 44,4
Malte MT 18,7 3,0 0,0 67,2 59,9 18,8 14,0 37,1 81,2
Pays-Bas NL 0,0 0,0 0,0 0,0 0,0 31,1 100 100 68,9
Ensemble UE EU 4,6 2,6 3,5 33,3 34,8 36,9 62,2 62,6 59,4

Pourcentage d’élèves selon le nombre de langues étrangères apprises dans le cycle secondaire supérieur de filière préprofessionnelle/professionnelle 

Unilingue bilingue Trilingue
2005 2007 2010 2005 2007 2010 2005 2007 2010
Belgique française Be fr 41,2 40,9 47,6 37,8 38,6 38,6 21,0 20,5 13,8
Belgique flamande Be de .. .. .. .. .. .. .. .. ..
Belgique néerlandaise Be nl 13,2 13,8 14,5 17,6 18,2 17,8 69,2 68,0 67,7
Danemark 6,0 6,0 6,0 94,0 94,0 94,0 0,0 0,0 0,0
Cz 4,8 2,4 3,0 67,5 71,1 67,0 27,6 26,5 30,0
Luxembourg LU 10,6 11,6 10,8 27,4 25,2 24,8 62,0 63,2 64,4
Italie IT 4,6 4,1 4,1 55,7 57,7 56,2 39,6 38,2 39,7
Chypre CY 0,0 0,0 0,5 .. .. 90,8 .. .. 8,8
Espagne ES 0,0 0,0 .. 96,4 97,4 .. 3,6 2,6 ..
Autriche AT 4,1 .. 1,4 68,5 .. 75,7 27,4 .. 22,9
Pologne PL .. 3,8 4,7 .. 36,1 32,1 .. 60,1 63,3
Portugal PT 34,8 .. 33,3 36,5 .. 59,5 28,7 .. 7,2
Grèce EL 19,7 .. 33,9 78,8 .. 66,1 1,4 .. 0,0
Irlande IE 6,9 7,2 6,2 90,9 90,4 91,0 2,2 2,4 2,8
Allemagne DE .. .. .. .. .. .. .. .. ..
Estonie EE 0,0 0,0 .. 16,1 4,1 .. 83,9 95,9 ..
Danemark DK 6,0 6,0 6,0 94,0 94,0 94,0 0,0 0,0 0,0
République Tchèque CZ 4,8 2,4 3,0 67,5 71,0 67,0 27,6 26,5 30,0
Turquie TR .. .. .. .. .. .. .. .. ..
Croatie HR 2,1 .. 2,5 77,6 .. 72,5 20,3 .. 25,1
Norvège  N0 .. .. .. .. .. .. .. .. ..
Liechtenstein LI .. .. …. .. .. .. .. .. ..
Slovaquie SK 0,5 0,2 0,1 67,9 65,0 47,3 31,6 34,8 52,6
Slovénie SI 4,8 4,7 4,2 58,5 62,4 63,7 36,6 33,0 32,1
Roumanie RO 7,6 0,1 0,5 62,0 50,4 17,9 30,5 49,5 81,6
Finlande FI .. .. .. .. .. .. .. .. ..
Suède SE 1,3 1,0 0,6 87,5 88,5 85,8 11,2 10,5 13,6
Islande IS 53,3 55,0 55,3 23,4 26,8 27,8 23,3 18,2 16,8
Lettonie LV .. .. .. .. .. .. .. .. ..
Lituanie LT 21,3 23,6 14,5 64,1 63,6 66,0 14,6 12,8 19,5
Hongrie HU .. 25,7 20,6 .. 73,8 78,7 .. 0,5 0,7
Malte MT 98,6 .. 0,0 1,4 .. 100 0,0 .. 0,0
Pays-Bas NL .. .. .. .. .. .. .. .. ..
Ensemble UE EU 7,4 5,8 6,1 59,0 59,3 54,5 32,9 34,3 39,4

Nombre de pages du document intégral:73

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