Le Secret Bancaire : Entre Juridiction, Obligations Professionnelles et Défis Actuels
Thème : Le secret bancaire
Introduction
Dans l’exercice de sa fonction, le banquier est amené à taire des informations au sujet des transactions et des avoirs de ses clientèles, en vertu du secret bancaire.
Sur le plan juridique, le secret bancaire renvoie à la notion de secret professionnel qui se définit comme étant « l’obligation, pour les personnes qui ont eu connaissance des faits confidentiels dans l’exercice ou à l’occasion de leurs fonctions, de ne pas les divulguer hors les cas où la loi impose ou autorise la révélation du secret »[1]
En terme général, le secret bancaire est un devoir reconnu aux banquiers, qui, en tant que professionnels et en raison de leurs activités, sont amenés à pénétrer l’espace intime de leurs clients. C’est alors en référence à ces dires que David FOENKINOS stipule que “le miracle des Banquiers est de connaître notre vie par notre argent.”[2]
L’intérêt premier du secret bancaire consiste donc pour le banquier à préserver les informations ayant trait à ses clientèles, afin notamment de conserver leur droit de garder le secret sur l’état de leur patrimoine.
C’est notamment, en ce sens, qu’un auteur a dit que : « Le secret sur l’état de son patrimoine, et notamment ses actifs bancaires, ne constitue qu’un exemple des informations que les gens sont libres de conserver pour eux et de protéger. »[3]
Toutefois, les nouvelles mesures d’ordre étatiques destinées à réglementer le secteur financier et à garantir l’efficacité du cadre judiciaire dans la lutte contre le terrorisme ; la corruption ; et le blanchiment d’argent a pour effet de restreindre la mise en œuvre du secret bancaire. Qui plus est, la législation en vigueur permet à la justice de réclamer des institutions bancaires des informations confidentielles sur des clients.
Bien que ces mesures soient louables, ils ne sauraient être pris en violation des droits fondamentaux de l’individu. G. ROUZER corrobore cette affirmation en disant qu’ « il ne peut y avoir de véritable liberté de la vie privée sans secret de celle-ci ».
C’est là tous les problèmes du secret bancaire, car se trouve à la charnière entre la vérité d’un côté, et les droits de la défense de l’autre.
En pratique, une tolérance est accordée à la violation du secret bancaire afin de parvenir à la manifestation de la vérité.
Aussi, juridiquement, que reste-t-il du secret bancaire face aux efforts des autorités étatiques de vouloir freiner efficacement, d’une part, le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme et, d’autre part, la fraude fiscale et la corruption des fonctionnaires ? C’est cette question que nous nous posons à une époque où l’ancien président de la République française eut à déclarer « L’ère du secret bancaire est révolue. »[4]
Afin de pouvoir efficacement répondre à la problématique sus-exprimée, il convient de voir dans une première partie le secret bancaire : le secret bancaire face aux autorités et la clientèle. On y abordera donc le secret bancaire face aux autorités légitimement établies. . Par ailleurs, il nous sera également donné de voir dans cette première partie, le secret bancaire face au client et les tiers.
Pour ensuite aborder dans une seconde partie le secret bancaire : la responsabilité du banquier en cas de divulgation. En ce sens, on aura l’occasion de voir, la divulgation par voie de justice. De plus, dans le même ordre d’idée, on abordera les autres formes de divulgation.
Partie I : Le secret bancaire face aux autorités et la clientèle :
Généralement, la banque a nécessairement accès aux informations non seulement professionnelles, mais également personnelles de sa clientèle. Et selon la loi n°84-46 du 24 janvier 1984, le banquier ne peut révéler toutes ces informations, puisqu’il est soumis au secret professionnel.
À cela s’ajoute, le Décret du 14 novembre 1980 règlementant le fonctionnement des banques et des activités bancaires, modifié par le décret du 4 juillet 1984, stipulant que : « Tous les membres du Conseil d’administration ou du personnel de toute banque établie en Haïti, sont individuellement tenus au secret professionnel et ne peuvent communiquer à qui que ce soit des renseignements sur la clientèle, à l’exception, des informations d’ordre professionnel qui ne peuvent être communiqués qu’à une autre banque, en vertu des règlements intérieurs des banques ou des renseignements devant être fournis aux autorités monétaires ou à la justice, conformément à la loi ».
Ainsi, en vertu de cette législation l’ensemble des personnels d’un établissement de crédit est tenu par ce que l’on nomme le secret bancaire ; et par conséquent, ils n’ont pas à divulguer toutes les données concernant sa clientèle.
Toutefois, le concept de secret bancaire ne cesse d’évoluer, surtout au niveau législatif, et connait actuellement diverses appréhensions, selon chaque pays. Effectivement, en Haïti, la conceptualisation de protection du secret bancaire alimente diverses discussions et crée aussi des polémiques ; notamment à une époque où le phénomène de blanchiment d’argent et du financement du terrorisme continue « à battre son plein ».
Par ailleurs, les altermondialistes soutiennent l’idée que le secret bancaire entrave la poursuite des expertises contre les comptes occultes et alimente par conséquent le blanchiment d’argent.
Contrairement aux libéraux, qui sont d’avis qu’il est primordial de le maintenir ; attendu que le secret bancaire est le garant même de la confidence de la sphère privée.
Dans la pratique, à l’aide du secret bancaire, le détenteur d’un compte ou la personne possédant un compte bancaire est assuré que ses données tant professionnelles que personnelles ne seront, et ce en aucune manière divulguer à des tierces personnes.
Cela concerne donc le niveau des recettes et des avoirs des clients déposés dans un établissement bancaire, le montant de leurs rémunérations, les opérations qu’ils effectuent sont tenus secrets, et ce grâce au secret bancaire ou au secret professionnel.
En ce sens, le « Décret du 14 novembre 1980 règlementant le fonctionnement des banques et des activités bancaires, modifié par le décret du 4 juillet 1984 » en son article 109 stipule que : « le secret professionnel du Banquier porte sur les avoirs de la clientèle et tous les faits dont il a connaissance, sauf s’il est engagé par autorisation écrite du client ou de ses héritiers ou légataires ».
Cependant, il est significatif de signaler qu’en Haïti avec le nouveau projet de loi, qui sanctionne le financement du terrorisme et le blanchiment de capitaux, le nuage qui avait auparavant opacifié le concept même du secret bancaire a tendance à disparaitre.
D’ailleurs, cette législation fait obligation à tous les établissements bancaires se trouvant en Haïti, et ce sous peine de sanction pénale, de bien connaitre, non seulement, les activités ; mais également l’identité de leur clientèle.
I : Le secret bancaire face aux autorités légitimement établies :
Aux fins d’indice relatif à la surveillance fiscale ; des douanes ; de blanchiment de capitaux ; de réquisition judiciaire, les autorités judiciaires et monétaires ont la prérogative de recourir à la surveillance de l’ensemble des comptes et tout autre compte analogue avec toutefois une assignation de l’État.
On observe ainsi une frontière bien fine venant s’implanter dans le système avec les demandes provenant des autorités compétentes en vue de connaitre l’origine des fonds occultes.
En effet, l’atténuation des normes favorisant la transgression du secret bancaire en Haïti peut s’avérer inopérante. Par ailleurs, dans la littérature, nombreuses sont les sources dont peuvent provenir le blanchiment d’argent ; à savoir les sources criminelles ou encore les capitaux dont le fisc de l’État d’Haïti n’a aucun regard de contrôle, notamment sur son origine.
C’est en ce sens que l’économiste Fritz Jean-Marie nous fait savoir que : « vu la segmentation du marché haïtien qui est en grande partie dominé par l’économie informelle, ce n’est plus une surprise de dire que le flux monétaire généré par celle-ci n’est pas prise en compte ni par les autorités fiscales voire monétaires ».
Conséquemment, « la levée du secret bancaire à elle seule ne peut permettre à l’État de mieux contrôler le flux d’activité réalisée au niveau de ce secteur »[5].
Aussi, toute initiative qui vise à contrôler ledit circuit se doit d’être ajustée au processus économique haïtien. Dans cette optique, la DGI doit alors réaliser plus d’effort afin de dresser la liste de ces agents économiques, les chiffres d’affaires ainsi que les activités de ces derniers ; pour ainsi avoir un regard de contrôle sur l’ensemble des opérations des agents en questions.
Ce qui est selon Fritz Jean-Marie, « peut être fait à travers la mise en place des mécanismes de proximité de la part des autorités fiscales ou du moins via des institutions mutuelles coopératives qui agiront en tant qu’intermédiaire entre ces acteurs du secteur informel et le circuit financier lui-même ».
Toutefois, cela ne peut se concevoir sans la violation du secret bancaire, qui est, à titre de rappel, l’une des principales missions de la banque ou encore du banquier.
Effectivement, dans l’exercice de ses fonctions, le banquier est soumis à diverses obligations non seulement contractuelles, mais également extracontractuelles. Il est vrai que le secret bancaire est avant tout une expression qui désigne un devoir de loyauté que le banquier a envers sa clientèle[6].
De plus, la législation haïtienne l’impose et assortit sa transgression de sanctions. Le secret bancaire est ainsi un droit de la personne envers la société ; et ce à « l’instar des autres droits de personnalité »[7], à savoir le respect de la correspondance, le respect de la vie privée et familiale, le respect du domicile[8].
De ce fait, la protection instituée par l’État peut rendre ladite confidence sans restriction[9], comme l’a été durant des années le secret bancaire haïtien.
Néanmoins, comme nous venons de le voir supra, la protection garantie par l’État trouve ses limites face aux intérêts défendus par l’État en question[10].
Aussi, pour avoir une appréhension sans faille du sujet, il serait judicieux de voir premièrement le secret bancaire face aux autorités judiciaires ; deuxièmement, le secret bancaire face aux autorités fiscales ; et troisièmement, le secret bancaire face aux autorités monétaires.
A : Le secret bancaire face aux autorités judiciaires :
Le métier de banquier fait partie des professions permettant à son titulaire de prendre connaissance de l’ensemble des secrets des clients, ou des tiers en contact avec ces mêmes clients.
Qui plus est, la banque est devenue au fil du temps un rouage nécessaire à l’économie d’une part ; d’autre part, c’est également un « passage obligé » pour l’ensemble des citoyens, qui en raison de la loi, sont dans l’obligation d’ouvrir un compte au sein des établissements bancaires s’ils veulent effectuer une quelconque opération bancaire.
Partant de ce constat, il est alors évident que le banquier se trouve dans l’obligation de taire les renseignements de nature confidentielle que la clientèle lui fournit et se conforme à ce qu’on appelle le « secret bancaire ».
Par ailleurs, ce professionnel dans le cadre de son travail est obligé de demander à sa clientèle certains renseignements qui touchent le domaine du droit au respect de la vie privée, à savoir :
- les projets des clients ;
- leur situation patrimoniale ;
- leurs habitudes.
Toutefois, dans un souci d’une bonne administration de la justice et conséquemment pour protéger l’intérêt général, le secret bancaire s’avère inopposable aux autorités judiciaires ; notamment lorsque celles-ci agissent dans le cadre d’une procédure pénale.
En ce sens, « il en résulte de l’article 57[11], alinéa 2, de la loi du 24 janvier1984 que les officiers de police judiciaire agissant sur réquisitions du procureur de la République dans le cadre d’une enquête préliminaire ne peuvent se voir opposer le secret bancaire ».[12]
Effectivement, à travers son compte bancaire, la clientèle livre au banquier ou à la banque, divers éléments relatifs à sa vie privée. Cette révélation peut alors être traduite comme un témoignage de confiance que le client a envers la banque, pour contrepartie du devoir de discrétion.
Cependant, tel n’est pas le cas lorsque le juge pénal est fondé à avoir la levée de ce devoir de discrétion de la part du banquier.
Par ailleurs, il se pose donc d’appréhender si l’autorité de police judiciaire qui procède à une enquête préliminaire est en droit d’obtenir la levée dudit devoir de discrétion.
À ce propos, la question est de savoir si cette enquête peut être considérée comme pouvant s’inscrire dans la procédure pénale. En effet, le doute persistait concernant la question. Aussi, en pareille occurrence, la doctrine conseillait à la banque de faire présenter à l’officier de police judiciaire qu’il agit sous les ordres du procureur de la République[13].
Qui plus est, il y a également lieu de se demander sur la situation des procédures civiles d’une part ; et des procédures commerciales d’autre part.
À ce sujet et partant du constant que les intérêts sont d’ordre privé dans ces types de procédure ; la jurisprudence avait déclaré l’idée selon laquelle le secret bancaire reste opposable à l’autorité judiciaire qui agit dans une procédure commerciale ou civile[14].
Il convient, néanmoins, de prendre en considération que la législation prévoit, dans de telles situations ne serait-ce que de manières implicites, des exceptions à la règle. Autrement dit, le banquier ou la banque ne peut en aucune manière se protéger dernière le devoir de discrétion ; notamment, si le banquier est partie au procès commercial ou civil et non une personne déclarée en justice en tant que témoin[15].
Ainsi, dans le cadre de la procédure civile ou commerciale, le banquier peut lever le devoir de discrétion qui lui est imposé et faire également valoir le droit de communication de l’ensemble des autorités judiciaires.
Tel est alors le cas en matière de saisie-arrêt où la banque ou plus précisément le banquier questionné sur certaines informations concernant la clientèle poussa outre son devoir, qui est de ne pas divulguer les informations sur ses clients.
Cependant, le cas échéant, le banquier est en droit de différer sa réponse pour ainsi vérifier encore plus les renseignements qu’il va fournir. Toutefois, la loi interdit au banquier de transmettre des informations non seulement incomplètes, mais également inexactes sans engager sa responsabilité.
Qui plus est, il est significatif de signaler que le secret bancaire peut être aussi levé, et ce totalement sans l’accord de la personne qui est titulaire du compte ; dans la mesure où les impératifs, non seulement d’intérêt public, mais aussi privés, le requièrent.
En ce sens, le Code monétaire et financier, en son article L.511-33, stipule que : « Outre le cas où la loi le prévoit, le secret professionnel ne peut être opposé ni à l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution ni à la Banque de France ni à l’autorité judiciaire agissant dans le cadre d’une procédure pénale, ni aux commissions d’enquête créées en application de l’article 6 de l’ordonnance n°58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires ».
Le présent article impose donc au banquier de communiquer l’ensemble des informations relatives au compte de sa clientèle ; que ce soit leur solde, leur existence, ou encore les mouvements. Toutefois, il est à noter que la levée du secret bancaire est d’interprétation stricte.
Autrement dit, aucune entorse au maintien du secret bancaire ne peut être autorisée abstraction faite des cas limitativement prévus par la législation.
Selon l’énoncé de l’article L.511-33 la communication des renseignements et des données couvertes par ledit secret est autorisée aux autorités judiciaires, ainsi qu’aux autorités parlementaires et bancaires, mais seulement dans le cadre d’une procédure pénale.
De plus, des lois spéciales, selon l’article L.511-33 maintes fois cité dans le présent mémoire, peuvent également lever le secret bancaire. En ce sens, il est à signaler que l’inopposabilité du secret bancaire vise aussi l’administration des douanes, et l’administration fiscale quand celle-ci fait valoir « son droit de communication ».
B : Le secret bancaire face aux autorités fiscales :
Le secret bancaire est habituellement vu comme étant « l’un des piliers du crédit et le garant d’une économie saine »[16]. Néanmoins, en matière fiscale ce secret peut constituer un subterfuge à la fraude fiscale, notamment au blanchiment d’argent. Dans cette optique, la tenue du secret bancaire à l’égard des autorités fiscales s’oppose donc au principe d’égalité devant l’impôt.
Alors que ce dernier est nécessaire pour le maintien du respect de la législation.
Selon une définition classique, le secret bancaire est « la discrétion que les banques, leurs organes et employés doivent observer sur les affaires économiques et personnelles de leurs clients et de tiers parvenus à leur connaissance dans l’exercice de leur profession »[17].
Partant de cette définition, on peut constater que le devoir de discrétion imposé au banquier peut donc empêcher l’administration de faire immixtion dans les écritures de banques où se trouvent les précieux renseignements concernant les opérations financières des contribuables.
Toutefois, le secret bancaire apparait comme étant un prétexte pour les personnes voulant échapper à l’impôt et qui utilise son compte bancaire pour blanchir de l’argent ou encore pour financer des opérations criminelles comme le terrorisme.
C’est alors en ce sens que le secret bancaire est inopposable aux autorités fiscales.
Et bien que le secret bancaire haïtien trouve son fondement juridique dans une législation qui s’inspire magnanimement de la législation française en la matière ; il est significatif que le secret bancaire en matière fiscale possède ses propres spécificités.
Effectivement, la législation fiscale octroie une prérogative aux autorités fiscales dans le cadre de leurs activités et pose des normes ayant pour objectif de faciliter la recherche des infractions fiscales posée par l’article 57[18] du décret du 29 septembre 2005 sur l’impôt sur le revenu.
De plus, nonobstant la protection pénale concernant le secret bancaire, l’obligation de communication à laquelle les banques haïtiennes sont tenues ne date pas d’aujourd’hui. Cela date de 1986, année où le règne de l’ancien dictateur haïtien, dénommé Jean-Claude Duvalier a pris fin. En effet, ce dirigeant a détourné plus de sept millions de francs suisses.
Avec cette affaire la Suisse ou l’Union des Banques Suisses USB, a été contrainte par le Ministère de la Justice américaine de lever son secret bancaire.
Qui plus est, la nécessité de prendre de nouvelles mesures en vue d’organiser le secteur financier et régional a eu comme conséquence la mise en place de nombreuses politiques resserrant beaucoup plus davantage l’influence de l’État autour de l’environnement bancaire. Par ailleurs, lorsque l’on sait que l’État d’Haïti est dans une zone caribéenne où pullulent divers paradis fiscaux, l’intérêt accordé audit secteur n’est pas des moindres.
En témoigne, le nouveau projet de loi du 30 août 2016 portant organisation et fonctionnement de l’Unité Centrale des Renseignements Financiers.
Ainsi, la législation actuelle prévoit que le secret bancaire ne peut en aucune manière être opposé à l’ensemble des agents du fisc ayant fait l’objet d’une assermentation, notamment si ces derniers agissent dans le cadre d’une procédure de communication écrite.
Dans cette optique, l’article 63-1 du décret du 29 septembre 2005 sur l’impôt sur le revenu stipule que : « Sur la requête écrite signée du Directeur Général de la Direction Générale des Impôts ou du Directeur de l’Inspection Fiscale du Ministère de l’Economie et des Finances, la Banque de la République d’Haïti (BRH), agissant en sa qualité d’autorité monétaire, demandera aux responsables des institutions financières, bancaires ou de crédit, publiques ou privées, de transmettre directement à l’administration fiscale la liste à jour de tous les comptes (courants, de chèques, d’épargne, d’épargne chèques, de dépôt à termes ou autres) ouverts au nom d’un contribuable mis en vérification fiscale ».
De par ces explications, il est à constater que si le principe du secret s’oppose à ce que les renseignements ou les données de la clientèle puissent être communiqués à une tierce personne ; l’exception en est que dans certains cas limitativement prévue par la loi, le secret bancaire est inopposable aux autorités financières.
Ces mesures ont été prises en vue de sauvegarder l’intérêt général ; toutefois, elles ne doivent en aucune manière violer les droits fondamentaux.
Et même si la législation haïtienne impose la tenue du secret bancaire et assortit sa transgression de sanctions ; étant donné que celui-ci est un droit de la personne envers la société ; et ce à « l’instar des autres droits de personnalité »[19], à savoir le respect de la correspondance, le respect de la vie privée et familiale, le respect du domicile[20]. Le législateur prime, cependant, la manifestation de la vérité.
C : Le secret bancaire face aux autorités monétaires :
Le décret du 14 novembre 1980 règlementant le fonctionnement des banques et des activités bancaires sur le territoire de la République d’Haïti, en son article 108, stipule que : « Tous les Membres du Conseil d’Administration ou du Personnel de toute Banque établie en Haïti, sont individuellement tenus au secret professionnel et ne peuvent communiquer à qui que ce soit des renseignements sur la clientèle, à l’exception des informations d’ordre professionnel qui ne peuvent être communiqués qu’à une autre Banque, en vertu des règlements intérieurs des Banques ou des renseignements devant être fournis aux autorités monétaires ou à la justice, conformément à la Loi ».
Comme les autorités judiciaires et financières, le secret bancaire est aussi inopposable aux autorités monétaires.
Aussi, si nous nous référons aux énoncés du décret cité supra, nous pouvons constater que le secret bancaire est également inopposable aux autorités monétaires. En d’autres termes, le banquier ou la banque a l’obligation de fournir des renseignements de toute nature aux autorités monétaires sans se voir opposer le devoir de discrétion.
En effet, le banquier se trouve alors dans l’obligation de répondre, et ce de manière positive à l’ensemble de demandes de renseignement émanant des autorités monétaires. Autrement dit, c’est envers les autorités monétaires que les banques haïtiennes doivent fournir toutes les informations sur leurs opérations courantes et les opérations courantes de sa clientèle.
En ce sens, il est donc normal que la législation relative au secret bancaire prévoie que ledit secret soit inopposable aux autorités monétaires.
De plus, étant donné que la place qu’occupent les autorités monétaires dans l’économie haïtienne, surtout en ses périodes de trouble marqué par l’afflux du blanchiment d’argent et du financement du terrorisme, le contrôle des institutions financières sont alors d’une importance capitale.
Qui plus est, il est significatif de noter que les autorités financières sont les organes de tutelle des institutions financières, ce qui fait que c’est par son agrément qu’une institution financière peut ouvrir ses portes.
Par conséquent, aucun établissement de crédit ne peut exercer sur le territoire national haïtien sans qu’il soit agréé par les autorités monétaires. Ceci vaut également en cas de fermeture d’une institution financière.
Nous venons de voir les cas d’inopposabilité du secret bancaire ; toutefois, pour avoir une appréhension complète de ce concept, il serait judicieux de faire un bref survol du principe directeur du secret bancaire, de ses effets, et du droit applicable.
v Principe directeur du secret bancaire :
Le secret bancaire consiste en général pour l’établissement bancaire detenteur d’un compte à ne pas révéler ou mettre au grand jour les informations personnelles de sa clientèle à un tiers.
Et comme il a été mentionné supra, la notion du secret bancaire renvoie au secret professionnel qui est régi par le Code monétaire et financier.
En effet, l’article L.511-33 du présent code énonce que « tout membre d’un conseil d’administration et, selon le cas, d’un conseil de surveillance et toute personne qui a un titre quelconque participe à la direction ou à la gestion d’un établissement de crédit ou d’un organisme mentionnée au de l’article L.511-6 ou qui est employée par l’un de ceux-ci est tenu au secret professionnel ».
En ce sens, le secret bancaire a pour objectif de protéger les intérêts d’un individu et il ne peut être levé exception faite de certaines situations expressément prévues par la législation.
Et le professionnel qui ne respecte pas ladite obligation s’expose à des sanctions, non seulement, à caractères pénal, civil ; mais également disciplinaire.
v Effets du secret bancaire :
Le secret professionnel a une durée imprescriptible.
En effet, le banquier est toujours tenu par l’obligation du secret professionnel, et ce pour l’ensemble de la clientèle de la banque ; et même dans le cas où le professionnel vient à quitter l’établissement.
De plus, le secret bancaire est opposable aux tiers.
Dans cette optique, le banquier n’est pas habilité à divulguer, et ce de manière spontanée les informations ou les données concernant la clientèle. Le souci se pose donc avec l’impartition de certaines besognes au sein des établissements bancaires, pour ne citer que les remises de chèques par traitement automatisé.
Des clauses de confidentialités sont insérées dans les contrats et qui leur permet d’interpeller à leur tour en responsabilité leur cocontractant, et ce dans le cas ou des données venait à paraître au jour au cours de l’émission d’information. Car la clientèle n’est pas liée avec le sous-traitant.
Ainsi, le banquier ne peut divulguer les renseignements concernant le client à la demande d’une tierce personne.
v Le droit applicable :
Le manquement des devoirs légaux ou l’inobservation des usages professionnels par le personnel de la banque et qui donne lieu à un dommage ; engage dans la plupart des situations la responsabilité du banquier.
Dans cette optique, l’article 111 du Décret du 14 novembre 1980 règlementant le fonctionnement des banques et des activités bancaires, modifié par le décret du 4 juillet 1984, prévoit que : « celui qui viole le secret professionnel auquel il est tenu en vertu de la loi, qui incite à commettre cette infraction ou tente d’y inciter, est passible d’une amende de vingt mille gourdes (Gdes 20,000.00) au plus ou d’un emprisonnement de trois (3) mois à un (1) an au plus. Les deux peines peuvent être cumulées. Si l’auteur a agi par négligence, la peine est une amende de dix mille gourdes (Gdes 10,000.00) ».
Par ailleurs, la responsabilité du banquier est régie par diverses normes et qui appartiennent à des disciplines bien distinctes.
On distingue ainsi : la responsabilité pénale ; la responsabilité cambiaire, et enfin la responsabilité de droit commun ou la responsabilité civile. Aussi, pour mieux appréhender la responsabilité du banquier ; il serait judicieux de voir successivement ce que disent ces trois disciplines.
- Le droit applicable au niveau pénal :
La responsabilité du banquier, au niveau pénal, trouve son fondement dans divers textes, à savoir : la Loi pénale ; la Loi sur le secret professionnel et le blanchiment d’argent ; la Loi sur les opérations de change ; la Loi sur la liberté des prix et de la concurrence ; la règlementation du chèque.
Qui plus est, une pareille responsabilité peut aussi être engagée si les agissements du banquier sont contraires aux dispositions de la législation régissant les établissements bancaires.
Eu égard à cela, prenons à titre d’exemple, la transgression des normes de protection des déposants, et ce même sans préjudice des sanctions disciplinaires qui peuvent être également appliquées en cas de non-respect des règles dites prudentielles.
Cependant, il y a lieu de préciser que la fonction du professionnel ou sa qualité de banquier elle-même est considérée comme une circonstance aggravante prévue par le Code pénal.
En termes clairs, la qualité de banquier peut aggraver la condamnation, puisqu’elle est une source d’aggravation de la responsabilité.
Cela parait évident étant donné le professionnalisme auquel sont tenus les personnels de la banque.
- La responsabilité cambiaire :
Étant donné les différents risques que l’on peut trouver en matière d’effet de commerce, la banque ou plus précisément le banquier durant ses opérations est tenu de faire preuve de beaucoup de prudence.
À défaut, le banquier en question cesse d’avoir ses droits cambiaires, notamment lorsque ce dernier n’agit pas dans les temps.
En ce sens, la responsabilité cambiaire est alors déterminée proportionnellement au degré de négligence qui va surement causer un préjudice[21].
Il est aussi à signaler qu’une pareille responsabilité est en rapport, et ce de manière directe à la nature du travail de banquier.
- Le droit applicable au niveau civil :
Concernant la responsabilité civile ou de droit commun du banquier, aucune règle spécifique ne la prévoit. Conséquemment, la responsabilité civile est alors prévue par les dispositions de droit commun ; notamment, celles relatives à la disposition contractuelle et délictuelle.
Par ailleurs, il est à signaler que cette responsabilité civile est, toutefois, à la base d’une jurisprudence corrélativement fournie.
Généralement, elle s’accorde avec une infraction bancaire ; mais reste à prouver que ladite infraction ait été commise par le banquier et que la personne qui a subi le préjudice, bénéficiaire de paiement ou titulaire d’un compte débité, s’est abstenue d’en commettre[22].
Par ailleurs, il est significatif de noter que dans toutes les situations, la responsabilité civile du banquier est appréciée par la législation régissant le contrat de mandat.
Aussi, pour pouvoir s’exonérer de cette responsabilité, le banquier est obligé de prouver la faute du client[23] ; qui est en principe le donneur d’ordre.
Dans de telles circonstances, la jurisprudence française a retenu le « cas de la force majeure ».
En plus de la faute, la négligence, qui est une faute non intentionnelle, peut être également la base même d’une pareille responsabilité. Surtout, lorsque le banquier procède à la révélation d’informations erronées.
Dans de telles circonstances, la victime devra apporter la preuve de la faute du banquier ; notamment de ses prétentions.
Qui plus est, l’analyse de la jurisprudence nous fait savoir que la responsabilité civile délictuelle peut toute aussi être aggravée en tenant compte de la qualité professionnelle de l’établissement bancaire agissant à titre de commerçant[24]. Par ailleurs, le banquier n’est que le préposé représentant la banque à l’égard de sa clientèle.
Aussi, d’après tout ce qui a été mentionné, nous pouvons affirmer que la responsabilité de droit commun peut être appliquée à la responsabilité civile professionnelle.
Cependant, son application connait divers infléchissements surtout quand ce droit commun est mis en jeu à l’égard d’un professionnel[25]. Effectivement, cette situation est la conséquence de la rigueur attachée à cette qualité.
II : Le secret bancaire face au client et les tiers :
La clientèle d’un établissement financier ne saurait être en principe un mystère pour la banque en question. Conformément aux pratiques et principes régissant le secteur bancaire, une banque se doit de savoir tout ce qui concerne sa clientèle. Ce dernier considère généralement le personnel de la banque comme son confident d’une part ; et un partenaire économique essentiel d’autre part.
En effet, un client consulte son banquier pour tout ce qui touche de près ou de loin son compte bancaire ; notamment, dans l’optimisation de ses placements et dans ses besoins d’investissement.
Dans cette optique, le banquier a pour mission de conseiller le client ; une tâche qu’il ne peut en principe réalisé que si le banquier en question a une connaissance irréprochable de sa clientèle.
Ce contexte fait généralement que la relation entretenue entre le client et le banquier se passe dans la transparence et la confiance.
Par ailleurs, la transparence est actuellement renforcée par l’évolution de l’informatique. Il est vrai que les établissements bancaires ne cessent de s’adapter à son époque, et ce en exploitant les technologies de pointe afin de perfectionner ses techniques, mais également ses mécanismes.
De ce fait, de nos jours, la relation qui existe entre les clients et la banque est jalonnée par une grande transparence. De plus, les pratiques informatiques donnent l’opportunité à la clientèle d’avoir quasi automatiquement toutes les informations le concernant, comme leur relevé de compte.
Qui plus est, la confiance établit entre la clientèle et la banque, mariée à l’aptitude à pouvoir s’adapter au développement technique en vue de perfectionner la qualité de ses prestations, fait du secteur bancaire un milieu très dynamique.
Cette vivacité bancaire est également perpétuée au moyen de la tradition du secret s’imposant au banquier et avec lequel le rayonnement sort continuellement plus consolider postérieurement à chaque innovation.
En effet, la clientèle est constamment garantie que les secrets que celle-ci confie à la banque ne peuvent en aucune manière être divulgué ; et ce par le biais du secret bancaire liant la banque.
Conséquemment, le banquier ne peut pas révéler les confidences sur le client. Attendu que c’est l’ensemble de la relation entre la banque et sa clientèle qui est couvert par ledit secret.
En ce sens, si le secret bancaire a été au commencement institué dans l’intérêt de l’économie, et ce même au nom du libéralisme ; il est à constater qu’actuellement, ce secret semble dans certains cas mis aux oubliettes, généralement en dépit des canons d’une économie viable.
En effet, la confidentialité découlant du secret en question rend les établissements bancaires vulnérable et attrayant à toute fraude, notamment le blanchiment.
Manifestement, mariée à l’ingéniosité des malfaiteurs, les pratiques particulières apportées aux procédés bancaires dites classiques ont donné l’opportunité d’optimiser leur potentiel de confidentialité.
Ainsi, pour apporter plus de lumière à notre étude, nous allons voir en premier lieu le secret bancaire face au client ; et en second lieu, notre analyse portera sur les tiers.
A : Le Client :
Nul ne peut ignorer que le secret bancaire a été mis en place dans un but précis, protéger le client de la banque, qui peut être une personne physique ou bien une personne morale, contre la révélation de renseignements confidentiels.
Effectivement, le principe du secret bancaire est tout simple, garantir aux personnes qui confient à l’institution financière leur patrimoine, la discrétion absolue de ladite institution, et ce dans l’objectif d’inciter, de toute évidence, la venue des fonds.
Partant de ce constat, c’est donc tout naturel que la clientèle de la banque soit le premier bénéficiaire du devoir de discrétion du banquier, qui ne peut en principe être levé que seulement avec l’autorisation de ce dernier ; et ce dès la première opération du client avec l’établissement bancaire.
Par ailleurs, la clientèle de la banque doit toujours veiller à ce que les renseignements qu’il confie ainsi que les opérations qu’il effectue restent confidentiels non seulement à l’égard de l’État, mais également à l’égard des personnes privées. Et comme nous venons de le mentionner supra, le seul fait que les puissances publiques puissent savoir l’envergure de leur fortune, aussi légalement acquis soit-il, constitue une atteinte à la vie privée de la clientèle.
Certaines personnes y voient même un danger futur de spoliation par les autorités publiques.
Toutefois, avec le problème du blanchiment d’argent et le financement du terrorisme, la tenue secrète des informations de la clientèle d’une banque semble souffrir de quelques exceptions. En effet, comme il nous a été donné de voir précédemment, certaines autorités, pour ne citer que le fisc, les douanes et la justice, ont un droit de regard sur les comptes des clients, notamment ceux qui sont suspects.
Aussi, dans le but de prévenir ces infractions, en premier lieu, le fisc a un droit de communication, et ce de manière générale, dans la comptabilité des banques. Dans cette optique, le droit de communication procure aux inspecteurs du fisc la prérogative de consulter le compte de chaque client.
En second lieu, l’administration douanière peut elle aussi se faire communiquer l’ensemble des documents appartenant à la clientèle ; et contrairement aux inspecteurs du fisc, l’administration des douanes peut se faire ouvrir les coffres des clients de la banque.
Enfin, la justice, face aux autorités judiciaires les banques sont totalement déliées du secret bancaire, tout au moins à l’égard des juridictions pénales. A cet effet, la banque doit remettre les informations ainsi que l’ensemble des documents demandés par les autorités judiciaires. De plus, le banquier se doit de répondre aux questions qui lui sont posées concernant le compte d’un client ou de la clientèle.
De par ces explications, il est à constater que si le principe est que le banquier tenu par le secret professionnel ne peut en aucune manière divulguer les informations concernant la clientèle ; l’exception est que dans des conditions précises, la législation accorde aux pouvoirs publics de passer outre le secret bancaire.
Ainsi, même si le secret bancaire fait partie du droit de la personne, par conséquent protégé par la législation, le législateur en vue de protéger l’intérêt public, pose certaines limites au secret bancaire.
B : Les tiers :
Dans la pratique, toute personne qui a fait fonctionner le compte du client, après son décès, peut bénéficier du secret bancaire. Cette situation peut s’interpréter par le principe de la continuité de la personne. Ces tiers peuvent être des héritiers qui continuent la personne d’un client ayant trouvé la mort.
Qui plus est, tout individu qui est en relation d’affaires avec une institution financière peut être protégé par le secret bancaire, et ce sans qu’il n’y ait ouverture d’un compte chez la banque ; ou que les relations d’affaires que la banque entretenait avec sa clientèle ont un caractère d’antériorité ou permanent.
C’est alors le cas de tout individu, qui a traité ou qui traite avec la banque, ne serait-ce que, de manières occasionnelles. À titre d’exemple, citons qu’une personne bénéficiaire d’un chèque est couverte par le secret bancaire. Cette situation a été confirmée par la jurisprudence par le biais d’un arrêt rendu par la Cour de cassation[26].
En outre, le secret bancaire est aussi dû à des tiers que l’établissement de crédit aurait connus dans le cadre de son activité professionnelle[27] ; sans pour autant que la banque soit liée à cette personne par quelques liens que ce soit.
Il est aussi significatif de signaler que les ayants droit de la clientèle sont des personnes à la relation existant entre le banquier et le client. En général, le secret bancaire exige du banquier de s’abstenir de dévoiler les renseignements et données confidentielles de sa clientèle aux tiers.
Toutefois, cette règle ne s’applique pas pour les renseignements à caractère général. Les tiers en question peuvent être alors soit des personnes morales, soit de personnes physiques, ayant des liens de droit avec la personne propriétaire du compte.
1 : Les personnes physiques :
Dans l’exercice de ces fonctions, le banquier est dans l’obligation de fournir certains renseignements aux personnes envers lesquels une institution financière ne peut opposer le secret bancaire[28].
Ces tiers peuvent donc avoir un lien de droit avec le client, comme dit précédemment. À ce sujet, le principe de la continuité du défunt oblige la banque de répondre favorablement à tous les individus liés à la clientèle par un lien de droit d’ordre successoral.
v Les tiers liés à la clientèle par un lien de droit :
Ø Le conjoint :
En principe, le conjoint d’une personne détenant un compte dans un établissement bancaire ne peut en aucune manière avoir accès aux informations dudit client, en l’absence d’une autorisation venant de celui-ci. En termes clairs, lorsqu’il est dépourvu de pouvoir de représentation légale ou contractuelle, la banque s’abstient de communiquer toute information sur son client.
Toutefois, le banquier est dans l’obligation de fournir au conjoint titulaire d’un compte joint des renseignements sur son client ; attendu que ce type de compte se spécifie par « une double solidarité active et passive des co-titulaires ».
Ø Les représentants légaux de la clientèle :
Lorsque la clientèle est un majeur incapable ou encore un mineur, elle doit solliciter l’aide des représentants légaux pour pouvoir effectuer des opérations bancaires. En ce sens, dès que le curateur du majeur incapable ou le tuteur du mineur se présentent avec des actes de représentation répondant aux normes exigées par la législation sur le secret bancaire[29], ils sont en droit de demander au banquier des renseignements sur le client.
Il est à noter qu’ici, il est question d’acte judiciaire exécutoire qui n’est plus susceptible de recours ou par provision.
Ø Le mandataire du client :
Selon l’article 1984 du Code civil, le mandataire est celui qui représente le mandant pour le compte et au nom de qui il agit. Partant de ce constat, le fait de penser que le secret bancaire interdit à l’établissement bancaire de communiquer des informations au mandataire qui est, du fait de la fiction juridique, considéré comme étant le client lui-même serait absurde.
v Les tiers liés à la clientèle par un lien de droit d’ordre successoral :
Après le décès d’un client, la banque est dans l’obligation de communiquer des renseignements, que ces derniers soient d’ordre confidentiel ou d’ordre généraux, aux bénéficiaires suivants : premièrement, les héritiers et successeurs universels ; deuxièmement, les légataires et donataires.
Ø Les héritiers et successeurs universels :
La banque peut transmettre aux héritiers et successeurs universels de sa clientèle des données bancaires, et ce sans que le secret bancaire ne soit leur opposé. Cette situation nous fait part que les héritiers et les successeurs universels continuent la personne du défunt.
Aussi, lorsque le client vient à mourir, ses héritiers et ses successeurs universels deviennent les principaux bénéficiaires de l’ensemble des renseignements que recevait le client. De ce fait, on peut dire que même à la mort du client, l’obligation juridique subsiste toujours.
Néanmoins, il convient de signaler que le secret bancaire est maintenu à l’égard des héritiers et des successeurs universels que seulement pour des renseignements à caractère strictement personnel et par lequel la banque a pu avoir connaissance.
Ø Les donataires et légataires :
Le donataire est celui qui accepte par contrat de recevoir la propriété d’un bien du donateur, et ce gratuitement. Toutefois, il est à préciser que la donation est faite du vivant du « de cujus ».
Le légataire à titre universel est celui qui, désigner par testament, reçoit un legs qui porte sur une quote-part de la succession laissée par le testateur à sa mort ; alors que le légataire à titre particulier est celui qui reçoit, selon les instructions du testament, un ou plusieurs biens déterminés.
S’agissant de ces trois types d’individu, si le principe est l’opposabilité du secret bancaire, cependant, si la libéralité porte sur des titres ou des sommes détenus par institution financière, celle-ci est dans l’obligation de transmettre au bénéficiaire de la libéralité, un relevé de compte.
De par ces explications, nous pouvons constater que les personnes physiques envers lesquelles le secret bancaire reste inopposable diffèrent suivant que la clientèle soit vivante ou décédée. Toutefois, ces personnes ne sont pas les seuls ayants droit de la clientèle ; effectivement, il peut également s’agir des personnes morales.
2 : Les personnes morales :
Les représentants des sociétés morales, autrement dit, les organes internes de gestion ne peuvent en aucun cas se voir opposer ledit secret. Tel est également le cas des organes externes de contrôle ayant droit aux renseignements et données nécessaires pour la réalisation des missions qui leur sont imposés.
v Les organes internes de gestion et de contrôle des sociétés :
Ø Les organes de gestion :
L’appellation donnée aux organes de gestion diffère suivant que l’on se trouve dans des sociétés de personnes, dans des sociétés anonymes, et dans des sociétés à responsabilité limitée.
En ce qui concerne les sociétés de personnes ou à responsabilité limitée, ils prennent le nom des gérants ; tandis que dans les sociétés anonymes, il existe divers modes de gestion.
En effet, on peut observer dans certaines sociétés anonymes, seulement un administrateur général. C’est uniquement dans le mode de gestion avec conseil d’administration qu’existe soit un PDG ou président-directeur général ; soit un président du conseil d’administration et un directeur général.
Effectivement, les sociétés de personnes sont des entreprises dans lesquelles la responsabilité des associés est indéfinissable. Elles sont l’opposé des entreprises à responsabilité limitée, puisque dans ces types de sociétés la responsabilité pécuniaire de chaque associé est limitée à leurs apports. Pour ce qui est des sociétés anonymes, ces dernières se définissent par leur capital constitué par voie de souscription d’actions ; par ailleurs, les associés ne sont responsables de la rétribution des dettes sociales que seulement à concurrence de leurs apports.
À cet effet, les organes de gestion en question ont le droit d’obtenir de la part de la banque des renseignements relatifs à l’entreprise et indispensables à la réalisation de leurs missions. Tel est également le cas des organes de contrôle.
Ø Les organes de contrôle :
Les organes de contrôle sont représentés pour les sociétés anonymes par le président du conseil d’administration ou les associés. Ainsi, en tant qu’organe de contrôle, ces derniers peuvent donc recevoir des renseignements à caractère général.
Concernant les sociétés à responsabilité limitée et les sociétés de personnes, le rôle de contrôle de la société est joué par les associés. De plus, le secret bancaire leur est opposable. À cet effet, ces personnes n’ont pas accès aux données de nature confidentielles concernant l’entreprise.
Toutefois, divers auteurs 14[30] admettent une exception à l’égard des associés en nom collectif du fait du caractère illimité des responsabilités qui leur incombent[31].
Cela veut dire que les associés des entreprises en nom collectif ont la prérogative de recevoir de la part du banquier des renseignements concernant la société.
v Les organes externes de contrôle des personnes morales :
Les organes externes de contrôle des personnes morales sont représentés par les commissaires aux comptes pour les sociétés anonymes ; par contre, dans les procédures collectives d’apurement du passif, ils sont représentés par les organes intervenants.
S’agissant du commissaire aux comptes, étant donné qu’il ne doit pas intervenir dans la gestion de l’entreprise que seulement pour accomplir son travail ; le secret professionnel concernant l’entreprise ne doit pas lui être opposé.
Mais la question qui se pose est de savoir, en tenant compte des affirmations supra, si la banque doit transmettre à celui-ci les demandes de financement de la clientèle ou encore les projets de la société.
Pour les organes intervenant dans les procédures collectives d’apurement du passif, ils peuvent se faire communiquer les informations nécessaires en cas de liquidation de biens ou de redressement judiciaire, pour ainsi accomplir sa mission.
De par ces explications, il est à constater que le banquier ne peut communiquer les informations relatives à sa clientèle qu’à des personnes bien déterminées.
Partie II : La responsabilité du banquier en cas de divulgation :
La jurisprudence a imposé au banquier ou à l’établissement bancaire une obligation de ne pas divulguer les informations concernant sa clientèle. En ce sens, le banquier envers qui le client il a confié l’ensemble des informations le concernant est tenu de ne pas de respecter son obligation.
Conséquemment, s’il porte atteinte à la tenue secrète des informations du client, la responsabilité du banquier sera engagée pour manquement à son obligation. Ainsi, nous allons voir en premier lieu la divulgation du secret bancaire par voie de justice. Deuxièmement, notre étude portera sur les autres formes de divulgation.
I : La divulgation par voie de justice :
A : En cas de poursuite judiciaire :
Le banquier, par la diversité et la nature de ses activités, prend quotidiennement connaissance de diverses informations et données dont la divulgation revêt une envergure considérable, non seulement pour l’aboutissement d’une poursuite pénale ; mais également pour trouver une solution sur une contestation civile.
Il existe également des lois qui permettent aux juges de contraindre le banquier à dévoiler les informations en sa possession.
Toutefois, il convient de noter que dans le cadre d’un procès, et notamment lorsque le banquier doit dévoiler les informations personnelles de sa clientèle, il doit prendre des dispositions pour l’en informer ; même s’il n’est pas formellement tenu de le faire.
Mais, il est significatif de signaler qu’en cas de poursuite judiciaire, c’est la loi qui ordonne au banquier d’outrepasser son devoir de discrétion. Alors, si ce dernier, sans aucun motif légal, porte atteinte à son obligation, sa responsabilité serait engagée.
1 : La responsabilité civile du banquier :
La publication des informations concernant sa clientèle par le banquier peut entrainer des sanctions. Ces dernières sont diverses, en effet, elles peuvent de nature pénale, civile ou encore professionnelle.
Toutefois, il convient de préciser que dans la plupart des cas, les sanctions prononcées en matière de divulgation de secret bancaire sont des sanctions civiles[32]. Ces dernières peuvent alors se manifester par la responsabilité civile des institutions financières obéissant aux règles de droit commun.
Effectivement, la responsabilité civile est le fait de répondre civilement du dommage causé à autrui[33]. Ainsi, la responsabilité civile peut être premièrement contractuelle et deuxièmement, délictuelle.
a : La responsabilité contractuelle du banquier pour violation du secret bancaire :
Selon E JEULAND « la responsabilité contractuelle est la variété de responsabilités civiles qui s’applique lorsqu’une partie n’a pas exécuté son obligation »[34].
Partant de ce constat, la responsabilité du banquier est dite contractuelle dans la mesure où le préjudice a été causé à une personne faisant partie de sa clientèle durant de l’exécution de ses obligations. Par ailleurs, le débiteur, exception faite en cas de dol, est tenu de fournir au créancier l’égal de l’avantage qu’il espérait du contrat et en aucun cas de réparer le préjudice qui lui a été causé.
Dans notre situation, le débiteur n’est autre que la personne du banquier, puisque le renseignement dû est une obligation relevant d’un contrat existant entre la clientèle et le banquier. Il s’agit de l’obligation par laquelle la banque doit tenir confidentielles les informations concernant sa clientèle.
v L’étendue de la responsabilité contractuelle du banquier :
D’après Thierry Bonneau l’étendue de la responsabilité contractuelle du banquier, notamment quand celui-ci s’est abstenu d’exécuter l’obligation de ne pas divulguer les confidences bancaires, répond en principe aux mêmes règles de la responsabilité contractuelle de droit commun[35].
Ipso facto, pour que la responsabilité contractuelle du banquier puisse exister il faut au préalable une faute du banquier, ensuite un dommage du client et enfin l’existence d’un lien de causalité entre le dommage et la faute.
v La réparation du dommage en cas de violation du secret bancaire :
Si la banque ou plus précisément le banquier manque à son obligation, c’est-à-dire, divulgue les informations du client ; il cause à celui-ci un dommage qui doit faire l’objet d’une réparation.
Toutefois, il est significatif de signaler que ladite réparation s’effectue selon un procédé bien défini, et qui doit également faire l’objet d’une évaluation à un moment déterminé.
Ø Le mode de réparation du dommage :
Selon l’article 1240 du Code civil : « tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer ». Ainsi, en cas de non-respect par le banquier du secret bancaire, celui-ci est tenu au versement des dommages et intérêts.
Effectivement, lesdits dommages et intérêts doivent permettre à réparer le préjudice subi, et ce de manière intégrale. C’est le principe de la réparation intégrale du préjudice. De ce principe, il découle que le montant des sommes versés doit couvrir la totalité du préjudice réparable ; cependant, cette somme ne doit en aucune manière le dépasser.
Qui plus est, ce sont les juges du fond qui sont chargés d’allouer les dommages et intérêts.
Ø La période de l’évaluation du dédommagement :
Ici, on fait face à deux périodes pouvant aider à fixer le moment pour évaluer les dommages et intérêts. Dans cette optique, on peut choisir entre le moment où le contrat aurait dû être réalisé, autrement dit, la date de la survenance du préjudice ; et le moment où intervient la décision de justice condamnant définitivement le débiteur.
Mais, la jurisprudence est en faveur de l’évaluation à la date du jugement définitif. De ce fait, le principe de la réparation intégrale exige que le préjudice soit évalué au jour du jugement définitif.
b : La responsabilité délictuelle du banquier pour divulgation du secret bancaire :
En principe, la responsabilité du banquier est dite délictuelle, dans la mesure où le préjudice a été causé à une tierce personne dans la réalisation de ses obligations. La responsabilité délictuelle du banquier peut être également mise en jeu, si ce dernier a divulgué les confidences des tiers en relation d’affaires avec sa clientèle.
Dans la pratique, la responsabilité délictuelle de la banque est engagée du fait de leur fait personnel et en raison du fait de ses préposés.
Toutefois, que la personne soit face à la responsabilité délictuelle ou contractuelle du banquier, en raison de la violation du secret bancaire, il faut chercher, l’identité de celui, à qui incombe la charge de la preuve.
2 : La responsabilité pénale du banquier pour divulgation du secret bancaire :
Le banquier comme tout autre justiciable peut voir sa responsabilité pénale engagée. Et, la responsabilité pénale de celui-ci peut résulter d’une part du droit pénal commun pouvant être appliqué à la personne du banquier ; et d’autre part, du droit pénal spécial qui peut être appliqué à l’activité bancaire.
a : La faute du banquier concernant la divulgation du secret bancaire :
v Les infractions dont le banquier en est l’auteur :
Le banquier est un professionnel sur lequel repose une obligation de ne pas divulguer les informations des comptes de sa clientèle. Le non-respect de ladite obligation peut constituer une infraction pénale.
Certes, les infractions en question découlent de la violation des dispositions légales, toutefois, pour que celles-ci engagent la responsabilité pénale du banquier, il doit au préalable agir sous certaines conditions.
Ø Les infractions qui résultent de la transgression des dispositions légales :
La législation française et haïtienne met en évidence les diverses infractions dont la personne du banquier en est l’auteur principal.
Ces infractions peuvent donc engager la responsabilité pénale du banquier, notamment l’article 226-13 du Code pénal, qui stipule que « la révélation d’une information à caractère secret par une personne qui est dépositaire soit par état ou par possession, soit en raison d’une fonction ou d’une mission temporaire » est sanctionnée d’une peine d’emprisonnement assortie d’une amende.
En Haïti, la Loi sanctionnant le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme va plus loin. En effet, cette loi, en son article 31, impose à la banque, plus précisément, au banquier une obligation de dénonciation sur les fonds ou les biens résultant d’une activité criminelle liée au blanchiment d’argent et au financement du terrorisme[36].
Ainsi, le banquier ou l’institution financière qui manque à ce devoir légal devra en conséquence engager sa responsabilité pénale.
Toutefois, il convient de préciser que pour que ces manquements puissent engager la responsabilité pénale de la banque ou du banquier, celui-ci doit préalablement agir sous des conditions bien déterminées.
Ø Les conditions nécessaires pour engager la responsabilité pénale du banquier :
En matière pénale, la responsabilité d’une personne ne peut être engagée sans la réunion de trois éléments, à savoir l’élément moral, l’élément légal et l’élément matériel. L’élément légal ayant déjà été mentionné supra ; nous nous intéresserons donc qu’aux éléments matériel et moral.
En ce qui concerne l’élément matériel, il consiste dans la manifestation extérieure de la volonté délictueuse sous la forme de gestes ou des attitudes décrites par la loi d’incrimination. En ce sens, le banquier qui, par ces agissements, a divulgué les informations d’un client engage donc sa responsabilité. La règle est en effet, pas d’infraction sans activité matérielle.
S’agissant de l’élément moral, pour qu’une infraction soit constituée, il ne suffit pas d’un fait matériel prévu par un texte ; il faut encore que son auteur en ait la conscience et la volonté de l’accomplir. Ainsi, le banquier ne peut engager sa responsabilité pénale que dans la mesure où il a agi sciemment.
Autrement dit, le banquier par ses agissements a accompli un acte illégal, une faute intentionnelle.
v Les infractions dont le banquier en est complice :
Le banquier, dans certaines situations, peut également être complice surtout quand il facilite ou assiste la consommation ou la préparation d’une infraction. En ce sens, la responsabilité pénale du banquier peut être engagée si les informations qu’ils fournissent ont contribué à la réalisation de l’infraction.
Par ailleurs, le banquier, étant le détenteur de toutes les informations relatives aux comptes bancaires de sa clientèle, peut être complice de diverses infractions commises par cette dernière, à savoir le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme.
b : la sanction pénale en cas de divulgation du secret bancaire :
L’ article 226-13 du Code pénal cité ci-dessus nous informe que la divulgation d’une information à caractère secret par celui qui en est dépositaire est sanctionnée d’un an d’emprisonnement et d’une amende de 15000 euros. Appliquée à notre cas, la révélation par le banquier du secret bancaire peut donc engager sa responsabilité pénale.
B : En cas de fraude fiscale :
L’efficacité d’un dispositif mis en place pour lutter contre le blanchiment d’argent et le terrorisme est la plupart du temps une question de bonne volonté politique. Toutefois, pour certains pays, les législateurs ont encore du mal à choisir leur camp.
En effet, depuis les années 1990, la concurrence fiscale dommageable[37] a beaucoup attiré la curiosité des observateurs comme jamais auparavant, et par conséquent elles se sont même imposées sur l’agenda international.
Depuis lors, les initiatives nationales, internationales, unilatérales et bilatérales, ne cessent de se multiplier. En ce sens, L’OCDE a institué des normes afin de mieux appréhender la concurrence fiscale dommageable d’une part ; et d’autre part, afin d’améliorer l’accès aux informations en possession des institutions financières à des fins fiscales.
La place financière haïtienne est également concernée par ces développements, puisque le pays est la ciblée favorite d’individus qui œuvrent dans le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme.
Qui plus est, dans un rapport publié en 2016, la Commission Economique pour l’Amérique Latine et les Caribes (CEPLC) a affirmé qu’Haïti fait partie des États dont l’économie est plus équilibrée. En ce sens, l’État d’Haïti a attiré des investissements importants venant de partout dans le monde.
Par ailleurs, si de nombreux motifs ont été avancés pour expliquer une telle réussite, à savoir l’état de droit, la stabilité monétaire, la sécurité juridique, les services offerts par les banques ; la législation haïtienne sur le secret bancaire a également joué un rôle indispensable.
Dans cette optique, le devoir de discrétion des établissements bancaires haïtiens reste également opposable à l’administration fiscale. Cependant, le devoir de discrétion imposé au banquier ne saurait prévaloir des mesures destinées à faire apparaitre la vérité, et ce dans l’intérêt public.
Par ces explications, il est à constater que la responsabilité du banquier ne peut être engagée s’il a manqué à son devoir de discrétion en cas de fraude fiscale.
II : Les autres formes de divulgation du secret bancaire :
En plus de cas de divulgation que nous avons pu voir jusqu’ici existent d’autres. En effet, la banque dans ses propres intérêts peut également divulguer les informations de sa clientèle. Et dans certaines situations, la divulgation émane même de la clientèle.
v L’intérêt de la banque :
Si l’établissement bancaire se trouve dans l’obligation de dévoiler des informations personnelles concernant sa clientèle pour ainsi répondre à ses propres intérêts, comme dans le cas où il doit poursuivre une personne dont le compte est à découvert d’une part ; et d’autre part, que l’établissement bancaire prend des dispositions en vue de se protéger contre des activités frauduleuses ou criminelles du client. Comme le cas de blanchiment d’argent et de financement du terrorisme.
Par ailleurs, la Loi sanctionnant le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, en son article 42, stipule que : « Aucune action en responsabilité civile ou pénale ne peut être intentée, ni aucune sanction professionnelle prononcée contre les personnes, les dirigeants, les préposés ou les employés des institutions financières ou les entreprises et professions non financières qui, de bonne foi, ont transmis les informations ou effectué les déclarations prévues aux articles 31 et 33, même si les enquêtes ou les décisions judiciaires n’ont pas donné lieu à une condamnation ».
Cependant, en de telles situations, une pareille révélation doit être nécessaire et raisonnable afin d’assurer la protection de la banque. Conséquemment, la divulgation n’est pas permise si la seule finalité du banquier est de tirer avantage de la situation.
v Le consentement tacite ou exprès de la clientèle :
Dans cette situation, la clientèle autorise le banquier à révéler les informations à son sujet à des tierces personnes dans l’objectif d’établir sa solvabilité.
Toutefois, même si les circonstances dans lesquelles la clientèle donne son consentement pour la divulgation de ses données et informations personnelles sont relativement faciles ; les circonstances où le consentement du client est implicite présentent pour la plupart quelques complications pour le tribunal.
v L’intérêt public :
Cette troisième forme de divulgation a été mainte fois citée dans le présent mémoire ; effectivement, le banquier peut également divulguer les renseignements personnels d’un client lorsque l’intérêt public le requiert.
Tel est alors le cas des établissements bancaires qui devaient fournir des renseignements à la police sur un client soupçonné de dissimiler des activités criminelles sur son compte, comme le financement du terrorisme et le blanchiment d’argent.
Il se peut également que si le client représente un danger pour l’État, le banquier soit autorisé à révéler aux autorités judiciaires les informations le concernant.
Conclusion :
En guise de conclusion, on peut sans se tromper affirmer que le domaine du secret bancaire est vaste en plus d’être complexe. Il nous a été donné de voir, en effet, l’ampleur du sujet qui touche plusieurs matières. Notamment, la fiscalité, le droit civil, et également le cadre administratif et bien d’autres secteurs encore. Ces spécialités appelant à des particularités, la complexité du secret bancaire s’affirme dans son adaptation en fonction de chacune d’entre elles.
Généralement, c’est la gestion des conflits d’intérêts qui vient en tête des difficultés. La banque ayant un double rôle parfois contradictoire, qui consiste à assurer la protection de la sphère privée et du bien commun.
En principe, le domaine de la protection des individus se trouve facilité par le principe d’opposabilité aux tiers. Grâce à lui, le banquier peut s’abstenir de divulguer les informations de nature confidentielle dont il a connaissance dans l’exercice de ses fonctions. Nos recherches nous ont appris qu’en vertu du secret bancaire, les banquiers peuvent opposer une fin de non-recevoir à toutes demandes de renseignements concernant des informations confidentielles.
Toutefois, ce principe est faussé en Haïti, dans la mesure où le banquier ne bénéficie pas de cette défense absolue de divulgation des informations confidentielles. Bien au contraire, des exceptions légales, voire jurisprudentielles, y sont admises.
Ces dérogations sont donc de nature à induire une certaine souplesse du secret bancaire. Elles trouvent leur origine d’une part dans la course au positionnement sur le marché mondial. Et d’autre part dans la lutte contre la recrudescence du blanchiment d’argent et du financement du terrorisme. Par ailleurs, le monde financier exige désormais plus de souplesse et une meilleure transparence dans les échanges internationaux.
Ce changement a toutefois des répercussions négatives non négligeables au niveau individuel, dans la mesure où ces réformes lèsent la protection de l’individu. Or, la crédibilité des banques Canadiennes repose sur l’existence d’une confidentialité renforcée. Et pourtant, l’ensemble de nos investigations nous permet d’affirmer qu’en Haïti le secret bancaire (garant du respect de la vie privée) et écarté au profit du besoin collectif qui se manifeste à travers la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme.
Maintenant, la question qui se pose est de savoir les répercussions de ces faits. Étant donné que la notion de vie privée, comme le décrit le juge La Forest dans l’arrêt « Dyment », relève d’ « une importance capitale sur le plan de l’ordre public. L’interdiction qui est faite au gouvernement de s’intéresser de trop près à la vie des citoyens touche à l’essence même de l’État démocratique ».
Bibliographie :
- Ouvrages :
- André Buthurieux : « Responsabilité du banquier », Edition litec, Paris 1999.
- BONNEAU T, Droit bancaire, 4ème éd, Montchrestien 2001.
- GAVALDA et J. STOUFFLET, Droit bancaire, Litec 2008 n°245.
- GAVALDA et J.STOUFFLET, Droit du crédit. 1 : Les institutions, Litec, 1990, n°591, p. 389. V. aussi J. L. GUILLOT, Courrier des lecteurs : Banque, 1987, 202.
- CORNU, Vocabulaire Juridique Ass. H. Capitant, PUF, coll. « Quadrige », 6e éd. 2004.
- JEULAND E, Droit des obligations, éd. Montchrestien, EJA, 1999.
- AUBERT, J. Ph. KERNEN, H. Herbert SCHONLE, Le secret bancaire Suisse, Berne, éd. Staempfli et Cie, 1982.
- RIVES-LANGES J-L et CONTAMINE RAYNAUD M, Droit bancaire, Dalloz, 6ème édition.
- Documents :
- Amiens, « Impératifs de la défense de la monnaie, du maintien de l’ordre public, et des intérêts supérieurs de la nation protégés par la réglementation des changes ». J.C.P. 1989.1.2965, n°19.
- Bernard VISCHER et Jean-Vyves DE BOTH, Le secret bancaire n’est pas un droit mais un devoir, in Revue B&F, Novembre-Décembre 2009.
- FOENKINOS, L’inversion de l’idiotie, de l’influence de deux polonais” Gallimard, 2001.
- Fritz Jean-Marie, « Haïti, la fin d’une histoire économique » », Le nouvelliste, 2014.
- Monique Contamine-Raynaud, « Le secret bancaire et le contrôle de l’État sur les opérations de change et sur leurs effets délictuels », in Revue internationale de droit comparé. Vol. 46 N°2, avril-juin 1994.
- FARHAT, Le secret bancaire- Etude de droit comparé, Paris, L.G.D.J., 1979.
- SOUOP, « Le secret bancaire : de la confidentialité à la délation », Juridis périodique n¨56, 2003.
- TGI la rochelle, 15 juin 1993, JCP 1994 éd E, pan 928.
- Textes :
- Code civil
- Code pénal
- Code monétaire et financière
- Convention européenne des Droits de l’Homme
- Loi n°92-1336 du 16 décembre 1992, JORF 23 décembre 1992
- Loi n°84-46 du 24 janvier 1984 relative à l’activité et au contrôle des établissements de crédit
- Loi sanctionnant le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme
- Jurisprudences :
- com, 21 septembre 2010, n°309-310
- Crim., R., 27 avr. 1994.
- Civ. Strasbourg, 28 Avril 1954, Banque, 1958, 314, obs. MARIN.
- Webographies :
- rfi.fr
Table des matières :
Partie I : Le secret bancaire face aux autorités et la clientèle : 3
I : Le secret bancaire face aux autorités légitimement établies : 5
A : Le secret bancaire face aux autorités judiciaires : 7
B : Le secret bancaire face aux autorités fiscales : 10
C : Le secret bancaire face aux autorités monétaires : 13
v Principe directeur du secret bancaire : 15
v Effets du secret bancaire : 15
II : Le secret bancaire face au client et les tiers : 20
1 : Les personnes physiques : 24
v Les tiers liés à la clientèle par un lien de droit : 25
Ø Les représentants légaux de la clientèle : 25
Ø Le mandataire du client : 26
v Les tiers liés à la clientèle par un lien de droit d’ordre successoral : 26
Ø Les héritiers et successeurs universels : 26
Ø Les donataires et légataires : 27
2 : Les personnes morales : 28
v Les organes internes de gestion et de contrôle des sociétés : 28
Ø Les organes de contrôle : 29
v Les organes externes de contrôle des personnes morales : 29
Partie II : La responsabilité du banquier en cas de divulgation : 31
I : La divulgation par voie de justice : 31
A : En cas de poursuite judiciaire : 31
1 : La responsabilité civile du banquier : 32
a : La responsabilité contractuelle du banquier pour violation du secret bancaire : 32
v L’étendue de la responsabilité contractuelle du banquier : 33
v La réparation du dommage en cas de violation du secret bancaire : 33
Ø Le mode de réparation du dommage : 34
Ø La période de l’évaluation du dédommagement : 34
b : La responsabilité délictuelle du banquier pour divulgation du secret bancaire : 35
2 : La responsabilité pénale du banquier pour divulgation du secret bancaire : 35
a : La faute du banquier concernant la divulgation du secret bancaire : 36
v Les infractions dont le banquier en est l’auteur : 36
Ø Les infractions qui résultent de la transgression des dispositions légales : 36
Ø Les conditions nécessaires pour engager la responsabilité pénale du banquier : 37
v Les infractions dont le banquier en est complice : 38
b : la sanction pénale en cas de divulgation du secret bancaire : 38
B : En cas de fraude fiscale : 39
II : Les autres formes de divulgation du secret bancaire : 40
v Le consentement tacite ou exprès de la clientèle : 41
[1] G. CORNU (dir.), Vocabulaire Juridique Ass. H. Capitant, PUF, coll. « Quadrige », 6e éd. 2004, V° « Secret professionnel »
[2] D. FOENKINOS, L’inversion de l’idiotie, de l’influence de deux polonais” Gallimard, 2001;
[3] Bernard VISCHER et Jean-Vyves DE BOTH, Le secret bancaire n’est pas un droit mais un devoir, in Revue B&F, Novembre-Décembre 2009
[4] Déclaration de Nicolas Sarkozy lors de la réunion du G20 à Londres le 2 avril 2009
[5] Fritz Jean-Marie, « Haïti, la fin d’une histoire économique » », Le nouvelliste, 2014.
[6] R. FARHAT, « Le secret bancaire », L.G.D.J
[7] Monique Contamine-Raynaud, « Le secret bancaire et le contrôle de l’État sur les opérations de change et sur leurs effets délictuels », in Revue internationale de droit comparé. Vol. 46 N°2, avril-juin 1994.
[8] Article 8 de la Convention européenne des Droits de l’Homme : « 1 Toute personne a droit au respect de saviez privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance.
2 Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui ».
[9] Monique Contamine-Raynaud, « Le secret bancaire et le contrôle de l’État sur les opérations de change et sur leurs effets délictuels », in Revue internationale de droit comparé. Vol. 46 N°2, avril-juin 1994 ; op.cit.
[10] Amiens, « Impératifs de la défense de la monnaie, du maintien de l’ordre public, et des intérêts supérieurs de la nation protégés par la réglementation des changes ». J.C.P. 1989.1.2965, n°19.
[11] Loi n°84-46 du 24 janvier 1984 relative à l’activité et au contrôle des établissements de crédit en son article 57, modifié par la Loi n°92-1336 du 16 décembre 1992 en son article 333 (V) JORF 23 décembre 1992 en vigueur le premier mars 1994 ; Abrogé par l’Ordonnance 2000-1223 2000-12-14 en son article 4 JORF 16 décembre 2000 en vigueur le premier janvier 2001 , déclare que : « Tout membre d’un conseil d’administration et, selon le cas, d’un conseil de surveillance et toute personne qui à un titre quelconque participe à la direction ou à la gestion d’un établissement de crédit ou qui est employée par celui-ci, est tenu au secret professionnel dans les conditions et sous les peines fixées par l’article 226-13 du code pénal.
Outre les cas où la loi le prévoit, le secret professionnel ne peut être opposé ni à la commission bancaire, ni à la Banque de France, ni à l’autorité judiciaire agissant dans le cadre d’une procédure pénale ».
[12] Cass. Crim., R., 27 avr. 1994.
[13] Ch. GAVALDA et J.STOUFFLET, Droit du crédit. 1 : Les institutions, Litec, 1990, n°591, p. 389. V. aussi J. L. GUILLOT, Courrier des lecteurs : Banque, 1987, 202.
[14] Trib. Civ. Strasbourg, 28 Avril 1954, Banque, 1958, 314, obs. MARIN.
[15] Cette situation peut s’interpréter par le principe du contradictoire exigeant donc dans ce cas la transmission des documents invoqués.
[16] R. FARHAT, Le secret bancaire- Etude de droit comparé (France, Suisse, Liban), Thèse, Paris, L.G.D.J., 1979.
[17] M. AUBERT, J. Ph. KERNEN, H. Herbert SCHONLE, Le secret bancaire Suisse, Berne, éd. Staempfli et Cie, 1982.
[18] Article 57 : il y a fraude fiscale :
1) Quand le contribuable ne peut fournir au contrôle les livres de comptabilité et les pièces justificatives exigées par la Loi (comptabilité non probante)
2) Quand le contribuable a omis, à dessein, de faire figurer dans les livres de la comptabilité une partie des ventes ou rémunération quelconque (comptabilité non sincère)
3) Quand le contribuable a augmenté délibérément les frais généraux et charges d’exploitation de valeurs fictives excédant leur coût réel; (comptabilité non sincère)
4) Quand, par suite de négligence coupable, le contribuable met le Fisc dans l’impossibilité de rétablir le bénéfice net imposable à cause de la passation d’écritures erronées, de la mauvaise tenue des livres ou fichiers informatisés de sa comptabilité, de la soumission de fausses pièces justificatives, de l’utilisation de différentes appellations pour désigner une même marchandise (comptabilité non probante et non sincère)
5) Quand le contribuable a faussé son inventaire (comptabilité non sincère)
[19] Monique Contamine-Raynaud, « Le secret bancaire et le contrôle de l’État sur les opérations de change et sur leurs effets délictuels », in Revue internationale de droit comparé. Vol. 46 N°2, avril-juin 1994.
[20] Article 8 de la Convention européenne des Droits de l’Homme : « 1 Toute personne a droit au respect de saviez privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance.
2 Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui ».
[21] Richard ROUTIER : « Les obligations et responsabilités du banquier », Dalloz 2ème édition, 2008, Paris.
[22] Thierry Bonneau : Droit Bancaire. Edition Montchrestien. Paris 2001
[23] Article 41 de la Loi sanctionnant le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme : « aucune poursuite pour violation du secret bancaire ou professionnel ne peut être engagée contre les personnes ou les dirigeants, préposés ou employés des institutions financières ou des entreprises et professions non financières qui, de bonne foi, ont transmis les informations ou effectué les déclarations de soupçons prévues à l’article 31. La transmission des déclarations de transactions en espèces, exécutée en application des articles 33 et 34, ne peut engager la responsabilité des personnes susvisées ».
[24]André Buthurieux : « Responsabilité du banquier », Edition litec, Paris 1999.
[25] Richard ROUTIER : « Les obligations et responsabilités du banquier », Dalloz 2ème édition, 2008, Paris ; op.cit.
[26] Cass.com, 21 septembre 2010, n°309-310
[27] C. GAVALDA et J. STOUFFLET, Droit bancaire, Litec 2008 n°245.
[28] En principe, l’institution financière ne peut refuser de dévoiler des renseignements à ces personnes en se référant au devoir de secret professionnel.
[29] S. SOUOP, « Le secret bancaire : de la confidentialité à la délation », Juridis périodique n¨56, 2003.
[30] RIVES-LANGES J-L et CONTAMINE RAYNAUD M, Droit bancaire, précis Dalloz, 6ème édition.
[31] TGI la rochelle, 15 juin 1993, JCP 1994 éd E, pan 928.
[32] BONNEAU T, Droit bancaire, 4ème éd, Montchrestien 2001.
[33] JEULAND E, Droit des obligations, éd. Montchrestien, EJA, 1999.
[34] JEULAND E, op.cit.
[35]Thierry Bonneau : Droit Bancaire, op.cit.
[36] Article 31 de la Loi sanctionnant le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme : « Les institutions financières et les entreprises et professions non financières qui soupçonnent ou ont des motifs raisonnables de suspecter que des fonds ou des biens sont le produit d’une activité criminelle ou sont liés ou associés au blanchiment de capitaux ou au financement du terrorisme, ou destinés à ces fins, sont tenues de transmettre promptement à l’UCREF, une déclaration de soupçon. Cette obligation s’applique également aux opérations qui ont été refusées conformément aux dispositions de l’article 19 de la présente loi ».
[37] Qui est l’ensemble des pratiques conçues pour attirer des investissements ou de l’épargne d’une autre
origine ou pour permettre d’échapper aux impôts d’autres pays
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