Le rôle autonome de l’IDE peut-il devenir primordial dans la prise en charge d’un patient en fin de vie ?
Le rôle autonome de l’IDE peut-il devenir primordial dans la prise en charge d’un patient en fin de vie ? En quoi le rôle autonome IDE est-il primordial dans la prise en charge palliative en phase terminale ?
Introduction
La fin de vie, la mort, est un concept qui suscite la peur chez l’Homme. Il n’est donc pas étonnant que dans la mesure du possible, ce sujet soit évité. Différentes recherches ont été menées pour comprendre, expliquer, donner un sens à ce phénomène et pourtant, la mort reste cette grande inconnue. Elle est un phénomène irréversible donc elle constitue une expérience unique pour l’homme. La mort constitue de ce fait, l’inconnu redoutable que l’homme va devoir affronter un jour ou l’autre.
Mais l’idée d’affronter la mort semble être plus difficile quand elle résulte de longues années de souffrances, de traitements et de luttes sans fin pour préserver la vie. La fin de vie est un phénomène très éprouvant et déroutant pour tous. Devant une telle situation, est-il plus facile de refuser ou de se résigner au sort du patient ? En effet, la personne qui se trouve en fin de vie est déjà vulnérable et fragilisée par tant d’années de souffrance.
C’est ainsi que des soins palliatifs ont été mis en place pour aider les patients et leurs proches. Si la maladie ne peut être guérie et que la fin est désormais imminente, il ne reste plus d’autre résignation mis à part l’attribution de certaines méthodes ou moyens permettant d’atténuer la souffrance et d’améliorer autant que faire se peut, la qualité de vie de l’individu en fin de vie.
De nombreux acteurs se sont ainsi engagés dans le cadre de la prise en charge ou de l’accompagnement d’un patient en fin de vie. Il existe ceux qui se chargent de la dimension éthique, d’autres se chargent de la dimension physique, ou spirituelle. Il est évident que les besoins des patients ne peuvent être satisfaits par une seule personne n’ayant qu’une seule spécialisation. Ainsi, l’équipe qui s’occupe des patients en fin de vie est pluridisciplinaire et présente différentes compétences. Ces différentes activités méritent d’être coordonnées et d’être clairement définies afin d’assurer la meilleure prise en charge du patient en fin de vie.
Dans la présente étude, nous nous focalisons plus particulièrement sur le rôle de l’infirmière dans le cadre de la prise en charge palliative. En effet, durant les derniers jours du patient, elle est amenée à entrer en contact fréquemment avec celui-ci. Mais devant de telles situations, son rôle, sa mission et sa posture restent encore flous. La présente étude a donc pour objectif de préciser le rôle propre de l’infirmier dans le cadre de la prise en charge palliative et l’importance de son rôle autonome durant la phase terminale.
- De la situation d’appel à la question de départ
- Cadre conceptuel
- L’angoisse
- Qu’est-ce que l’angoisse ?
L’angoisse est un sentiment difficile à comprendre et à expliquer. Elle fait partie de la peur, qui constitue un sentiment normal chez l’Homme. Certains auteurs définissent l’angoisse comme étant une sensation de malaise issue d’une impression d’être exposé à un danger imminent. Contrairement à la peur qui est justifiée, l’angoisse est souvent une sensation déraisonnée, fondée parfois sur de simples impressions ou intuitions. Ainsi, une situation peut ne pas être dangereuse et pourtant, l’individu peine à la faire face. L’angoisse saisit l’individu lorsque ce dernier présente une peur démesurée devant une situation qui ne devrait pas l’inquiéter, ou quand l’individu a peur alors qu’il n’existe pas de réels dangers. L’angoisse se manifeste par des palpitations cardiaques, des impressions de vertiges, des diarrhées, etc. Les symptômes somatiques de l’angoisse diffèrent en fonction de l’individu (Tribolet et Martin, 2005).
Selon Freud cité par Schmid (2001), « Le terme d’angoisse désigne un état caractérisé par l’attente du danger et la préparation à celui-ci, même s’il est inconnu ». Dans cette définition, il est observé que l’angoisse précède l’effroi et constitue de ce fait une alerte pour faire face au danger pouvant survenir. Mais la perception du danger par l’individu n’est pas sans lien avec des expériences éprouvantes du passé. Ainsi, l’angoisse ne peut que faire revenir le sujet à l’objet de sa souffrance. Elle est aussi couplée avec un sentiment d’impuissance et d’insécurité profonde et parfois, elle constitue une voie pour le travail de deuil (Schmid, 2001).
Mais dans certains cas, l’angoisse est assimilée à l’anxiété. Et pourtant, l’anxiété et l’angoisse sont deux sentiments différents l’un de l’autre. Les définitions proposées dans le dictionnaire Larousse de l’angoisse sont les suivantes : « Grande inquiétude, anxiété profonde née du sentiment d’une menace imminente mais vague ; Sentiment pénible d’alerte psychique et de mobilisation somatique devant une menace ou un danger indéterminé et se manifestant par des symptômes neurovégétatifs caractéristiques (spasmes, sudation, dyspnée, accélération du rythme cardiaque, etc.) La définition de Larousse semble synthétiser les deux définitions avancées précédemment selon lesquelles, l’angoisse est issue d’une perception d’un danger imminent mais vague. Mais dans cette définition, elle attribue l’angoisse comme une sorte d’anxiété ressentie par l’individu. Mais cette définition souligne aussi le fait que l’angoisse soit un sentiment qui se manifeste par des symptômes somatique bien qu’elle soit d’origine psychologique.
Bérail pour sa part, propose une définition de cette angoisse dans le domaine psychiatrique en affirmant que : « l’angoisse est un ensemble de sentiments et de phénomènes affectifs caractérisé par une sensation interne d’oppression et de resserrement et par la crainte réelle ou imaginaire d’un malheur grave ou d’une grande souffrance devant lesquels on se sent à la fois démuni et totalement impuissant à se défendre ». Par rapport aux autres définitions qui ont été précédemment rapportées, cette auteure a mis l’accent sur le fait que l’angoisse n’est pas un état ou un sentiment, mais l’ensemble de sentiments et de phénomènes affectifs. Elle a également souligné mis à part la sensation ou la crainte d’un danger, la sensation d’oppression. Dans les définitions que nous avons avancées, l’angoisse a plus été considérée comme étant un état ou un sentiment et pourtant dans cette définition de Berail, cette crainte peut être imaginaire donc, elle pourrait constituer non plus une alerte permettant aux individus de se protéger contre un danger, mais un trouble psychique qui pourrait être un obstacle au bien-être de la personne.
Giffard stipule dans son cours qu’il existe différents types d’angoisses en fonction de leurs intensités. Ainsi, il peut s’agir d’une simple crainte, d’une terreur, d’une horreur, d’un effroi, d’une panique. Mais il souligne aussi le fait que l’angoisse est liée à une peur rattachée au vécu de l’individu. L’angoisse n’a pas d’objet et par conséquent, elle n’a pas de solution. Contrairement à une peur qui vise à alerter et à protéger l’individu d’une menace réelle, l’angoisse n’a aucune raison d’être et ne cause que des problèmes à celui qui le vit. L’auteur montre aussi différentes manifestations de l’angoisse. L’angoissé peut présenter une difficulté à respirer, des manifestations cardiaques, vasculaires ou céphaliques.
- L’angoisse chez les patients en fin de vie
Dans le cadre des soins palliatifs, la mort est considérée comme étant un processus naturel. Les patients dont la mort est imminente dans ce cadre, sont aidés par les soignants qui cherchent à réduire autant que faire se peut sa souffrance. La fin de vie est un phénomène éprouvant non seulement pour le patient et ses proches mais également pour le personnel soignant qui va accompagner le malade et ses proches dans cette dernière étape de sa vie. Ainsi, il convient de comprendre les ressentis, la psychologie du patient en fin de vie pour comprendre les raisons de son angoisse.
Avec la progression de la maladie, la souffrance du patient gagne aussi une importance majeure. En effet, le patient en fin de vie présente une souffrance physique manifesté par l’épuisement, son impuissance, sa perte de l’autonomie, la détérioration de son état physique, etc. Le patient en fin de vie souffre aussi psychologiquement du fait du sentiment de la mort qui se rapproche, et aussi à cause de son entrée dans une phase de deuil. La souffrance peut se répercuter au niveau familial étant donné que le patient va se battre pour les personnes qu’il aime, et en même temps, il apprend à se résigner au fait de les quitter. Dans certains cas, le patient en fin de vie présente aussi une souffrance spirituelle étant donné qu’il se remet souvent en question et fait des questionnements existentiels (Bioy et al., 2003).
La fin de vie passe par trois étapes qui sont :
- La rupture pendant laquelle, l’individu renonce petit à petit à ses différents projets et à toutes les pensées positives qui lui ont permis de construire un certain espoir
- Le temps de crise correspondant à une période de recherche des raisons de vivre, une remise en question de ce qu’il a accompli, une recherche d’une conclusion qui puisse la satisfaire.
- La reconstruction qui correspond à la phase pendant laquelle, le patient tente de s’accrocher à sa famille, de faire une dernière réalisation
Les patients en fin de vie passent par ces trois phases de la fin de vie. Ces trois étapes peuvent découler en une acceptation par le patient de sa situation ou au contraire, conduire le patient à une forte confusion existentielle (Bioy et al., 2003).
Quand la maladie progresse, alors l’état du patient se détériore. Quand cette maladie atteint un certain degré de gravité, le sentiment de la mort qui est incontournable est ressenti aussi bien par les proches que par le patient lui-même. Pendant les derniers jours qui lui restent à vivre, le patient est tourmenté par le désir de se soustraire à la mort et la conscience du fait que cette mort ne peut plus être évitée. Il est probable que le patient à un certain moment va refuser sa situation et va lutter pour rester encore plus longtemps. Pendant la phase qui précède le stade ultime, le patient va encore tenter de donner des raisons, des sens et de trouver des raisons qui lui permettent de se battre. La crainte de la mort va pousser le patient à se battre jusqu’au bout et de faire des efforts pour garder autant que faire se peut son autonomie, et sa communication avec ses proches. Le patient cherche encore à se construire malgré sa maladie.
Il a été observé que les patients en fin de vie présentent une angoisse très marquée et qui se répète tout au long de ses derniers jours. L’angoisse de mort découle de l’attraction exercée par le désir de ne pas exister. En d’autres termes, l’angoisse de mort est provoquée par le désir de mourir. Mais cette première raison est souvent inconsciente mais il existe des cas où elle se manifeste de manière consciente. Dans ce cadre, le patient entre rapidement dans un état d’anxiété. Mais dans la plupart des cas, les patients en fin de vie renoncent aux efforts pour exister. En effet quand ils ressentent les effets secondaires du traitement et qu’ils se sentent totalement épuisés de se battre alors, il n’est pas rare qu’ils aient envie de lâcher prise. Or, de telles décisions provoquent chez eux une angoisse de mort (Bouregba et Lebret, 2008).
Les patients en fin de vie tendent à s’isoler. Or, quand l’angoisse de mort prend une importance chez le patient, ils ne peuvent plus entrer en contact avec leur entourage et montrent pas conséquent une certaine indifférence, ce qui ne rend pas facile leurs relations avec leurs proches. Par ailleurs, nous avons mentionné que la connaissance de la proximité de la mort chez une personne est éprouvant aussi bien pour le malade que pour ses proches et le soignant lui-même. Dans cette optique, l’angoisse chez les patients en fin de vie pourrait découler de la transmission, ou de la « contagion » de l’angoisse d’une personne à une autre (Bouregba et Lebret, 2008).
Bioy et al. (2003) ont caractérisé les angoisses spécifiques à la fin de vie en parlant de la peur manifestée par les patients à l’idée de mourir. Le processus de mort s’accompagne d’une certaine incertitude qui ne peut que susciter la peur chez le patient. A cela s’ajoute la peur de la douleur physique, de la perte de contrôle et de la dépendance, la peur de la perte d’une certaine image de soi. Mais les angoisses des patients en fin de vie est aussi causée par la peur d’exprimer sa peur aux autres, ou au contraire, la peur d’être isolée, de se retrouver seul face à la mort et la peur de l’inconnu qu’elles ont défini comme étant l’angoisse du néant. L’angoisse propre à la fin de vie découle de la peur que sa vie n’ait plus aucune signification.
Le traitement administré au malade en fin de vie est plus destiné à supprimer sa douleur. Mais dans cette optique, le malade pourrait plus se focaliser sur la souffrance et la peur devant la mort imminente. La mort elle-même en effet est un phénomène qui fait peur et tout homme en ce monde va sûrement tenter de s’accrocher à la vie. Mais étant donné la connaissance d’une certaine incapacité devant cette mort imminente, les personnes en fin de vie ne peuvent s’empêcher de penser aux raisons pour lesquelles elles doivent mourir. De plus, la mort est inconnue. C’est un phénomène qui ne peut être reproduite ni être expérimentée, ce qui ne permet à aucun être vivant de la connaître. Or, le sentiment de l’inconnu suscite toujours la peur, et l’angoisse d’un individu (Sauzet, 2005).
L’angoisse pourrait aussi provenir du fait de l’incapacité de l’individu à agir devant la mort. En effet, les actions devraient conduire à des résultats bénéfiques à l’avenir et pourtant dans une telle situation, le patient est conscient que les actions ne peuvent plus rien faire. La mort pousse plus l’individu à penser aux choses qu’il n’a pas pu accomplir, à son vécu. Devant son impuissance, le patient en fin de vie va donc chercher à attribuer un sens à la mort, mais aussi une certaine représentation pour se soulager (Sauzet, 2005).
L’annonce de la fin de vie pour un patient implique une certaine crise existentielle. Pendant cette période, l’individu est confronté à lui-même et à son histoire de vie. Il remet en question les choses qu’il a pu accomplir pendant sa vie et ceux qu’il n’a pas pu accomplir pour une raison ou pour une autre. Le retour de l’individu sur son propre histoire suppose aussi un retour sur la souffrance qu’il endure, sa maladie et les différentes étapes de deuil de soi, à l’idée de mourir. Par conséquent, cette pensée va influencer la qualité de la relation du patient avec ses proches et les personnes qui s’occupent de lui. En effet, le malade dans cette période se trouve inexorablement confronté à la pensée de deux mondes différents qui sont le monde des vivants auquel il appartient encore et le monde des morts, l’inconnu qu’il redoute. Et pourtant, il sait qu’il va rejoindre cet autre monde dans un délai assez court, ce qui ne manque pas d’impacter sur sa pensée et son comportement.
Devant une telle situation, le soignant est amené à s’engager dans sa relation avec le patient sans pour autant s’introduire de trop près dans sa sphère intime de peur de susciter sa méfiance. Ceci demande aussi de la part du soignant une grande flexibilité qui va lui permettre de tenir compte des valeurs propres de la personne qui se tient devant lui. Le soignant dans le cadre de la prise en charge de l’angoisse des patients en fin de vie, consacre du temps pour écouter et pour discuter avec son patient. La relation entre le soignant et le soigné devient particulièrement renforcé dans le cadre de cette angoisse de fin de vie.
- Prise en charge palliative
- Définition
Avant de se référer à la prise en charge palliative, il nous paraît utile d’apporter plus d’explications en ce qui concerne le concept de prise en charge infirmière. La prise en charge infirmière correspond à un projet de soin établi par l’infirmière. Elle commence dès l’accueil du patient par l’infirmière et se termine au moment où le patient guérit ou n’a plus besoin de ses services. Dans ce cadre, l’infirmière identifie les problèmes de santé du patient et tente de cerner les différentes ressources mises à la disposition du patient ainsi que de ses proches et l’établissement des soins qui pourraient permettre d’améliorer son état de santé ou de lui procurer un bien être. La prise en charge pourrait aussi être définie comme étant une « intervention visant à s’occuper d’une partie importante ou de toute la problématique d’une personne ayant des incapacités ».
La prise en charge palliative se réfère à la prise en charge infirmière dans le cadre des soins palliatifs. La prise en charge palliative comprend les soins actifs prodigués à toute personne atteinte d’une maladie grave évolutive ou des patients en phase terminale. La prise en charge dans cette optique a pour objectif de réduire les douleurs physiques et de prendre en charge par la même occasion tous les aspects de la souffrance du patient. Mais cette prise en charge ne tient pas uniquement en compte le patient mais aussi sa famille et ses proches que ce soit en établissement ou à domicile. La prise en charge palliative est souvent réalisée à domicile suite à la demande des patients à rester chez eux jusqu’à la fin (Biver et al., 2008).
La prise en charge de patients à domicile est particulièrement adoptée pour pallier à la nécessité de déplacer le patient de son environnement habituel. Ce type de prise en charge est particulièrement adopté pour les personnes qui présentent des maladies chroniques, pour les personnes d’âge avancé et aux personnes qui présentent une certaine dépendance comme les handicapés par exemple.
La prise en charge palliative comprend tous les traitements médicaux, les soins, les appuis psychiques, sociaux et spirituels fournis aux patients en fin de vie ainsi qu’à leurs proches. Dans cette optique, les soignants doivent mettre en place un traitement symptomatique, gérer la détresse et contrôler leur disponibilité pour accompagner le patient et ses proches. Dans ce cadre, la prise en charge palliative est proposée à un stade pendant laquelle, l’état du patient n’est pas encore grave. Ceci va permettre entre autre à l’ensemble des soignants de connaître les différentes volontés du malade quand ils perdraient conscience.
La prise en charge palliative sous-entend que le personnel soignant doit respecter rigoureusement les différentes volontés et les valeurs personnelles de la personne en fin de vie. Ainsi, après la mort, le défunt doit être respecté en tenant compte de ses convictions culturelles et religieuses. La prise en charge palliative suppose entre autre l’accompagnement des familles des patients dont la prise en charge pourrait se prolonger pendant une durée plus ou moins longue après le décès.
- Objectifs et principes
La prise en charge palliative consiste plus particulièrement à accompagner le patient et ses proches dans cette dernière étape. Elle vise donc à optimiser le confort et la qualité de vie de l’individu en fin de vie. Le patient est pris en compte dans toute sa dimension. Dans cette optique, la prise en charge palliative se termine quand la personne décède. La prise en charge palliative a pour objectif de soulager les symptômes et de maintenir une relation de bonne qualité entre les soignants et le soigné mais aussi entre le soigné et ses proches (Ecoffey et Annequin, 2011).
Comme dans toute prise en charge infirmière, la prise en charge palliative consiste à identifier les différents besoins du patient et de ses ressources. L’infirmière dans cette mission doit accompagner entre autre les proches du patient et mettre en place des soins palliatifs en recourant à la participation de toute l’équipe pluri professionnelle.
La prise en charge palliatif comprend de ce fait sept points définis par la Haute Autorité de la Santé. Le premier point de cette prise en charge spécifique suppose selon la Haute Autorité de la Santé, le respect du confort, du libre arbitre et de la dignité du patient en fin de vie. Nous avons affirmé que les patients en fin de vie souffrent de la dégradation de leurs fonctions vitales et souffrent aussi psychologiquement. Dans cette optique, les soignants doivent se focaliser certes sur les symptômes physiques concernant la fin de vie mais aussi, sur la douleur et la souffrance de ce patient.
Il est vrai que les soignants du fait de leur rôle propre peuvent intervenir et prendre des décisions pour améliorer l’état ou tout au moins, pour soulager les maux du patient. Mais dans ces différentes décisions, l’infirmier doit se baser uniquement sur l’intensité de ces symptômes compte tenu de la maladie et de son stade. L’infirmier doit aussi apprécier les besoins du patient et tenir rigueur de ses préférences. L’infirmière doit prendre des décisions en analysant les avantages et les inconvénients de tel ou telle démarche de soin pour le patient. Ceci doit se faire dans le strict respect de la dignité et de la qualité de vie de la personne.
La Haute Autorité de la Santé a souligné dans le deuxième point, la prise en compte de la souffrance globale du patient. La souffrance globale suppose la considération de la douleur physique, l’altération de l’image corporelle, les impacts psychologiques et morales de la maladie sur la personne, la dépendance de celle-ci envers les autres, sans oublier la vulnérabilité du patient, sa marginalisation imaginaire ou réelle et son angoisse suite à la réalisation de ce qui lui arrive et surtout de ce qui va sûrement se produire dans un délai plus ou moins court. La prise en charge de la souffrance globale suppose une identification des différents facteurs de souffrance afin de les éradiquer ou tout au moins, d’atténuer leurs impacts sur le patient. Dans cette optique, la posture la plus adoptée par les infirmiers est l’écoute attentive, la communication, le réconfort et le respect de l’autre. Le soulagement de la souffrance globale tient compte aussi des traitements thérapeutiques incluant les soutiens psychologiques et l’administration de médicaments.
Le troisième pilier de la prise en charge palliative repose sur l’évaluation et le suivi de l’état psychique du patient. Nous avons déjà déterminé dans la première partie de cette analyse conceptuelle, les causes et les manifestations de l’angoisse du patient en fin de vie. Ainsi, la prise en charge palliative doit permettre de soulager cette angoisse existentielle chez le patient. Le soignant doit l’aider à garder la confiance et à trouver ses repères. Il a été observé que face à son impuissance, les soignants et surtout le patient trouvent refuge dans la spiritualité. Ainsi, la prise en charge de l’angoisse existentielle pourrait se faire par l’analyse et la satisfaction des besoins spirituels du patient, le respect de ses croyances et de sa dignité. Ceci nécessite une analyse profonde du lieu et des interlocuteurs permettant de sécuriser le patient autant que faire se peut.
Le quatrième point dans la prise en charge palliative repose sur la qualité de la relation entre le soignant et le soigné, et aussi entre le soigné et ses proches. La relation suppose des échanges, des communications avec le patient et avec les proches de ce dernier. Ceci ne peut être possible à moins que le soignant ne consacre un peu de son temps pour s’occuper de ses patients. La présence et la disponibilité de l’infirmière auprès de son patient témoignent de son respect pour la dignité et pour le confort du patient. Cette disponibilité et l’écoute de la part du soignant permet d’instaurer une relation de confiance favorable à l’expression de ses ressentis par le patient. Certes, les patients en fin de vie peuvent ne pas toujours s’exprimer verbalement, mais le soignant peut déduire ce qu’il ressent à travers ses gestes, ses comportements, les expressions du visage, etc. La relation entre le soignant et le soigné suppose aussi un suivi du patient en fonction de son propre rythme pour permettre au patient de faire sereinement son travail psychique pour atténuer ses défenses qui se reflètent à travers ses peurs.
Le cinquième point relate la notion d’information et de communication avec le patient et les proches de ce dernier. Le patient a le droit de connaître ce qui se passe et d’avoir toutes les informations concernant son état de santé. Ceci commence par l’annonce du diagnostic qui doit être adaptée à chaque personne. Cette obligation d’informer les patients et ses proches en ce qui concerne l’état de santé du malade peut prendre du temps dans la mesure où elle se fait progressivement. Les soignants peuvent être présents à différents moments de la prise en charge lors des différentes communications. La communication avec les proches et avec le patient permettent au soignant de mieux comprendre le patient et ses proches et de mieux les aider.
La communication et l’information du patient et de ses proches permet de faciliter le mécanisme d’adaptation chez eux. Il faut remarquer entre autre que les patients qui sont en fin de vie peuvent présenter une dégradation de leur physique, ce qui induit une modification de leur image de soi. Ceci affecte inexorablement sur leur perception d’eux-mêmes et sur celles de tous ceux qui l’entourent et de ce fait, affecte la communication entre les différents acteurs. Par conséquent, il est nécessaire dans le cadre de la prise en charge palliative de tenir compte de l’amélioration de l’apparence physique des patients et de leur confort. Le soin du corps constitue un autre moyen pour préserver la dignité du patient et de garder la qualité de ses relations avec ses proches.
Le sixième point suscité par la Haute Autorité de la Santé est la coordination et la continuité des soins. En effet, la prise en charge d’un patient en fin de vie ne peut pas être assurée par une seule personne. De ce fait, la prise en charge palliative mobilise plusieurs personnes et plusieurs disciplines. Les différentes attributions de ces acteurs doivent être parfaitement coordonnées pour assurer la meilleure prise en charge possible pour le patient et ses proches. Mais cela implique aussi que le patient et sa famille ont bien compris l’information qui leur a été communiquée. La coordination suppose une concertation entre les différents acteurs.
Le septième point à considérer dans le cadre de la prise en charge palliative des patients en fin de vie, est la prise en charge de la phase terminale et de l’agonie. Ceci requiert la mise à la disposition des patients et de ses proches l’ensemble de médicaments permettant de soulager les douleurs du patient et la préparation des proches à la phase finale. Ceci suppose entre autre une communication verbale et non verbale auprès des patients. Dans cette phase, le toucher et la douceur adoptée par la personne en fin de vie comptent beaucoup dans le soulagement de ses douleurs.
Pour rassurer le patient, il est nécessaire de l’expliquer chaque geste que le soignant adopte. Durant cette dernière phase, l’aide et l’assistance des proches s’avèrent particulièrement importants pour le malade. Ils contribuent en effet aux niveaux physiques, psychologiques et spirituels du patient et sont associés autant que faire se peut aux soins de leurs proches. Le soignant doit dans ce cas favoriser les échanges intimes entre le patient et ses proches. La communication doit entre autre permettre de rassurer les proches en ce qui concerne les différentes mesures prises en charge par les soignants pour optimiser l’état du patient, de les soutenir, et de les préparer au deuil.
Enfin, le dernier point à considérer dans le cadre de la prise en charge palliative est la préparation au deuil. Quand le moment est venu, il est nécessaire de communiquer avec le patient. Les informations concernant l’évolution de la maladie doivent se faire de manière précoce et régulièrement pour les préparer à quitter le patient.
- Soins de confort
- Définition
Selon l’OMS, le soin de confort correspond à « une prise en charge globale des patients atteints d’une maladie sans traitement curatif possible ». Il passe de ce fait par un soulagement de la douleur physique, psychologique, sociale et spirituelle (Soria et al., 1999). Le soin de confort correspond à un traitement permettant d’assurer le bien-être de la personne en fin de vie jusqu’à sa mort. Le soin de confort vise à procurer un bien-être au patient et de maintenir une qualité de vie optimale. Le soin de confort correspond de ce fait, à l’ensemble des interventions permettant de pallier aux différents inconforts du patient. Ceci passe par le contrôle de la douleur physique. Il faut noter qu’il existe en effet, des démarches ou des actes de soin qui ne favorisent pas le confort du patient alors qu’il souffre déjà de sa perte d’autonomie et de sa maladie. Nous pouvons citer dans cette optique, l’alimentation artificielle par gavage, le recours aux solutés, etc..
Nous voyons dans ces différentes acceptions, que les soins de confort se rapprochent des soins palliatifs ou viennent en complément de celui-ci. Contrairement aux soins palliatifs, les soins de conforts impliquent une sortie de l’approche curative. Dans cette optique, les soignants ne se trouvent pas dans l’obligation de mettre en œuvre des démarches spécifiques. Les soins de confort dans ce cas, font partie des soins palliatifs. Les soins de confort n’ont pas pour objectif de guérir la personne mais de l’accompagner tout simplement dans sa souffrance morale et physique, et dans le respect de la dignité (Dujin et Maresca, 2008).
- Principe
Les soins de conforts permettent de réduire les inconforts du patient en soulageant sa douleur, en traitant ses maux et en détendant son corps. Ils impliquent également la réhydratation et l’alimentation du patient. Enfin, ces interventions permettent de réduire les effets néfastes des médicaments et des traitements administrés aux patients. Comme tout soin palliatif, les soins de conforts se focalisent aussi sur les besoins et les symptômes observés chez le patient. Ainsi, nous pouvons citer par exemple, le besoin d’hygiène qui peut se faire par le massage ou par le toucher, les soins des escarres qui se présentent souvent chez les personnes qui perdent leur mobilité, les soins de la bouche, le suivi de l’alimentation, la facilitation des éliminations des urines, des excréments, etc.
Etant donné que la personne en fin de vie perde certaines de ses fonctions vitales, le déplacement est rare. Or, ce manque de mobilité pourrait accélérer la perte d’autonomie ce qui constitue aussi une cause d’inconfort chez le patient. La mobilisation de la personne peut donc se faire de manière passive ou active. Les soins de conforts englobent aussi le suivi de la respiration, l’assurance psychologique du patient qui peut être angoissé, agité ou confus.
Le soin de confort passe inévitablement par le soin du corps qui est une des conditions nécessaires au bien-être de la personne. Mais ce soin du corps englobe toute une panoplie de gestes permettant le confort physique de la personne en fin de vie, mais qui contribue aussi entre autre à son bien-être psychologique et à l’amélioration de son estime de soi. Le soin du corps comprend la toilette, les soins esthétiques, l’installation du malade qui joue un rôle important dans l’évolution de la maladie, de la sensation de fatigue chez le patient. Les soins du corps permettent entre autre de prévenir les douleurs et les infections causées par les déformations du corps du malade. Les patients en fin de vie présentent dans la grande majorité des cas, des inappétences et des signes de déshydratation qui ne manquent pas de les fatiguer encore.
Dans ce cadre, les soignants se servent de leurs propres corps pour aider le malade en les touchant, en prenant soin du corps du malade, en leur donnant un regard plein d’affection. Ceci passe par des compétences techniques et relationnelles qui permettent de ne pas être considérée comme un intrus par le patient vu qu’ils entrent dans une sphère intime du malade pour ne considérer que la toilette qui pourrait gêner le patient.
Le soin de confort englobe entre autre une dimension psychologique permettant d’aider le patient dans son angoisse, des conflits, des deuils, etc. Il intègre aussi une dimension spirituelle et sociale. La dimension spirituelle suppose que le soignant appelle des religieux si le patient le lui demande. L’aspect social pour sa part implique une collaboration avec différents services de soins à domicile et une coordination des différentes activités de cette équipe pluridisciplinaire.
Les soins de confort sont particulièrement attribués aux malades dans leurs domiciles. Ce type de soins implique une écoute attentive du patient et une nécessaire consécration d’un certain temps pour l’écouter. Les problèmes auxquels le patient se trouve confronté, doivent être discutés de manière confidentielle. Etant donné que le patient soit stressé ou angoissé, il convient de mettre en place des musiques douces ou de faire des massages pour permettre de détendre le malade. Au cas où le malade souhaiterait l’aide ou l’assistance d’une personne pour prier alors ce dernier pourrait le faire avec elle.
- Les particularités du massage
Il nous paraît utile de parler un peu du massage qui fait partie des soins de confort dans le cadre de la prise en charge palliative des patients en fin de vie. Cette partie nous semble aussi importante à développer dans la mesure où elle correspond à notre situation d’appel.
Il a été constaté que le massage pouvait contribuer au bien-être du patient en fin de vie. C’est la raison pour laquelle, de soignants dans certaines équipes de soin l’ont qualifié de massage de confort. Le massage attribue du bien-être et du confort au malade. En effet, ce geste permet de réduire les symptômes gênants en réduisant l’angoisse du patient. Mais dans ce cadre, il convient de bien analyser les besoins des patients afin d’adapter le massage. Dans la plupart des cas, les massages de confort durent environ 20 minutes et les parties du corps qui ont été massées sont principalement, les pieds (26%), les jambes (19%), le dos (17%) et les mains (16%) (Boegli et Cabotte, 2006).
D’autre part, il a été constaté à travers cette étude que le massage permet de tisser des liens entre le patient et les soignants tout en augmentant la qualité des soins. C’est un facilitateur des communications entre les différents acteurs et une sorte d’outil permettant d’exprimer ses émotions en étant confronté à une maladie grave. Par ailleurs, le massage a toujours été considéré même pour les personnes qui ne sont pas en fin de vie, comme étant une méthode de relaxation et de détente (Boegli et Cabotte, 2006).
Cette étude semble être renforcée par la confirmation du fait que le toucher massage constitue non seulement un geste technique, mais aussi, une méthode permettant d’établir des liens relationnels. Il permet entre autre de rassurer le patient sur le fait qu’il peut encore être touché. Il réduit voire élimine la douleur tout en luttant contre la fatigue et l’insomnie. Par ailleurs, le massage permet aussi de garder une certaine autonomie.
Mais il a été constaté que le toucher massage était meilleur quand il est pratiqué non pas dans un établissement de santé mais à domicile, dans un lieu plus calme et moins formel. Dans ce lieu et pour les patients en fin de vie, qui souffrent, le toucher massage constitue un autre moyen pour s’ouvrir encore au monde extérieur. Il permet de ce fait de lutter contre le sentiment de solitude.
Chez les patients en fin de vie, le toucher massage constitue aussi une autre méthode pour s’exprimer, pour procurer un confort physique et pour s’exprimer. Mais ceci ne peut être efficace à moins qu’il n’y ait respect et reconnaissance de l’autre et de la considération de ce patient comme étant un être humain à part entière.
Bien que les bienfaits du massage aient pu être confirmés aussi bien par les pratiques de terrain que par la littérature, il a été observé que la mise en œuvre de telles approches pourrait encore se heurter à différents obstacles, notamment au manque de formation des soignants. Par ailleurs, avec le manque de personnel soignant, le massage pourrait encore être difficile à mettre en place étant donné qu’il demande beaucoup de temps alors que le volume de travail des soignants est déjà conséquent. Dans ce cadre, il est nécessaire de former le personnel soignant aux gestes techniques du massage et aux différents éléments permettant l’efficacité de cette technique.
- Méthodologie
- L’enquête sur terrain
- L’entretien semi-directif
Afin de vérifier les réalités du terrain, nous avons opté pour une enquête auprès des personnes ressources. Cette méthode s’inscrit dans le cadre d’une étude qualitative, permettant de recueillir des données qualitatives issues des interviewées. L’entretien correspond en effet à des échanges entre le chercheur et la personne enquêtée afin de collecter un maximum d’informations relatives au thème de recherche. Dans ce type de recherche de données, le chercheur doit aider le répondant à s’exprimer non pas en lui soufflant les réponses qu’il veut entendre, mais en l’aidant à suivre la directive et la ligne directrice qu’il s’est fixé lors de l’élaboration de son guide d’entretien ou de son questionnaire.
La réussite d’un entretien est influencée par l’environnement dans lequel il s’est déroulé, le contexte dans lequel il a été réalisé. Ainsi, le questionnement d’une collectivité ne peut pas être similaire à celui d’un individu isolé. Ce contexte est donc à prendre en compte pour mieux comprendre les différentes réponses émanant de la personne ressource.
Cependant, cet entretien pourrait être limité par le fait que le répondant se considère comme étant une personne incontournable disposant de savoir. Dans ce cas, son image de soi pourrait être fortement influencée et ses réponses pourraient aussi être subjectives. La subjectivité de l’une ou de l’autre partie dans le cadre d’un entretien constitue un des grands inconvénients de la méthodologie qualitative et plus particulièrement, un des inconvénients de l’entretien (Gay, 2006).
L’entretien correspond entre autre à une méthode de collecte de données permettant de constater ou de comprendre les différents univers mentaux de l’individu qui se tient devant le chercheur. Mais avec ce type de collecte de données, le chercheur doit arriver à convaincre ou à faire oublier les mécanismes de défense par l’individu interrogé. En effet, les individus qui répondent peuvent ne pas révéler toute la vérité en ce qui concerne leur savoir ou sur l’objet d’étude à cause d’une certaine méfiance ou d’une peur, voire un mépris d’avoir l’impression d’être jugé par une personne extérieure.
La méthode d’enquête comporte encore des subdivisions. Ainsi, il existe trois types d’entretiens : l’entretien directif, l’entretien semi-directif et l’entretien non-directif ou entretien libre parfois aussi appelé entretien ouvert. Le premier type d’entretien, c’est-à-dire l’entretien directif est basé sur l’élaboration d’un questionnaire avec des questions qui demandent des réponses bien précises, ce qui ne permet pas de collecter les différentes données de la part du répondant.
A son opposé se trouve l’entretien libre ou l’entretien ouvert qui découle de question générale. Dans ce cadre, le répondant peut s’exprimer librement sur un sujet très vaste. Mais avec ce type d’entretien, il est possible que les réponses données par le répondant soient hors sujet et le chercheur ne collecte que des données superficielles ne permettant pas d’atteindre ses objectifs.
L’entretien semi-directif constitue l’intermédiaire entre ces deux types d’entretiens. Il permet une plus grande aisance de la part des répondants par rapport à l’entretien directif et elle met une certaine balise permettant de diriger le répondant par rapport à l’entretien libre. Ce type d’entretien se base sur un canevas ou une grille d’entretien qui comporte les thèmes à traiter dans le cadre de l’étude. L’ordre des thèmes peut varier au fil de la discussion et les questions peuvent aussi changer selon la tournure de la discussion sans pour autant s’éloigner du sujet de recherche. En guidant le répondant, le chercheur évite de tourner le sujet de conversations sur des données qui présentent peu d’intérêt et de lui donner en même temps, une liberté d’expression. L’entretien semi-directif permet de ce fait, de collecter des représentations et des interprétations originales.
Cependant, contrairement à l’entretien libre, l’entretien semi-directif nécessite une grande réactivité de la part du répondant. Or, lors des échanges, des détails peuvent encore échapper au chercheur. C’est la raison pour laquelle, les chercheurs tendent tous à enregistrer les entretiens afin de pouvoir les analyser plus tard. Ceci demande encore de la part du chercheur une retranscription de l’entretien (Perrouty, 2006). Nous avons donc opté pour l’entretien semi-directif afin de collecter différentes données en ce qui concerne les différentes pensées et les connaissances des infirmières dans le domaine de la prise en charge palliative et du rôle propre de l’infirmier face à un patient en fin de vie.
- Choix de la population à enquêter
Nous avons ciblé trois types de populations cibles. Il s’agit notamment des
- Soignants dans les unités de soins gériatriques qui sont souvent confrontés à des situations de fin de vie
- Soignants de l’unité de soin oncologique qui doivent impérativement faire face à la fin de vie des patients cancéreux.
- Infirmiers qui exercent à domicile pour connaître leur posture dans le cadre de la prise en charge des patients en fin de vie.
- Elaboration du questionnaire
Notre étude a pour objectif de déterminer l’importance du rôle propre de l’infirmier dans le cadre de la prise en charge palliative d’un patient en fin de vie. Dans cette enquête, nous avons tenu à comprendre les spécificités de la prise en charge d’un patient en fin de vie, la posture et les différentes attributions d’une infirmière dans le cas de la prise en charge d’un patient en fin de vie. Le questionnaire a pour objectif d’apporter des explications en ce qui concerne les différents éléments à considérer dans le cadre de la prise en charge palliative d’un patient. Ceci nous a permis d’élaborer le questionnaire suivant :
- Quelle est la spécificité de la prise en charge d’un patient en fin de vie ?
Cette première question vise à comprendre les enjeux de la prise en charge des patients en fin de vie. Dans le cadre de notre étude, nous avons relevé le fait que les patients en fin de vie étaient angoissés mais est-ce le seul enjeu à prendre en compte lors de la prise en charge palliative ?
- Quel est le devoir et le rôle de l’IDE face à un patient en fin de vie ?
Cette question se réfère au rôle propre de l’IDE. Comment pourrait-elle prendre en charge ce patient en fin de vie ? Comment prendre en charge ses souffrances physiques, morales et spirituelles ? En tant que soignant, comment l’infirmière est-elle sensée réagir ? En tant qu’être humain, comment aider la personne qui se trouve devant soi ?
- La fin de vie s’accompagne de sentiments, des impressions négatives et d’une dégradation de l’image de soi. Souvent, elle s’accompagne de peur ou d’angoisse. Comment l’IDE pourrait-elle prendre en charge ou quelle posture devrait-elle adopter pour prendre en charge le patient en fin de vie ?
L’angoisse a été à l’origine de la présente étude. Par ailleurs, cette angoisse est source d’altération de l’état du malade et de la qualité des soins prodigués par le soignant. Dans ce cadre, comment la contrôler, comment l’éradiquer ?
- Comment se passe la prise en charge palliative d’un patient en général ?
Ceci vient en complément de la question précédente. Si la question précédente se réfère plus particulièrement à la prise en charge de l’angoisse de mort, comment l’infirmière s’y prend-elle pour prendre en charge le patient en fin de vie ?
- Quel est l’élément le plus important dans le cadre de la prise en charge palliative d’un patient ?
La réponse à cette question est une suite logique des deux questions qui la précèdent. Elle met l’accent sur l’élément principal permettant de soulager le patient. Nous avons affirmé qu’il existe différents moyens permettant de soulager les souffrances du malade, mais lequel d’entre eux est à privilégier ?
- A votre avis, quelle est l’importance de la prise en charge palliative par rapport aux autres soins administrés au patient ?
Cette question permet de connaître le point de vue du soignant en ce qui concerne l’importance de la prise en charge palliative. Qui est le plus important dans un contexte de fin de vie : l’approche médicamenteuse seule ou l’approche palliative ? Quelles en sont les raisons ?
- Résultats
- Les spécificités de la prise en charge d’un patient en fin de vie
La prise en charge d’un patient en fin de vie se distingue de la prise en charge d’une personne qui n’est pas en fin de vie dans la mesure où l’idée de mourir altère la perception de soi par la personne elle-même. Les patients en fin de vie se caractérisent en effet par une fréquence et une certaine intensité de la douleur physique et une altération de leur image corporelle. Dans ce cas, il n’est plus question de trouver des solutions à la progression de la maladie qui, finalement, va conduire à la mort du patient, mais à essayer d’atténuer cette douleur qu’ils ressentent dans leurs corps et dans leurs âmes. Ceci pourrait aussi conduire à une altération de son propre image, ce qui contraint les infirmières à tenir en compte du corps du patient, de parler avec lui.
Par ailleurs, l’altération des fonctions vitales de l’individu en fin de vie cause une grande vulnérabilité de ce dernier. Ceci demande une certaine tolérance de la part de l’infirmier : une tolérance pour accepter l’incapacité de l’individu à ne pas pouvoir faire même des gestes anodins qui peuvent être accomplis au quotidien. Ceci implique entre autre, une aide et un fort engagement pour pouvoir aider la personne qui, dans la plupart des cas, dépend de plus en plus d’autrui.
- La posture infirmière devant un patient en fin de vie
Il a été affirmé que dans la plupart des cas, les infirmiers font preuve de beaucoup de respect pour les personnes en fin de vie. Certes, le peu de temps qu’ils ont consacré à cette personne n’est pas suffisant pour la connaître et la prendre en charge dans toute son unicité. Mais l’acceptation et la flexibilité font partie des comportements nécessaires pour les infirmiers qui prennent en charge des patients en fin de vie.
Le respect de la part de l’infirmière pourrait se manifester à travers sa capacité à accepter la personne, ses valeurs et ses croyances. Mais le respect pourrait aussi porter sur la capacité de l’infirmière à écouter attentivement et à répondre le patient en tenant compte de ce qu’il a dit, de ce qu’il ressent. Cependant, les infirmières ne disposent pas toujours d’un temps suffisant pour parler et discuter avec le patient. Certes, elles voudraient toutes écouter leurs patients sauf que la charge de travail et l’organisation au sein de l’unité de soin ne les permettent pas toujours. Les infirmières doivent de ce fait, faire avec le peu de moyens et de temps qu’elles disposent pour soulager leurs patients.
A part la mesure de la douleur du patient, l’infirmière procède aussi à l’évaluation de l’état général du patient et lui donne le traitement prescrit par le médecin. La prise en charge du patient en soin palliatif suppose que l’hygiène et l’état général du malade soient surveillés. L’état général dépend de l’administration des médicaments aux patients, mais aussi, de l’alimentation de ce dernier et l’accomplissement des besoins du patient.
La prise en charge palliative pour les patients en fin de vie plus particulièrement au niveau du service d’oncologie, se base sur l’atténuation des douleurs des patients. Dans la plupart des cas, les infirmières recourent au médecin traitant pour annoncer la douleur ressentie par les patients. D’autres pour leur part, restent auprès des patients pour les soutenir et les rassurer. D’autres essaient de mesurer l’intensité de la douleur et tentent d’y répondre.
La prise en charge palliative comprend entre autre la recherche de l’histoire de vie de la personne en fin de vie pour mieux l’aider et mieux aider ses proches. Cette démarche est particulièrement importante pour élaborer des sens pour chaque situation et pour chaque chose. L’accompagnement en humanité semble de ce fait constituer un concept important.
Dans le cadre de cette relation soignant/soigné, l’infirmier se heurte parfois à la difficulté à aborder le patient. Ce dernier dans certains cas, peut se replier sur lui-même, s’isoler, rester dans le silence, ce qui ne permet pas toujours au personnel infirmier de connaître les fonds de ses pensées, ses ressentis, etc. Mais avec les patients en fin de vie, il est nécessaire de faire preuve d’une grande flexibilité, d’une attention et de beaucoup de patience afin de pouvoir gagner la confiance du malade.
Dans certains cas, les malades mettent une barrière, ce qui ne permet pas à l’infirmière et à l’ensemble de l’équipe soignante par ailleurs, de mettre en place une relation avec le soigné. Dans ce cas, il est nécessaire d’aller progressivement dans les prises en charge, de ne pas brusquer le malade, de lui faire comprendre que le soignant est là pour l’aider et non pas pour augmenter sa souffrance. Dans ce cas, l’infirmier peut laisser les étapes trop formelles pour entrer peu à peu dans l’univers du malade, le comprendre, l’accompagner et l’aider par la suite. Quand cette confiance est bien établie et que le patient montre son histoire de santé, ses besoins, ses impressions, l’infirmier pourra alors donner des conseils, des solutions et des prises en charges personnalisées. Il pourra enfin, le rassurer.
- L’importance de la prise en charge palliative par rapport aux soins administrés au patient
Etant donné qu’il est à une phase cruciale de son existence et qu’il attende un évènement angoissant, les médicaments semblent avoir moins d’effet sur les patients. Le relationnel semble être le moyen le plus avantageux pour le patient. En effet, quand il est vraiment difficile de trouver les différentes issues d’une situation, le patient pourrait être amené à trouver refuge dans la conversation avec une personne qui lui est familière afin de soulager un peu ses peines.
Souligner l’importance du relationnel dans le cadre de la prise en charge palliative ne veut pas dire pour autant que les soignants doivent abandonner l’administration de médicaments. En effet, les douleurs et les souffrances physiques sont présentes, et peu importe les différentes démarches entreprises par l’infirmière pour soulager le patient, ces douleurs ne peuvent disparaître ou tout au moins, ne peuvent être atténuées à moins que les médicaments n’interviennent. Ce sont des faits scientifiques déjà établis. Mais avec cela, en tant qu’être humain, la personne endure aussi des souffrances qui ne sont pas toujours d’ordre physique et qui, pourtant, influence fortement son état général. Dans ce cas, il faut l’aider par le relationnel.
Le schéma qui découle dans le cadre d’une prise en charge d’un patient en fin de vie, c’est surtout la complémentarité entre les effets des médicaments et le confort, le soulagement attribué par les soins palliatifs.
- Synthèse
Les résultats montrés précédemment montrent que les patients en fin de vies sont des personnes montrant une grande vulnérabilité et endurant des souffrances aussi bien dans leurs corps que dans leurs âmes. Les manifestations de ces souffrances varient d’un individu à un autre, mais il incombe au soignant de trouver la spécificité de chaque individu, sa personnalité, ses caractères, ses besoins. Alors que certaines personnes peuvent exprimer verbalement ou par les larmes ses sentiments, d’autres semblent manifester leur souffrance dans l’isolement et le silence.
Devant cette situation, l’infirmière est amenée à identifier les besoins spécifiques de l’individu et d’entrer en contact avec lui. Dans la prise en charge palliative d’un patient, l’infirmier doit faire en sorte de gagner sa confiance et de parler avec lui afin de trouver les différents besoins, les moyens qui lui permettent de l’aider et de le rassurer.
Conclusion
A l’issue de cette étude, nous pouvons affirmer que la fin de vie est une situation difficile à affronter aussi bien pour le personnel soignant, que pour le patient et ses proches. La difficulté à surmonter la situation réside plus particulièrement sur le fait que les trois parties sont conscientes de leur incapacité, de leur impuissance face à la mort qui s’annonce. La fin de vie est sûrement la manifestation de la limite de l’homme. C’est un phénomène qui arrive à tout être humain et qui ne peut pas être évité. Mais c’est également un phénomène inconnu qui suscite l’angoisse, la peur et peut-être qu’elle constitue même la hantise des hommes.
L’angoisse est très fréquente chez les patients en fin de vie, mais elle est source de nombreuses difficultés dans le cadre de la prise en charge palliative. En effet, elle pourrait susciter la méfiance vis-à-vis du personnel soignant. L’angoisse est aussi source de mal existentiel chez le patient qui souffre déjà. Dans ce cadre, le personnel soignant doit mettre en œuvre des démarches permettant de mettre le client en confiance et de le rassurer. C’est ainsi, que nous avons proposé le soin de confort dans le cadre de la prise en charge du patient en fin de vie.
Nous avons montré entre autre, que le soin de confort était destiné à atténuer les souffrances du patient et à rendre ses derniers jours plus confortables. Ceci implique une mise en place d’une relation privilégiée entre le soignant et le soigné pour établir un climat de confiance permettant au malade de s’exprimer et de connaître ses besoins spécifiques, ses attentes. Devant la difficulté pour les proches d’assumer la fin de vie imminente du patient, l’infirmière doit aussi les accompagner.
Dans le cadre de la mise en place de cette relation de confiance entre le soignant et le soigné, le soin de confort et plus particulièrement, le massage constitue un des moyens à la disposition de l’infirmière pour rassurer le client. Il constitue entre autre un moyen pour atténuer les douleurs physiques et de donner du soulagement au patient en fin de vie. Cependant, cette technique n’est pas toujours initiée chez les infirmières. Le manque de formation et le manque de temps constituent les principales raisons pour lesquelles, les infirmières ne peuvent pas exercer le massage chez les patients en fin de vie malgré l’efficacité confirmée de cette dernière.
S’il est difficile d’établir la relation entre le soignant et le soigné, alors les soignants peuvent aussi l’établir d’une autre manière. En effet, des gestes tendres ou des mots doux, des signes de respect peuvent aider le soigné à mettre sa confiance au soignant. Ceci implique une acceptation du patient en fin de vie en tant qu’être humain à part entière, unique, ayant ses propres valeurs et ses propres croyances, ses convictions, etc. Nous avons montré par ailleurs, que pour faciliter la prise en charge d’un patient en fin de vie, nombreux sont ceux qui ont souhaité rester chez eux, dans un cadre habituel.
Nous avons pu connaître dans le cadre de cette étude, les différentes postures adoptées par les infirmiers dans le cadre de la prise en charge palliative des patients en fin de vie. Il semble que le dialogue et l’écoute attentive soient les moyens les plus importants ou tout au moins, les plus usités par les soignants afin d’aider le patient en fin de vie. Nous avons abordé une certaine facette de la prise en charge palliative des patients en fin de vie mais nous n’avons pas pu établir si la prise en charge palliative est la même chez les personnes en fin de vie d’âge avancé et celles qui sont atteintes d’une maladie chronique grave.
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