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Le Knowledge management comme levier de compétitivité et de pérennité dans le contexte de guerre de talents

Thème : Le Knowledge management comme levier de compétitivité et de pérennité dans le contexte de guerre de talents

 

Problématique : En quoi le knowledge management est-il un levier de compétitivité et de pérennité de l’entreprise dans l’actuel contexte de guerre des talents ?

 

Plan

 

Introduction

Partie 1. Le knowledge management, au service de l’entreprise

1.1. Le knowledge management

1.1.1. Approche conceptuelle du knowledge management

1.1.2. Pour quelles connaissances ?

1.2. Opérationnalisation du knowledge management

1.2.1. Démarche du knowledge management

1.2.2. Processus mis en œuvre et approche opérationnelle

1.2.3. Facteurs de succès

1.2.4. Freins

1.3. Enjeux du knowledge management pour l’entreprise

1.3.1. Les apports attendus et objectifs du knowledge management pour l’entreprise

1.3.2. Aspects humains, organisationnels, culturels et technologiques du knowledge management

Partie 2. Le knowledge management dans la « guerre des talents »

2.1. Guerre des talents

2.1.1. Entre concept et réalité

2.1.1.1. Concept de « Talent »

2.1.1.2. Une pénurie de talents

2.1.1.3. Une réalité ponctuelle et relative

2.1.2. GRH et gestion des talents

2.1.2.1. Composantes et vocation de la gestion des talents

2.1.2.2. Contribution de la GRH à la performance de l’entreprise

2.2. Enjeu stratégique de la connaissance sur le marché du travail

2.3. La compétitivité de l’entreprise et le marché du travail : compétitivité et Gestion des Ressources Humaines

Partie 3. Etude de cas

3.1. Présentation de l’entreprise

3.2. La gestion des talents au sein de l’entreprise (analyse des existants)

3.3. Apports potentiels du knowledge management pour la compétitivité et la pérennité de l’entreprise (Recommandations)

Conclusion

Bibliographie

 

Introduction

 

Une étude réalisée par Boston Consulting Group en 2012 auprès de plus de 4 000 professionnels issus d’une centaine de pays a révélé les domaines RH (Ressources humaines) qui ont le plus d’impacts sur la performance de l’entreprise. Parmi les facteurs identifiés ainsi figurent le recrutement, l’intégration et la rétention des collaborateurs ainsi que la gestion des talents (Dejoux, 2013). Cette étude montre à quel point la gestion des talents pourraient tenir une place de plus en plus stratégique pour une entreprise. Vraisemblablement, cette notion de gestion des talents constitue une préoccupation majeure des dirigeants, surtout lorsque l’entreprise fait face à un marché de travail fortement soumis à l’incertitude. Cette incertitude est d’ailleurs favorisée par la permanente évolution de l’environnement, ce qui rend aussi difficile toute prévision de l’emploi que ce soit du côté de l’offre ou de la demande du travail. Dans cette perspective, le risque de « pénurie des talents » est toujours présent, mais il faut reconnaitre que cette pénurie dépend de la conception de l’entreprise de ce que c’est un « talent ».

 

Par ailleurs, parler de gestion des talents revient à mettre un accent sur les trois piliers que sont la détection, le développement et la rétention des personnes à valeur ajoutée pour la firme. L’importance de la gestion des talents est alors proportionnelle à la quantité et à la qualité des RH dans l’entreprise, c’est-à-dire que plus le capital humain est stratégique pour cette dernière, plus cruciale est cette gestion des talents. L’entreprise est alors amenée à répondre à un certain nombre de questionnement. Pour assurer le développement des talents, comment transmettre les savoirs d’un collaborateur à un autre, par exemple pour permettre à un travailleur nouvellement embauché de profiter des connaissances des employés expérimentés ? Qu’en est-il de l’avenir de l’entreprise lorsque les employés détenant les connaissances quittent l’organisation (quelle qu’en soit la raison) ? Comment procéder pour traduire les connaissances difficilement transmissibles (voire impossible à transmettre) afin de permettre leur partage ? Quels sont les enjeux de la gestion de cette connaissance, ou knowledge management, suivant la place accordée à la gestion des talents au niveau de l’organisation ?

 

Tous ces questionnements peuvent désormais synthétisés dans la problématique formulée comme suit : En quoi le knowledge management est-il un levier de compétitivité et de pérennité de l’entreprise dans l’actuel contexte de guerre des talents ? En d’autres mots, cela implique d’appréhender les apports éventuels du knowledge management en termes d’avantage compétitif pour l’entreprise lorsque la gestion des talents est un élément stratégique pour le développement et la pérennité même de cette entreprise.

 

Pour répondre à cette problématique, la présente étude a été réalisée en trois étapes correspondant à trois grandes parties de ce document :

 

  • La première partie est consacrée à une revue de la littérature sur le knowledge management, le concept central de l’étude.

 

  • La deuxième partie cherche à appréhender le contexte précis de l’étude en évoquant les notions de « guerre des talents », de gestion des talents ainsi que les enjeux des connaissances et de la gestion de ces dernières au regard de l’avantage concurrentiel recherché pour l’entreprise.

 

  • La troisième partie se focalise sur une étude de cas, celle de BNP Personal Finance, analysant les dispositifs de knowledge management de cette entreprise, conduisant à l’émission de quelques recommandations d’amélioration pour que ces dispositifs apportent effectivement l’avantage compétitif pour l’entreprise.

 

  1. Le knowledge management, au service de l’entreprise

 

Cette première partie se focalise essentiellement sur le concept-clé de la présente étude : le knowledge management. Outre les analyses descriptives de ce concept qui seront faites dans cette partie, il s’agit aussi de s’intéresser sur l’opérationnalisation et les enjeux du knowledge management.

 

  1. Le knowledge management

 

Dans un premier temps, il est important d’appréhender le concept de knowledge management, et plus particulièrement la notion de connaissance qui apparait à la fois comme matière première et produit fini dans ce concept-clé.

 

  1. Approche conceptuelle du knowledge management

 

Pour appréhender le concept de « knowledge management », il convient de s’intéresser à diverses notions qui pourraient être utilisées pour le caractériser. A titre indicatif, ces notions consistent entre autres à une démarche gestionnaire ou managériale qui s’oppose à l’anarchie (au « laisser-faire »), une perspective d’amélioration, une approche collective de sorte à passer du savoir individuel au savoir collectif, une notion de temps (en termes de pérennisation, de mémoire, de capitalisation, …), et notamment la connaissance comme une ressource mobilisable pour l’entreprise (pour l’organisation en général) (Michel, 2001).

 

Il faut aussi reconnaitre une assez forte multiplicité des perspectives quant à l’intérêt porté au knowledge management. Il est ainsi possible de citer des domaines d’application tels que l’informatique dans le traitement et le partage de l’information par des outils numériques, la cognition concernant l’intelligence artificielle, la médiation de l’information-documentation, la formation … Cette multiplicité semble vouloir dire que le knowledge management s’intègre plus ou moins facilement dans presque tous les domaines d’activité, et intéresse à un nombre croissant d’acteurs dans toute organisation, que ce soit de manière explicite ou non.

 

Cette multiplicité affecte ainsi le concept, entrainant en quelque sorte une complexité de sa définition. Une des plus célèbres des définitions du knowledge management est probablement celle de Nonaka et Takeuchi (1995, cités par Oladejo, 2008) : « processus continu d’explicitation et d’internalisation des connaissances » (p. 3). Force est d’admettre que, à côté de cette définition assez large compte tenu de l’étendue du champ couvert par le concept, chaque auteur s’intéressant au sujet est souvent amené à intégrer dans leur propre définition des éléments insistant sur les spécificités du domaine qu’il est en train de traiter. A titre d’exemple, Crié (2003), dans le contexte de l’extraction de connaissance à partir de données, propose une définition moins large (voire plus réductrice) : « processus de capture et d’enregistrement de l’expertise collective d’une entreprise quel que soit l’endroit où cette dernière réside (les bases de données internes ou externes, les documents de toute nature et format ainsi que dans la « tête des individus ») puis de sa redistribution là où elle est susceptible de produire les meilleurs profits » (p. 67).

 

De son côté, Prax (2003) préfère donner un « ensemble » de définition suivant quatre points de vue :

 

  • D’un point de vue utilitaire, il associe le knowledge management à une alternative à la surinformation qui caractérise désormais le domaine du web (en particulier), dans le sens d’offrir une réponse pertinente et personnalisée à une demande tacite (les concepts de connaissances/savoirs tacites et explicites seront développés plus loin).

 

  • Dans une approche plus opérationnelle, le knowledge management peut être considéré comme une combinaison-association de savoirs et de savoir-faire dans le cadre du process, des produits, des organisations pour une optique de création de valeur (inscription dans une volonté d’amélioration de la performance de l’organisation).

 

  • Sur le plan fonctionnel, le knowledge management est décrit dans le contexte du « cycle de vie de la connaissance » (en termes de formalisation, de validation, de diffusion, …) et à travers des outils déployés pour le mettre en œuvre (tels que la collaboration dans le travail, la gestion de projet, la gestion électronique de documents, …). Cette définition qui est d’ailleurs la plus répandue, est tout de même critiquée par l’auteur comme « limitée » du fait qu’elle se focalise seulement sur la mise en œuvre (et non sur la pertinence de cette dernière).

 

  • Enfin, dans une perspective économique, le knowledge management est définit dans un objectif de valorisation du capital intellectuel de l’organisation. Cette valorisation peut désormais s’exprimer dans les savoirs et les savoir-faire, l’exploitation des compétences pour une visée d’amélioration de la productivité.

 

Quelle que soit la composition de la définition proposée, un élément se trouve au centre de la préoccupation : la ou les connaissances et l’importance de la gérer (to manage).

 

  1. Pour quelles connaissances ?

 

Citant Warhust (2001), Pesqueux (2005) identifie trois « prises de consciences » ayant favorisé l’émergence de la référence faite au knowledge management :

 

  • D’abord, il y a le fait de reconnaitre la place centrale que devrait occuper la connaissance dans la vie d’une organisation.

 

  • Ensuite, il y a la considération de la restructuration nécessaire de l’organisation pour pouvoir garantir le management de cette connaissance.

 

  • Enfin, la recherche d’amélioration de l’avantage concurrentiel par le biais de cette connaissance.

 

Ainsi, une approche par la connaissance émerge faisant ressortir vers le premier plan la « connaissance » comme une « ressource à caractéristique intrinsèque qui remplit les conditions nécessaires pour l’émergence d’un avantage concurrentiel » (Naffakhi, Boughattas-Zrig, & Schmitt, 2008, p. 28). Du coup, les chercheurs du domaine de la gestion se sont focalisés sur la création (la manière de créer) de la connaissance au sein d’une organisation. Le « savoir », un concept souvent confondu à celui de « connaissance », est lui-même composé de connaissances tacites et de connaissances explicites.

 

Pour expliquer la différence entre ces deux types de connaissances qui se juxtaposent (Crié, 2003), il faut d’abord s’intéresser aux opérations menées de la vocation du knowledge management avec lesquelles les connaissances tacites sont explicitées (et deviennent alors, même en partie, des connaissances explicites) par conversion en messages pouvant dès lors être traités tels des informations. Les connaissances tacites prennent leur source dans l’individu, et elles sont difficilement articulées (Naffakhi, Boughattas-Zrig, & Schmitt, 2008). Plus précisément, la connaissance explicite est aisément diffusable tandis que la connaissance tacite (dite aussi « incorporée ») est peu « formalisable ». Cette dernière provient d’apprentissages en action.

 

Polanyi (1967, cité par Marchand, Lauzon, & Pérès, 2007) précise qu’une part importante du savoir individuel relève de la connaissance tacite difficilement traductible en langage rationnel, contrairement au savoir explicite. C’est le fait de ne pas être explicité et tracé que la connaissance est ainsi de nature tacite. Crié (2003) explique de manière plus opérationnelle que « La tâche du KM [knowledge management] est alors de favoriser l’explicitation de ces connaissances, de façon toujours incomplète car elles contiennent un substrat tacite, puis de les transcrire au sein de documents ou de systèmes normatifs […] et enfin de les représenter ou de les modéliser soit de façon mathématique […], soit de façon graphique […], soit encore sur un mode verbal » (p. 69).

 

Par ailleurs, parler de la connaissance dans le contexte du knowledge management devrait passer par la distinction et la relation éventuelle entre elle (la connaissance) et d’autres éléments connexes, à savoir la donnée, l’information, le savoir/la compétence :

 

  • La donnée est un élément indépendant de l’intention ou du projet relatif à elle-même, sauf dans la formalisation (Pesqueux, 2005). En d’autres termes, une donnée est dépourvue de sens en elle-même et sa véritable signification se trouve nécessairement dans sa relation avec l’occurrence de sa collecte et avec la base de données relationnelle où elle est stockée et mise à disposition.

 

  • L’information est, quant à elle, une donnée (ou bien un ensemble de données) mais articulées de manière à constituer un message pourvu de sens. Il y a là une intention dans la manière d’organiser la ou les données, ce qui affecte à l’information un caractère subjectif. « L’information est donc un ensemble de données replacées dans un contexte, principalement organisationnel pour ce qui nous intéresse ici, et porteuse d’un sens particulier » (Pesqueux, 2005, p. 9). L’information peut être sujette d’un « processus de transformation » à l’aune d’un produit fini à travers son traitement (analyse statistique, rédaction d’un article, …) (Glorieux & Meunier, 2008). L’organisation apparait alors comme un véritable système de traitement de l’information, un traitement impliquant trois activités, dont la collecte, l’interprétation et la « modification » (traitement proprement dit) des données. Pour attribuer un sens à l’information, l’organisation est amenée alors à réaliser des interprétations, une étape entre la recherche d’information et l’apprentissage (organisationnel).

 

  • La connaissance est un élément relativement pérenne par rapport à l’information (cette dernière étant perissable, dont la valeur décroit avec le temps et la formalisation tend à la rendre obsolète) (Crié, 2003), et reste « activable » selon les situations. Cette connaissance est cumulative (conception chronologique ou diachronique) et transférable (conception anachronique ou synchronique). Arrow (1982, cité par Pesqueux, 2005) attribue à la connaissance trois propriétés comparables à celles d’un bien public, à savoir sa non-contrôlabilité dans le sens où celui qui diffuse sa connaissance n’en reçoit pas systématiquement de rétribution, sa non-rivalité en termes de consommation, et sa cumulabilité étant entendu que le flux est en fonction du stock disponible.

 

  • La « compétence » dont Terssac (1995, cité par Pesqueux, 2005) cite une définition : « une notion intermédiaire qui permet de penser les relations entre le travail et les savoirs détenus par les individus » (p. 14). La connaissance serait une composante de la compétence. Quant au « savoir », Glorieux et Meunier (2008) distinguent le savoir-faire (le know-how) qui se rapproche du concept de compétence en termes d’expériences et de connaissances pratiques utilisées dans une activité, d’une part, et le savoir-être qui indique un comportement, une habileté ou une conduite dans le cadre professionnel (esprit critique, initiative, autonomie, …).

 

Crié (2003) résume ainsi le processus : les données font l’objet de transformation pour produire des informations, et l’assemblage d’une partie traitée de ces dernières (de manière à donner un sens) débouche sur la connaissance. « La connaissance est une démarche intellectuelle qui vise à aborder des phénomènes dans le but de les comprendre, de les prévoir, de les capitaliser ou de les reproduire » (Glorieux & Meunier, 2008, p. 5). Par rapport à l’information qui peut être facilement capitalisée et stockée sous forme explicite (dans un document, par exemple), la connaissance (composée essentiellement de connaissances tacites) est subjective car résultant d’une démarche humaine, donc difficile à formaliser et à communiquer.

 

Figure 1 – Processus de construction de la connaissance à partir de données

Source : Balmisse (2008, cité par Glorieux et Meunier, 2008)

 

Pour conclure, il est possible de citer trois « classes d’actifs incorporels » qui constitueraient les connaissances en tant qu’inputs dans l’entreprise du knowledge management, selon Pesqueux (2005) :

 

  • Les compétences des collaborateurs correspondant aux capacités de ces derniers dans l’agir pour créer des actifs corporels ou incorporels. Cette classe d’actifs immatériels seraient à l’origine des deux autres classes ;

 

  • Les actifs immatériels à composante interne que sont des éléments disparates tels que brevets, concepts, culture de l’organisation, modes et processus de fonctionnement et organisation administrative ;

 

  • Les actifs immatériels à composante externe qui concerne la relation de l’organisation avec son environnement (son public et ses partenaires, notamment). Ces actifs incluent alors des éléments comme la relation avec les clients et avec les fournisseurs, ainsi qu’avec tout acteur externe. Ces actifs recouvrent beaucoup d’aspects, comme les marques, les noms de produits, l’image et la réputation de l’organisation, …

 

  1. Opérationnalisation du knowledge management

 

Crié (2003) annonce clairement un des objectifs assignés au knowledge management : « relier des informations structurées (explicites) et non structurées (tacites, implicites) à un certain nombre de règles d’utilisation insérées dans le processus même d’élaboration des connaissances » (p. 70).

 

Pour parler de l’opérationnalisation du knowledge management dans une organisation, il est intéressant de constater deux perspectives possibles faisant ensuite apparaître deux différentes stratégies (Pesqueux, 2005) :

 

  • Une perspective représentationniste met en évidence la stratégie de codification qui est centrée sur l’informatique. L’élément fondamental du knowledge management dans les organisations optant pour cette stratégie réside dans la performance relative à la conception, la réalisation et la disponibilité des bases de données qui stockent la connaissance codifiée.

 

  • Une perspective non-représentationniste met l’accent sur le rôle des acteurs de l’organisation dans une stratégie de socialisation des connaissances. Dans les organisations optant pour une telle stratégie, la relation entre la connaissance et les individus l’ayant développée est très étroite que la transmission de cette connaissance s’effectue nécessairement par des contacts directs interpersonnels. Il ne s’agit plus alors d’une question de stock et le knowledge management œuvre pour favoriser la communication de la connaissance entre des personnes.

 

Le knowledge management se construit sur une gradation s’établissant entre les différentes notions connexes énoncées plus haut (données, informations, savoir et compétence, et connaissance). « Ces […] notions servent de point d’appui à un ensemble d’analyses qui éloignent de la thématique « système d’information » compris essentiellement comme un système informatique pour aller à une logique à la fois de type ressources humaines, de type financier avec la notion de capital immatériel et, plus généralement, de type stratégique » (Pesqueux, 2005, p. 8).

 

Dans ce sens de cette gradation, Benmahamed et Ermine (2009) identifie trois approches majeures avec lesquelles le knowledge procède en général dans les organisations pour aboutir à une finalité patrimoniale (la préservation, la réutilisation et l’actualisation des connaissances) et à une finalité d’innovation durable (création dynamique des connaissances individuelles et pour un apprentissage organisationnel) :

 

  • Une approche économique et financière, avec laquelle la connaissance est prise comme un capital immatériel doté d’une valeur économique.

 

  • Une approche managériale, avec laquelle la connaissance est appréciée tel un élément de compétitivité affectant sa performance. Cette approche est globale, traitant à la fois la question d’organisation de travail, la problématique des ressources humaines, le sujet portant sur le système d’information et la technologie de l’information.

 

  • Une approche techno-centrée qui s’intéresse beaucoup plus à la connaissance à partir du management ou des ressources humaines.

 

Bien qu’il n’y ait pas (encore) d’unanimité sur la ou les approches à privilégier pour un type particulier d’organisation, le knowledge management est en général apprécié en faisant une analogie au secteur pétrolier et gazier : une métaphore prenant la connaissance comme un gisement ainsi que comme matière première, donc à exploiter. Benmahamed et Ermine (2009) présente un modèle de référence donnant des idées sur le fonctionnement et l’opérationnalisation du knowledge management dans une organisation qui s’intéresse de manière sérieuse à l’exploitation de la connaissance pour en tirer un avantage concurrentiel (cf. Figure 2 – Vision de l’organisation pour le knowledge management).

 

Le modèle considère l’organisation comme un ensemble de réseaux d’acteurs (A) qui sont censés apporter à celle-ci de la valeur ajoutée à travers leur savoir-faire aussi bien dans les actes décisionnels que dans les processus opérationnels. Il s’agit alors d’une capacité cognitive des acteurs appuyée par le système d’information (I) dans l’appropriation de l’information afin de la transformer en connaissance décisionnelle ou opérationnelle. En retour, ces acteurs produisent à leur tour de l’information lorsqu’ils formalisent leurs connaissances, une information qui s’accumule (dans le patrimoine de connaissances (K.) de l’organisation) et des connaissances qui sont exprimées dans le système d’information.

 

Figure 2 – Vision de l’organisation pour le knowledge management

Source : Ermine, Lang et Philippe (2008, cité par Benmahamed et Ermine, 2009)

 

Le knowledge management est ainsi défini « comme un système où des réseaux d’acteurs interagissent avec un système d’information (par des fonctions d’appropriation et d’expression) » (Benmahamed & Ermine, 2009, p. 5). Le système (ou sous-système) formé dans ce modèle (appelé AIK par son auteur, Ermine, 2008) est censé apporté une valeur ajoutée à l’organisation du fait que les connaissances produites sont plus importantes (plus grande en termes de valeur) que celles qui sont consommées (input).

 

  1. Démarche du knowledge management

 

A titre de rappel, le knowledge management se focalise essentiellement sur l’explicitation (ou formalisation) des connaissances tacites. Ces dernières sont désormais des connaissances pratiques ainsi que des savoir-faire initialement non-stockables mais précisant les pratiques usuelles. La formalisation des connaissances tacites concerne leur identification, leur nomenclature, leur analyse, leur taxinomie (classification et rassemblement), leur codification, leur indexation, leur commentaire, leur « mise en boîte » de sorte qu’elles puissent survivre à tout changement organisationnel, de personnel ou de gestion de l’organisation. « La formalisation des savoirs tacites peut être envisagée pour capitaliser une mémoire de processus » (Marchand, Lauzon, & Pérès, 2007, p. 20).

 

Tableau 1 – Savoir tacite et savoir explicite

Savoir tacite Savoir explicite
Expérience Savoir, connaissance
Savoir-faire Information
Intuition Concepts
Mémoire Documents
Savoir oral Écrit
Socialisation Extériorisation
Informel Formel
Subjectivité Objectivité
Réseau Hiérarchie
Groupes Structures

Source : Ballay (2002, cité par Marchand, Lauzon, & Pérès, 2007).

 

Mais, il importe de se poser préalablement, avant de lancer un quelconque projet de knowledge management, un certain nombre de questions, dont entre autres relatives à la limite du possible quant à ce qui est demandé aux travailleurs pour expliciter leurs savoirs tacites, le coût que cela pourrait engendrer, la nécessité et la motivation sous-tendant cette explicitation. « Comme en toute chose, un bon équilibre entre une formalisation exacerbée des savoirs et une culture de traçabilité pertinente aux besoins de l’organisation s’avère un bon choix »  (Marchand, Lauzon, & Pérès, 2007, p. 20). Des auteurs (Marchand, Lauzon, & Pérès, 2007) ont même fournit une liste (non nécessairement exhaustive) concernant les moments opportuns pour procéder à cette explicitation des connaissances tacites : accueil de nouveaux collaborateurs, départ d’un expert (à la retraite, par exemple), une crise vécue par l’organisation, une modification de cette dernière (fusion/acquisition, par exemple), ou encore une réorientation stratégique.

 

Tisseyre (1999) propose une méthodologie plus explicite dans la démarche du knowledge management. Il invite d’abord les concepteurs et les décideurs à méditer sur trois éléments fondamentaux : les connaissances stratégiques (à prendre en compte), l’impact attendu d’un meilleur management des connaissances sur les résultats opérationnels, et le poids devant être accordé (ou voulu) au knowledge management dans l’organisation. L’auteur précise ensuite sept chantiers devant être gérés dans la mise en place des chantiers organisationnels, humains, financiers et technologiques, de sorte à éviter toute rupture de connaissances et de compétences aux moyens technologiques destinés à les exploiter :

 

  • Un business case permettant de calculer le retour sur investissement. Cela nécessite d’établir une cartographie des connaissances, le rattachement des connaissances individuelles à cette cartographie, la « valorisation » (estimation de la valeur) de ce capital connaissance, le calcul des coûts (d’investissement et d’exploitation), et le business case proprement dit (résultat).

 

  • Etude de la nouvelle organisation chargée d’alimenter, de gérer et de diffuser les connaissances. Il faut faire une réflexion sur la manière pour intégrer le knowledge management dans l’organisation, c’est-à-dire pour capter (mode centralisé ou non), pour structurer (trier et organiser afin d’assurer la cohérence), pour diffuser (suivant qu’il s’agisse de mode d’organisation centralisé ou non), et pour mettre à jour les connaissances. Il faut également décider de l’organisation du knowledge management suivant l’approche choisie, par exemple : Mode décentralisé pour une approche Top-down et mode centralisé pour une approche Bottom-up. Enfin, il faut définir les rôles et responsabilités dans l’organisation, selon le mode d’organisation choisi.

 

  • Analyse des principaux processus qu’il faut gérer par le knowledge management, plus précisément pour définir l’impact de la mise en place de ce dernier sur le processus de l’organisation. Il est nécessaire alors de caractériser les processus sur lesquels le knowledge management devrait être intégré, et cela par l’élaboration d’une grille d’analyse devant permettre d’apprécier l’apport du knowledge management pour chaque processus considéré. Il est aussi crucial d’apprécier la modification que vont subir des processus de knowledge management, en s’intéressant aux capacités stratégiques apparaissant suite à la mise en place du knowledge management : transversalité, localisation d’une action de masse, collaboration, accélération, capitalisation, … Il faut ensuite relier ces capacités aux processus devant être impactés par le knowledge management et la manière de les mettre en œuvre (mode push ou pull).

 

  • Mise en place d’une définition et d’une gestion du contenu (du référentiel) des connaissances. Il faut alors modéliser les connaissances (intégration de trois éléments : processus, modèles cognitifs et stockage) pour les relier ensuite aux processus. Il faut également déterminer les manières dont il convient de codifier et d’exploiter ces connaissances.

 

  • Mobilisation et conduite du changement occasionné par le knowledge management en vue d’une meilleure adhésion de l’organisation au programme et d’inciter tous les acteurs à collaborer activement (fournir les informations et connaissances). C’est une question de formation, d’intégration du knowledge management à la vie de l’organisation (mode progressif ou mode de rupture), de changement (par des moyens du type « incitation » ou du type « reconnaissance ») et de continuité.

 

  • Mise en place d’un dispositif (un tableau de bord) pour mesurer la performance pour apprécier les impacts de l’introduction du knowledge management.

 

  • Le chantier technologique avec lequel sont définis les outils à mettre à la disposition des acteurs pour favoriser l’acquisition, la gestion et la diffusion de leurs connaissances. Il importe alors de méditer sur les technologies disponibles pour la réalisation d’une solution de knowledge management, des capacités stratégiques de ces outils, et la liaison qu’il faut établir entre ces outils et les chantiers cités précédemment.

 

  1. Processus mis en œuvre et approche opérationnelle

 

Michel (2001) identifie plusieurs processus à l’œuvre dans la pratique de knowledge management :

 

  • Processus de collecte de données, d’informations, de règles de connaissance, de retour d’expérience et d’autres rapports d’étonnement. Ce processus est basé sur une collaboration des acteurs et des réseaux d’acteurs. « Il fait l’objet de formalisations (écrites, orales) avec consignations documentaires des informations en question selon des formats préalablement définis ou non » (Michel, 2001, p. 182).

 

  • Processus de modélisation et d’extraction de sens, de reformulation (reconstruction), d’établissement de synthèse, et d’élaboration d’arbres de connaissance. Cela correspond à favoriser le passage de l’information à la connaissance, à rechercher et à établir des modèles ou lois, à comprendre le sens implicite. Ce processus fait intervenir des médiateurs, des éditeurs ou des facilitateurs, des experts, ainsi que des outils.

 

  • Processus d’engrangement, de capitalisation et de conservation, impliquant l’élaboration et la mise à jour d’un réservoir d’information, de règles et de documents de connaissance. Les outils ainsi élaborés et leur gestion répondent à un besoin de pérennisation du processus et d’aisance dans l’accès et l’utilisation des stocks de connaissances.

 

  • Processus de redistribution et de partage muni de réponses en mode push (courriel, forums, …) ou en mode pull (bases de données, sites intranet et internet, …).

 

  • Processus de régulation-dynamisation de l’ensemble des processus cités précédemment, essentiellement dans le cadre d’évaluation, de production de feedback, d’une garantie pour l’auto-développement pérenne des outils de gestion des connaissances.

 

Glorieux et Meunier (2008) veulent insister sur le caractère dominant mais peu visible des connaissances qui sont l’objet du knowledge management. Ces auteurs identifient (sans en établir une liste exhaustive) des catégories de cette partie « moins visible de l’iceberg », à savoir : les processus (tels que savoir-faire, « trucs et astuces », …), la gestion de l’information (échanges informels à partir de processus formels, échanges informels sur des blogs ou forums, informations orales, …), l’expertise (stockées dans les livres de connaissances, par exemple), la formation, la mémoire (mémoires individuelles, narration sur un parcours personnel contenu dans un support, …), le lien social et la communication (relation sociale, par exemple). Ainsi, une organisation voulant capitaliser et valoriser les connaissances de ses collaborateurs est amenée à développer une méthodologie de knowledge management selon deux tendances (que l’organisation opte pour une internalisation du projet de knowledge management ou bien un recours à une externalisation) (Glorieux & Meunier, 2008) :

 

  • D’un côté, il y a la stratégie de codification par une gestion globale des connaissances dominée par les technologies et les processus et répondant à des perspectives de productivité. Cette stratégie qui consiste en une analyse du marché, un benchmarking, et en la réalisation d’entretiens, est construite de façon globale mais s’applique à un contexte particulier. « L’information est normalisée et codifiée afin de transmettre à l’aide des TIC un cadre normatif et structuré » (Glorieux & Meunier, 2008, p. 18).

 

  • D’un autre côté, il y a la stratégie de personnalisation qui se focalise sur les connaissances des individus de l’organisation, une stratégie répondant à des attentes d’innovation qui nécessitent des échanges interindividuels. Il s’agit de mettre en évidence les connaissances implicites et la façon dont elles font l’objet de transmission et de partage, s’appuyant sur l’expérience et l’expertise pour faire émerger le savoir-faire et le savoir.

 

En tout cas, la réussite dans ces opérations est conditionnée par un certain nombre de paramètres.

 

  1. Facteurs de succès

 

Bien entendu, la réussite dépend de tous les éléments constituant le projet qui peut être sensiblement différent d’une organisation à une autre, d’un contexte à un autre. Mais, Michel (Michel, 2001) énumère plusieurs facteurs apparaissant comme essentiels pour qu’une démarche de knowledge management dans l’organisation soit un succès :

 

  • Une démarche politique, managériale et volontariste qui explicite la liaison forte entre le projet et la stratégie globale de l’organisation. C’est une sorte de balise contre l’anarchie, sans toutefois favoriser un pilotage excessif en top-down.

 

  • La délimitation d’un champ opératoire, impliquant une définition des champs de contenu concernés par la capitalisation et la structuration des savoirs.

 

  • Une réelle mobilisation et efficace de l’ensemble des acteurs : le facteur humain est au centre des dispositifs de knowledge management.

 

  • Un usage résolu et incitatif des TIC, sans perdre en pertinence, de sorte à accélérer la transmission et l’optimisation des constructions de connaissances.

 

  • Un accent sur les langages, les terminologies de l’organisation car ce sont les principaux véhicules des connaissances.

 

  • Une intégration du knowledge management dans la vision, la culture, et les valeurs de l’organisation.

 

Désormais, tout ne va pas de soi avec le knowledge management, nécessitant alors une stratégie et une mise en œuvre cohérente et efficiente, de manière similaire à la stratégie globale de l’organisation. A côté de ces éléments de succès, il existe aussi des facteurs constituant des freins pour le projet.

 

  1. Freins

 

Plusieurs éléments peuvent venir en obstacle pour la réussite d’un projet de knowledge management. Il n’est pas question d’en établir une liste complète, d’autant plus que cela dépend étroitement des composantes des dispositifs mis en place ; l’idée est surtout d’évoquer non seulement l’existence de ces freins mais surtout leurs impacts potentiels sur le projet. Ci-après quelques-uns de ces freins (Michel, 2001 ; Crié, 2003 ; Glorieux & Meunier, 2008) :

 

  • Faible compréhension (par les décideurs, par des acteurs de l’organisation) des concepts relatifs au projet et des bénéfices de la participation active dans ce dernier.

 

  • Une démarche top-down qui n’est pas accompagnée d’une réelle implication de tous les acteurs de l’organisation. Ce problème va souvent de pair avec une démarche ne prenant pas en compte que des réalités de l’organisation très différentes de l’esprit du knowledge management. Cela risque alors d’affecter la pérennité du projet, surtout lorsqu’il s’agit de démarche technocratique imposée par le haut de la hiérarchie pour maintenir le contrôle de l’information qui circule dans l’organisation.

 

  • La non-prise en compte des dispositifs déjà existants, tels que des archives, une équipe de normalisation, un centre de documentation, la propriété industrielle, … Cela pourrait entre autres occasionner des coûts qui auraient dû être réduit, voire supprimés.

 

  • La non-définition des responsabilités pour assurer (entre autres) l’alimentation des outils, bien conçus qu’ils soient. Cela risque de compromettre la pérennisation et la rentabilité du projet. Il en est de même de la non-considération des besoins à satisfaire en termes d’information et de connaissance dans l’organisation lors de l’élaboration du projet.

 

  • Le développement d’un excessif formalisme, stérile et coûteux dans un souci de cadrage des processus et de traçabilité du recueil et de la diffusion des informations peut être également une source de problème, du fait de la rigidité que cela engendre. Il est même préconisé de ne pas neutraliser « des approches foisonnantes, informelles, [et] destructurantes » (Michel, 2001, p. 183).

 

  • Le manque d’optimisation, au profit d’une volonté de tout accumuler et au détriment d’une démarche sélective en termes de recherche de sens, risque de déboucher sur un contresens. Une « surinformation » peut alors être synonyme de manque/absence d’information. De manière analogue, la volonté de tout automatiser (même en matière de prise de décision) peut être contre-productive.

 

  • La faible culture informationnelle dans l’organisation est aussi un frein majeur, souvent nourri par une recherche illusoire de préservation de pouvoir. Il en résulte la difficulté d’inciter les acteurs à partager leurs connaissances (notion de « résistance organisationnelle », Slater & Narver, 1995 ; Hurley & Hult, 1998 ; cités par Crié, 2003), comparant une relative faiblesse de la rentabilité par rapport à l’investissement collectif nécessaire au knowledge management impliquant une perte d’énergie et de temps.

 

Une enquête réalisée à la fin du XXème siècle (Prax, 2003) décrit les principaux freins associés à l’introduction du knowledge management auprès d’une soixante-dizaine d’entreprises ayant participé à cette enquête. Cela démontre la forte liaison entre le knowledge management, les hommes, les stratégies et la culture de l’organisation.

 

Tableau 2 – Principaux freins à l’implémentation du Knowledge Management

Freins à l’implémentation du Knowledge Management Taux de répondants (%)
Faible compréhension des concepts et bénéfices du Knowledge Management, communication insuffisante 55%
Manque de temps 47%
Manque de soutien et de conviction de la Direction générale 34%
Difficulté de changer la culture de l’entreprise 34%
Trop de projets en cours 29%

 

En somme, une organisation a intérêt à bien appréhender les enjeux associés au knowledge management.

 

  1. Enjeux du knowledge management pour l’entreprise

 

Bien que le knowledge management ne constitue pas un concept tout à fait nouveau puisque le savoir se transmettait presque toujours de génération en génération, ce concept n’a véritablement intéressé la littérature scientifique et les dirigeants des entreprises quant à la place de la connaissance dans l’organisation qu’au début des années 1990. Le knowledge management n’a pas seulement vocation à gérer et faire vivre les connaissances capitalisées et valorisées, mais également à en générer de nouvelles. « L’enjeu ne concerne donc plus exclusivement les outils informatiques ou de communication, mais il s’étend également aux agents (dans la perspective du partage et de la réutilisation des connaissances) » (Pesqueux, 2005, p. 7).

 

Pour apprécier alors les enjeux du knowledge management, il apparait important d’apprécier ses principaux apports au regard des objectifs qu’on lui a été assignés pour l’entreprise. Il importe également de considérer les éventuelles contraintes et coûts qu’il génère, notamment pour les hommes et l’organisation. 

 

  1. Les apports attendus et objectifs du knowledge management pour l’entreprise

 

Prax (2003) cite quatre attentes des agents organisationnels auxquelles le knowledge management est censé satisfaire :

 

  • Disposer l’information dont ces agents auraient besoin à un moment précis, sans que ces dernières en fassent la requête.

 

  • Répondre à leur demande d’information suivant une logique orientée vers l’utilisateur, alors que celle du système d’information tourne autour de l’accumulation d’informations.

 

  • Elaborer « un processus de création, d’enrichissement, de capitalisation et de validation des savoirs et savoir-faire impliquant tous les agents » (Pesqueux, 2005, p. 5).

 

  • Soutenir la performance collective et contribuer à sa pérennité.

 

Quant à Crié (2003), il indique clairement et explicitement « l’avantage compétitif » comme objectif fondamental, la véritable finalité du knowledge management. Pour cela, il cite également des objectifs intermédiaires (devant mener vers cet objectif principal) :

 

  • Un degré davantage élevé de la maîtrise du développement des produits/services innovants ;

 

  • Une augmentation de la valeur ;

 

  • Une gestion meilleure de la relation client et une réponse plus efficace à leurs besoins émergeants ;

 

  • Une amélioration des compétences des collaborateurs ;

 

  • Une efficience plus importante ;

 

  • Une capacité d’adaptation encore plus grande sur le plan culturelle ;

 

  • Et une baisse des coûts.

 

Pour sa part, Glorieux et Meunier (2008) identifient quatre principaux avantages d’une démarche du knowledge management :

 

  • Optimisation de la production et hausse de la production : autrement dit, une meilleure exploitation des connaissances que dispose déjà l’entreprise en son sein pourrait constituer une source très importante de productivité. En effet, des erreurs déjà commises pourraient être évitées, l’expérience et le savoir-faire d’un individu pourraient être transmis à d’autres individus, … grâce au knowledge management. « Il faut inciter les acteurs à capitaliser sur le projet afin que l’individu rencontrant le même type de tâche à l’avenir puisse y trouver toute la documentation à sa disposition » (Glorieux & Meunier, 2008, p. 14).

 

  • Aide à la décision : désormais, la complexité du processus de décision dans une entreprise réside dans son dynamisme, c’est-à-dire qu’un décideur agit en fonction d’un ensemble d’informations. D’où, il n’est pas question de trouver la bonne réponse/décision, mais plutôt la meilleure voie pour parvenir à l’objectif : c’est là que le knowledge management peut intervenir à travers l’échange des sources d’information et d’opinions, la relation client et l’anticipation de ses besoins.

 

  • Valorisation des compétences des individus, dont des compétences courantes et spécifiques, des compétences acquises selon des degrés d’efforts/investissements divers, des compétences plus ou moins valorisantes. L’entreprise a alors intérêt à identifier surtout les compétences rares et valorisantes lui accordant une meilleure vision dans sa politique de recrutement, de formation, d’orientation stratégique, de motivation et de reconnaissance du personnel, et d’accès aux ressources humaines dont elle (l’entreprise) a besoin.

 

  • Soutien à l’innovation, c’est-à-dire à l’action réussie de mettre sur le marché d’un nouveau produit ou service pouvant accorder à l’entreprise un avantage stratégique. Le knowledge management génère un climat favorable à l’émergence d’idées nouvelles, à leur captation, à leur mise en valeur et à leur transformation en innovation.

 

Finalement, le knowledge management devrait contribuer largement à l’atteinte des objectifs stratégiques de l’entreprise. Néanmoins, il ne faut pas non plus minimiser ses impacts non nécessairement positifs.

 

  1. Aspects humains, organisationnels, culturels et technologiques du knowledge management

 

Désormais, Crié (2003) définit le knowledge management suivant quatre aspects mettant (en quelque sorte) en valeur ses caractéristiques et ses enjeux :

 

  • Aspects organisationnels

 

En fait, le knowledge management n’est pas sans conséquence sur l’organisation de l’entreprise, mettant même en jeu l’exercice et la répartition du pouvoir. Schoonhoven et Jelinek (1997, cités par Crié, 2003) suggère que « les entreprises doivent s’organiser par projet, en créant des groupes de travail dans un climat de coopération, de confiance et de coordination horizontale » (Crié, 2003, p. 70). D’ailleurs, le périmètre de la coopération s’élargit grâce à des outils de la technologie numérique, et cela jusqu’à l’estompage de la frontière physique (laissant parfois la place à des communautés virtuelles de collaborateurs dans des espaces de travail analogue à des réseaux sociaux).

 

Pour faciliter la diffusion des connaissances, il est préconisé que tout projet de knowledge management favorise une organisation transversale ou matricielle. En tout cas, l’information devrait être au centre du dispositif organisationnel, ce qui revient généralement à redéfinir les éléments de contrôle du travail. « Le schéma organisationnel doit construire un environnement physique du travail propice à la création et au partage des connaissances » (Crié, 2003, p. 71). L’implémentation d’une démarche de knowledge management peut alors contraindre l’entreprise à réviser plusieurs processus internes, tout en cherchant d’améliorer les relations externes.

 

  • Aspects humains

 

L’intervention humaine est plus que nécessaire que le knowledge management devrait accorder également une place centrale à l’individu dans le système. « L’intime liaison qu’il peut exister entre la performance globale des employés et leur tendance à un comportement orienté vers la connaissance (Knowledge-oriented Behavior) » (Crié, 2003, p. 72) est à mettre en évidence. Principalement, le capital humain devrait être considéré comme une source d’avantage concurrentiel à long terme, notamment pour une entreprise dans laquelle le poids des ressources humaines est relativement élevé. La gestion des ressources humaines fait donc face à cette contrainte de fournir à l’entreprise ce capital humain devant lui permettre cet avantage concurrentiel, aussi bien au niveau du recrutement, de la fidélisation, que de l’amélioration des compétences des travailleurs.

 

  • Aspects culturels

 

L’introduction du knowledge management dans l’organisation impose à l’entreprise de trouver les moyens pour favoriser l’émergence et le renforcement d’une culture commune de la connaissance, une culture impliquant chaque individu à son développement et à son partage. « C’est en effet la culture de l’apprentissage et de l’inter-apprentissage qui favorise l’échange des connaissances » (Crié, 2003, p. 73). Pour y arriver, Davenport et Prusak (2000, cités par Crié, 2003) préconise un certain nombre d’actions à entreprendre : stimuler les travailleurs par la récompense selon la contribution à la création et à la diffusion des connaissances, encourager l’émulation des cadres, valoriser et accorder davantage d’importance aux décisions et aux processus d’élaboration se basant sur les connaissances mobilisées, recruter en fonction des capacités cognitives potentielles des individus, et former tous les acteurs au knowledge management et au management par la connaissance.

 

  • Aspects technologiques

 

Même s’il faut admettre que la technologie ne modifie pas de manière substantielle la connaissance, les outils qu’elle dispose devrait aider à faciliter l’extraction, la saisie et la structuration, la capitalisation, la diffusion et le partage, et l’utilisation de cette connaissance. La technologie « permet plus aisément de formaliser l’intelligence et l’expérience des individus afin de rendre accessible la bonne information à la bonne personne au bon moment » (Crié, 2003, p. 73).

 

En somme, le knowledge management n’apparait plus comme option pour les entreprises, notamment celles dont les connaissances des collaborateurs sont intimement liées à leur potentiel de développement. Il faut tout de même dire que le poids devant accorder au knowledge management devrait varier d’un type d’entreprise à un autre, en considérant entre autres la rareté des ressources humaines, d’où l’intérêt d’étudier la problématique de gestion de connaissance dans le contexte de « guerre des talents ».

 

  1. Le knowledge management dans la « guerre des talents »

 

Cette deuxième partie cherche à appréhender les enjeux de la connaissance (et de sa gestion) en mettant un accent sur le contexte de « guerre des talents » vis-à-vis de l’avantage concurrentiel que l’entreprise veut disposer. Dans ce sens, il est important de bien contextualiser ce qui est entendu par « guerre des talents » pour, ensuite, mieux apprécier la place de la connaissance dans la construction d’un avantage compétitif pour l’entreprise. 

 

  1. Guerre des talents

 

  1. Entre concept et réalité

 

Avant de mettre en évidence l’expression « guerre des talents », il faut bien entendu appréhender le concept de « talent ».

 

  1. Concept de « Talent »

 

Parler de ce dernier implique désormais la description de l’activité humaine dans le sens d’évaluer les ressources et les besoins ainsi que de constituer des prévisions en matière d’effectifs, de compétences nécessaires et d’évolution des métiers. Il existe plusieurs concepts, variant au fil des époques, qui se proposent de réaliser cette description. Dejoux (2013) énumère quatre de ces concepts, à savoir l’aptitude (ce qu’un individu sait faire), les systèmes de classification (à travers des grilles pour une rémunération équitable du travail, négociées avec des partenaires sociaux), la qualification (sanctionnée par un diplôme ou une formation, et correspondant au niveau de savoir-faire d’un travailleur dans son métier), et la compétence (qui est censée correspondre mieux au besoin de flexibilité des travailleurs que la qualification).

 

Le concept de talent émerge dans ce domaine pour pallier les limites de ces différents autres concepts connexes. Dejoux (2013) reprend la définition de Thévenet (2008) : « Le talent est une combinaison rare de compétences rares » (Dejoux, 2013, p. 122). C’est alors un moyen pour mettre en valeur l’unicité de l’individu avec ses compétences actuelles et futures, un concept qui n’est pas limité par un quelconque référentiel. Pour mieux encore appréhender le concept de talent, toujours par rapport à ces autres concepts connexes, le modèle AQCT de Dejoux et Thévenet (2010) propose un cadre d’analyse suivant deux dimensions :

 

  • Une perspective organisationnelle suivant qu’il s’agit d’individu ou de collectif, offrant alors deux niveaux d’intérêts possibles : d’une part, la définition des besoins, des attentes de l’organisation au regard des individus et d’autre part, la recherche de combinaisons efficaces des actions individuelles.

 

  • Une perspective individuelle qui se base sur la relation entre activité et personne, occasionnant deux niveaux de préoccupations : d’une part, ce que réalise la personne et, d’autre part, ce que cette dernière est capable de faire.

 

Le talent permet ainsi de tenir compte de l’évolution de carrière que connait chacun des collaborateurs. Ces derniers sont désormais disposés à évoluer en se rapprochant des besoins de l’entreprise, à condition qu’elle reconnaisse leur unicité et leurs talents. Finalement, le talent peut être définit par ses trois composantes indissociables : éventail de compétences, résultats atteints (jusqu’alors), et compétences comportementales exprimées en termes de leadership et de compétences émotionnelles.

 

Figure 3 – Modèle AQCT de Dejoux et Thévenet (2010)

Source : Dejoux (2013)

 

  1. Une pénurie de talents

 

C’est dans ce contexte que s’inscrit l’idée de « guerre des talents » pour faire allusion à une relative pénurie de talents. Par construction de définition, la guerre des talents peut être conçue comme une surabondance de la demande de travail (correspondant à un excès de l’offre d’emploi) par rapport à l’offre (demande d’emploi) sur le marché du travail. La « guerre des talents », ou « guerre de l’intelligence » selon Kahn (2006), entraine les entreprises impliquées à employer de grands moyens pour remédier à cette pénurie, à ce manque de main-d’œuvre disponible (en citant par exemple le déplacement en dehors des pays occidentaux pour se constituer des viviers de talents, dans les domaines scientifiques et techniques).

 

Deux phénomènes, qui apparaissent autant comme composantes mais également comme causes et conséquences de cette « guerre des talents », peuvent être évoqués, toujours pour insister sur le fait qu’il s’agit bien d’une pénurie de talents :

 

  •  D’un côté, il existe une véritable concurrence entre les acteurs de la demande de travail en matière de recrutement de nouveaux collaborateurs. Ainsi, lors de la présentation des résultats de SOPRA pour l’année 2006, la direction n’a pas caché que, « pour certaines de nos activités, l’année qui commence se jouera sur notre capacité à recruter » (Dunand, 2007). Sur cet exemple en 2006, l’enjeu concerne un certain nombre « d’activités » dans un secteur d’activité bien défini (services en ingénierie informatique). 

 

  • D’un autre côté, de par la loi du marché, les entreprises impliquées à une guerre des talents font face à une « inflation salariale ». En se basant sur l’exemple précédent, le secteur des services en ingénierie informatique a enregistré une hausse des salaires de l’ordre de 3% contre une évolution positive des prix de 1 à 1.5% seulement pour l’année 2006. Certes, ce problème de turnover peut être qualifié de banal pour le secteur, mais son intensité et son amplitude (durée), sa fréquence élevées a entrainé les acteurs du secteur à évoquer « une véritable « guerre des talents » » (Dunand, 2007).

 

Une étude réalisée en 2013 par ManpowerGroup auprès de 40 000 employeurs dans 42 pays donne entre autres les résultats suivants (Dejoux, 2013) :

 

  • Sur 38 000 employeurs répondant à l’enquête, 35% déclarent rencontrer de sérieuses difficultés à recruter pour pourvoir à des emplois vacants à cause « du manque de talents disponibles » (Dejoux, 2013, p. 116).

 

  • Ce taux serait en hausse relativement à une enquête faite l’année précédente, et un pic (maximum) depuis l’année 2007.

 

  • Il existe une certaine hétérogénéité relativement à l’espace : les zones les plus touchées par « la pénurie des talents » ainsi évoquée seraient le Japon, la Turquie, le Brésil et l’Asie.

 

  • Il y a une relative indépendance (en tout cas, une absence de liaison manifeste) entre l’intensité de cette difficulté à recruter et le niveau du chômage. Par exemple, les indicateurs de mesure des difficultés à recruter des talents en Grèce montrent une degré plus élevé que la moyenne mondiale, alors que le taux de chômage est relativement très important dans ce pays (30%).

 

  • Cette « pénurie des talents » aurait des impacts conséquents et visibles sur la croissance du chiffre d’affaires ainsi que sur la performance de l’entreprise à répondre favorablement aux besoins de leurs clients. Il est même évoqué des conséquences substantielles sur la productivité, sur la compétitivité, et sur l’accélération du turnover.

 

  • Tous les métiers ne sont pas affectés avec la même intensité (de difficulté à recruter). Par ordre d’importance sur le plan mondial, ce sont les travailleurs manuels, les ingénieurs et les commerciaux qui seraient les plus difficiles à recruter.

 

  • Deux raisons principales sont attribuées à cette difficulté à recruter : d’une part, le manque de compétences techniques et, d’autre part, le manque de candidats disponibles.

 

Toujours selon cette même étude, outre la priorisation de la formation du personnel et la recherche de candidats en dehors du périmètre habituel, les employeurs privilégient également de nouvelles alternatives pour développer leur vivier :

 

  • Plus grande flexibilité des modalités d’emplois ;

 

  • Intérêts pour de nouvelles sources de profils/talents à rechercher chez les jeunes et les seniors ;

 

  • Déplacement vers de nouvelles zones géographiques pour profiter de leurs talents disponibles ;

 

  • Recrutement de profils non nécessairement correspondant au niveau de compétence requis mais en tenant compte de la capacité à se former ;

 

  • Partenariats avec des institutions/établissements de formation (académique ou professionnelle).

 

Le cas de la France serait, en quelque sorte, différent : un intérêt moindre pour la gestion des talents auprès des directions de ressources humaines (DRH).  Désormais, l’étude « Défi RH » réalisée en 2013 conclut que les DRH priorisent essentiellement les enjeux collectifs, d’autant plus que le dialogue social et la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC) constituent également leurs priorités. Du coup, « le risque de perdre des talents semble moindre en France » (Dejoux, 2013, p. 117).

 

Néanmoins, l’étude menée également par Manpower (Talent Shortage Survey, en 2014) révèle que si la pénurie évoquée de talents concernerait 36% des entreprises sur le plan mondial, la France n’est pas absolument à l’abri de la difficulté à recruter. En effet, ce serait 21% des entreprises françaises qui en serait concernées, avec comme conséquences des difficultés à répondre favorablement aux attentes des clients, à innover et à rester compétitives. Aussi, au premier trimestre de l’année 2014, le Mouvement des entreprises de France (MEDEF), annonce à travers l’Observatoire Tendance Emploi Compétences que « 146 340 postes auraient souffert de difficultés à trouver des candidats aux compétences adéquates, soit environ 10 % du total des recrutements » (Zune, 2014, p. 5).

 

  1. Une réalité ponctuelle et relative

 

L’exemple cité ci-dessus (secteur de l’ingénierie informatique en 2006) semble soutenir l’idée que la guerre des talents est surtout un phénomène pouvant être qualifié de ponctuel puisqu’il est associé à une période bien déterminée. Cela résulte logiquement d’un processus d’équilibrage qui est en œuvre en permanence sur le marché du travail, et agit du côté de l’offre comme du côté de la demande de manière parallèle :

 

  • Les demandeurs de travail (les entreprises) sont parfois amenés à ajuster leur politique de recrutement, voire leurs stratégies globales en général, face à une situation constatée sur le marché du travail. Par exemple, face à une abondance de main d’œuvre pour un métier spécifique mais ne correspondant pas aux besoins directs d’une entreprise, cette dernière peut tout de même flexibiliser sa demande : recruter des profils proches de ceux qu’elle cherche, puis essayer de « reconstruire » par des formations pratiques à partir de cette base les profils recherchés. Nombreuses sont aussi les entreprises qui essaient de construire un vivier de candidats, une réserve de main d’œuvre, par un partenariat avec des organismes de formation.

 

  • De leur côté, les offreurs de travail (les demandeurs d’emploi), et surtout ceux qui sont encore en stade de formation (voire, lors du choix de la formation à suivre), sont plus ou moins attentifs sur les signaux provenant du marché du travail. Ce sont notamment les grandes entreprises qui communiquent les plus auprès du public leurs besoins en main d’œuvre. Encore faut-il mentionner que le processus d’ajustement engagé de cette manière peut prendre un certain temps avant d’aboutir. Les entreprises ont alors intérêt à anticiper leur besoin futur de main d’œuvre, de même que les futurs travailleurs doivent toujours être sensibles aux tendances sur le marché du travail.

 

De plus, il est généralement relatif à un secteur, une branche d’activité, une activité ou même à un métier : il est difficilement concevable que ce phénomène soit généralisé à l’ensemble de tous les secteurs et en même temps. Une critique assez sévère est même réalisée par Zune (2014) à propos de la façon dont certaines études associent trop grossièrement à l’ensemble d’un secteur les problèmes de pénurie de main d’œuvre qui sont en fait des problèmes qui ne concerne qu’une partie moins importante des entreprises dudit secteur (exemple des secteurs de l’informatique et de la restauration. L’auteur reprend ainsi une citation de Rose (2010, cité par Zune, 2014) : « il y a en effet une pluralité de manières de composer des compétences pour réaliser un même travail et une diversité de façons d’apprécier la qualité de l’insertion » (Zune, 2014, p. 11), ceci pour insister sur le fait que la généralisation est parfois grotesque.

 

Cette critique est constructive, notamment pour la présente étude (et en général, pour toute analyse scientifique) sur la manière d’apprécier la réalité du point de vue heuristique. La réalité observée (même s’il s’agit effectivement d’une réalité) est certes absolue, mais très affectée par la subjectivité de celui qui réalise l’observation : c’est le cas pour le fait d’affirmer qu’un secteur est soumis à une forte pénurie de talents sur la base d’informations généralisées exagérément (sans considération de l’hétérogénéité manifeste des pratiques organisationnelles, dont en matière de recrutement) existant entre les entreprises constituant ce secteur. Ce n’est pas l’observation en tant que méthode qui est ainsi blâmée, mais le manque de conception, de modélisation de la part de celui qui rapporte ensuite les faits. Ceci dit, afin d’objectiver au maximum les faits, dans un souci de faire une analyse comparative entre réalité (observée) et concept, il faut bien conceptualiser le phénomène (ici, la « guerre des talents ») (Bressoux, 2000). De cette façon, l’éventuelle critique ne « frappe » pas le fait en elle-même, mais plutôt le modèle ou la manière de conceptualiser ce fait objectivé.

 

Pour cela, Zune (2014) semble vouloir insister au moins sur quatre points pour mieux appréhender le concept de « guerre des talents » :

 

  • Cela devrait correspondre à une situation de manque de profils adéquats pour les activités avec lesquelles l’entreprise éprouve un besoin (actuel ou de futur proche) crucial de main d’œuvre, une « situation où un recruteur serait dans l’attente vaine de curriculum vitae qui ne lui parviendraient pas » (Zune, 2014, p. 9). Une activité intense de recrutement avec un taux de sélection élevé à partir d’un volume de candidature important serait alors un indicateur écartant cette situation.

 

  • Cette situation devrait être « partagée » à tout autre acteur cherchant les mêmes profils de candidats. Ainsi, le fait qu’une organisation éprouve un « sentiment de pénurie » alors que d’autres sont parfaitement comblées, ne rentre pas également dans le concept de guerre des talents. En d’autres termes, le problème de pénurie de talents n’est pas relatif à une entreprise particulière, mais plutôt à un métier, une activité, une branche. Ce problème (de pénurie de talents) est tout au plus relatif à une catégorie d’entreprises (relativement aux « talents » mis en jeu) et non pas à une organisation prise singulièrement.

 

  • Le concept intègre la considération des « dynamiques des trajectoires des personnels en poste dans ces fonctions [en question], en particulier le maintien dans l’emploi et les sorties prématurées des métiers » (Zune, 2014, p. 9).

 

  • « Les secteurs réputés en pénurie sont généralement marqués par une flexibilité importante, des flux d’entrée et de sortie de travailleurs conséquents, ce qui conduit à un volume soutenu d’activité de recrutement » (Zune, 2014, p. 9). Autrement dit, la forte intensité de la concurrence sur le marché du travail (en ce qui concerne l’offre de travail) s’accompagne d’une élasticité élevée de la demande d’emploi par rapport à des variables telles que le salaire, les conditions de travail, les mesures d’incitation pour motiver les travailleurs, la perspective d’évolution dans l’emploi. Zune (2014) relie aussi cette flexibilité à plusieurs autres variables : « à la nature de l’activité économique […], à la sensibilité aux variations de la conjoncture […], à la spécialisation du travail et aux modes historiques de constitution des carrières […], aux mouvements de concentration ou de segmentation des activités » (Zune, 2014, p. 9).

 

Finalement, il faut reconnaitre alors que le concept de « guerre des talents » est assez complexe à appréhender. « Les difficultés de recrutement sont loin de toucher l’ensemble des organisations d’un secteur donné » (Zune, 2014, p. 11). Par ailleurs, en approfondissant l’appréhension en tenant compte de la taille de l’organisation, il apparait que les petites et moyennes entreprises (PME) éprouvent des difficultés de recrutement plus intenses que les grandes firmes. Ce point de comparaison mérite d’être analysé davantage pour mettre en évidence certains aspects de cette guerre des talents, sans nécessairement recourir au concept de stricte pénurie de talents.

 

Désormais, les grandes organisations seraient plus à même d’effectuer un recrutement de manière relativement plus professionnelle, d’exprimer des attentes réalistes vis-à-vis du marché du travail (attentes plus flexibles et modulables). A l’inverse, une PME se montre assez exigeante jusqu’à s’attendre que les candidats ressemblent à l’esprit entrepreneurial des dirigeants. En conséquence, une petite organisation a tendance à se confronter presque régulièrement à des opérations de licenciement ainsi que de recrutement. De plus, cette confrontation avec une fréquence relativement élevée d’une PME avec le marché de travail se fait sans que cette dernière ait le pouvoir de développer une politique de socialisation et de formation aux « pratiques de la maison » suffisamment efficace pour attirer, motiver et retenir ses collaborateurs. « Sans capacité de stabilisation du personnel, elles [les PME] sont ainsi conduites à augmenter leurs exigences et, conséquemment, leur insatisfaction quant à la qualité de la main-d’œuvre disponible » (Zune, 2014, p. 12). Il est clair que les problèmes de recrutement que souffre les petites organisations sont liés à leur faible performance organisationnelle en matière de ressources humaines, et non nécessairement une conséquence d’une quelconque pénurie de talents.

 

Tout cela sous-entend que la GRH a une lourde responsabilité quant à la capacité d’une organisation à faire face à une éventuelle difficulté de recrutement, et notamment à une possible pénurie de talents.

 

  1. GRH et gestion des talents

 

Le principal défi qui s’impose à la GRH s’inscrit désormais sur le triptyque recrutement-rétention-amélioration des ressources humaines, des talents pour l’entreprise. D’ailleurs la gestion des talents est en quelque sorte une réponse des organisations à différents enjeux de l’époque contemporaine. Parmi ces derniers, Dejoux (2013) en citent quelques-uns, à savoir :

 

  • Une évolution indispensable de la GPEC pour prendre en compte l’apport d’un collaborateur en termes de valeur ajoutée ;

 

  • La mise en évidence du marketing RH ainsi que la prise de conscience sur la valeur de la marque employeur ;

 

  • Une situation de manque de talents évoquée dans les pays émergents, avec un intérêt plus prononcé pour le recrutement et la rétention de la « génération Y ».

 

Il est ainsi évident que la GRH ne peut être dissociée de la gestion des talents, et parfois même, cette dernière est intégrée dans la première. « Dans les firmes anglo-saxonnes, le métier de « VP Talent Manager » s’impose, voire a remplacé celui de DRH » (Dejoux, 2013, p. 119).

 

  1. Composantes et vocation de la gestion des talents

 

Pour ce qui est de la cible de la gestion des talents, la littérature révèle trois principaux courants qui en définissent les fondements :

 

  • Le premier courant se focalise sur les « hauts potentiels » que la gestion des talents a pour mission de repérer (Bournois & Roussillon, 1999 ; Doris & Matthew, 2007 ; cités par Dejoux, 2013). Dans ce cadre, les enjeux concernent les outils relatifs aux plans de succession ainsi que les modalités de rétention (de ces collaborateurs de « haut potentiel ».

 

  • Le second courant associe les talents à gérer aux personnes que l’entreprise qualifie « d’exceptionnelles » du fait de la rareté de leurs compétences (Boudreau, 2007, cité par Dejoux, 2013). Cela n’empêche que les individus considérés ainsi « sont des gens comme les autres, quel que soit leur niveau hiérarchique » (Dejoux, 2013, p. 118). Ce courant insiste sur le fait que la gestion des talents soit le cœur de la GRH, et constitue même la « science de la gestion ». La caractéristique de ces talents exceptionnels, dits « talents pivots », est leur contribution conséquente à la stratégie de l’entreprise.

Boudreau (2007, cité par Dejoux, 2013) met alors en garde contre trois « situations à risque » : d’abord pour une organisation n’ayant pas de « talent pivot », pour celle qui pense que « tout le monde » possède des talents, et pour celle qui accorde trop de place aux sujets concernant les talents en oubliant que le véritable talent doit s’exprimer en termes de force de travail. Ce que l’auteur veut souligner, c’est la relativité du talent à la performance de l’entreprise, c’est-à-dire sa non-signification en dehors du domaine de travail et plus particulièrement en s’éloignant des objectifs stratégiques de l’entreprise.

 

  • Le troisième courant se détache des deux premiers pour s’intéresser à « tous » les collaborateurs dans le sens de talents potentiels. Autrement dit, l’entreprise a intérêt de disposer d’une mixité de talents, et non seulement les hauts potentiels ou les talents rares.

Dans le cadre de ce courant, la gestion des talents est définie comme une démarche marketing construite suivant quatre principes :

 

  • « Make or buy » signifiant que la production de talents doit être réalisée au juste nécessaire (ni trop, ni pas assez) ;

 

  • Réduire le risque sur les talents futurs : Au cas où il s’avère que les plans de succession ne sont pas suffisants, il convient de constituer un portefeuille « talent pool » et réaliser des prévisions pour le plus court terme ;

 

  • Evaluer le retour sur investissement du projet et partager les coûts et les bénéfices avec les collaborateurs ;

 

  • Mettre en valeur le bénéfice des collaborateurs en les testant sur leurs nouvelles responsabilités.

 

Pour sa part, Dejoux (2013) privilégie la thèse selon laquelle la gestion des talents est d’abord un « état d’esprit » ou une « posture managériale » dans une organisation qui devrait la déployer non pas à des hauts potentiels seulement mais à l’ensemble des collaborateurs, une thèse s’appuyant sur deux principes. D’une part, les comportements des acteurs internes ou externes à l’organisation ont connu des changements radicaux, notamment avec l’avènement d’internet et des réseaux sociaux. Désormais, il y a une tendance d’intégrer au sein de l’entreprise des comportements « communautaires » avec le souhait de les transformer en travail collaboratif. La gestion des talents devrait alors identifier en interne un ensemble de talents non encore jusque-là répertoriés ainsi que des personnes dotées de compétences rares, des éléments qui auraient émergé et seraient valorisés grâce à des nouveaux espaces d’expression (internet et réseaux sociaux). D’autre part, les collaborateurs ont besoin de dialogue, de prendre part à d’éventuelles décisions ; et l’entreprise est parfois amenée à développer une approche bottom-up pour répondre favorablement à de telle sollicitation afin de développer l’innovation locale. La gestion des talents apparaitrait alors comme une posture managériale reconnaissant que chaque collaborateur peut être doté d’une valeur ajoutée non encore identifiée. En somme, c’est à travers l’expression et l’innovation locale dans ces différents cadres que des talents peuvent émerger/être révélés : la gestion des talents devrait en être attentive.

 

Dejoux (2013) reconnait le fait qu’il n’y a pas de « modèle idéal » pour la gestion des talents : chacun des trois champs connexes et récurrents que sont l’attraction, le développement et la rétention des talents peut être associé à de nombreuses démarches innovantes. Plusieurs rôles peuvent être attribués à la gestion des talents, à l’exemple de ceux relatifs à des pratiques dans les firmes anglo-saxonnes :

 

  • Réfléchir aux stratégies de marque employeur afin d’accroitre l’attractivité des domaines stratégiques de l’entreprise vis-à-vis des talents ;

 

  • Identifier les viviers de talents existants, ces viviers étant appréciés selon leurs résultats exceptionnels dans le but de prévoir déjà une stratégie optimale pour le développement et la rétention des talents ;

 

  • Animer des forums et des chats recruteurs, assurer l’animation des sites de l’entreprise et surtout au niveau des réseaux sociaux, … dans le cadre de l’émergence d’un assez récent métier : le RH Community Manager.

 

Etant donné que la GRH est un acteur majeur dans cette gestion des talents, il convient d’étudier comment les différents auteurs qui s’intéressent à ce sujet apprécie la contribution de cet acteur à la performance de l’entreprise.

 

  1. Contribution de la GRH à la performance de l’entreprise

 

La littérature, notamment à travers des théories du management stratégique, parle de contribution des ressources humaines à l’avantage concurrentiel de l’entreprise lorsque celles-ci créent de la valeur tout en revêtant les caractères de non-substituabilité, de rareté et d’inimitabilité (Collins & Clark, 2003 ; Lado & Wilson 1994 ; Wright & McMahan, 1992 ; Wright & al., 2001 ; cités par Ferrary, 2012). Quant à la question de la contribution des pratiques de GRH sur la performance de l’entreprise, trois approches d’analyse coexistent (Ferrary, 2012) :

 

  • L’approche universaliste soutient que des pratiques de GRH qualifiées de meilleures contribuent à de telle performance recherchée : formation, sélection, évaluation et intéressement des collaborateurs à l’atteinte des objectifs de l’entreprise.

 

  • L’approche de contingence (détermination des pratiques de management à partir des facteurs externes au champ de la GRH). Selon cette approche, la performance de l’entreprise est conditionnée par la cohérence « verticale » entre les pratiques de GRH et la stratégie de l’organisation (la verticalité de la cohérence implique que ces pratiques s’ajustent à la stratégie globale).

 

  • L’approche configurationnelle qui insiste surtout sur la cohérence « horizontale » entre les pratiques de GRH comme condition de cette contribution des ressources humaines à la performance de l’entreprise.

 

Dans cette troisième perspective, Guthrie (2001, cité par Ferrary, 2012) identifie deux systèmes, à savoir :

 

  • Système de contrôle caractérisé par l’emploi de travailleurs peu qualifiés, peu rémunérés, ayant reçu et recevront peu de formation et auront des opportunités de carrière limitées au niveau de l’entreprise ;

 

  • Système d’incitation caractérisé par l’emploi de travailleurs qualifiés, bien rémunérés, recevant de formation et profitant d’opportunités de carrierre élargie dans l’entreprise.

 

Une nouvelle approche dite contingento-configurationnelle s’est également développée suite à une étude de Cappeli & Neumark (2001, cité par Ferrary, 2012) qui ont montré la non-systématisation de la contribution du système d’incitation à la performance de l’entreprise. Cette autre approche souligne la cohérence nécessaire, non seulement des pratiques entre elles, mais également avec la nature de l’avantage concurrentiel poursuivi par l’entreprise. Il est proposé que « les pratiques de GRH ne contribuent pas en elles-mêmes à la performance économique de la firme mais que c’est leur adéquation en tant que système cohérent avec l’avantage concurrentiel recherché qui est déterminant » (Ferrary, 2012, p. 129). Il en ressort deux perspectives principales pour la nature des avantages concurrentiels (Arthur, 1992 ; Guthrie & al., 2002 ; cités par Ferrary, 2012) :

 

  • D’un côté, une « compétitivité-coût » est associée à des pratiques de GRH tournées vers le recrutement de travailleurs peu qualifiés nécessitant peu de formation et exigeant une implication limitée.

 

  • D’un autre côté, une compétitivité-qualité corresponde à des pratiques sophistiquées de GRH telles que formation, implication, promotion, système de motivation, …

 

De plus, il est démontré une relation quasi-fonctionnelle, non seulement entre la nature de la compétitivité recherchée et les pratiques de GRH déployées, mais aussi intégrant la nature des ressources humaines à mobiliser dans la combinaison productive (cf. Tableau 3 – Perspective contingento-configurationnelle : Compétitivité-qualité et compétitivité-coût). La place de l’exploitation de la connaissance en fonction de la nature de l’avantage concurrentiel recherchée (impliquant d’autres variables) sera analysée plus en profondeur dans la section suivante (le Tableau 3 sera ainsi complété et expliqué plus en détail).

 

  1. Enjeu stratégique de la connaissance sur le marché du travail

 

Quelques variables bimodales relatives à des dimensions duales sont identifiées par Ferrary (2012) offrant une perspective intéressante sur l’importance de l’élément « connaissance » pour l’entreprise. Deux de ces dimensions permettent de définir une typologie d’entreprises associées à quatre modèles de management stratégiques des ressources humaines : d’un côté, il y a le niveau de qualification des ressources humaines correspondant aux deux formes de compétitivité recherchée par l’entreprise (cf. section suivante – 2.3) et, d’un autre côté, il y a l’intensité en capital humain de la combinaison productive. Chaque modèle est assimilé à des enjeux et contraintes spécifiques en matière de ressources humaines caractérisant alors catégories particulières d’entreprises :

 

  • Entreprises intenses en travail caractérisées par, d’une part, une intensité forte en capital humain (ayant alors un poids important de la masse salariale dans les coûts opérationnels) et, d’autre part l’emploi de travailleurs faiblement qualifiés en moyenne. Généralement, le niveau de qualification est mesurée par le niveau de la rémunération. Figurent par exemple dans cette catégorie les entreprises telles que Sodexo, Véolia Environnement, ou Accor : elles emploient un grand nombre de mains d’œuvre peu qualifiées qui offrent essentiellement leurs capacités physiques.

 

  • Les entreprises intenses en capital technique caractérisées par une intensité faible en capital humain et l’emploi de salariés faiblement rémunérés (exemple : Carrefour, Lafarge ou Danone).

 

  • Les entreprises intenses en technologies caractérisées par l’emploi d’un faible nombre de travailleurs hautement qualifiés (« knowledge workers ») compte tenu de la complexité incorporée dans le capital technique (la part des charges salariales dans les coûts opérationnels est faible). A citer comme exemple : Vivendi, Total, l’Oréal ou EADS.

 

  • Les entreprises intenses en connaissances caractérisées par une intensité forte en capital humain et l’emploi de mains d’œuvre très qualifiées qui utilisent surtout leurs capacités cognitives. (exemple : Société Générale, Publicis, Sanofi ou Cap Gémini).

 

A chacune de ces catégories d’entreprises est désormais associé un modèle de management stratégique des ressources humaines qui est donc caractérisé par la nature de la compétitivité recherchée et la combinaison de ressources productives.

 

  1. La compétitivité de l’entreprise et le marché du travail : compétitivité et Gestion des Ressources Humaines

 

Le modèle de management stratégique des ressources humaines est d’abord défini en fonction de la nature de la compétitivité recherchée par l’entreprise : compétitivité-coût ou bien compétitivité-qualité (ou hors-coût). Une entreprise est amenée à optimiser sa compétitivité-coût quand elle a affaire à des clients relativement sensibles aux prix dans leurs décisions d’achat, d’où l’intérêt de réduire à un seuil minimum les coûts de production. Dans cette optique, les ressources humaines sont conçues comme des coûts, ce qui conduit l’entreprise à flexibiliser les charges salariales en tenant compte des variations des activités. La flexibilité externe des ressources humaines est généralement privilégiée pour permettre un ajustement de court terme aux évolutions conjoncturelles. « Le faible niveau de qualification requis garantit une plus grande disponibilité des ressources humaines sur le marché du travail et les faibles investissements en formation ne rendent pas nécessaire une recherche de rentabilisation par la stabilisation des salariés » (Ferrary, 2012, p. 141). Autrement dit, il est recherché à la fois un faible coût et une forte substituabilité (par la flexibilité externe) des ressources humaines. Deux modèles de management stratégique des ressources humaines correspondent à cette recherche de compétitivité-coût (Ferrary, 2012) :

 

  • « GRH optimisatrice » pour une entreprise intense en capital : les ressources humaines ne constituent pas de ressource stratégique vis-à-vis de l’avantage compétitif recherché, et ne doivent pas peser trop dans les coûts de production. La GRH se préoccupe ainsi de l’optimisation de la masse salariale du fait que les activités de l’entreprise sont à faible valeur ajoutée, impliquant une spécialisation des travailleurs sur des tâches précises. Ces dernières doivent pouvoir être « être exécutées par n’importe quelle personne en bonne santé dont le contenu cognitif est suffisamment faible pour que la durée d’apprentissage soit réduite à quelques heures » (Ferrary, 2012, p. 141). De telle optimisation trouve son essence dans la précarisation de l’emploi et la forte substituabilité des compétences (qui doivent être génériques) des travailleurs.

 

  • « GRH flexibilisatrice » pour une entreprise intense en travail : le poids des ressources humaines est important dans les coûts de production mais celles-ci restent non stratégiques au regard de l’avantage compétitif recherché. La gestion de la masse salariale est donc stratégique à cause de la forte intensité en capital humain, d’où le recours à une main d’œuvre peu qualifiée (pour réduire les charges salariales) et facilement substituable (aisance dans les licenciements et les recrutements à moindre coûts, suivant le changement conjoncturel).

 

Par contre, une entreprise qui opte pour une compétitivité-qualité considère les ressources humaines comme une compétence stratégique à acquérir et à conserver pour pérenniser l’avantage concurrentiel recherché. « C’est dans cette dernière configuration que la « guerre des talents » […] prend tout son sens pour associer GRH et mise en œuvre de la stratégie » (Ferrary, 2012, p. 145), d’où l’importance de l’attractivité de l’entreprise sur le marché du travail. Au risque de voir partir à la concurrence le capital humain ainsi stratégique, la flexibilité interne est privilégiée pour une meilleure rétention des ressources humaines. Non seulement l’entreprise recrute des travailleurs qualifiés, mais elle investit fortement dans la formation de ses salariés, ce qui induit leur faible transférabilité. Désormais, les activités de l’entreprise sont à forte valeur ajoutée nécessitant des compétences humaines spécifiques qui sont assez rares amenant l’entreprise à être généreuse en termes de salaire et de stabilité d’emploi. Le capital humain apparait alors comme un quasi-coût fixe. Deux modèles de management stratégique des ressources humaines sont concernés par cette compétitivité-qualité :

 

  • « GRH protectrice » pour une entreprise intense en technologies : les ressources humaines ne pèsent pas trop dans les coûts de production bien qu’elles soient stratégiques relativement l’avantage concurrentiel. L’innovation et la créativité sont des mots d’ordre dans la compétitivité de l’entreprise qui mise sur la différenciation par la qualité de ses offres. Les pratiques GRH sont sophistiquées, impliquant une logique d’incitation et un niveau de contrôle faible sur les individus.

 

  • « GRH innovatrice » pour une entreprise intense en connaissance : les ressources humaines sont pesantes dans les coûts de production et sont stratégiques au regard de la compétitivité recherchée car principale source de valeur ajoutée pour l’entreprise. « Ces entreprises doivent mettre en place des pratiques innovantes de GRH pour attirer et garder les ressources humaines » (Ferrary, 2012, p. 150).

 

En somme, la place de la connaissance (et ainsi l’importance de sa gestion) apparait nettement plus stratégique dans les entreprises qui s’intéressent à la compétitivité-qualité. En fait, il est possible de dire que de telles entreprises s’intéressent surtout à la connaissance tacite, peu formalisable, tandis que les entreprises qui misent sur la compétitivité-coût se focalisent surtout sur des connaissances essentiellement explicites (faisant en sorte que les ressources humaines ne leur constituent pas une source stratégique au regard de l’avantage concurrentiel recherché). Le contexte de « guerre des talents » est donc mieux prononcé pour les entreprises optant pour la compétitivité-qualité.

 

Le Tableau 3 résume les enjeux de la connaissance (et de sa gestion) dans les stratégies (globales et de RH) de l’entreprise suivant la nature de la compétitivité qu’elle recherche.

 

Tableau 3 – Approche contingento-configurationnelle : enjeux de la connaissance sur les pratiques RH entre compétitivité-coût et compétitivité-qualité

Nature de la compétitivité Compétitivité-qualité ou Compétitivité hors coût Compétitivité-coût
Ressources humaines vis-à-vis de la compétitivité Source stratégique Non stratégiques
Qualification des travailleurs Compétences humaines et niveau de qualification complexes Compétences humaines simplifiées, travailleurs déqualifiés
Niveau de salaire Salaire moyen élevé Salaire moyen minimisé
Stratégie globale de l’entreprise Sophistication de l’offre dans le cadre d’une stratégie de différenciation Rationalisation du processus de production pour optimiser les coûts
Capital humain et création de valeur Participe à la création de valeur Ne constitue pas une source de création de valeur
Modèles de management stratégique des RH GRH protectrice ou GRH innovatrice GRH optimisatrice et GRH flexibilisatrice
Objectifs des pratiques de la GRH Substituabilité, la rareté, et l’inimitabilité des ressources humaines Maintenir la substituabilité et l’abondance des compétences (garantir implicitement l’imitabilité)
Contribution à l’avantage concurrentiel de l’entreprise Contribue à la durabilité de cet avantage concurrentiel Préserver l’avantage concurrentiel en termes de coûts
Modalité de régulation de l’emploi Flexibilité interne Flexibilité externe
Enjeux sur le marché du travail Difficulté à recruter et à retenir (guerre des talents) Facilité du recrutement à moindre coût

Source : Elaboration à partir des travaux de Ferrary (2012)

 

  1. Etude de cas : BNP Paribas Personal Finance

 

Cette troisième partie se focalise sur une étude de cas, celle concernant la gestion de connaissances chez BNP Paribas Personal Finance dans le but d’améliorer la performance de l’entreprise et garantir sa pérennité. Après une brève présentation de l’entreprise et son environnement, il convient alors de réaliser une identification et une analyse des existants en matière de gestion de connaissance. De ces analyses découleront un certain nombre de recommandations pour que les dispositifs de gestion de connaissance mis en place produit effectivement l’avantage concurrentiel recherché.

 

  1. Présentation de l’entreprise

 

BNP Paribas Personal Finance (BPPF) est une Société Anonyme (SA) d’un capital social de 529.5 millions d’euros (fin 2015), créée en 1953, exerçant dans le secteur de l’intermédiation monétaire. Plus précisément, la SA, ayant sa siège sociale à Paris, est un établissement de crédit de droit français : c’est une filiale détenue à 100% par le Groupe BNP, appartenant au secteur bancaire, dont le champ d’activité (de la filiale) se concentre sur le crédit à la consommation. L’environnement de BPPF est d’abord européen, mais également international (présence dans une trentaine de pays), subdivisé en sept régions : SUN (Royaume-Uni, Afrique du Sud, Allemagne), Latam (Amérique du Sud) et PF Inside (Asie, Pologne, Ukraine, Maroc, Tunisie, Algérie), Europe Centrale (Slovaquie, Russie, Bulgarie, etc.), France, Portugal, Italie, et Espagne.

 

Figure 4 – Implantation géographique de BPPF

 

Au niveau marché et activités, BPPF gère plus de 123 milliards d’euros d’encours, dont 31 milliards pour la Région France à travers sa marque Cetelem,un partenaire pour les grandes enseignes de distribution (Carrefour, But, etc.), du commerce en ligne (Rue du commerce), des établissements bancaires (Axa Banque, Caisse d’épargne, etc.), des compagnies d’assurance (Axa Banque) et des acteurs de l’industrie automobile (Peugeot, Toyota, etc.). La Société se positionne comme leader sur les marchés français et européen dans le financement aux particuliers, une place renforcée d’ailleurs par du Groupe LaSer, dont Cofinoga (Compagnie Financière des Nouvelles Galeries) spécialiste en connaissance clients et fidélisation, solutions de paiement, solutions de financement, et assurance. BPPF compte environ 12 millions de clients actifs dans deux domaines d’activités : Retail Banking & Services (RB&S) et Corporate & Institutional Banking (CIB). En fin 2015, la Société dispose un portefeuille de 27 millions de clients, 68.5 milliards d’euros d’encours et en commandant 58.6 milliards d’euros, en employant quelque 20 000 collaborateurs.

 

En termes de politique stratégique, l’entreprise s’engage dans de nombreux accords de partenariat en vue de son propre développement. A titre d’exemples illustratifs, il peut être cité l’accord destiné à développer conjointement avec Commerzbank le crédit de consommation en Allemagne (signé en 2010), aussi concernant la création d’une plateforme industrielle commune avec Natixis Financement, la cession faite par Sberbank (une importante banque russe) à Cetelem de toute la gestion du crédit sur le lieu de vente, l’auto et la distribution (en 2011), l’association avec Geely (un constructeur automobile chinois (en 2013).

 

  1. Politique RH et recrutement du Groupe BNP

 

Principalement, le recrutement vise à anticiper les besoins de l’entreprise en termes d’effectif afin de couvrir le turnover sur le plan quantitatif, ainsi que de sélectionner et d’intégrer les talents dont l’entreprise a besoin pour se développer, sur le plan qualitatif. Succinctement, cela revient à pourvoir les postes d’aujourd’hui tout en se préparant des évolutions du demain. Le recrutement chez BPPF doit répondre à un triple impératif :

 

  • Correspondre aux profils exiger pour les postes à pourvoir ;

 

  • Respecter les principes de transparence et de non-discrimination ;

 

  • S’adapter en continu au contexte socioéconomique de l’offre sur le marché du travail.

 

Par ailleurs, le Groupe BNP conçoit le recrutement comme une vitrine de la marque employeur, c’est-à-dire un moyen pour véhiculer une image positive du Groupe envers son environnement externe. Le Groupe souhaite développer une marque employeur forte à travers l’expérience du candidat recruté et après une période d’intégration pendant laquelle il bénéficie des dispositifs d’amélioration de ses compétences. En fait, la notion de « compétence » est au cœur de la politique RH et de recrutement du Groupe, et cela intègre la gestion des carrières, de mobilité (interne) et de développement des compétences.

 

Désormais, il faut préciser que le Groupe privilégie le recrutement interne à celui externe :

 

  • Le recrutement interne s’inscrit dans le cadre des mobilités en interne du Groupe, impliquant alors des importants efforts en matière de formation afin de permettre l’acquisition de nouvelles compétences. Il y a ici une manifestation d’une volonté du Groupe à offrir à ses collaborateurs des parcours de carrière diversifiés.

 

  • Ainsi, le recrutement externe a en principe comme vocation de pourvoir des postes de commerciaux ainsi que d’autres contrats se focalisant sur trois profils de candidats : jeunes diplômés avec ou sans expérience, des stagiaires, et des profils expérimentés relatifs à des métiers spécifiques.

 

Spécifiquement, BPPF (dans une coopération étroite entre la fonction RH du Groupe (RHG) et celle de BPPF) a comme objectifs :

 

  • D’anticiper les besoins concernant les postes ne pouvant pas être alimentés à travers la mobilité interne, et l’anticipation des évolutions des profils à recruter. Les besoins de recrutement sont transmis au RHG dans un délai suffisant. Le côté « anticipation » s’exprime également par une proposition de contrats d’alternance.

 

  • De communication efficacement auprès des candidats en leur présentant de manière concrète et transparente les postes à pourvoir dans une tonalité de valorisation de la Filiale et du Groupe. Cela inclus aussi la présence sur le marché du travail (dont au niveau des écoles et universités), notamment pour informer sur les orientations des carrières chez le Groupe BNP.

 

  • De sélectionner de manière optimale les nouveaux collaborateurs en recrutant les meilleurs talents correspondant aux besoins actuels et futurs de la banque. Il importe alors de définir concrètement le niveau d’exigence requis pour les postes à pourvoir, mais également d’assurer la transparence et la non-discrimination vis-à-vis des candidats.

 

  • De garantir un parcours d’expérience pour le candidat et le nouveau collaborateur : le Groupe se veut être attentif aux attentes de chaque candidat et être disposé à intégrer dans les meilleures conditions les collaborateurs recrutés.

 

  • Finalement, de mesurer l’efficacité du recrutement à travers des indicateurs quantitatifs, mais aussi de réaliser un suivi qualitatif et régulier des nouveaux collaborateurs. 

 

En somme, même s’il est encore difficile de parler a priori de « guerre de talents », la manière dont le Groupe appréhende le marché du travail démontre qu’il n’est pas indifférent à l’éventualité d’une pénurie des talents. Le Groupe est conscient du « risque » de cette pénurie dans son secteur et agit de façon proactive pour prévenir ce risque. Ainsi, le mode seulement informatif de publication d’annonces de recrutement fait progressivement place à un mode actif de ciblage des candidats. Le Groupe conçoit chaque dispositif de recrutement déployé volontairement ou imposé (comme celui relatif à la charte d’alternance dont BNP Paribas est signataire : le recrutement d’alternants doit représenter 5% de la masse salariale totale en 2016) pour construire des RH quantitativement et qualitativement efficientes.

 

  1. Politique en matière de gestion des talents

 

 Le Groupe BNP Paribas a développé et a mis en place un Programme de Développement des Talents visant à identifier, accompagner et fidéliser les collaborateurs. Dans une démarche partagée, axée sur la confiance, la transparence et les engagements réciproques, le dispositif s’intègre à la politique de Gestion individuelle des carrières caractérisées qui trace un parcours différenciant mais non-exclusif : en effet, il y a de multiples opportunités d’évolution au niveau du Groupe. S’exprimant dans une volonté d’anticipation et de gestion de la relève sur les postes à forts enjeux, cette politique montre l’importance de la place accordée par le Groupe à la Gestion des Talents. En fait, la nécessité de cette dernière est motivée par au moins les éléments suivants qui, bien que ne caractérisant pas un contexte de « guerre des talents », sont destinés à le prévenir : de nombreux départs à la retraite, une tendance croissante de la mobilité transversale, une croissance de la diversité des profils stratégiques, et l’existence de projets à forts enjeux qui restent à réaliser.

 

La Gestion des talents et potentiels a comme principaux enjeux d’assurer la relève des postes stratégiques, d’optimiser le potentiel des collaborateurs, et de préparer ceux-ci à assumer des fonctions hautement stratégiques. Dans ce sens, cette gestion des talents et potentiels cherche à identifier les talents et potentiels, de développer les compétences des collaborateurs, et définir des parcours différenciés de carrière. Désormais, pour le Groupe « talent » indique un collaborateur identifié comme « futur potentiel » ; potentiel étant un collaborateur repéré comme être à même d’occuper un poste à haute responsabilité sur le court terme. Sont qualifiés de stratégiques les postes identifiés comme ayant un impact (dans la définition et la mise en pratique de la stratégie, dans l’obtention de résultats commerciaux, et nécessitant un haut degré d’expertise) important  pour le Groupe (concernant environ 1% des collaborateurs).

 

  1. Gestion de connaissance (KM) chez le Groupe BNP

 

Jusqu’au moment d’élaboration du présent mémoire, aucune politique en matière de gestion de connaissance (dans le sens d’un KM) n’a encore été explicitement mise en place au sein de BPPF. Une seule information dans ce sens peut être évoquée : un cabinet (apparemment externe au Groupe) a récemment été engagé pour réfléchir à cette question de gestion de connaissance, un sujet qui reste alors confidentiel (dont les informations sont donc inaccessibles). Tout de même, le KM est envisagé à travers le phénomène de Digital Working (cf. Figure 5– Digital Working) que le Groupe souhaite appliquer, un dispositif rattaché à la fonction RH.

 

Figure 5– Digital Working

 

« Naturellement », la notion de « communication » est centrale pour Digital Working, intégrant entre autres la mise à disposition d’outils internet et intranet (Wifi, terminaux BNP Paribas, ouverture très large d’internet) et de nouvelles manières de « travailler ensemble » (communication en temps réel et à distance, l’outil « IBM Connection », repositionnement du canal e-mail, évolution de la communication corporate) (cf. Figure 6 – Nouvelles manières de « Travailler ensemble » chez BNP Paribas). Outre la nécessité de « numérisation des collaborateurs », la réussite de ce projet repose sur une réflexion sur la vision de l’entreprise, dont sur :

 

  • La culture d’entreprise : un accent sur les valeurs véhiculées par la collaboration, avec des notions telles que confiance (entre collaborateurs, entre différents niveaux hiérarchiques), autonomie-entraide-partage, « test and learn », transparence de l’information, et engagement des collaborateurs ;

 

  • Le système de management, mettant au premier plan un « leadership » donnant du sens, un management d’équipe distante, les notions de délégation-responsabilisation, une visibilité accrue sur les compétences et expériences, et une évolution de la communication managériale.

 

  • L’organisation du travail, s’appuyant sur des notions telles que transversalité, co-construction, innovation facilitée, des nouvelles compétences, mais également en mettant en exergue une meilleure capitalisation sur les contenus et les talents.

 

Figure 6 – Nouvelles manières de « Travailler ensemble » chez BNP Paribas

 

Digital Working est, même en théorie, censé avoir des apports positifs et substantiels sur le développement des RH d’abord, et de l’entreprise en conséquences. Désormais, quatre objectifs s’inscrits dans ce sens : identification des talents et potentiels, développement des compétences des collaborateurs, accroissement de la compétitivité de l’entreprise par l’innovation et la maîtrise du savoir stratégique pour les activités et le bon fonctionnement interne de l’organisation, stabilité de l’entreprise à travers des plans de relève des experts et talents qui quittent la Société. L’idée est de favoriser l’évolution des collaborateurs dans un climat adapté à leurs profils de manière à garantir l’innovation et permettre par-là la compétitivité de l’entreprise. Tout cela devrait renforcer la fidélisation et l’implication des collaborateurs.

 

L’outil IBM Connection est un élément clé dans la gestion des connaissances de BPPF, il est possible même de le concevoir comme l’élément de base du KM du Groupe, notamment du fait qu’il est destiné à permettre la transmission du savoir/connaissance entre les collaborateurs : cet outil devrait offrir l’opportunité de travailler collectivement à distance. IBM Connection, une « Social & Collaborative Business Place », s’apparente à un réseau social mais dans une vocation professionnelle pour des contenus professionnels. La Business Place est conçue pour l’échange d’idées (exclusivement) constructives. C’est aussi un outil personnalisable : possibilité de modifier/supprimer un document, de rejoindre/quitter une communauté, de mettre à jour un profil, de changer les paramètres, etc.

 

Néanmoins, il faut signaler l’absence de poste dédié à cette thématique. Jusqu’alors, la Filiale s’arrête au niveau de la création de plateformes à travers IBM Connection pour créer des communautés par thèmes, pour favoriser l’échange et le travail collaboratif. Un principal avantage de cet outil est l’accès facilité depuis n’importe quel navigateur internet (et donc n’importe quelle plateforme informatique). Sans trop se focaliser sur  les aspects techniques et fonctionnels d’IBM Connection, il importe de noter qu’il est destiné à identifier et à diffuser les savoirs/connaissances stratégiques pour éviter la reproduction de manière redondante et répétitive d’erreur, et par la même occasion, pour permettre aux collaborateurs de gagner du temps. Il existe un certain nombre de possibilité offerte par IBM Connection : création d’une librairie de fichiers permettant de les partager au sein d’une communauté, création d’un forum en tant qu’espace de discussion (échange d’idées, poser des questions), création d’un blog d’échange d’idées (une sorte de boîte à idées à proposer et à échanger), création d’un wiki pour construire en collaboration une connaissance sur un sujet donné.

 

En termes de gestion de connaissances, BPPF est une entreprise qui cherche à renforcer une compétitivité-qualité comme avantage concurrentiel. Cela peut s’expliquer en quelques points :

 

  • La Société mise surtout sur la flexibilité interne pour répondre à ses besoins en RH (sans pour autant nier la nécessité de recourir au marché du travail pour des postes de commerciaux, par exemple).

 

  • Une étude faite par Ferrary (2012) montre que les salariés du Groupe BNP touchent un salaire moyen relativement au-dessus de la moyenne des 40 plus grandes entreprises françaises privées du CAC40. En se basant sur l’hypothèse que les salaires des travailleurs sont proportionnels à leurs compétences respectives, il peut être déduit qu’il s’agit d’une entreprise « intense en connaissance ». « Ces entreprises sont intenses en connaissances car elles utilisent une main-d’œuvre très qualifiée dont elles utilisent essentiellement les capacités cognitives » (Ferrary, 2012, p. 137). Il apparait que la masse salariale de l’entreprise pèse de manière substantielle dans ses coûts de production (toujours selon Ferrary, 2012).

 

En somme, les ressources humaines devraient constituer pour BPPF une ressource stratégique au regard de l’avantage concurrentiel recherché. Ceci dit, la mobilisation des RH est la principale source de création de valeur pour l’entreprise. Cette dernière a donc besoin de travailleurs hautement qualifiés. Tout cela explique la préoccupation de BPPF concernant son image, le développement de sa marque employeur pour accroitre l’attractivité de l’entreprise sur le marché du travail. Le modèle conceptuel de Ferrary (2012) est ainsi confirmé : la politique de recrutement tient une place très importante en matière de RH, de même qu’un ensemble de dispositifs conçus pour la rétention des RH. A rappeler également que l’auteur souligne la pertinence de la notion de « guerre des talents » dans ce contexte, d’où le lancement du Programme de Développement des Talents par le Groupe BNP.

 

  1. Analyse des existants en matière de KM

 

Il est encore trop tôt de chercher à mesurer les impacts de l’ensemble des dispositifs de gestion de connaissance (IBM Connection en particulier) mis en place au sein de la Filiale. Néanmoins, IBM Connection s’est rapidement diffusé auprès de quelques employés intéressés à ce type d’outils dans l’entreprise.

 

Bien que l’enjeu de cet outil pour le développement de l’entreprise ait été identifié, les moyens organisationnels (financiers et humains) mis en place à cet effet ont été plus qu’inférieurs et sous dimensionnés ne permettant donc pas à la plateforme de fonctionner que très tardivement. A cela s’ajoute des complications quant à l’identification des personnes détentrices du savoir mais également des complications relatives à l’information diffusée et partagée sur ces communautés : Comment différencier une information stratégique et confidentielle d’une information que l’on peut partager ? En effet, l’absence de contrôle dans l’opération d’ajout de fichiers sur la plateforme, favorisant le partage spontané de savoir, comporte le risque de transmission d’informations stratégiques et confidentielles.

 

Concernant l’identification des collaborateurs et des experts, se pose également la problématique de l’extraction du savoir explicite et surtout tacite. De plus, il  manque une uniformisation des outils utilisés à l’échelle du Groupe. En fait, l’ensemble des entités du Groupe n’utilisent pas les mêmes outils d’échange et de transmission des savoirs, ne permettant pas à ceux-ci d’être réellement diffusés au sens large du terme dans l’ensemble des entités et pour l’ensemble des collaborateurs du Groupe.

 

En résumé, étant donné qu’il s’agit d’une initiative nouvelle, aucune réelle pratique n’a encore été mise en place afin de tendre à l’effectivité de l’extraction des savoirs des collaborateurs. Ces derniers sont invités à partager leurs connaissances de manière naturelle sur la plateforme. Libre à leur manager de les sensibiliser et de les inviter sur certaines communautés virtuelles sur lesquelles ils pourront apporter d’importantes informations de par leur savoir et expertise sur un sujet particulier. En quelques mots, il convient d’apporter quelques corrections et/ou améliorations pour que la gestion de connaissances soient vraiment effective et efficace et apporterait des impacts positifs pour le développement de l’entreprise.

 

  1. Recommandations

 

Quelques recommandations sont émises à l’endroit de BPPF pour améliorer les dispositifs existants en matière de KM, et plus particulièrement concernant la Social Business Place :

 

  1. Identification des savoirs, des collaborateurs-clés et des collaborateurs à hauts potentiels

 

Les dirigeants de l’entreprise sont conscients de l’importance d’une gestion optimale du plan de succession des collaborateurs en vue d’assurer le développement sur le long terme de BPPF. Il est alors crucial de relier les personnes identifiées comme hauts potentiels (disposant une forte capacité d’apprentissage) avec celles qui manifestement possèdent les savoirs rares, stratégiques et essentiels pour la création de valeurs pour l’entreprise. Faire appel à un cabinet d’experts (externe à l’organisation) pourrait se révéler utile, surtout que de nombreux cabinets fournissent des outils talents intéressants.

 

Entretemps, trois types de collaborateurs peuvent être plus facilement identifiables, en se basant sur des critères simples tels que l’âge, l’expérience et le poste occupé : Junior, confirmé, et senior. Cela devrait alors faciliter l’identification des personnes disposant d’une combinaison unique de compétences, d’expériences, de motivations et de prédisposition personnelle pour un métier spécifique, d’une part. D’autre part, il faudrait faire référence à celles disposant un savoir particulièrement stratégique pour l’entreprise, dont les experts : ayant de compétences-clés, d’une forte expertise. Les managers devraient alors travailler en collaboration avec la fonction RH dans cet exercice d’identification des talents. Il est préconisé de mettre à jour régulièrement (annuellement, par exemple) les bases de données contenant les personnes ainsi identifiées.

 

  1. Modèle permettant l’interaction et l’apprentissage des collaborateurs

 

Il est suggéré de fonctionner selon un modèle pyramidal à 70/20/10 (McCall, Eichinger & Lombardo, 1996) :

 

  • 70% de la transmission de savoirs devraient être des « actions on the job » : il s’agit alors d’accompagner par exemple un nouveau collaborateur sur des sujets concernant le processus habituel de travail. Les « mentors » à qui est attribuée cette mission travailleraient en étroite collaboration avec la fonction RH pour s’assurer que tous les savoirs (connaissances explicites/tacites) dont les bénéficiaires ont besoins sont transmis dans les meilleures conditions possibles.

 

  • 20% de la transmission de savoirs se feraient à travers de la formation formelle, voire relativement plus académique. L’expert acterait donc dans des séances de formation pour partager ses expériences et son expertise sur les enjeux des métiers.

 

  • 10% de la transmission de savoirs se réaliseraient par le coaching, c’est-à-dire une intervention moins formelle, de manière spontanée sur un collaborateur en particulier et concernant un enjeu ou un problème spécifique.

 

  1. Accompagner les experts

 

Il s’avère que les experts (ceux détenant les connaissances qu’il faut expliciter, capitaliser et diffuser) ont besoin d’accompagnement pour faciliter la transmission de leurs savoirs. Trois actions apparaissent primordiales dans ce sens :

 

  • Définir les priorités : identifier les éléments-clés et les objectifs de développement pertinents, tels qu’une compétence à améliorer ou une connaissance nécessitant une capitalisation ;

 

  • Identifier les actions prioritaires à entreprendre : définir deux ou trois étapes pour chacun des objectifs de développement identifiés, et donner la priorité aux activités « on-the-job » qui devraient permettre de mettre en pratique certaines compétences ;

 

  • Planifier la mise en œuvre : définir les délais, les étapes intermédiaires, ainsi que les indicateurs de réussite permettant de mesurer les progrès réalisés.

 

  1. Responsabiliser : une condition de réussite

 

Pour que les dispositifs de gestion de connaissances fonctionnent effectivement et apportent des résultats positifs et conséquents, il faut que tous les acteurs de l’entreprise s’en sentent concernés. Cette responsabilisation devrait s’opérer à trois niveaux de l’organisation :

 

  • D’abord, une forte implication des collaborateurs concernés ;

 

  • Ensuite, l’engagement des managers à développer, à coacher, à exposer, à challenger leurs « key people » et ainsi à les préparer à évoluer vers le prochain niveau de responsabilité qu’ils devront tenir ;

 

  • Enfin, l’accompagnement réalisé par la fonction RH à travers la mise en place de réunions et séminaires ainsi que des lieux d’échange entre les « talents » et les experts dans le cadre de la transmission de savoirs. Il s’agit entre autres de déjeuners ou petits déjeuner mensuels dans le but d’activer ou d’enrichir le réseau, une occasion non formelle de nouer des liens et de faciliter par la suite les échanges entre ces deux types d’acteurs. Sont aussi inclus dans cet accompagnement : les activités en « team building » pour s’habituer à travailler ensemble, des séminaires et colloques sur des thématiques spécifiques (20% des transmissions), « l’expédition & learning » permettant d’établir une relation d’échanges professionnels entre des personnes occupant le même poste et entre équipe traitant les mêmes problématiques.

 

Dans ces réunions et séminaires, et plus particulièrement concernant l’expédition & learning, les experts de différents pays viennent pour interchanger leur position, apportant ainsi une dimension nouvelle aux pratiques mises en place par les équipes concernées. A son tour, chaque expert apprendrait à travers de tel contact, et notamment des équipes étrangers des pratiques non encore mises en place dans son propre pays.

 

  1. Autres recommandations sur les aspects fonctionnels de la Social & Business Place

 

Il apparait également important d’émettre quelques autres suggestions sur les aspects fonctionnels du principal outil de gestion de connaissance du Groupe. D’abord, concernant l’usage de la « communauté » (virtuelle), il est important de bien cadre les objectifs de chaque communauté, tels que « piloter/gérer un projet », « organiser l’innovation participative », « échanger et répliquer des bonnes pratiques », etc.

 

Il faudrait aussi définir les droits de chaque communauté en différenciant trois niveaux : communautés publique, modérée ou privée. Par exemple, les non-membres ont des droits de consultation dans une communauté publique ou une communauté modérée, mais non pas dans une communauté privée qui est désormais « secrète » (même une recherche sur le nom de la communauté ne permet pas de la trouver).

 

Il y aurait également des points perfectibles au sujet de la mobilité ou le changement de position des collaborateurs. Plus précisément, les membres de communautés privées devraient informer les Community Managers en cas de départ ou de changement de poste. Dans ce cas, les contenus des contributeurs qui auraient quitté un groupe resteront en l’état, tandis que leurs profils seront désactivés et grisés (suppression du contenu et des photos des profils désactivés, impossibilité de poster un message sur leurs murs). Ce mécanisme devrait reposer sur la synchronisation avec l’annuaire, permettant de sécuriser l’extraction des données (les profils désactivés n’apparaitront plus dans l’annuaire lors de recherche, sauf option spécifique dans la « recherche avancée »).

 

En conclusion, BPPF est une entreprise intense en connaissance et poursuit des avantages concurrentiels de nature « compétitivité-qualité ». Bien que l’entreprise (et le Groupe en général) ne dispose pas encore d’une politique explicitement formulée de gestion de connaissance, il y a tout de même une volonté de s’engager dans cette voie. Cela se manifeste principalement à travers le concept de « Digital working », dont l’utilisation de l’outil « IBM Connection ». Néanmoins, il y a des points perfectibles à considérer qui conditionnent vraisemblablement l’efficacité des dispositifs déjà existants : sous-estimer ces éléments pourrait neutraliser les externalités positives attendues de la gestion des connaissances sur la performance de l’entreprise, c’est-à-dire que ces dispositifs ne permettraient pas de produire l’avantage concurrentiel recherché. Cela pourrait avoir comme conséquence une baisse de motivation des différents acteurs (décisionnels et opérationnels) à investir davantage en matière de gestion de connaissance, une démotivation qui risque de s’auto-entretenir. Ces différents points perfectibles impliquent des actions concrètes, à savoir, principalement :

 

  • Identifier les acteurs devant bénéficier d’une transmission de connaissance d’une part, et ceux qui devraient transmettre celle-ci d’autre part.

 

  • Utiliser divers moyens pour la transmission de connaissance, qu’ils soient formels ou non.

 

  • Etablir les conditions favorables pour favoriser les échanges entre ces deux types d’acteurs.

 

  • Responsabiliser autant que possible tous les acteurs concernés pour qu’ils s’approprient même des dispositifs de gestion de connaissance.

 

Conclusion

 

Le knowledge management pourrait trouver une application dans pratiquement tous les secteurs d’activité, mais son importance au sein d’une entreprise est d’autant plus grande que la connaissance y joue un rôle plus accentué dans la création de valeur. A rappeler que la gestion de connaissance consiste principalement en la capture de cette connaissance, sa traduction si nécessaire en savoirs explicites, son enregistrement de diverses manières pour ensuite la redistribuer au besoin de façon à produire les meilleurs profits. Dans ce sens, la gestion des connaissances a vocation de conférer un avantage concurrentiel pour l’entreprise en question. Du fait que la place de la connaissance diffère d’une entreprise à une autre, les enjeux du knowledge management ne sont pas les mêmes suivant que cette connaissance constitue ou non un élément stratégique pour l’entreprise.

 

C’est ainsi que le knowledge management prend une importance particulière lorsque l’entreprise poursuit un avantage concurrentiel de type « compétitivité-qualité » (par opposition à « compétitivité-coût »). Cela établit, même en théorie, un contexte propice à la notion de « guerre des talents », un phénomène pouvant être assimilé à un « risque de pénurie des talents ». Deux types d’entreprises rentrent potentiellement dans ce contexte : l’entreprise intense en technologie qui emploie un faible nombre de travailleurs hautement qualifiés impliquant l’adoption du modèle de « GRH protectrice », d’une part, et l’entreprise intense en connaissance qui utilise une forte intensité en capital humain avec une main d’œuvre très qualifiée, nécessitant le recours au modèle de « GRH innovatrice ».

 

L’entreprise BNP Personal Finance qui est l’objet de l’étude de cas dans le présent travail de recherche fait partie des entreprises intenses en connaissance. Désormais, l’essentiel des valeurs créées par cette entreprise se base sur l’utilisation des connaissances comme input dans le processus de production. Le Programme de Développement des Talents par le Groupe BNP montre à quel point la gestion des talents est stratégique pour cette entreprise, un indicateur sur la préoccupation de cette dernière quant au risque de pénurie des talents. Dans ce cas, le knowledge management devrait jouer un rôle central dans la construction d’avantage compétitif pour cette firme. C’est probablement dans ce sens que des dispositifs de gestion des connaissances ont été mis en place, dont une Social & Business Place (IBM Connection) destinée à favoriser le partage et la transmission des connaissances. Même si l’entreprise ne dispose pas encore (jusqu’au moment d’élaboration du présent mémoire) de politique de knowledge management explicitement formulée, ces éléments existants devraient correspondre aux enjeux que représentent les connaissances pour l’organisation.

 

BNP Personal finance a alors intérêt à améliorer ces dispositifs existants pour produire les effets attendus en termes d’avantage concurrentiel. Parmi les actions prioritaires à considérer dans cette démarche d’amélioration, il convient de citer l’identification des principaux acteurs de la transmission des connaissances (les « hauts potentiels » comme récipiendaires d’une part, et les experts en tant que fournisseurs des connaissances d’autre part), l’utilisation de divers moyens (formels ou non) pour véhiculer les connaissances, l’établissement des conditions favorables aux échanges entre ces acteurs, et la responsabilisation de ces derniers pour qu’ils s’approprient de ces dispositifs. Il faut admettre que, dans cette perspective, la gestion de connaissance est en quelque sorte un garant de la pérennité et le développement de la firme.

 

Néanmoins, force est de constater certaines limites de la présente étude, notamment concernant le fait qu’elle se base sur une étude de cas. Des entretiens individuels semi-directifs devraient également permettre une vue analytique plus approfondie du contexte étudié. La portée des résultats de cette recherche s’en trouve alors limitée. Une piste de recherche consiste alors à approfondir cette étude par une extension du champ de recherche à l’ensemble du secteur de l’intermédiation financière, par exemple.

 

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