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Le Marché au Bas de la Pyramide : Stratégies pour la Réussite dans les Économies Émergentes

Table des matières

Résumé 2

INTRODUCTION 3

PARTIE 1 : REVUE DE LITTÉRATURE : STRUCTURE DE LA BASE DE LA PYRAMIDE (BOP) 5

Chapitre 1 : Définition et caractéristiques du marché 5

Section 1 : Définition 5

Section 2 : Caractéristiques des marchés BoP 7

Chapitre 2 : Les défis à relever sur le marché BoP 12

Section 1 : Défis opérationnels 12

Section 2 : Défis structurels 17

PARTIE 2 : LES OPPORTUNITÉS DU SECTEUR BOP : « BAS DE LA PYRAMIDE » 21

Chapitre 1 : Description de la méthodologie de recherche 21

Chapitre 2 : Le marché BOP, comme source d’opportunités pour les entreprises 23

Section 1 : Importance stratégique des marchés émergents 23

Section 2 : Marché BoP, comme catalyseur d’innovation 28

PARTIE 3 : RECOMMANDATIONS POUR SERVIR LES MARCHES BOP 31

Chapitre 1 : Des stratégies marketing à réinventer 31

Section 1 : Une analyse approfondie des besoins 32

Section2 : Un dépassement de la malédiction de la pénalité de pauvreté 33

Chapitre 2 : Favoriser l’émergence des projets BoP 35

Section 1 : Prise en compte des impacts extra-financier et identification des initiatives 35

Section 2 : Lancement du projet BoP 36

Section3 : Intégration des facteurs sociaux, politiques et économiques locaux dans l’élaboration des projets BoP/social business 42

CONCLUSION 44

Bibliographie 46

 

Résumé 

Le marché « Bas de la Pyramide » connu sous le sigle BoP ou BdP peut se présenter comme un nouvel Eldorado pour les entreprises. L’examen des activités « BdP » existantes et l’analyse de données reflétant les expériences des entreprises qui ont intégré le marché ont permis de mettre en évidence le fait qu’il est particulièrement complexe de gagner de l’argent en vendant des biens ou des services à des populations avec de très faibles revenus. Toutefois ce n’est pas impossible. Ce travail suggère d’une manière générale que les entreprises qui souhaitent intégrer le marché bas de la pyramide doivent avoir intérêt à persévérer dans leurs efforts en mettant en œuvre des stratégies adaptées et efficaces compte tenu du pouvoir d’achat des populations ciblées. Nous proposons ainsi des solutions destinées à surmonter les différentes difficultés que pourraient représenter le marché, qu’ils s’agissent d’obstacles économiques, sociaux et/ou politiques : prise en compte des impacts extra-financiers liés aux marchés, considération du projet BoP comme faisant partie du cœur de métier, conception de produits spécifiques et prise en compte des facteurs sociaux, économiques et politiques qui caractérisent le marché.   

Mots clés : Bas de la pyramide, marchés émergents, innovations, pauvreté

 

INTRODUCTION 

Depuis le premier ouvrage de Prahalad(2004) concernant le marché au bas de la pyramide, il a été possible d’avancer l’idée que les entreprises peuvent aussi bien gagner de l’argent tout en réduisant la pauvreté à travers la commercialisation de produits ou de services aux populations pauvres se trouvant au bas de la pyramide. Ce constat a eu comme effet de susciter bon nombre de débats que ce soit dans le domaine économique ou dans le domaine professionnel. L’attrait des professionnels envers le marché au bas de la pyramide repose sur deux postulats assez audacieux, mais non négligeables. Le premier postulat se base sur le fait qu’il est tout à fait possible de transformer les milliards de populations pauvres, vivant généralement au-dessous du seuil de pauvreté, en de véritables consommateurs. Le nombre d’individus concernés témoigne déjà que le marché est particulièrement gigantesque même si leur pouvoir d’achat se situe à un niveau très bas. Le second postulat se rapporte au fait que les entreprises, quelle que soit leur taille, ont toutes la possibilité de faire des profits en fournissant des produits et des services destinés à améliorer la condition de vie des populations pauvres. Ce second postulat permet de considérer les projets BoP comme une nouvelle forme de développement durable permettant aux entreprises de mettre leurs objectifs économiques et sociaux en relation avec une importante perspective de croissance.

Plusieurs études montrent qu’il existe un important gisement commercial encore non exploité par les entreprises, car pauvreté ne signifie pas forcément inexistence de besoins. C’est justement pour cette raison que de plus en plus d’entreprises commencent à se lancer progressivement dans les marchés BoP à travers des produits adaptés aux besoins des individus en situation de pauvreté. Ce type de projet repose à la fois sur la réalisation de profits et la réduction de la pauvreté. 

Toutefois, le fait de considérer le marché BoP comme un nouvel Eldorado semble être « trop beau pour être vrai ». En effet, même si les populations pauvres sont évaluées à des milliards d’individus, le marché estimé semble surréaliste étant donné que ce ne sont pas toutes les populations pauvres qui arriveraient à payer les produits proposés, même à prix cassé. Également, réaliser le double objectif « profit et réduction de la pauvreté » se montre compliqué plus qu’il n’y parait, car généralement, soit une activité est rentable, mais avec des bénéfices sociaux douteux, soit elle contribue effectivement à l’amélioration des conditions de vie des populations pauvres, mais n’est pas rentable. 

Ce dernier constat nous a poussé à nous intéresser sur les différentes opportunités offertes par le marché BoP pour les entreprises qui souhaitent s’y implanter afin qu’elles puissent réaliser des profits tout en contribuant à la réduction de la pauvreté. Nous avons donc comme sujet : « La construction de stratégies efficaces pour servir les marchés « Base de la Pyramide » des économies émergentes: Une recherche de valeur partagée ».

Pour mener à bien ce travail, nous allons dans un premier temps nous focaliser sur une revue de littérature reflétant toutes les caractéristiques du marché BoP. À partir de cette revue de littérature, nous allons mettre en évidence les différentes opportunités liées aux marchés BoP pour ensuite proposer des recommandations se rapportant à la construction de stratégies efficaces pour servir ce marché.

 

PARTIE 1 : REVUE DE LITTÉRATURE : STRUCTURE DE LA BASE DE LA PYRAMIDE (BOP)

Chapitre 1 : Définition et caractéristiques du marché

Actuellement, nous constatons davantage une évolution qui tend vers le marché des populations pauvres des pays émergents. Cela a fait naitre un vaste champ théorique se rapportant aux stratégies à la « base de la pyramide » ou BoP. Ce premier chapitre nous donne les éléments nécessaires pour mieux comprendre cette notion. 

La littérature actuelle tend de plus en plus à confirmer le caractère innovant de la théorie BoP en insistant plus particulièrement sur le concept « propauvre ». Ce concept rassemble plusieurs éléments en faveur du nouveau modèle propauvre : la mise en place d’une nouvelle classification des ménages, la conception d’un nouveau type de management ainsi que la création d’une représentation nouvelle du marché.

Section 1 : Définition

L’expression « Bottom Of the Pyramid », base de la pyramide en français, a été initialement répandue à travers les travaux menés par deux économistes : CK Pralahad et Stuart L. Hart. A la fin des années 90, ces deux auteurs se sont intéressés à la recherche de moyens destinés à adapter le modèle capitaliste pour les 4 milliards d’humains qui vivent avec moins de deux dollars par jour et qui occupent la base de la pyramide.

L’expression a commencé à avoir de l’ampleur lorsqu’il a été constaté qu’aujourd’hui, les entreprises ont devant elles une belle opportunité, si elles se lancent dans la production de produits ou services destinés à l’ensemble de la pyramide au lieu de s’intéresser uniquement au premier tiers. La base de la pyramide rassemble à elle seule plus de 72% de la population mondiale. Ces populations se situent pour la majorité en Afrique, en Asie (Moyen Orient compris), en Amérique Latine et en Europe de l’Est.

Le bas de la pyramide sert à désigner l’ensemble des populations pauvres qui n’ont pas les moyens d’accéder aux biens et aux services qui sont proposés sur le marché en raison de la faiblesse de leurs revenus et d’autres éléments :

  • De faibles revenus, sois en moyenne 3 000 dollars par an et par personne ;
  • Une économie traditionnelle caractérisée par une forte dépendance à l’environnement ;
    • Existence de fortes disparités de revenus au sein même des populations ;
  • Beaucoup de besoins non couverts comme l’information, services bancaires, accès à l’électricité, à l’eau, services de santé ;

Pour les entreprises, le fait de s’engager sur ce type de marché signifie aider les populations à avoir une place au sein de l’économie et se présenter en tant que consommateurs et aussi en tant qu’acteurs au sein de la chaine de valeur. Cela se traduit également par le fait de permettre aux pauvres d’avoir accès à des produits sans nécessairement avoir besoin de recourir à des aides humanitaires.

La figure présentée ci-après nous montre la taille des marchés BoP par région :

Figure 1 : Les marchés du BoP

Section 2 : Caractéristiques des marchés BoP

L’expression BoP est la plupart du temps confondue avec le terme « business as usual », mais présente toutefois la particularité de s’intéresser aux populations du bas de la pyramide, c’est-à-dire aux plus pauvres.

Par ailleurs, il est important de noter que le marché du bas de la pyramide fait toujours l’objet d’évolutions permettant de mettre en évidence trois principes fondateurs : l’innovation qui se présente comme la condition sine qua non du marché, la valorisation du lien « recherche de profit et lutte contre la pauvreté » ainsi que l’intégration de l’éthique.

  • L’innovation, comme critère essentiel : plusieurs articles spécialisés s’intéressent de plus en plus sur des projets BoP et mettent en évidence des critères de définition de stratégies appropriées, notamment les conditions préalables pour accéder le marché, les critères de succès ou d’échec, etc. Toutefois, le point commun partagé par tous les articles spécialisés se rapporte au critère innovant pour définir une stratégie BoP.
  • La valorisation du lien « recherche de profit et lutte contre la pauvreté » : dans le cadre d’une stratégie BoP, rechercher des profits et réduire la pauvreté ne se montrent pas comme deux concepts opposés. Contrairement, mettre en relation ces deux objectifs crée des avantages aussi bien pour l’entreprise que pour les populations ciblées. Cette combinaison permet en effet de créer des opportunités de développement. S. L. Hart explique que le marché BoP aurait pour effet de transformer les populations en consommateurs de masse. Toutefois, il existe certains auteurs qui critiquent lien recherche de profit et lutte contre la pauvreté. Par exemple A. Karnani considère que le marché BoP n’est pas aussi intéressant que l’on voudrait le faire croire tout en affirmant les quatre milliards de consommateurs potentiels est surestimées.  
  • L’intégration de l’éthique en considérant le BoP comme une nouvelle RSE : il existe certains auteurs qui refusent d’associer le BoP à des pratiques RSE. Par exemple, C. K. Prahalad s’oppose à l’idée de considérer le BoP comme une théorie se rapportant à la responsabilité sociale des entreprises en insistant sur le fait que les entreprises doivent considérer le marché BoP comme un objectif de recherche de profits et non par solidarité. Par ailleurs, d’autres auteurs à l’exemple de A. Karnan insistent sur le fait que vendre des produits ou des services à des populations pauvres relève effectivement d’un contexte moral dans lequel il est primordial de considérer la RSE comme un élément fondateur de la théorie BoP. Le fait de considérer la RSE dans le cadre de la mise en œuvre d’un projet BoP permet à l’entreprise d’intégrer une sorte d’éthique qui pourrait l’encourager à proposer des biens et services ayant une utilité sociale. Par ailleurs, d’autres auteurs comme E. Simanis et M. Milstein estiment que le Bop peut être considéré comme une approche de marché destinée à réduire le taux de pauvreté. 
  • Le marché

L’intérêt particulier des entreprises à servir la base de la pyramide est notamment l’étendue du marché qu’il pourrait apporter. Au fil des années, le concept de BoP a largement évolué tout en gagnant en sophistication. De nos jours, ce marché ne se présente plus pour les entreprises comme un marché vierge et facile à conquérir dans lequel il suffit de proposer des produits qui s’adaptent rapidement aux pouvoirs d’achat des populations ayant de faibles revenus ou des produits seulement re-packagés. En effet, ce type de marché a connu des évolutions et nécessite de convaincre davantage en intégrant les bénéficiaires dans la chaine de valeur et en créant avec les consommateurs pauvres un dialogue approfondi tout en mettant en œuvre une co-création avec les Organisations non gouvernementales. Évaluées aux alentours de quatre milliards d’individus, les personnes qui composent le bas de la pyramide ne sont pas capables de satisfaire leurs besoins essentiels, notamment les besoins physiologiques et de sécurité.

À première vue, vendre aux pauvres se présente comme un concept choquant, car c’est contre-intuitif et qu’il est difficile pour une personne à faible revenu d’acheter un produit ou un service que de le recevoir gratuitement. Toutefois, il ne faut pas s’arrêter sur ce premier constat, car les profits générés par les BoP permettent aux entreprises, non seulement de pérenniser leur modèle économique, mais également de satisfaire de plus en plus des personnes dans le besoin. Le marché BoP ne peut donc être considéré uniquement comme un moyen d’élargir le marché, car il nécessite de déployer des efforts conséquents en termes d’impacts sociaux. La réussite ne peut s’expliquer uniquement par la réalisation de profit. L’impact social explique en une partie la motivation des entreprises. 

Il existe plusieurs études qui insistent sur les différentes opportunités stratégiques ainsi que les différents potentiels de progrès économiques et sociétaux qu’apporteraient les marchés des populations situées à la base de la Pyramide. Dans le cadre d’un projet BoP, la quantité de personnes qui occupent le marché permet de compenser leur faible revenu individuel. Cela permet d’atteindre un pouvoir d’achat global BOP qui peut se montrer très significatif par rapport aux autres marchés. Les exemples suivants nous donnent un aperçu de cette réalité :

Tableau 1 : Poids des marchés BoP

Source : La notion de Bottom of the Pyramid (BOP), Carnet de bord : Grameen Danone Foods Ltd.

  • La catégorisation des ménages

La majorité des théories se rapportant au bas de la pyramide met en évidence une classification nouvelle des ménages. Dans cette classification, les ménages sont divisés en quatre strates distinctes. 

  1. Une catégorisation selon les revenus

La théorie Bop, formulée premièrement par C.K. Prahalad et S.L. Hart se base majoritairement sur une structuration pyramidale de la population selon le revenu annuel par ménage en parité du pouvoir d’achat. Ils définissent quatre niveaux :

  • Premier niveau : le premier niveau de la pyramide rassemble les 75 à 100 millions de personnes les plus riches dont le revenu est supérieur ou égal à 20 000 $ par an ;
  • Second niveau : le second niveau de la pyramide est représenté par les personnes qui ont des revenus se situant entre 1500 et 20 000 $ ; 
  • Troisième niveau : le troisième niveau regroupe les populations qui vivent avec 2 à 4 dollars par jour. La Banque Africaine de Développement appelle cette population, la « floating class ». Les populations qui représentent cette troisième catégorie se trouvent à la limite de la pauvreté et sont particulièrement vénérables étant donné que face à un choc ou à la survenance d’une crise, elles peuvent facilement et rapidement rebasculer dans la classe des précaires. 
  • Quatrième niveau : la classe précaire est constituée par les 4 milliards d’individus avec un revenu annuel inférieur ou égal à 1500 $ par an soit entre 0 et 4 $ par jour. Les populations pauvres sont réparties partout dans le monde et dans des zones géographiques très diverses allant de l’Asie du Sud Est aux régions africaines subsahariennes.
  • Les pénalités de pauvreté

Dans la catégorisation de la population, les pauvres sont considérés comme n’ayant pas de pouvoir d’achat, d’où une double pénalité de la pauvreté.

Dans le marché bas de la pyramide, l’un des éléments essentiels est l’importance qui doit être accordée aux « pénalités de pauvreté » désignant le surcoût qu’un consommateur pauvre doit payer pour obtenir les biens ou les services qu’ils souhaitent acheter. En effet, les populations pauvres font généralement face au problème de paradoxe selon lequel elles doivent payer plus cher les biens et les services que les consommateurs plus aisés peuvent payer plus facilement. Cette situation est également constatée dans le domaine du microcrédit, car les taux de crédit auxquels les populations pauvres ont accès sont quasi-usuriers. Les pénalités de pauvreté peuvent se manifester ainsi au niveau de différents secteurs. Dans son ouvrage, C.K. Prahalad propose une comparaison entre les prix de différents produits et services au sein d’un quartier résidentiel et au sein d’un bidonville de Bombay. L’auteur précise qu’un consommateur pauvre paierait l’eau 37 fois plus cher que s’il vivait dans les quartiers résidentiels de la capitale. À travers cet exemple, nous pouvons déterminer qu’une personne pauvre dispose d’un pouvoir d’achat faible, mais bien réel.

 

Tableau 2 : Comparaison des prix des biens et services entre un quartier résidentiel et un bidonville de Bombay selon C.K. Prahalad 

Source : C. K. Prahalad « The Fortune at the Bottom of the Pyramid: Eradicating Poverty », 2004, p.16

 

C.K. Prahalad affirma ainsi que les théories du BoP se basent sur un double postulat : économique et moral :

  • Économique : pour les entreprises qui souhaitent intégrer le marché, elles peuvent redresser certaines défaillances des marchés informels en proposant des produits et services à bas prix. Dans ce cas, le surplus apporté aux consommateurs pauvres, c’est-à-dire ceux qui paient moins ses produits, se traduit bien par une augmentation de son revenu disponible.
  • Moral : le fait de reconnaitre aux personnes à faible revenu le statut de consommateur ou d’emprunteur au lieu d’assister est considéré comme un signe de dignité et surtout un facteur déterminant l’estime de soi. Il est de ce fait remarqué une forme de renversement avec la notion de RSE prévoyant la responsabilité des entreprises dans le domaine social en aidant les couches sociales les plus démunies dans une logique philanthropique. 

 

Chapitre 2 : Les défis à relever sur le marché BoP

Se présentant comme une véritable opportunité pour les entreprises et les populations concernées, servir le marché BoP présente néanmoins des défis à relever. Le premier obstacle se situe au niveau de la méconnaissance de cette notion au sein même des entreprises, car la très grande majorité des entreprises ignore ce qu’est le « BoP ». Ensuite, parmi les quelques entreprises qui le connaissent, seule une minorité sache comment s’y prendre pour concrétiser le concept au sein de leur organisation interne. Toutefois, il est important de préciser que ce n’est pas seulement la méconnaissance des entreprises qui constitue le frein le plus déterminant dans le développement des stratégies BoP,  il y a également la réalité du marché qui se montre particulièrement complexe. En effet, le marché est jusqu’à maintenant peu connu et difficile à appréhender. Ainsi, les défis à relever se situent à fois au niveau opérationnel et au niveau structurel.

Section 1 : Défis opérationnels

Conquérir un nouveau et un très vaste marché comme celui du BoP nécessite la mise en œuvre de ressources conséquentes étant donné que les caractéristiques du marché engendrent une ampleur inhabituelle face à certaines difficultés. Au niveau opérationnel, il est possible de mettre en évidence deux obstacles majeurs : « la connaissance du client et de la distribution ». Il est toujours difficile de conquérir un nouveau marché surtout lorsque celui-ci n’a jamais été exploité. L’enquête menée par Enea et Care en juillet 2011 met évidence les obstacles majeurs dans la mise en œuvre d’un projet BoP :

Graphique 1 : Les obstacles associés aux projets BoP :

Source : Enea et Care, juillet 2011 

Par ailleurs, il existe au niveau des entreprises d’autres obstacles non négligeables, à savoir l’analyse des besoins de la population cible, la promotion du produit ou du service fourni, la communication.

  • L’analyse des besoins de la population cible

Le marketing BoP est jusqu’à ce jour mal maitrisé par les entreprises en raison de leur faible connaissance de la population ciblée. Pour cela, toutes stratégies marketing BoP doivent commencer par une analyse approfondie des besoins du marché.

Force est de constater qu’actuellement, beaucoup d’entreprises ont des difficultés à proposer des produits ou des services qui conviennent aux populations pauvres. Premièrement, adapter les offrent afin qu’elles soient accessibles en termes de prix, se montre déjà difficile. Il y a également la difficulté à répondre aux besoins des personnes à faible revenu, en dessous de 3 à 5 dollars par jour, étant donné que les problèmes rencontrés par ces personnes sont totalement différents de ceux rencontrés par les clients traditionnels des grandes entreprises. 

Bien que l’adaptation des produits existants aux besoins du marché se montre souvent comme l’approche la mieux adaptée, l’analyse des besoins de la population est primordiale, car dans toutes les stratégies marketing : « L’élément fondamental est de partir des besoins des clients ». En effet, si les entreprises souhaitent approcher les populations pauvres, elles doivent impérativement prendre le temps nécessaire pour les écouter et pour comprendre leur besoin. Cette démarche n’est pas nouvelle, mais nécessite tout simplement une plus grande rigueur de la part des entreprises.

  • La promotion du produit ou du service proposé

Mettre en œuvre des actions de promotion pour le marché BoP se montre encore assez nouveau pour beaucoup d’entreprises. Contrairement aux stratégies habituelles, servir le bas de la pyramide n’est pas seulement faire savoir aux clients la performance du produit par rapport à d’autres, mais surtout d’insister sur l’utilité, l’utilisation et les valeurs apportées par le produit. La communication doit donc être axée vers une approche plus éducative. 

Dans la promotion, les entreprises doivent toujours être conscientes sur le fait que les consommateurs BoP, avec des revenus très bas, n’ont pratiquement pas droit à l’erreur dans leur choix. Autrement dit, ils sont beaucoup plus exigeants en termes de qualité et ne sont pas prêts à acheter un produit si le moindre doute subsiste. Dans l’analyse du marché BoP, les entreprises ne disposent ni d’expériences ni de repères et par conséquent, elles effectuent de nombreux tâtonnements avant de trouver la meilleure approche possible tout en tenant compte des différences culturelles. 

Des obstacles sont également constatés au niveau de la communication étant donné que les entreprises font face à un monde qui est généralement sans électricité et qui demande une véritable descente sur terrain pour comprendre et déterminer les canaux de communication le plus adapté et le plus utilisé. Dans ce contexte, nous pouvant par exemple prendre le cas d’Essilor : « En Inde, environ un enfant sur cinq aurait besoin de lunettes. Pourtant, effffectuer de prime abord un dépistage visuel de leurs enfants peut être mal vécu par les parents qui ont peur de la stigmatisation de leur enfant. Afin d’expliquer aux mères le bénéfice qu’apporte une paire de lunettes à leurs enfants, l’approche initiale qui consistait à visiter directement les écoles afin d’identifier d’abord les enfants nécessitant une correction visuelle a due être transformée en une approche nouvelle consistant à cibler d’abord l’éveil des parents au besoin de correction visuelle, en les équipant eux-mêmes si nécessaire, puis d’intervenir dans les écoles ».

  • La communication 

Au sein du marché BoP, la communication ne touche pas seulement la promotion du produit ou du service proposé, mais également la logique tout entière concernant le projet qui doit être expliquée. Cette situation engendre souvent une male interprétation quant à la réelle intention des entreprises, car en quelque sorte, leur objectif se confond avec celui des ONGs et d’organismes internationaux opérant dans le domaine du service public. Par conséquent, il leur est souvent reprocher de vouloir vendre à des populations pauvres et de réaliser des profits au lieu de donner gratuitement alors que leur objectif est justement d’aider ces populations.

Avec une telle incompréhension, les populations pauvres peuvent se considérer comme exploitées par les entreprises et parallèlement à cela, les clients traditionnels peuvent rejeter les entreprises qu’ils considèrent faire du profit  sur des populations pauvres et vulnérables. Face à cela, les entreprises qui souhaitent occuper le marché doivent avoir la capacité de promouvoir une nouvelle approche non seulement au niveau du marketing produit, mais également de la promotion d’un système de pensée. Le BoP impose donc aux entreprises des changements radicaux qui permettront par la suite de créer une plus-value sociale en plus des profits qui seront réalisés.

  • Les circuits de distribution et un contexte local inconfortable

La distribution se présente également comme un défi important pour les entreprises qui servent le marché BoP. En effet, les infrastructures de distribution et de transport des pays émergents sont encore très insuffisantes, voire même inexistantes. Il y a par exemple les milieux ruraux décentralisés qui allongent des distances ou encore les bidonvilles qui sont trop denses et par conséquent, s’adaptent difficilement aux circuits classiques de distribution.

Par ailleurs, il faut préciser que le contexte dans lequel les entreprises interviennent est en lui-même source de difficulté. Les entreprises doivent se plier à des mécanismes de décisions locaux qui peuvent être compliqués ou dépourvus de transparence. L’obstacle est d’autant plus pénalisant lorsque les projets BoP sont de taille modeste. Également, le manque de lisibilité et l’opacité des marchés BoP ne sont pas favorables pour la recherche de partenariats.

Par ailleurs, il est également remarqué qu’il existe trois grands facteurs qui rendent le marché BoP à peine attractif pour les grandes entreprises et ont largement contribué à les en détourner : 

  • La bancarisation très limitée : la majorité des populations pauvres constituant le bas de la pyramide ne sont pas bancarisées. Cette situation est un premier élément de blocage en termes de développement sur le marché. Par exemple en Afrique, selon la Banque mondiale, seulement 20 % de la population disposent d’un compte bancaire. D’autres pays connaissent un taux de bancarisation plus faible. Cette précarité du secteur financier dans les pays en développement n’est pas propice pour attirer les investisseurs, alors même que ce secteur est insuffisamment ouvert à la concurrence.
  • L’insuffisance d’infrastructure : ce second élément est un des facteurs déterminants qui freinent les projets BoP. En Afrique, il est estimé que 60% des 400 000 villages bénéficient d’un réseau télécom alors que l’accès à des établissements financiers est très limité en raison de l’inexistence d’agences bancaires au sein des zones rurales. Par ailleurs, le secteur informel occupe une place prépondérante au sein de l’économie. 
  • La faiblesse de l’épargne : selon les donnes de la Banque mondiale, la faiblesse de l’épargne des populations pauvres est également un frein majeur dans le développement du secteur BoP. En Afrique, le taux de l’épargne est évalué à 18% du PIB. En Asie du Sud, il est de 26%.
  • Existence d’une confusion entre les marchés et les besoins au BoP

Il est remarqué que les différentes évaluations effectuées, depuis le mouvement BoP, démontrent l’existence d’une certaine confusion entre la réalisé des besoins exprimés sur les marché et la demande. De plus, il est assez difficile de contester avec certitude l’existence d’importants besoins, notamment en ce qui concerne l’accès à l’eau, à l’électricité ou au logement. Il faut également noter que l’existence de besoins n’est pas forcément synonyme d’une demande solvable. Pour soutenir son idée, Simanis (2009) montre comment Procter & Gamble, avec l’offre d’un nouveau produit de purification de l’eau destinée aux populations pauvres, s’attendait à des demandes pour répondre aux besoins existants d’un accès à une eau potable. 

L’entreprise s’est confrontée à la perception des consommateurs potentiels qui ne voyaient pas l’utilité d’acheter un produit venant en complément d’un bien traditionnellement gratuit comme l’eau. Le projet a depuis été transformé en programme philanthropique.

Section 2 : Défis structurels

À part les différents obstacles opérationnels, il y a également le mode de fonctionnement des entreprises qui peut freiner la conquête des marchés BoP.  Au niveau structurel, les obstacles sont observés au niveau de deux axes : l’organisation en interne de l’entreprise et ses attentes en termes de retour sur investissement.

  • Manque de flexibilité des entreprises

La plupart des entreprises, notamment les grandes entreprises, disposent souvent d’une organisation rigide qui s’adapte difficilement à son environnement extérieur. Or, faire face aux différents obstacles qui caractérisent le marché BoP nécessite une grande souplesse étant donné que ce marché demande fréquemment des ajustements constants. Ainsi, les porteurs de projets BoP doivent agir contre le système et passer au-delà des rouages classiques. 

Selon toujours l’enquête menée par ENEA &CARE en juillet 2011, il existe plusieurs facteurs structurels qui freinent les entreprises à entamer réellement les projets BoP.

Figure 2 : Les principaux facteurs structurels qui freinent la mise en œuvre des projets BoP selon l’enquête ENEA &CARE (juillet 2011)

Source : Source : Enea et Care, juillet 2011 

  • Les attentes en termes de retour sur investissement

L’existence de nombreuses difficultés opérationnelles impacte grandement les projets BoP, notamment au niveau du retour sur investissement. Premièrement, il y a le retour financier qui est à très long terme. Il est tout de même important de préciser que le retour financier n’est pas le seul objectif d’un projet BoP. I y a également la recherche d’impacts sociaux. Cette situation fait que les projets BoP ne sont pas adaptables à des projets classiques qui ont pour finalité le seul retour financier. 

Pour un projet BoP, le ROI se base sur l’arbitrage de deux éléments : un impact social et un retour financier. Il est donc fort probable que les projets passent en dessous de la rentabilité moyenne attendue par les entreprises et surtout avec un temps de retour plus élevé. 

En plus des obstacles ressentis au niveau du retour sur investissement, il y a également le problème de quantification de l’impact extra-financier qui doit être pris en compte comme la contribution à la diminution de la pauvreté, la considération du travail des collaborateurs, etc. Ainsi, évaluer un projet BoP ne consiste pas tout simplement à considérer sa seule facette économique, mais également, cela donnerait une représentation incomplète de sa performance globale. 

Une entreprise qui souhaite mettre en place un projet BoP doit ainsi établir un double objectif : sociétal et économique. Il ne peut y avoir un projet à la base de la pyramide si l’entreprise ne cherche pas à créer une valeur ajoutée sociale non seulement pour les populations cibles, mais également pour toutes les parties prenantes : communautés, employés, distributeurs, clients, etc.

La prise en compte de ces deux dimensions pose souvent problème, car les entreprises n’ont généralement que peu d’outils pratiques pour la réaliser.  

  • L’implication des acteurs internes

Contrairement aux projets classiques, les projets BoP sont difficiles à réaliser, car ils nécessitent une importante implication de tous les acteurs internes à l’entreprise, notamment les employés et les collaborateurs. La mobilisation de ces acteurs constitue un élément essentiel dans la réussite des projets. 

Il existe de nombreux éléments qui limitent l’implication des facteurs humains dans la réalisation d’un projet BoP.

Figure 3 : Les facteurs limitant l’implication des acteurs internes

Source : Source : Enea et Care, juillet 2011 

 

Dans la mise en place du projet, il est également possible que les collaborateurs se heurtent à une incompréhension générale en raison de la caractéristique hybride des projets BoP. Une incompréhension qui se présente comme une véritable barrière pour la mobilisation interne. 

À part la difficulté dans la mobilisation des collaborateurs, l’entreprise doit également réussir à convaincre les actionnaires. Généralement, les actionnaires sont à la recherche de profit et cela à court terme. Cela n’est pas permis par les projets BoP. De plus, lorsque les actionnaires ne témoignent d’aucune motivation, les porteurs de projet auront beaucoup plus de difficultés d’autant plus que si le projet est de grande envergure, il nécessite sans aucun doute l’accord de l’ensemble des parties. 

  • Réticence dans la prise en compte des projets BoP avec les activités principales

Généralement, mettre en œuvre un projet BoP signifie réinventer et adapter l’activité principale aux services des plus pauvres. Toutefois, il est possible que pour certaines entreprises, mettre en place un projet BoP soit très délicat dans la mesure où celui-ci s’appuie sur l’activité principale. C’est pour cette raison que la majorité des projets sont menés en périphérie des procédés de production. Dans ce cas, nous pouvons par exemple prendre le cas d’une filiale d’un grand groupe qui se situe à Madagascar. Cette filiale recycle ses fûts vides en fours améliorés. Les coûts de revient obtenus à partir des fours sont utilisés pour financer une filière BoP destinée à améliorer la condition de vie des populations. Toutefois, l’aspect périphérique du projet a des conséquences sur sa portée qui s’en trouve limitée. La pérennité est incertaine et les volumes de production ne sont pas maintenus. 

 

PARTIE 2 : LES OPPORTUNITÉS DU SECTEUR BOP : « BAS DE LA PYRAMIDE »

Chapitre 1 : Description de la méthodologie de recherche

Afin d’apporter des éléments de réponse satisfaisants à notre sujet qui est : « La construction de stratégies efficaces pour servir les marchés « Base de la Pyramide » des économies émergentes : Une recherche de valeur partagée », ce travail synthétise premièrement différents travaux de recherches professionnels et académiques axés sur les différentes caractéristiques des marchés BoP ainsi que les stratégies mises en place par les entreprises pour pénétrer le marché. Cette première étape sera en même temps renforcée par des études menées par des professionnels, notamment l’enquête menée par Enea et Care portant sur la perception stratégique et opérationnelle du marché au bas de la pyramide pour les grandes entreprises françaises.

En effet, compte tenu du sujet auquel ce travail s’intéresse, il est indispensable de se baser non seulement sur des revues de littérature, mais également sur des données réelles. Cela permet d’évaluer plus efficacement les caractéristiques du secteur ainsi que le comportement des consommateurs qui le composent. 

Ce travail a pour principal objectif de trouver des stratégies efficaces pour servir les marchés « Base de la Pyramide ». Afin d’atteindre cet objectif, la démarche de recherche et de traitement d’informations se fera en trois étapes :

  • La première étape concerne la revue de littérature, donc une recherche documentaire portant sur une dizaine d’articles et ouvrages académiques afin de circonscrire le cadrage théorique du travail;
  • La seconde étape quant à elle consiste à effectuer des analyses sur des données disponibles reflétant le vécu des entreprises qui interviennent sur le marché BoP ;
  • La troisième et dernière étape est destinée à confronter la revue de littérature avec les données réelles des entreprises du marché afin de mettre en évidence des stratégies adaptées.

La revue de littérature se base sur la consultation de revues scientifiques et académiques, spécialisées et répertoriées et va servir de base pour définir les fondements de l’analyse. La revue de littérature regroupe plusieurs types de documents tels que les ouvrages, les coupures de presse, les publications et les articles sur internet, documents professionnels et universitaires et les sites officiels.

Enfin, ce travail ne peut être mené sans la détermination au préalable de questions de recherche, à savoir : 

  • Quelles sont les différentes caractéristiques du marché BoP
  • Quel type de consommateurs est présent sur le marché
  • Existe-t-il de réels besoins ?
  • Quelles sont les conditions nécessaires pour réussir sur le marché BoP ?
  • Quels sont les défis à relever pour les entreprises qui souhaitent pour la première fois intégrer le marché ?
  • Quelles sont les stratégies les plus adaptées ?

Chapitre 2 : Le marché BOP, comme source d’opportunités pour les entreprises

Afin que les projets BoP soient menés avec efficacité, il est important de commencer par comprendre les différentes opportunités offert par le marché. Cela permet non seulement de mette en place des stratégies innovantes, mais également de contrer tous les obstacles qui peuvent se présenter. 

Section 1 : Importance stratégique des marchés émergents

La notion Bottom of the Pyramid tourne autour de trois hypothèses stratégiques : des milliards de personnes composant la base de la pyramide ; un secteur qui représente une opportunité ignorée par de nombreuses entreprises ; des personnes qui gagneraient à accéder à de nouveaux biens et services correspondant à leurs besoins et à leur pouvoir d’achat. 

L’intérêt à prendre en compte ce marché est d’autant plus sérieux que l’accroissement démographique de ces populations est très fort. Dans cette section, nous allons essayer de comprendre les différentes opportunités offertes par les marchés BoP.

  • Les opportunités du marché

Les différents obstacles que peuvent rencontrer les entreprises candidates aux projets BoP sont nombreux et non négligeables. Ils demandent ainsi de véritables révolutions managériales qui peuvent bousculer les modèles existants. Pour les entreprises qui ont fait l’objet d’interview dans l’enquête menée par ENEA &CARE, il existe plusieurs éléments qui peuvent être considérés comme des opportunités pour se lancer dans des projets BoP  :

  • Ouverture de nouveaux marchés donc des opportunités stratégiques
  • Une opportunité sociale interne en ce qui concerne les ressources humaines et la fidélisation des collaborateurs ;
  • Une opportunité technique comme les innovations ;
  • Une opportunité sociale externe, notamment la réduction de la pauvreté ;
  • Une opportunité économique. 

Ainsi, la proposition fondamentale de la théorie BOP se rapporte pour la majeure partie à l’affirmation qu’il existe une véritable opportunité à saisir. Le potentiel de ce segment réside non seulement au niveau du volume de la population concernée, mais également au niveau de trois autres facteurs importants comme mentionnés ci-dessous :

  • le marché BoP est pratiquement ignoré par le secteur privé. Le secteur privé a tendance à considérer les pauvres comme non solvables. Par conséquent, il n’existe que peu de concurrents « établis » au bas de la pyramide ;
  • le faible revenu des personnes pauvres dissimule généralement la possibilité de profiter d’un effet volume important s’accompagnant d’une forte croissance démographique que connaît cette population ;
  • proposer des biens et des services aux populations constituant le bas de la pyramide peut se présenter comme un moyen d’accéder aux classes moyennes ou de prendre position sur ce marché. Cela permet également de bénéficier d’une approche exhaustive du spectre de consommateurs. 

Dans un contexte où les marchés traditionnels sont saturés en raison de l’existence de nombreux concurrents, de plus en plus d’entreprises sont à  la recherche de nouveaux marchés. Le marché bas de la pyramide se présente comme une envisageable pour celles qui souhaitent y opérer. Jusqu’à maintenant seules très peu d’entreprises sont arrivées à comprendre parfaitement les spécificités des marchés émergents et occuper les marchés BoP est un moyen pour parvenir à une connaissance plus approfondie et surtout pour innover afin de répondre à des besoins de consommation déférents tout en intégrant de nouvelles franges de clientèle.

En plus d’être de nouveaux marchés, les marchés BoP permettent aussi de développer une présence locale à long terme avec la possibilité de mener des actions de proximité avec les communautés si les entreprises arrivent à s’adapter au contexte économique et social local, et tout cela s’effectue à moindres coûts.  Dans ce contexte, le projet BoP joue un rôle de « tête de pont » même sur un territoire inconnu. Ils sont également considérés comme compléments aux modes d’action plus traditionnels de l’entreprise tout en préparant l’intégration de l’entreprise dans les marchés émergents.

En plus de cela, les projets BoP apportent également aux entreprises des réponses à des enjeux plus immédiats par exemple dans le cadre de l’optimisation de l’ancrage local ou encore dans l’amélioration des filiales déjà implantées.

  • Un marché gigantesque

La catégorisation des ménages en fonction de leur revenu donne une idée plus précise quant au potentiel du marché BoP. En effet, en rassemblant plus de 4 milliards de personnes, la théorie Bop permettrait aux entreprises qui s’y intéressent de se rendre compte du potentiel de ce marché.

En ce sens, il existe de nombreuses études estimatives qui sont venues jalonner les débats concernant la taille des marchés BoP. Par exemple en 2004, Prahalad, dans son ouvrage, évalue la valeur totale des marchés BoP à plus de 13 000 de dollars en se basant sur la parité du pouvoir d’achat PPA. 

Par ailleurs, dans la cadre de son étude, l’auteur Karnani (2007) remarque qu’au sein des marchés BoP, les profits sont rapatriés au taux de change des marchés financiers et non en parité du pouvoir d’achat. L’auteur ramène ainsi l’estimation de Prahalad à 300 milliards de dollars. D’autres évaluations montrent des montants de plus en plus élevés à l’exemple de celle menée par World Resource Institute qui évalue le marché BoP à 5 000 milliards de dollars PPA. Toutefois, peu importe le volume potentiel des marchés, les données publiées envoient déjà un signal aux entreprises qu’effectivement, il existe des marchés gigantesques au niveau du bas de la pyramide.  

Toutefois, malgré l’importance des marchés dans le secteur BoP, il est important de préciser l’existence ‘inégalités pour chaque pays. Une étude menée par le Programme des Nations unies pour le développement (UNDP 2008) a permis de mettre en évidence trois constatations concernant le secteur BoP :

  • Tous les secteurs ne disposent pas des mêmes spécificités quant à la capacité des projets BoP à réussir. Par exemple pour le secteur des services financiers comme les micro-assurances ou les microcrédits, les projets estiment environ 8 millions de clients. Dans le cadre de la télécommunication, le nombre de clients est évalué à 15% de la population totale. Par ailleurs, d’autres secteurs tels que l’habitation ou l’énergie ne peut estimer que quelques dizaines de milliers de clients par projet.
  • Il existe une prédominance importante pour les projets qui s’intéressent aux pays asiatiques, avec en premier lieu l’Inde et le Bangladesh. 
  • La majorité des projets qui ont connu d’importants succès sont loin d’atteindre une échelle significative comparée à la taille des enjeux de pauvreté. Par exemple, l’initiative du cimentier mexicain Cemex, « Patrimonio Hoy », proposant des matériaux de construction par le biais de microcrédits, n’atteint que 1 % de la production annuelle de l’entreprise sur le territoire du projet (Perrot, 2009).

La taille des marchés se présente comme suit selon le secteur d’activités :

Tableau 3 : Estimation des marchés BoP

Source : Perrot François, « Vers la construction des marchés au bas de la pyramide. Implications sur la gestion et le financement des projets », Revue française de gestion, 9/2010 (n° 208-209), p. 45

 

Par contre, le tableau présenté ci-suit met en évidence le nombre de clients servis pour les principaux secteurs d’activités :

Tableau 4 : Nombre de clients services par les projets BoP sur  différents secteurs d’activités

Source : Perrot François, « Vers la construction des marchés au bas de la pyramide. Implications sur la gestion et le financement des projets », Revue française de gestion, 9/2010 (n° 208-209), p. 50

  • Un marché solvable 

Même si la pauvreté est souvent synonyme d’insolvabilité, il existe plusieurs exemples qui démontrent que le marché BoP est un marché solvable, notamment en ce qui concerne la téléphonie mobile. En 2003, il a été enregistré plus de 52 millions de souscripteurs et 400 millions en 2010. Parallèlement à cela, le marché mobile et l’internet a connu une croissance importante au niveau mondial.

 Toutefois, dans les offres de services de téléphonie mobile et d’internet, les entreprises déploient généralement des stratégies commerciales à travers des offres prépayées, une méthode qui est particulièrement adaptée à des populations qui ne sont pas bancarisées. Il y a également l’exemple de la société Schneider Electric India qui commercialise des systèmes d’éclairage domestique à un coût très faible avec des points de distribution d’eau potable en milieu rural tenus par des entrepreneurs locaux.

Section 2 : Marché BoP, comme catalyseur d’innovation 

Economiquement parlant, le secteur des populations les plus démunies présente de nombreuses opportunités. Un positionnement au niveau de ce secteur peut servir d’ancrage territorial sur des marchés prometteurs qui pourrait aboutir à une ouverture de nouveaux marchés à fort potentiel. 

Depuis l’apparition de la  théorie sur le BoP à travers l’ouvrage de C.K Prahalad intitulé  « The Fortune at the Bottom of the Pyramid », de nombreux acteurs ont commencé à  croire en une promesse d’un el dorado constitué par des milliards de consommateurs et que dans cette el dorado, il suffit de « repackager » des produits déjà déversés sur les marchés des pays riches. Mais actuellement, une nouvelle forme de BoP s’impose. Il s’agit d’innover absolument à travers un processus de co-création avec les futurs consommateurs et partenaires commerciaux locaux.

Ainsi, se réinventer constitue un des plus grands défis auxquels les entreprises doivent se confronter si elles souhaitent se lancer dans le BoP. Contrairement à ce qui se passe dans les marchés traditionnels, faire du « copier-coller » sur les stratégies marketing ne semble pas être une solution envisageable et automatiquement, les entreprises innovent. 

L’une des plus grandes valeurs ajoutées apportées par la mise en œuvre d’une stratégie BoP est l’instauration au sein de l’entreprise elle-même, d’une culture de l’innovation et d’une adaptabilité plus poussée. En effet, face aux différents défis engendrés par un projet BoP, l’entreprise doit forcément innover. Le projet BoP permet donc à une entreprise de renforcer son modèle de production et son organisation interne à travers l’innovation qui se situe au cœur de son développement. 

De plus, lorsque l’entreprise arrive à associer le projet BoP à une communication efficace, cela permet de renforcer l’image de marque tout en permettant de créer de la valeur sociale non seulement au niveau de son environnement interne, mais également sur son environnement externe.

Se présentant en tant que catalyseur d’innovation, le marché BoP est une véritable opportunité même si des obstacles subsistent. En quelque sorte, le marché se présente comme un marché test à travers lequel les entreprises peuvent apprendre et effectuer des tests à petite échelle. Il est tout de même important de noter que l’innovation apportée par le BoP passe nécessairement par un désapprentissage et que les expériences réalisées au sein d’une région donnée n’est pas forcément adaptables à d’autres régions. C’est par exemple le cas d’Orange avec l’offre Orange Money.

C’est au cœur de l’Afrique qu’Orange a décidé de commencer les services bancaires en 2008. Pour cela, la société s’est appuyée sur une logique BoP à travers une offre permettant l’accès à des services financiers via le mobile. Pour le lancement d’Orange Money en Afrique, Orange a gagné plus de 15 millions de clients enregistrant plus de 4,5 milliards d’euros échangé au courant de l’année 2014, donc, un véritable succès. En l’espace de 5 ans, Orange est devenu leader dans le domaine du mobile banking ivoirien. En 2015, la société a commencé a travaillé en partenariat avec HelleAsso avec l’objectif d’établir une plateforme de crowdfunding intitulé Orange Collecte. Cette plateforme a permis aux clients des deux sociétés de financer leurs propres projets caritatifs ou personnels. 

Ces différentes initiatives s’intègrent dans les décisions stratégiques du groupe destinées à optimiser ses activités sur le territoire africain, un continent qui promet des perspectives de croissance très appréciables, même avec l’existence de différentes contraintes comme le risque de change, l’instabilité politique, etc.

Le fait de se lancer dans le domaine financier en Afrique a permis au groupe d’acquérir des connaissances et des expériences lui permettant de maîtriser certaines parties des activités bancaires. En se basant sur la réussite de cette première expérience, Orange a prévu de développer son offre au niveau européen. Toutefois, le groupe a très rapidement compris que capitaliser les expériences BoP présente certaines limites. En effet, si le groupe a bénéficié d’un important effet de levier en Afrique, ce n’est pas forcément le cas dans des régions plus développées. Si le projet a réussi en Afrique c’est parce que la majorité des populations africaines ne sont pas bancarisées et acceptent facilement d’opter pour d’autres solutions, notamment le mobile banking. Cependant, cela n’est pas le cas en Europe où la majorité de la population est bancarisée avec un marché bancaire déjà très mature. La population européenne est plus aisée comparée à la population africaine et par conséquent beaucoup plus réticente à recourir au mobile pour payer ou pour déposer leur argent.

 Ainsi, en mettant en œuvre un projet BoP, l’entreprise doit nécessairement repenser l’ensemble de son modèle économique et de production et même l’organisation du travail. Ce changement radical engendre techniquement un double décloisonnement. Il y a tout d’abord l’adaptation de l’organisation afin de mener à terme le projet. Il y a ensuite le décloisonnement externe étant donné la conquête des marchés en bas de la pyramide demande impérativement des alliances avec plusieurs partie prenantes.

 

PARTIE 3 : RECOMMANDATIONS POUR SERVIR LES MARCHES BOP

Initialement, les stratégies BoP ont été élaborées par C.K.Prahaladau, un chercheur indien et les a associé avec des idées d’opportunités de croissance économique dans le domaine de la lutte contre la pauvreté. Par exemple dans son ouvrage, « The Fortune of the Bottom of the Pyramid », l’auteur développe l’idée que les entreprises ne s’adressent pratiquement qu’aux 800 millions de personnes qui représentent le haut de la pyramide, c’est-à-dire, les personnes les plus riches dans le monde. Dans sa théorie, C.K.Prahaladau met en évidence l’idée que le fait de cibler les populations les plus pauvres en leur offrant des produits adaptés permet de réduire la pauvreté à travers un nouveau système économique s’adaptant aux populations avec des revenus faibles, afin de construire avec ces populations une relation « gagnant-gagnant » qui ne se base pas uniquement sur la mise en place d’une aide pour les plus démunis.

Les stratégies se basent essentiellement sur le développement de produits ou de services qui sont destinés aux pauvres et qui sont adaptés à leurs besoins et à leur pouvoir d’achat. Cela nécessite pour l’entreprise des innovations à différents niveaux du modèle productif et également une meilleure intégration des bénéficiaires au cœur de la chaine de valeur

Toutefois, pour mettre en place une stratégie BoP efficace, il se montre important de commencer par comprendre les possibilités des acteurs qui composent le marché. 

Pour faire face aux différents obstacles dans la mise en œuvre de stratégies BoP, il est important de commencer par réinventer les stratégies marketing et ensuite favoriser l’émergence des projets BoP.  

Chapitre 1 : Des stratégies marketing à réinventer

Les stratégies BoP ont toujours été vivement critiquées en raison de son modèle de consommation qui ne respecte pas toujours ni les économies locales ni l’environnement. Parmi les critiques entendus par rapport aux différentes stratégies BoP, la plus marquante est celle qui accuse les entreprises de se cacher derrière l’idée de lutte contre la pauvreté pour réaliser plus de bénéfices aux dépens des populations pauvres et d’étendre leur marché.  

Section 1 : Une analyse approfondie des besoins

De nos jours, les entreprises semblent éprouver de grandes difficultés à proposer des produits ou des services qui correspondraient aux populations pauvres. La plus grande difficulté réside au niveau du prix ensuite sur la détermination des vrais besoins de ces populations.

Identifier les besoins des consommateurs constitue l’une des contraintes spécifiques aux marchés BoP. L’analyse des besoins des populations pauvres et leur mode de consommation se montre souvent difficile pour les managers. De plus, la tâche devient plus complexe lorsque le manager est issus des pays du Nord ou des classes économiques aisées des pays du Sud avec des connaissances absolument limitées des enjeux et besoins singuliers des consommateurs BoP.

Ceci est d’autant plus délicat que les manageurs sont en général issus des pays du Nord ou des classes économiques aisées des pays du Sud, et possèdent ainsi une connaissance relativement limitée des enjeux et besoins singuliers des consommateurs BoP (Khanna et al. 2005). Pour aider l’entreprise dans son processus d’acculturation, Simanis et al. (2008) proposent un protocole de développement des programmes BoP à partir d’une démarche centrée sur la participation des pauvres eux-mêmes dans la préparation de l’offre de l’entreprise.

Il est tout de même important de préciser que dans le cadre d’un projet BoP, c’est l’entreprise qui crée des besoins à travers des études de faisabilité ou de la mise en place de stratégies marketing et de communication. Selon l’observatoire du BoP, « Le marché « Bas de la Pyramide » correspondrait pour certains davantage à une logique de création de marchés que de découverte de marchés préexistants. En d’autres termes, il ne suffit pas de créer une offre compétitive sur un marché existant, mais – et de manière bien complexe – de créer un marché, c’est-à-dire de « susciter une demande et de structurer une filière ».

En effet, le marché Bop est particulièrement différent du marché traditionnel dans la mesure où les choix et les comportements de consommation des populations se basent essentiellement sur un ensemble de valeurs avec comme effet de rendre imprévisibles les consommations.

Ainsi, les entreprises qui souhaitent intervenir dans les marchés BoP doivent commencer par une étude de faisabilité et des stratégies marketing destinées à créer des besoins sur la base de quatre critères essentiels : connaitre, accessibilité, abordable et disponibilité.

Pour cela, il est primordial de commencer par instaurer un dialogue entre les parties prenantes afin de parvenir à déterminer les besoins réels des clients. Le dialogue doit se baser sur un bon langage pour éviter les incompréhensions entre l’entreprise et les acteurs locaux. Pour mener à bien le dialogue avec les populations, l’entreprise doit effectivement soigner sa communication en promouvant son approche.

Section2 : Un dépassement de la malédiction de la pénalité de pauvreté

Mettre en place une stratégie BoP efficace nécessite également et surtout le dépassement de la malédiction de la pénalité de pauvreté. En effet, le problème de certains acteurs réside sur le fait de considérer que les personnes pauvres achètent tout moins cher. Dans ce contexte, les personnes les plus démunies font souvent l’expérience de la « pénalité de pauvreté. Avec cette expérience, elles font face à une double peine leur conduisant à payer le même service que les personnes avec des revenus plus élevés. Nous pouvons par exemple prendre le cas du coût de l’électricité qui peut s’avérer extrêmement coûteux. Toutefois, il est remarqué que le besoin est réel au niveau de ce marché et que les clients, même s’ils sont pauvres, sont prêts à acheter. Du côté des entreprises, il ne faut pas oublier que les contraintes sont nombreuses, mais le fait qu’il n’y ait qu’une faible concurrence, voire aucune, permet de créer des niches dans lesquelles elles peuvent se développer librement.  Cela favorise également l’entrée de nouveaux entrants avec de meilleurs services ou des tarifs plus raisonnables.

En même temps, si une entreprise souhaite s’orienter vers les marches BoP et agir sur la pauvreté, il est indispensable qu’elle commence à éviter de l’appréhender et de la juger de manière générale. La notion BoP ne peut être considérée de manière positiviste, historique ou contextuelle. Dans leur ouvrage, Rahnema et Robert (2008) proposent de définir la pauvreté au sein d’un contexte historique et culturel ainsi qu’à travers ses formes culturellement incarnées. Également, il n’est pas possible de se contenter uniquement d’une quantification qui se limite à un seuil de pauvreté.

Certains auteurs comme, Rahnema et Robert (2008) remarquent que le phénomène de pauvreté chiffrée à travers l’homo œconomicu symbolise une idée de la richesse quantifiable et observable de l’extérieur : « Le pauvre certifié, objet potentiel d’intervention des pouvoirs publics, est le produit de l’internalisation d’une hétérodéfinition – littéralement : une définition par d’autres ».

Ne voyant à travers les pauvres que du manque, il est difficile d’appréhender ce qu’ils possèdent, car ce que les populations pauvres possèdent ne sont pas toujours chiffrables, quantifiables, reproductibles et généralisables. 

 

Chapitre 2 : Favoriser l’émergence des projets BoP

Certains secteurs sont particulièrement propices au développement de projets BoP, notamment ceux qui répondent à des besoins essentiels tels que l’énergie, l’eau, la santé, la nutrition, etc. Toutefois, ce type de projet peut être complexe pour les entreprises qui offrent des produits moins utilisés dans le quotidien des consommateurs. Ces types d’entreprises ont besoin de mettre en place des stratégies profondément étudiées. 

Pour favoriser l’émergence des projets BoP, il faut commencer par prendre en considération les impacts extra-financiers, identifier les différentes initiatives pour ensuite lancer le projet.

Section 1 : Prise en compte des impacts extra-financier et identification des initiatives

Pour que les projets BoP aboutissent, les entreprises doivent commercer par la prise en compte des impacts extra-financier étant donné que les entreprises qui souhaitent se lancer dans de tels projets doivent être capables de porter des projets qui ne tendent pas uniquement et forcément vers la réalisation de profit ou la maximisation de la valeur financière. Dans ce cas, il est important de considérer à la fois la valeur ajoutée sociale et sociétale engendrée par la mise en œuvre des projets en interne et en externe.

Pour que la prise en compte de ces éléments s’effectue efficacement, il est important de mettre en place des indicateurs et des repères extra-financiers. Dans la mise en œuvre de cette tâche, l’entreprise peut faire appel à des groupes de travail ou s’appuyer sur les seules compétences des acteurs internes. S’ils sont bien exploités, ces indicateurs peuvent devenir de véritables outils de pilotage, notamment en termes d’innovation. Une fois les indicateurs mis en place, l’entreprise concernée doit ensuite procéder à l’indentification des différentes initiatives à travers ses richesses internes et ses compétences. Cela peut s’effectuer par exemple à travers des enquêtes en interne qui permettront de mettre en évidence les premiers éléments concrets quant au potentiel de l’entreprise pour aller explorer des approches de type BoP.

Par ailleurs, la prise en compte des impacts extra-financiers implique l’éloignement de la perspective du retour sur investissement, car il faut considérer le développement vers le marché BoP comme un élément essentiel e la stratégie à moyen et long terme de l’entreprise. Il existe plusieurs éléments viennent confronter ce positionnement,  à savoir :

  • La promesse de réaliser un jour un effet pionnier une fois que la population cible gagne en pouvoir d’achat permettant à l’entreprise de réaliser une marque future plus importante ;
  • Une possibilité d’accéder à une clientèle viable en contrepartie de la satisfaction d’une clientèle au bas de la pyramide non viable ;
  • La possibilité de bénéficier d’une économie d’échelle dans la mesure où le coût moyen du produit ou service diminue pour la clientèle hors BoP, notamment en raison de l’augmentation des volumes sur la clientèle BOP ; 
  • La possibilité d’accéder à une sorte de relais de croissance dynamique qui est encore actuellement sous-évalué.

Section2 : Lancement du projet BoP

Dans le cadre du lancement d’un projet,  l’entreprise doit prendre en considération qu’un marché aussi fertile qu’il est ne permet pas à lui seul d’assurer une initiative BoP. Cela demande des efforts et des considérations plus avisées du projet à mettre en œuvre, notamment la totale prise en charge du projet et son cadrage, une bonne analyse de faisabilité. 

  • Les parties prenantes

Selon la théorie de Hart et Prahalad, un projet BoP, notamment dans le cadre sa création et de son management, rassemble généralement quatre principaux acteurs comme présentés par la figure présentée ci-après :

Figure 4 : Les parties prenantes à un projet Bop et leurs rôles

 

Depuis ce tableau, nous pouvons remarquer qu’il existe quatre grandes catégories de parties prenantes dans un projet BoP :

  • Les entreprises privées : les entreprises privées sont en quelque sorte la pierre angulaire de tout projet étant donné que ce sont celles qui prennent généralement l’initiative de créer un marché en créant des besoins à travers différentes techniques : des études de marché, mise en place de stratégies marketing et de communication. En fonctions des caractéristiques de leur produit, elles définissent également la catégorisation des populations cibles. L’une des éléments essentiels dans leur participation est le fait que ce sont elles qui détiennent les ressources économiques ainsi que les compétences organisationnelles et techniques nécessaires pour servir le marché. Enfin, elles constituent également le lien entre les différentes parties prenantes qui interviennent sur le marché ;
  • Les consommateurs : sans les consommateurs, les produits et services offerts sur le marché n’auront pas d’acheteurs. 
  • Les entrepreneurs se trouvant au bas de la pyramide : les entrepreneurs sont des acteurs sur lesquels les entreprises s’appuient pour construire leur réseau d’activités. Ces derniers se présentent comme un maillon nécessaire dans la chaine des acteurs par le fait qu’ils permettent d’optimiser les conditions d’accès des biens et services tout en les faisant accepter par les populations ciblées. Ainsi, ils délimitent les frontières du réseau dans lesquelles le projet Bop évolue ;
  • Les ONG et les autorités locales : les entreprises qui ouvrent sur les marchés BoP ont généralement besoin des ONG et des autorités locales pour leur permettre de réduire la distance entre elle et les consommateurs. Elles ne connaissent pas forcément le marché sur lequel elles souhaitent implanter son projet. Ces acteurs, en apportant leurs compétences et en participant à la formation de l’offre, assurent également la confiance des clients quant à la qualité des produits vendus. 
  • Mettre le projet au cœur du métier et concevoir des produits spécifiques

Sans intervention de la direction générale, il est fort probable qu’un projet BoP arrive difficilement à démarrer surtout lorsqu’il n’est pas lié au cœur de métier de l’entreprise.

Mener un projet BoP demande premièrement de le lier au cœur de métier et qu’il ne soit en aucun cas relégué dans une entité annexe ou secondaire. Toutefois les initiatives des entreprises, témoignant d’une importante dimension sociale, sont dans la plupart des cas confiées aux départements spécialisés, généralement RSE, Développement Durable, ou même à la fondation de l’entreprise. Mais bien que les personnes en charge du projet BoP soient fortement sensibilisées, les entités concernées ne sont pas souvent destinées à porter de tels projets. Cette situation constitue un facteur conséquent qui freine l’initiative BoP de la majorité des entreprises. 

Ainsi, il est plus qu’essentiel de mettre le projet BoP au cœur de métier de l’entreprise au lieu de le confier à des entités annexes ou secondaires. Toutefois, afin qu’un projet s’inscrive au cœur du métier de l’entreprise, il est capital qu’il dispose de tous les attributs du cœur de métier, à savoir, des activités qui permettent de générer des revenus, d’accroitre les profits et de vendre des produits aux populations pauvres sans chercher nécessairement à réduire la pauvreté.   

  • Prendre en charge le projet BoP à part entière tout en motivant et en valorisant les acteurs internes

Dans la prise en charge d’un projet BoP, l’entreprise doit déterminer à l’avance l’entité qui portera le projet, c’est-à-dire l’entité qui va héberger le projet. Cette étape est cruciale, car le fait d’isoler un projet BoP de l’activité principale entraine une certaine limite au niveau de son ampleur et de ses possibilités de déploiement. Le fait de l’intégrer dans l’organisation de ou au sein d’autres entités plus éloignées des activités principales permet de démarrer plus facilement le projet, mais cela s’accompagne toutefois de risque d’asphyxier le projet sur le long terme.

Il est donc primordial de bien cadrer le projet et que l’entreprise soit très claire par rapport à ses attentes vis-à-vis du projet.

Par ailleurs, comme mentionnée un peu plus haut, la réussite d’un projet BoP nécessite impérativement une totale implication des acteurs en interne. Dans ce contexte, le choix de l’équipe concernée est décisif, car l’équipe conditionne le succès du projet. Dans toutes les entreprises, il existe sans doute des collaborateurs qui, par leurs expériences et leurs parcours, ont le potentiel nécessaire pour mener à bien des projets hybrides comme les projets BoP. Il est tout de même important qu’il y ait un changement de mentalité, notamment de la part du management.

  • Analyse de faisabilité du projet

Dans l’analyse de faisabilité d’un projet BoP, il est important de commencer à se demander s’il faut réellement vendre un produit dégradé. En effet, pour vendre des produits à des prix très bas, l’entreprise peut se demander s’il ne faudrait pas dégrader le produit. Certaines entreprises suivent cette logique par exemple en supprimant certaines fonctionnalités du produit ou en les réduisant. Elles peuvent également créer un produit standard ou offrir un service minimum. D’autres entreprises par contre peuvent chercher d’autres solutions surtout lorsqu’elles font face à des contraintes de coûts importantes. Pour cela, elles peuvent proposer des produits low-cost. Toutefois, cette solution n’est pas nécessairement adaptée à tous les cas. En effet, les populations se trouvant à la base de la pyramide ont des exigences qui sont généralement différentes de celles des consommateurs occidentaux. Pour les populations BoP, les exigences sont beaucoup plus réelles et assez loin de la recherche de qualité. Cette constatation pousse les entreprises à s’éloigner de l’idée de vendre un produit dégradé en se penchant beaucoup plus vers un produit abordable et qui est totalement nouveau. De plus, vendre un produit dégradé ne correspondrait pas à l’impact social recherché dans le cadre d’un projet BoP étant donné que le produit BoP est souvent un produit amélioré.

Une fois le produit à vendre déterminé, l’entreprise doit procéder à une analyse de faisabilité. L’analyse de faisabilité doit s’appuyer premièrement sur des études de marché solides, d’une analyse lucide des perspectives économiques et sociales, d’un business plan bien défini ainsi que des indicateurs de progrès. D’autres éléments doivent également être pris en compte, notamment le temps nécessaire à l’innovation, à l’intégration des différentes variables sociales et surtout à l’apprentissage.

Toutefois, il est important de noter que même si ces différents éléments sont ben préparés, cela ne met pas forcément l’entreprise à l’abri de l’échec. Dans ce contexte, les entreprises sont souvent amenées à mener une approche expérimentale en testant de nombreux modèles au sein de différents territoires.

La figure présentée ci-après met en évidence les principaux facteurs qui permettent de mener à bien projet BoP :

Figure 5 : Facteurs à prendre en compte pour la réussite d’un projet BoP 

 

Source : Source : Enea et Care, juillet 2011 

En tout, les étapes dans la mise en place de stratégies BoP peut se résumer de la manière suivante :

Tableau 5 : Mise en place de stratégies BoP

Source : Alain Charles Martinet et Marielle A. Payaud, « Les promesses du bas de la pyramide », L’Expansion Management Review, 1/2012 (N° 144), p.14

  • Vendre des produits spécifiques

Commercialiser un produit ou un service au niveau d’un marché composé d’individus à très faibles revenus nécessite impérativement d’innovation afin d’arriver à baisser les prix dans des proportions jusque-là inusitées. Cela s’effectue notamment à travers la limitation des références ainsi qu’en évitant toute gadgétisation marketing (Payaud et Martinet, 2010). Dans ce contexte, il est important de commencer par profiter des dernières avancées technologiques comme ce qui a été expérimenté dans le domaine de la téléphonie mobile dont les faibles coûts opérationnels ont permis une large diffusion dans les zones reculées.

Toutefois, il est remarqué qu’adapter des produits existants aux besoins des populations pauvres à travers la réduction des coûts ne semble par être suffisant. L’entreprise qui souhaite intégrer le marché doit aussi penser à développer des produits spécifiques, conçus à partir des  besoins des populations visées, car au-delà du prix de vente, c’est la capacité du produit à répondre au besoin tel qu’il est en réalité qui fera la différence. Il existe plusieurs échecs engendrés par des tentatives d’adaptation de produits existants en les vendant à des prix très bas. Il faut que les entreprises repensent à leur stratégie en faisant une sorte de compromis sur le rapport qualité-prix et sur les caractéristiques de l’offre.

  • Trouver des sources de financement innovantes

Bien que les projets BoP doivent être financés généralement par les propres moyens des entreprises qui les mettent en œuvre, il se peut que plusieurs d’entre elles ne sont pas capables de financer le développement de produits et services qui sont techniquement peu viables d’un point de vue économique. De plus, les entreprises doivent s’attendre à un retour sur investissement sur le long terme. 

Afin de financer efficacement les projets BoP, les entreprises doivent essayer de trouver un autre mode de financement. Pour cela, le recours à un financement public, comme les prêts à taux bonifiés, peut permettre à l’entreprise de promouvoir le lancement du ^projet. Les pouvoirs publics pourraient accorder certaines concessions sous réserve d’une approche servant aussi bien les consommateurs plus « traditionnels » que ceux du bas de la pyramide. 

Nous pouvons par exemple prendre le cas de la gestion de l’eau au Sénégal qui est une « success story ». Le succès qu’a connu ce projet a été permis par un plan de financement soigneusement conçu qui s’appuie pour une partie sur des financements de bailleurs internationaux et d’une autre partie sur des hausses tarifaires maîtrisées.

 

Section 3 : Intégration des facteurs sociaux, politiques et économiques locaux dans l’élaboration des projets BoP/social business

Pour assurer une plus grande pérennité du projet BoP, il est capital que le projet soit accepté et approprié aux besoins et conditions sociales des équipes et des populations locales. Toutefois, répondre efficacement aux besoins de la population implique la prise en compte de facteurs et de contraintes propres aux pays dans lesquels l’entreprise souhaite s’implanter.  Pour cela, il faut impérativement intégrer plusieurs facteurs dans la mise en œuvre du projet, notamment des facteurs sociaux, des facteurs politiques et des facteurs économiques.

  • Les facteurs sociaux

Les enquêtes menées par ESF et l’étude entamée par le cabinet ENEA Consulting en partenariat avec l’association CARE (ENEA Consulting et CARE, 2011), a permis de mettre en évidence deux constatations essentielles, notamment la difficulté dans la mise en place du projets BoP et la connaissance des clients et de leurs attentes.

La prise en compte de ces difficultés requiert toutefois une prise de connaissance du pays et surtout du contexte local où l’entreprise souhaite s’implanter afin de s’imprégner de la culture locale. Pour certaines entreprises, la prise en compte des caractéristiques des pays concernés s’effectue à travers l’étude d’experts pour l’observation et les compréhensions des modes de vie et de consommation des publics cibles. Prenons par exemple le cas du projet Grameen Veolia Water au Bangladesh qui au début a rencontré des difficultés et qui a ensuite décidé de faire appel à des anthropologues et sociologues afin de l’aider à mieux comprendre les problématiques sanitaires et sociales locales comme le fonctionnement d’un bidonville. Suite à cela, le projet a pris comme perspective de lancer sur le marché des bombonnes d’eau à la ville.

  • Les facteurs politiques

En plus des facteurs sociaux, il est également primordial de prendre en compte les facteurs politiques dans la mise en œuvre d’un projet BoP. Cette tâche est primordiale dans la mesure où tous projets BoP se caractérisent par une volonté de distance par rapport aux autorités politiques. Toutefois, les expériences menées jusqu’à aujourd’hui ont permis de démontrer que les entreprises qui entament ce type de projet ont intérêt à s’en rapprocher voire à établir des partenariats. Par exemple les projets BoP qui interviennent dans des secteurs délivrant des services de base, comme l’eau ou l’énergie ne peuvent se passer des autorités publiques. C’est par exemple le cas du projet BipBoP au Sénégal destiné à fournir de l’énergie propre à bas coût aux populations les plus pauvres qui a eu besoin d’un partenariat étroit avec les agences locales étant donné que le projet correspond pour une grande partie à une demande de la municipalité ou de l’autorité politique locale. Dans ce cas, il est important de noter que les conditions politiques locales jouent un rôle fondamental dans les relations de l’entreprise avec les autorités locales. Cela prouve que l’inscription d’un projet BoP dans le domaine des politiques sectorielles, locales ou nationales, implique en même temps l’intégration de facteurs politiques

  • Les facteurs économiques 

Contrairement aux facteurs sociaux et politiques, l’intégration de facteurs économiques ne s’effectue pas nécessairement en amont du projet. N’en constituant pas la priorité, elle peut se faire, dans certains cas, une fois le projet engagé, car le développement économique n’est pas le premier objectif d’un projet BoP mais sa prise en compte est nécessaire pour que le projet soit mené avec une plus grande efficacité.

En effet dans ce type de projets, les entreprises interviennent de manière ponctuelle, pour résoudre un problème spécifique qui n’a pas vocation à changer la situation économique du pays, mais davantage à avoir un impact social. 

  

 

CONCLUSION

Si elles souhaitent intégrer les marchés se trouvant au bas de la pyramide, les entreprises doivent en permanence garder à l’esprit le double objectif des initiatives « BoP », notamment la réalisation de profit et l’offre d’un produit à utilité sociale pour réduire la pauvreté.

Tout au long de ce travail, nous avons pu constater que faciliter l’accès des populations pauvres à la consommation se présente comme un objectif difficile à réaliser. Toutefois pour y parvenir, l’entreprise peut passer par une amélioration de l’offre et une conception spécifique des produits à destination des pauvres qui aurait pour effet d’augmenter leur revenu réel. Cela nécessite toutefois la mise en œuvre d’efforts d’innovation technique afin que l’entreprise puisse réduire les coûts et donc le prix d’achat. 

Dans de tels projets, la rentabilité économique est nécessaire afin que les activités menées par l’entreprise puissent être élargies et puissent profiter au plus grand nombre tout en optimisant leur impact. Ainsi, les entreprises doivent premièrement éviter de surestimer les opportunités des marchés BoP car généralement, le comportement d’achat des populations se trouvant au bas de la pyramide est très complexe à prévoir. Pour cela, les entreprises doivent faire preuve d’une bonne capacité d’innovation, notamment en ce qui concerne la simplification des offres et la réduction du prix des produits ou services proposés. En plus de cela, elles doivent également privilégier le partenariat avec les organisations locales, les ONG ou encore les institutions gouvernementales afin qu’elles puissent avoir plus de connaissance sur les caractéristiques du marché, de l’environnement qui entoure le marché ainsi que le comportement d’achat des populations cibles. La collaboration avec ces entités permet également à l’entreprise d’optimiser la légitimité de son existence et des produits qu’elle offre aux populations du bas de la pyramide. Cependant, il est important de prendre en considération que la collaboration avec les organisations doit être définie clairement et contractuellement pour éviter tous types de conflits. 

Enfin, l’engagement au sein des marchés BoP se présente comme une sorte de promesse d’avenir qui ne doit pas être pris à la légère, car il peut être considéré comme une implication stratégique et opérationnelle pour l’entreprise elle-même. Par ailleurs, pour se mettre à l’abri de certaines difficultés internes comme des mécanismes inadaptés, l’entreprise doit faire preuve d’une grande prudence dans la sélection de projets.  En effet, il est assez complexe d’estimer à l’avance le succès d’un projet BoP en se basant uniquement sur des critères de rentabilité traditionnels, car dans ce cas, le projet serait jugé comme pas suffisamment rentables, incertain avec des performances sociétales faiblement valorisées. 

 

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