Le Secret Professionnel du Notaire : Étude des Caractéristiques et enjeux de Confidentialité
INTRODUCTION
La notion de secret professionnel peut être à l’origine de nombreux conflits que ce soit au sein d’un groupe de professionnels œuvrant dans la même discipline, ou dans le cadre d’une collaboration entre membres de réseaux professionnels.
Le Code pénal prévoit dans son article 458[1] que « les médecins, chirurgiens, officiers de santé, pharmaciens, sages-femmes et toutes autres personnes dépositaires, par état ou par profession, des secrets qu’on leur confie, qui, hors le cas où ils sont appelés à rendre témoignage en justice ou devant une commission d’enquête parlementaire et celui où la loi les oblige à faire connaître ces secrets, les auront révélés, seront punis d’un emprisonnement de huit jours à six mois et d’une amende de cent euros à cinq cents euros. »
Ce dispositif manifeste un triple intérêt :
- La protection de l’intimité et de la vie privée du citoyen
L’auteur des maximes[2] a cité dans une de ses mémoires que « celui à qui vous dites votre secret devient maître de votre liberté ». Dans ce contexte, les intérêts du client se trouvent lésés, car il est à la merci du professionnel à qui il a confié les secrets de sa vie intime. Cela risque de compromettre à la relation existant entre eux deux. Bien que cette relation doive se baser sur la confiance, les législateurs ont jugé indispensable d’octroyer au citoyen l’assurance de ne pas voir divulguer ses secrets.
- L’intérêt du professionnel :
Dans la pratique de ses fonctions, le professionnel dispose d’une certaine liberté lui permettant de mener à bien sa mission et d’atteindre ses objectifs. Selon Émile GARÇON, « ni le médecin, ni l’avocat, ni le prêtre ne peuvent accomplir leur mission si les confidences qui leur sont faites n’étaient assurées d’un secret inviolable. ».
Le secret professionnel ne lui constitue en aucun cas un privilège ou un droit. Aussi, il ne s’agit pas uniquement d’une obligation dont l’inobservation est passible de sanction pénale. Il sert également de moyen lui facilitant l’exécution de ses tâches en toute liberté.
- L’intérêt de la société
Le principe impose à tous les professionnels de concourir à la recherche de la vérité. Cependant, cette obligation ayant un caractère général peut compromettre à l’ordre social. C’est l’une des raisons d’être du secret professionnel qui permet de limiter, voire même d’éradiquer tout éventuel trouble généré par la divulgation de certaines vérités.
Dans le cas du notaire, il est tout à fait compréhensible qu’il en va de l’intérêt de la société que toute personne puisse lui confier des actes ou documents personnels tout en ayant une assurance d’un secret absolu.
Il est important de savoir que le système notarial remonte à l’époque du Bas Empire romain, au IIIème siècle. On attribuait à certains fonctionnaires des missions qui s’apparentaient à ceux des notaires. Elles consistaient principalement à authentifier des actes (contrats). Une institution plus structurée et plus organisée a été instaurée en Gaule pendant sa colonisation. C’est ainsi que des « notaires gaulois » procédaient à la rédaction d’actes authentiques en vue du recensement des terres. En 1597, Henri IV a décidé de faire du notaire le détenteur de Sceau de l’État.
Actuellement, en tant qu’officiers publics, les notaires disposent d’un pouvoir spécifique. Ce pouvoir leur permet d’établir des actes publics. En outre, ils sont soumis à des obligations déontologiques[3] comme tous les professionnels libéraux qui se mettent au service des particuliers. Ces obligations sont principalement prévues dans le Code de déontologie des notaires.
Les devoirs et obligations qui pèsent sur ces officiers publics ne sont pas généralement liés à leur statut. Cependant, l’inobservation des règles imposées par ledit Code leur génère des sanctions dont l’importance varie en fonction de la gravité de la faute. C’est ainsi que le Code pénal qualifie le non-respect du secret professionnel comme étant un délit passible d’une peine d’amende et d’emprisonnement. En principe, l’application de cette règle s’étend aux clercs et aux employés du notaire, car l’obligation de secret leur est également imposable.
Mis à part les sanctions pénales, le notaire ayant enfreint les règles relatives au secret professionnel peut également faire l’objet de sanction disciplinaire. À noter que le droit disciplinaire n’est pas soumis au principe général de droit « nullum crimen sine lege »[4] et la détermination du comportement fautif ou non du notaire reste à l’appréciation des chambres provinciales. Toutefois, ces dernières doivent motiver leur décision en se basant sur les dispositifs prévus par la déontologie notariale.
Par la présente mémoire, nous allons essayer de découvrir les principales caractéristiques du secret professionnel du notaire. Cette étude présente un double intérêt non négligeable. D’une part, sur le plan théorique, cela permet de comprendre davantage le sens des textes régissant ledit secret. En même temps, nous pouvons découvrir les étapes relatives à l’évolution desdits textes. D’autre part, cette étude dispose d’un intérêt pratique considérable du moment que la fonction du notaire ne se limite pas au conseil et à la rédaction d’actes. Sa mission dans le cadre de la conservation de ces actes est également fondamentale. Le problème se pose de savoir l’objectif exact du respect du secret professionnel du notaire, étant donné que sa violation peut avoir des conséquences sur la personne même du notaire, sur l’intérêt du particulier et sur l’ordre public. Ainsi, si chaque partie a un intérêt à ne pas divulguer le secret, alors pourquoi a-t-on mis en place ces règles ? La détermination de l’étendue et des limites du secret professionnel nous permettra de mieux appréhender l’importance du respect de cette obligation dans la pratique. Cela facilitera notre compréhension sur l’étude de la mise en œuvre de la responsabilité du notaire.
PARTIE 1 : EVOLUTION DU SECRET PROFESSIONNEL DU NOTAIRE
TITRE1 : LE SECRET DES MINUTES ET LA DEPOSITION
En droit français, la minute d’un acte notarié constitue un acte authentique conservé par le notaire. Dans le cadre de sa conservation, ce dernier ne peut délivrer que les copies de l’acte. Ces copies peuvent être simples, authentiques ou exécutoires. Le décret n° 2009-1124 du 17 septembre 2009 prévoit une durée de 75 ans[5] pour la conservation des minutes auprès de l’office du notaire. Passé ce délai, ce dernier doit les remettre aux archives départementales.
Il convient de savoir qu’en principe, durant cette période de conservation, le notaire est tenu de l’obligation de secret des minutes.
CHAPITRE 1 : LE SECRET DES MINUTES ET LA DÉPOSITION DANS L’ANCIEN DROIT
L’institution des minutes remonte en 1304. Le mois de juillet 1304, Philippe IV de France[6] imposa aux notaires la transcription des actes qu’on leur confiait sur les registres tenus à cet effet. Les notaires de Paris ne fussent soumis à ce dispositif qu’à partir de 1437 par une ordonnance du 1er décembre 1437. François 1er eut l’idée de renouveler les dispositions de ladite ordonnance par le biais de l’ordonnance de Villers-Cotterêts[7] édictée en août 1539. Par la même ordonnance, il imposa le secret des minutes au notaire.
Section 1 : la notion de secret des minutes dans l’ancien droit
- 1 – Le texte fondamental régissant le secret des minutes
L’ordonnance de Villers-Cotterêts se présente comme le texte fondamental régissant le secret professionnel des notaires. Dans son article 177, ladite ordonnance défend la divulgation ou la communication des registres, des livres et protocoles tenus par les notaires à des tierces personnes autres que les intéressés, les ayants droit ou protagonistes. Aussi, aucune expédition[8] ne doit être délivrée. La décision de justice constitue la seule exception à cette règle.
Ainsi, cet article impose une triple interdiction :
- Interdiction de trahir le secret des minutes par des paroles
- Interdiction de communiquer les registres, livres ou protocoles
- Interdiction de délivrer les expéditions des actes
- 2 – Les sanctions pour violation du secret des minutes
L’ancien droit prohibe le non-respect de l’obligation de secret des minutes et prévoit une sanction à l’encontre du notaire concerné. Ainsi, l’article 179 de ladite ordonnance prévoit que « les contrevenants qui auront délinqué par dol évident soient privés de leurs offices et punis comme faussaires »[9].
Toutefois, toute personne souhaitant obtenir une expédition doit effectuer une demande de compulsoire[10]. Ladite demande est généralement établie par celles qui ne rentrent pas dans le cadre des « personnes intéressées en nom direct[11] ».
Section 2 : La déposition
- 1 – Assimilation du secret professionnel du notaire
Les tribunaux, les jurisconsultes et les praticiens dans l’ancien droit, comme la doctrine et la jurisprudence de notre époque attachent de l’importance au secret professionnel du notaire. Force est de constater que le droit ancien et le droit contemporain n’ont pas la même appréhension des témoignages établis dans le cadre d’un procès pénal et ceux dans le cadre d’une affaire civil.
Dans l’ancien droit, la règle relative à la déposition des actes chez le notaire s’avère très rigoureuse en ce qui concerne le respect du secret professionnel. Ainsi, elle ne prend en compte ni la nature, ni l’importance de la demande de la communication des minutes (ou de la réquisition des expéditions). En application de ce principe, dans leurs décisions, les tribunaux ne font pas de distinction entre matière civile et matière pénale en ce qui concerne l’obligation du notaire de ne pas révéler les actes qu’ils ont reçus [12]
- 2 _ La distinction entre la procédure criminelle et la procédure civile
L’ordonnance de 1670 sur la procédure criminelle constituerait le premier texte à avoir fait une distinction entre les deux matières. Ainsi, l’obligation de garder le secret professionnel a été remise en cause par l’importance du devoir du notaire d’assister les tribunaux dans « la recherche de la vérité ».
En principe, la décision du juge prévaut toujours, toutefois, il convient de remarquer que cette remise en cause pourrait affecter la qualité même du notaire. Car, la nature de son droit de refuser de divulguer les actes qu’il a reçus émane de sa qualité en tant que notaire.
CHAPITRE 2 : LE SECRET DES MINUTES ET LA DÉPOSITION EN DROIT CONTEMPORAIN
Section 2 : La notion de secret des minutes après la Loi 25 Ventôse an XI
- 1 – Les dispositions prévues par la Loi 25 Ventôse an XI
La loi de Ventôse consacre deux articles sur le secret des minutes (l’article 22[13] et l’article 23[14]). Le droit contemporain distingue également trois modes de divulgation des minutes. À savoir, la divulgation par le biais du déplacement des minutes, la divulgation orale et la délivrance d’une expédition. Toutefois, la même loi admet la divulgation ou la communication de certains actes, notamment ceux qui doivent être publiés devant les tribunaux. Ce qui implique que cette loi fait la distinction entre actes soumis au secret des minutes et ceux qui ne le sont pas.
- 2 – Les actes exclus de l’obligation de secret des minutes
En principe, ces dispositifs prévoient de manière générale que la décision juridique constitue la seule exception au secret des minutes. Toutefois, d’autres textes disposent le contraire.
C’est ainsi que l’article 67[15] du Code de commerce admet la publication des extraits des contrats de mariage des commerçants. Cela constitue même une obligation qui pèse sur le notaire qui, en cas d’omission, risque de faire l’objet de sanction (peine d’amende et/ou destitution). La loi 25 Ventôse an XI[16] n’admet pas la méconnaissance du notaire de la qualité de négociants de ses clients comme motif de la non-publication du contrat de mariage. Il convient de savoir que cette disposition fait partie des articles abrogés par le Décret n° 71-941 du 26 novembre 1971[17] relatif aux actes établis par les notaires.
Les actes de sociétés doivent également faire l’objet de publication auprès de l’arrondissement où elles siègent dans les quinze jours suivant leur établissement sous peine de nullité à l’égard des intéressés[18]. Cela concerne principalement les actes de société en nom collectif et en commandite. Pour le cas de la société anonyme, c’est l’ordonnance du roi qui prévoit l’affichage de l’extrait de l’acte de constitution pendant trois mois.
- 3 – La sanction en cas de violation du secret des minutes selon la loi Ventôse
Comme dans l’ancien droit, la loi Ventôse prévoit des sanctions à l’encontre du notaire responsable de la divulgation du secret des minutes. Il doit verser des dommages-intérêts à sa victime. En effet, le versement des dommages-intérêts constitue un dédommagement pour les préjudices subis par ce dernier, et non pour la nature contraventionnelle de l’acte qu’il a commis. Ce qui implique qu’aucune réparation civile ne serait due si la victime n’a subi aucun préjudice.
Que la victime ait subi ou non de préjudice du fait de la divulgation du secret des minutes, le notaire pourrait être passible d’une peine d’amende. En cas de récidive, il ferait l’objet de suspension pendant trois mois. À noter que la peine encourue par le notaire peut varier selon qu’il ait ou non eut l’intention de nuire. L’appréciation du caractère intentionnel ou non de l’acte préjudiciable appartient au juge.
Section 2 : La déposition dans le droit contemporain
En principe, le droit contemporain s’est référé sur le mode de distinction établi par l’ancien droit. C’est la raison pour laquelle il convient de délimiter l’étendue du secret professionnel en matière pénale et son étendue devant les juridictions civiles.
- 1_ Le secret professionnel devant les juridictions répressives
La question se pose de savoir si le notaire serait encore tenu au secret professionnel devant une juridiction répressive, ou si la circonstance jouerait en faveur de l’exception.
A _ La jurisprudence
La jurisprudence a tant bien que mal tenté de délimiter le devoir professionnel du notaire et de déterminer son étendue.
Dans son arrêt du 24 septembre 1827, la Cour de Montpellier fit droit au notaire et le dégageât de toute obligation de déposition[19]. Cette décision manifeste d’une part la valeur de l’obligation de secret du notaire, et d’autre part, la possibilité, voire même la liberté du notaire de contester les consentements des intéressés (le plaignant, le prévenu). La même décision fut adoptée par un arrêt de Grenoble du 23 août 1828 et un jugement du tribunal de première instance de Melun.
Un revirement à ce principe fut établi par la Cour de cassation qui admit la décision du juge d’instruction[20] comme conforme à la loi. Dans ce cas d’espèce, le juge d’instruction condamna Me Cressent à 100 francs d’amende en vertu de l’article 29 du Code d’instruction criminelle[21].
Le juge d’instruction considéra le silence du notaire comme l’aveu du fait matériel de sa cliente. En effet, si la déposition n’était pas défavorable à l’intérêt de cette dernière, Me Cressent n’aurait pas persisté sur sa décision de ne pas vouloir déposer. Il n’aurait surement pas hésité à déposer, d’une part, pour aider le tribunal dans « la recherche de la vérité », et d’autre part, pour soulever l’accusation qui pèse sur sa cliente.
La question se pose alors de savoir si l’article 378 de l’ancien Code pénal[22] serait contraire à l’obligation de déposer devant les juridictions criminelles. D’ailleurs, dans son pourvoi, Me Cressent avait remis en cause l’application dudit article sur les notaires. La Cour ne s’était pas prononcée sur cette question.
Toutefois, la jurisprudence essaya de concilier différentes solutions. Elle fut très claire sur le fait que l’obligation de secret professionnel ne devrait nullement sacrifier l’intérêt public. Aussi, elle n’a admis l’application de l’article 378 de l’ancien Code pénal aux notaires que très tard, et cela, avec réserve.
B _ La doctrine
Les avis de la majorité des auteurs furent favorables à la décision de la jurisprudence. Cela n’empêche que d’autres avis viennent la contredire. Deux auteurs, CHAUVEAU et FAUSTIN-HELIE furent les principaux auteurs à avoir remis en cause la théorie qui consistait à inclure les notaires parmi les personnes visées par l’article 378 de l’ancien Code pénal.
Ils estimaient que la loi du 25 Ventôse an XI a spécifié clairement les devoirs et obligations du notaire dans son article 23. Le fait que cette règle soit prévue par la loi confère au notaire le droit de persister sur sa décision de ne pas révéler ledit secret, à défaut de quoi il serait soumis à des sanctions disciplinaires.
Pour soutenir sa théorie, GAGNEREAUX posait la question sur les caractéristiques de la révélation prévue par l’article 378 qui était classé dans la rubrique des calomnies, injures et révélations de secrets[23]. Il insista sur le fait que la violation prévue par cet article constituait la révélation de secret dans le but de nuire. Dans ce sens, pour que l’auteur de ladite révélation soit passible d’une éventuelle sanction, il faut qu’il soit de mauvaise foi. Ce qui n’est pas le cas pour le notaire faisant l’objet de contrainte par la juridiction répressive.
Une grande majorité de doctrines défend avec rigueur le respect de secret professionnel du notaire.
- 2 – Le secret professionnel devant les tribunaux civils
A _ La jurisprudence
En matière civile, nombreuse décisions manifestent l’admission de la jurisprudence en ce qui concerne le droit des notaires de refuser la déposition[24]. Parmi les décisions les plus connues, il y a eu l’arrêt de la Cour de Bordeaux du 16 juin 1835[25]. Dans sa décision, la Cour a attendu que « … les faits sur lesquels Darrieu est appelé à déposer se sont passés dans son étude, qu’ils lui ont été révélés en sa qualité de notaire et qu’il ne pourrait, sans abus de confiance, divulguer le secret confié à sa discrétion : que dès lors, il y a lieu d’ordonner, sur sa demande formelle, que son témoignage ne soit pas admis, ordonne que Darrieu notaire ne sera pas entendu dans sa déposition. »
Dans son arrêt du 20 avril 1845, la même décision avait été adoptée par le Tribunal de la Seine. D’autres jurisprudences viennent confirmer ce principe. Tel est le cas pour l’arrêt du Tribunal d’Anvers du 14 décembre 1851, confirmé par un arrêt de la Cour de cassation du 24 mai 1852.
Cependant, la jurisprudence a fait la distinction entre les faits connus par le notaire dans son ministère et les faits qu’il a connus en dehors de l’exercice de ses fonctions[26].
B _ La doctrine
Les avis des auteurs divergent sur cette question. Cela n’empêche que la majorité d’entre eux admettent que les notaires doivent être libérés de leur obligation de secret en vue de garantir l’intérêt social. Dans son ouvrage, R. DE VILLARGUES cite « Aujourd’hui comme autrefois les notaires ne peuvent être obligés de déposer dans une instance civile de faits qui ne sont venus à leur connaissance que comme notaire. Ils ne peuvent être contraints à cette révélation, que dans les causes criminelles à cause du grand intérêt de la société. »
TITRE 2 : LES CARACTERISTIQUES DU SECRET PROFESSIONNEL DU NOTAIRE
La déontologie constitue l’ensemble des règles régissant une profession. Cette règlementation dispose les conduites à tenir par chaque professionnel dans l’exercice de ses fonctions, dans ses rapports avec les professionnels de sa discipline ou ceux d’une autre discipline, et surtout dans ses relations avec les clients.
Le Code de déontologie des notaires en France a été conçu par la Chambre nationale des notaires en date du 22 juin 2004 en application des règles imposées par la loi du 25 Ventôse an XI dans son article 91[27]. Toutefois, la liste des obligations et des devoirs prévus par ce code n’est pas exhaustive. Certains éléments font l’objet de règlements spécifiques édictés par la Chambre notariale, et par d’autres autorités ayant la compétence requise, comme la Conférence des Notariats de l’Union européenne.
CHAPITRE 1 : FONDEMENT DU SECRET PROFESSIONNEL DU NOTAIRE
Section 1 : Fondement légal : l’éthique notariale
- 1 – Le respect de l’éthique notariale
La relation de confiance existant entre ce professionnel et ses clients repose sur le respect de cette éthique notariale. Cette dernière constitue le fondement même de la pratique des notaires. Elle rassemble un ensemble de valeurs fondamentales, de devoir et obligations auxquels cet officier public doit se soumettre.
- 2 – Les principaux devoirs et obligations issus de l’éthique notariale
Le Code de déontologie des notaires[28] et le règlement National de la Profession prévoient un ensemble de valeurs fondamentales sur lequel se repose la fonction du notaire. Cet ensemble vise principalement les obligations auxquelles il doit se soumettre. Ainsi, le notaire a des devoirs[29] :
- Envers lui-même
- Envers l’État
- Envers sa clientèle
- Envers ses confrères
- Envers ses collaborateurs
- Envers la profession
Section 2 : Fondement moral : la confidentialité
Dans le droit ancien, les lettres patentes du 1er décembre 1437 constituent le fondement du principe qui défend la divulgation des minutes du notaire. Quant au droit contemporain, la conservation des minutes est régie par la loi du 3 janvier 1979 et le décret du 3 décembre 1979.
Le Code de déontologie considère que le professionnel est tenu d’un devoir de discrétion et non pas de confidentialité. Toutefois, entre le notaire et les clients existe une relation de confiance. Ces derniers le considèrent comme étant son confident auprès de qui ils ont confié des actes qui leur sont, dans la majorité des cas, particulièrement importants. C’est la raison pour laquelle il convient de mettre en œuvre une étude nous permettant de déterminer l’importance de cette confidentialité.
Le Code européen révisé de déontologie notariale[30] n’a pas omis de mentionner l’obligation de secret et le devoir de confidentialité du notaire dans son article 2, alinéa 6 qui prévoit que « Le notaire est tenu au secret professionnel et il est soumis à un devoir de confidentialité notamment dans sa correspondance, la conservation des dossiers et l’archivage de ses actes, que ces documents soient sur support papier ou sur support électronique, dans les conditions prévues par les dispositions en vigueur dans son pays. »
Dans son article 2, le même Code impose au notaire de s’abstenir à tout comportement pouvant porter atteinte à la confiance des citoyens à l’institution notariale. L’article réprime également toute attitude contraire à la dignité du notariat.
- 1 – La confidentialité et la sécurité
Pour garantir le respect de cette obligation et la sécurité du notaire dans le cadre de l’exercice de ses fonctions, l’État contribue à sa protection. Le droit d’apposition du panonceau, à l’effigie de la République sur ses locaux professionnels, que l’État lui confère manifeste cette protection.
Toutefois, cette protection reste limitée du moment que la fonction de cet Officier public n’est pas rattachée à la gendarmerie. Dans la pratique, il reste le seul responsable de la sécurité de ses clients ainsi que celle des documents (archives publiques) dont il a la charge de conservation.
Le respect de la confidentialité garantit au notaire l’exercice serein et sécurisé de ses fonctions. D’ailleurs, c’est l’une des raisons qui ont incité les législateurs à imposer l’interdiction de la communication des minutes ou la délivrance des expéditions durant le vivant du testateur.
- 2 – Le droit à l’intimité de l’individu
Le droit à l’intimité et le respect de la vie privée constituent le fondement moral de la confidentialité. D’ailleurs, le Code civil français reconnait ce principe en le citant dans son article 9 « Chacun a droit au respect de sa vie privée ».
La légitimité du notaire se fonde sur la dualité de ses fonctions. Car d’une part, il remplit une fonction d’intérêt général, et d’autre part, il satisfait aux besoins d’un intérêt privé.
A _ Le rôle du notaire dans le cadre de la satisfaction de l’intérêt général
Il est important de préciser que ce professionnel joue le rôle d’intermédiaire entre l’État et l’administré, le contribuable et le fisc, le justiciable et la justice… Non seulement il reste à l’écoute du public, mais il leur transmet les lois et règlements auxquels il doit se soumettre[31].
D’ailleurs, dans son article 11, le code de déontologie du notaire prévoit « Le notaire respecte ses obligations légales en matière d’information et de conseil. À cet effet, il veille à maintenir ses connaissances juridiques à jour. »
B _ Le rôle du notaire dans le cadre de la satisfaction d’un intérêt privé
Cela se manifeste surtout dans le cadre du devoir de conseil qui s’impose au notaire. En effet, le particulier qui sollicite son aide a besoin d’un conseil personnalisé afin de préserver ses propres intérêts. À noter que le notaire se trouve dans l’obligation de fournir toutes les informations indispensables à son client même si celui-ci n’en a pas réclamé (Cass. Civ., 8e, 9 décembre 2010)[32].
Section 3 : Fondement social : l’ordre public
Au final, il est clair que le secret professionnel vise à assurer la protection des personnes qui ont besoin de se confier auprès d’un professionnel.
Ici, deux tendances s’affrontent sur ce qui peut être le fondement dudit secret. Certains estiment que la conservation des actes reçus par le notaire ne constituerait qu’un contrat de dépôt passé entre lui et son client. Cependant, il convient de savoir que la portée de la conservation de ces actes va bien au-delà des effets d’un contrat de dépôt.
- 1 – La relation de cause à effet entre le respect de la vie privée et l’ordre public
Toute personne a le droit d’avoir une vie intime. Elle se fonde sur une devise de liberté. Même si l’ordre public s’oppose principalement à la liberté individuelle, la révélation du secret professionnel pourrait compromettre à l’ordre social. Rappelons que le massacre des protestants à St Barhélémy en 1572 s’est fait à partir de la révélation d’une lettre secrète.
Dans l’affaire opposant le sieur V. et Me Teyssier[33], ce dernier, en sa qualité de notaire avait insisté sur son obligation de secret. Une obligation qui se rattache principalement à la nature de son ministère et qu’il considère comme étant d’ordre public. Finalement, le juge s’est prononcé en sa faveur.
- 2 – La crédibilité de la profession notariale
La loyauté du notaire vis-à-vis de son client procure à ce dernier l’assurance de la bonne conservation de son secret. D’ailleurs, c’est pour garantir cette crédibilité que l’article 26[34] du Code déontologie a été établi.
Comme disait Émile Garçon « Le bon fonctionnement de la société veut que le malade trouve un médecin, le catholique un confesseur ; mais ni le médecin, ni l’avocat, ni le prêtre ne pourraient accomplir leur mission, si les confidences qui leur sont faites n’étaient assurées d’un secret inviolable. Il importe donc à l’ordre social que ces confidents nécessaires soient astreints à la discrétion et que le silence leur soit imposé sans condition ni réserve, car personne n’oserait plus s’adresser à eux si on pouvait craindre la divulgation du secret confié. »[35]
Dans ce sens, l’intérêt du respect du secret professionnel du notaire ne se limite plus sur la sécurité et la sérénité du notaire dans l’exercice de ses fonctions. Cela a un impact très sérieux sur l’avenir même du métier de notaire. Car, si le client ne peut pas confier ses secrets au notaire avec une garantie d’inviolabilité, la pratique du notariat n’aura plus lieu d’être.
CHAPITRE 2 : NATURE DU SECRET PROFESSIONNEL DU NOTAIRE
Les caractéristiques du secret des minutes varient en fonction de son contenu (Section 1) et du type d’actes (Section 2).
Section 1 : Proscription de la communication globale ou intégrale des minutes
- 1 – Notion de communication globale
Le refus de la communication générale des minutes ne constitue pas uniquement un droit pour le notaire, il s’agit principalement d’un devoir absolu.
En effet, les règles qui permettent aux personnes intéressées en nom direct de demander et de bénéficier de la communication des minutes prévoient des réserves. Ainsi, elles ne peuvent obtenir que les actes qui leur sont indispensables. En d’autres termes, elles ne peuvent avoir droit qu’à une minute ou quelques minutes du notaire.
Particulièrement pour le cas du compulsoire prévu par les articles 22 et 23 de la loi 25 Ventôse an XI, ainsi que le Code de procédure civile, il concerne uniquement certains actes bien déterminés.
C’est ainsi que la Cour de Besançon a réformé la décision des juges de Lure octroyant à une demanderesse le compulsoire de toutes les minutes du notaire en vue de son intérêt[36]. La décision de la Cour de Besançon se conformait à une décision de la Cour de cassation qui dispose l’annulation de tout arrêt autorisant la communication des minutes du notaire dans le but de préserver un intérêt privé. La Cour le considère comme contraire aux règles disposées par la loi du 25 Ventôse an XI sur le principe du secret professionnel et sur celui du compulsoire[37].
- 2_ Le cas des décisions autorisant la communication globale des minutes
Il faut reconnaître que certaines décisions autorisent la communication globale des minutes, que ce soit au profit d’une personne intéressée en nom direct ou à celui d’une tierce personne[38].
Afin de limiter toute éventuelle contradiction des décisions émises par les autorités juridiques, la Chambre des requêtes avait posé un principe dans son arrêt du 28 janvier 1874 et dispose que « les textes prescrivant ou permettant, dans certains cas, la communication générale des minutes d’un notaire ne peuvent être étendus par voie d’analogie à d’autres cas ».
Section 2 : L’autorisation de la communication des minutes
Le notaire est autorisé à divulguer une partie des actes qu’il a reçu à certaines personnes.
- 1_ Autorisation légale de la communication des minutes
Les textes légaux régissant la pratique notariale prévoient des assouplissements au principe du secret professionnel. Certes, la fonction du notaire rentre dans le cadre des professions énumérées par l’ancien Code pénal. Cependant, en vertu des caractéristiques de la fonction du notaire et de son statut, la loi 25 Ventôse an XI l’autorise à communiquer les minutes des actes qu’il a reçu et à délivrer des expéditions aux personnes intéressées en nom direct[39].
- 2_ La procédure de compulsoire[40]
Les actes conservés par le notaire peuvent constituer des moyens de preuve dans le cadre d’un procès civil ou criminel. C’est ainsi que la jurisprudence a admis la communication des minutes et la délivrance des expéditions à certaines personnes qui ne font pas partie des personnes intéressées en nom direct.
Il est important de savoir que la jurisprudence admet la procédure de compulsoire, mais sous certaines réserves. D’ailleurs, cela a généré de nombreuses controverses que nous verrons ultérieurement.
PARTIE 2 : LA MISE EN ŒUVRE DU SECRET PROFESSIONNEL DU NOTAIRE
TITRE 1 : DANS QUEL CAS LE NOTAIRE EST-IL TENU AU SECRET PROFESSIONNEL ?
CHAPITRE 1 : L’OBLIGATION DE SECRET DU NOTAIRE DANS L’EXERCICE DE SES FONCTIONS
Le rôle du notaire est de manière générale défini par l’ordonnance du 2 novembre 1945[41].
Section 1 : Les différents domaines d’intervention du notaire
En principe, l’authentification constitue un domaine réservé au notaire. Toutefois, il ne s’agit pas du seul et de l’unique domaine où il peut intervenir, et où les gens sollicitent son ministère. En effet, cet Officier public constitue un généraliste du droit. À cet effet, il se spécialise dans diverses disciplines juridiques lui permettant d’assurer son devoir de conseil et de répondre aux besoins de ses clients. Il faut alors savoir qu’il dispose d’une compétence en droit de la famille (§1), en droit immobilier (§2), en droit des sociétés et de l’entreprise (§3) et ainsi qu’en matière de gestion de patrimoine (§4). La détermination des domaines d’intervention du notaire nous permet d’élucider la mise en œuvre du secret professionnel du notaire dans le cadre de l’exercice de ses fonctions.
- _1 Droit de la famille
Le notaire est indiscutablement un spécialiste du droit de la famille. En effet, il s’agit du plus ancien domaine où il exerce. Il a pour mission d’accompagner son client dans tous les moments importants de sa vie que ce soit sur le plan personnel ou familial. À savoir, le mariage, la donation, le testament, la succession, l’adoption, la protection des personnes vulnérables, les Pacs…
Dans ce contexte, le notaire est soumis à certaines obligations d’une part, vis-à-vis de l’État, et d’autre part, vis-à-vis des clients :
- Obligation vis-à-vis de l’État :
Il doit procéder à l’enregistrement des testaments, à l’authenticité des actes importants et à la conservation de ces derniers.
Dans certains cas, le notaire est soumis à une obligation de transparence[42] qui met particulièrement en jeu la tenue au secret des actes qu’il a reçus.
- Obligation vis-à-vis des clients :
Les clients attendent du notaire que l’acte qu’il a dressé produise ses effets : force probante, force exécutoire et date certaine. Aussi, il doit impartialement jouer son rôle de conseiller et assurer la conservation des actes reçus et des effets y afférents.
C’est ainsi qu’il ne peut pas dévoiler une partie ou l’intégralité[43] du testament qu’il a reçu de son client qu’à un certain nombre de personnes, c’est-à-dire, les personnes intéressées en nom direct[44]. Le législateur est conscient du fait que les intérêts de ces dernières pourraient être lésés en raison de la méconnaissance du contenu de l’acte en question. C’est pour cela qu’il a adopté un dispositif permettant d’assouplir la règle relative à la tenue au secret desdits actes.
- 2_ Droit immobilier
Le notaire intervient dans la vente ou dans l’acquisition de biens immobiliers, la promotion immobilière, l’urbanisme et la construction, la signature de la vente, l’expertise et la négociation immobilière, l’emprunt, le crédit-bail, la fiscalité immobilière, la mise en société civile, la signature d’avant-contrat…
En matière immobilière, le notaire a des devoirs envers l’État :
- Alimentation de son fichier immobilier[45]
- Perception des taxes
- Contribution dans la lutte contre le blanchiment de capitaux[46]
Nous consacrerons postérieurement un chapitre entier sur l’impact de la lutte contre le blanchiment de capitaux sur l’obligation de secret du notaire.
Pour satisfaire ses consommateurs, le notaire doit assurer la certitude de la propriété du bien objet de vente, garantir son rôle d’interlocuteur quasi unique dans le cadre de la transaction. À part cela, il doit également assurer l’authenticité des actes ainsi que la sécurité juridique de la vente.
Non seulement il est tenu d’assurer la validité de l’acte, mais il doit également satisfaire à son obligation de secret (Civ.1ère, 3 mai 2006[47]).
- 3_ Droit des sociétés et de l’entreprise
Dans ce domaine, le notaire a pour rôle de proposer des solutions juridiques et fiscales adaptées à l’entreprise. Il intervient de manière presque permanente dans la vie de l’entreprise et de celle de son dirigeant : conclusion d’un bail, constitution d’une société, modification du statut juridique de la société, transmission d’une entreprise…
Ainsi, il se présente comme le gardien du principe d’insaisissabilité des biens immobiliers du chef d’entreprise. L’exercice de cette mission lui permet de satisfaire, d’une part, ses devoirs envers l’État, et d’autre part ses obligations envers son client.
Aussi, il doit assurer son devoir de conseil de manière effectif lors de l’établissement, de la cession ou de la transmission de la société.
Il convient de savoir qu’il a également le devoir de dénoncer tout acte frauduleux pratiqué par l’entreprise et qui peut nuire non seulement à l’intérêt de l’État, mais à celui de l’ordre public également. Cela constitue une limite au secret professionnel du notaire que nous verrons ultérieurement.
- 4_ Gestion de Patrimoine
La gestion de patrimoine constitue une opération assez complexe qui exige d’énormes vigilances. Face aux différents changements imprévus auxquels il est exposé, le propriétaire se trouve dans l’obligation de mettre en place tous les dispositifs nécessaires pour garantir sa sécurité.
Ainsi, le notaire doit rigoureusement satisfaire à son devoir de conseil. Dans ce sens, il doit se mettre à la disposition de son client et répondre à ses besoins, notamment en matière de conseils en organisation et diversification patrimoniale, et en transmission et optimisation patrimoniale.
Afin qu’il puisse fournir des conseils adaptés, l’Officier public doit procéder, avec le concours de son client, à l’analyse de la situation personnelle de celui-ci. Le résultat de cette étude leur permettra de prendre les décisions les plus opportunes se rapportant sur le patrimoine en question.
Section 2 : Le notaire peut-il refuser de prêter son ministère ?
La question se pose de savoir si la soumission du notaire à l’obligation de secret peut le permettre de refuser de traiter un dossier quelconque. En effet, il ne constitue pas qu’un notaire, il est avant tout un citoyen soumis à la loi en vigueur. Un citoyen qui se doit de dénoncer tout acte qui enfreint les textes légaux, et de ne pas concourir à la réalisation d’un acte pouvant nuire à la sécurité de l’ordre public.
Il ne doit pas non plus contribuer à la mise en œuvre d’une action pouvant nuire à un intérêt privé. En vertu des principes généraux du droit, le notaire est tout à fait libre d’exercer ses fonctions de manière à garantir le succès de sa mission. Toutefois, comme « sa liberté s’arrête là où celle des autres commence », le notaire ne peut se permettre de compromettre à l’intérêt d’autrui dans le cadre de l’exercice de ses droits, et de ce fait de ses fonctions notariales.
En prêtant son ministère, il est effectivement conscient des effets de l’acte qu’il rédige ou qu’il authentifie. Dans ce sens, il est en mesure de déterminer si celui-ci peut engendrer des préjudices à autrui, qu’il s’agisse de la personne même du client, ou d’une tierce personne. Il doit également pouvoir déterminer si l’acte en question peut nuire à l’intérêt de l’État ou troubler l’ordre public.
Dans ce contexte, le notaire a le droit de refuser de prêter son ministère dans la mesure où son refus respecte les conditions imposées par la loi.
Il faut savoir que la justification du refus du notaire n’est pas seulement d’ordre public ou légal. Le notaire est également soumis à une contrainte morale. La connaissance des conséquences de certains actes qu’il établit le mettrait dans une impasse. Car d’une part, il devrait satisfaire à son obligation de se taire, et d’autre part, il aurait le devoir de prévenir la future victime afin qu’elle puisse éviter tout éventuel dommage[48].
Pour soustraire le notaire de telles contraintes, le législateur a prévu des assouplissements au principe imposé par la loi Ventôse dans son article 3.
Nous avons pu constater que l’intervention du notaire se présente sous deux principaux aspects, d’une part, il assure une fonction instrumentaire, et d’autre part, il dispose d’un devoir de conseil. Dans la mise en œuvre de ses missions, le notaire est tenu d’un devoir spécifique qui l’oblige à prêter son ministère lorsqu’il en est requis (§1), cependant, quelques circonstances dérogent à ce principe (§2).
- 1_ La règle imposée par la loi 25 Ventôse an XI
Dans son article 3, la loi 25 Ventôse an XI prévoit expressément que le notaire doit prêter son ministère lorsqu’il en est requis. Cette obligation constitue une suite logique de l’article 1 de la même loi. En effet, la fonction attribuée au notaire en tant que responsable de l’authentification des actes et des contrats lui est spécifique. Ce qui implique qu’il est le seul à pouvoir garantir l’authenticité de ces actes.
En matière immobilière, il est la seule autorité compétente dans le cadre des ventes publiques d’immeubles, de rente et de créances hypothécaires. Toutefois, la mise en œuvre de cette opération est conditionnée par l’accord d’une autorité publique.
Pour assurer l’effectivité des services fournis aux citoyens, le législateur a pris soin de prévoir une sanction aux professionnels qui ne respectent pas cette règle. C’est l’article 3 de l’ordonnance du 28 juin 1945[49] qui prévoit les sanctions destinées aux notaires pris en violation de ces règles.
- 2_ Quelques exceptions à la règle
Doctrine, jurisprudence, législateurs sont tous conscients de l’utilité d’une exception à ce principe. Toutefois, son refus doit rentrer soit dans le cadre des empêchements légaux, soit dans celui des empêchements facultatifs.
A_Les empêchements légaux :
1_Les actes illégaux
Le notaire est tout à fait en droit de refuser de rédiger un acte prohibé par la loi. À défaut, on pourrait engager sa responsabilité pénale, civile et disciplinaire.
Grâce à ce dispositif, il serait plus facile de remettre en cause la responsabilité du notaire ayant accepté de traiter un dossier entaché d’illégalité. En effet, il prête son ministère en toute âme et conscience. Ce qui implique qu’il ne peut principalement pas évoquer la contrainte comme justificatif de son concours à l’établissement de l’acte illicite.
2_Les actes contraire aux bonnes mœurs et à l’ordre public
Le notaire est autorisé à refuser d’intervenir dans le cas où l’acte qu’il devait établir est contraire aux bonnes mœurs ou à l’ordre public.
3_L’incapacité juridique du client
Le client qui requiert le service du notaire doit jouir de son libre arbitre. Ainsi, ce dernier ne peut procéder à l’établissement d’un acte dans le cas ou le premier intéressé, c’est-à-dire le client manifesterait une certaine incapacité. À savoir, l’aliénation mentale, la contrainte, la démence, l’état d’ivresse…
4_La violence
Le notaire ne peut établir un acte quelconque s’il est prouvé que le consentement de l’une des deux parties a été donné à la suite d’une contrainte ou d’une violence physique ou morale.
5_Les activités interdites au notaire
La loi défend au notaire d’exercer des activités spéculatives qui constituent généralement le domaine d’intervention du banquier. Dans ce sens, il ne peut en aucun cas se porter caution ou garant d’un prêt. Il ne peut que procéder à l’établissement de l’acte sans garantir son remboursement.
B_Les empêchements facultatifs
1_La considération de l’horaire d’ouverture du cabinet
Le notaire est en droit d’avoir une vie personnelle. Certes, il se met au service du public, mais cela ne signifie en rien qu’il n’a pas le droit au repos. De ce fait, il peut imposer à ses clients un horaire que ceux-ci doivent respecter. La loi l’autorise à refuser de prêter son ministère un dimanche ou pendant les jours fériés, sauf en cas d’urgence. Ainsi, il ne peut pas refuser de recevoir le testament d’un client mourant sous prétexte que celui-ci a requis son service un jour de fête.
2_Non consignation préalable des frais
En principe, le notaire ne procède à la rédaction d’un acte qu’après le versement d’une provision.
CHAPITRE 2 – LA VIOLATION AUTORISÉE DU SECRET PROFESSIONNEL DU NOTAIRE
La divulgation d’un secret professionnel constitue une infraction pénale. D’ailleurs l’article 226-13 du Code pénal prévoit : « La révélation d’une information à caractère secret par une personne qui en est dépositaire soit par état ou par profession, soit en raison d’une fonction ou d’une mission temporaire, est punie d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende ». Ainsi, la responsabilité pénale du notaire qui communiquerait la minute des actes qu’il a reçus devrait être engagée.
Si l’on ne tient compte que les effets dudit article, il n’y a que le notaire et le testateur qui devrait être à la connaissance du contenu d’un testament. Si les effets du testament ne se limitaient qu’à un simple partage sans que les héritiers ou autres personnes intéressées ne puissent remettre en cause son contenu, le législateur n’aurait pas pris la peine d’essayer de définir l’« étendue du secret professionnel ».
Toutefois, il n’y a pas que l’intérêt du testateur et le contenu de l’acte qui est en jeu. Le testament mentionne également d’autres personnes qui y ont un intérêt direct. C’est la raison pour laquelle la loi Ventôse prévoit et autorise la divulgation du secret à une certaine limite. Il faut savoir que l’autorisation de révélation du secret ne se limite pas aux personnes intéressées en nom direct (§1), elle s’étend également à une certaine catégorie de personne (§2).
Section 1 : Les « personnes intéressées en nom direct »
Il convient de rappeler ce que la loi Ventôse prévoit dans son article 23. « Les notaires ne pourront également, sans l’ordonnance du président du tribunal de première instance, délivrer expédition ni donner connaissance des actes à d’autres qu’aux personnes intéressées en nom direct, héritiers ou ayants droit, à peine des dommages-intérêts, d’une amende de 100 euros, et d’être, en cas de récidive, suspendus de leurs fonctions pendant trois mois ; sauf néanmoins l’exécution des lois et règlements sur le droit d’enregistrement, et de celles relatives aux actes qui doivent être publiés dans les tribunaux ».
Afin de mieux comprendre le sens de l’article, ainsi que l’objectif du législateur dans l’établissement d’un assouplissement au principe de secret professionnel, il convient de déterminer ce que signifie « personnes intéressées en nom direct ».
- 1_ La notion de « personnes intéressées en nom direct »
Une petite remarque s’impose en ce qui concerne l’appellation « personnes intéressées en nom direct ». Les qualités des personnes pouvant demander la communication des minutes sont si diversifiées que les législateurs ont décidé de les regrouper pour faciliter leur distinction. Le législateur n’a pas voulu utiliser la notion de « parties contractantes », car elle ne peut être utilisée que dans le cas d’un contrat, excluant tout autre acte dont l’établissement ne relève pas de la volonté des parties contractantes. Tel est le cas pour le testament authentique ou la donation.
Ainsi, sont inclues dans le cadre des personnes intéressées en nom direct :
- Les héritiers :
Cela concerne autant les héritiers légitimes que les héritiers naturels. C’est ainsi que la cour d’appel a autorisé la délivrance du testament litigieux à une demanderesse qui n’est autre que la nièce, héritier naturel du testateur[50].
- Les légataires :
Dans le cadre d’un legs ou d’une libéralité par testament, seul le testateur y est partie. Le notaire peut tout à fait délivrer un extrait du testament aux légataires.
- Le porte-fort
- Le donataire :
La loi l’autorise à requérir l’expédition et à bénéficier de la communication des minutes s’il refuse la donation en sa faveur.
- Les créanciers :
Cela concerne ceux qui ont bénéficié de la délégation sur le prix d’une vente ou sur le montant d’une obligation.
- Le tiers bénéficiaire des charges imposées par le donateur au donataire.
- La femme en cas de dissolution de la communauté :
En cas de dissolution de la communauté, la loi autorise à la femme de requérir une expédition des actes qui ont été établis par son mari durant leur communauté.
- 2_ Les personnes intéressées qui ne sont pas autorisées à prendre communication des minutes, ni à demander une expédition
- _ Les créanciers dont les créances sont cités dans un inventaire
En principe, ils n’ont pas la qualité de personnes intéressées en nom direct étant donné que l’inscription de leurs noms dans l’inventaire n’a qu’un caractère énonciatif. De ce fait, ils n’ont nullement le droit de le consulter ne serait-ce qu’une partie dudit acte.
Contra, le créancier peut réclamer la communication des minutes dans le cas d’un acte authentique mentionnant une reconnaissance de dette. Toutefois, dans le but d’assurer la sécurité du testateur et celle de sa famille[51], aucune compulsoire ne doit être accordée de son vivant.
- B) _ Les créanciers souhaitant avoir connaissance de certains renseignements[52] afférents aux débiteurs. Bien que cela rentre dans leur intérêt, la loi ne les autorise pas à consulter ces documents.
- C) _ Le propriétaire d’une maison ou d’un logement dans le cas où son voisin a conclu un bail contenant une clause de respect de servitude. Le législateur estime que ledit propriétaire ne constitue pas une personne intéressée en nom direct. Car, les clauses ne considèrent pas le droit de servitude au voisin, mais visent à prévoir tout éventuel conflit pouvant exister entre le bailleur et le locataire.
- D) _ Les successeurs considérés comme des héritiers évincés qui ne sont désignés ni par la loi, ni par le testament ne rentrent pas dans le cadre des personnes intéressées en nom direct. Les prétendants héritiers doivent présenter des justificatifs qui feront l’objet d’étude auprès des autorités compétentes avant de pouvoir bénéficier de la délivrance d’une expédition ou de la communication des minutes.
Un arrêt de la Cour de cassation du 28 janvier 1835 reflète l’application de ce principe. Dans ce cas d’espèce, le tribunal a rejeté la demande de compulsoire des prétendus héritiers de la dame Fontaine, faute de preuve sur leur qualité de successeurs[53].
Section 2 : La compulsoire[54]
- 1_La dérogation au principe imposé par la loi 25 Ventôse an XI, article 25.
La règle imposée par la loi 25 Ventôse an XI n’a nullement un caractère absolu. En effet, le législateur en a prévu une dérogation. Dans le cadre de cette dérogation, la loi autorise la délivrance des expéditions ou la communication des minutes aux tiers qui ne font pas partie de ce que la loi appelle « personnes intéressées en nom direct ». Dans ce contexte, la règle relative à l’interdiction de la communication globale des minutes leur est également applicable.
En principe, dans son article 846[55], le Code de procédure[56] prévoit que le tiers peut demander une compulsoire dans le cours d’une instance afin qu’il puisse s’en servir pour soutenir ou contester une prétention portée devant une autorité juridique[57].
- 2_ Les limites de la voie compulsoire
À_ Les actes sous seing privé
Ces actes sont principalement établis par les parties au contrat. Aucune compulsoire n’est possible du moment que les contractants assurent la conservation desdits actes ou les déposent auprès d’une tierce personne qui n’a pas la qualité d’un Officier public.
B_ Les livres et les registres détenus par les particuliers constituent leurs propriétés.
Ces actes ne sont pas soumis au principe du compulsoire si le particulier détenteur ne s’agit ni d’un notaire, ni d’un dépositaire public[58]. C’est ainsi que le tribunal a tranché en faveur des héritiers d’un débiteur qui refusaient de délivrer les actes de famille au créancier de ce celui-ci. L’objet de la demande de compulsoire étant d’obtenir l’autorisation de consulter lesdits actes afin d’y vérifier l’existence de la reconnaissance d’une rente[59].
C_ Le respect du secret des familles
Le respect du secret des familles constitue une limite à l’autorisation du compulsoire des actes notariés. Dans ce sens, l’application de ce droit ne consiste en rien en une investigation domiciliaire. Aussi, elle se limite uniquement en une vérification de certains dispositifs desdits actes. Cette règle constitue une application du principe relative à l’interdiction des communications globales des minutes[60].
Remarque :
Pour obtenir une expédition des actes déposés dans un greffe, le demandeur n’aura pas à procéder à une demande de compulsoire. En effet, ces actes sont mis à la disposition du public qui peut, pour son intérêt personnel, en requérir une expédition.
La délivrance de cette dernière constitue même une obligation pour le greffier dont la responsabilité risque d’être soulevée en cas de refus[61].
TITRE 2 : ETUDES DES CAS DE VIOLATION DU SECRET PROFESSIONNEL DU NOTAIRE
Certes, nous avons déjà entamé une partie des différentes circonstances permettant au notaire de divulguer les informations ou les actes qu’il a reçus. Toutefois, certains cas méritent de faire l’objet d’une étude spécifique en raison de leurs particularités et de l’importance de leurs effets. Le développement qui suit ne consiste plus à énumérer les personnes et les actes qui font exceptions à la règle imposée par l’article 226-13 du Code pénal. Il se focalisera plutôt sur l’étude au cas par cas des différentes situations permettant au notaire de ne plus se soumettre à l’obligation de secret.
À titre de rappel, l’article 226-13 dudit Code prévoit une peine d’amende de 15 000 euros et d’un an d’emprisonnement à toute personne qui ne respecte pas le secret auquel il a été tenu.
CHAPITRE 1 : LES FAITS JUSTIFICATIFS A LA VIOLATION DU SECRET
Section 1 : La révélation imposée par la loi : le devoir du notaire
- _1 La publicité foncière
Dans son article 710-1, le Code civil « Tout acte ou droit doit, pour donner lieu aux formalités de publicité foncière, résulter d’un acte reçu en la forme authentique par un notaire en France, d’une décision juridictionnelle ou d’un acte authentique émanant d’une autorité administrative. ».
Pour assurer son opposabilité, un acte de vente immobilière doit faire l’objet de publication foncière. Toutefois, les actes pouvant être inscrits sur les fichiers immobiliers doivent être authentiques, une authenticité garantie par le notaire. Dans ce contexte, ce dernier n’est plus soumis au secret professionnel, car il se trouve dans l’obligation de publier l’acte de vente. À noter que la publication garantit l’opposabilité dudit acte aux tiers.
Le défaut de publication est punissable, particulièrement s’il provoque des conséquences dommageables. C’est ainsi que la Cassation a rejeté le pourvoi formé contre la décision rendue par la Cour d’Appel d’Aix-en-Provence condamnant in solidum un notaire ayant omis de procéder à la publication foncière d’un acte de vente. (Cass.civ 1e, 15 octobre 1975).
Pour information, le Code Général des Impôts prévoit également des sanctions à l’inobservation des formalités de publicité foncière.
À part cela, le défaut de publication n’entraine principalement pas la nullité de l’acte.
Dans ce contexte, l’obligation de secret professionnel du notaire est applicable sous réserve de l’application des lois et règlements.
Cependant, les actes sous seing privé déposés au rang des minutes ne sont pas soumis à cette formalité de publicité foncière, qu’ils soient contresignés ou non. Ainsi, la responsabilité du notaire pourrait être engagée dans le cas où il divulguerait des actes de cette catégorie.
- _2 Témoignage devant la justice
L’obligation de témoigner en justice est très mal vue par les notaires. Doctrine et jurisprudence ont mainte fois essayé d’instaurer un principe constant à ce problème. Rappelons que le conflit entre l’obligation de secret et celle de témoigner en justice a suscité de nombreuses controverses[62].
C’est évident que dans le cadre d’une affaire criminelle, le juge ne voudrait aucunement faire condamner un innocent, car celui-ci n’avait pas pu assurer sa défense faute de preuve. Une preuve dont la conservation est assurée par le notaire qui ne peut pas la divulguer sous peine d’une sanction pénale, civile ou disciplinaire.
Parfois, le juge peut admettre le refus de l’obligation de parler et de témoigner à charge ou à décharge en se basant sur l’obligation du notaire de respecter le secret (Crim., 5 juin 1985).
Toutefois, la majorité des avis (doctrine et jurisprudence) se décline vers la possibilité de la divulgation du secret. Car le notaire a également un devoir envers l’État. Il doit apporter sa contribution pour assurer la bonne administration de la justice, même si cela l’oblige à violer l’une des principales règles sur lesquelles la pratique de ses fonctions se fonde.
- _3 L’ordre de la loi
Nous avons pu constater dans de nombreux cas que le secret professionnel cède devant la loi. En matière fiscale, la loi oblige également le notaire à dénoncer les faits pouvant compromettre aux intérêts de l’État et de ceux de la population. Cela rentre dans le cadre de la lutte contre le blanchiment d’argent et les fraudes fiscales que nous développerons ultérieurement.
- 4_L’obligation de se taire et l’obligation de parler
L’obligation de dénoncer les éventuels actes criminels est prévue par l’article 434-1[63] du Code pénal. Si l’on tient compte de la situation du notaire, ce dispositif semble être contradictoire avec la déontologie notariale (article 23, loi 25 Ventôse an XI). S’ajoute à cela les dispositifs prévus par le même Code pénal qui obligent les personnes tenues au secret de ne pas le divulguer (art. 226-13).
Dans ce contexte, le notaire qui se trouve devant la juridiction répressive en tant que témoin à charge ou à décharge peut toujours évoquer les dispositifs de l’article 226-13 et ceux de l’article 23 de la loi 25 Ventôse pour satisfaire à leur devoir de garder le secret. Toutefois, il ne peut en pas refuser lorsqu’il est appelé à comparaître devant le tribunal.
Son obligation de comparaitre devant la juridiction est indispensable afin que le juge puisse statuer sur la question. Ainsi, il appartient au juge de déterminer si le notaire doit divulguer le secret ou s’il peut satisfaire à son obligation de secret.
Section 2 : Révélation du secret : le droit du notaire
En principe, la révélation du secret professionnel du notaire est conditionnée par la protection des intérêts d’autrui[64]. Cela n’empêche qu’il peut remettre en cause son obligation de secret pour couvrir ses propres intérêts. Toutefois, ces intérêts sont soumis à certaines réserves, car ils doivent avoir un rapport direct avec l’exercice de ses fonctions.
- 1 – Le droit de réponse du notaire
Le juge admet la violation du secret professionnel du notaire pour assurer sa défense dans le cadre d’un procès. Ainsi, si son client intente une action en justice contre lui, il est en droit de révéler certaines informations secrètes pour répondre à l’accusation portée à son encontre.
Le juge fait la distinction entre la révélation devant la juridiction civile et celle effectuée devant la juridiction pénale en ce qui concerne les justifications de la divulgation desdites informations.
A_ En matière civile
La révélation du secret est admise s’il s’agit de l’unique moyen permettant au notaire de se soustraire des accusations portées contre lui.
Le cas du client qui considère le notaire comme étant un « mauvais conseiller » est très fréquent. Ainsi, il n’hésite pas à porter plainte contre ce dernier pour les conséquences dommageables générées par les « conseils » de son notaire.
En principe, les conseils fournis par le notaire peuvent se manifester en différentes formes. Seuls qui ont été donnés par écrit peuvent être utilisés par ce professionnel comme moyen de preuve pour assurer sa défense[65].
B_En matière pénale
Dans son article 6-1, La Convention européenne des droits de l’Homme (C.E.D.H) prévoit une possibilité de violation du secret professionnel sans que l’auteur puisse faire l’objet d’une quelconque poursuite. Pour assurer la défense du professionnel libéral, ce dispositif prévoit expressément qu’il peut dévoiler ledit secret pour assurer sa défense. Toutefois, les informations divulguées ne doivent pas être étrangères à la cause.
L’arrêt « Roi des gitans » reflète l’application rigoureuse de ce dispositif. Certes, il ne s’agissait pas d’un notaire, mais d’un médecin. Toutefois, il convient de préciser que ces deux professions rentrent dans le cadre des professions libérales mentionnées par la Convention européenne des droits de l’Homme.
- 2 – La mise en œuvre des missions du notaire
Dans le cadre de l’exercice de ses fonctions, le notaire a le droit de communiquer des informations soumises au secret à ses associés. Ce principe vise pratiquement à assurer la bonne exécution de la mission du notaire.
Le code européen révisé de déontologie notariale prévoit une collaboration plus étendue qui permet aux notaires d’assister un client résidant à l’étranger. « Le notaire qui assiste son client à l’étranger doit avertir son confrère territorialement compétent le plus tôt possible de son intervention et convenir avec lui des modalités de leur coopération. Le notaire national transmet en temps utile au notaire étranger tous les éléments nécessaires à celui-ci pour remplir sa mission de conseil. »
CHAPITRE 2 : LA LUTTE CONTRE LE BLANCHIMENT D’ARGENT
La lutte contre le blanchiment a été créée par la loi n° 96-392 du 13 mai 1996 relative à la lutte contre le blanchiment. Ce texte prévoit les obligations de chaque citoyen dans le cadre de cette lutte.
Le notaire fait partie des personnes ayant fait l’objet d’une disposition particulière, entre autres, les administrateurs et mandataires judiciaires, les avocats, les huissiers de justice.
La loi n° 98-546 du 2 juillet 1998 prévoit les principales obligations du notaire en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme aux intermédiaires immobiliers. Toutefois, ce texte n’a défini le rôle du notaire que d’une manière très générale jusqu’à la mise en vigueur de la loi n° 2004-130 du 11 février 2004. L’application de cette loi a permis de réformer le statut de quelques professionnels œuvrant dans le domaine juridique, notamment celui du notaire.
En effet, il a des devoirs envers l’État dans le cadre de cette lutte. Des devoirs qui compromettent principalement aux règles imposées par la déontologie notariale, c’est-à-dire au respect de l’obligation de secret professionnel.
Il convient de savoir que le blanchiment de capitaux se réalise en trois étapes bien distinctes : le placement, l’empilage et l’intégration. Les criminels font généralement appel au service du notaire pour établir l’acte leur permettant d’introduire les fonds provenant d’un acte criminel ou délictuel au sein du système bancaire et financier.
Section 1 : Les obligations du notaire dans le cadre de la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme
- 1 – L’identification des clients
Dans l’exercice de ses fonctions, le notaire doit pouvoir assurer l’identification de ses clients. Le règlement de la chambre notariale des notaires sur le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme adopté par l’assemblée générale du 26 avril 2011, modifié par l’assemblée générale du 18 avril 2013 prévoit cette obligation d’identification. Ce règlement prévoit différentes catégories de personnes que le notaire doit identifier.
L’article 3 dudit règlement prévoit de manière générale que « Sauf dans les cas visés à l’article 11, §1 et 2, de la loi, le notaire est tenu d’identifier toute personne (dénommé « le client » par la loi) qui le charge de préparer un acte ou une opération dont le montant atteint ou excède 10.000 euros, qu’elle soit effectuée en un ou plusieurs actes entre lesquels semble exister un lien, ou qui sollicite le conseil du notaire en vue de la préparation de tels actes ou de telles opérations, ainsi que tout client habituel, c’est-à-dire un client pour lequel le notaire réalise périodiquement des actes ou des opérations, ou donne périodiquement des conseils. »
Il est important de savoir que le notaire est tenu de satisfaire à cette obligation avant même de procéder à la signature de l’acte. En principe, la loi impose au notaire d’y procéder avant de commencer une quelconque opération. Toutefois, une telle imposition peut entrainer le retard de la prise en charge du dossier. Un assouplissement à cette règle a été établi pour assurer la bonne organisation de ses missions. Ainsi, il peut effectuer d’identification en même temps que la préparation de l’acte.
- 2 – surveillance de certaines opérations
Dans le cadre de cette surveillance, le notaire doit identifier l’opération ou l’acte en question en essayant d’obtenir un maximum d’informations relatives à son objet ou à sa nature. À part cela, il doit identifier les bénéficiaires effectifs, notamment quand son client s’agit d’une personne morale.
- 3 – Devoir de vigilance et information de la CTIF
L’article 36 du règlement impose le devoir de vigilance au notaire. Les obligations imposées par ce règlement sont très rigoureuses en raison de la difficulté de la mise en œuvre de la lutte contre le blanchiment d’argent.
L’identification, la surveillance des opérations et la vigilance permettent au notaire de déterminer tout éventuel acte ou opération qui risque d’être lié au blanchiment de capitaux ou au financement de terroriste. L’importance de l’attention à laquelle le notaire doit attribuer à un acte, une opération ou à un client déterminé varie en fonction des caractéristiques de celui-ci. Il appartient au notaire d’apprécier si le cas auquel il travaille mérite ou non une vigilance particulière.
Section 2 : La mise en œuvre de la lutte contre le blanchiment en conflit avec le respect du secret professionnel du notaire
- _1 Dénonciation de soupçon
La loi oblige le notaire de dénoncer les actes ou opérations qu’il soupçonne avoir un lien avec le blanchiment de capitaux.
Toutefois, il convient de rappeler ce que le Code pénal prévoit dans son article 226-13 « la révélation d’une information à caractère secret par une personne qui en est dépositaire soit par état ou par profession, soit en raison d’une fonction ou d’une mission temporaire, est punie d’un an d’emprisonnement et de 15000 euros d’amende. »
Depuis la mise en place du TRACFIN, les professionnels concernés par cette obligation doivent procéder à la dénonciation auprès de cet organisme crée particulièrement pour lutter contre le blanchiment d’argent. Cet organisme a été mis en place par l’ordonnance du 30 janvier 2009.
- _2 inopposabilité du secret professionnel du notaire
Encore une fois, le notaire se trouve dans une impasse où il doit satisfaire à deux obligations tout à fait contradictoires. Toutefois, il convient de préciser que l’ordonnance n° 2009-104 du 30 janvier 2009 se rapportant à la prévention de l’utilisation du système financier aux fins de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme résout la question en soulignant que le notaire ne peut pas s’opposer à cette déclaration de soupçon pour satisfaire à l’obligation de secret.
- _3 Les garanties fournies aux notaires
Pratiquement, le notaire viole le secret professionnel dans le but de satisfaire à son devoir vis-à-vis de l’État. Ce devoir manifeste sa contribution dans le cadre de la lutte contre toute action pouvant nuire aux intérêts de l’État et des citoyens. Dans ce contexte, il ne peut en aucun cas faire l’objet de poursuite pour dénonciation calomnieuse ou violation de secret professionnel.
À part cela, TRACFIN garantit le caractère confidentiel de la dénonciation. C’est indispensable pour inciter les notaires à satisfaire à leurs devoirs envers l’État.
PARTIE 3 : LA RESPONSABILITE DU NOTAIRE
L’obligation de secret professionnel constitue l’un des devoirs les plus stricts auxquels le notaire est tenu. Elle ne constitue pas qu’un simple devoir, elle est pratiquement assortie de sanctions. Toutefois, ces dernières ne sont pas applicables à toutes les situations. D’ailleurs, le refus du notaire de déposer les actes qu’il a reçus et qui sont protégés par le secret professionnel peut parfois lui générer des sanctions.
Il convient alors de savoir que l’inobservation du devoir de silence du notaire peut entraîner l’engagement de sa responsabilité pénale (titre 1), civile ou disciplinaire (titre 2).
TITRE 1 : LE SECRET PROFESSIONNEL DU NOTAIRE ET LA RESPONSABILITÉ PÉNALE
La violation du secret professionnel constitue un délit passible d’une peine d’amende et d’emprisonnement. En quoi consiste la remise en cause de la responsabilité pénale du notaire (chapitre 1), et qu’en est-il des « obligations contraires » imposées par la loi (chapitre 2).
CHAPITRE 1 : REMISE EN CAUSE DE LA RESPONSABILITÉ DU NOTAIRE EN MATIÈRE PÉNALE
Section 1 : Les éléments constitutifs de l’infraction pénale dans le cadre de la violation du secret professionnel du notaire
- _1 : Élément légal
Le Code pénal prévoit dans son article 226-13 que « La révélation d’une information à caractère secret par une personne qui en est dépositaire soit par état ou par profession, soit en raison d’une fonction ou d’une mission temporaire, est punie d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende. »
- _2 : Élément matériel
Les informations visées par le Code pénal ne concernent pas uniquement les actes que les deux parties, le notaire et son client considèrent comme secret. C’est-à-dire, les informations reçues par le notaire sous le sceau de la confidence. Elles concernent toutes les actes se rapportant à la pratique de la fonction notariale.
La violation peut se manifester en plusieurs formes. D’ailleurs, la loi ne prend pas en compte la forme de la violation qu’elle soit écrite, orale ou par support électronique. L’importance est que le notaire ait divulgué les informations auxquelles il est tenu au secret.
La révélation ne se limite pas sur le fait d’une seule personne. Elle peut tout à fait être réalisée par plusieurs personnes. Dans ce cas, elles seront solidairement responsables des conséquences dommageables générées la violation du secret.
- _3 : Élément moral
En matière pénale, l’infraction est constituée par trois principaux éléments, notamment l’élément légal, l’élément matériel et l’élément moral. L’engagement de la responsabilité du notaire n’est admis par le juge que si la violation a été réalisée de manière intentionnelle.
L’article 121-3, alinéa 1er du Code pénal prévoit « Il n’y a point de crime ou de délit sans intention de les commettre ».
L’élément intentionnel se traduit par le fait que l’intéressé révèle les informations ou des faits à caractère secret en toute connaissance de cause. Ainsi, pour pouvoir remettre en cause la responsabilité du notaire, le juge doit rechercher les caractères intentionnels de ses actes.
Section 2 : Les sanctions pour violation du secret professionnel du notaire
L’étude relative à la limite de l’obligation de secret nous a permis de déterminer les différents cas[66] permettant au notaire de justifier son acte. Ces cas constituent les faits justificatifs de la violation du secret professionnel. Si l’on tient compte de la qualification des infractions en matière pénale, ces cas permettent d’engager la « responsabilité quasi délictuelle » du notaire. Dans ce sens, il nous reste plus qu’à procéder à l’étude relative à sa responsabilité délictuelle.
Le Code pénal prévoit un an d’emprisonnement et 15 000 euros d’amende au notaire qui violerait le secret professionnel.
La loi qualifie la violation du secret professionnel comme une infraction délictuelle. Elle prévoit expressément des sanctions à l’encontre du professionnel qui faillit à cette obligation. Toutefois, la loi n’a pas la même appréhension en ce qui concerne la tentative. Dans ce sens, le notaire ne peut aucunement faire l’objet de sanction pénale si son acte est qualifié de tentative.
Toutefois, la loi admet la complicité comme un acte punissable. Ainsi, les sanctions frappant le notaire peuvent tout à fait être appliquées à son personnel ou au professionnel ayant contribué à la réalisation de l’infraction (clerc, notaire associé). La Convention collective du Notaire en date du 8 juin 2001 prévoit cette extension de responsabilité au personnel du professionnel en question.
CHAPITRE 2 : L’INOBSERVATION DE L’« OBLIGATION CONTRAIRE » DU NOTAIRE
La notion d’« obligation contraire » fait référence aux obligations du notaire de violer le secret professionnel auquel il est tenu. En effet, l’inobservation de ces « obligations contraires » est également passible d’une sanction pénale. Tel est le cas pour le refus de déposer (Section 1) et la non-dénonciation d’un acte à des fins de blanchiment de capitaux ou de financement de terrorisme (Section 2).
Section 1 : Les sanctions du notaire pour le refus de déposition
Dans certains cas, l’obligation de secret ne permet pas de couvrir le notaire devant une juridiction. Particulièrement en matière pénale, le juge n’admet pas le silence du notaire qui est appelé à témoigner devant le tribunal.
Dans un arrêt, la Cour de cassation a pratiquement confirmé la décision du juge d’instruction[67] qui a condamné Me Cressent à 100 francs d’amende pour avoir refusé de déposer. Le juge avait requis sa déposition dont le contenu pourrait constituer l’élément matériel de l’infraction commise par la cliente du notaire.
Section 2 : La responsabilité du notaire dans le cadre de la lutte contre le blanchiment de capitaux
Dans le cadre de la lutte contre le blanchiment de capitaux et de financement de terrorisme, le notaire a une obligation envers l’État.
Les textes législatifs prévoient des incriminations pour assurer la protection de l’État de ses intérêts. Ainsi, le fait du notaire de ne pas dénoncer les actes ou opérations manifestant des finalités de blanchiment de capitaux ou de financement de terroriste constitue un délit obstacle. Une telle infraction est passible d’une peine d’amende et d’emprisonnement.
L’article 434-1 du Code pénal prévoit « Le fait, pour quiconque ayant connaissance d’un crime dont il est encore possible de prévenir ou de limiter les effets, ou dont les auteurs sont susceptibles de commettre de nouveaux crimes qui pourraient être empêchés, de ne pas en informer les autorités judiciaires ou administratives est puni de trois ans d’emprisonnement et de 45000 euros d’amende. »
En matière de blanchiment de capitaux ou de financement de terrorisme, la juridiction répressive applique rigoureusement ce dispositif, car les impacts de ces infractions affectent considérablement l’État dans de nombreux domaines, notamment sur l’économie, les finances, la politique, le social et la sécurité.
Aussi, l’obligation de secret du notaire ne peut le couvrir dans le cadre de l’application de l’article 324-1 du Code pénal[68]. Il pourrait être considéré comme co-auteur ou complice en fonction de l’importance de son implication dans la réalisation de l’acte criminel ou de l’acte délictuel.
TITRE 2 : LA RESPONSABILITE CIVILE ET DISCIPLINAIRE DU NOTAIRE
CHAPITRE 1 : LE NOTAIRE PEUT-IL ÊTRE CIVILEMENT RESPONSABLE POUR VIOLATION DE SECRET PROFESSIONNEL ?
En matière civile, la responsabilité d’un individu est définie par l’article 1382[69] du Code civil : « Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. »
Section 1 : Les principes généraux
- 1_ La faute
En vertu de l’article 1382 du Code civil, la responsabilité du notaire peut être soulevée du moment que la faute commise lui est imputable, et que cela a généré un dommage à autrui. En effet, il est tout à fait possible de remettre en cause la responsabilité pour faute du notaire. Le client doit établir la preuve que le notaire a failli à son obligation.
- 2_L’existence d’un lien de causalité
Pour soulever la responsabilité du notaire, il ne suffit pas de démontrer qu’il a commis une faute et que le client a subi un préjudice. La règle civile impose l’existence d’un lien de causalité, en d’autres termes, le dommage devrait être la suite logique de la faute du notaire. Dans ce sens, le client n’aurait pas subi de préjudice si le notaire n’avait pas dévoilé les secrets.
- 3_ L’existence du dommage
Dans de nombreux cas, la violation du secret professionnel du notaire n’engendre pas de préjudice à son client. Dans ce cas, ce dernier n’a pas à intenter une action civile à l’encontre de l’Officier public. Étant donné qu’il n’a subi aucun préjudice, il n’a pas à réclamer des dédommagements.
Dans ce contexte, l’infraction commise par le notaire se porte sur l’acte et non pas sur son contenu. C’est la violation du caractère secret de l’acte qui est punissable. Dans ce sens, il n’y a que sa responsabilité pénale et sa responsabilité disciplinaire qui feront l’objet d’une remise en question.
Section 2 : Les sanctions civiles : sanctions complémentaires
En matière de violation de secret professionnel, la sanction civile se présente comme une sanction complémentaire. En effet, son application dépend des conséquences dommageables de l’infraction commise par le notaire. Ainsi, si le notaire est reconnu responsable des dommages subis par son client, ce dernier est en droit de réclamer des dommages – intérêts.
En matière pénale, la responsabilité du notaire est remise en cause du moment qu’il a procédé à la divulgation des informations qu’il aurait dû tenir au secret. Le client n’a pas besoin d’apporter des preuves sur les conséquences dommageables de l’infraction. Il suffit de réunir les 3 principaux éléments constitutifs de l’infraction, c’est-à-dire, l’élément légal, l’élément matériel et l’élément moral[70].
CHAPITRE 2 : MANQUEMENTS DÉONTOLOGIQUES DU NOTAIRE
La violation du secret professionnel du notaire constitue un manquement déontologique. Ce qui implique qu’elle n’est pas uniquement passible d’une peine pénale, mais d’une sanction disciplinaire également. Rappelons que le respect de l’obligation de secret est prévu par l’article 13 du Code de déontologie des notaires et par l’article 2.6 du Code européen révisé de déontologie notariale du 11 décembre 2009.
Les sanctions destinées aux notaires ayant manqué à ses obligations déontologiques sont prévues par l’article 3 de l’ordonnance du 28 juin 1945. Elles se déclinent en deux catégories bien distinctes : les sanctions disciplinaires externes et les sanctions disciplinaires internes.
Le secret professionnel constitue l’une des obligations déontologiques les plus remises en cause par le notaire. En effet, l’appréciation de l’obligation de respect dudit secret, de la tolérance de sa violation ou de l’obligation de sa divulgation a entrainé de nombreuses controverses. N’empêche qu’en principe, sa violation génère toujours des sanctions disciplinaires internes (Section 1) et externes (Section 2)
Section 1 : Les peines disciplinaires internes
Les sanctions disciplinaires ont particulièrement un caractère moral. Cela n’empêche qu’elles peuvent avoir d’importantes conséquences sur le notaire sanctionné, non seulement vis-à-vis de son « cercle professionnel », mais surtout de ceux de ses clients. Il ne faut pas oublier qu’entre ce dernier et l’Officier public se crée une relation de confiance. Le notaire risque de perdre sa crédibilité par rapport à ses clients dans le cas où il commettrait des actes pouvant entrainer la remise en cause de sa responsabilité disciplinaire. Prononcées par la chambre des disciplines du Conseil régional, les peines internes sont constituées par le rappel à l’ordre (§1), la censure simple (§2) et la censure devant la chambre assemblée (§3).
- _1 Le rappel à l’ordre
La moins importante des peines disciplinaires, le rappel à l’ordre vise à remettre le notaire « sur le droit chemin » de manière à ce qu’il puisse correctement assurer ses devoirs et obligations.
Certes, cette sanction ne peut pas être accompagnée de note ou d’observation pouvant entrainer son atténuation ou son aggravation. Toutefois, elle peut être assortie de peines supplémentaires telles que l’inéligibilité au sein des chambres, des organismes ou des conseils professionnels pendant 10 ans.
- _2 La censure simple
C’est une peine par laquelle la chambre disciplinaire adresse un blâme au professionnel. Bien qu’elle soit destinée aux infractions d’une moindre importance, ses effets sont beaucoup plus importants que ceux du rappel à l’ordre.
C’est le président de la chambre disciplinaire qui procède à sa lecture en présence du notaire.
- _3 La censure devant la chambre assemblée
Elle constitue la peine la plus importante que la chambre disciplinaire puisse prononcer. Son caractère public manifeste la gravité de la sanction. En effet, elle est prononcée devant tous les membres de la chambre en présence du notaire sanctionné.
Cette sanction peut être accompagnée d’une réprimande du président de la chambre. Peut être frappé d’une telle peine, le notaire ayant perçu indûment des honoraires et qui ne les a pas restitué, celui qui a réitéré d’erreurs graves ou qui a procédé à des concurrences déloyales.
Section 2 : Les peines disciplinaires externes
Elles constituent les sanctions les plus sévères dans ce domaine. D’ailleurs, ce n’est pas la chambre disciplinaire qui les prononce, mais le tribunal de grande instance.
- _1 La défense de récidiver
Le mode d’application de cette sanction manifeste une similitude à celui du sursis à exécution. Ainsi, les peines prononcées à l’encontre du notaire fautif ne seront pas applicables matériellement.
Toutefois, une nouvelle violation des règles déontologiques peut entrainer l’application des sanctions beaucoup plus sévères, telles que l’interdiction temporaire ou la destitution. À noter que la sanction de défense de récidiver est rarement applicable.
- _2 L’interdiction temporaire
Si les actes commis par le notaire portent gravement atteintes à la dignité de leur profession et à l’intérêt de leurs clients, le tribunal peut prononcer l’interdiction temporaire. Cette peine ne vise pas à écarter définitivement le professionnel du domaine notarial. Le notaire frappé d’une telle sanction ne pourra pas exercer sa fonction de manière temporaire, et sera exclu de toute élection au sein des organismes professionnels. Il ne dispose plus que de son droit de présentation.
Cette peine ne se limite pas seulement au niveau de son office. Aussi, il n’a pas le droit d’exercer des actes ni pour le compte dudit office, ni pour celui d’un particulier.
3 La destitution
Les comportements indignes du notaire peuvent entrainer la peine de destitution. Elle consiste à exclure définitivement l’Officier public fautif du domaine notarial. Bien qu’il s’agit d’une peine disciplinaire, il appartient au tribunal de statuer sur la gravité de la faute commise par le notaire, et d’apprécier si celui-ci mérite une telle peine ou non.
Parmi les cas de destitution les plus connus sont ceux des notaires accusés de détournements de fonds et de comptes des clients, de fausses déclarations de sinistre, de fausses écritures publiques et d’abus de faiblesse sur une personne vulnérable. Ces professionnels ont pratiquement reconnu leurs fautes.
En principe, la destitution a pour effet la cessation définitive des fonctions du notaire. Aussi, il ne peut en aucun cas se présenter sous la qualité d’ancien notaire, et n’a plus le droit de réaliser des actes ayant un rapport avec la qualité de notaire.
Particulièrement pour le cas de la violation du secret professionnel du notaire, elle est effectivement passible de sanction disciplinaire. Toutefois, le degré de peine à infliger au notaire pris en violation dudit secret varie en fonction de l’importance de la faute commise et de la gravité de ses conséquences. Il appartient à la chambre disciplinaire ou au tribunal d’apprécier le type de sanction adapté à la violation.
CHAPITRE 3 : LA GARANTIE FOURNIE PAR LE NOTAIRE
Certes, une relation de confiance s’établit entre le notaire et son client. Cela n’empêche que l’Officier public devrait fournir une certaine garantie à ce dernier afin de renforcer davantage cette relation de confiance.
Section 1 : La garantie et le devoir moral du notaire
Les principaux textes régissant la pratique notariale imposent un devoir moral au notaire. Si le code de déontologie parle de devoir de discrétion, de son côté, le Code européen révisé de déontologie notariale insiste sur le devoir de confidentialité.
- _1 : Le devoir de silence du notaire vis-à-vis de son client
Dans la pratique de ses fonctions, le notaire doit protéger les intérêts et de la dignité de ses clients dans la limite de la légalité. Les actes qu’il a reçus doivent être conservés de manière à ce qu’ils ne puissent être utilisés au détriment de son client.
Dans le cas où un notaire est appelé par deux parties pour conserver un même acte, il est soumis à un devoir d’impartialité. Cela concerne principalement les ventes immobilières et l’héritage. Ce qui implique que ses comportements et ses décisions doivent se tendre vers l’intérêt des deux parties en même temps. Dans ce contexte, le notaire est défendu de confier à une d’entre elles, des informations pouvant compromettre aux intérêts de l’autre partie.
- _2 : Le devoir du notaire vis-à-vis des institutions notariales
Le devoir du notaire vis-à-vis des institutions notariales procure une garantie indéniable à ceux qui font appel à son service. En effet, la déontologie notariale constitue une règle rigoureuse et très stricte.
L’article 26[71] du code de déontologie impose que le notaire est soumis à l’obligation de dénoncer le comportement indigne de ses confrères. La mise en place d’une telle mesure vise à garantir non seulement l’intérêt supérieur du métier de notaire, mais surtout, de lui assurer une bonne réputation auprès des citoyens.
Celui qui dénonce les comportements indignes de ses confrères ne doit avoir aucune contrainte morale vis-à-vis de ceux-ci. Certes, cela pourrait générer des impacts négatifs sur sa relation avec ses confrères, toutefois, les intérêts du notariat et des institutions notariales priment avant les siens.
Cette disposition reflète l’importance du respect de la déontologie notariale par les professionnels qui exercent cette fonction.
Section 2 : La garantie pécuniaire du notaire
La violation du secret professionnel peut engendrer des préjudices à l’encontre des intéressés. Mis à part le devoir moral du notaire qui constitue le fondement de la garantie morale de ses clients, il faut savoir que ceux-ci bénéficient également d’une garantie pécuniaire.
- _1 : Cautionnement des notaires
Avant la loi du 25 ventôse an XI, les notaires étaient soumis à un impôt (patente) qu’ils devaient acquitter annuellement. Après la mise en vigueur de cette loi, le statut de ces officiers publics a fait l’objet de certaines modifications. Ainsi, ils devaient souscrire un cautionnement au lieu de payer une patente.
À l’époque, le cautionnement constituait une garantie aux citoyens faisant appel au service du notaire. Le législateur était conscient du fait que le manquement aux devoirs et obligations du notaire peut entrainer des préjudices à son client.
Ce cautionnement était affecté, soit à la garantie des condamnations dont le notaire peut faire l’objet[72], soit, au règlement des prêts qu’il a effectué pour couvrir son cautionnement.
La loi est très stricte en ce qui concerne cette garantie, car, dans le cas où, le notaire aurait utilisé (dépensé) la totalité de son cautionnement, il serait suspendu de ses fonctions. Il ne peut en aucun cas continuer d’exercer jusqu’à ce que le montant requis soit restitué. Ainsi, il dispose de 6 mois pour le restituer. La non-restitution du cautionnement constituerait un acte de démission.
La rigueur de cette loi oblige les notaires à considérer davantage l’importance du respect de leurs devoirs et obligations.
- _2 : Les garanties prévues par le décret n° 55-604 du 20 mai 1955 relatif aux officiers publics ou ministériels et à certains auxiliaires de justice
A _ L’assurance responsabilité civil du notaire
Prévue par l’article 13 du décret du 20 mai 1955[73], la souscription d’une assurance responsabilité professionnelle constitue une obligation pour le notaire. Elle fait partie des premières garanties obligatoires pour la majorité des professions libérales.
Les risques couverts par la garantie responsabilité professionnelle concernent les conséquences pécuniaires de la responsabilité civile professionnelle dont le notaire pourrait faire l’objet dans l’exercice de ses fonctions. Cette garantie ne couvre pas uniquement le fait, la faute et la négligence du notaire, mais ceux de son personnel également (clerc…).
La souscription de ladite assurance manifeste un double intérêt :
- Elle procure une garantie considérable pour l’assuré dans le cas où la responsabilité professionnelle de celui-ci serait soulevée.
- Elle constitue une garantie pour son client qui dispose d’un notaire solvable au cas où celui-ci lui causerait des préjudices.
La mise en place de ces différentes garanties vise principalement à renforcer la sécurité des citoyens et leur confiance vis-à-vis des officiers publics.
Il faut préciser que la couverture octroyée par l’assureur reste limitée. En effet, la police d’assurance prévoit toujours des cas d’exclusions constitués par les risques qui ne sont pas couverts par ladite garantie. Dans ce sens, la garantie collective peut intervenir pour couvrir le notaire.
B _ La garantie collective
La responsabilité individuelle du notaire est remplacée par la garantie collective. Cette dernière couvre les fautes ou négligences provoquant des dommages à autrui (notamment son client) et qui ne sont pas couverts par son assurance responsabilité civile.
Cette garantie se présente comme une solidarité collective dont le financement est assuré d’une part, par les caisses régionales de chaque ressort de Cour d’appel, et d’autre part, par la Caisse centrale[74]. Il est important de savoir qu’en leur qualité d’utilité publique, ces deux structures font régulièrement l’objet de contrôle par le ministre de la Justice et des parquets généraux.
La garantie collective couvre principalement :
- Les fonds déposés par les clients
- Les conséquences pécuniaires de la responsabilité civile des notaires (article 12, alinéa3 du décret de 1955[75]).
CONCLUSION :
La règle principale est le respect du secret professionnel. Elle ne garantit pas seulement un meilleur ordre social, mais aussi un exercice serein de la profession et une protection incontestable des bénéficiaires dudit secret. Bien que les exceptions à cette règle soient prévues par textes légaux, les jurisprudences et les doctrines, une étude approfondie avant leurs mises en œuvre s’avère incontournable pour conserver la crédibilité de la fonction notariale.
Actuellement, la fonction de notaire suscite de nombreuses questions, notamment en matière de secret professionnel. Beaucoup de gens se demandent s’ils peuvent toujours confier ou déposer des actes ou des fonds auprès d’un notaire sans aucun risque. En effet, ce sont les agissements de certains professionnels œuvrant dans ce domaine qui constituent la principale cause d’une telle méfiance. D’ailleurs, les cas des notaires inculpés et sanctionnés pour avoir manqué à leurs obligations de secret ne sont pas rares.
Toutefois, il convient de savoir que ces professionnels sont soumis à des contrôles exercés par la Chambre des notaires. Ce contrôle a pour objectif de garantir à ce que le notaire assure sa mission avec intégrité et professionnalisme. Le Code de déontologie notarial prévoit que chaque notaire a des devoirs vis-à-vis des institutions notariales. Ainsi, le notaire doit avertir la Chambre provinciale sur les agissements professionnels d’un confrère pouvant compromettre à la dignité de la profession (article 26).
Vues sous un autre angle, les modifications apportées aux règles régissant l’obligation de secret du notaire constituent une source d’inquiétude pour ces professionnels. En effet, le devoir de secret devient de plus en plus souple au fur et à mesure que le droit évolue. Cette inquiétude ne concerne pas uniquement les professionnels dans le domaine notarial, mais ceux des autres disciplines, notamment les avocats. Cette inquiétude s’est amplifiée suite aux révélations dans l’affaire Bettencourt. Ces avocats ont déclaré que la violation du secret professionnel, qui est d’ordre public est inacceptable. Cela compromet au caractère confidentiel dudit secret qui doit être strictement protégé.
TABLE DES MATIERES
INTRODUCTION
PARTIE 1 : EVOLUTION DU SECRET PROFESSIONNEL DU NOTAIRE
TITRE1 : LE SECRET DES MINUTES ET LA DEPOSITION
CHAPITRE 1 : LE SECRET DES MINUTES ET LA DÉPOSITION DANS L’ANCIEN DROIT
Section 1 : la notion de secret des minutes dans l’ancien droit
Section 2 : La déposition
CHAPITRE 2 : LE SECRET DES MINUTES ET LA DÉPOSITION EN DROIT CONTEMPORAIN
Section 2 : La notion de secret des minutes après la Loi 25 Ventôse an XI
Section 2 : La déposition dans le droit contemporain
TITRE 2 : LES CARACTERISTIQUES DU SECRET PROFESSIONNEL DU NOTAIRE
CHAPITRE 1 : FONDEMENT DU SECRET PROFESSIONNEL DU NOTAIRE
Section 1 : Fondement légal : l’éthique notariale
Section 2 : Fondement moral : la confidentialité
Section 3 : Fondement social : l’ordre public
CHAPITRE 2 : NATURE DU SECRET PROFESSIONNEL DU NOTAIRE
Section 1 : Proscription de la communication globale ou intégrale des minutes
Section 2 : L’autorisation de la communication des minutes
PARTIE 2 : LA MISE EN ŒUVRE DU SECRET PROFESSIONNEL DU NOTAIRE
TITRE 1 : DANS QUEL CAS LE NOTAIRE EST-IL TENU AU SECRET PROFESSIONNEL ?
CHAPITRE 1 : L’OBLIGATION DE SECRET DU NOTAIRE DANS L’EXERCICE DE SES FONCTIONS
Section 1 : Les différents domaines d’intervention du notaire
Section 2 : Le notaire peut-il refuser de prêter son ministère ?
CHAPITRE 2 – LA VIOLATION AUTORISÉE DU SECRET PROFESSIONNEL DU NOTAIRE
Section 1 : Les « personnes intéressées en nom direct »
Section 2 : La compulsoire
TITRE 2 : ETUDES DES CAS DE VIOLATION DU SECRET PROFESSIONNEL DU NOTAIRE
CHAPITRE 1 : LES FAITS JUSTIFICATIFS A LA VIOLATION DU SECRET
Section 1 : La révélation imposée par la loi : le devoir du notaire
Section 2 : Révélation du secret : le droit du notaire
CHAPITRE 2 : LA LUTTE CONTRE LE BLANCHIMENT D’ARGENT
Section 1 : Les obligations du notaire dans le cadre de la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme
Section 2 : La mise en œuvre de la lutte contre le blanchiment en conflit avec le respect du secret professionnel du notaire
PARTIE 3 : LA RESPONSABILITE DU NOTAIRE
TITRE 1 : LE SECRET PROFESSIONNEL DU NOTAIRE ET LA RESPONSABILITÉ PÉNALE
CHAPITRE 1 : REMISE EN CAUSE DE LA RESPONSABILITÉ DU NOTAIRE EN MATIÈRE PÉNALE
Section 1 : Les éléments constitutifs de l’infraction pénale dans le cadre de la violation du secret professionnel du notaire
Section 2 : Les sanctions pour violation du secret professionnel du notaire
CHAPITRE 2 : L’INOBSERVATION DE L’« OBLIGATION CONTRAIRE » DU NOTAIRE
Section 1 : Les sanctions du notaire pour le refus de déposition
Section 2 : La responsabilité du notaire dans le cadre de la lutte contre le blanchiment de capitaux
TITRE 2 : LA RESPONSABILITE CIVILE ET DISCIPLINAIRE DU NOTAIRE
CHAPITRE 1 : LE NOTAIRE PEUT-IL ÊTRE CIVILEMENT RESPONSABLE POUR VIOLATION DE SECRET PROFESSIONNEL ?
Section 1 : Les principes généraux
Section 2 : Les sanctions civiles : sanctions complémentaires
CHAPITRE 2 : MANQUEMENTS DÉONTOLOGIQUES DU NOTAIRE
Section 1 : Les peines disciplinaires internes
Section 2 : Les peines disciplinaires externes
CHAPITRE 3 : LA GARANTIE FOURNIE PAR LE NOTAIRE
Section 1 : La garantie et le devoir moral du notaire
Section 2 : La garantie pécuniaire du notaire
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE :
- ROUZET, Précis de déontologie notariale, Presses Universitaires de Bordeaux, Pessac, 3e éd, 1999
- D. AMBOULOU, Pratique et déontologie notariales en droit positif, L’Harmattan, Paris, 2012
Jean J. Rolland DE VILLARGUES, Répertoire de la jurisprudence du notariat : Comp – Domm, 2e éd, Administration de la Jurisprudence du Notariat, 1841, p. 56 et s.
- MASSE, Le parfait notaire ou la Science des notaires, 6e et dernière édition, Tome 1, Paris,
- GAGNEREAUX, Commentaire de la loi du 25 ventôse an XI, Vol.1, 1803
RAINGUET et P. DAMIEN, le notariat considéré dans ses rapports intimes et journaliers avec la morale, Durand (Paris), 1847.
Répertoire de la jurisprudence du notariat : Comp – Domm., t IV, 2e éd., Vol. 3, Paris, 1842
TREUTTEL et WÜRTZ, La législation civile, commerciale et criminelle de la France: Code de procédure civile, t XXIII, Code de procédure civile, t III, 2e partie, 1830
TEXTES DE REFERENCE (sur http://www.legifrance.gouv.fr/) :
Code Civil Français
Code Européen de déontologie notariale révisé
Code du Patrimoine Français
Code pénal français
[1] Modifié par l’art.10 de la L. du 30 juin 1996 (M.B, 16 juillet 1996, Errat. , M.B., 23 juillet 1996) et par l’art. de la L. du 26 juin 2000 (M.B., 29 juillet 2000), en vigueur le 1er janvier 2002 (art.9).
[2] François VI de la Rochefoucauld, un écrivain français est l’auteur de Maximes qui constituent des ouvrages de réflexions ou sentences morales.
[3] G.ROUZET, Précis de déontologie notariale, Presses Univ de Bordeaux, 1999.
[4] L’adage nullum crimen sine lege (nul n’est censé ignorer la loi) permet d’éviter de justifier un comportement répressif pour cause de méconnaissance des lois en vigueur.
[5] Art. L213-2 du Code du patrimoine prévoit une réserve pour les actes concernant les mineurs, et prévoit un délai de conservation de 100 ans.
[6] Philippe IV de France dit « Philippe le Bel » fut le onzième roi de la dynastie des Capétiens directs en France. Connu sous le nom de roi de fer, ce fils de Philippe III de France accomplit d’importants progrès, notamment sur le plan économique.
[7] L’ordonnance de Villers-Cotterêts contient 192 articles et est disponible sur le site web de l’Assemblée nationale.
[8] Copie exécutoire
[9] V. arrêt du 8 mars 1557 rapporté par Dufail.
[10] Compulsoire : V.supra
[11] Conception de personne intéressée en nom direct : V.supra
[12] Dans son œuvre, Traité des droits des Notaires de Paris, LANGLOIS nous cite deux arrêts (décision du Châtelet du 21 octobre 1609 dans l’affaire Brice contre les notaires Moufle et Le Vasseur, et l’arrêt du Parlement du 7 septembre 1616 dans l’affaire Comtesse douairière d’Apcher contre le notaire Libault) qui manifestent cette assimilation. Dans ces deux arrêts, les tribunaux se sont prononcés en faveur des notaires qui sont tenus de satisfaire à leur obligation de secret professionnel.
[13] « Les notaires ne pourront se dessaisir d’aucune minute, si ce n’est dans le cas prévu par la loi et en vertu d’un jugement. Avant de s’en dessaisir, ils en dresseront et signeront une copie figurée qui, après avoir été certifiée par le président et le commissaire du tribunal civil (procureur de la République) de leur résidence, sera substituée à la minute dont elle tiendra lieu jusqu’à réintégration. »
[14] « Les notaires ne pourront également, sans l’ordonnance du président du tribunal de première instance, délivrer expédition, ni donner connaissance des actes à d’autres qu’aux personnes intéressées en nom direct, héritiers ou ayants droit, à peine de dommages-intérêts, d’une amende de 100 francs, et d’être, en cas de récidive, suspendus de leurs fonctions pendant trois mois, sauf néanmoins l’exécution des lois et règlements sur le droit de l’enregistrement, et de celles relatives aux actes qui doivent être publiés dans les tribunaux. »
[15] L’article stipule que « tout contrat de mariage entre époux dont l’un sera commerçant, sera transmis, par extrait, dans le mois de sa date, aux greffes et chambres désignés par l’art. 872 du Code de procédure, pour être exposé au tableau, conformément au même article. Cet extrait annoncera si les époux sont mariés en communauté, s’ils sont séparés de biens, ou s’ils ont contracté sous le régime dotal »
[16] Art. 11 de la loi du 25 Ventôse. An XI prévoit que « le notaire qui ne connait pas les parties qui présentent lui, est obligé de se faire attester leur nom, leur état et leur qualité, par deux citoyens connus de lui ».
[17] Ce décret dispose qu’au cas où le notaire n’est pas à la connaissance de l’identité, de l’état et du domicile des parties, il peut établir des documents justificatifs. Dans certains cas, ces derniers peuvent faire l’objet d’attestation par deux témoins répondant aux critères imposés par le même décret.
[18] Art.42 du Code de commerce
[19] Dans ce cas d’espèce, Me Teyssier notaire demanda au tribunal d’être exempté de la déposition des éléments à sa connaissance en vertu de sa qualité de notaire. Il s’agissait d’une affaire opposant le sieur V. médecin, contre le sieur T., négociant, dans laquelle affaire Me Teyssier fut cité comme témoin. Le Ministère public et le plaignant s’opposèrent à la demande du notaire. Leur avis fut soutenu par le prévenu qui requerra la déposition du notaire. En persistant sur sa décision de ne pas divulguer lesdites informations, il fut condamné par le Tribunal à 100 francs d’amende. En interjetant appel, il a obtenu gain de cause auprès de la Cour de Montpellier qui, dans ses considérants, a disposé : « … Attendu qu’il résulte de la nature même de l’affaire que c’est en qualité de notaire que Me Teyssier avait eu connaissance de certains faits y relatifs, que c’est en ce sens que doit être entendu ce qu’il a dit à l’audience du tribunal de première instance où il a d’ailleurs formellement déclaré que c’était dans le secret de son étude que les faits lui avaient été révélés, que dès lors il n’était pas tenu de déposer en justice, et que le jugement dont est appel doit être réformé. Réformant ledit jugement, relaxe Me Teyssier de toutes les condamnations prononcées contre lui. »
[20] Dans cette affaire, le juge d’instruction avait requis la déposition du Me Cressent en vue de prouver l’accusation dont sa cliente a fait l’objet. Cette dernière était accusée de soustraction frauduleuse. Le notaire avait refusé de déposer en se basant sur l’article 378 de l’ancien Code pénal qui le défendait de procéder à toute révélation des faits qu’il n’aurait connu qu’en sa qualité de notaire. Le juge d’instruction dans son ordonnance du 4 mai 1830 déclara : « Attendu que Me Cressent a connaissance des faits imputés à la femme Noblet, puisque, dans le cas contraire, il n’aurait compromis ni son honneur ni les intérêts de sa cliente en déposant qu’il était faux que la femme Noblet eût apporté de l’argent chez lui ; qu’il s’est borné à refuser de déposer pour le motif que les faits n’étaient parvenus à sa connaissance qu’à cause de sa qualité de notaire ; mais que l’article 378 n’était pas applicable à l’espèce : qu’en effet si la femme Noblet a porté de l’argent chez lui, il est impossible que ce notaire n’ait pas su que cet argent provenait de vol, et que dès lors, comme fonctionnaire public, il était tenu d’en donner connaissance à la justice aux termes de l’article 29 du Code d’instruction criminelle – condamne le notaire à 100 francs d’amende pour refus de déposition. »
[21] Le Code d’instruction criminel fut abrogé au profit du Code de procédure pénal en 1958.
[22] Cet article a été abrogé par la Loi n° 92-1336 du 16 décembre 1992 – art. 372 (V) JORF, 23 décembre 1992 en vigueur le 1er mars 1994.
[23] GAGNEREAUX, Commentaire de la loi ventôse an XI, Tome 1, page 466.
[24] Cela concerne principalement les dépositions faites lors d’une enquête civile
[25] Dans ce cas d’espèce, l’acquéreur d’un bien hypothéqué avait souscrit avec le débiteur hypothécaire un supplément de prix d’un montant de 20.000 francs qu’ils avaient dissimulés dans le prix de vente. Se sentant lésé, le créancier demanda au notaire concerné de procéder à une déposition.
[26] Dans son jugement du 27 juin 1899, le tribunal d’Angoulême s’est prononcé en faveur de la déposition du notaire. Car dans le cas d’espèce, l’Officier public assistait à la rédaction de l’acte litigieux non en sa qualité de notaire, mais en tant qu’ami des co-partageants. L’acte litigieux s’agissait d’un acte de partage prétendu avoir fait l’objet de détournement de valeurs successorales. Le juge a décidé que le notaire ne devrait pas s’abriter sous le principe du secret professionnel pour se libérer de son obligation de déposer dans l’enquête civile, étant donné que les faits n’ont pas été connus dans l’exercice de ses fonctions.
[27] Art.91, 1° prévoit «…, la Chambre nationale des notaires a pour attributions : d’établir les règles générales de la déontologie et de définir un cadre réglementaire général pour l’exercice des compétences des compagnies des notaires, visées à l’article 69,2° et 5°, et des compétences des chambres des notaires, visées à l’article 76, 3° et 5°.
[28] Art.3 et suiv.
[29] V.supra
[30] Le Code européen de déontologie notariale fait partie des principaux textes régissant la fonction de notaire en France. Sa révision a été adoptée par l’Assemblée générale du CNUE le 11 décembre 2009.
[31] Le notaire ayant reçu un acte a l’obligation de communiquer toutes les informations utiles et nécessaires dont son client pourrait avoir besoin. Les lois et règlements régissant ledit acte et leur relation en font partie.
[32] En l’espèce, le notaire avait omis d’informer son client (propriétaire-vendeur) sur son obligation d’assurance de la rénovation du bien immobilier, objet de la vente. En vertu du manquement du notaire à son obligation d’information et de conseil, le juge a prononcé la responsabilité solidaire du vendeur et du notaire.
[33] V. infra,
[34] Art. 26 du Code de déontologie “Le notaire a l’obligation d’informer sa chambre provinciale, avec la discrétion voulue, de tout comportement professionnel d’un confrère portant atteinte à la dignité de la profession.”
[35] E. GARÇON, Code pénal annoté, Sirey.
[36] Dans ce cas d’espèce, la plaideuse soutient que l’acte incriminé qui constituait un acte obligatoire avait été signé et étudié par un notaire à Ronchamps et non par un notaire à Héricourt. Pour pouvoir comparer l’acte faisant l’objet de conflit et les minutes signées dans les deux études 10j avant et 10 j après la date dudit acte, le tribunal a autorisé la communication de toutes les minutes concernées à la demanderesse.
[37] Un arrêt de la Cour d’Angers du 23 juin 1847 reflétait l’application rigoureuse du principe de secret professionnel du notaire et de la règle relative au compulsoire édictés par la loi 25 Ventôse an XI. Dans le cas d’espèce, le prédécesseur d’un notaire avait demandé la communication des mentions en marges ou au pied des actes pour consulter certaines opérations comptables. La Cour a débouté le demandeur. En même temps, elle n’a pas hésité à considérer le caractère fautif du fait du notaire d’avoir mis ces actes à la disposition de son prédécesseur.
[38] Le tribunal de Charolles avait accordé à la veuve d’un notaire la communication de toutes les minutes de l’exercice de celui-ci. La veuve avait prétendu que son titre de successeur du feu notaire lui permettait d’avoir accès à tous ces actes dans le but d’y trouver toutes les informations dont elle pourrait avoir besoin. Cette décision avait été reprise par un arrêt de la Cour de Dijon du 4 juillet 1883.
[39] V.infra. Nous consacrerons un chapitre entier sur les personnes qualifiées et autorisées à consulter les actes reçus par le notaire ainsi que les conditions y afférentes.
[40] V.infra
[41] L’ordonnance du 2 novembre 1945 prévoit la mission légale du notaire de la manière suivante : « Les notaires sont les officiers publics établis pour recevoir les actes et contrats auxquels les parties doivent ou veulent faire donner le caractère d’authenticité attaché aux actes de l’autorité publique, et pour assurer la date, en conserver le dépôt, en délivrer des grosses et expéditions ».
[43] V.supra. D’ailleurs, la communication intégrale des actes reçus par le notaire est interdite.
[44] V. infra
[45] Le fichier immobilier a été créé par décret du 4 janvier 1955. Il sert à publier toute éventuelle modification de la situation juridique d’un bien immobilier.
[46] De nouvelles obligations pèsent sur les juristes et les fiscalistes en matière de fraude fiscale et de blanchiment de capitaux.
[47] Dans ce cas d’espèce, le vendeur d’un bien immobilier avait soulevé la responsabilité professionnelle du notaire chargé d’assurer l’authentification de l’acte de vente. Car ce dernier ne lui a pas communiqué le fait que l’acquéreur a sollicité son ministère pour procéder à la revente du bien en question.
[48] L’inobservation de ces deux obligations entraine des sanctions que nous découvrirons ultérieurement
[49] L’art.3 de l’ordonnance du 28 juin 1945 prévoit les peines disciplinaires pour les notaires : le rappel à l’ordre, la censure simple, la censure devant la chambre assemblée, la défense de récidiver, l’interdiction temporaire, la destitution.
[50] Cour d’appel de Limoges, ch.civ. 16 janv. 2014. Il s’agissait de la nièce du testateur qui demandait à obtenir une expédition du testament qui la déshériterait. Elle estime avoir droit à la délivrance de la production dudit testament par le notaire qui l’a reçue. Si le tribunal de grande instance a rejeté la requête de la demanderesse en fondant sa décision sur l’art. 1435 du Code civil, la Cour d’appel en a décidé autrement en tranchant en sa faveur. Ainsi, en n’ayant pas remis en cause la qualité de la demanderesse en tant qu’héritière naturelle, donc personne intéressée en nom direct, elle lui a autorisé la délivrance des actes litigieux en se basant sur l’art.23 de la loi du 25 Ventôse an XI.
[51] Dans son arrêt du 24 novembre 1897, le tribunal de Bourgoing rejeta la demande de compulsoire du Sieur Drivon, créancier de la succession du Sieur Jean Jouffroy. Sieur Drivon avait demandé la compulsoire du testament du père de son débiteur de son vivant. Sa demande était motivée par le fait qu’il estimait que ledit testament contenait une reconnaissance de dette.
[52] Pour une meilleure garantie sur leurs créances, certains créanciers s’informent sur la situation financière de leurs débiteurs. Dans la majorité des cas, ces derniers déposent les documents y afférents chez le notaire qui en assure la conservation.
[53] Sirey, 1835.1.7739 (Morin)
[54] Répertoire de la jurisprudence du notariat : Comp – Domm, éd.2, TIII, p.56 et suiv.
[55] « Celui qui, dans le cours d’une instance, voudra se faire délivrer expédition ou extrait d’un acte dans lequel il n’aura pas été partie se pourvoira ainsi qu’il va être réglé. »
[56] La législation civile, commerciale et criminelle de la France, 1830, T.XXIII, p.53
[57] Les lettres de patentes du roi du 12 août 1779
[58] Rennes, 21 juin 1811, aff Moreton.
[59] Rouen, 13 juin 1827, aff. Ligois. J. art. 4025.
[60] V. supra
[61] Colmar, 14 juin 1814, aff. Aren-Grodwohl.
[62] V.supra
[63] Art. 434-1 du Code pénal « Le fait, pour quiconque ayant connaissance d’un crime dont il est encore possible de prévenir ou de limiter les effets, ou dont les auteurs sont susceptibles de commettre de nouveaux crimes qui pourraient être empêchés, de ne pas informer les autorités judiciaires ou administratives est puni de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende ».
[64] Autrui désigne les personnes autres que le notaire auxquelles les textes en vigueur et la jurisprudence ont attribué le droit de bénéficier de la communication du secret professionnel.
[65] Le notaire ne doit révéler que le strict minimum du secret professionnel, c’est-à-dire, les informations utiles pour permettant de rétablir ses droits.
[66] V.supra : Chapitre sur les faits justificatifs de la violation du secret professionnel du notaire (Partie2, Titre2, Chapitre2).
[67] V.infra, Ordonnance du 4 mai 1830
[68] Art. 324-1 du Code pénal « Le blanchiment est le fait de faciliter, par tout moyen, la justification mensongère de l’origine des biens ou des revenus de l’auteur d’un crime ou d’un délit ayant procuré à celui-ci un profit direct ou indirect. Constitue également un blanchiment le fait d’apporter un concours à une opération de placement, de dissimulation ou de conversion du produit direct ou indirect d’un crime ou d’un délit. »
[69] Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
[70] V.infra
[71] Art.26 du Code de déontologie notariale prévoit que « Le notaire a l’obligation d’informer sa chambre provinciale, avec la discrétion voulue, de tout comportement professionnel d’un confrère portant atteinte à la dignité de la profession. »
[72] Loi du 25 nivôse an 13 – 15 janvier 1805.
[73] Art.13, al.1 du décret du 20 mai 1955 « Chaque notaire est tenu d’assurer sa responsabilité professionnelle dans les conditions fixées par un arrêté conjoint du ministre des Finances et du garde des Sceaux, ministre de la Justice. Les caisses régionales de garantie peuvent également s’assurer contre les risques résultant pour elles de l’application du présent décret ».
[74] La Caisse centrale des notaires a été instituée en 1971. Elle constitue un organe de coordination et de contrôle du fonctionnement des caisses régionales. Elle siège à Paris et est soumise au contrôle du Conseil supérieur du notariat.
[75] Art.12, al.3 du décret du 20 mai 1955« Elle s’étend aux conséquences pécuniaires de la responsabilité civile encourue par les notaires dans l’exercice normal de leurs fonctions à raison de leur fait, de leur faute ou de leur négligence, ou du fait, de la faute ou de la négligence de leur personnel. » _ « Elle » se substitue à la garantie.
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