Le management dans l’incertitude : une nécessité pour le cadre de santé
SOMMAIRE
CHAPITRE I : PROBLEMATIQUE ET CADRE THEORIQUE.. 6
2.1. Les généralités sur le concept d’incertitude : 10
2.2. Le management dans l’incertitude : 16
2.3. Le rôle du cadre de santé dans l’accompagnement des équipes : 23
CHAPITRE II : ANALYSES EMPIRIQUES. 29
1.1. Enonciation de la méthodologie : 29
1.2. L’analyse de contenus : 31
1.3. L’interprétation des analyses: 38
1.4. L’analyse critique de la recherche: 40
1.5. Les enseignements tirés: 41
ANNEXE I : Questionnaire d’enquête. 50
INTRODUCTION
Comme le disait le célèbre philosophe Sénèque, « l’incertitude est devenue un état constant et normal du XXIe siècle…le fou s’oppose aux événements, le sage les utilise ». Ceci pour dire qu’aujourd’hui, aucune organisation n’est à l’abri des incertitudes qui découlent de l’évolution de l’environnement. En effet, cette évolution se reflète à travers les mutations technologiques, sociologiques et économiques. Elle peut également se voir à travers les nouveaux besoins des acteurs économiques, la montée de la mondialisation, ainsi que les différentes évolutions règlementaires[1]. En conséquence, bon nombre de managers se trouvent confrontés à des difficultés en ce qui concerne l’atteinte des objectifs des organisations. En raison de l’incertitude qui gouverne l’environnement externe des entreprises, les scénarii envisagés comme les prévisions volent en éclat.
Toujours est-il que le passage de la gestion dans la certitude à la gestion dans l’incertitude incombe également aux établissements de santé. Parmi les différents changements qui génèrent de l’incertitude en milieu hospitalier, nous pouvons noter la recomposition du paysage hospitalier de par la constitution des services en pôles[2], l’accélération des progrès technologiques, le renforcement des politiques de santé dans le domaine de la gestion des risques[3], la démarche qualité auditée en permanence[4], la réduction du temps de travail, le rationnement budgétaire, le développement du consumérisme médical, le papy-boom des soignants comme des usagers, ainsi que l’accentuation de la concurrence entre les établissements publics et ceux privés.
Le défi de toute entité consiste désormais à tirer profit du contexte d’incertitude, de façon à développer des stratégies et des tactiques adaptées[5]. Il ne s’agit plus d’anticiper simplement l’avenir des entreprises mais d’adapter les équipes aux différents changements qui surviennent, car les changements en eux-mêmes créent des zones d’incertitude à l’endroit des différents acteurs. Ces derniers s’interrogent inévitablement sur leur devenir et leur compétence. Ainsi, le management devrait consister à réduire ces zones d’incertitude pour revenir à une situation d’équilibre. Cette adaptation au changement suppose l’accompagnement des différentes mutations via le renforcement de l’adhésion, le maintien de la motivation et l’anticipation des difficultés d’adaptation.
Afin d’illustrer ce concept d’incertitude, il y a lieu de faire part des diverses situations vécues au sein du Centre Hospitalier de Lavaur dans le Tarn, à l’endroit duquel l’opportunité s’est présentée d’exercer dans le secteur psychiatrique pendant 16 ans en tant qu’infirmière. Parmi les évènements essentiels qui motiveront le choix du thème d’étude, il existe principalement la fusion d’hôpitaux. Un moment particulièrement éprouvant du fait de l’importante rotation du personnel et de la menace de fermeture d’une unité psychiatrique. De cette façon, lorsque les projets d’établissements concernant l’avenir de la psychiatrie ont été mis en standby, cela a laissé place à l’incertitude, à l’incompréhension, à la colère, voire même aux conflits au travail au niveau paramédical et administratif. L’adaptation des équipes à ce changement relève de la compétence du cadre de santé. Une mission qui, de visu, comporte beaucoup d’enjeux du fait de l’ampleur du changement du point de vue organisationnel et de la complexité de l’équipe de soins.
Ainsi, en tant que futur cadre de santé, conformément au contexte et aux différentes situations vécues dans la pratique, il faut se demander comment le management de l’incertitude pourrait s’appliquer au cadre de santé. Le cadre de santé étant le manager par excellence en milieu de soins. A propos, selon Chantal DE SINGLY (2009)[6], les cadres de santé sont perçus comme étant « le maillon central, pilier du service, clef du changement, référence permanente et solide…. ».
Dans cette optique, le sujet de notre recherche s’intitule « Le management dans l’incertitude : une nécessité pour le cadre de santé ». En effet, selon Roger PRIOURET (1968)[7], le management, inspiré des mots « manu » et « maneggiare » signifiant respectivement « main » et « manœuvrer », peut se définir comme étant « la mise sous tension rationnelle de l’ensemble des éléments qui composent une entreprise ». La mise sous tension implique l’exploitation et la gestion des ressources de l’entité, de façon à en contrôler, organiser et à programmer les composantes. Mais la définition suivante d’Henry MINTZBERG[8] se rapproche un peu plus de la réalité : « En dépit des clichés de la littérature managériale, la fonction managériale n’engendre pas une catégorie d’hommes prévoyants et réfléchis… Le dirigeant efficace se délecte dans des systèmes ambigus, complexes et mystérieux, dans lesquels l’ordre est souvent absent…Le travail du manager est fondamentalement un travail sur l’information, en particulier à travers le discours et tout spécialement par l’écoute ». L’efficacité de la fonction managériale se reflète donc à travers la capacité à informer à et à communiquer en situation incertaine et complexe. Mais qu’est ce que l’incertitude ? En fait, le concept d’incertitude se rapproche du doute et de l’imprévu. Mais à voir de plus près, l’incertitude engendre le doute. L’imprévu par contre, engendre des risques qui mènent à l’incertitude. Selon le dictionnaire Larousse 2009, l’incertitude désigne le « caractère de ce qui ne peut être déterminé, connu à l’avance, ce qui ne peut être établi avec certitude, qui laisse place au doute »[9]. Lorsqu’un élément ne peut être déterminé à l’avance, les conséquences ou résultats sont donc variables. Cette variabilité peut être spatiale ou temporelle. Et en milieu hospitalier, la variabilité provient des différences qui existent entre les acteurs de l’organisation hospitalières d’une part et des changements survenus d’autre part. Lorsque cette variabilité existe dans un système aussi complexe, la certitude laisse inévitablement place à l’incertitude. Par rapport à cela, il convient donc d’aborder le management de l’incertitude, fruit de l’époque post-moderne dominée par la complexité de l’environnement et la variabilité. En ce sens, il ne s’agit plus de conduire une machine organisationnelle dans la certitude et dans la stabilité, mais plutôt de savoir manager en contexte non prédictible, irrégulier, et désordonné. Le management de l’incertitude est dès lors une nécessité, sachant qu’elle permette à toute organisation de rester pérenne. Provenant du mot latin « necessĭtas », la nécessité désigne dans notre contexte, le caractère de ce qui est impossible à éviter plutôt qu’une impulsion irrésistible[10]. D’après le psychologue américain Le psychologue américain Abraham MASLOW, il existe 05 catégories de nécessité dont les nécessités physiologiques comme les aliments ou le logement, les nécessités de sécurité telles que les soins ou alors la protection, les nécessités d’appartenance comme l’affection, les nécessités d’estime de soi telles que le prestige ou l’honneur, ainsi que les nécessités de concrétisations personnelles. Pour notre part, il s’agit de prendre en considération les nécessités de sécurité. Autrement dit, c’est par mesure de sécurité que le cadre de santé se doit d’adopter un style de management propre au contexte spécifique de l’hôpital. En ce qui concerne le cadre de santé, ce dernier, en vertu des différents textes qui se sont succédé, occupe aujourd’hui une fonction managériale plus ou moins définie. En effet, le décret 95-926 du 18/08/1995 créée le diplôme « cadre de santé » tout en introduisant la mission managériale, qui est assurée à travers l’organisation des pôles en vue de décloisonner les structures et d’optimiser les ressources aussi bien matérielles qu’humaines. D’ailleurs, cette mission managériale prévaut dans le contexte où le consumérisme médical est associé aux contraintes économiques importantes et aux incertitudes budgétaires. Par conséquent, la marge de manœuvre des cadres de santé en matière de prise de décisions s’élargit de telle sorte qu’il est plus perçu non seulement comme étant un cadre de proximité mais aussi comme un cadre supérieur qui agit en tant que manager de son équipe. Ainsi, « le cadre de santé est garant de la qualité, de l’organisation, de la sécurité des soins. En ce sens, il est responsable de l’organisation de la formation et de l’information des stagiaires et nouveaux agents, des soignants en général »[11]. Ceci dit qu’il appartient au cadre de santé d’accompagner son équipe dans les différents changements susceptibles de bouleverser les pratiques au sein du service.
Connaissant le contenu du sujet dans sa globalité, il faut noter que ce dernier trouve son intérêt dans la mis en place d’outils et de moyens au service du cadre de santé pour la conduite de l’équipe face aux différentes mutations économiques, sociologiques et règlementaires afin de contribuer à la pérennité des établissements de santé. L’environnement dans lequel baignent les organisations hospitalières impose une adaptation rapide des équipes de soins aux changements dont les effets ne paraissent pas toujours maîtrisables. Le cadre de santé doit donc savoir manager en contexte d’incertitude et prendre les bonnes décisions même s’ils ne disposent pas d’informations fiables et complètes. Plus précisément, il relève de sa responsabilité de tirer profit de chaque situation d’incertitude et de voir le changement plus comme une opportunité et moins comme une menace.
Par ailleurs, le choix du sujet est motivé par l’impact de l’incertitude sur le management et sur le comportement de chaque membre de l’équipe. La gestion de cet impact est déterminant dans la réussite de la conduite du changement d’une part et dans la performance de l’établissement de santé d’autre part. C’est pourquoi, le cadre de santé, en tant que manager et acteur de premier plan joue un rôle stratégique au sein de l’organisation hospitalière.
L’objectif de cette étude vise donc la connaissance du rôle et de la place du cadre de santé en contexte d’incertitude, en vue de mettre à jour les perspectives professionnelles et élargir les réflexions sur ce futur métier. Ainsi, au fur et à mesure de l’avancée de l’étude, il s’agira de connaître la capacité d’adaptation des équipes, le positionnement du cadre de santé au sein de l’organisation hospitalière, les leviers et les freins qui pourraient exister dans l’exercice du métier.
Afin de pouvoir répondre à cet objectif, il conviendra d’aborder dans un premier chapitre le cheminement de notre réflexion qui découle des différentes pratiques professionnelles jusqu’à l’élaboration de notre problématique de recherche, en passant par les divers questionnements suscités par les faits marquants des situations vécues en tant qu’infirmière. Ce même chapitre mettra en évidence, dans un second point, les approches théoriques et conceptuelles de l’étude, de façon à expliciter les concepts clefs et le cadre général de cette étude.
Dans un second et dernier chapitre, il y aura lieu de confronter la théorie avec la réalité constatée sur terrain, en relatant le cadre méthodologique qu’il importe de retenir. Les résultats d’enquêtes seront traités et analysés de manière à pouvoir énoncer les différents enseignements tirés des analyses, sachant qu’il s’agit d’un travail de compréhension des pratiques et des représentations professionnelles.
CHAPITRE I : PROBLEMATIQUE ET CADRE THEORIQUE
Sachant qu’il est d’une importance capitale de commencer par le commencement, il convient de débuter notre travail de recherche par l’énonciation de la problématique professionnelle qui découle des différentes expériences vécues en tant que futur cadre de santé. Cette problématique permettra de ressortir les approches théoriques et conceptuelles qui méritent d’être étudiées. De cette façon, il s’agit d’aborder d’une part la problématique professionnelle et de l’autre les approches théoriques et conceptuelles.
1. La problématique professionnelle :
Après l’énonciation du sujet, il convient de mettre en avant la problématique professionnelle qui servira de fil directeur à notre travail de recherche. Mais pour ce faire, il y a d’abord lieu de relater les différentes situations professionnelles vécues au sein du service de psychiatrie afin de pouvoir préciser le champ d’application et le contexte général de la recherche. Le concept d’incertitude étant un domaine assez vaste en soi.
1.1. La situation d’appel :
Au cours de mon parcours professionnel en tant qu’infirmier au Centre Hospitalier de Lavaur dans le Tarn, j’ai eu l’opportunité de participer à de grands projets d’établissement, notamment en ce qui concerne le service psychiatrique. En effet, l’Unité Psychiatrique de Court Séjour (UPCP) qui est le service dans lequel j’ai été affecté a fait l’objet de partenariats et de projets institutionnels à long terme : d’une part, le partenariat de l’hôpital de Lavaur avec l’hôpital Gabarrou de Castres a permis l’ouverture d’un service de psychiatrie qui prend également en charge les soins somatiques, mais encore la réalisation de missions d’évaluations d’urgences pour les patients en unité psychiatrique ; d’autre part, un projet d’agrandissement de service de psychiatrie a été mis en place lors de la construction de Hôpital du Pays d’Autan. Avec les prestations somatiques et logistiques de l’hôpital accueillant, le projet a également consisté en l’ouverture d’un service de psychogériatrie.
En conséquence, au regard de ces investissements, et en tant que futur cadre de santé, les missions qui m’ont été confiées ont concerné :
- L’accompagnement des futures équipes de soins en psychiatrie (13 Aides-Soignantes et Aides MédicoPsychologiques). En plus de cet accompagnement, il faudrait assurer l’organisation du travail de liaison dans les autres services (Médecine, chirurgie, maternité). Cette mission concerne effectivement l’hôpital de Lavaur.
- Au niveau l’hôpital de Gabarrou, j’ai intégré le groupe Urgences en vue d’une évaluation psychiatrique. En effet, il a fallu détacher une équipe sur les urgences pour l’accueil, l’évaluation et l’orientation des patients atteints de troubles psychiatriques.
Lors de la réalisation de ces missions, les groupes de travail ont été centré sur l’élaboration de fiches de poste au niveau du service psychiatrique, l’établissement du profil psychologique des patients accueillis, les spécificités de prise en charge de ces patients. Ainsi, après 16 ans de service en secteur psychiatrique, les avantages tirés des expériences professionnelles ont permis d’appréhender mon futur métier, sachant que le management participatif de l’hôpital a favorisé l’instauration d’un climat de confiance avec une communication efficace entre les pairs et un dynamisme sans égal à l’endroit des cadres de santé. L’expérience managériale et organisationnelle qui en découlent ont porté principalement sur :
- La définition des objectifs relatifs aux projets institutionnels.
- L’aisance relationnelle ou le sens de la communication, notamment à travers les travaux de groupe.
- La gestion des ressources et des compétences.
- L’identification des besoins et l’ajustement des erreurs.
Ces expériences ont été vécues dans un contexte serein, de façon à créer un sentiment d’implication, de valorisation et de motivation. Comme quoi, le changement a été vu sous un angle plutôt positif. Les cinq premières années ont alors été productives et ont permis à l’hôpital de Lavaur d’élargir sa zone géographique d’intervention et de désengorger les services psychiatriques.
Mais entre 2007 et 2011, de nombreux changements sont venus bouleversés les pratiques au sein de l’organisation, de manière à remettre en question l’avenir de l’unité psychiatrique :
- L’Hôpital Gabarrou à Castres a fusionné avec une clinique privée. L’effet pervers qui s’ensuit est que l’accueil de la population du Bassin a nécessité l’agrandissement du service maternité existant. Ce qui menace la continuité des soins fournis par l’unité psychiatrique de Gabarrou, d’autant plus que les lits réservés à la psychiatrie sur les différents services de l’hôpital ont été réquisitionnés. Sur le plan psychologique et économique, cela a engendré des incompréhensions et des inquiétudes qui ont dégénéré en amertume et en colère. De cette façon, des mécanismes de défense se sont crées et les conflits au travail se sont fait ressentir, notamment entre le personnel du service psychiatrique et celui de la maternité.
- L’Hôpital de Lavaur a fusionné avec le CHU de Toulouse. Pendant ce temps, le Directeur de Ressources Humaines a pris sa retraite et fut très vite remplacé par le Directeur des Ressources Humaines du CHU de Toulouse puis par le Directeur des Finances. D’où une modification de l’organigramme au niveau de la Direction et une redéfinition des rôles de chaque professionnel. Après cela, la politique d’accueil et d’intégration du nouveau personnel a été reléguée au second plan et la communication entre les cadres de santé les membres de l’équipe s’est altérée. Ainsi, le cadre de santé a perdu de la crédibilité auprès de l’équipe, sachant qu’il a éprouvé beaucoup de difficultés à anticiper les dysfonctionnements.
Connaissant le vécu du futur cadre de santé par rapport aux diverses situations professionnelles, comment expliquer la motivation qui a alimenté ce travail de compréhension ?
1.2. La motivation :
Les conséquences des grands changements ont été plutôt néfastes pour le personnel paramédical et administratif de telle sorte que les compétences du cadre de santé soient remises en cause et que la prise en charge globale des patients se trouve amoindrie. Ces changements provoqués par la fusion des hôpitaux a donné du fil à retordre au cadre de santé, d’autant plus que la réorganisation des activités a entrainé des moments d’incertitudes à l’endroit des acteurs de la santé : la perte de motivation du personnel, la montée de l’absentéisme, les ruptures au niveau des différents échelons…telles sont les difficultés auxquelles le cadre de santé doit désormais faire face dans l’exercice de sa profession. Il s’agit d’une profession qui cumule les fonctions de cadre de proximité et les fonctions managériales. Ainsi, pour être préparée au métier de cadre de santé, il s’avère opportun de prendre en considération :
- Les outils et les moyens d’accompagnement de l’équipe dans la conduite du changement et dans l’élaboration des différents projets hospitaliers, qu’il s’agisse de projets de soins ou de projets d’établissements, en vue de vaincre les éventuelles résistances au changement et restaurer l’équilibre dans l’équipe.
- Les rôles et les attributions du cadre de santé afin de pouvoir juger de son positionnement par rapport à l’organisation hospitalière.
- Les enjeux du métier en contexte d’incertitude, de façon à en appréhender les forces et les faiblesses, ainsi que les opportunités et les menaces.
Au regard de cette motivation qui reflète d’une manière ou d’une autre les différents projets professionnels, quelles premières interrogations convient-il de se poser ?
1.3. Les questionnements :
Les diverses situations vécues ont permis de constater la complexité du métier du cadre de santé. Cette complexité trouve effectivement son origine dans les différentes mutations organisationnelles, économiques et règlementaires qui affectent l’organisation hospitalière. Dans cette optique, les questionnements qui traversent en premier l’esprit sont les suivants :
- De quelle manière la nouvelle gouvernance a élargi les responsabilités du cadre de santé ? Et dans quels domaines ?
- Le positionnement du cadre de santé lui permet-il d’avoir une marge de manœuvre assez large dans la réalisation des différents projets institutionnels ?
- Le positionnement du cadre de santé met-il en avant un rôle d’acteur de premier plan ou un simple rôle d’exécution ?
- La fonction de cadre de proximité combinée à la fonction managériale revient-elle à délaisser les compétences cliniques du cadre de santé ? La nouvelle fonction du cadre de santé relègue-t-elle au second plan la prise en charge des patients ?
- Le cadre de santé joue-t-il le rôle de médiateur et d’intermédiaire entre la hiérarchie et les différents membres de l’équipe, ainsi qu’entre les différents services de soins ?
- Relève-t-il au cadre de santé de trouver des solutions aux difficultés rencontrées par l’équipe ? Quels sont les leviers et les freins qui en découlent ?
- En contexte de rationnement budgétaire, comment le cadre de santé assure-t-il la qualité des soins ?
En se penchant un peu plus vers des problèmes qui s’orientent vers les effets néfastes engendrés par l’incertitude en milieu hospitalier, nous pouvons déduire les questions suivantes :
- Quels sont le rôle et la place du cadre de santé dans l’organisation hospitalière en générale et dans la conduite du changement en particulier ?
- Les cadres de santé, en tant que point de repère de son équipe est-il toujours sûre de ses décisions ? S’interrogent-ils sur l’avenir de l’établissement ?
- Quels enjeux le cadre de santé doit-il maîtriser pour maintenir l’équilibre dans son équipe en contexte d’incertitude ?
- Quels sont les outils nécessaires au management de l’incertitude ?
- Face à l’imprévu, quelle confiance est faite aux cadres de santé dans la conduite de leur équipe ?
- Quelles stratégies le cadre de santé doit-il adopter pour pouvoir manager dans l’incertitude ?
Tels sont les différents questionnements qui méritent d’être abordées tout au long de notre étude. Mais qu’en est-il du problème central qui servira de fil directeur à notre démarche ?
1.4. La problématique:
Toutes les expériences professionnelles amènent à conclure que les services de soins évoluent d’une manière exponentielle, de telle sorte que le management de l’incertitude devienne plus une évidence qu’une opportunité. Mais afin d’en tirer profit et pour ne pas être voué à disparaître, il importe de s’adapter au plus vite aux différents changements qui surgissent dans notre système de santé. Cette adaptation suppose l’accompagnement des équipes et l’anticipation des différentes résistances au changement. Ainsi, ce constat permet de s’interroger définitivement sur le positionnement du cadre de santé. La problématique principale qu’il convient de retenir est la suivante :
Comment le cadre de santé peut-il accompagner son équipe dans un contexte d’incertitude ?
Il incombe indéniablement au cadre de santé de veiller sur son équipe et de l’accompagner dans les différents bouleversements causés par l’environnement externe. Après tout, « les cadres sont nécessaires parce que l’organisation est imparfaite »[12].
La position du problème réside donc dans l’accompagnement des équipes lors de changements susceptibles de créer de l’incertitude. C’est donc en fonction de cette problématique que seront traitées nos approches théoriques et conceptuelles.
2. Les approches théoriques et conceptuelles :
Afin de connaître le sujet de notre recherche dans sa profondeur et d’en avoir une vision concrète, il s’avère tout aussi logique qu’opportun d’énoncer les approches théoriques et conceptuelles. Pour ce faire, nous allons énoncer dans un premier temps les généralités sur le concept d’incertitude, dans un second temps les retombées sur le management en milieu hospitalier et dans un troisième temps le rôle du cadre de santé dans la gestion de l’incertitude.
2.1. Les généralités sur le concept d’incertitude :
La notion d’incertitude peut englober plusieurs concepts et existe sous différentes approches. Pour pouvoir mieux nous situer par rapport à cela, nous allons aborder respectivement les paragraphes suivants :
- La définition du concept d’incertitude ;
- Les zones d’incertitude ;
- Les différentes formes d’incertitude ;
- Les facteurs générateurs d’incertitude.
2.1.1. La définition de l’incertitude :
Dans le courant de la vie quotidienne, l’incertitude peut être assimilée à la contingence ou aux aléas, pour ne pas dire que l’incertitude est le fruit du hasard. Elle naît des différents changements dans l’environnement d’un individu ou d’une organisation, et peut impacter les décisions et les comportements de tout un chacun. Selon Romain ROLLAND (1923), l’incertitude désigne tout qui résulte de l’impossibilité de connaître ou de prévoir[13]. L’incertitude se rapproche alors du doute ou de l’imprévisibilité. En effet, le doute est lui-même la conséquence directe de l’incertitude. Le doute survient dans la mesure où une personne s’interroge sur l’adaptabilité d’une situation ou d’une action. Par exemple, il arrive que le cadre de santé se remette en question sur son rôle et sa place en ce qui concerne la réalisation d’un projet quelconque. En tant que projet, les résultats sont incertains, ce qui peut amener à s’interroger sur les choix et les décisions.
C’est pourquoi, le concept est perçu généralement de façon négative, du moins psychologiquement, en ce sens qu’il nous prive non seulement de connaissances mais encore d’un certain degré d’apaisement. Mais à quelque chose malheur est bon et l’incertitude est désormais omniprésente dans chaque organisation. L’incertitude dont il est question ici concerne donc l’incertitude psychologique et exclut toute approche économique[14] ou encore métrologique[15].
Pour notre part, il s’agit de considérer ici le sentiment d’incertitude au travail, notamment en milieu hospitalier. A propos, « Le sentiment d’incertitude au travail peut se voir comme l’incapacité dynamique pour l’individu ou un groupe d’individus d’anticiper, de maîtriser, de gérer, de prévoir des situations professionnelles ou autres au travail, même s’il croit disposer des ressources nécessaires. Ces situations lui semblent irréversibles et aléatoires lui apparaissant finalement de plus en plus complexes au regard des « turbulences » de l’environnement et de l’évolution de l’organisation »[16]. Le professionnel de soins se sent impuissant vis-à-vis de ce sentiment d’incertitude, de telle sorte que cela vienne influencer leurs attitudes et leurs modèles identitaires qui constituent en temps normal une zone de confort. La zone de confort peut être considérée comme étant une bulle qui inspire la confiance et la sécurité, non seulement dans les tâches quotidiennes, mais encore dans les relations avec les autres membres de l’équipe de soins.
Force est de constater que l’incertitude, bien qu’omniprésente dans la vie personnelle et professionnelle, est toute de même un concept difficile à appréhender dans la mesure où nous pouvons le confondre avec la notion de doute, de risque ou d’imprévisibilité. Mais qu’en est-il réellement de la dimension de l’incertitude dans un système aussi complexe que l’organisation hospitalière?
2.1.2. Les zones d’incertitude :
Les équipes de soins, les cadres de santé et l’établissement hospitalier forment un système complexe et variable du fait des nombreuses interactions qui évoluent dans le temps entre les différents acteurs. Ainsi, lors d’un changement organisationnel, les relations et les comportements qui découlent de ces interactions seront remises en question, ce qui crée des zones d’incertitude à l’endroit de ces acteurs. En se référant à la notion de zone de confort, la zone d’incertitude représente alors l’inconfort et le terrain inconnu. Mais en même temps, elle permet à chaque professionnel d’évoluer et d’avoir une vision nouvelle de l’organisation.
En effet, selon CROZIER et FRIEDBERG (1977), il existe quatre sources de pouvoir provenant des quatre zones d’incertitude :
Schéma 1 : Les quatre zones d’incertitude
Source : CROZIER, M., FRIEDBERG, E., (1977), « L’Acteur et le système », Editions du Seuil.
Plus précisément, dans ce système qu’est l’hôpital et son personnel, il existe des jeux de pouvoir, le pouvoir étant la capacité d’une personne ou d’un groupe à agir sur le reste des membres de l’organisation et à en affecter le fonctionnement par le biais de prises de décisions, de la mise en œuvre de certains moyens ou de la réalisation de certaines tâches[17]. Ce pouvoir puise sa source à travers les échanges entre les acteurs de soins, qui ont des relations réciproques mais déséquilibrées. Et les professionnels qui maitrisent l’ensemble de ces zones d’incertitude exercent un certain pouvoir sur les autres membres de l’organisation, les zones d’incertitudes reflétant la marge de liberté et d’actions de chaque individu. Il appartient donc à l’organisation de garder le contrôle sur cette incertitude, car même si le cadre de santé détient une certaine autorité sur son équipe, il ne peut être sûr d’en posséder le pouvoir. Dans une certaine mesure, chaque acteur possède une zone où son comportement et son attitude demeurent incertains, imprévisibles et où ses réactions peuvent être différentes. Tel est l’enjeu pour l’organisation.
Force est de constater qu’il est d’autant plus difficile pour le cadre de santé de maîtriser toutes les incertitudes de l’organisation, voire même impossible. Dans un système où certitudes et incertitudes se côtoient régulièrement, l’essentiel est de s’y adapter et d’accepter le changement. Mais pour s’y adapter, il convient de connaître les différentes formes d’incertitudes.
2.1.3. Les différentes formes d’incertitude :
Sachant que notre domaine de recherche touche à l’incertitude au travail, nous pouvons affirmer qu’il existe 03 formes différentes d’incertitudes[18], selon la durée pendant laquelle l’individu la vit.
- L’incertitude immédiate ou l’incertitude en cours de travail :
Elle découle de la nature changeante des tâches qui incombent aux soignants. Dans le milieu de soins, la routine n’existe sachant que chaque cas est unique. Par ailleurs, les défaillances en matière de gestion et de soins peuvent également entraîner de l’incertitude immédiate, comme par exemple lorsque les consignes sont inadaptées aux compétences et au fonctionnement des équipes. Dans ce cas, tout se joue la capacité de communication du cadre de santé et des supérieurs hiérarchiques.
- L’incertitude à court terme ou l’incertitude du lendemain :
Ce type d’incertitude arrive lorsqu’il existe des modifications dans les éléments de travail du professionnel de soins. Parmi ces éléments de travail, nous pouvons citer les procédures de soins et les règlements internes, l’équipe constituée ou encore les matériels et les infrastructures. Ainsi, la mauvaise planification de l’arrivée d’un nouvel infirmier dans une équipe aurait un impact direct sur les relations au travail, de façon à générer de l‘incertitude auprès des autres membres de l’équipe. Il faut noter que ce type d’incertitude est étroitement aux conditions de travail des professionnels de soins.
- L’incertitude à long terme ou l’incertitude de l’avenir :
L’incertitude à long terme provient des différentes mutations de l’environnement externe à l’organisation hospitalière. Ces mutations ont un impact inévitable sur l’environnement interne de l’organisation. C’est le cas lors de changements de réglementations et de politiques en matière de santé ou de travail des soignants, comme la mise en place de la nouvelle gouvernance hospitalière ou la réduction du temps de travail à 35 heures.
Nous pouvons remarquer que quelque soit la forme d’incertitude, il est nécessaire d’accompagner le plus rapidement possible les équipes afin d’en maintenir l’équilibre. Pour ce faire, il convient d’abord de connaître les facteurs générateurs d’incertitude.
2.1.4. Les facteurs générateurs d’incertitude :
D’une manière générale, les organisations hospitalières font souvent face à de changements susceptibles de bouleverser le quotidien des professionnels de soins, d’autant plus que ces modifications génèrent des incertitudes au niveau du cadre de santé d’une part et des équipes de l’autre. D’ailleurs, cette incertitude est reliée à l’essence même de la profession de soignant. Autrement dit, dans ce métier, il est impossible de tout prévoir, d’où la nécessité de d’adapter en permanence. En effet, les facteurs générateurs d’incertitude peuvent être d’ordre interne ou externe :
Tableau 1 : Les facteurs générateurs d’incertitude :
Catégories de facteurs | Les facteurs internes | Les facteurs externes |
Les bouleversements sociologiques | Incapacité de déterminer les conséquences d’un changement sur un soignant.
Bouleversement des pratiques quotidiennes après l’arrivée d’un nouveau professionnel dans l’équipe. |
Persistance de la pénurie de personnel provoquant une forte mobilité des équipes et une forte rotation du personnel, d’où une incertitude sur leur devenir et leurs perspectives professionnelles[19].
Vieillissement de la population infirmière provoquant les nombreux départs en retraite des professionnels de soins[20].
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Les bouleversements économiques et financiers | Rationnement budgétaire conduisant à une réorganisation des services et des ressources[21] (exemple : mise en place d’une équipe mobile pour la réduction des coûts liés au personnel). | Arrivée fulgurante d’une nouvelle concurrence à proximité. |
Les bouleversements règlementaires | Modification dans les procédures internes et les règlements intérieurs, notamment sur les pratiques quotidiennes (exemple : la procédure d’accueil du stagiaire). | Modification de la politique de santé et des lois concernant la profession médicale et la prise en charge des patients[22] (exemple : Réduction du temps de travail à 35 heures, mise en place sur la gestion des risques dans les établissements de santé, respect du Manuel de Certification des Etablissements hospitaliers, mise en place des lois sur le rapprochement des structures et la mutualisation des moyens[23]). |
Les bouleversements technologiques[24] | Traitement de l’information révolu rendant difficile la distinction entre l’important et l’accessoire du fait de l’avancée des nouvelles technologies. | |
Les bouleversements organisationnels | Nouveaux modes de gestion remettant en jeu les compétences et les performances actuelles des professionnels[25] (exemples : la réorganisation en pôles, l’attribution de la fonction managériale au cadre de santé).
Mise en place de restructurations au niveau des locaux[26] (exemple : fusion de deux hôpitaux, acquisition d’un nouveau local, fermeture d’une quelconque unité de soins). |
Sources : Adaptation personnelle
C’est surtout ce dernier facteur qui fera l’objet de notre étude, sachant que le contexte spécifique dans lequel s’inscrivent les expériences vécues concerne le changement organisationnel[27] découlant de la fusion d’hôpitaux. La plupart du temps, la fusion d’hôpitaux trouve son intérêt dans l’économie de coûts via la mise en commun de moyens. La méthode est plus ou moins appliquée dans un contexte de limitations de dépenses ou de rationnement budgétaire. Mais c’est également une alternative qui comporte beaucoup d’enjeux, notamment humains dans la mesure où le changement d’environnement influence de manière considérable les habitudes, la culture, les pratiques et même les projets professionnels des membres de l’organisation.
Afin de gérer au mieux ces changements, les cadres de santé doivent savoir manager dans l’incertitude, de manière à faire de cette incertitude, un avantage concurrentiel et une opportunité de développement. Il s’agit donc, dans les paragraphes qui suivent, de relater les tenants et les aboutissants du management dans l’incertitude.
2.2. Le management dans l’incertitude :
Lorsque l’incertitude domine l’environnement du manager en raison du manque d’informations associées aux turbulences économiques et financières ou de l’instabilité, il apparait évident que les stratégies des organisations s’orientent également dans ce sens. Pour être plus précis, les managers, pour assurer la survie de l’entreprise, doivent faire de l’incertitude ou opportunité tout en ayant connaissance des contraintes qu’elle peut enfanter. Avant de déduire les stratégies qui puissent s’appliquer aux cadres de santé en tant que managers, il s’agit d’abord de mettre en lumière la définition du management de façon à le placer dans son contexte actuel ; puis d’expliciter les caractéristiques du management dans l’incertitude ; ensuite de relater les impacts de l’incertitude sur le management et enfin de faire part des enjeux du management dans l’incertitude.
2.2.1. Définition du management :
Aujourd’hui, le management est l’affaire de toutes les catégories d’organisations des différents secteurs d’activités. Il ne se limite plus aux entreprises et la fonction managériale ne se résume plus à celle du manager. En effet, « manager » signifie « gérer, diriger, conduire, enseigner, motiver ». Nous pouvons donc penser que le management désigne « l’ensemble des connaissances concernant l’organisation et la gestion des organisations »[28]. Cette organisation peut être l’hôpital ou encore l’établissement scolaire.
Pour certains, le management est un art tandis que pour d’autres, il s’agit d’une science. D’une part, ceux qui le considèrent comme un art estiment que le management peut être défini comme étant « l’art de conduire et de diriger »[29] les personnes, en prenant en considération toutes les dimensions du facteur « travail », de plus en plus considéré comme le facteur « savoir ». Ce facteur « savoir » s’obtient à partir de recrutement, et se maintient à travers la formation et la gestion des connaissances, de manière à inculquer chez le personnel un sentiment de motivation, un sens de la communication et une volonté de participation. D’autre part, ceux qui l’assimilent à une science affirment que « le management est une science de l’action appliquée à la conduite des organisations »[30]. Il remplit les quatre conditions qui caractérisent la science, notamment la distinction par rapport aux autres disciplines, l’existence de relations avec les autres disciplines, l’existence de lois et de principes fondateurs et l’existence d’une méthode scientifique d’approche et d’analyse des différents éléments de l’organisation[31]. Par exemple, des méthodes scientifiques sont utilisées en management pour observer et étudier le fonctionnement organisationnel, d’où l’élaboration de certains principes propres au management tels que l’organisation taylorienne ou la division du travail. Cette discipline est donc une science humaine qui intègre des qualités intuitives et relationnelles, ainsi que des sensibilités et des expériences.
Mais toujours est-il que le management actuel, c’est-à-dire le management de l’ère post-moderne, n’est plus inspiré du fordisme. En effet, le développement des technologies et des services comme les turbulences permanentes sur le plan économique et financier a laissé place à l’instabilité et à l’incertitude, de telle sorte que le management soit aujourd’hui défini par rapport à l’incertitude qui découle de cette instabilité. Selon une revue publiée en 2002, « au moins 90% des manuels de management stratégique sont consacrés à la facette du management qui pose le moins de difficultés : conduire la machine organisationnelle selon un mode qui exclut au maximum la surprise : pour connaître le succès, les organisations devraient opérer dans des états de stabilité. Bien au contraire, la véritable mission des responsables est de traiter la non prédictibilité, l’instabilité, l’irrégularité, le non sens et le désordre »[32]. Ainsi, du fait du management dans l’incertitude, le rôle du manager consiste en la conduite du changement et en la maîtrise de l’information et de la communication face à l’imprévisibilité de l’environnement. Il ne s’agit donc plus d’utiliser des méthodes consistant à concevoir et à analyser des activités temporaires irréversibles selon une durée et des ressources prédéfinies, mais plutôt de mettre en place des stratégies qui consistent à s’adapter au changement et à réagir positivement face aux situations nouvelles.
Dorénavant, les stratégies des entreprises doivent s’adapter aux différents bouleversements de l’environnement. En ce sens, le management dans l’incertitude implique la négociation avec cet environnement, et non plus la planification. Mais quels sont alors les caractéristiques du management dans l’incertitude ?
2.2.2. Caractéristiques du management dans l’incertitude :
D’une manière générale, le management se caractérise par quatre points précis, à savoir[33] :
- L’alternance entre la théorie et la pratique, sachant que les théoriciens du management sont la plupart du temps des cadres d’entreprises. D’ailleurs, les formalisations théoriques vont de pair avec les pratiques opérationnelles dans le pilotage de l’organisation.
- L’itération entre la connaissance et la prescription : même si le fonctionnement de l’organisation semble irrationnel parfois, le management, en tant que science de l’action, use d’outils spécifiques pour mettre en pratique les différentes théories managériales.
- Le rassemblement de plusieurs disciplines : les sciences exactes comme les sciences humaines pour comprendre l’organisation et les individus qui la composent. Les différentes disciplines sont alors concomitantes dans la résolution d’un problème de gestion.
Mais en contexte d’incertitude, à ces éléments s’ajoutent des caractéristiques supplémentaires qui impactent de manière considérable les décisions et les actions des managers. Ces caractéristiques comprennent :
- La complexité du système[34]:
Les différentes situations auxquelles font face le manager ne sont ni prédictibles ni reproductibles. Ainsi, contrairement à une situation compliquée où il existe une vérité, un postulat, une référence, et un critère qui permet de différencier le vrai d’avec le faux, une situation complexe met en jeu plusieurs réalités et n’est donc pas susceptible d’une analyse ni d’une prédiction du futur par extrapolation des expériences antérieures. Dans une situation complexe, chaque cas est unique et ce sont des rapports de force qui forgent les différentes réalités. Nous pourrions donc assimiler le management dans l’incertitude à un jeu d’échecs : le manager peut bouger tour ou le cavalier, mais, une fois jouée, il ne pourra plus reprendre sa pièce.
Le défi du manager consiste donc à réaliser la liaison entre le présent et le futur, le proche et le lointain, le court terme et le long terme sans toutefois avoir une quelconque certitude sur la réalisation d’un évènement.
- La variabilité des acteurs[35]:
Dans un environnement en perpétuel évolution, les changements influencent d’une manière ou d’une autre le comportement des acteurs. Lorsqu’ils sont déterminants, il peut exister des conflits d’intérêts au niveau de l’organisation, sachant que chaque acteur a sa propre perception de l’incertitude et du changement. Certains peuvent accepter le changement et opter pour une évolution personnelle, en ce en recherchant un sens à son travail. D’autres, par contre, préfèrent maintenir leur expérience et attendre de la part des pairs, une certaine reconnaissance.
Au regard des caractéristiques du management dans l’incertitude, il faut admettre que la vie d’un cadre est loin d’être un fleuve tranquille et encore moins celui d’un manager. Les choix et les décisions se prennent sans aucune certitude et cela pourrait avoir un impact plus ou moins direct sur le management. Tel est l’intérêt du paragraphe qui suit.
2.2.3. Les enjeux qui découlent du management dans l’incertitude:
L’incertitude qui découle des différents changements dans l’organisation n’est pas sans enjeux à l’endroit des acteurs. Le contexte d’incertitude peut être une opportunité comme il peut être une contrainte. Afin d’y voir plus clair, le tableau suivant met en relief les enjeux positifs et les enjeux négatifs générés par les éventuels changements :
Tableau 2 : Les enjeux de l’incertitude
Les enjeux négatifs | Les enjeux positifs
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Pour le management[36] | – Rationalité limitée du manager dans un environnement réductible à l’analyse.
– Mise en place de solutions satisfaisantes et non optimales. – Inefficacité organisationnelle – Perte de confiance de l’équipe par rapport à la réalisation de projets. – Baisse de la rentabilité individuelle et collective.
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– Deuil du contrôle et de la maîtrise absolue du réel.
– Construction de sa propre réalité dans un contexte suffisamment structurant pour les différentes parties prenantes. – Elargissement de la capacité d’action. – Augmentation du rendement et de la capacité de travail.
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Pour les membres de l’équipe[37] | – Sentiment d’identification au travail perturbé
– Apparition de conduites dysfonctionnelles telles que la démotivation ou encore l’absentéisme. – Création de mécanismes de défenses qui se démarquent à travers des résistances au changement. – Détérioration des relations humaines – Prise de distance par rapport au management – Naissance d’un sentiment d’incompréhension et de méfiance.
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– Non ressenti de menaces au regard du changement et sentiment de sécurité au travail
– Epanouissement personnel et professionnel à travers le renforcement de l’identité au travail et l’estime de soi. – Diminution de la méfiance à l’égard du management en général et du travail en particulier. – Amélioration des compétences personnelles à travers une nouvelle vision de l’organisation. |
Les impacts découlant d’une fusion d’hôpitaux | – Existence de chocs de culture entre les hôpitaux fusionnés[38], conduisant à une difficulté d’intégration du personnel.
– Remise en question sur l’identité professionnelle et la place au sein de l’organisation. – Possibilités de tensions entre le personnel du fait de la superposition des modes de gouvernance, d’où une remise en question sur les compétences et les performances. – Redéploiement des effectifs entraînant une remise en question sur les modes de coopération négociés entre les différentes catégories de professionnels. |
– Facilitation du processus de changement via la mise en commun des ressources, notamment humaines, logistiques et financières, de façon à faire une économie de coûts.
– Mise en place de synergie entre les membres du personnel de façon à améliorer la rentabilité de l’organisation. |
Source : Adaptation personnelle
Nous pouvons donc penser que l’incertitude peut devenir une opportunité et donc un enjeu positif pour le manager dans la mesure où son environnement est non plus comme compliqué, mais complexe. La complexité laissant une marge plus grande d’actions et de décisions du fait de la multiplicité des réalités. Ce qui tend à affirmer qu’une situation compliquée représente une contrainte pour le manager. Mais il faut noter que les enjeux négatifs surviennent pour le manager lorsqu’il traite une situation complexe de manière compliquée (réductible à l’analyse). Dans ce cas, la situation est gérée de manière inefficace car les bons outils ne sont pas utilisés et les décisions ne paraissent pas très abouties pour pousser plus loin les investigations. Il s’agit donc d’adopter la posture idéale pour une situation donnée.
Par ailleurs, pour les membres de l’équipe, l’incertitude est un enjeu positif lorsqu’ils pensent posséder les ressources nécessaires et efficaces pour affronter une situation dans un contexte d’incertitude. Ainsi, la disponibilité de ressources permet de se sentir en confiance et en sécurité face à une situation d’incertitude. Inversement, l’indisponibilité des ressources génère un moins value chez les individus et donc une méfiance vis-à-vis du changement. Par moins value, nous entendons la perception de la diminution des compétences et des performances, ainsi que de l’estime de soi.
Pour illustrer ces enjeux, nous avons choisi des exemples qui découlent des incertitudes liées à la fusion d’hôpitaux. En effet, la fusion est une stratégie de croissance externe employée par les organisations pour affronter les différentes mutations de l’environnement telles que les évolutions technologiques ou les modifications règlementaires. Cette stratégie se traduit par un contrôle de ressources qui sont détenues par des acteurs extérieurs à l’organisation. Cette méthode est l’une des plus risquées auxquelles les entreprises ont recours, notamment au niveau des enjeux humains et financiers. En ce qui concerne les enjeux humains en matière de fusion, les facteurs de résistances les plus connus sont généralement[39] :
- L’aversion naturelle pour le changement dans la mesure où le personnel tend à se replier sur des méthodes qu’il maîtrise déjà pour ne pas bouleverser les pratiques. Il peut s’agir également de la peur de l’inconnu qui est ici le nouveau fonctionnement de l’organisation; la plupart du personnel est en situation d’incertitude et ne sait pas à quoi s’attendre face aux différents bouleversements au niveau interne, notamment sur le plan opérationnel tel que l’organigramme ou en ce qui concerne les méthodes de travail. Ainsi, certains d’entre eux pourraient se remettre en question sur leur savoir-faire, d’où une remise en question sur l’identité professionnelle.
- La crainte de perdre un emploi, des avantages sociaux, ou un statut légitime en raison des nombreuses restructurations dans le cadre d’une fusion-acquisition.
- Les incertitudes liées aux différences culturelles qui existent entre les deux organisations en fusion, notamment au niveau de la culture d’entreprise.
Au regard de ces enjeux, il faut admettre qu’hormis les aspects techniques, le changement qui génère de l’incertitude impacte considérablement le comportement humain, qui s’explique lui-même par ses enjeux (ce qu’il peut gagner ou perdre) ainsi que par son degré d’influence (sa capacité à agir sur le changement généré). Le croisement de ces deux variables du comportement humain permet d’obtenir sept comportements types dans une situation marquée par le changement[40] :
Schéma 2 : les comportements générés par le changement :
Source : DELAVALLÉE E., (2010), « Le changement organisationnel : une affaire de comportements », En ligne http://www.questions-de-management.com/le-changement-organisationnel-une-affaire-de-comportements/
- Les comportements moteurs et militants :
Le comportement moteur est un comportement modèle lors de la survenue d’un changement, d’autant plus qu’une personne ayant ce type de comportement peut façonner et conduire lui-même le changement en influençant de manière considérable le système de management, tout en sachant qu’il a beaucoup à gagner de la nouvelle situation. Dans le cas où l’influence d’une personne est moins forte, son pouvoir sera plus faible et il se contentera d’adopter un comportement militant soit un comportement qui encourage ceux ayant les premiers rôles, c’est-à-dire ceux ayant des comportements moteurs.
- Les comportements opposants, résistants et grincheux :
Les opposants, les résistants comme les grincheux perçoivent le changement de façon négative. Toutefois, seuls les opposants ont une réelle influence sur le lancement du projet de changement. Après, lors du déroulement du projet, les personnes qui manifestent de la résistance sont sur la défensive et tendent à détourner le dispositif de son but premier. Les résistances au changement peuvent se manifester à travers une non-participation à la planification des tâches, un refus de la critique, ou encore un abandon des groupes de travail. Bref, la démotivation, la prise de distance et la baisse de performance sont les premiers signes d’une éventuelle résistance. Enfin, les moins offensifs sont les personnes à comportement grincheux. Elles n’ont aucun moyen de contrecarrer les projets de changement mais parviennent seulement à gérer leur stress par le biais de critiques.
- Les comportements hésitants ou désabusés :
Les hésitants perçoivent aussi bien des enjeux positifs que négatifs à l’arrivée d’un changement. Les enjeux peuvent se modifier dans le temps et en conséquence, les comportements pourraient basculer d’un camp à un autre. D’ailleurs, l’hésitation est un comportement plus ou moins normal dans le processus d’acceptation du changement. Il incombe au manager de les surveiller de près. Il en est de même pour les personnes à comportement désabusé. Toutefois, le rôle est moins stratégique d’autant plus qu’ils ont une faible influence sur le déroulement du processus.
Force est de constater que les enjeux qui découlent de l’incertitude, notamment dans le cadre d’une fusion sont colossaux pour l’organisation. Et ces enjeux sont bien loin d’échapper au contexte hospitalier, dans la mesure où bon nombre d’hôpitaux ont aujourd’hui recours aux méthodes de fusion pour assurer leur survie. Il incombe en fait au cadre de santé, en tant que manager, de réussir le changement et de faire en sorte que les équipes se comportent de manière positive lors du processus. Pour ce faire, il doit recourir à une stratégie spécifique : la conduite et le pilotage du changement, qui consiste dans son ensemble en l’accompagnement des équipes pour contourner les résistances et transformer les forces négatives en énergie positive.
2.3. Le rôle du cadre de santé dans l’accompagnement des équipes :
D’une manière générale, les cadres de santé planifient, coordonnent et contrôlent les activités des établissements de santé. En plus de ces rôles principaux, ils effectuent des travaux invisibles qui méritent pourtant tout leur sens. Mais ce qui nous intéresse le plus est la façon dont le cadre de santé accompagne les équipes en contexte d’incertitude. Il faut noter que le management dans l’incertitude implique inévitablement la conduite du changement, l’incertitude étant la conséquence directe d’un changement dans l’environnement. Afin de connaître les détails de cet accompagnement, il s’agit d’aborder respectivement les points suivants :
- La place du cadre de santé dans l’organisation hospitalière.
- La conduite du changement par le cadre de santé.
2.3.1. La place du cadre de santé dans l’organisation hospitalière :
Les différentes lois qui se sont succédé ont permis au cadre de santé d’élargir son champ de compétences. Aujourd’hui, ce dernier est perçu comme étant non seulement un partenaire du corps médical mais encore un manager chargé de la conduite du changement qui s’adapte à des contraintes d’ordres économiques et soignantes. Sa place et son positionnement lui permettent désormais d’être un acteur de premier plan dans le développement de l’organisation hospitalière.
2.3.1.1. Les attributions du cadre de santé[41] :
Il incombe au cadre de santé de gérer une équipe ou une unité tout en assurant une prise en charge globale du patient conformément à ses besoins de santé. De par ses attributions, il convient de noter que le rôle du cadre de santé est de :
- Participer, avec le corps médical, à la définition des objectifs de l’unité et à la mise en œuvre de ses projets.
- Assurer la prise en charge du patient et ce en fonction du domaine de son compétence.
- Organiser l’application de la prescription médicale
- Assurer la gestion administrative du service auquel il est assigné.
- Participer à l’optimisation des ressources humaines et logistiques.
- Se porter référent professionnel toute en identifiant les besoins formation du personnel et la transmission des informations.
- Encadrer et animer l’équipe ou les personnels de l’unité, y compris les stagiaires et les nouveaux recrus.
- Assurer le suivi et l’évaluation des compétences du personnel et des résultats.
Au regard de ces missions, il relève donc de la compétence du cadre de santé de gérer les ressources humaines et d’accompagner le changement en développant l’autonomie des différents acteurs.
Toujours est-il que le cadre de santé détient des rôles multitâches et pluridisciplinaires qui se résument aux rôles interpersonnels, aux rôles liées à l’information et aux rôles liées aux décisions. Le cadre de santé occupe donc-t-il une position stratégique au sein de l’organisation hospitalière ?
2.3.1.2. Le positionnement du cadre de santé[42] :
En raison de ses missions et de ses compétences, le cadre de santé occupe une position extrêmement stratégique. Il est même considéré comme le centre nerveux de l’organisation qui collabore avec l’ensemble du corps médical, à commencer par la Direction des soins. Pour être plus précis, le cadre de santé est en position de « marginal sécant »[43] c’est à dire un acteur de la santé qui œuvre dans plusieurs systèmes d’action en relation les uns avec les autres et qui peut, par conséquent, jouer un rôle clé dans l’intermédiation entre les différentes parties prenantes. En effet, il est concerné par trois logiques que sont la logique soignante, la logique médicale et la logique administrative mais de façon plus ou moins périphérique.
Dans cette optique, il a l’avantage de détenir un maximum d’informations par rapport aux autres fonctions. De sa manière et de sa capacité à gérer les informations qui lui sont transmises peut être construite son influence. Il s’agit donc d’un acteur stratégique en termes de pouvoir et d’autorité. Mais en tant que marginal sécant, son défi consiste à équilibrer l’usage des trois logiques par crainte d’être envahi par l’une d’elles.
Force est de constater que les attributions et le positionnement du cadre de santé lui permettent de gérer pleinement les situations d’incertitude. Tel est l’intérêt de la conduite du changement.
2.3.2. La conduite du changement par le cadre de santé :
Afin d’optimiser les ressources tant matérielles qu’humaines et de répondre qualitativement aux besoins des patients, la plupart des établissements hospitaliers ont recours à des restructurations dont la fusion entre établissements qu’ils soient publics ou privés. Mais ces restructurations influent de manière considérable le comportement du personnel, en raison des incertitudes qu’elles génèrent. En effet, une étude menée par MC Kinsey[44] a montré qu’il existait une forte corrélation entre les émotions et la réussite du changement, comme quoi le changement a plus de chances d’aboutir à un succès si la proportion d’émotions positives chez les personnes qui subissent le changement est plus importante. Ainsi, le cadre de santé se doit d’accompagner le changement pour que celui-ci soit vu d’un bon œil par l’ensemble des acteurs de l’organisation et notamment des équipes de soins. Pour notre part, il s’agit de situer l’accompagnement des équipes par rapport à la conduite du changement. Pour ce faire, il convient d’abord de donner une définition du changement, puis de mettre en exergue les différentes phases de la conduite du changement et enfin de relater les divers leviers du changement.
2.3.2.1. Définition et caractéristiques du changement :
Dans le sens le plus courant, le changement est le passage d’un état d’équilibre à un autre, observable par les différents acteurs de l’organisation. Le changement s’avère donc être un processus de nature progressive ou régressive selon qu’il soit une réussite ou un succès. Selon les comportements et les caractéristiques propres à chaque acteur de l’organisation, le changement peut prendre des typologies différentes et des formes variables.
En effet, le changement peut être dirigé, spontané ou planifiés[45]. Mais en général, les changements prescrits découlent des réformes et des modifications dans les procédures internes. Tandis que les changements spontanés découlent du besoin commun d’adaptation aux différentes évolutions en matière de pratiques professionnelles ou aux évolutions sociétales, en vue de préserver la qualité des prestations. Ces changements peuvent tendre soit vers une adaptation du système, soit vers une véritable révolution ou alors les deux à la fois. Dans ce dernier cas, les organisations assurent la continuité des activités tout en modifiant profondément certains éléments du système.
Par ailleurs, le changement peut se présenter à différents niveaux selon son ampleur potentiel[46] :
- Le niveau stratégique lorsqu’il s’agit de modifier dans son ensemble la politique interne de l’établissement ou les orientations majeurs de l’organisation. C’est le cas lorsqu’un établissement décide d’élargir sa clientèle ou de revoir ses objectifs.
- Le niveau managérial lorsqu’il s’agit d’agir sur les ressources ou les procédures.
- Le niveau opérationnel lorsque les modes de fonctionnement de l’organisation sont remis en cause.
Connaissant le changement sous toutes ses formes et à tous les niveaux, comment conduire le changement au niveau de l’organisation hospitalière ?
2.3.2.2. Les différentes étapes de la conduite du changement[47] :
Il faut d’abord noter que la conduite du changement vise trois objectifs bien précis, dont :
- l’adhésion des acteurs qui sont ici les membres de l’équipe que le cadre de santé encadre ;
- la transformation des pratiques et des mentalités ;
- l’évolution pour que la conduite du changement soit perçu comme un succès.
De cette façon, la conduite de changement est un processus qui a pour but de faire apprécier l’évolution culturelle, sociale, organisationnelle, économique et règlementaire de l’organisation hospitalière. Dans le cadre d’une fusion d’hôpitaux, les enjeux sont surtout culturels et économiques. Il s’agit en fait de développer ce processus en trois phases :
- La phase de diagnostic : elle consiste à prendre connaissance du cadre ou du périmètre du changement. Par exemple, il s’agit de définir la cartographie des acteurs ou le type de changement pour dresser une analyse d’impact des changements en cours de façon à étudier les enjeux du changement pour les différents acteurs. Cela permettra de réaliser un cadrage visant à définir les leviers les plus pertinents et à favoriser l’adhésion des personnes impliquées.
- La phase de leviers : à partir du diagnostic du périmètre concerné par le changement, cette phase prévoit la planification et la réalisation des actions de communication, de formation et d’accompagnement des différentes transformations de l’organisation. Toujours est-il que l’intensité et la forme des leviers sont fonction de l’importance du changement, des résistances identifiées et de la culture de l’organisation.
- La phase de pilotage : il s’agit ici de mesurer les résultats des actions qui découlent de la conduite du changement dans l’entreprise. Cette évaluation permettra d’engager des moyens de corrections aux éventuelles failles constatées pour garantir l’atteinte des objectifs initiaux. Elle permettra également de connaître l’évolution des activités et le niveau d’implication et d’adhésion des différents acteurs du projet. En effet, le pilotage du changement concerne la gestion des résistances et la gestion des transformations.
En ce qui concerne le processus d’accompagnement se déroulant durant la phase de leviers, il s’agit pour le cadre de santé, d’effectuer les tâches suivantes :
- Choisir une stratégie d’accompagnement qui consiste à vaincre les résistances et lever les appréhensions pour que le personnel puisse comprendre le changement et y déduire des enjeux positifs. Cette stratégie s’accompagne d’outils et de supports tels que le coaching ou le monitorat individuel et collectif.
- Elaborer un plan de communication servant à mobiliser, à susciter l’adhésion, et à favoriser la participation des membres de l’équipe.
- Mettre en place une stratégie de formation dans l’objectif d’impliquer le personnel, de façon à informer, former et adapter les compétences.
Nous pouvons illustrer ce processus d’accompagnement selon le schéma ci-dessous :
Schéma 3 : Le processus d’accompagnement du changement
Source : http://www.bull-formation.com/nos_offres/accompagnement/
Quoi qu’il en soit la mise en œuvre d’une conduite de changement passe par un cycle d’accompagnement du changement et un cycle de pilotage du changement. Mais quels pourraient-être alors les leviers d’action du cadre de santé en la matière ?
2.3.2.3. Les leviers d’action du cadre de santé[48] :
Au cours de la construction et de la réalisation de projets de changement, des leviers d’action s’offrent au cadre de santé en tant que manager dans la conduite du changement. Toujours est-il que ces différents leviers concernent :
- L’assistance des équipes dans le processus d’apprentissage par l’élaboration d’objectifs et d’indicateurs.
- L’identification des acteurs principaux du changement.
- La mise en place d’une communication efficace avec l’utilisation des bons vecteurs.
- La préservation de la motivation des équipes.
- La favorisation des échanges en tant que facteurs de progrès.
- La construction d’un réseau puissant pour avoir le maximum d’informations.
- La prise en considération des réussites et des progrès bien que petits par la capitalisation des bonnes pratiques et la réalisation d’entretiens d’évolution.
Il faut remarquer que l’accompagnement des équipes dans le cadre d’un changement est un défi pour le cadre de santé dans la mesure où au-delà des aspects techniques et financiers, il se doit de connaître les principaux mécanismes qui régissent les comportements humains face au changement.
De toute manière, le positionnement stratégique qu’il occupe et les leviers d’actions qui existent font que le cadre de santé doit être à même d’accompagner son équipe en contexte d’incertitude.
Afin de pouvoir confirmer ces approches théoriques, il convient de prendre connaissance de la réalité du terrain. Tel est l’intérêt du chapitre suivant qui porte sur les analyses empiriques.
CHAPITRE II : ANALYSES EMPIRIQUES
Afin de connaître l’ampleur de l’incertitude qui baigne réellement dans l’esprit des cadres de santé en milieu hospitalier, il s’avère nécessaire de mener des enquêtes sur terrain, et d’en analyser les résultats. Ainsi, il s’agit dans un premier temps de présenter les résultats de la recherche, dans un second temps d’en faire une analyse critique et dans un troisième temps de mettre en lumière les enseignements tirés de l’analyse.
1. Présentation des résultats de la recherche :
Avant d’expliciter les résultats de notre recherche empirique, il convient de mettre en exergue la méthodologie qui a permis de mener à bien les analyses, sachant que toute recherche empirique commence par une collecte de données et se termine par une interprétation des résultats. En ce sens, nous allons aborder respectivement la méthodologie de recherche puis les résultats d’enquêtes proprement dit.
1.1. Enonciation de la méthodologie :
Le mode d’investigation de notre recherche empirique se base sur une approche qualitative en ce sens que les données recueillies ne sont pas quantifiables. Le chercheur, se doit, non pas de démontrer un phénomène quelconque, mais de comprendre et de lui donner un sens. Ici, le phénomène dont il est question est la gestion ou plutôt l’accompagnement des équipes dans un contexte d’incertitude. Cette approche qualitative est réalisée à travers une clinique des situations, notamment la situation des cadres de santé en milieu hospitalier. Il s’agit d’une méthode en sciences humaines consistant à étudier les activités des cadres de santé dans leur agir professionnel de par l’écoute et la co-construction des sens donnés aux explications et interprétations du sujet. Cette méthode se justifie par la volonté de comprendre la psychologie des cadres de santé concernés, ainsi que leur perception et leur critique de leur univers professionnel. Il en résulte que nous puissions découvrir leurs ressentis, leurs attentes et leurs craintes. Cette méthodologie a permis de faire un choix concernant chacun des éléments suivants :
- La méthode exploratoire ;
- La population étudiée ;
- Le guide d’entretien et son déroulement.
1.1.1. Le choix de la méthode exploratoire :
La technique d’analyse choisie pour étudier est l’entretien semi-directif. Cette technique permet d’analyser de manière vivante et par voie de communication verbale les microphénomènes sociaux qui constituent l’environnement des cadres de santé. Ainsi, à travers cet entretien, les sujets concernés font part de leur manière d’être et de leurs expériences vécues dans le passé. A propos, l’objectif de l’entretien consiste donc en « l’analyse du sens que les acteurs donnent à leurs pratiques et auxquels ils sont confrontés : leurs systèmes de valeurs, leurs repères normatifs, leurs interprétations de situations conflictuelles ou non, leurs lectures de leurs propres expériences »[49]. Quant au caractère semi-directif, il permet aux personnes interviewées d’avoir une plus grande liberté de paroles et aussi des périodes d’explications. Il s’ensuit qu’à partir de l’écoute du récit singulier du sujet, nous avons la possibilité de confronter la partie théorique avec les propos des personnes interrogées selon le cadre conceptuel exposé.
Connaissant la méthode exploratoire choisie, qu’en est-il des caractéristiques de la population étudiée ?
1.1.2. Le choix de la population :
Au cours de notre enquête exploratoire, nous avons eu l’opportunité de nous entretenir auprès de quatre (04) cadres de santé d’un même établissement hospitalier qui ont déjà expérimenté l’accompagnement des équipes lors d’un changement organisationnel. Le tableau suivant me en lumière les informations propres aux cadres de santé interviewés :
Tableau 3 : Informations sur la population choisie
Cadre de santé 1 | Cadre de santé 2 | Cadre de santé 3 | Cadre de santé 4 | |
Année d’obtention du diplôme | 2002 | 1998 | 1991 | |
Unité de soins | Chirurgie digestive et consultations chirurgicales | Radiologie | Cardiologie | Chirurgie viscérale et chirurgie orthopédique |
Ancienneté dans le service | 5 ans | 6 ans | 4 ans | 4 ans |
Source : Adaptation personnelle
Ce choix s’explique par le fait que les cadres de santé, en tant que managers et leaders de l’équipe, sont les plus compétents pour l’accompagnement dans un contexte d’incertitude. En effet, connaissant les responsabilités qui incombent aux cadres de santé dans l’exercice de leur profession, ils sont bien placés pour décrire et juger le déroulement de l’accompagnement des équipes. Il faut noter que ces cadres de santé ont été choisis en fonction de leur expérience d’abord puis de leur disponibilité, sur la base du volontariat et de leur intérêt pour le sujet de l’étude.
Telles sont donc les différentes informations qui justifient le choix des personnes à interviewer au cours de l’entretien. Il convient maintenant de mettre en avant le choix du questionnaire d’enquête.
1.1.3. Le choix du questionnaire :
Dans la réalisation des questionnaires d’enquête adressé aux différentes cadres de santé, nous sommes donnés comme objectifs de :
- Comprendre les contraintes et les opportunités du métier du cadre de santé.
- Comprendre comment les cadres de santé gèrent les situations d’incertitude lors de changements dans l’organisation hospitalière.
- Connaître les impacts et les enjeux de la fusion d’hôpitaux sur le comportement des équipes.
- Comprendre la perception des cadres de santé vis-à-vis de la politique d’accompagnement des équipes.
- Comprendre les avantages et les difficultés rencontrées par les cadres de santé au cours de cet accompagnement
Il faut noter que les questions posées à chaque cadre de santé sont les mêmes. Les informations ci-dessous concernent le guide d’entretien (Cf. Annexe I) :
- Nombre de questions: 10
- Type de questions : ouvertes
- Durée de l’entretien : 30 mn
- Critère de confidentialité : respect de l’anonymat des personnes interviewées
Nous avons fait en sorte de rédiger des questions simples de manière à ce qu’elles et le plus ouvertes possibles, et ce en vue de mettre l’interlocuteur à l’aise dans la démarche. Par ailleurs, il existe des questions qui ont été rajoutées au cours des entretiens afin de permettre aux personnes interviewées d’être plus précises dans leurs réponses ou d’éviter que ces dernières sortent inopinément du sujet de discussion.
Force est de constater qu’il existe de nombreux éléments à prendre en considération lors de la collecte de données si nous nous tenons à la méthodologie précitée. Qu’en est alors de l’analyse des données textuelles à proprement parler ?
1.2. L’analyse de contenus :
Après avoir collecté les données par le biais d’entretiens semi-directifs, nous sommes passés à une analyse de chaque entretien. Cette analyse a été procédée par découpage d’idées, de façon à regrouper les unités de sens en thèmes puis en sous-thèmes. Il s’agit donc d’une analyse de contenu basé sur des regroupements catégoriels. En effet, selon Roger MUCCHIELLI (1984), « Analyser le contenu (d’un document ou d’une communication) c’est, par des méthodes sûres dont nous aurons à faire l’inventaire, rechercher les informations qui s’y trouvent, dégager le sens ou les sens de ce qui est présenté, formuler et classer tout ce que contient ce document ou cette communication »[50]. Ainsi, après avoir rassemblé les idées, nous avons créé une grille d’analyse permettant de croiser les différentes séquences avec les propos de chaque cadre de santé. Il s’ensuit que nous dégageons trois grands thèmes, dont :
- Le changement en milieu hospitalier ;
- Le projet de fusion
- La conduite du changement
Ces différents thèmes se divisent plusieurs sous-thèmes, qui peuvent être énumérés comme suit :
1.2.1. Le changement en milieu hospitalier :
Dans l’analyse du changement en milieu hospitalier, nous allons aborder respectivement les sous-thèmes que sont la perception du changement, les attentes par rapport au changement, les craintes par rapport au changement et les enjeux du changement.
- La perception du changement :
Le changement peut être perçu de différentes façons chez les cadres de santé. Certains le voit comme une opportunité tandis que d’autres le voit comme une contrainte. Pour d’eux d’entre eux, c’est-à-dire pour les cadres de santé 1 et 4, le changement est un phénomène tout à fait normal, voire même indispensable auquel il convient systématiquement de s’adapter pour faire face aux évolutions de l’environnement et améliorer en conséquence la qualité des soins. En effet, le cadre de santé 4 affirme que : « Le changement en milieu hospitalier, il est nécessaire, on est obligé de s’adapter à l’évolution et aux impératifs et aux normes que nous demande d’adopter l’HAS (Haute Autorité de Santé) et l’ARS (Agence Régionale de Santé) ». Ces normes concernent en fait le nouveau référentiel qui vise la certification des établissements de santé. A cette nécessité s’ajoutent les caractères irréversibles et permanent du changement comme le stipule le cadre de santé 1 : « On est dans le changement permanent donc il faut qu’on arrive à s’adapter alors dans la fonction hospitalière ». Un changement irréversible suggère qu’il faut passer à une nouvelle situation d’équilibre via la conduite du changement. Par contre, pour les cadres de santé 2 et 3, il s’agit plutôt d’une contrainte dans la mesure où il s’agit d’un processus difficile à gérer qui requiert beaucoup de temps et de moyens, et surtout du courage pour affronter l’inconnu. Selon le cadre de santé 2, « Le changement comme tout changement il fait peur, et les gents sont un peu résistants au changement ». C’est un énorme défi pour le cadre de santé de gérer les résistances au changement, surtout lorsque les personnes résistantes sont celles qui ont le profil de leader. Mais quelque soit la façon dont les cadres de santé perçoivent le changement en milieu hospitalier, tous s’accordent à dire que le changement génère inévitablement de l’incertitude au niveau des pratiques, des moyens à octroyer, des compétences et de la réaction des professionnels subissant le changement. Le cadre de santé 3 énonce que : « On se remet beaucoup en question, notamment au niveau de ses capacités ».C’est pourquoi, le changement doit être préparé le mieux possible. Ceci pour dire que plus le changement est préparé, plus la marge d’incertitude est d’autant plus faible. Il est donc essentiel de connaître les priorités de manière à converger vers des objectifs communs réalisables.
- Les attentes par rapport au changement :
Les attentes par rapport au changement varient suivant les personnes interviewées. Mais de loin, le point commun entre les différents points de vue concerne l’amélioration de la qualité des soins générée par ce changement. Par exemple, le cadre de santé 3 révèle que les attentes sa rapportent à l’acquisition de l’expérience en pratique, la participation des équipes au processus de changement, ou encore la réalisabilité du projet de changement. Par contre pour le cadre de santé 4, les attentes s’expriment comme suit : « c’est prendre en charge le patient de manière optimale et du coup si on garde le patient au centre des nos préoccupations, autour on construit notre organisation avec les impératifs institutionnels en même temps avec nos valeurs ». Cette citation révèle l’ampleur de la dimension humaine dans la profession soignante et une vision idéale de l’acceptation du changement.
- Les craintes par rapport au changement :
Deux des cadres de santé s’accordent à dire que les éventuelles résistances au changement constituent une des principales craintes par rapport au changement. Ces résistances peuvent se manifester à travers le manque de motivation ou le refus d’obéissances aux règles. Le cadre de santé doit donc faire en sorte que les membres de l’équipe, notamment les leaders de l’équipe adhère au changement. A propos, le cadre de santé 4 stipule que : « Les craintes c’est qu’il y est pas du tout d’adhésion de l’équipe face au changement, le problème des équipes c’est qu’il y a toujours des leaders dans une équipe, si les leaders sont plus négatifs que positifs, il va falloir travailler avec eux et surtout cibler ces personnes là ». Nous pouvons donc penser que l’accompagnement devrait être orienté en priorité vers ce type de personne sans toutefois tomber dans le maternage. Pour mener à bien ce changement, les équipes doivent être régulièrement informées, notamment sur les objectifs à atteindre. D’ailleurs, le cadre de santé 2 énonce que « J’ai peur de ne pas être trop bien comprise parce que je ne donne pas les objectifs… ». Par ailleurs, le cadre de santé 1 affirme qu’« il n’y a rien de plus déstabilisant que le manque d’information et d’anticipation ». Le changement doit donc également préparé pour éviter d’amener l’équipe vers une impasse et de conduire le changement à l’échec. Ainsi, mettre en œuvre le changement nécessite une prise de risque énorme du fait des enjeux et des impacts qu’il peut engendrer.
Force est de constater que le changement engendre beaucoup de craintes chez les cadres de santé, ce qui entraîne effectivement de l’incertitude. Dans ce qui suit, nous allons prendre le cas de la fusion d’hôpitaux en tant que changement permanent et en analyser les impacts.
1.2.2. Le projet de fusion :
La fusion d’hôpitaux est un moment particulièrement intense pour les cadres de santés comme pour les membres de l’équipe. Afin de pouvoir comprendre l’ampleur de ce changement, il convient de préciser respectivement le rôle du cadre de santé dans ce processus, ses causes, ainsi que ses conséquences.
- La contribution du cadre de santé
Les cadres de santé jouent un rôle majeur dans le processus de fusion d’hôpitaux. Leur contribution se fait ressentir à tous les niveaux, notamment sur le plan humain et matériel. Au niveau matériel, il y a lieu de prendre en considération la gestion des locaux et des équipements. Nous parlons de gestion efficiente en ce sens que le rationnement budgétaire prévaut également sur le coût des machines. Par exemple, le cadre de santé 2 stipule que : « Après il y a plusieurs choses dans les projets de fusion, il y a aussi le fait que comme on a changé de machine, j’ai participé au choix, aux cahiers des charges des nouveaux appareils, mais là aussi, l’élément qui était décisionnel quand même était le coût de la machine ». En ce qui concerne la dimension humaine, il s’agit de gérer la mobilité du personnel à travers les deux sites, de façon à faciliter l’échange et la création d’un esprit d’équipe. A propos, le cadre de santé 4 énonce que : « chaque équipe devait tourner, une fois sur le viscéral une fois sur l’orthopédie pour justement développer les compétences pour prendre en charge les patients de cette unité et à partir de là essayer de créer un esprit d’équipe et passer ce travail de deuil pour l’équipe d’orthopédie et s’intégrer à l’équipe de viscérale ». La création d’une cohésion d’équipe et des liens d’affinités entre les différents professionnels ont été facilités par l’organisation de réunions périodiques ou de rencontres en dehors de l’hôpital. A cette tâche peut s’ajouter des fonctions administratives comme l’archivage des documents. Mais quelles que soient les fonctions dans lesquelles les cadres de santé plongent à un moment donné, il s’avère d’une importance capitale que les informations soient transmises régulièrement en amont comme en aval. Pour illustrer cela, nous avons la citation du cadre de santé 1 suivante : « Je pense que je leur donne des informations, je leur montre les avantages qu’on peut gagner à changer et les difficultés dans lesquelles on travaille…j’ai eu x retours des services économiques, des ateliers, de la direction où ils préféraient travailler avec moi qu’avec d’autres cadres parce qu’au moins s’ils m’appelaient moi je savais répondre parce que je m’étais impliquée dedans et parce qu’il avait un échange, on travaillait ensemble ». L’échange comme l’implication de l’équipe sont déterminants dans la réussite de la fusion en ce sens que les cadres de santé peuvent jouer tranquillement l’alternance et que les membres de l’équipe savent se concerter pour atteindre un objectif commun.
La multiplicité des tâches qui incombent aux cadres de santé se justifient par leur position de marginaux sécants. Selon le cadre de santé 4, « Je dirai que le cadre c’est comme une pieuvre avec plusieurs tentacules et chaque tentacule essaye au mieux de trouver un équilibre au mieux de tout ça ». Et par « ça », le cadre de santé veut parler de la gestion quotidienne des tâches soignantes, administrative et relative à la Direction. La position de marginal sécant consiste donc à chevaucher entre ces trois fonctions tout en trouvant un juste équilibre dans l’exercice de la profession via une vision panoramique. D’après les entretiens menés, il convient de noter que ce positionnement comporte des hauts et des bas. La plupart des cadres de santé s’accordent à dire que la position de marginal sécant est très intéressant en raison de la marge de liberté et de la reconnaissance que cela procure. Par exemple, le cadre de santé 1 affirme que : « c’est d’autant plus intéressant parce qu’au niveau des marchés mais aussi quand on est dans l’équipement, déménagement quand on s’implique parce que on a toujours une marge de manœuvre ». La possession d’une certaine marge de manœuvre peut être d’une grande utilité dans la conduite d’un projet de changement, sachant que le cadre de santé est l’intermédiaire idéal entre les prestataires, la direction, et les autres unités. Ainsi, il se trouve être le mieux placé pour connaître les attentes de chacun des acteurs du changement. Par ailleurs, le cadre de santé 3 relate que : « le cadre il doit avoir cette position de « marginal sécant » où il est partout, où il est de partout, où il surveille partout…c’est ce qui fait justement sa légitimité dans le service ». L’impossibilité de se limiter à une seule fonction fait donc du cadre de santé un élément essentiel de la machine hospitalière. Mais malgré l’avantage de cette position, le métier de cadre de santé n’est pas toujours ce qu’il y a e plus agréable. La lourdeur et la répétition des tâches peuvent être très éprouvantes, notamment lorsque les cadres de santé doivent tout gérer seuls. En effet, le cadre de santé 2 énonce que : « Après le problème du cadre c’est qu’il est un peu seul malgré qu’il y est une direction des soins, les gens n’osent pas aller trouver leur direction des soins, ça montre toujours qu’on est un peu faible ». La faiblesse du cadre de santé se manifeste donc surtout au niveau des rapports avec la hiérarchie, sachant que ces derniers ne peuvent pas non plus trancher sur la majorité des décisions. Par rapport aux équipes, les cadres de santé doivent s’assurer qu’il y existe un équilibre et une certaine cohésion au point que cela génère parfois des conflits.
- Les conséquences de la fusion :
Afin de répondre aux exigences de l’Agence Nationale de Santé, le Centre Hospitalier de Lavaur, tout comme bon nombre d’établissements, s’est trouvé dans le besoin de se regrouper fans la mesure où il y avait beaucoup de services miroirs avec une occupation moindre. Tel est l’intérêt de la fusion. Mais toujours est-il que cette fusion a engendré des conséquences aussi bien positives que négatives dans l’organisation hospitalière.
Les conséquences positives de la fusion résident dans l’amélioration de la qualité des soins prodigués, et ce grâce à l’amélioration des conditions de travail du personnel, notamment l’agrandissement des locaux et la nouveauté des matériels. En effet, la satisfaction des attentes du personnel entraîne de la motivation et de l’implication de leur part. Par exemple, le cadre de santé 2 révèle que : « Au niveau condition de travail c’était mieux, on avait des vestiaires à parts, douche, avant ils étaient dans le service où les gents se déshabillaient devant tout le monde…les performances et le comportement des équipes, c’est qu’ils étaient motivés ». Il a également ajouté que : « Les conditions de travail ont été meilleures et que les locaux sont grands, clairs, les salles sont grandes, le matériel est neuf, un logiciel de radiologie adapté au service, spécifique pour nous, la direction à ce niveau nous a donné les moyens ». Nous pouvons donc penser que l’attribution des moyens au personnel garantit une bonne prise en charge des patients dans la mesure où ils se soucient plus de la santé de leur patients que des problèmes administratifs et logistiques.
Par contre, la fusion d’hôpitaux peut s’avérer difficile pour les membres de l’équipe, en ce sens que certains services ont dû fermer en raison de l’insuffisance de personnel dans les salles de soins d’un établissement. Autrement dit, la mobilité du personnel vers un établissement engendre un sous-effectif dans l’autre établissement. Selon le cadre de santé 3, « On a été obligé de fermer des lits parce qu’il avait un sous effectif médical donc forcément on a aussi fermé une salle de soins, ça veut dire que on se retrouvait avec une salle de soins d’un établissement et le personnel chaque fois d’un autre établissement ». Le cadre de santé 4, à son tour affirme que : « Après ce qui concerne mon histoire sur la fusion des deux unités, il s’est avéré qu’après le déménagement donc ils se sont aperçus que les unités de chirurgie de semaine n’avaient pas un taux d’activité suffisant pour maintenir les deux unités ouvertes donc il a décidé d’en fermer une et d’en garder qu’une seule donc de fusionner une partie des deux équipes avec chaque équipe avait une spécialité particulière, d’un côté c’était la chirurgie de semaine viscérale et de l’autre côté, la chirurgie de semaine orthopédique ». En ce qui concerne le cadre de santé 2, il stipule qu’ : « après la fusion j’étais toute seule, je me suis retrouvée à me déplacer sur les deux sites pendant de nombreuses années ». Pour l’équipe qui subit la fermeture de son service, le changement est plutôt mal vécu au point de vouloir quitter l’établissement. Ceci est du au fait que ces professionnels n’ont pas encore fait le deuil. Lorsque ces personnes qui ont résisté au changement sont remplacées par de nouveaux professionnels, il peut se créer une nouvelle dynamique d’équipe et un sentiment d’appartenance, seulement dans la mesure où ceux qui disposent d’expériences et de connaissances transmettent leur savoir faire aux nouveaux arrivants. Sinon, le cadre de santé doit faire en sorte d’impliquer les personnes indifférentes au projet en les prenant sur le terrain, de façon à leur demander leur opinion et leur proposition. Comme conséquence négative nous pouvons également noter le manque d’implication, le stress, et l’angoisse. Par exemple, le cadre de santé 1 avance que « les gens sont sous tensions, il faut s’adapter aux lieux, on ne sait pas où elles sont les choses, on cherche, on se perd dans les locaux parce qu’on les connaissait pas et derrière on a la pression des malades qui en ont mares d’attendre ». Il ajoute également qu’il existe « des médecins qui ne souhaitent pas déménager et qu’ont mis « des bâtons dans les roues » c’est dommage mais il faut faire avec ». Ces diverses résistances au changement sont la plupart du temps dues à la crainte de perdre son identité professionnelle et à la remise en question sur les capacités et les performances. A propos, le cadre de santé 3 formule qu’ : « il faudra du temps pour que les gens apprennent à se remettre en question et ça c’est très difficile pour un cadre de faire remettre les gents en question parce qu’on avait déjà des idées, elles changent, les protocoles évoluent, les produits évoluent et là pour faire des changements c’est difficile, c’est assez compliquer ça surtout que les gents se remettent en cause leur acquis ». La principale difficulté dans cette remise en question repose alors sur le fait que les cadres de santé doivent anticiper et surveiller la réaction des différents membres de l’équipe face à l’application de nouvelles procédures et de nouveaux protocoles. Il s’agit surtout de surveiller la réaction des leaders et des griefs qui restent camper sur leur position tout le long de la réalisation du projet.
Ceci pour dire que certains réagissent positivement au changement, tandis que d’autres réagissent négativement. La réaction positive se manifeste à travers les volontés de formations, la conscience professionnelle et l’investissement personnel. Tandis que la réaction négative se manifeste à travers les résistances au changement.
Tels sont donc les enjeux et les impacts qui peuvent découler de la fusion d’hôpitaux. Face à cela, le cadre de santé de santé doit faire aux différentes incertitudes en conduisant le changement à travers l’accompagnement et la formation de son équipe.
1.2.3. La conduite du changement :
La conduite du changement est un processus obligatoire pour tout cadre de santé qui souhaite faire du changement une opportunité et qui désire que les membres de l’équipe manifestent des réactions positives face aux incertitudes. Dans ce paragraphe, il s’agit donc de connaître l’application d’une politique d’accompagnement dans l’établissement, de déduire les étapes de la conduite du changement, en enfin de relater les leviers d’actions et les recommandations qui incombent aux cadres de santé :
- La politique d’accompagnement :
La conduite du changement consiste à fédérer les membres de l’équipe et à faire en sorte que ces derniers s’adaptent à la nouvelle organisation et adhèrent au changement. Tel est l’intérêt de l’existence d’une politique d’accompagnement dans le changement. En effet, tous les cadres de santé interviewés s’accordent à dire que les équipes ont bénéficié d’un accompagnement avant le déménagement. Cet accompagnement se manifeste à travers les formations données aux agents comme le stiple le cadre de santé 3 qui énonce que : « Il y a eu des formations par rapport à l’accompagnement au changement, au sein de l’établissement avant le déménagement ». Ces formations concernent principalement l’utilisation des matériels, des logiciels et du guide du dossier de soins. Il faut noter que la qualité de cet accompagnement varie en fonction des services. Par exemple, le cadre de santé 1 affirme qu’en plus de l’accompagnement : « on a demandé aux soignants leur positionnement par rapport au nouvel hôpital où est qu’ils souhaitaient aller travailler, ils avaient trois choix à formuler et à partir de là ils ont eu leur affectation ». Dans ce service en particulier, les cadres se soucient des besoins et des désirs de chaque membre de l’équipe. Il existe également un accompagnement à l’égard des nouveaux professionnels qui doivent être informés du fonctionnement de l’unité. Toutefois, cela est encore loin d’être formalisé au niveau du service, surtout lorsqu’il s’agit d’accompagnement psychologique. A propos, le cadre de santé 2 avance qu’ : « on avait fait des réunions avant du fait de connaître et des différents horaires qui avaient changé pour le personnel et donc ça avait été vu avec les équipes…mais je me rappelle pas d’avoir eu quelconque accompagnement psychologique ou autre ». Dans certains cas, les formations du personnel répondent donc plus aux soucis logistiques et moins à son bien-être. Nous pouvons confirmer cela par la présence obligatoire des ingénieurs d’application.
- Les différentes étapes de la conduite du changement :
Au regard de son positionnement, le cadre de santé est très bien placé pour conduire le changement au sein de son équipe. Cette conduite du changement commence par la planification, passe par la mise en place et se termine par l’évaluation. En effet, la planification de la conduite du changement peut être inspirée des pratiques des autres établissements. A propos, le cadre de santé 1 stipule que : « comme je dis souvent autant aller voir ce qui est fait ailleurs, ça sert à rien d’inventer ce qui est inventé et puis après on adapte, après c’est la conduite de projet, on essaye on met des choses en place, on les évalue, on réajuste, on continue à avancer et après on retrouve d’autre axes d’amélioration ». Elle concerne la connaissance des équipes et de leur stade de maturité, ainsi que la typologie de changement à adopter. Il revient également au cadre de santé, lors des réunions de service, d’informer et d’expliquer à tous les membres de l’équipe la démarche et les objectifs du changement. L’idéal serait de prescrire le changement en faveur des équipes et d’être en permanence à leur écoute afin de reconnaître leurs capacités et leurs attentes. Ainsi, le cadre de santé 3 avance que : « je trouvais qu’il avait beaucoup de choses à faire avant le changement pour lever les peurs, faire des connaissances, savoir comment les autres travaillent, appréhender les organisations ».
Après la planification vient la mise en place et l’accompagnement du changement. Cet accompagnement requiert des stratégies de communication et des axes de formation. Les formations concernent le système de traçabilité, l’évaluation des pratiques professionnelles et l’utilisation des machines. Cette formation avec les ingénieurs a été favorisée par la montée en charge progressive et accumulation de la prise en charge des patients. En ce qui concerne les axes de communication, il s’agit de gérer les équipes à travers un management participatif afin d’allier les intérêts et de mieux atteindre les objectifs communs. Comme le relate le cadre de santé 1 : « Les leviers pour moi c’est le participatif, alors j’essaye de montrer aux équipes, on a toujours une part de négociable et de non négociable ». La réussite de la conduite du changement passe par la participation des différents membres de l’équipe dans la mesure où la synergie facilite la cohésion d’équipe et améliore la qualité des soins. Nous pouvons en fait comprendre l’importance de l’accompagnement à travers la citation suivante du cadre de santé 4: « Après il y a l’accompagnement que peut nous amener la direction, des formations, des groupes de travail…. la collaboration, le partage aux niveaux des cadres des unités, c’est très riche, on est pas isolé dans nos unités ». Le partage et la collaboration favorisent la création d’un sentiment d’appartenance. Dans le cas contraire, certains membres de l’équipe peuvent être désintéressés. Les cadres de santé doivent donc sensibiliser les leaders et remotiver l’équipe par le biais de la reconnaissance, de l’écoute, de la transmission d’informations.
Force est donc de constater que l’information, la formation et l’accompagnement sont des leviers d’actions dont disposent les cadres de santé pour bien conduire le changement. Après la mise en place des différents stratégies qui composent les leviers d’actions, les cadres de santé doivent régulièrement évaluer le projet afin d’en proposer des axes d’amélioration.
- Les recommandations des cadres de santé :
La conduite de changement a été une expérience enrichissante pour les cadres de santé du fait de leur positionnement et des responsabilités qui leur sont attribués d’une part et du fait des impacts qu’a apporté la fusion de l’autre. Toutefois le problème réside dans la communication avec la hiérarchie. Selon le cadre de santé 2 : « on ne connaît pas les lignes directrices de notre chef de service donc, on ne sait pas ses objectifs à venir dans sa projection, son projet de service à quatre ou cinq ans, on ne sait pas où il veut aller ». Le management participatif ne devrait donc pas seulement concerner les équipes mais également les supérieurs hiérarchiques. Tous les acteurs à tous les niveaux doivent être informés et se communiquer au point de faire en sorte que le projet de fusion leur appartient et qu’ils peuvent y contribuer pleinement et collectivement. Le contact avec les autres, les dialogues et les réunions régulières permettent de mieux anticiper le changement. Selon toujours le cadre de santé 2 : « il faut qu’il l’anticipe un petit peu les réactions de l’équipe qu’il va avoir donc connaitre déjà le vécu de ces gens, le vécu l’historique du service, connaitre un petit peu les relations entre elles dans l’équipe ou avec les radiologues ou avec l’équipe médicale de façon à anticiper comment son projet ou ce qu’il veut mettre en place va être perçu, apprécier ou pas apprécier du tout ou les retours de bâton ». L’anticipation permet d’éviter que les leaders puissent se comporter de façon extrême. Comme l’affirme le cadre de santé 4 : « il faut que les leaders de cette équipe adhèrent au changement sinon on rencontre d’avantage de difficultés ».
Tel est donc le résultat de l’analyse du contenu des entretiens menés auprès des cadres de santé. S’il en est ainsi, quelles interprétations convient-il de donner ?
1.3. L’interprétation des analyses:
Nous pouvons constater que les cadres de santé paraissent très conscients de ce qui leur attend dans la conduite du projet de fusion. Ils sont également conscients de l’omniprésence de l’incertitude qui découle de l’évolution de l’environnement, en ce sens que le changement entraîne une remise en question des capacités et des savoirs. Pour la moitié d’entre eux, le changement est moins un défi à relever qu’une menace pour la stabilité de l’équipe, en raison notamment des éventuelles résistances manifestées par certains leaders de l’équipe.
Mais quoiqu’il en soit, le changement vise la satisfaction du personnel et la qualité des soins prodigués via les économies de coûts, l’amélioration de la logistique et l’amélioration des compétences du personnel. Pour mener à bien ce changement, les cadres de santé doivent privilégier l’information et l’anticipation, de façon à ce que tous les acteurs adhèrent au changement qui est ici la fusion d’hôpitaux. Au cours de ce processus, les cadres de santé se chargent de la gestion du personnel, des locaux, des équipements, des documents et des patients. Ils disposent donc d’une assez grande marge de manœuvre en matière de décisions. Mais cela ne semble pas toujours aisé car les tâches sont plutôt fastidieuses et les cadres agissent généralement seuls. En raison des conséquences positives et négatives que peut apporter la fusion, notamment l’amélioration des conditions de travail, la mobilité du personnel, la fermeture de certains services et le manque d’implication du personnel, les cadres de santé sont censés avoir le soutien de la hiérarchie d’une part et des équipes de l’autre.
En effet, l’acception du changement passe par la planification, la mise en œuvre et l’évaluation de la conduite du changement. Mais le problème réside justement dans le fait que tous les moyens ne sont pas réunis pour que la conduite du changement soit une entière réussite. Bien qu’il existe des formations attribuées aux membres de l’équipe, il n’existe pas vraiment d’accompagnement psychologique. Ainsi, dans certains cas, la cohésion d’équipe n’est instaurée que les personnes résistantes sont remplacées par des nouveaux professionnels. Pour palier à cela, les cadres de santé ont recommandé le management participatif à tous les niveaux. Mais personnellement, il y a lieu de noter que les cadres de santé devraient chercher à formaliser l’accompagnement dans leur service, non seulement pour les nouveaux arrivants mais aussi pour les autres membres de l’équipe.
Au regard de cette étude, nous validons les différentes approches théoriques de notre ouvrage et particulièrement le fait que l’incertitude influe le comportement humain. Afin de maîtriser les enjeux de la fusion, les cadres de santé doivent être à même de maîtriser les diverses zones d’incertitude, et ce afin d’exercer un certain pouvoir sur les membres de l’équipe. Toutefois, l’information et la communication sont ceux qui manquent à leur niveau. Comme quoi, toutes les formes d’incertitudes y sont présentes ; ce qui fait la complexité-même du système. En dépit de cela, l’ensemble des cadres de santé ont su conduire le changement, chacun à leur manière. Ils connaissent très bien leur rôle et leur positionnement, ainsi que les différentes étapes de la conduite de changement. D’ailleurs, la plupart des membres de l’équipe ont manifesté une certaine motivation dans la réalisation du projet.
Mais la conduite du changement aurait été très aboutie si les cadres de santé, en plus de la réalisation d’un plan de communication efficace et d’un accompagnement adéquat, se sont plus intéressés à la phase de pilotage du changement, là ou les équipes pourraient avoir la possibilité de connaître les progrès accomplis et les principales difficultés à surmonter.
Force est de constater que la réussite de la conduite du changement ne dépend pas seulement de la compétence des cadres de santé mais également de la volonté des équipes et du soutien de la hiérarchie. Après avoir interprété l’analyse de contenus des entretiens menés auprès des cadres de santé, il convient maintenant d’avancer une analyse critique de la recherche.
1.4. L’analyse critique de la recherche:
Après avoir mené à terme nos recherches qualitatives, ainsi que l’interprétation des analyses, il apparaît judicieux d’effectuer une analyse critique de la recherche. En effet, nous allons, montrer dans ce paragraphe les points forts, les points faibles et les limites de la recherche.
1.4.1. Les points forts de la recherche :
Le dispositif de recherche qu’est l’entretien semi-directif est l’outil par excellence pour comprendre le vécu professionnel des cadres de santé, et leur opinion sur les enjeux du changement qui découle de la fusion d’hôpitaux. A travers les entretiens, nous avons pu déchiffrer les émotions et les sentiments des personnes interviewées. Comme les gestes en disent beaucoup sur ce que les individus pensent, cela a facilité l’interprétation des propos émis par les cadres de santé. En outre, les entretiens ont permis de créer des liens d’affinités avec les sujets, ce qui pourrait être bénéfique dans l’élargissement du réseau professionnel. Par ailleurs, l’usage des questions ouvertes ont permis non seulement de rebondir sur certains points afin d’obtenir plus d’éclaircissements ou d’obtenir confirmation, mais encore de laisser aux interlocuteurs un certain degré de liberté dans la formulation de leurs réponses.
En ce qui concerne les informations fournies par les cadres de santé, elles ont été assez détaillées pour pouvoir en ressortir un jugement. Les cadres ont été généreux de vouloir consacrer un peu de leur temps pour répondre à nos questions, et ce d’une manière précise et posée. Nous pouvons remarquer cela grâce à la longueur des discours émis.
Enfin, il y a lieu de noter que les propos tenus par les cadres de santé interviewés s’accordent avec les modèles théoriques évoqués, notamment les enjeux du changement, le processus de conduite du changement et les leviers d’actions dont disposent les cadres de santé.
Connaissant les points forts de la recherche, qu’en est-il des points faibles, sachant que tout dispositif de recherche comporte des hauts et des bas ?
1.4.2. Les points faibles et les limites de la recherche :
Il faut admettre que l’échantillon de quatre personnes que nous avons considéré pour l’enquête n’est nullement représentatif de la population étudiée. Il en est de même pour le choix du terrain d’enquête. Nous ne pouvons donc pas généraliser les résultats de notre étude. Mais malgré cela, cette absence de représentativité ne nuit pas à la qualité du contenu que nous avons collecté.
En plus de cela, les réponses formulées par les cadres de santé ont été pour la plupart subjectives dans la mesure où ils ont pu prendre partie à un certain moment, par respect pour leur établissement, même si les entretiens ont été effectués de manière anonyme. Autrement dit, il se pourrait que les réponses apportées par les cadres ne soient pas toujours l’exact reflet de leur réelle pratique professionnelle. Il peut également y avoir une part de subjectivité dans l’orientation et l’interprétation de nos interviews, en dépit de l’écoute active et l’enregistrement des propos.
Il aurait également été intéressant de collecter des informations venant des membres de l’équipe qui subissent le changement pour pouvoir comparer les réponses données avec celles des cadres de santé. Cette démarche aurait permis d’entamer une analyse plus objective mais le temps qui nous a été imparti a limité nos possibilités de recherche.
Bien que l’entretien semi-directif comporte de nombreuses limites, il permet de retranscrire le mieux possible les émotions et les critiques des personnes interviewées. Après avoir pris connaissance des points forts et des points faibles de la recherche, il apparaît logique de mettre en exergue les enseignements tirés de l’analyse.
1.5. Les enseignements tirés:
Les recherches empiriques ont permis une nette compréhension du métier du cadre de santé et de son environnement. Afin d’achever ce second chapitre, il convient d’expliciter les apprentissages qui résultent de cette recherche d’une part et les perspectives professionnelles d’autre part.
1.5.1. Les apprentissages :
Les enquêtes menées auprès des quatre cadres de santé de services différents ont été d’une grande utilité dans la compréhension du comportement du cadre du cadre de santé envers son équipe dans le cadre d’un changement organisationnel. Le cadre de santé peut être considéré comme étant le pilier du changement en raison des triples fonctions qu’il occupe et des leviers d’actions qu’il possède. Mais malgré ses compétences et son positionnement, la conduite du changement est loin d’être un long fleuve tranquille, notamment dans le cadre d’une fusion d’hôpitaux, en ce sens qu’elle met en jeu beaucoup d’acteurs et de nombreuses ressources.
En tant que futur cadre de santé, une des missions consistera à accompagner les équipes dans un contexte d’incertitude que cela concerne les restructurations ou encore les nouveaux projets hospitaliers. A propos, les recherches sur terrain ont permis de se préparer au métier, notamment en ce qui concerne :
- Le caractère permanent et irréversible du changement.
- L’importance de l’information et de la communication au sein de l’équipe et au niveau de la hiérarchie en contexte d’incertitude.
- L’importance de la participation de tous les acteurs du changement, de façon à créer une certaine synergie entre les membres de l’équipe.
- L’importance de l’anticipation des réactions des individus qui subissent le changement.
- La maîtrise des enjeux humains, matériels, psychologiques et financiers qui découlent du processus de changement.
- La connaissance des avantages et des inconvénients du positionnement du cadre de santé.
- L’importance de l’organisation et de la supervision d’une politique d’accompagnement en faveur des équipes et des nouveaux arrivants.
- La maîtrise des différentes étapes de la conduite du changement.
En définitive, les recherches empiriques ont permis de prendre conscience des leviers et des freins de la conduite du changement dans le cadre d’une fusion d’hôpitaux. Ainsi, dans ce contexte, le métier de cadre de santé nécessite un véritable leadership qui consiste à gérer les réticences, les incertitudes et les dysfonctionnements par le biais d’une communication efficace et d’un certain sens de l’anticipation. Ceux-là s’effectuent grâce à un construit humain contingent fondé sur l’apprentissage organisationnel.
En effet, pour chaque acteur, l’adhésion du changement requiert une évolution mentale et une adoption de nouveaux modes de fonctionnement. Et en parlant d’évolution mentale, il faut noter que le changement est un processus dont la phase de résistance est une étape non pas inévitable mais naturelle. Il revient donc aux cadres de santé d’évaluer la dimension humaine et les divers impacts potentiels, afin que le changement soit une réussite.
1.5.2. Les perspectives professionnelles:
En fonction des résultats obtenus des analyses des entretiens et conformément aux difficultés rencontrées par les cadres de santé en contexte d’incertitude, nous pouvons envisager plusieurs pistes de recherches concernant le rôle du cadre de santé dans la conduite du changement. Sachant que les cadres de santé sont reconnus comme étant les fers de lance du processus de changement par la hiérarchie et par les membres de l’équipe et qu’ils disposent des qualités relationnelles pour bien conduire le changement, et qu’ils sont à même de persuader les personnes favorables au changement, nous choisissons d’orienter nos perspectives professionnelles à travers les réflexions suivantes :
- Mettre en place des modalités de communication efficaces, de façon à assurer la lisibilité et la transparence du processus de changement. Elles doivent permettre aux équipes de prendre conscience de l’intérêt du changement et des différentes évolutions. Elles doivent également tenir compte des éventuelles interprétations que les acteurs pourraient en faire. La prise en compte de ces interprétations pourrait favoriser l’anticipation de la réaction des membres de l’équipe.
- Mettre en place des relais solides qui puissent favoriser la participation de tous les acteurs du changement en amont comme en aval de la communication, afin de mettre en place une nouvelle dynamique. Parmi ces relais, nous pouvons proposer les personnes la mise en confiance, l’explicitation des objectifs et le renforcement de l’esprit d’équipe par le cadre de santé et les membres de l’équipe susceptibles d’avoir une grande influence sur le reste de l’équipe.
- Consolider le système d’accompagnement non seulement au niveau de l’établissement mais encore au sein de chaque service en clarifiant le rôle et les attributions du cadre de santé et en institutionnalisant le processus afin que les procédures puissent être formalisées. Autrement dit, il s’agit de renforcer la gouvernance déjà instaurée afin de palier aux possibles désorganisations des équipes.
CONCLUSION
A partir d’une problématique centrée sur l’accompagnement des équipes dans un contexte d’incertitude, et découlant des différents bouleversements causés par la fusion d’hôpitaux, notamment au niveau des ressources humaines, nous avons pu mettre en évidence la contribution et les compétences des cadres de santé. Par ailleurs, en plus de l’évocation de la position du problème, le premier chapitre a consisté en une revue de littérature relatant les tenants et les aboutissants de l’incertitude engendré par le changement en milieu hospitalier. En effet, ce changement peut se manifester à travers les bouleversements technologiques, économiques, sociologiques et organisationnels. Tel est le cas de la fusion d’hôpitaux dont les enjeux humains sont les plus importants. La gestion de ces bouleversements passe par la maîtrise des différentes zones d’incertitude, quelles que soient ses formes. Pour ce faire le cadre de santé doit recourir au management dans l’incertitude qui se caractérise par la complexité du système et la variabilité des acteurs. Comme les acteurs le comportement des acteurs peut varier selon la manière dont ils perçoivent le changement, nous pouvons penser qu’il relève de la responsabilité du cadre de santé de conduire le changement de façon à faire du contexte d’incertitude une opportunité et non une contrainte. Cette conduite du changement suppose la mise en place d’une vision stratégique, d’un plan de communication et d’un plan de formation qui permettrait aux membres de l’équipe d’être impliqués dans le changement.
Afin de pouvoir comparer cette théorie à la réalité vécue sur le terrain, nous avons procédé à des entretiens semi-directifs auprès de quatre cadres de santé de services différents et d’expériences différentes. Cette méthodologie trouve son avantage dans la liberté de parole, la création de les d’affinités et la détection des émotions, mais se limite aux tendances subjectives et à la non représentativité de l’échantillon. Il faut noter que l’analyse des entretiens a permis de savoir que le changement est indispensable mais également difficile à gérer dans la mesure où les incertitudes qu’il crée sont à la fois des menaces et des opportunités. Par ailleurs, la fusion vise à répondre aux exigences de l’ARS sur le besoin de regroupement. La position de marginal sécant du cadre de santé y joue un grand rôle dans la mesure où il peut être informé des différents enjeux existants. Parmi ces enjeux nous pouvons citer les résistances au changement, la peur de l’inconnu, le stress, la mobilité du personnel, le manque d’implication et la démission. Mais en dépit des risques que cela met en jeu, la fusion améliore également les conditions de travail des professionnels grâce à l’amélioration des infrastructures et des équipements médicaux. Les enjeux négatifs sont maîtrisés par le biais de la conduite du changement qui consiste à fédérer les équipes autour du changement, de manière à requérir leur participation et leur implication. Le management participatif inclut les acteurs à tous les niveaux, y compris les médecins et la Direction des soins. Les enseignements tirés des analyses portent sur la compréhension des enjeux, des freins et des leviers du métier de cadre de santé en contexte d’incertitude. Ces enseignements ont permis de se préparer aux futures missions, de façon à orienter les perspectives professionnelles sur l’amélioration des pratiques actuelles, notamment l’amélioration de l’information et de la communication, ainsi que la formalisation du système d’accompagnement.
L’élaboration de ces chapitres permet de répondre à notre problématique en affirmant que les cadres de santé peuvent accompagner les équipes en contexte d’incertitude à travers une conduite du changement qui prône une communication efficace, un accompagnement formalisée, ainsi que la participation de tous les acteurs du changement. Cela requiert un sens du leadership de la part du cadre de santé dans la mesure où la conduite du changement est un processus complexe et risqué qui aboutit soit à un succès soit à un échec. Selon Winston CHURCHILL : « Mieux vaut prendre le changement par la main, avant qu’il ne nous prenne par la gorge ». Comme la plupart des fusions sont vouées à l’échec de nos jours, les acteurs doivent redoubler d’efforts et d’enthousiasmes pour mener à bien le changement en milieu hospitalier.
Force est de constater que la fusion impacte de manière différentes les acteurs du changement, ce qui crée des difficultés et des dysfonctionnements dans la mise en place de la conduite du changement. Toutefois la réussite de la conduite du changement ne doit pas reposer sur les seules épaules du cadre de santé. Les nouveaux professionnels, les professionnels expérimentés, les supérieurs hiérarchiques, les partenaires et les prestataires doivent également donner de leurs siens pour une gestion efficace et efficiente du changement. Il faut que le changement en soi soit porteur de sens à l’égard de tous les acteurs. La nouvelle question qui se pose est alors la suivante : comment anticiper la dimension affective du changement à l’endroit des acteurs ?
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- Les études, enquêtes et rapports :
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- Les thèses et les mémoires :
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Circulaire du 29 mars 2004 relative aux recommandations pour la mise en place d’un programme de gestion des risques dans les établissements de santé.
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Loi du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires.
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ANNEXE I : Questionnaire d’enquête
- Pourriez-vous nous renseigner sur votre diplôme et votre parcours professionnel ?
- Qu’en est-il de votre ancienneté dans le service ?
- Comment percevez-vous le changement en milieu hospitalier ? Quelles sont vos attentes ? Génère-t-il des incertitudes ?
- Quel a été votre contribution dans le projet de fusion de l’hôpital en particulier ? Comment comprenez-vous cette position de « marginal sécant » ?
- Quels sont les causes et les conséquences de cette fusion ? Qu’en est-il des impacts sur les performances et le comportement des équipes ? Réagissent-ils positivement ou négativement ?
- Existe-il ici une politique d’accompagnement écrite et appliquée au sein de l’établissement ? et du service ?
- Comment conduisez-vous le changement au sein de votre équipe ? Quelles sont les étapes que voue suivez et les leviers d’actions dont vous disposez ?
- Cette conduite du changement bénéficie-t-elle aux équipes concernées au cours du processus de fusion ? Et en ce qui vous concerne ?
- Quels sont vos craintes et vos difficultés par rapport à l’accompagnement des équipes ?
- Sentez-vous le besoin d’améliorer quelque chose dans vos pratiques ? Ou êtes-vous satisfaits du résultat ?
[1] MONPIN G., (2008), “ Conduire le changement: du diagnostic à l’action, du pourquoi au comment », p.3, en ligne http://www.project-management.ch/portail/downloads/Conduire_le_changement.pdf
[2] Plan Hôpital 2007 (Source : DERENNE O., PONCHON F., (2002), « L’usager et le monde hospitalier », 50 fiches pour comprendre, Edition ENSP).
[3] Circulaire du 29 mars 2004 relative aux recommandations pour la mise en place d’un programme de gestion des risques dans les établissements de santé.
[4] Haute Autorité de la Santé (2014), « Manuel de certification des établissements de santé », Version 2010, pp.37-46, En ligne http://www.has-sante.fr/portail/upload/docs/application/pdf/2014-03/manuel_v2010_janvier2014.pdf
[5] LUGAN J-P., (2013), « Manager l’imprévisible : Faire de l’incertitude un avantage concurrentiel », Stratégies et Management, Edition Dunod, 192 pages.
[6] DE SINGLY C., (2009), « La mission des cadres hospitaliers, Rapport de 2009.
[7] PRIOURET R., (1968), « La France et la Management », le Livre de Poche, p. 65.
[8] MINTZBERG H., (1976), « Que fait un dirigeant dans la journée », Harvard : L’Expansion.
[9] Larousse (2008), « Le Petit Larousse illustré 2009 », Paris : Edition Larousse, 1812 pages.
[10] Site Officiel « Les définitions », « Définition de nécessité – Concept et Sens », En ligne http://lesdefinitions.fr/necessite#ixzz3SBdrVzgP
[11] Décret 2008-824 du 21/08/2008 relatif à la formation professionnelle continue tout au long de la vie.
[12] MINTZBG H., (1973), « Le manager au quotidien », (2ème édition), Editions d’Organisation, p.105.
[13] ROLLAND R., (1923), « Mahatma Gandhi », Paris : F. Rieder et Cie, p.141.
[14] L’incertitude économique suppose que le futur économique est illisible, que les comportements des agents deviennent imprévisibles, et que les projets s’avèrent non fiables. Selon Min Ha Duong, « l’incertitude désigne un niveau d’ignorance supérieur dans un sens inclusif : les situations de risque sont vues comme une classe particulière de situations d’incertitude. (Source :DUONG H.M., (2002), « Introduction aux approches économiques de l’incertitude », p.4, en ligne https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00008510/document).
[15] Selon la métrologie, l’incertitude correspond à la marge d’« imprécision » sur la valeur de la mesure d’une grandeur physique. Il peut aussi être appelé « erreur ». (Source : JCGM (2012), « Évaluation des données de mesure : Guide pour l’expression de l’incertitude de mesure », GUM, BIPM).
[16] DEFRENNE J., DELVAUX C., (1990), « Le management de l’incertitude, L’adhésion partenariale »,
Bruxelles : Edition De Boeck-Wesmael, 281 pages.
[17] FOURBOUL C., (2013), « Pouvoir : jeux de pouvoir et analyse stratégique », p.3, en ligne http://voynnetf.fr/wp-content/uploads/2013/06/pouvoir.pdf
[18] DESTRYKER S., (2011-2012), “ L’hôpital ou le meilleur des mondes: Le cadre de santé et la notion de bien-être au travail », Thèse de mémoire cadre de santé, Institut d’Enseignement et de Promotion Sociale de la Communauté Française, Tournai.
[19] En 2014, le taux de rotation du personnel infirmier est de 10, 9%. (Source : LOQUET J., NAGOU G., (2014), « Le turnover du personnel infirmier en France : une analyse empirique à partir des déclarations annuelles de données sociales », version provisoire, p. 3, En ligne http://www.ces-asso.org/sites/default/files/Loquet_Nagou.pdf).
[20] En 2006, 14% des infirmières étaient âgées de 45 à 49 ans contre 6% pour celles âgées de moins de 25 ans. (Source : Insee – recensement de la population 2006).
[21] CHAUVANCY M-C., (2008), « Cadres de santé : une crise identitaire », pp.1-2, En ligne http://www.carnetsdesante.fr/IMG/pdf_Cadres_de_sante_.pdf
[22] CHAUVANCY M-C., (2008), « Cadres de santé : une crise identitaire », pp.3-4, En ligne http://www.carnetsdesante.fr/IMG/pdf_Cadres_de_sante_.pdf
[23] Loi du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires.
[24] HOUTTEMANE V., (2011-2012), « L’imprévu, l’incertitude, le doute : Quand les cadres en soins de santé s’interrogent… », Thèse de mémoire cadre de santé, Ecole d’Enseignement et de Promotion Sociale de la Communauté Française, Tournai, p.66.
[25] Même source.
[26] BORETTI F., « Stratégies d’accompagnement des équipes soignantes lors de restructurations hospitalières », Thèse de Mémoire Directeur de soins, Ecole Nationale de la Santé Publique, Rennes, 80 pages.
[27] Aujourd’hui, le changement n’est plus l’exception, c’est la règle dans un environnement en perpétuelle évolution. Ainsi, le changement est permanent.
[28] VINARD P., (2014) « Les grands principes du Management », p.2, En ligne http://www.empowerwomen.org/~/media/files/un%20women/knowledge%20gateway/resourcefiles/2014/07/11/04/39/les_grands_principes_du_management.ashx.
[29] Cours de Management, « Introduction : Le management aujourd’hui », Edition Dunod, p.11, En ligne http://medias.dunod.com/document/9782100578252/Feuilletage.pdf
[30] VINARD P., (2014) « Les grands principes du Management », p.2, En ligne http://www.empowerwomen.org/~/media/files/un%20women/knowledge%20gateway/resourcefiles/2014/07/11/04/39/les_grands_principes_du_management.ashx.
[31] DUBOIS P-L., JOLIBERT A., GAVARD-PERRET M-L., FOURNIER C., (2013) « Le marketing, fondements et pratiques », Editions Economica, 728 pages.
[32] Management & Conjoncture Sociale, (2002-2003), n°617, p. 8
[33] Cours de Management, « Introduction : Le management aujourd’hui », Edition Dunod, p.11, En ligne http://medias.dunod.com/document/9782100578252/Feuilletage.pdf
[34] DELAVALLÉE E., (2012), « Le management n’est pas compliqué, il est…complexe », En ligne http://www.questions-de-management.com/le-management-nest-pas-complique-il-est-complexe/
[35] HOUTTEMANE V., (2011-2012), « L’imprévu, l’incertitude, le doute : Quand les cadres en soins de santé s’interrogent… », Thèse de mémoire cadre de santé, Ecole d’Enseignement et de Promotion Sociale de la Communauté Française, Tournai, p.71.
[36] DELAVALLÉE E., (2013), « L’incertitude : contrainte ou opportunité pour le manager ? », En ligne http://www.questions-de-management.com/lincertitude-contrainte-ou-opportunite-pour-le-manager/
[37] HOUTTEMANE V., (2011-2012), « L’imprévu, l’incertitude, le doute : Quand les cadres en soins de santé s’interrogent… », Thèse de mémoire cadre de santé, Ecole d’Enseignement et de Promotion Sociale de la Communauté Française, Tournai, p.71.
[38] GOUALI, M., (2009), « Fusions – Acquisitions », Editions d’Organisation, p. 289.
[39] BOLOGNA M-C., BRUNEEL-AUFFRET M-C., LE BRUN H., ZERRIATTE N., (2011), « Facteur humain et réussite des fusions acquisitions : quels rôles et contribution de la fonction RH ? », Thèse de mémoire MBA Ressources Humaines, Université Paris Dauphine, Paris, p. 65.
[40] DELAVALLÉE E., (2010), « Le changement organisationnel : une affaire de comportements », En ligne http://www.questions-de-management.com/le-changement-organisationnel-une-affaire-de-comportements/
[41] PEYRE P., (2006), « La fonction “cadre de santé“ : entre apprentissage de la gouvernance et complexité des relations à autrui », En ligne http://www.afscet.asso.fr/resSystemica/Pau%202006/PeyreTXT.pdf
[42] MOTTA J-M., (2003), « Travail en équipe : Positionnement cadre envers « l’Un-dividu » soignant. (1ère partie) », En ligne http://www.cadredesante.com/spip/IMG/pdf/doc-121.pdf
[43] CROZIER M., FRIEDBERG E., « L’acteur et le système », p. 86.
[44] KELLER S., AIKEN C., (2006),“The Inconvenient Truth About Change Management : Why it isn’t working and what to do about it » ”, McKinsey & Company, En ligne http://www.mckinsey.com/App_Media/Reports/Financial_Services/The_Inconvenient_Truth_About_Change_Management.pdf
[45] MINTZBERG H., (1986), « Le pouvoir dans les organisations », Edition d’Organisations.
[46] PICHAULT F., (2009), « Gestion du changement », Bruxelles : Editions de Boeck, pp. 35-39.
[47] AUTISSIER D., MOUTOT J-M, (2013), « Méthode de conduite du changement », Paris : Dunod, 3ème édition.
[48] CEGOS, « Formation : Les 4 clés de l’accompagnement du changement », En ligne http://www.cegos.fr/formation-conduite-changement/p-20156686-2015.htm
[49] QUIVY R., VAN CAMPENHOUDT L., (1995), « Manuel de recherche en sciences sociales », Paris : éditions DUNOD, p. 196.
[50] MUCCHIELLI R., (1984), « L’analyse de contenu des documents et des communications », Edition ESF, p. 17.
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