Le projet de Constitution de la Catalogne
Le projet de Constitution de la Catalogne
Introduction
La Catalogne est une vieille nation européenne qui a été rattachée à l’Etat Espagnole depuis plusieurs siècles, mais avec lequel elle a développé depuis plusieurs décennies des relations conflictuelles de plus en plus intenses, surtout ces dernières années.
Ainsi, l’expression qui prédomine dans cette région depuis trois ans maintenant est le « droit de décider ». Répétée à l’envie par les politiciens, reprise par les catalans, cette expression semble être l’arme par laquelle les indépendantistes veulent obtenir la séparation avec l’Etat espagnole.
Cette expression est inassimilable politiquement ou juridiquement au « droit à l’autodétermination » difficilement compatible avec le cadre constitutionnel espagnol, mais également avec celui du droit international. Mais qu’importe, ce « droit de décider » est parvenu progressivement à s’assimiler à la détermination ou à la volonté d’indépendance par rapport à l’Espagne manifestées par de larges secteurs de la société catalane.
Ces tensions ne sont pas apparues du jour au lendemain, elles sont lé résultat de l’histoire même de la formation de l’Etat espagnole qui est issue d’un processus lent et difficile. Nous parlons ici du processus au cours de la période précédant le libéralisme, de la fin du XVe siècle au début du XIXe siècle.
L’Etat espagnole est une unité représentée par la monarchie et certaines lois communes, des populations, des structures politiques et des cultures réellement différentes ont survécu. C’est le changement de dynastie des Habsbourgs aux Bourbons, à l’aube du XVIIIe siècle, qui avait entrainé l’instauration de l’unification juridique ainsi que l’organisation d’un royaume unitaire et fortement centralisé que le libéralisme au XIXe siècle cherche alors à renforcer.
Ce modèle unitaire et centralisateur a perduré jusqu’à l’adoption de la Constitution de 1978 et cela même si on peut évidemment compter quelques exceptions et des tentatives avortées pour en sortir. La Constitution de 1978 résulte ainsi d’un lent processus de transition entre la dictature franquiste et la démocratie actuelle. Processus qui a finalement abouti à la forme politique d’une monarchie parlementaire actuelle.
Cette Constitution a donc permis d’établir le modèle actuel, modèle qui a commencé à se mettre en marche parallèlement au processus constituant lui-même. Il a finalement été établi grâce à un système complexe de pré-autonomies, a été qualifié d’ouvert et d’ambigu étant donné qu’il autorise diverses interprétations, non seulement juridiques ou académiques, mais encore et surtout des lectures politiques différentes.
Ce nouveau modèle d’organisation de l’État comprendalors 17 Communautés Autonomes qui jouissent d’un degré d’autonomie politique notable en exerçant toutes des pouvoirs régaliens : législatifs et exécutifs. Il ne s’agit pas seulement d’une construction abstraite mais ambitionned’apporter une réponse concrète aux problèmes établis en Espagne en raison de l’existence d’un État centralisateur et bureaucratique, imperméable jusqu’alors aux aspirations de divers secteurs de la population ainsi qu’à l’égard de la réalité multinationale, multiculturelle et plurilinguistique d’un État historiquement conçu comme un État hyper centralisé par les franges les plus conservatrices et réactionnaires.
Durant ces trente-cinq ans et plus de son application, ce modèle pour le moins ambigüeasollicité des réalisations concrètes qui ont permis un progrès plus en adéquation à l’évolution du modèle propre à l’État et qui répondent davantage aux aspirations nationales de certains de ses territoires, en particulier la Catalogne et le Pays basque.
Des réalisations telles que la clarification dans la définition et la détermination des compétences qui pouvaient les mieux convenir aux particularités de chacun desdits territoires, mais aussi le perfectionnement du système de financement des Communautés Autonomes.Il y a aussi la réforme du Sénat en tant que Chambre de représentation territoriale et l’adaptation de l’Administration centrale à la structure nouvelle de l’État décentralisé.Ou bien encore la participation des Communautés Autonomes aux décisions de ce dernier sur des questions essentielles comme la politique à mener dans le cadre de l’Union européenne.
Ce système a aussi permis de dépasser la problématique strictement nationaliste qui s’appliquait à la Catalogne et au Pays basque, il a permis de dépasser les problèmes laissés par la guerre civile et les années de dictature du régime franquiste. Et cela en contrant les volontés nationalistes par la politique plus connue sous l’appellation populaire « café para todos » qui voulait que toutes les régions autonomes soient logées à la même enseigne : elles devaient adhérer à l’autonomie gouvernementale dans à peu près le même degré, même si à des rythmes différents.
Mais dans les faits, force est de constater qu’aucun des problèmes apparus au cours du processus de développement autonomique n’a pu être définitivement solutionné, ni aucun des progrès attendus alors à cette occasion se réaliserdurant ces dernières années. Ce que le milieu académique et le milieu politique lui-même définissaient comme une évolution vers un modèle d’État fédéral, qualifié parfois d’asymétrique en raison de l’existence de faits et éléments nettement disparates entre certaines Communautés, ne s’est pas réalisée et a plutôt cheminé en sens contraire.
L’ultime tentative pour parfaire ce modèle et le conduire vers l’issue qui en était attendue a été matérialisée par le processus de réforme mené de 2003 à 2006 sur le Statut de la Catalogne. Réforme qui concernait alors la règle de base institutionnelle interne mais aussi encadrement juridique des relations avec l’État central.
L’article 2 de la Constitution espagnole du 21 décembre 1978 dispose que « la Constitution repose sur l’unité indissoluble de la Nation espagnole, patrie commune et indivisible de tous les espagnols. Elle reconnaît et garantit le droit à l’autonomie des nationalités et régions qui en font partie et la solidarité entre elles toutes ».Il s’agit là de la résultante d’un compromis que les circonstances de l’époque imposaient au constituant.
Autonomie donc, mais, selon une jurisprudence rapidement établie ; autonomie qui « parce qu’elle n’est pas égale à la souveraineté, s’analyse en un pouvoir limité de sorte que, chaque organisation territoriale dotée d’autonomie ne constituant qu’une partie du tout, le principe d’autonomie ne peut en aucun cas s’opposer à celui d’unité ».
Unité de la Nation et, corrélativement, caractère unitaire de l’État au sens d’un État unique et non pas de la formule, alors proposée par voie d’amendement par certains autonomistes basques et catalans, d’« une communauté de peuples titulaires de la souveraineté ».
Consacrant de la sorte, tout à la fois, l’unité indissoluble de la Nation et le droit à l’autonomie d’entités locales, sur ce dernier point la Constitution de 1978 restait peu précise et donc ouverte. Ainsi, dans la perspective de sa consolidation et de son parachèvement, la concision et certaines lacunes du dispositif constitutionnel permettaient d’envisager une diversité d’options (État décentralisé, État des « autonomies », voire État fédéral) et impliquaient, pour celle en définitive retenue du système des « Communautés Autonomes », des développements ultérieurs par le biais des statuts de chaque « Communauté », des lois générales de l’État et de la jurisprudence constitutionnelles.
S’agissant des statuts, celui de la Catalogne entra en vigueur dès 1979. Aux termes de l’article 147 de la Constitution, les Statuts d’Autonomie ont pour objet de réguler les institutions d’autogouvernement, de les organiser, de déterminer les compétences propres de la Communauté Autonome.
Toutefois à l’instar d’autres Statuts, mais de façon particulièrement accentuée, le premier Statut catalan ajoutait à cela des principes programmatiques et des déclarations de droits, il imposait des compromis au législateur national, créait des structures bilatérales de négociations et interprétait la portée des compétences de l’État.
Or à l’époque il n’y eut pourtant aucun recours, chacun s’accommodant de formules qui étaient le fruit de négociations et d’accords entre les grands partis nationaux.D’abord initiés par les statuts eux-mêmes, les développements qu’imposait un cadre constitutionnel ouvert seront ensuite le fait, jusqu’aux années récentes, de la jurisprudenceet de la loi nationale.
Développements considérés, par une large doctrine, comme menés à terme au sens d’une pleine expression du potentiel de la Constitution et comme globalement satisfaisants. Cela sans qu’en dépit de l’écoulement du temps les Statuts aient, quant à eux, donné des signes significatifs de décrépitude.
Pourtant, à compter de l’année 2004, bon nombre de Communautés Autonomes avaient estimé opportun d’entrer dans la voie d’un renouvellement de leur Statut initial et tel fut notamment le cas de la Catalogne.
Si l’opinion dominante concluait à la pertinence des avancées législatives et jurisprudentielles et au caractère toujours opératoire des Statuts en vigueur, il en allait différemment, dans cette Communauté, avec les autonomistes de Convergencia i Unió (CIU), les indépendantistes de Esquerra Republicana de Catalunya (ERC) et avec le parti socialiste de Catalogne (PSC) conduit à s’aligner sur ces derniers.
Nul ne voulant apparaître en retrait en matière d’exigences autonomistes chacun s’accordait pour prétendre selon la formule du professeur Carles Viver Pi-Sunyerqu’avait en définitive été édifié « un système d’autonomie étendue mais de faible qualité ».
Cela au motif que le législateur étatique et la jurisprudence du Tribunal Constitutionnel auraient imposé un modèle uniforme (à l’encontre de l’aspiration catalane à la reconnaissance d’une situation spécifique), de caractère centraliste, réduisant l’autonomie politique des Communautés Autonomes dotées d’une large capacité de gestion administrative mais dépourvues d’une réelle capacité de fixation de leurs politiques propres.
C’est dans ce contexte, non exempt de surenchères, qu’émergea le processus de changement de Statut. Processus favorisé par un accord entre le Président socialiste, de la « Generalitat » de Catalogne (Pascual Maragall) et le Secrétaire Général du Parti Socialiste (José Luis Zapatero), alors dans l’opposition. Ce dernier s’engageant publiquement, pour faciliter les choses, à laisser travailler les institutions catalanes en toute tranquillité et acceptant par avance de se conformer au texte qu’elles approuveraient.
Présentée comme visant à la réforme du texte de 1979 mais ayant en réalité pour objet l’avènement d’un nouveau Statut, la procédure fut initiée devant le parlement de Catalogne compétent pour élaborer le projet. Une fois celui-ci approuvé, en septembre 2005, il fut soumis au référendum le 18 juin 2006 et ensuite transmis aux Cortés Générales qui, moyennant quelques aménagements destinés à gommer les inconstitutionnalités les plus manifestes , l’approuvèrent à la majorité absolue (majorité nécessaire s’agissant d’une Loi Organique) le 19 juin 2006.
Dans cette version définitive le texte restait très fortement marqué par les objectifs autonomistes de ses initiateurs. Il s’agissait, relève le professeur J. Tornos Mas, « de forcer au maximum l’interprétation de la Constitution et la lecture de la jurisprudence du Tribunal Constitutionnel afin d’accentuer l’autogouvernement, de le garantir, de promouvoir les relations bilatérales avec l’État, d’obtenir la reconnaissance du caractère plurinational de l’État et, dans ce cadre, celle de la singularité du cas catalan ».
Comme on l’a déjà observé, les premiers statuts et notamment le catalan de 1979 avaient pris bien des libertés avec la Constitution mais cela n’avait alors pas suscité de recours parce que ces textes résultaient d’ententes entre les grands partis nationaux. Plus récemment, avec la nouvelle génération de statuts, des particularités très comparables à celles dont il va être fait grief à celui du 19 juin 2006 (notamment dans le cas du Statut d’Andalousie (12) ) ne conduisirent pas davantage à la saisine du Tribunal Constitutionnel parce que, là encore, ces textes procédaient d’un consensus entre le PSOE et le Parti Populaire (PP).
Avec le Statut de la Catalogne la situation s’avérait bien différente, dans la mesure où son projet, tel que conçu par les autonomistes, indépendantistes et socialistes, s’était, dès l’origine, heurté à la très vive opposition du Parti Populaire. Ainsi, pour la première fois depuis 1978, avait été engagé et mené à terme un processus de réforme statutaire qui ne reposait pas sur l’accord des deux grands partis nationaux. Nouveau statut qui a fait l’objet d’un recours pour inconstitutionnalité.
Tout ce processus et le recours qui en est un peu l’aboutissement illustrent bien les tensions qui prédominent entre la Catalogne et l’Etat Espagnole. Nous aurons sans doute l’occasion d’y revenir au fur et à mesure de notre développement, mais à ce stade de notre étude, il s’agit surtout de déterminer très clairement quelle est l’origine de ces tensions ? L’action unilatérale de la région catalane contre l’Etat souverain Espagnol est-elle de nature économique ou historique ?
Il nous semble que trouver des réponses à ces question nous aideront à déterminer la viabilité d’une constitution catalane. Pour nous aider dans cette recherche, nous allons alors dans un premier temps étudier les systèmes d’élaborations des constitutions des Etats démocratiques, où il sera question du cas catalan (Partie I). Avant de nous pencher sur la légitimité et légalité du projet face à la norme constitutionnelle espagnole où nous reviendrons plus en détail sur le processus et son aboutissement (Partie II).
PARTIE I : SYSTEMES D’ELABORATIONS DES CONSTITUTIONS DESETATS DEMOCRATIQUES: LE CAS CATALAN
Le nationalisme catalan a été caractérisé au fil du temps, d’une manière très cohérente, par une ambiguïté structurelle, le mieux exprimé par le terme beaucoup abusé locale « catalanisme ». C’est une expression qui peut avoir plusieurs sens, du sentiment patriotique vague, à la définition doctrinale d’un certain type, tels que le régionalisme, le fédéralisme, ou l’accent particulier mis sur l’autonomie ou plus exactement autonomisme selon la conception particulière catalan.
Comme une réponse à cette indétermination, l’option finale et de loin la plus extrême : l’indépendantisme implacable qui ne demande rien de moins que la mise en place d’un Etat Catalan à part entière.
Ainsi, en 2012, et pour la première fois, la position des sympathisants de l’indépendantisme est devenue ostensiblement majoritaire dans la société catalane. Jusque-là en effet, une telle velléité était exprimée par petit groupe et réduit à des petits et même minuscules groupes insurrectionnels qui ne pouvaient même pas se targuer d’être des plateformes électorales.
Ainsi donc, de 1886 à 2012, le nationalisme catalan s’était surtout caractérisé par son ambivalence
Chapitre 1- Le degrés d’autonomie administratif actuel de la Catalogne espagnole
Aux termes de l’article 137 de la Constitution, l’État, dans son organisation territoriale, se compose de communes, de provinces et des Communautés autonomes qui se constitueront. Toutes ces entités jouissent d’autonomie pour la gestion de leurs intérêts respectifs.
L’Espagne est ainsi divisée en dix-sept Communautés autonomes (CCAA), possédant leurs propres instances dirigeantes élues au suffrage universel direct. Bien que le fondement juridique de la division territoriale se trouve dans la Constitution, les CCAA n’ont pas été créées directement par celle-ci.
Le constituant a, en effet, laissé aux régions administratives qui existaient auparavant, la décision de se constituer ou non en CCAA dotées de compétences propres et ceci par l’adoption, au cas par cas, d’un statut d’autonomie particulier. Pour ce faire, la Constitution contient des dispositions-cadres réglementant le processus de transformation en CCAA.
Ces dispositions concernent la procédure à suivre (art. 143 et 151, al. 1), ainsi que le contenu normatif minimal que doivent suivre les divers Statuts d’autonomie (art. 147, al. 2 et art. 152, al. 1).
Depuis 1978, dix-sept CCAA ont vu le jour. Il s’agit de la Catalogne, du Pays Basque, de la Galice, de l’Andalousie, de la Cantabrique, des Asturies, de la Rioja, de la Murcie, de Valence, des Îles Canaries, de la Navarre, de la Castille-La Manche, de l’Aragon, de la Castille-Leon, des Baléares, de l’Estrémadure et de Madrid. Enfin, il ne faut pas oublier les villes de Ceuta et Melilla, qui jouissent d’un statut d’autonomie spécial.
La répartition des compétences entre l’État central et les CCAA est opérée tant par la Constitution que par les statuts d’autonomie (voire, postérieurement à l’adoption des statuts, par des lois organiques d’attribution de compétences spécifiques, en application de l’article 150, alinéa 1, de la Constitution). Il s’ensuit que la sphère d’autonomie diffère sensiblement d’une CCAA à l’autre. Cette répartition “à géométrie variable” explique pourquoi il est vain de vouloir décrire de façon générale la distribution matérielle des compétences entre l’État central et les CCAA.
La Constitution définit aux articles 148, alinéa 1 et 149, alinéa 1, les deux axes autour desquels s’effectue la répartition des compétences : la première de ces deux dispositions établit un catalogue des compétences que les CCAA peuvent revendiquer dans leurs statuts d’autonomie, la seconde dresse la liste des compétences exclusives de l’État.
Toute matière qui n’est pas mentionnée dans l’une ou l’autre de ces deux listes est automatiquement de la compétence de l’État central, à moins d’être expressément attribuée, par le biais des statuts d’autonomie, à l’ensemble des CCAA, à plusieurs d’entre elles ou à une seule (art. 149, al. 3).
Aucune des deux listes n’est impérative. Ainsi, l’article 148 énumère des tâches qui peuvent être conférées aux CCAA : pour savoir lesquelles ont été conférées, il faut nécessairement se rapporter au statut d’autonomie en question.
De même, l’article 150, alinéa 1 prévoit que, au moyen d’une loi organique, les Cortes sont en droit de transférer une compétence exclusive de l’État à une ou plusieurs CCAA ; la loi devra cependant, chaque fois, déterminer dans quel cadre s’exercera la compétence déléguée.
L’alinéa 2 de ce même article 150 dispose que l’État central a également la faculté de confier aux CCAA, par le biais d’une loi organique, la mise en œuvre de la législation nationale concernant un domaine de son ressort.
Enfin, il importe de noter que, dans plusieurs des matières mentionnées à l’article 149 de la Constitution comme relevant du domaine propre de l’État, la compétence étatique n’est en fait pas exclusive, mais concurrente : l’État n’est en droit que de fixer, au travers d’une loi-cadre, les contours de la réglementation du domaine en question ; il appartient ensuite aux CCAA de concrétiser, dans des lois régionales, les principes de base définis par l’État. Il n’en reste pas moins que les incertitudes autour de la portée de la notion de législation de base ont été – et sont encore – source de conflits entre les CCAA et l’État central.
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Règlementation et droits coutumiers :
Pour satisfaire à une revendication ancienne et profonde des régions les plus développées (Catalogne, Galice et Pays basque) exaspérées par l’impérialisme castillan, et pour tenter d’apporter une solution au problème du terrorisme basque sans paraître capituler, le Constituant de 1978 a reconnu « le droit à l’autonomie des nationalités et régions ». L’organisation de chacune des dix-sept Communautés autonomes et l’étendue de ses compétences sont déterminées par son statut propre, élaboré localement et approuvé par les Cortès, c’est-à-dire par le Parlement madrilène.
La liste des matières réservées à l’État comporte trente-deux rubriques parmi lesquelles le droit civil, la législation commerciale, le droit pénal, le droit du travail… Celle des matières dévolues aux Communautés autonomes comporte vingt-deux rubriques parmi lesquelles l’aménagement du territoire et l’urbanisme, l’agriculture et la pêche, la culture, la santé et le sport.
Mais l’État peut dans son domaine ne fixer que des principes généraux et laisser les Communautés, ou certaines d’entre elles seulement, édicter les règles complémentaires nécessaires à leur application. Il peut aussi, lors de l’adoption de leurs statuts ou par des lois organiques ultérieures, décider que l’exécution des lois, en certaines matières, relèvera des Communautés.
Inversement l’État peut intervenir, lorsque l’intérêt général l’exige, pour fixer par des lois votées à la majorité absolue par les deux Chambres les principes nécessaires à l’harmonisation des législations adoptées par les Communautés dans leur domaine de compétence et il dispose aussi, si une Communauté ne remplit pas ses obligations ou porte atteinte à l’intérêt national, du pouvoir de se substituer à elle sur son territoire avec l’accord du Sénat. Enfin on observera que si les Communautés ont le pouvoir de lever l’impôt, il existe un Fonds de compensation destiné à financer les investissements et qui fonctionne au bénéfice des plus pauvres d’entre elles.
En pratique, toutes les régions ont eu tendance à exiger l’autonomie maxima que le Constituant avait pensé réservée aux seules d’entre elles où s’était manifestée une revendication nationaliste. Toutes aussi jugent excessives les prétentions de l’État à harmoniser la législation.
Il en résulte un important contentieux qui, heureusement, sauf au Pays Basque, ne prend la forme que de recours devant le Tribunal constitutionnel, mais qui traduit la persistance du malaise de l’État espagnol. Le fait que, de 1993 à 2000 et de nouveau depuis mars 2004, faute d’une majorité aux Cortès, les gouvernements n’ont pu se maintenir que grâce au soutien négocié du parti « nationaliste » catalan a beaucoup contribué à l’évolution de l’Espagne vers le fédéralisme, l’obstacle majeur à la consécration officielle de celui-ci étant aujourd’hui le désaccord entre les Communautés sur ses aspects financiers.
L’article 152 de la Constitution dispose cependant que chaque Communauté autonome doit comporter une Assemblée législative élue au suffrage universel direct et à la représentation proportionnelle et un Conseil de gouvernement responsable devant celle-ci. Le président de ce Conseil de gouvernement est officiellement nommé par le Roi, mais après avoir été élu par l’Assemblée.
Le droit positif espagnol est fortement imprégné des droits coutumiers de chaque région. En effet, chaque région est régit par un droit qui combine deux sources : le droit émanant des autorités de la communauté autonome et le droit édicté par l’Etat central. Cependant, il faut remarquer qu’il y a aussi les usages propres à chaque communauté autonome qui peut trouver à s’appliquer.
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Les cortes
La Constitution espagnole proclame, dans une formulation inspirée de la Constitution française de 1958, que « la souveraineté nationale réside dans le peuple espagnol, duquel émanent les pouvoirs de l’État ».
Cette souveraineté nationale annonce l’organisation plurielle du pouvoir étatique, dans le système espagnole plus particulièrement, la manifestation de cette souveraineté doit être étudié sur le plan de l’Etat central d’abord, puis au niveau des diverses formes de gouvernement au niveau local.
Au niveau de l’Etat central, tout se passe comme dans les autres systèmes d’Etat unitaire, c’est-à dire que les fonctions étatiques sont exercées et partagées entre différents organes constitutionnellement situés au sommet de l’État et dotés d’une autonomie ou indépendance des uns à l’égard des autres.
Cette division, par principe indispensable et consubstantielle à la souveraineté de la nation, s’opère dans chaque constitution par l’organisation des fonctions étatiques d’un point de vue formel, c’est-à-dire en attribuant la fonction normative aux différents organes supérieurs en cause et en assignant aux actes ainsi produits une force spécifique.
Les organes qui se voient confiés de manière exclusive ou partagée une ou plusieurs fonctions au sens formel du terme seront qualifiés d’organes constitutionnels. Leur rôle essentiel ou fondamental se traduit par leur position hiérarchique au sommet de la structure étatique : par rapport à n’importe quel autre organe, ils bénéficient d’un statut superiorem non recognoscentes. L’autonomie ou, le cas échéant, l’indépendance des organes constitutionnels s’exprime uniquement par l’absence de subordination hiérarchique dans l’exercice de leurs fonctions.
Dans le système de droit espagnol, les Cortes sont les organes qui ont le pouvoir législatif. Le pouvoir législatif n’est pas, cependant, une expression équivalente à celle de fonction législative dans la mesure où cette dernière est exercée aussi par le gouvernement de la nation et par les assemblées et conseils de gouvernement des Communautés autonomes.
En réalité il y a deux sortes de cortes dans le système espagnol : les Cortes generales formées du Congrès des députés et du sénat, exercent le pouvoir législatif de l’État et approuvent son budget (art. 66-1 et 2). Le budget de l’État est aussi fixé par la loi (art. 134) de même que le pouvoir législatif des Cortes generales correspond, conformément à la Constitution, à celui de l’État, c’est-à-dire à celui du pouvoir central de l’appareil étatique ou, pour utiliser une expression introduite par le tribunal Constitutionnel, à celui des organes généraux de l’État.
Par l’exercice du pouvoir législatif, les Cortes monopolisent, au niveau desdits organes généraux, le pouvoir d’adopter les lois formelles ordinaires voire les normes portant réforme constitutionnelle si, dans l’élaboration de ces dernières, n’intervient pas le corps électoral national ainsi que le permet ou l’exige la Constitution (art. 167-3 et 168-3). Les Cortes, en toute hypothèse, déterminent le contenu de toutes les lois formelles, c’est-à-dire de la grande majorité des normes hiérarchiquement supérieures dans un système se soumettant au principe de légalité (art. 9-3, 97, 103-1, 106-1 et 117-1).
Mais à côté de ces Cortes generales, il y a aussi les cortes au niveau local, qui ont les mêmes attributions mais à un niveau plus réduit. Ainsi, en Catalogne, l’histoire rend compte de l’existence des cortes depuis le XIIe siècle avec la cour du comte de Barcelone. On parle alors de cortes comtal.
C’est là qu’on voit donc la mise en place des premières institutions parlementaires en Catalogne, institution qui comptait alors parmi les tous premiers membres les principaux vassaux et des ecclésiastiques de haut rang qui formaient la cour du comte de Barcelone.
Puis peu à peu, la corte comtal va se transformer en cortes generals sous le règne de Jacques 1é. Ces cortes generals ont alors une compétence plus étendue et sont formés par trois différents ordres ou « braç ». A savoir : « le braç militar, l’ordre des nobles et chevaliers, le braç ecclesiastic, l’ordre des ecclésiastiques et le braç real, l’ordre des villes royales, qui jouissent du privilège de députer aux cortes ».
Le partage des compétences entre les deux institutions (cortes des régions et cortes générales) n’est pas clairement posée par la Constitutions, c’est d’ailleurs ce « flou artistique » qui a contribué à alimenter les tensions entre la région autonome et l’Etat central. Cependant, on ne peut nier qu’on assiste là à une délégation législative qui repose sur des motifs de type technique.
D’une part, elle s’explique par la complexité d’une matière et surtout du sujet (les intérêts de ma communauté autonome) qui la rend peu propice aux débats parlementaires, ce qui amène les assemblées à confier au gouvernement l’élaboration, sur la base d’une loi d’habilitation, d’un texte de portée législative. D’autre part, les raisons techniques rejoignent les impératifs inhérents aux principes de sécurité juridique lorsque, par ce biais, le les Cortes dans les régions autonomes peuvent procéder à la codification d’une pluralité de normes législatives portant sur une matière déterminée.
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La generalitat
La generalitat est le Gouvernement Autonome Catalan qui avait été restauré en 1977, quatre mois après que les premières élections démocratiques ont eu lieu. C’est l’organisation politique de la Communauté Autonome de la Catalogne, elle est pourvue de compétences qui lui ont été octroyées par le peuple catalan, et qui sont exercées conformément à la Constitution espagnole et au Statut d’autonomie.
La Generalitat est composées de plusieurs institutions : « la Présidence, du gouvernement et d’autres institutions mises en place par le Statut d’autonomie (le Conseil de garanties statutaires, le Défenseur du peuple ou ombudsman, la Cour des comptes et le Conseil de l’audiovisuel de Catalogne) ».
La Generalitat regroupe aussi les communes, comarques (cantons) et autres collectivités territoriales définies par la loi dont elle gère et organise les politiques générales. Mais ces entités conservent quand même aussi leur autonomie respective, on pourrait parler d’une autonomie dans l’autonomie.
Les domaines d’exercice de l’autonomie gouvernementale de la Generalitat sont prévus dans les Statuts de l’Autonomie : « Pour les matières où les compétences de la Generalitat sont définies comme étant « exclusives », tous les pouvoirs lui correspondent pleinement. Dans d’autres domaines, les compétences de la Generalitat sont définies comme étant « partagées », et donc la Catalogne légifère dans un cadre où les conditions de base sont fixées par l’État. Enfin, il y a des domaines pour lesquels la Catalogne se contente d’exécuter la législation de l’État. ».
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Les Usages de Barcelone
Les usages de Barcelone ou « Usatges de Barcelone » est un des sources du droit applicable en Catalogne. C’est un droit issu de pratiques anciennes qui remonteraient au XIIe siècle. En tout cas ils sont issus de pratiques anciennes : « je jure qu’à partir de maintenant, je serai fidèle à Raimond, comte de Barcelone, et à Elisabeth, son épouse, sans fraude ni malice et sans aucune imposture ». Ces mots ont été prononcés à la cour de Barcelone par les guerriers devant jurer fidélité à leurs maîtres avant de prendre les armes. Ils étaient le signe d’une fidélité et d’un rattachement des sujets à la personne du souverain.
« La fidélité, le fief ou bénéfice, l’hommage et le serment étaient d’anciennes traditions et avaient été utilisées par l’autorité publique et par ses agents pour asseoir l’ordre politique, rémunérer des services et ritualiser l’adhésion des sujets, en particulier les puissants, au roi ». Traditions dont on retrouve encore trace aujourd’hui dans le droit catalan.
Les usages traditionnelle apparues dans le moyen-âge avait conduit à la création d’un code connu sous le nom de Usatges de Barcelona qui avait contribué à créer une nouvelle forme politique d’organisation sociale de l’espace. Les convenientiae avaient ont alors servi de base à la structuration féodale de la société catalane.
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Les finances publiques :
Alors que le système organisationnel de l’État espagnol apparaissait originellement (et intentionnellement) indéfini, la création progressive des Communautés, l’adoption de leur statut, l’extension de leurs compétences lui ont donné du contenu. Nombre d’auteurs ont été en mesure de se croire en présence d’un État fortement décentralisé, sans pour autant être qualifiable d’État fédéral : l’État régional ou autonomique.
En son cœur réside inéluctablement le principe d’autonomie politique qui se définit comme la « capacité des Communautés d’élaborer leurs propres politiques publiques dans les limites de leurs compétences ». Cette définition emporte deux importantes conséquences: outre le fait que les Communautés doivent être en mesure d’adopter les décisions politiques de nature à satisfaire leurs intérêts, elles doivent pouvoir disposer d’un pouvoir normatif évidemment relié à leur champ de compétences.
Pour s’exprimer pleinement, l’autonomie politique des Communautés doit pouvoir compter sur le principe d’autonomie financière. L’article 156 de la Constitution espagnole (CE) le consacre et en fait explicitement un corollaire indispensable à l’autonomie politique, en précisant que « les Communautés autonomes jouiront d’une autonomie financière pour le développement et la mise en œuvre de leurs compétences dans le respect des principes de coordination avec les finances étatiques et de solidarité entre tous les Espagnols ».
Cette conception fonctionnelle du rôle de l’autonomie financière n’est pas spécifique à la Constitution espagnole. En effet, l’autonomie financière locale, notion complexe, est avant tout un outil au service de l’autonomie politique. Son caractère « polymorphe », théorisé par la doctrine, vient le souligner.
Il semble raisonnable d’y inclure, tout d’abord, le principe selon lequel les ressources locales doivent être suffisantes pour permettre à la collectivité d’assurer pleinement ses compétences (la suficiencia de ingresos, en Espagne). L’autonomie financière postule ensuite la liberté des collectivités décentralisées dans l’utilisation de ces mêmes ressources. Cette liberté n’est certes pas forcément totale, dans le sens où certains fonds peuvent être préalablement affectés au financement d’actions publiques ciblées.
Il n’en demeure pas moins qu’elle doit bénéficier de réelles garanties afin que les entités puissent exercer leurs compétences de façon responsable. Ces deux dimensions du principe sont étroitement liées car elles doivent permettre aux collectivités qui en bénéficient de faire des choix en matière de dépenses, de mener des politiques publiques dans le cadre de leurs compétences.
Comment ces choix, traduction de l’autonomie, seraient-ils possibles sans ressources suffisantes et sans le libre usage des fonds ?
Le Tribunal constitutionnel espagnol considère ainsi que l’autonomie financière suppose « la pleine disposition de moyens financiers pour exercer, sans condition injustifiée et dans toute leur plénitude, les compétences propres, spécialement celles qui apparaissent comme exclusives ».
Enfin, une dernière facette de l’autonomie financière (et non des moindres) réside dans l’existence d’un pouvoir décisionnel en matière fiscale. Détenteur du pouvoir fiscal originel, l’État consentirait à le partager avec les entités décentralisées qui pourraient créer leurs propres impôts, en fixer le régime et en assurer le recouvrement. Cette prérogative, dénommée en Espagne corresponsabilidad fiscal, renforce doublement l’autonomie politique : non seulement elle permet la conduite des politiques, financées par la création de recettes supplémentaires, mais, par la même occasion, elle contribue au renforcement du pouvoir normatif fiscal, prérogative éminemment politique.
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La disparité des revenus territoriaux
Le niveau basique de l’autonomie financière est atteint peut être considéré comme atteint lorsque l’autonomie de gestion est assurée avec la suffisance des ressources et une certaine liberté dans leur usage. L’existence d’une autonomie de décision fiscale représente, pour sa part, un approfondissement sensible de l’autonomie financière. Mais, là encore, ce pouvoir fiscal n’est pas d’une seule forme. Il peut être plus ou moins important selon les collectivités concernées.
Celles-ci peuvent se voir conférer le pouvoir de créer leurs propres impôts, voire de déterminer leur assiette, leur taux ou encore d’en assurer le recouvrement. Cette gradation a été clairement exposée par les auteurs espagnols, qui expliquaient que l’autonomie financière locale pouvait fort bien exister sans pouvoir fiscal. Certains ont même été conduits à isoler la corresponsabilidad fiscal de l’autonomie financière. Cependant, cette séparation stricte n’a pas pour elle le mérite de la simplicité et n’est pas exempte de contradictions.
Le principe de l‘autonomie financière est donc posée, cependant, l’examen de l’article 156 CE ne permet pas de connaître le niveau de l’autonomie financière des Communautés autonomes espagnoles. L’actualité la plus brûlante laisse certes penser que celui-ci est limité. Durement touchées par la crise, lourdement endettées, les régions peinent à se financer et voient en l’État l’un des possibles remèdes à ces problèmes de liquidités. Parallèlement, ce dernier a œuvré au renforcement des règles de bonne gouvernance financière, réduisant considérablement les marges de manœuvre des Communautés.
Lors de l’approbation de la loi organique du financement des communautés autonomes (LOFCA) le 22 septembre 1980 sous le gouvernement centriste de l’UCD, le principe de «la parité de structure, de compétences et de financements» donc l’obligation d’équité et de solidarité entre les différentes communautés autonomes avait été posée sur tout le territoire espagnol.
Mais le système de finances publiques de l’Espagne fait que le résultat sur le terrain est un peu différent de la théorie. On peut ainsi parler d’une Espagne à deux vitesses. En effet, les communautés autonomes sont clairement divisées en deux, il y a celles qui sont soumises au régime financier de droit commun et à côté il y a les le Pays Basque et la Communauté de Navarre. Ces deux dernières Communautés, dites forales, bénéficient de particularités juridiques considérables : les foros.
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Les Communautés autonomes soumises au régime financier de droit commun
Le régime financier des communautés autonomes soumises au régime financier de droit commun et leurs revenus ne sont pas clairement définis par la société. Et ce caractère indéfini du principe d’autonomie financière a inéluctablement conféré une liberté considérable pour sa mise en œuvre.
Alors que le premier paragraphe de l’article 157 CE se contente d’énumérer les différentes ressources des Communautés autonomes, le troisième paragraphe précise qu’il sera possible de « réguler [au moyen d’une loi organique] l’exercice des compétences financières énumérées au § 1, […] et les formes possibles de collaboration financière entre les Communautés autonomes et l’État ». Ce n’est donc qu’indirectement que la Constitution habilite le législateur à cerner les contours de l’autonomie financière. En 1980, ce dernier est intervenu pour élaborer la LOFCA, que d’aucuns considèrent comme la « Constitution financière » du système autonomique.
L’une des facettes de l’autonomie de gestion a fait, dès le départ, l’objet de toutes les attentions : le principe selon lequel les ressources autonomiques doivent être suffisantes. Pourtant, la suficiencia de ingresos est expressément exposée à l’article 142 CE… mais ne concerne que les entités locales, pas les Communautés autonomes. La LOFCA a comblé cette lacune, consacrant la suficiencia comme principe autonomique.
Les premiers mécanismes de financement autonomique ont cherché à donner de la substance à ces reconnaissances théoriques. Il s’est agi de trouver les moyens permettant aux Communautés de se financer et, in fine, de donner une certaine « effectivité » au processus de transfert de compétences. Parant au plus pressé, le législateur n’a donc pas cherché à approfondir les prérogatives fiscales « autonomiques », préférant s’en tenir à une logique de financement étatique, de nature à favoriser davantage le consensus.
Cette logique se retrouve tout d’abord lorsqu’il a fallu organiser le financement des entités pré-autonomiques. Ces dernières, établies par décret-loi dès 1977 (en raison de la ferveur des revendications régionalistes), se sont vues transférer des compétences par l’État. D’où la nécessité de trouver des sources de financement.
La loi budgétaire pour 1978 a donc entériné le principe du subventionnement, dont les modalités, non divulguées, ont été arrêtées par des commissions mixtes regroupant des représentants de l’État et des entités pré-autonomiques. Ce système a été reconduit jusqu’en 1981, date à laquelle a débuté la « période transitoire » (1981-1986), censée durer jusqu’à ce que la Communauté ait assumé toutes les compétences figurant dans son statut ou, dans tous les cas, au bout de six ans à compter de l’entrée en vigueur de ce statut.
Au cours de cette période, les versements étatiques, matérialisés par le « pourcentage de participation dans les recettes de l’État » et les impôts cédés aux Communautés par l’État, devaient permettre de financer les services transférés.
Après la période transitoire, vint le moment d’adopter un nouveau système de financement pour les années 1987-1991. Là encore, a prévalu l’idée selon laquelle le centralisme étatique était indispensable pour assurer la suficiencia financiera.
Certes, si la philosophie des deux systèmes de financement ultérieurs ne changea guère, la participation aux ressources étatiques demeurant l’outil nécessaire de financement, quelques modifications ont été apportées. Selon les termes de l’Accord du 7 novembre 1986 du CPFF, l’objectif du nouveau système était de « doter les Communautés des ressources nécessaires pour la prestation des services transférés ».
Était néanmoins prévue, pour 1987-1991, une évaluation annuelle du financement autonomique, en recourant à une pluralité de critères objectifs (la population de la Communauté, l’immigration,…) : la détermination du pourcentage de participation était désormais déconnectée du coût effectif des compétences transférées.
L’Accord garantit toutefois que chaque Communauté devra percevoir un montant de financement qui devra être au moins égal à celui qu’elle percevait au cours de la période transitoire (clause dite du statu quo). Le système de financement pour 1992-1996 s’inscrit dans cette même logique. Si, à partir de 1996, la suficiencia de ingresos a toujours été une préoccupation, les outils nécessaires à cette garantie se sont diversifiés et complexifiés.
À côté de la participation aux ressources de l’État, d’autres sources de financement ont acquis une visibilité certaine, notamment les impôts cédés, qui existaient modestement auparavant, ou encore, dans une moindre mesure, les impôts additionnels aux impôts étatiques.
À compter de 2002, le pourcentage de participation a fait place à un fonds, le fondo de suficiencia global (période 2002-2009). Son rôle est d’autant plus important qu’à partir de 2002, l’État va transférer des compétences en matière de santé aux dix Communautés qui ne les avaient pas revendiquées auparavant. S’est, en parallèle, réalisée une réforme du financement de cette politique, la loi du 27 décembre 2001 l’ayant incluse dans le système de financement général, ce qui n’est pas anodin puisque les dépenses de santé représentent environ 30 % des budgets autonomiques.
Dimension intrinsèque de l’autonomie financière, l’autonomie de gestion a rapidement été consacrée par les textes et la jurisprudence. Mais, alors que ces derniers retenaient une conception limitée de l’autonomie financière, celle-ci s’est enrichie considérablement avec l’avènement de la corresponsabilidad fiscal, spécialement à partir de 1996. Enrichissement qui est le résultat de la pression du nationalisme catalan face à l’opportunisme de certaines communautés.
« Sous la pression des nationalistes catalans, furent introduits les critères de la population et de la dispersion de celle-ci au sein de chaque communauté autonome, de telle sorte que plus le peuplement général et la densité d’une communauté seront élevés, plus elle pourra obtenir des ressources. Non seulement ces nouveaux critères furent introduits, mais le gouvernement catalan mis une pression très forte sur l’État central afin de définir progressivement des mécanismes de coresponsabilité fiscale ».
Aujourd’hui, la corresponsabilidad fiscal est un pilier des nouveaux systèmes de financement autonomique. Elle vient s’ajouter à la préoccupation originelle, la suficiencia de ingresos. Cette consolidation de l’autonomie financière est polymorphe, tant les prérogatives fiscales qui découlent de la corresponsabilidad sont variées.
« Au cours des dernières années, nous sommes passés d’une conception du système de financement autonomique […] subordonnée aux budgets généraux de l’État à une conception […] régie par le principe de corresponsabilidad fiscal ».
Le développement du pouvoir fiscal autonomique est une réaction face aux inconvénients résultant des premiers systèmes de financement. Ceux-ci ont pu être considérés comme « parasitaires » en instaurant une relation de dépendance financière des Communautés autonomes à l’égard de l’État.
Dès l’origine, et jusqu’à la réforme de 1996, les régions se trouvaient dans une situation de grande passivité, se contentant le plus souvent de percevoir les sommes octroyées par le pouvoir étatique. Au début des années 1990, environ 70 % des ressources autonomiques provenaient des transferts budgétaires de l’État sur lesquels les Communautés n’avaient aucun pouvoir. Le chiffre atteignait les alentours de 82 % si l’on décidait d’inclure les transferts alimentant les dépenses sociales.
Certes, les impôts cédés (tributos cedidos) sont rapidement apparus. Mais ils n’étaient au départ pas si éloignés de la technique des dotations, les Communautés n’ayant aucun pouvoir normatif sur eux.
De plus, leur produit étant à l’origine soustrait du coût effectif des transferts, afin d’alléger la contribution de l’État, les Communautés n’étaient guère incitées à les recouvrer avec zèle, évitant par la même occasion d’altérer leur « popularité » auprès des citoyens contribuables… Il n’est dès lors guère étonnant que le système du coût effectif ait, en raison de ses modalités de calcul, renforcé cette tendance à la passivité.
Quant aux impôts établis par les Communautés elles-mêmes (tributos propios), ils ne leur donnaient que peu d’occasions d’utiliser leur pouvoir normatif, de gestion et de recouvrement. Ils ne jouaient pas le rôle qu’on pouvait attendre d’eux. Tout au plus représentaient-ils 0,6 % des ressources autonomiques totales en 1986.
Les créations fiscales autonomiques demeuraient donc peu nombreuses et pas forcément couronnées de succès. Durant la période transitoire, les seules contributions fiscales effectives furent établies par les Communautés de Catalogne et de Murcie (taxes sur le jeu du bingo), alors qu’ailleurs les initiatives se soldèrent par des échecs.
De même, si les Communautés se voient accorder, par la Constitution et la LOFCA originelle, le droit d’établir des impôts additionnels (les recargos) à certains impôts étatiques, elles n’ont que modestement recouru à cette source de financement. Ces recargos étaient pourtant censés leur conférer du pouvoir fiscal car ils avaient, très tôt, été considérés comme un bon moyen d’augmenter la corresponsabilidad fiscal des Communautés et de faire « contrepoids » à la timidité du législateur en matière d’impôts transférés. Le constat est cependant sans appel : ils ne représentent que 0,1 % des ressources autonomiques totales pour la période 1987-1991.
Maintes fois évoquée, au cours des années 1980, par certaines Communautés autonomes, l’idée d’un renforcement de la corresponsabilidad fiscal a acquis davantage de visibilité à compter de 1993 et surtout de 1996.
Elle est aujourd’hui devenue un des fondements du système de financement. Pourtant, le fait d’octroyer davantage de pouvoir fiscal aux Communautés a pu être envisagé avec « beaucoup de précaution et de crainte ». Crainte de voir émerger un pouvoir fiscal concurrent du pouvoir étatique, crainte d’assister à la hausse de la fiscalité et donc au profond mécontentement des contribuables… Si actuellement les impôts transférés aux Communautés, sur lesquels celles-ci ont un réel pouvoir, « constituent la principale ressource » de financement, c’est que les autorités étatiques sont parvenues à reconnaître que la corresponsabilidad est devenue inévitable.
L’épanouissement de l’État des autonomies et le poids des Communautés dans la dépense publique ont fait qu’il était devenu impensable de ne pas leur octroyer davantage de pouvoir fiscal. Ce dernier, qui est par essence un pouvoir politique fondamental, vient naturellement étoffer l’autonomie politique des Communautés. Il leur permet également d’engranger davantage de ressources propres et enfin de les responsabiliser.
Le terme corresponsabilidad (« responsabilité partagée ») permet d’insister sur le comportement de l’État, qui a délibérément accepté d’atténuer son propre pouvoir fiscal en en distribuant une partie aux Communautés. Passant du statut de « récepteurs passifs » de deniers publics, elles sont désormais censées jouer un rôle réel dans le processus décisionnel en matière fiscale. Avec ce pouvoir propre, les Communautés deviennent donc responsables, notamment à l’égard de leurs contribuables.
En reliant étroitement les dépenses aux recettes, la corresponsabilidad fiscal les inciterait à gérer sainement leurs finances, en évitant toute augmentation excessive et injustifiée des dépenses et en bannissant tout gaspillage. Elle permettrait également d’écarter le phénomène d’« illusion financière » par lequel « les citoyens contribuables ne seraient pas conscients du coût des biens et services qu’ils reçoivent ».
En considérant que la corresponsabilidad fiscal était non seulement « l’idée fondamentale » du système de financement pour 1992-1996, mais également un « objectif à atteindre » avec les systèmes ultérieurs, le Tribunal constitutionnel a bien résumé les conditions dans lesquelles celle-ci est apparue. La reconnaissance d’un réel pouvoir fiscal autonomique ne pouvait qu’être progressive.
Conscient qu’il fallait approfondir l’autonomie financière des régions, le Conseil de politique fiscale et financière a chargé un groupe de travail de faire des propositions. Son rapport est venu nourrir de nombreuses réflexions qui aboutirent à un accord du CPFF, le 7 octobre 1993, visant à approfondir la corresponsabilidad fiscal dès les années 1994 et 1995. Approfondir, et non pas instaurer, dès lors que les Communautés ont bénéficié, très tôt, de certaines prérogatives fiscales, notamment de la possibilité de créer leurs propres impôts (droit consacré à l’art. 157, § 1 b) CE) ou encore du pouvoir de recouvrement.
Les avancées qui ressortent de l’Accord de 1993 demeurent particulièrement limitées : il a été seulement décidé que l’État cède aux Communautés 15 % de l’Impôt sur le revenu des personnes physiques (IRPF), mesure prorogée pour 1996. Il s’agit davantage de préparer un futur accroissement du pouvoir normatif en matière fiscale puisqu’il n’a été aucunement question d’octroyer un quelconque pouvoir fiscal aux Communautés sur cette part transférée. Celle-ci vient simplement s’ajouter aux autres impôts transférés et reçus passivement par elles (impôts sur les successions et les donations, taxe sur le jeu, impôt sur les transmissions onéreuses du patrimoine et les actes juridiques notariés).
Ce n’est donc que très progressivement qu’un réel pouvoir fiscal autonomique sera consacré sur les impôts cédés. L’Accord du CPFF du 23 septembre 1996 occupe une place majeure dans ce processus. De nombreuses mesures ont été retenues afin d’approfondir la corresponsabilidad fiscal au moyen des impôts cédés par l’État.
Consacrés par une modification de la LOFCA, ces développements ont été renforcés par les réformes successives du système de financement. Assurément, les derniers systèmes connus, celui pour 2002-2009 et celui en vigueur depuis 2010, participent de la même philosophie : renforcer la place des ressources fiscales sur lesquelles les Communautés ont un réel pouvoir.
L’Accord 1/2009 affiche clairement cette ambition : avec l’application des mesures adoptées, ces impôts devraient représenter désormais plus de 50 % de leurs ressources totales. Cette progression « impressionniste » de la corresponsabilidad fiscal aboutit aujourd’hui à ce que le pouvoir fiscal des régions soit plutôt consistant.
Certes, quelques impôts cédés demeurent des dotations dissimulées, à l’instar de la TVA et des accises sur les alcools, le tabac, dont les parts transférées sont désormais respectivement à 50 % et 58 % ou, encore, de l’impôt sur l’électricité. Cependant, les autres impôts concernés par des cessions donnent lieu à l’expression d’un pouvoir fiscal bien réel.
Cette manifestation est d’autant plus visible que les derniers systèmes se sont, en parallèle, efforcés d’élargir la liste des impôts cédés ainsi que les parts précisément transférées. Les avancées en matière d’IRPF sont éloquentes. Les réformes de 1996, 2001 et 2009 ont augmenté la part laissée aux Communautés, celle-ci passant respectivement à 30 %, 33 %, puis 50 %. À compter du système de 2002-2009, d’autres impôts ont été cédés intégralement par l’État, comme par exemple les impôts sur les immatriculations et sur les ventes d’hydrocarbures au détail.
Le pouvoir fiscal le plus important est, bien entendu, le pouvoir normatif. Il revêt plusieurs formes, qui peuvent être parfois cumulées pour certaines contributions cédées. Il est remarquable que, pour la plupart des impositions concernées, les Communautés puissent modifier leur assiette, leur taux, ou encore les utiliser pour conduire des politiques fiscales à des fins sociales ou économiques.
Le cas des taxes sur les jeux mérite d’être isolé en ce que les Communautés jouissent d’une telle liberté normative que certains les ont considérées comme de véritables ressources propres autonomiques. Le produit généré au sein de chaque territoire autonomique est cédé dans son intégralité à la Communauté concernée.
Selon la LOFCA, les Communautés ont le pouvoir de décider librement des exonérations, du fait générateur, du tarif et des éventuels allégements fiscaux, la détermination de l’assiette relevant quant à elle de l’État. Par ailleurs, elles ont sur d’autres contributions (IRPF, impôts sur les successions/donations) des prérogatives qui, bien que plus encadrées, demeurent consistantes.
Pour ce qui est de l’IRPF, il leur est possible de moduler à la hausse ou à la baisse, dans la limite de 10 %, le « minimum personnel et familial ». De surcroît, elles peuvent, à côté du barème étatique, élaborer leur propre barème, avec des tranches et des taux spécifiques. Elles sont également habilitées à instaurer divers avantages fiscaux pour alléger la charge fiscale de leurs contribuables (déductions pour circonstances familiales, modulation de la déduction fiscale à raison d’investissements concernant l’habitation principale,…).
De même, elles possèdent d’importantes prérogatives en matière de droits de donations/successions : pouvoirs en matière d’assiette, de tarif ou encore de déductions et autres allégements En ce qui concerne d’autres contributions, le pouvoir normatif est moindre. Ainsi de l’impôt sur les immatriculations de certains véhicules au sujet duquel les communautés ne peuvent que moduler à la hausse le taux prévu par les textes étatiques.
Le pouvoir normatif autonomique s’exprime aussi, mais dans une moindre mesure, par le biais des impositions propres établies par les Communautés. Ce pouvoir reste secondaire, dans le sens où les contributions créées sont peu nombreuses et s’avèrent d’une rentabilité modeste. Il leur a néanmoins permis de donner libre champ à leur imagination fiscale, notamment pour établir l’assiette et le tarif de l’imposition.
De nombreuses impositions traduisent ainsi le mouvement de « verdissement » de la fiscalité : impositions sur la pollution atmosphérique (Galice), sur les émissions de gaz dans l’atmosphère (Murcie, Andalousie,…), sur les résidus radioactifs (Andalousie),… Outre la fiscalité écologique, les jeux sont souvent visés par les Communautés, qui n’hésitent pas à créer leurs propres impositions (Galice, Asturies, Murcie,…).
À côté des prérogatives normatives, les compétences autonomiques en matière de gestion (réception et examen des déclarations notamment), d’inspection, de liquidation et de recouvrement des impositions existent, ce qui participe assurément de la corresponsabilidad.
Si, dès l’origine, ces prérogatives avaient été reconnues par la LOFCA pour les impôts propres, celles-ci se sont progressivement étoffées. À ce sujet, certaines Communautés ont fait preuve récemment d’imagination. Les récentes modifications des statuts autonomiques ont conduit à la création d’agences fiscales spécifiques, chargées d’assurer ces missions. Dotées de la personnalité morale, bâties sur le modèle de l’agence fiscale nationale (AEAT), ces entités se retrouvent notamment en Catalogne et en Andalousie.
De plus, dès 1980, le législateur organique, en application de l’article 156, paragraphe 2 CE, prévoyait que ces mêmes prérogatives pouvaient être assurées par les Communautés, par délégation de l’État, au sujet des impôts cédés et des autres impôts étatiques. Les réformes successives du système de financement ont permis de concrétiser ces prérogatives par la mise en œuvre des délégations étatiques nécessaires.
Approfondissant le processus lancé en 2001, la loi 22/2009 opère la délégation pour les impôts totalement cédés aux Communautés (tels les droits de succession et donations, les droits sur la mutation onéreuse du patrimoine, sur les jeux, les immatriculations). Les tâches de gestion déléguées sont nombreuses, mais sont rigoureusement énumérées, ce qui permet de conclure que l’activité de gestion n’est pas entièrement abandonnée par l’État.
Concernant ces mêmes impositions, l’État a délégué un pouvoir de correction de la dette fiscale, intervenant à la suite d’une réclamation du contribuable. En outre, les Communautés sont désormais compétentes, par délégation, pour le recouvrement de ces mêmes impositions. À ce sujet, certains nouveaux statuts ont été rédigés de manière particulièrement audacieuse. C’est le cas du statut de la Catalogne, qui prévoit l’organisation d’une entité (consorcio), au sein de laquelle seraient présents des responsables de l’AEAT étatique et de l’agence fiscale catalane, compétente pour assurer le recouvrement des impôts étatiques non cédés ou partiellement cédés (cas de l’IRPF notamment).
Originellement indéfini, le système de financement autonomique est désormais bien visible. Celui-ci a évolué à plusieurs reprises, notamment pour renforcer l’autonomie financière des Communautés.
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Le régime foral du Pays Basque et la Communauté de Navarre
Ces deux dernières Communautés, dites forales, bénéficient de particularités juridiques considérables : les foros. Trouvant leur origine au Moyen-Âge, Ces foros avaient introduit un système de droit local qui avait pour but d’engendrer des statuts juridiques spécialement applicables « à un lieu défini afin de réguler la vie locale en établissant un ensemble de normes, de privilèges et de droits octroyés par le roi ou le seigneur de la terre considérée, et ce, en concertation avec la population ».
Ils avaient été abolis sous Philippe V, premier roi espagnol de la dynastie des Bourbons lors des décrets de Nueva Planta signés entre 1707 et 1716. Ces décrets avaient engendré « la dissolution de l’organisation territoriale des royaumes de la couronne de Castille et l’annulation des privilèges en vigueur dans ses municipalités, de même que l’abolition des fors des royaumes de la couronne d’Aragon qui avaient pris parti contre lui lors de la guerre de Succession ».
Maisces foros ont ensuite été repris puis conservés dans la Constitution de 1978 et se retrouvent dans le système de financement actuel.
D’une rare complexité, le système en question repose sur un pacte par lequel l’État confère aux entités forales de Navarre et des territoires historiques basquesdes prérogatives fiscales très importantes qui s’exercent sur la quasi-totalitédes impositions espagnoles.
En effet, si elles doivent assurer non seulement leur gestion et leur recouvrement, elles sont également en charge des inspections fiscales. Dès lors, ces collectivités « se trouvent dans une position plus proche de celle d’un pays membre de l’Union européenne que de celle d’entités régionales ».
À l’inverse, l’État se trouve dans une situation très passive : il n’exerce pratiquement aucune prérogative fiscale sur ces territoires et se borne à percevoir une part des recettes transmise par les entités forales au titre des principales impositions. Ce transfert, appelé aportación (Navarre) et cupo (Pays Basque), vise à contribuer au financement des services que l’État offrent aux citoyens résidant sur ces territoires.
Ce régime dérogatoire va à l’encontre du principe de parité posé par la LOFCA qui préconise l’obligation d’équité et de solidarité entre les différentes communautés autonomes. Il donne des prérogatives bien particulières à ces deux régions, ce qui est vécu comme une injustice par les autres Communautés autonomes d’Espagne.
En effet, dans le régime fiscal de droit commun qui est applicable en Catalogne, « le ministère de l’Économie et des Finances collecte l’impôt dans les territoires et reverse aux communautés une partie des recettes. Ce transfert opéré par l’État central représente environ 80 % du budget des communautés autonomes, les 20 % qui restent étant couverts par une série de taxes et d’impôts régionaux. ».
Alors que dans le « regimen foral », c’est le contraire qui se passe « puisque ces deux communautés collectent l’impôt directement pour n’en reverser qu’une partie (cupo au Pays basque, aportación en Navarre) à l’État central. Ce système de « concertation économique » (concierto económico), qui met le Pays basque et la Navarre à part sur l’échiquier territorial espagnol, a été fixé durant la Transition démocratique pour répondre à une revendication de longue date des politiques basques et navarrais qui en faisaient une condition sine qua non au maintien de leurs régions respectives dans l’Espagne ».
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L’affaiblissement du consentement a l’impôt : un détonateur fiscal ?
L’autonomie financière des Communautés autonomes, voulue pour rendre effective la politique de décentralisation bien particulière de l’Etat Espagnole n’a pas vraiment eu les résultats escomptés. En effet, les disparités dans les revenus ont fait apparaître ce que l’on pourrait qualifier de desengaños à propos de « l’état des autonomies dans l’État des autonomies ». Le desengaño, c’est-à-dire la désillusion a été une thématique récurrente dans la littérature espagnole du Siècle d’or.
D’illustres auteurs, tels Luis de Góngora ou María de Zayas, ont dépeint avec force le désenchantement qui affecte le sujet lorsque celui-ci dépasse les apparences du monde et se confronte à une réalité moins onirique. Or ce sentiment peut être partagé, mutatis mutandis, par l’observateur du système autonomique, déçu de son évolution. Certains ont critiqué le découplage entre le degré théoriquement important d’autonomie politique des Communautés, induit par l’État des autonomies, et la réalité, plus nuancée. L’État ayant été conduit, en pratique, à utiliser « largement » ses prérogatives et donc à empiéter sur les compétences autonomiques, l’autonomie qui en ressort peut apparaître « étendue mais de faible qualité ».
L’autonomie financière ne semble pas avoir acquis l’envergure qu’elle devrait posséder au sein du système autonomique. Les sources de desengaños et d’altération du niveau d’autonomie, très nombreuses, ne sauraient toutefois être considérées comme unifromes. Certaines d’entre elles apparaissent inévitables en ce qu’elles sont dictées par l’impérieuse unité de l’État espagnol.
En effet, l’autonomie n’est pas l’indépendance : il est impossible de demander à l’autonomie financière plus qu’elle ne pourrait apporter. Souvent critiqué, récemment durci de façon spectaculaire en raison de la crise économique, l’encadrement étatique de l’autonomie financière est pourtant pleinement compréhensible. À l’inverse, il est d’autres sources d’altération, beaucoup moins acceptables, qui aboutissent à un découplage discutable entre le niveau réel d’autonomie financière et le niveau susceptible d’être attendu dans une organisation comme l’État des autonomies.
L’unité postule la cohérence. Il est donc normal que la Constitution et la LOFCA contiennent des règles qui ont force juridique dans l’Espagne entière et qui s’imposent à toutes les Communautés, limitant par là leur autonomie financière. Parmi elles, les règles de bonne gouvernance financière, substantiellement renforcées depuis peu, doivent être spécialement mentionnées. Sans elles, les différentes autorités publiques espagnoles seraient incitées à poursuivre, à leurs échelons respectifs, leurs propres politiques budgétaires et économiques. Ce manque de cohérence serait de nature à rendre difficiles la lutte contre la crise économique et le respect des exigences européennes liant l’Espagne toute entière. Mais ce qui réduit réellement le consentement à l’impôt c’est la différence de traitement entre les Communautés autonomes, différence que nous avons évoqué plus haut.
Le système fiscal devient alors l’expression d’un profond manquement démocratique : les Communauté Autonomes ne sont pas effectivement considérées d’égales à égales, ce qui opère une fracture entre elles et une désolidarisation avec l’Etat central que l’on accuse de ne pas exprimer dans sa politique et ses initiative la volonté générale.
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La redistribution territoriale
La redistribution fiscale a une fonction principalement altruiste dans la mesure où elle devrait permettre une « répartition équitable des revenus, entre personnes ou entre entités géographiques (régionales ou locales) », une perspective qui permettrait aux individus d’intégrer « dans leur fonction d’utilité des paramètres de solidarité tels que le souhait de réduire l’inégalité de dotation en biens publics entre les individus ».
Dans la théorie, cette idée est rend vraiment compte de l’intérêt de la redistribution territoriale des recettes fiscales, mais dans la pratique, cette approche est particulièrement difficile dans la mesure où « les valeurs individuelles face à la redistribution sont évidemment très hétérogènes et rendent difficile l’émergence de choix collectifs en matière de redistribution. Ainsi, l’aversion pour l’inégalité, variable d’un individu à l’autre, d’une collectivité à l’autre, pourrait ressortir selon les cas de l’un des deux modèles suivants : un fédéralisme de type coopératif qui attribue à l’action publique un rôle de redistribution, ou un régime de type concurrentiel où les choix collectifs émanent de la seule agrégation des utilités individuelles ».
Dans le cas de l’Espagne, qui n’est certes pas un Etat mais qui a un niveau de décentralisation qui s’en rapproche, la redistribution des recettes fiscales est souvent l’objet de critiques assez sévères, surtout dans certaines régions comme la Catalogne. En effet, les questions financières ont été une cause permanente de la lutte entre la Catalogne et l’Espagne. Il ya deux types de base de plaintes financiers. Tout d’abord, beaucoup de critiques est adressée au système de financement du gouvernement catalan; à la fois parce qu’il ne fournit qu’une puissance limitée de décider sur les impôts qui sont payés en Catalogne (faible qualité de la responsabilité fiscale) et aussi parce que le montant reçu est considéré comme insatisfaisant.
Alors que les citoyens catalans font une contribution fiscale par habitant au financement des gouvernements autonomes totaux qui est de 20% supérieur à la moyenne, les ressources disponibles par habitant pour le gouvernement catalan sont autour de la moyenne. La Catalogne est au troisième rang des quinze communautés autonomes en termes de contribution fiscale par habitant et seulement neuvième en termes de ressources autonomes par habitant. Une situation qui est vécue comme une injustice, surtout depuis la crise financière qui touche le pays.
CHAPITRE 2 – ETUDE ET ANALYSE DU MODE D’ÉLABORATION ET DU
DÉROULEMENT DE PROCÉDURES CONSTITUANTES
Nous allons étudier plusieurs ponts dans cette partie de notre travail. Dans un premier temps, il nous faudra voir où en est les constitutions des petits Etats, avant de nous concentrer sur le cas particulier de la Catalogne avec la dernière élaboration du juge Santiago Vidal.
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Les constitutions des petits Etats
Nous allons prendre ici un exemple particulier, celle de la Vallée d’Aoste en Italie qui illustre parfaitement le terme « petits Etats ». Cela va aussi nous permettre d’avoir une idée du devenir des petites Etats dans un Etat Fédéral. Avant de faire un rapprochement avec la Catalogne et les propositions de constitution avancées par les partis indépendantistes qui sont nombreux dans cette Communauté Autonome.
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La vallée d’Aoste, le parrainage monégasque
La vallée d’Aoste est l’une des régions les plus prospères d’Italie. Il s’agit d’une région autonome qui bénéficie d’un statut d’autonomie particulier. Cette région de l’Italie a une histoire bien particulière. C’est la région la plus francophone d’Italie que le régime fasciste avait essayé d’ « italianiser » à l’extrême dans les années 20 : « par la suppression des écoles de hameau, entièrement francophones, par l’instauration de l’usage exclusif de la langue italienne dans les bureaux judiciaires (arrêté royal du 15 octobre 1925, no 1796), par la suppression de l’enseignement du français (arrêté royal du 22 novembre 1925, no 2191), par l’italianisation des toponymes (ordonnance du 22 juillet 1939) ».
Elle a cependant fortement résisté ce qui l’a poussé (avec les autres régions alpines) à adopter le 19 Décembre 1943 à Chivasso la déclaration des représentants des populations alpines, connue sous le nom de « Déclaration de Chivasso » qui visait à revendiquer « La liberté de langue et de culte », liberté qui « peut être exercée et protégée uniquement par des institutions politico-administratives autonomes, autonomes du pouvoir central ».
Cette vision avait poussé les populations alpines à revendiquer « une organisation se fondant sur le fédéralisme, ou au moins largement décentralisée des points de vue politique et administratif de l’État italien », ce qui « est une condition essentielle afin que toutes les régions italiennes puissent se développer spirituellement et économiquement et garantir, par leur développement harmonique, la renaissance de la Nation entière ».
Cette déclaration a été très importante, elle a conduit à l’élaboration du premier décret d’autonomie date du 7 septembre 1945 qui a été promulgué par le Lieutenant général du royaume d’Italie, le prince Humbert II de Savoie. Puis après l’indépendance, la Vallée a pu bénéficier d’un Statut Spécial en 1948 par le biais de la loi constitutionnelle 26 février 1948 n°4.
Vers le début des années 90, l’Union Valdotaine du Conseil régional avait voulu proposer, dans l’optique de la mise en place d’une nouvelle République Italienne, un « projet de constitution fédérale » destiné à améliorer le fonctionnement de l’Etat Italien. La proposition de la forme fédérale pour l’Etat italien a été rejetée par la population lors du référendum de 2006, mais l’idée n’a pas été entièrement abandonnée : la région autonome continue en effet de rechercher une plus grande émancipation vis-à-vis de l’Etat central.
Ainsi qu’il transparait dans les discours de certains officiels, notamment les partenaires politiques de la vallée : « Je mesure toute l’importance du Statut d’autonomie dont vous fêtez, dont nous fêtons ensemble aujourd’hui l’anniversaire. Il constitue la reconnaissance solennelle de votre identité au sein de la République italienne ; et je crois qu’aujourd’hui, au sein d’une Europe en construction et dans un contexte de mondialisation, il s’agit d’un élément tout à fait déterminant. Je voudrais rendre hommage à la détermination du peuple valdôtain et à sa volonté de défendre son identité, qui lui ont permis de se doter d’une organisation dont il peut légitimement être fier. Votre réussite économique est également la preuve éclatante de vos qualités, et j’ai d’ailleurs relevé que le Budget de votre région par habitant était l’équivalent du Budget par habitant de l’Etat monégasque. Ce rapprochement est tout à fait significatif ».
« C’est par une démarche assez similaire dans son esprit que Monaco a souhaité, au cours de ces dernières années, un réexamen en profondeur de ses relations avec la France. Au niveau politique, d’abord, le Traité de 1918, conclu à la fin de la Première Guerre Mondiale et dont les termes étaient devenus obsolètes, a été revu en profondeur. Le nouveau texte, en date du 24 octobre 2002, devrait être ratifié prochainement. Il ouvre notamment la possibilité pour Monaco de développer son réseau diplomatique et de manifester ainsi davantage sa présence au niveau international. Dans le prolongement de cette première négociation aujourd’hui achevée se déroulent des pourparlers destinés à actualiser la Convention franco-monégasque de 1930 sur les emplois publics, l’objectif étant de permettre aux citoyens monégasques, pour autant qu’ils en aient les compétences, d’accéder à la totalité des emplois publics de leur Pays, alors que jusqu’ici certains emplois de la Haute Fonction publique monégasque sont réservés à des Français détachés de leur Administration.
Nous sommes nous aussi très attachés à préserver nos particularismes, dans le cadre des discussions que nous menons en vue de notre adhésion au Conseil de l’Europe. ».
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L’avenir des petites nations dans un Etat fédéral
La notion de « petites nations » est assez difficile à définir. Quel critère prendre en copte en effet, l’étendue de son territoire, sa démographie, ou encore son statut politique?
Pour pouvoir facilement définir la place des petites nations dans les Etats fédérés, il faut d’abord rappeler que lesdites nations sont la base des États moderne mais leur construction pour former un Etat à part entière doit s’accompagner « d’un gigantesque travail pédagogique pour que des pans de plus en plus larges de la population les connaissent, et se reconnaissent en elles ».
Pour l’opinion doctrinale, les petites nations, dans le rapport nécessaire entre l’avènement des nations et le développement du capitalisme, sont trop petites et trop vulnérables pour aspirer au statut d’État-nation et pour rivaliser dans l’espace économique naissant. Elles auraient donc alors en commun un sentiment de vulnérabilité marquant leur devenir politique.
Selon ces opinion, le retour en force des petites nations n’est donc qu’un « phénomène marginal, appelé à disparaître dans le meilleur des cas, mais on serait surtout en présence d’un accident de l’histoire et de mouvements réfractaires à la modernité ».
Le problème dans ces analyses c’est qu’on « confond souvent les petites nations avec leur nationalisme. Entre autres, elles sont présentées comme un tout uniforme et indissociable de l’idéologie souvent projetée par les mouvements nationalistes qui les traversent. Au lieu de les étudier de la même façon que les grandes nations, soit comme des ensembles construits au sein desquels il existe une multiplicité d’acteurs, les petites nations ont été représentées plus en fonction d’un supposé sentiment collectif d’insécurité qu’au regard de leur situation géographique, démographique, voire politique ».
Or dans le cas de la Catalogne, il ne faut pas faire un amalgame entre les deux notions de nation et nationalisme. Tout simplement parce que la nation catalane a une envergure très importante, et que malgré l’atténuation de certains mouvements nationalistes, elle a survécue au point que la question d’une nouvelle constitution pour la Catalogne est réapparue jusqu’à maintenant encore.
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L’élaboration controversée du juge Santiago Vidal
Selon une étude d’opinion réalisées en septembre 2012 et 2013 pour Cadena Ser, « quatre personnes interrogées sur cinq se déclarent favorables à un référendum d’autodétermination. Moins de 15 % d’entre elles s’y opposent. Et ce niveau de soutien à un référendum s’est maintenu tout au long des dernières années. C’est ce qu’atteste le rapport publié par le Conseil consultatif pour la transition nationale créé par le gouvernement catalan et qui regroupe une série d’enquêtes menées sur le long terme par un large éventail de médias et d’instituts de sondage (CATN 2013) ».
Cette volonté indépendantiste traduit la concrétisation de plusieurs décennies de malaise entre l’Espagne et la région autonome de la Catalogne. Malaise traduite du côté espagnole comme « le fait d’une partie qui voudrait se détacher du tout : sur la base d’un tort, réel ou perçu comme tel, causé par la capitale, une province égoïste utiliserait la menace de scission pour exercer un chantage sur l’État central et le contraindre à des concessions allant à l’encontre de l’intérêt général supposé ».
Alors que du côté catalan, « leurs problèmes actuels avec l’Espagne comme n’est que le dernier épisode d’un contentieux vieux de plusieurs siècles et qui oppose deux communautés humaines animées de visions du monde et de cultures politiques différentes – deux réalités nationales que l’histoire a réunies dans un partenariat inéquitable et qui n’ont pu cohabiter harmonieusement ».
Contentieux que la partie catalane avait espérée voir se résorber avec l’adoption de la Constitution Espagnole de 1978, notamment avec l’article qui avait fait la distinction entre « régions » et « nationalités » constitutives de l’État espagnol, qui se réservait seul le titre de « Nation ».
Cependant, les catalans avaient espéré une évolution « vers un principe fédératif, la plupart des dossiers tombant alors sous la juridiction exclusive d’un parlement catalan restauré, et qu’une relation bilatérale serait établie avec l’État central ». Alors que pour « es Espagnols, le principe d’autonomie n’allait pas plus loin qu’une décentralisation partielle de l’administration et la délégation de services onéreux, tels que la santé ou l’éducation. Le gouvernement central garderait le dernier mot pour toutes les décisions importantes, grâce notamment à sa mainmise sur la collecte et l’allocation des recettes budgétaires. ».
C’est cette divergence de vue qui explique que la Catalogne ait choisi aujourd’hui la voie de l’indépendance. Surtout après les réactions plutôt violentes lors de la présentation du nouveau statut d’autonomie en 2006. En effet, bien que Zapatero ait promis son soutien à un nouvel Estatut qu’adopterait le parlement catalan, l’ensemble du pays avait mal accueilli le dit Estatut, et cela avant même que les termes en soient dévoilés. Au motif qu’il s’agissait d’une ruse séparatiste, il a fallu trouver un consensus, il a fallu aux catalans accepter que le parlement espagnol, l’ampute de plusieurs éléments essentiels et adopte avec résignation une version diluée par un référendum.
Aujourd’hui, il n’est plus question de nouveau statut d’autonomie, il est désormais question de constitution et d’indépendance. Un projet de constitution a ainsi vu le jour à la suite d’un travail d’experts.
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Les articles marquants: Une République parlementaire monocamérale et des mandats électoraux limites et révocables, une assemblée constituante de juriste
Il faut dire que le projet de constitution n’a pas fait l’unanimité, que ce soit en dehors ou à l’intérieur de la Catalogne. Mais qu’à cela ne tienne, il a été élaboré, publié et même soumis à la population catalane pour que cette dernière puisse apporter les amendements qu’elle estime nécessaire au texte élaboré par l’assemblée de juriste qui avait formée l’assemblée constituante.
Vers le début de l’année 2014, dix juristes dirigés par le juge Santiago VIDAL s’étaient rassemblés pour penser à une constitution pour la Catalogne, un projet qui signifierait aussi la concrétisation de la volonté de se désolidariser de l’Etat espagnole. Cette information avait été confirmée par le juge Santiago Vidal qui avait bien souligné le fait que le projet était apolitique, issu d’une initiative privée «nous ne travaillons pas pour un fonctionnaire dans la Generalitat ou au Parlement, il ya quelques députés de partis comme CiU, ERC, CUP et ICV, ainsi que des groupes comme l’ANC, Catalunya Sí, et procès constituante qui sont au courant du projet et nous espérons qu’ils vont l’approuver quand nous montrons à eux ».
Le groupe s’était alors entendu pour élaborer un texte court qui formerait moins d’une centaine d’articles. Ce projet de texte avait été ensuite publié sur le web et soumis à la possibilité d’amendement par la population.
Ce projet de constitution avait défini le régime politique du futur Etat indépendant comme une république parlementaire monocamérale (article 2, alinéa 1). Le parlement serait alors le seul détenteur du représentant du peuple souverain de la Catalogne (article 39, 1), composé d’une seule chambre avec 105 députés élus au suffrage universel libre en conformité avec les exigences de la loi électorale (article 39, alinéa 2).
Les membres du parlement auraient été élus pour un mandat de 5 ans, renouvelable seulement une fois. (article 39, alinéa 3).
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Une procédure progressiste
L’élaboration de la constitution catalane a été le fruit d’un processus long et complexe, mais il a aussi été voulu ainsi pour « stimuler la conscience sociale, mobiliser, promouvoir la désobéissance civile et proposer une alternative politique qui défie ceux qui possèdent et monopolisent le pouvoir ».
Cette procédure visait alors à faire participer tous les catalans : « un projet de constitution, rédigé par les citoyens eux-mêmes, de façon démocratique et participative ». Au final, ainsi que nous l’avons vu supra, seuls dix experts participeront à l’élaboration effective du texte, mais ledit texte a été ensuite soumis au vote et aux amendements proposés par la population catalane (voir supra). Ce sont les étapes de cette procédure qui a rendu cette initiative si singulière et progressiste.
Une fois le texte élaboré, un texte déclarant que la Catalogne était libre de décider de son avenir en toute souveraineté avait été soumis et voté au parlement, à la suite de quoi, l’exécutif catalan a initié les préparatifs pour l’organisation d’un référendum en 2014.
Dans le cadre de ce processus, le gouvernement régional a lancé une série d’initiatives politiques : la création un groupe d’experts, le Conseil consultatif pour la transition nationale (CATN), pour examiner les mesures juridiques et institutionnelles nécessaires en vue du référendum ; la constitution d’une vaste plateforme regroupant des organisations de la société civile soutenant le droit d’organiser une consultation et qui réunit à ce jour les principaux syndicats catalans, une grande majorité du secteur privé, de nombreuses associations sociales et civiles, y compris des communautés d’immigrants ; avec le soutien des deux tiers du parlement, l’engagement de fixer une date et de formuler une question pour le référendum qui se tiendra en 2014 ; l’information du gouvernement central sur toutes ces mesures et l’invitation à accepter la tenue du référendum.
DEUXIEME PARTIE – LÉGITIMITÉ ET LÉGALITÉ DU PROJET FACE À LA NORME CONSTITUTIONNELLE ESPAGNOLE : UN ABOUTISSEMENT HISTORIQUE
Comme nous l’avons déjà souligné à maintes reprises dans le cadre de ce travail, la crise qui oppose la Catalogne avec l’Espagne a des origines historiques qui remontent à loin. Pour éviter de faire des redites, nous allons juste rappeler que ces crises à répétitions et les revendications pour une meilleure autonomie de la part des Catalans a abouti à l’élaboration d’un nouvel Estatut qui a fait coulé beaucoup d’encre et notamment celle du tribunal Constitutionnel Espagnole dans son arrêt 31/2010 du 28 juin 2010 sur le nouveau statut de la Catalogne.
Parmi les dispositions composant le nouveau Statut catalan, nombreuses sont celles qui, s’appuyant sur la spécificité du territoire qui, en 1978, a choisi de se constituer en Communauté autonome, entendent consacrer ses éléments distinctifs. Elles le font essentiellement en empruntant deux voies : d’une part, celle de la mention de la nation catalane ; d’autre part, celle de la reconnaissance du statut de la langue catalane.
Avec la nuance propre au contrôle de compatibilité, ces voies ont été fermement encadrées par le Tribunal constitutionnel, qui avait refusé d’attacher une quelconque conséquence à la référence à la nation catalane et exige un équilibre linguistique.
Pourtant, et nous l’avons d’ailleurs déjà rappelé, si l’article 2 de la Constitution du 29 décembre 1978 consacre « l’unité indissoluble de la Nation espagnole », il reconnaît aussi « le droit à l’autonomie des nationalités… », de sorte que son article 143 dispose que celles-ci « pourront accéder à leur autogouvernement et se constituer en Communautés Autonomes ».
Chacune des dix-sept entités territoriales susceptibles de faire ce choix ayant toutes décidé de se constituer en Communauté Autonome dotée d’un Statut, s’est par là même trouvé réalisé ce qu’il est convenu de qualifier d’État des Autonomies. Mais alors, dans ce cadre rapidement mis en place et progressivement perfectionné durant près de trente ans, le recours par le constituant au terme de « nationalités » ne permettait-il pas de concevoir l’unité de l’Espagne selon une formule de « Nation de nations » ?.
Telle était effectivement l’analyse de quelques constitutionnalistes faisant valoir que si elle n’était évidemment pas impliquée de façon nécessaire par l’article 2, elle n’en constituait pas moins l’une des façons d’entendre l’État des Autonomies.
État fondé sur « une conception plurinationale de l’Espagne dans laquelle coexisteraient de façon naturelle des réalités diverses dont le caractère national serait reconnu ». Et sur ce point le doute n’effleurait, ni les formations politiques catalanes majoritaires, ni les juristes qui avaient inspiré le projet de Statut et qui, une fois la sentence connue, persistent dans le sentiment que, « en rapport avec l’autonomie territoriale que consacre et garantit l’article 2 CE, le concept de nationalité peut s’interpréter comme synonyme de celui de réalité nationale ou de nation… », de sorte que « l’article 2 de la Constitution relève aussi d’une lecture en termes d’État plurinational ».
Il n’est donc pas pour surprendre que dans la version approuvée le 30 septembre 2005 par le Parlement de Barcelone, le nouveau Statut ait eu un caractère nationaliste très marqué, avec un article 1er affirmant que « la Catalogne est une nation » et un article 5 d’après lequel « l’autogouvernement de la Catalogne comme Nation se fonde aussi sur les droits historiques du peuple catalan, sur ses institutions séculaires et sur la tradition juridique catalane que le présent Statut incorpore et actualise… ».
Pour l’Etat espagnole et le Tribunal constitutionnel, il n’était pas question de reconnaître cette volonté interprétée comme indépendantiste de la part des constituants catalans. Et le passage devant les Cortés générales et entre le chef du gouvernement de Madrid et le chef de l’opposition catalane, allaient conduire à édulcorer ce dispositif.
En effet, dans le texte finalement adopté et peu après soumis à référendum, l’affirmation de la nation catalane disparaissait de l’article 1er comme de l’article 5 et ne figurait d’ailleurs dans aucun autre des 223 articles de la loi organique du 19 juillet 2006 portant réforme du Statut d’Autonomie de la Catalogne.
Une atteinte significative était ainsi portée à ce que les forces nationalistes et indépendantistes avaient jusqu’au dernier moment (ou plus exactement jusqu’à l’accord secret entre J.-L. Zapatero et A. Mas ) présenté comme une exigence non négociable.
L’Etat espagnole et le Tribunal constitutionnel ont donc refusé jusqu’au bout la reconnaissance de la Catalogne comme une nation avec tout ce que cela devait impliquer au plan juridique, notamment en ce qui concerne le degré d’autonomie de la région qui s’en serait trouvée accrue.
En effet, « la reformulation des compétences attribuées à la Catalogne par le Statut d’Autonomie de 1979 constituait l’un des objectifs centraux du nouveau Statut ». Le but, pour les constituant catalans était de corriger la situation instaurée par la Constitution de 1979 qui ne concédait finalement aux catalans qu’une utonomie de « basse qualité » , en entendant par là une autonomie certes étendue en matière administrative mais très réduite sur le terrain politique.
En d’autres termes, il convenait de faire désormais obstacle à ce que, dans l’exercice de ses propres compétences, l’État puisse empiéter sur celles de la Catalogne et affecter, par là même, sa capacité de décision. À cette fin était mis en place un dispositif consistant à préciser dans le Statut la portée, à la fois fonctionnelle et matérielle, de chacune des compétences de la Communauté Autonome.
Le refus de toutes ces revendications et le toilettage à l’extrême du nouveau statut en 2006 avait alors donné du grain à moudre aux partis indépendantistes qui n’avaient eu de cesse de rappeler dès lors les enjeux qu’il y avait dans la séparation avec l’Etat central.
Cette séparation avait alors été présentée comme la concrétisation du droit à l’autodétermination des peuples. Un droit qui, selon ces partis, devaient être exercés sans peur ni réticence en ce qui concerne les difficultés économique et peut-être aussi sécuritaires qu’elle pouvait engendrer dans la mesure où d’autre modèle d’Etats sans armée avaient déjà porté le fruit. De plus la capacité de la Catalogne à exercer ses compétences en dehors du cadre espagnole n’était plus à prouver.
Chapitre I : ENTRE LE CONCEPT D’AUTO-DÉTERMINATION ET LE DROIT DE DÉCIDER :
Le concept de l’autodétermination est reconnu par le droit international public où il est reconnu que « Tous les peuples ont le droit de disposer d’eux-mêmes. En vertu de ce droit, ils déterminent librement leur statut politique et assurent librement leur développement économique, social et culturel ». Mais cette reconnaissance ne signifie pas qu’il n’y ait pas de difficultés sérieuses dans la mise en œuvre du concept.
L’imprécision, l’extrême capacité de destruction du principe, ainsi qu’une pratique jugée trop discriminatoire ont longtemps fait penser que le droit des peuples n’était pas un droit véritable, qu’il ne faisait pas partie des règles et des principes du droit international ; qu’il appartenait à l’univers du politique et n’était qu’une idée-force. Mais ses partisans ne se sont pas contentés de la puissance politique de l’idée. Ils ont mené un véritable combat pour l’établir dans le droit international. Cette lutte a été victorieuse.
Il n’est plus contesté que le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes fait partie du droit international. Restent, dans la doctrine, des nuances – faut-il parler d’un droit ou plutôt d’un principe – ou des divergences sur le rang du principe. Certains auteurs pensent qu’il s’agit d’un principe fondamental, voire du principe fondamental du droit international contemporain, d’autres d’un principe second par rapport au principe d’intégrité territoriale. L’idée que le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes fait partie du jus cogens n’emporte pas non plus une adhésion générale.
Cependant, malgré la décolonisation, malgré la nouvelle avancée qu’il vient de réaliser en Europe après la fin de la guerre froide, le droit des peuples est trop en décalage, par rapport à beaucoup de traits de la société internationale actuelle, pour être un principe accepté sans réticences et surtout un principe bien construit.
Trop précis, il perdrait d’ailleurs de sa force. Même s’il est évident que fort peu de peuples sont en situation de se voir reconnaître actuellement le droit d’accéder à l’indépendance, il doit être et rester le droit de « tous » les peuples. Le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes est avant tout un principe de revendication et de combat et l’on peut se demander s’il n’est pas, par nature, largement rebelle à une véritable construction en droit positif.
Le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes a un « contenu multiple ». À partir de racines communes, il se compose de plusieurs droits différents, voire opposés, destinés à régir des situations distinctes.
Dans la pratique internationale postérieure à la Seconde Guerre mondiale, on distinguera : le droit des « peuples » d’accéder à l’indépendance, le droit des peuples constitués en États à une souveraineté « véritable », le droit à la réunification et le droit à un régime démocratique. Aucun de ces droits n’est vraiment nouveau ; ils ont tous été proclamés antérieurement. Mais la pratique internationale récente a enrichi la notion du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes.
Et d’ailleurs, dans le droit international contemporain, l’effondrement du communisme dans les années 90 a produit la dislocation des grandes fédérations socialistes comme l’Union soviétique, la Tchécoslovaquie et bien évidemment la Yougoslavie. Effondrement qui avait conduit les populations et les nations qui constituaient ces fédérations à réclamer elle aussi leur droit à l’autodétermination pour pouvoir vivre librement leur identité culturelle, et à se prendre en charge tel un Etat-nation à part entière. C’est également ce que demande la population catalane.
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Primauté du droit conventionnel international sur le droit interne espagnol
Les catalans, en vertu du droit des peuples à l’autodétermination ont donc revendiqué le droit de pouvoir décider par eux-mêmes à rester ou non une région autonome au sein de l’Etat espagnole.
Or le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes est inscrit dans de nombreux instruments internationaux. Parmi ceux-ci, on doit d’abord mentionner la Charte des Nations unies (art. 1er, § 2, art. 55 et égal. chap. XI et XII ; JO 13 janv. 1946) et les deux Pactes internationaux relatifs aux droits de l’Homme du 16 décembre 1966.
Il figure également dans plusieurs déclarations célèbres de l’assemblée générale des Nations unies, notamment : la « Déclaration sur l’octroi de l’indépendance aux pays et aux peuples coloniaux » (résolution 1514 [XV], 14 déc. 1960), la « Déclaration sur les principes du droit international touchant les relations amicales et la coopération entre États… » (résolution 2625 [XXV], 24 oct. 1970) et la « Souveraineté permanente sur les ressources naturelles » (résolution 1803 [XVII], adoptée le 14 déc. 1962).
Il a aussi été abordé par la Cour internationale de justice (CIJ) dans ses avis sur la Namibie (CIJ, AC 21 juin 1971, Rec. CIJ, p. 16) sur le Sahara-Occidental (CIJ, AC 16 oct. 1975, Rec. CIJ, p. 12), dans ses arrêts dans les affaires du différend frontalier (CIJ, 22 déc. 1986, Burkina Faso/République du Mali, Rec. CIJ, p. 554) et du Timor oriental (CIJ, 30 juin 1995, Portugal c/ Australie, Rec. CIJ § 29), et par le Tribunal arbitral pour la détermination de la frontière maritime Guinée-Bissau/Sénégal (Sent. arb., 31 juill. 1989, RGDI publ. 1990. 204). En Afrique, on le trouve dans le préambule de la Charte de l’Organisation de l’unité africaine (OUA) de 1963 et dans la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples (27 juin 1981).
En Europe, il figure dans l’Acte final d’Helsinki au principe VIII du « Décalogue » et dans le « Traité portant règlement définitif concernant l’Allemagne » (1990). En outre la Commission d’arbitrage de la Conférence pour la paix en Yougoslavie l’a évoqué à plusieurs reprises dans ses avis (Comm. arb. Yougoslavie, avis no 1, 29 sept. 1991, dissolution de la Yougoslavie, no 2, 11 janv. 1992, minorités serbes en Bosnie-Herzégovine et en Croatie, no 3, 11 janv. 1992, frontières, RGDI publ. 1992. 264 et s.). L’interprétation des instruments conventionnels et des résolutions cités est généralement rendue difficile par leur rédaction et par la diversité des sens du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes.
Il a encore été récemment invoqué dans un cas très similaire à celui de la Catalogne, le cas de l’Ecosse qui avait demandé à user de ce droit pour savoir si elle allait rester ou non dans la Grande Bretagne.
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Un retour à la souveraineté populaire: La lettre et l’esprit des normes historiques /des Usages de Barcelone
Les constituants catalans avaient alors décidé de se tourner vers la souveraineté populaire qui avait longtemps été le régime prédominant dans l’histoire politique de l’Espagne et ses régions autonomes.
Pour eux la nation, les symboles régionaux, le fondement de l’autonomie, les trois thèmes, à forte charge politique, que le nouveau Statut entendait, déjà traiter en 2006 devaient revenir au devant de la scène. La vigueur des débats que l’inclusion de telles notions dans un statut d’autonomie a pu suscité dans le passé n’avait pas découragé les partis indépendantistes et les constituants, déterminés dans leur souhait d’élaborer un projet solide.
Il s’agit là d’éléments renvoyant non seulement à l’identité de la Communauté autonome mais aussi à son insertion au sein de l’État espagnol, et qui portent sur le fondement du droit à l’autonomie, et qui dans la réalité ne s’éloignait pas tellement du modèle conçu au niveau étatique et semblait même en constituer l’aboutissement final, la concrétisation ultime du régime d’autonomie.
En effet, en 1978, les Communautés autonomes ne sont pas créées directement par le texte constitutionnel puisque cette tâche est confiée aux populations qui les habitent : ce sont elles qui seront à l’origine de l’initiative de l’adoption des statuts d’autonomie, normes institutionnelles de base des Communautés autonomes qu’ils créent, en même temps qu’ils déterminent la position qu’occupe chaque Communauté au sein de l’État. L’État des autonomies fait donc surgir les nationalités et les régions pour en faire des acteurs majeurs du processus de configuration territoriale de l’État.
C’est cela que les constituant et la population catalane ont voulu à l’occasion de l’adoption du Statut de 2006, qui en tire les conséquences en intégrant des références tant à la nation catalane qu’aux droits historiques du peuple et des citoyens de la Catalogne, dont il consacre les symboles « nationaux ». Mais c’est aussi ce que le Tribunal constitutionnel avait refusé, celui-ci livrant des interprétations qui affectent directement toutes ces notions, allant parfois, mais trop rarement aux yeux de certains commentateurs, jusqu’à la censure.
Ainsi avait-il déjà jugé que les références à la Catalogne en tant que nation, mais aussi à la réalité nationale de la Catalogne, sont dépourvues d’effet juridique, tandis qu’il procède à l’interprétation conforme de l’article 5 du Statut qui vise « les droits historiques du peuple catalan » mais aussi de l’utilisation de l’adjectif « national » à propos des symboles de la Catalogne.
Plus précisément, du fait de la reprise de l’essentiel des déclarations du préambule par les premiers articles du Statut, c’est à l’occasion de l’examen de ces derniers que le juge constitutionnel choisit d’envisager le contenu du premier. Il procède alors à une véritable relecture des articles contestés, n’hésitant pas à « forcer » leur sens, au point de transformer parfois clairement l’acception que les auteurs du Statut entendaient leur attribuer.
Pourtant cette souveraineté populaire déjà bien ancré dans la Constitution espagnole (même si sujette à beaucoup d’interprétations parfois divergentes), s’inscrit également dans l’esprit des normes historiques et des usages de Barcelone qui constituent aujourd’hui encore une source très importante du droit catalan.
Dans cette optique, et tenant compte du fait que le droit international public est en principe placé au-dessus du droit national espagnole dans la hiérarchie des normes juridiques, le droit du peuple catalan à l’autodétermination et à se constituer en Etat indépendant à part entière ne devrait plus être sujet à discussion.
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Des accords entre comtes-rois et les Corts : une compilation de lois
Les accords entre comtes-rois et les Cortes est une tradition juridique qui remonte très loin dans l’histoire institutionnelle de la Catalogne. C’est la Cour Générale qui se réunit à Barcelone à la demande de Pierre II le Grand à la fin de l’année 1283, qui en avait été le point de départ. Les prélats, les nobles et les représentants des villages et des villes de la Principauté avaient en effet tiré profit de la situation délicate dans laquelle le monarque se trouvait pour obtenir du souverain qu’il ne prenne aucune décision, n’édicte aucune loi qui aurait des conséquences importantes sur la vie des catalans sans passer par eux au préalable.
Il s’agissait donc pour les constituants de reprendre cette tradition dans la procédure législative catalane, de transposer le modèle dans la règlementation des relations entre l’Etat espagnole et la région autonome.
Notons que dans le modèle historique, cette nouvelle forme de législation avait permis que les lois émanent uniquement de l’assemblée des comte-roi et représentants de la société. « Malgré cela, une grande partie de la législation antérieure fut adoptée dans des assemblées postérieures à 1283 et devint une partie à part entière du système juridique catalan ».
C’est donc exactement ce modèle qui devrait être transposé dans le nouveau droit catalan, et toutes les lois qui ont été édictées avant la constitution du corts catalan dans le cadre de la nouvelle constitution feraient l’objet d’une reprise pour une transition moins brusque vers la nationalisation.
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La place de la norme européenne
Dans une nouvelle constitution Catalane, la norme européenne aurait parfaitement sa place, dans le sens où l’indépendance vis-à-vis de l’Espagne ne signifiera pas sortie de l’Union Européenne et cela d’autant plus que la Catalogne en tant que communauté a déjà obtenue une forme de reconnaissance dans la possibilité qui lui est reconnue d’avoir un droit d’accès aux juridictions communautaires, au même titre que l’Etat : « la Généralité participe, selon les termes établis par le présent Statut et la législation de l’État, aux questions relatives à l’Union européenne qui concernent les compétences ou les intérêts de la Catalogne ».
Ces quelques mots, entamant de manière tranchante l’article 191 § 1er du nouveau Statut d’autonomie de la Catalogne, apportent un écho complémentaire à la place éminente désormais reconnue par les États aux entités infra-étatiques dans le contentieux communautaire. Ce Statut d’autonomie est large quant aux velléités européennes de cette région catalane et les attributions qu’il lui confère sont, dans une grande partie, conformes à celles reconnues au niveau européen aux régions dotées d’un pouvoir législatif réel. Cependant, et il s’agit là d’un point dépassant les attributions normalement reconnues à une entité infra-étatique, ce texte lui accorde, dans ce cadre, l’opportunité de saisir directement la Cour de justice.
Il est vrai que les termes de l’article 191 § 1er n’expriment pas explicitement l’attribution au Gouvernement catalan d’un droit de saisine directe des juridictions communautaires. Cela dit, la lecture combinée de ce premier paragraphe et de ceux qui suivent permet d’aboutir à une telle conclusion dans la mesure où ces derniers sont sans ambiguïtés quant à la possibilité conférée à la Généralité de saisir le juge européen de manière indirecte, autrement dit par le biais de l’État espagnol.
L’imprécision du paragraphe liminaire doit donc être interprétée comme conférant aux autorités catalanes un droit général de saisine des juridictions communautaires. Les statuts d’autonomie ayant la qualité de lois organiques, ces textes expriment donc la volonté du législateur espagnol. De la généralité ainsi avancée, il convient d’en extraire l’attribution, au profit de cette Communauté autonome, d’un droit direct d’accès à la Cour de justice.
D’ailleurs, le projet de Statut prévoyait l’introduction de cet adjectif au sein de l’article 191. Son paragraphe premier, édictant alors que « La Généralité bénéficie d’un accès direct auprès de la Cour de justice de l’Union européenne […] » , aurait donc eu une consistance tout autre. La suppression de ce terme, censée écarter les risques de polémique, n’a malgré tout pas eu l’effet escompté.
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L’optique fédérale
Les normes européennes s’articuleraient parfaitement bien à la constitution catalane dans la mesure où l’Union avait été construite dans une optique qui visaient une intégration effective de chaque Etat-Nation et ne pas seulement se contenter « combiner l’intergouvernemental et le communautaire réduit à l’économique et au monétaire ».
Les penseurs de l’Union ont ainsi adopté la démarche fédérale qui était la seule à pouvoir « concilier la transparence, le contrôle démocratique et de recourir à la participation des citoyens ».
Il s’agit là d’une optique particulièrement séduisante pour les constituants catalans pour qui l’émancipation nationale et l’aspiration à l’intégration européenne vont de paire. En effet, ils voient « dans l’Europe un allié dans la reconnaissance de leur identité. La politique régionale – dont le FEDER constitue le fer de lance –, le Comité des Régions – qui depuis 1994 donne une vitrine institutionnelle aux régions d’Europe – ou la Charte européenne des langues régionales et minoritaires négociée sous l’égide du Conseil de l’Europe sont autant d’indices de la sollicitude des instances européennes à l’égard des aspirations régionalistes ».
« Sans oublier que L’Europe constitue également un cadre rassurant qui leur épargnera les risques d’une indépendance mal préparée. Aux électeurs qui redouteraient d’être abandonnés à eux-mêmes une fois brisées les chaînes de la domination de Madrid, les indépendantistes de Barcelone font miroiter la tutelle bienveillante et lointaine de l’Europe des régions ».
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Une réalité identitaire
Dans un Etat unitaire comme la France par exemple, sans aucunement nier l’existence encore moins la légitimité des entités identitaires infranationales, « l’homme concret de l’espace économique ne doit pas être considéré comme l’homme abstrait du droit de la citoyenneté ». Dans ce genre de régime, d’aucun s’accorde à dire que « Le principe de toute souveraineté réside essentiellement dans la nation. Nul corps, nul individu ne peut exercer d’autorité qui n’en émane expressément ».
Mais dans un Etat à fort tendance comme l’Espagne, il s’avère que le classicisme juridique évoqué paraît aujourd’hui dépassé, le « différencialisme », le particularisme devenant nolens volens le fondement d’une normativité juridique renouvelée et d’un contrat social recomposé.
La société postmoderne en crise n’est plus constituée d’une juxtaposition de groupes infranationaux dont seules les composantes individuelles sont titulaires de droits mais de groupes autonomiques eux-mêmes titulaires de droits collectifs. Cette marche vers un morcellement des statuts juridiques produit une inversion du mécanisme normatif qui ne structure plus la société par un mouvement descendant (des autorités publiques vers les individus) traduisant une dynamique de moralité publique et d’ordre public.
L’Etat-nation se « balkanise », « s’ethnicise », pour devenir un « Etat groupusculaire » pris entre un peuple européen en devenir (qui reste pour le moment largement factice et introuvable) et des groupes infranationaux prodigues en revendications, des communautés aux identités territoriales, ethniques, culturelles, linguistiques, politiques, sociales ou sexuelles diversifiées distincts du peuple national.
Il perd son monopole de détermination et de sauvegarde de l’intérêt général qu’il ne peut désormais plus opposer aux intérêts groupusculaires, au risque d’altérer les libertés publiques. Il n’est plus en mesure d’assumer son apport qui fut selon Jürgen Habermas « de résoudre d’un seul coup deux problèmes : en créant un nouveau mode de légitimation, il a rendu possible un nouveau type plus abstrait d’intégration sociale ».
Et l’aboutissement de cet état groupusculaire semble être la séparation dans le cas de la Catalogne dont la capacité législative a été largement éprouvée au cours de ces années d’autonomie depuis l’entrée en vigueur de la constitution de 1979.
Chapitre 2 – Un Etat sans armée
Si la volonté indépendantiste des catalans se concrétise enfin, il est claire que le jeune Etat nouvellement indépendant devra faire face à la gageure qui sera celui d’un Etat sans armée. Or dans la conception européenne, la défense et donc l’armée est le bastion de la souveraineté, la défense est l’emblème même de la souveraineté de la nation. Comment dans ce cas la Catalogne va gérer l’absence d’armée ? Car les régions autonomes espagnoles en sont évidement dépourvues.
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Le Costa Rica
S’inspirer du modèle du Costa Rica est le premier pas pour gérer cette absence. Là où éclatent les conflits armés existe toujours un lien étroit entre ceux-ci et le manque radical ou la répartition inéquitable des ressources indispensables à l’existence.
Dans de nombreux endroits du monde, il est difficile de se procurer ces conditions normales que sont l’eau potable, les sols cultivables, un salaire suffisant. Lorsqu’une élite s’y octroie la plus grande part des faibles ressources disponibles, pauvreté, inégalité et violations des droits humains vont ensemble.
Le Costa Rica, quant à lui, avait déjà initié le mouvement au sortir du second conflit mondial. On parle peu du Costa Rica dans les journaux ou dans les médias occidentaux. Il a fallu l’attribution du prix Nobel de la paix à son président Oscar Arias en 1987 pour que le monde se souvienne de l’existence de la «Suisse de l’Amérique centrale». Ce petit pays n’a pas connu de coup d’état militaire depuis 1947 et le taux de chômage y est souvent le plus bas d’Amérique latine.
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Des investissements dans l’éducation et la sante
Nous savons que pour que la démocratie fonctionne sur le long terme, il faut davantage à un peuple que des droits de principe et des consultations électorales ponctuelles: une culture politique démocratique est indispensable permettant au peuple et aux partis politiques de tolérer la polémique et la défaite sans recours à la violence.
Les gouvernants successifs du Costa Rica ont ainsi très tôt compris que la stabilité institutionnelle passait par l’éducation civique (le vote est obligatoire au Costa Rica à partir de 18 ans), l’éducation générale et la culture des esprits. Dès 1885, à l’époque même des lois Jules Ferry en France, l’enseignement primaire devient gratuit et obligatoire et des écoles sont créées dans tout le pays.
Aujourd’hui, le nombre des instituteurs et professeurs et la vigueur de leurs institutions représentatives témoignent encore de l’intérêt voué à l’éducation. Cet essor de la scolarisation a sans conteste favorisé la diffusion et la permanence des idées démocratiques. Rappelons une citation de M. Arias, mainte fois reprise : « Certains pensent que nous sommes vulnérables parce que nous n’avons pas d’armée. C’est exactement le contraire. C’est parce que nous n’avons pas d’armée que nous sommes forts». Stabilité constitutionnelle et foncière font du Costa Rica un pays à part en Amérique latine, où la sûreté et la paix ne sont pas de simples pétitions de principe.
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Spécificité des Etats sans armée
Le Costa Rica présente l’originalité d’avoir aboli la peine de mort et surtout l’armée comme institution permanente dès 1948 puis proclamé sa «neutralité perpétuelle» en 1983, dans une Amérique latine marquée depuis cinquante ans de l’empreinte des régimes autoritaires.
Au niveau international, le Costa Rica a très tôt affirmé sa volonté de promouvoir les droits humains en ratifiant rapidement les textes internationaux protecteurs des droits fondamentaux et en participant activement aux négociations de paix en Amérique centrale. Les différents pactes et conventions garantissant le droit à la sûreté de la personne et à la protection de l’État ont été ratifiés .
Cette vocation pacifique est remarquable dans une région où les guerres ont fait depuis un quart de siècle plus de 200.000 morts ainsi que plusieurs millions de réfugiés et déplacés civils, du fait des déportations, des massacres et des bombardements. Elle puise son originalité dans son histoire et sa conception particulière de la démocratie «à la tica» (surnom désignant le peuple costaricain).
L’héritage libéral légué par les cafetaleros s’est manifesté par une approche originale des rapports de force et par la promotion de l’éducation civique. En 1948, après la victoire aux élections présidentielles, marquée par de nombreuses fraudes, d’Otilio Ulate, le président sortant Picado refuse de transmettre ses pouvoirs. Cette attitude déclenche une guerre civile qui provoque un millier de morts.
Un chef populaire José Figueres, leader du parti de libération nationale, prend alors le parti d’Ulate et accède au pouvoir à la tête d’un junte révolutionnaire provisoire qui gouverne pendant un an et demi et impose de profondes réformes aux institutions : la Constitution adoptée en 1949 comporte l’abolition de l’armée en tant qu’institution permanente, le transfert de son budget au ministère de l’Éducation nationale et la transformation des casernes en musées des Beaux-Arts.
Après la guerre civile de 1948, les vainqueurs ont voulu éviter qu’un autre groupe organisé ne vienne leur disputer le pouvoir en inscrivant à l’article 12 de la Constitution: «L’armée est interdite en tant qu’institution permanente». L’absence d’armée au Costa Rica depuis 1949 est un cas tout à fait isolé, tant les années 70 en Amérique latine ont été marquées par les régimes militaires soutenus par les États-Unis, alors en pleine lutte anti-communiste.
Pour réussir son paris donc, la Catalogne devra beaucoup miser sur un système de l’éducation et un système de la santé forts qui puissent assurer une justice sociale effective à sa population et peut-être à terme s’inscrire dans l’exemple costaricain qui grâce à l’enracinement de ses valeurs dans ces convictions pacifiques est parvenu non seulement à faire preuve d’autonomie politique face à la puissante Amérique, engagée dans une guerre froide avec son homologue soviétique, en avançant une politique de « neutralité active», mais encore à initier un processus de pacification de la région par la politique et non plus par la violence.
Ce qui n’est pas sans incidence économique. En effet les conflits centre-américains constituaient un abîme économique : depuis les années 1970, l’écart entre les riches et les pauvres grandissait de façon rapide et forte. Les échecs des économies voisines ainsi que du Marché commun de l’Amérique centrale a diminué drastiquement l’investissement étranger dans l’économie costaricaine et contribué au manque de croissance de son économie. Ce contexte a poussé le gouvernement du Costa Rica à s’investir dans la pacification des pays voisins.
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La Catalogne sud
Le terme Catalogne sud est utilisé par la partie française de la catalogne pour désigner la communauté autonome de l’Espagne.
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Le contrat de défense française
En matière de défense, c’est surtout l’Etat espagnole qui entretien des relations avec la France. « La France et l’Espagne réaffirment leur entente totale sur les questions relevant de l’Intérieur, la coordination de leurs positions dans les forums bilatéraux, européens et régionaux, et l’établissement de compromis opérationnels dont l’objectif est l’obtention de résultats concrets, à réviser périodiquement ».
« Nos deux pays soulignent en particulier que la lutte contre le terrorisme de l’ETA est un exemple unique au monde et très remarquable de coopération bilatérale. Les deux États partagent les mêmes objectifs et la même politique par rapport au terrorisme de l’ETA et à son éradication ».
« Nos deux gouvernements confirment leur volonté de renforcer davantage encore leur coopération en matière de lutte contre le trafic de stupéfiants, afin que celle-ci atteigne le même niveau que celui atteint en matière de lutte anti-terroriste. Dans cette perspective, la France et l’Espagne ont établi un bilan du Plan d’action triennal de lutte contre le trafic illicite de stupéfiants, un an après sa signature lors du sommet bilatéral de Paris, le 10 octobre 2012. Les résultats atteints, hautement satisfaisants, ont pour objectif ambitieux d’éliminer ce trafic dans un délai de trois ans, par le biais d’une forte pression opérationnelle sur les réseaux et les canaux d’approvisionnement des stupéfiants ».
« La France et l’Espagne travaillent étroitement ensemble sur les questions liées à la lutte contre l’immigration irrégulière et au développement de l’action européenne dans ce domaine ».
Mais ce sont des points qui pourraient également profiter à la Catalogne dans le futur si l’indépendance venait à se concrétiser.
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Les avantages transfrontaliers réciproques
D’une manière générale, l’Espagne est tournée vers les échanges commerciaux européens. Ses principaux clients sont la France (18,3 %) et l’Allemagne (10,5 %). En 2008, les revenus générés par les exportations de la France vers l’Espagne s’élevaient à 34,1 milliards d’euros, et 31 milliards d’euros pour l’importation. Le tourisme tient aussi une place particulière dans les relations franco-espagnoles. En effet, chacun des deux pays constitue la première destination des touristes de l’autre. Comme la Catalogne partage une frontière commune avec la France, c’est la première région à bénéficier de cette relation.
Parler de coopérations transfrontalières serait plus juste dans ce dernier car, car c’est ce qui illustre le plus clairement ces avantages réciproques et elles s’inscrivent dans la stratégie européenne.
Le programme Interreg consacre les formules de coopération territoriale pour la mise en œuvre de multiples projets locaux. Il apparaît comme un véritable moteur de constitution des territoires de demain. Des Eurorégions se sont créées sur la base d’Interreg, dont plusieurs mutualisent leurs compétences patrimoniales et culturelles.
Ces Eurorégions sont souvent des organismes de droit public basés sur des accords de coopération entre collectivités territoriales de part et d’autre des frontières nationales. Elles s’unissent pour lancer des appels d’offres sur des programmes spécifiques et délivrent des labels aux lauréats. Un exemple récent : L’Eurorégion Pyrénées-Méditerranée regroupe actuellement 4 régions : Catalogne, Baléares, Languedoc-Roussillon, et Midi-Pyrénées. Elles ont ensemble élaboré un programme « culture eurorégion 2011 » et viennent de lancer un label commun.
Pour le moment, leurs formules juridiques de gestion restent diverses, mais l’Union européenne leur construit un nouveau statut, le Groupement européen de collectivités territoriales – GECT – qui leur permettra d’emprunter à terme la même forme et d’y trouver de nouvelles ressources comme de nouvelles formes de gouvernance territoriales. On notera avec intérêt que la loi de décembre 2010 portant réforme des collectivités territoriales déjà commentée prévoit expressément la capacité pour un pôle métropolitain d’entrer dans un GECT.
Bien sûr ces coopérations, contrats, labels, et formules à venir de coopération territoriale ne remplacent pas les collectivités territoriales dites de base, seules détentrices de la capacité légale et de la légitimité démocratique pour lever les impôts et adopter les stratégies politiques qui guident le développement de leurs territoires et le destin de leurs habitants. Il est simplement question ici de constater l’ampleur des solutions mises en œuvre pour mutualiser les projets locaux, comme la sophistication foisonnante des modes de gestion de ces futurs territoires des politiques locales.
Or, la culture y figure en bonne place, dans sa valeur patrimoniale, porteuse d’identification et de capacité de rayonnement, mais également comme moteur d’un développement économique, prometteur d’avenir. Les financements de ces projets relèvent encore aujourd’hui des budgets des collectivités territoriales. Mais ils entrent de plain-pied dans les fonds structurels, et demain constitués en GECT, ces structures détiendront de fortes capacités d’intervention.
Le constat est donc que les territoires historiques épousent de nouveaux périmètres de développement.
Conclusion
Au vu de ce long développement, nous pouvons donc conclure que la volonté d’indépendance de la Catalogne a une origine à la fois historique, politique, économique et fiscale. La volonté indépendantiste a toujours été présente chez la population catalane mais elle a été exacerbée ces dernières années par la grave crise économique traversée par le pays et les scandales de corruptions qui entachent le gouvernement espagnole.
Cependant, le dernier référendum organisé pour l’autodetermination des catalans n’a pas apporté les résultats escompté. La raison en est simple : c’est que si le droit international reconnaît le droit à l’autodetermination, il ne reconnait pas la sécession. C’est un principe qui a vu le jour en même temps que le principe lui-même.
A l’époque, tous s’étaient accordés sur le fait qu’il faut s’en tenir à l’intangibilité des frontières sous peine de sombrer dans le chaos des conflits ethniques et de ruiner toutes les chances offertes par la décolonisation.
La vague d’indépendances que vient de connaître l’Europe, au début des années 1990, ne marque pas un revirement de la pratique internationale et l’acceptation d’un droit de sécession. La sécession implique qu’une partie se sépare du restant d’un État.
Or ce n’est pas ce qui s’est passé en URSS, en Yougoslavie ou en Tchécoslovaquie. Le principe d’autodétermination est bien chaque fois en cause mais du point de vue juridique et politique, on se trouve dans ces trois cas au-delà de la sécession, en face d’un processus d’éclatement, de dissolution de l’État.
L’attaque contre l’État est plus grave encore qu’à l’ordinaire et celui-ci ne résiste pas comme le fait normalement un État qui s’affronte à la sécession. Il faut souligner aussi que les autres États n’ont pas cherché à provoquer ou à accélérer ce processus et que leur position est au contraire fermement négative en face de la sécession dans les États qui viennent d’accéder à l’indépendance (réactions internationales concernant la Tchétchénie, la Krajina et les Serbes de Bosnie).
Si on doit citer, dans la pratique internationale récente, un élément susceptible de constituer un précédent en faveur de l’admission du droit de sécession, ce n’est pas en Europe mais au Canada qu’il faut le chercher. Les autorités canadiennes ont, en effet, laissé se dérouler, au début du mois d’octobre 1995, la consultation populaire sur l’indépendance du Québec. Cependant, le « non » l’ayant emporté, le précédent n’est pas entièrement constitué ; il manque la partie concernant la mise en œuvre d’un résultat favorable à l’indépendance.
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- https://www.google.mg/url?sa=t&rct=j&q=&esrc=s&source=web&cd=4&cad=rja&uact=8&ved=0CC8QFjAD&url=http%3A%2F%2Fdiscours.vie-publique.fr%2Fnotices%2F152000991.html&ei=45qBVYLlNafjywPMnoKADA&usg=AFQjCNHFGn4aAhHbhI6yt_tLfm5pBqxR5w&sig2=5b13124N9z7mxhS6EKVMcw&bvm=bv.96041959,d.bGQ , consulté le 17 juin 2015
Thèses et mémoires
- GUIHÉRY L., « Fédéralisme fiscal et redistribution : fondements et enseignements du fédéralisme allemand », thèse de doctorat de Sciences économiques, Université Lumière Lyon 2, 1997
- Ruiz Almendral, Las potestades normativas de las Comunidades autónomas sobre los impuestos cedidos, Thèse, Université Carlos III-Madrid, 2004
- E. Besson, « L’encadrement constitutionnel de l’autonomie financière des collectivités infra-étatiques », Thèse, Aix, 2009
Jurisprudence :
- STC 4/1981, 2 février 1981
- STC 214/1989, 21 décembre 1989
- STC 151/2001, 5 juillet 2001
Autres sources
- Allocution de M. Stéphane Valeri Président du Conseil National de la Principauté de Monaco, Aoste, le 29 février 2004, http://www.regione.vda.it/festa_autonomia/2004/allocutionvaleri_i.asp consulté le 15 juin 2015
- « Pour un projet de constitution fédérale », Joseph-César Perrin chef du groupe de l’Union Valdâtaine au Conseil régional, http://www.unionvaldotaine.org/elementi/www/lepeuplevaldotain/1995/le-peuple-valdotain-1995-09-28_n35.pdf
- Déclaration conjointe franco-espagnole sur la construction européenne, les relations entre la France et l’Espagne et sur les questions internationales, le 27 novembre 2013. 23ème sommet franco-espagnol, à Madrid (Espagne) le 27 novembre 2013. – –
Table des matières
PARTIE I : SYSTEMES D’ELABORATIONS DES CONSTITUTIONS DESETATS DEMOCRATIQUES: LE CAS CATALAN 6
Chapitre 1- Le degrés d’autonomie administratif actuel de la Catalogne espagnole 6
- Règlementation et droits coutumiers : 8
- Les cortes 9
- La generalitat 11
- Les Usages de Barcelone 11
- Les finances publiques : 12
- La disparité des revenus territoriaux 13
- Les Communautés autonomes soumises au régime financier de droit commun 14
- Le régime foral du Pays Basque et la Communauté de Navarre 22
- L’affaiblissement du consentement a l’impôt : un détonateur fiscal ? 23
- La redistribution territoriale 25
CHAPITRE 2 – ETUDE ET ANALYSE DU MODE D’ÉLABORATION ET DU 26
DÉROULEMENT DE PROCÉDURES CONSTITUANTES 26
- Les constitutions des petits Etats 26
- La vallée d’Aoste, le parrainage monégasque 26
- L’avenir des petites nations dans un Etat fédéral 28
- L’élaboration controversée du juge Santiago Vidal 29
- Les articles marquants: Une République parlementaire monocamérale et des mandats électoraux limites et révocables, une assemblée constituante de juriste 30
- Une procédure progressiste 31
Chapitre I : ENTRE LE CONCEPT D’AUTO-DÉTERMINATION ET LE DROIT DE DÉCIDER : 35
- Primauté du droit conventionnel international sur le droit interne espagnol 36
- Un retour à la souveraineté populaire: La lettre et l’esprit des normes historiques /des Usages de Barcelone 37
- Des accords entre comtes-rois et les Corts : une compilation de lois 38
- La place de la norme européenne 39
- L’optique fédérale 40
- Une réalité identitaire 41
Chapitre 2 – Un Etat sans armée 42
- Le Costa Rica 42
- Des investissements dans l’éducation et la sante 42
- Spécificité des Etats sans armée 43
- La Catalogne sud 44
- Le contrat de défense française 44
- Les avantages transfrontaliers réciproques 45
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