L’enracinement du dirigeant non familial ne présente t-il pas une menace dans les prises de décisions stratégiques pour le développement de l’entreprise familiale ?
La problématique : « L’enracinement du dirigeant non familial ne présente t-il pas une menace dans les prises de décisions stratégiques pour le développement de l’entreprise familiale ? »
SOMMAIRE :
Introduction
Généralités
Question de départ
Problématique
Hypothèse
Plan
I] Le rappel du contexte
- Contexte de l’enracinement du dirigeant
- Enracinement des dirigeants non familiaux et entreprise familiale
II] Explication de la problématique et analyse
- Problématique et scénarios envisageables
- Scénario retenu et méthodologie de travail
III] Préconisations stratégiques et opérationnelles (plan action)
- Préconisation(s) stratégique(s)
- Préconisations opérationnelles
Conclusion
Bibliographie
Introduction
Loin d’être un épiphénomène évoquant un modèle de société obsolète du XIXe siècle, les entreprises familiales et les difficultés rencontrées au cours de leur exploitation, tendent à faire l’objet d’études approfondies actuellement. Leur cas semble constituer un paramètre jugé nécessaire dans la compréhension de gestion d’entreprise. A chaque fois que la question c’est quoi une entreprise se pose, invariablement, quelques notions vagues ou précises émergent de notre subconscient, le simple «vocable entreprise » traduit des concepts communément admises, variées, certes selon l’appréhension de tout un chacun tels que : « exploitation », « capital » , « travail » , « conflit d’intérêt ou social ». La liste n’est pas exhaustive et on peut enchaîner par : patrimoine, actionnaire, ressources humaines, et ce nonobstant du principe, mission et lois entourant son cadre d’exploitation. Le champ sémantique en soi traduit de manière perceptible la nature profonde du débat que la notion suscite. Et l’entreprise familiale ne se situe pas en dehors de ce périmètre que nous avons défini.
La dimension humaine a été toujours déterminante, sinon incontournable dans la structure d’entreprise, c’est d’ailleurs ce qui distingue deux catégories d’entreprise, celles qui ne fonctionnent qu’en terme de profit et dont la raison d’être est de faire fructifier le capital et celles où la valeur « patrimoine » détermine les stratégies et les politiques.
C’est ainsi que la question de départ origine de cette étude nous est apparue pertinente en matières de prise de décision stratégique, lorsqu’il s’agit de se référer à l’âge, au temps de présence du dirigeant au sein de l’entreprise et la nature du lien qui le rattache à l’entreprise quels en sont les risques liés.
Il y a lieu de souligner qu’au cours de notre recherche, nous avons rencontré deux stratégies managériales qui révèlent la nature de l’organisation interne de l’entreprise il y a les entreprises familiales et les entreprises non familiales, dont les membres et les employés ne sont pas liés par un lien de parenté.
Une notion de propriété et de parenté sous tendent cette première stratégie managériale. Une notion qui est loin d’être banale parce que les opinions qui s’y rattachent selon l’endroit où l’on se positionne varient et divergent. Avant d’être une stratégie c’est d’abord un choix décisif qui est pris par les actionnaires au moment de la création de l’entreprise ou à un moment donné de son parcours.
Multiples paramètres interviennent dans le cadre général de notre analyse, et que nous avons trouvé légitime de prendre en considération pour articuler la problématique suivante :
« L’enracinement du dirigeant non familial ne présente t-il pas une menace dans les prises de décisions stratégiques pour le développement de l’entreprise familiale ? »
Nous voulons souligner par cet énoncé que primo l’enracinement, deuzio le fait d’être dirigeant non familial, influencent le processus de prise de décision dans une entreprise qui elle, a la particularité d’appartenir à une famille et donc au moins 50 % 1des actionnaires sont liés par un lien de parenté, par des liens de mariage, de sang, possède une part significative du capital. Mis à part le fait que le personnel puisse tout aussi bien partager un même patrimoine génétique En soi, ces deux éléments ne sont aucunement contradictoires ni de paradoxaux. Au contraire c’est une pratique courante de combiner les deux bords.
Ces grandes lignes sont soutenues par des principes de l’esprit de famille qui s’entoure de valeurs, le degré d’appartenance, le poids du dirigeant étranger face aux stakeholders et face aux actionnaires, enfin face aux membres du personnel.
Afin de répondre à ces questions nous allons avancer trois hypothèses :
Devant l’existence d’un conflit d’intérêt, il n’est pas exclu que le dirigeant étranger à la famille poursuive des objectifs fallacieux autres que ceux définis dans la stratégie de la famille.
Le risque pour qu’un dirigeant non familial s’expose à des malversations et a contratio le parallèle peut être établi avec un dirigeant familial qui pêche par excès d’altruisme.
Confier un pôle de légitimité à un membre des actionnaires ou confier une action à un dirigeant constitue une plus value.
Ces éléments s’appliquent généralement à tous les dirigeants, voire intensifiés chez le dirigeant familial.
Aussi dans une première partie nous allons développer la théorie de l’enracinement in et hors contexte, au sein d’une entreprise familiale et par un dirigeant membre de la famille et par un dirigeant non membre de la famille
C’est de ce point que nous pourront étayer des arguments pour valider ou invalider les hypothèses que nous avons soulevées.
Et enfin en troisième partie nous allons essayer de dégager quelques recommandations qui se déclinent en préconisation opérationnelle et préconisation stratégique.
I] Le rappel du contexte
L’entreprise d’accueil objet de cette étude est la société ABB Entrelec ; SAS, cette forme juridique se caractérise par une grande souplesse de fonctionnement et la possibilité pour les associés d’aménager dans les statuts les conditions de leur entrée et de leur sortie de la société.
Il n’est pas superflu de spécifier que la SAS ou société par actions simplifiée ne peut pas faire d’offre au public de titres financiers, elle s’apparente dans sa structure aux entreprises familiales non cotées. .
La théorie de l’agence met en évidence la problématique des divergences d’intérêts potentiels qui existe entre les différents acteurs de l’entreprise. Parmi ces acteurs, nous retrouvons le dirigeant (mandataire) et les actionnaires (mandatant). L’entreprise doit alors adopter un processus complexe d’équilibrage pour satisfaire les parties. Cette méthode va en contrepartie engendrer des coûts, appelés coûts d’agence, qui vont être nécessaires afin que les dirigeants respectent les intérêts des actionnaires. Nous distinguons les coûts d’obligation, les coûts de surveillance ou encore les coûts résiduels.
A Contexte de l’entreprise
Nous allons emprunter cette définition de Hani (EL) et Zouhour CHAARANI qui correspond tout à fait au cliché que nous désirons employer pour illustrer le principe même de l’entreprise familiale : « pour qu’il y ait une entreprise, il faut un « homo economicus » et un « paterfamilias », il faut un vrai entrepreneur… ». L’entreprise familiale dans sa recherche d’équilibre entre les deux conditions a eu l’ingéniosité de combiner dans une seule et même personne Paterfamilias et homoeconomicus.
Par principe de définition, une « entreprise » est dite familiale : lorsque sa structure a la particularité de jumeler la fonction de l’actionnaire et du dirigeant. Pour cela il faut que quelques paramètres soient réunis :
« Une famille détient au moins 50% des actions de l’entreprise
Une famille a une influence décisive sur la stratégie de l’entreprise et sur les décisions de transmission (lorsque la majorité des membres de la direction appartiennent à la famille
La majorité du conseil d’administration est composée de membre d’une famille 2 ». La famille donc, ou le trust familiale, détient entre ses mains une influence sur la politique de l’entreprise et inversement, l’entreprise à travers la voix de son dirigeant doit avoir une influence sur les intérêts et objectifs de la famille. Si l’un de ces figures ne coïncident pas ; le caractère familial de l’entreprise est mise en jeu.
L’objet de notre étude donc, dévie du domaine de définition de « l’entreprise familiale » par un point notamment : un dirigeant étranger définit les stratégies de l’entreprise. On entend par stratégie, du grec stratos qui signifie » armée » et ageîn qui signifie » conduire « . Pour que cela puisse se réaliser il faut impérativement que les deux entités soient sur les mêmes bords car il y a un enjeu à protéger dans le cadre d’une lutte. Pour préserver le patrimoine, pour chasser les prédateur, et ou pour pérenniser l’entreprise et faire fructifier le capital. Avant de définir les autres objectifs en premier lieu la finalité primordiale de l’entre prise familiale est d’éviter que il n’y ait de prédateur au sein même de la direction stratégique.
En règle générale la direction de l’entreprise familiale est confiée au membre de la famille afin de prémunir toute velléité opportuniste qui incite un étranger à penser à ses intérêts personnels. Les actionnaires choisissent délibérément quelqu’un issu du même clan pour faciliter les contrôles, ce qui serait de l’ordre de la normalité dans une entre prise cotée où les OPA exercent un pouvoir de contrôle et disciplinaire. Au moins, les liens familiaux servent de balise à défaut de structure plus stricte dans le suivi des comptes, mais elle le défaut majeur de reposer sur la loyauté fragile des membres et sur la culture d’entreprise pour protéger ses avoirs.
B Définitions de l’enracinement
- Définition
L’enracinement induit une notion de durée. Penser enracinement suggère que le facteur temps joue un rôle déterminant. Mais l’enracinement implique également un comportement qui risque d’être préjudiciable à l’entreprise. Le temps à priori joue sur deux tableaux ; la durée signifie, expérience, maturité. Mais utilisé à autre dessein ce privilège peut se transformer en un abus de pouvoir. Le variable le plus significatif pour déterminer l’influence du dirigeant au sein de l’entreprise familiale est l’âge et la durée d’occupation du poste au sein de la même entreprise.
- La théorie de l’enracinement
Il ya lieu de parler enracinement selon les théoriciens3 lorsque, le dirigeant développe des stratégies pour conserver sa place au sein de l’organisation afin d’éliminer d’éventuels concurrents à sa succession. En agissant ainsi, il rend son remplacement coûteux pour l’entreprise.. Pour atteindre cet objectif, le dirigeant a recourt aux moyens dont il dispose afin de contrer les systèmes de contrôle et de se rendre indispensable vis-à-vis des partenaires de l’entreprise. Parmi les principaux moyens mis en œuvre, nous retrouvons les stratégies d’investissement, de désinvestissement et de financement, mais aussi la manipulation de l’information, l’accumulation de mandat ainsi que les différents accords passés avec les membres de son réseau relationnel. C’est ainsi qu’il est capté selon un angle négatif.
Ces agissements représentent une menace réelle dans le développement de l’entreprise. Le problème est masqué par l’écart entre langage et comportement. Souvent il suffit que les actionnaires ou propriétaires soient dictés par le besoin de transcender le stéréotype indissociable au paradigme de l’entreprise familiale pour qu’ils aient envie de coopter un tiers à un poste stratégique : en effet comparée à celle de son homologue non familiale la gestion de l’entreprise familiale est caractérisée par une prise de décision arbitraire, rapide, intuitive où la dimension affective l’emporte sur la dimension rationnelle, le népotisme qui entraîne le problème insoluble de l’incompétence, et le fairness, le sous évaluation de l’employé membre de la famille .. Or le problème inhérent à cette pratique relève de la congruence entre les intérêts des principaux concernés.
II] Explication de la problématique et analyse
Dans le cadre d’une prise de décision stratégique il faut avant tout définir les priorités de ces entreprises familiales :
Elles donnent la primauté à la croissance stable par rapport à une évolution rapide en vue d’un retour sur investissement aussi rapide observé chez leur homologue non familial
Les buts et objectifs poursuivis par l’entreprise familiale sont différents de l’objectif de maximisation de la valeur, ce terme utilisé par Baumol en 1959 a été repris par les frères CHAARANI, pour définir « une approche managériale de la théorie micro-économique pour laquelle les managers ont leurs propres objectifs qui diffèrent de ceux des actionnaires, puisque les dirigeants ne sont pas directement intéressés à la maximisation du profit mais à celle de leur rémunération et de leur pouvoir. ». La famille est unie par la même vision de pérennité et unie par l’amour envers le patrimoine.
Le comportement altruiste observé et parfois encouragé dans l’entreprise familiale ne rejoint pas forcément l’ambition du dirigeant étranger. L’altruisme étant une attitude paternaliste qui se veut limiter l’intérêt personnel en faveur des enfants, en agissant ainsi ils visent la réduction des coûts en freinant en priorité leur besoin propre. Les propriétaires sont ils dans ce cas lésés ? Pas forcément lorsqu’ils jouent sur la stabilité et la pérennité.
Et c’est à ce stade que le dirigeant étranger risque de prendre la tangente, cela veut dire qu’il poursuit des objectifs qui s’écartent de la ligne stratégique des actionnaires. « Quand leur rémunération est indexée sur la taille de l’entreprise et non sur sa performance il aurait tendance à chercher une faible variabilité au lieu de prendre des décisions risquées, maximisatrices de profit car elles mettent précisément en péril la stabilité de leur emploi » Katz et Niehoff4
1 Problématique et scénarios envisageables
Pour en rester dans le cadre logique de départ, c’est-à-dire le développement de l’entreprise familiale. Il y a lieu d’évoquer un autre aspect de la menace : en cas de cohabitation avec un tiers; les clans s’exposent à un risque majeur qui est lié à la succession, la difficulté de rencontrer une personne qualifiée pour assurer la relève et en dehors des conventions normalisées, ces entreprises familiales sont vouées à une disparition certaine selon la loi de la sélection naturelle si elles ne se prémunissent pas contre l’illusion de coopération habile rédhibitoire au maintien de la performance et à la transmission du savoir, généralement rencontrée avec un dirigeant non familial.
« il y a une forte chance que celui-ci utilise son espace discrétionnaire et sa latitude managériale afin de maximiser ses avoirs personnels »5. Si on raisonne en termes de causalité, ce geste s’explique par une volonté de prestige d’une part, la rétention d’information lui confère un certain pouvoir et l’on sait à quel point le pouvoir aime à s’entourer de mystère.
Et d’autre part il ne partage pas ses connaissances pour accroître l’illusion d’utilité. Il y a là donc, un conflit d’utilité ; qu’il utilise à des fins personnelles pour se faire valoir donc se rendre indispensable, cher, et irremplaçable.
La prise de décision au sein de l’entreprise familiale est cependant, consubstantielle de quelques paramètres caractéristiques et qui ne seraient pas priorisés chez son homologue non familial.
La famille doit faire face au conflit, en général le conflit est présent dans toute société mais au nom de la famille, le conflit doit être géré différemment parce que l’entreprise familiale rassemble des individus unis par le sang, d’une même génération, d’une même fratrie, ou quelques fois il est aussi possible de voir la cohabitation de deux voire trois générations au sein d’un même organisme. De par la nature de liens qui les unissent, les prises de décisions seront souvent cognitives, émotionnelles jamais exemptes de heurts que ce soient, d’ordres hiérarchiques ou communicationnels, et plus la famille s’agrandit plus les conflits augmentent.
Dans une structure de gestion dite « managérial » lorsque le dirigeant non familial intègre ses fonctions dans l’entreprise, il souhaite gagner la confiance des actionnaires et surtout être perçu à sa juste valeur, c’est le besoin de reconnaissance que nous avons cité. Il aura pour but d’intégrer la culture et la gouvernance de l’entreprise familiale afin de satisfaire les intérêts des actionnaires.
2) Scénarios retenus
Période de valorisation
Le nouveau dirigeant devra faire ses preuves en réalisant des changements radicaux dans l’entreprise comme le licenciement ou encore la restructuration d’équipe, avec pour objectif de se démarquer au regard de ses prédécesseurs. Son but dans cette première étape est de prouver aux actionnaires sa capacité à gérer l’entreprise et sa légitimité au poste de dirigeant.
Durant cette période, les partenaires et les actionnaires de l’entreprise acquièrent de nouvelles rentes. Le contrôle exercé par ces personnes se voit alors diminué en raison de l’accroissement du pouvoir du dirigeant.
Période de réduction des systèmes de contrôle
Lorsque la confiance avec les actionnaires a été acquise, le dirigeant va vouloir obtenir le maximum de liberté dans ses prises de décisions afin d’acquérir un espace discrétionnaire important. C’est sur ce point que commence la deuxième période de l’enracinement.
Le dirigeant va établir des stratégies pour diminuer l’efficacité des systèmes de contrôle. Parmi les principales stratégies, nous retrouvons la signature de contrats implicites entre le dirigeant et d’autres membres influents de l’organisation. Ces contrats sont souvent des promesses d’augmentation de salaire ou de promotion. L’obtention de ces avantages serait appliquée à condition que le dirigeant ne soit pas révoqué de ses fonctions. Il existe d’autres stratégies comme le choix des investissements qui se portent sur des actifs spécifiques, ainsi que la modification des informations financières et comptables afin de les rendre moins compréhensibles. Ces stratégies lui permettent de se rendre indispensable vis-à-vis de l’entreprise.
Par ailleurs, le dirigeant peut augmenter la taille de la société par le biais d’opérations d’acquisitions ou de fusions ainsi qu’en développant l’activité en interne. Il devra alors convaincre les actionnaires qu’il est le seul à pouvoir diriger ces opérations avec un certain délai, plus ou moins long.
De cette manière, le dirigeant va disposer d’une grande liberté dans ses prises de décision et dans l’application de son pouvoir. De ce fait, sa consommation du pouvoir va augmenter sans qu’aucune partie prenante ne lui fasse de reproche.
Période de consommation du pouvoir
Au cours des étapes précédentes, le dirigeant a transformé l’environnement de la firme. C’est alors, qu’il va pouvoir durant cette dernière période, profiter de l’espace qu’il a réussi à s’aménager tout en subissant moins de contrôle.
De cette façon, il va pouvoir accroitre ses avantages en nature ainsi que ses rémunérations grâce à des investissements personnels. Le dirigeant aura également tendance à prendre des décisions qui ne seront pas en concordance avec les intérêts des actionnaires. Mais celui-ci ne sera pas inquiété car son remplacement serait trop couteux pour l’entreprise.
Dans l’objectif de pérenniser la croissance de la société en évitant si possible de recourir à des établissements financiers, l’autofinancement se présentera comme la meilleure solution au regard du dirigeant. De plus, le dirigeant va essayer d’obtenir une rentabilité boursière la plus faible possible en évitant toute marginalisation. Pour atteindre cette rentabilité, le dirigeant devra utiliser une méthode qui consiste à prendre des décisions identiques à celles de ses concurrents, le mimétisme managérial. Néanmoins, il est possible que celui-ci se voit obliger de limiter et contrôler ses propres décisions afin de protéger sa réputation sur le marché du travail.
On peut synthétiser cette approche par trois objectifs d’enracinement :
- Etablissement de la confiance entre le dirigeant et les parties prenantes
- Augmentation de la latitude managériale
- Contournement progressif des systèmes de contrôle
L’enracinement en général est souvent peu apprécié par la population. Mais d’après l’analyse de Paquerot, c’est principalement la troisième phase qui présente des aspects négatifs pour le développement de l’entreprise.
3)Objectifs de la société
L’enracinement du dirigeant peut être considéré comme positif s’il permet d’atteindre les objectifs fixés par les actionnaires. Cependant force est de constater que les objectifs du dirigeant, tel que cela a été définis ne coïncident pas avec les objectifs de la société, au contraire..
L’enracinement par l’âge, par l’expérience confère à ce dirigeant un statut de patriarche gardien des valeurs de la société : la fonction de famille-actionnaire étant nécessaire que ce soit dans la fonction exécutive soit dans la fonction de contrôle. 6
Une politique globale permet à une entreprise familiale d’atteindre ses objectifs qui lui permettent de s’étendre sur la durée. Il faut distinguer la portée quantitative et qualitative de ces objectifs
Les objectifs qualitatifs
Selon Davis (1991), ces entreprises familiales dans leur visée altruiste et paternaliste, se donnent pour ambition de :
«- bâtir une entreprise où les employés peuvent être heureux et productifs,
-une entreprise dont les employés sont fiers grâce à son image et à son engagement envers l’excellence dans son domaine ;
– assurer la sécurité financière et garantir des bénéfices pour le propriétaire ;
– développer de nouveaux produits de qualité ;
– bâtir une entreprise qui constitue un moyen de croissance personnelle, d’évolution sociale et d’autonomie ;
– bâtir une entreprise citoyenne ;
– bâtir une entreprise qui offre une sécurité de l’emploi »
Et que dans cette ligne de mire, les actionnaires misent sur la loyauté, l’engagement sincère et louable, un sentiment de propriété et de fierté de la part des employés en contrepartie
La notion de bien commun exclut l’intérêt personnel, prime motivation chez un dirigeant étranger.
Ce principe a été renforcé par Hambrick et all. « ces managers prennent des décisions correspondant à leur construit cognitif qui est lui-même tributaire de leurs valeurs personnelles et de leurs expériences. » , s’ils ont partagé les mêmes éducations, il y a une forte probabilité que les mêmes membres du clan partagent les mêmes inconscients, croyances profondes, expériences, et représentations du monde…et que ce sera en fonction du temps passé au sein de l’entreprise que ces valeurs prendront la stabilité.
Aussi, étrange que cela puisse paraître, l’effort des individus au sein des ces entreprises familiales peut ne pas donner ses fruits dans l’immédiat, mais après des années plus tard (Ward, 1987). Pour Simon (1996), leur croissance lente mais sûre tient au fait que leurs stratégies sont basées sur la patience et la pugnacité, et sur une relation intense et durable avec les clients et c’est la durée qui sert de mesure de performance.7
Donc, les dirigeants ayant une fraction de propriété plus importante fourniraient davantage
d’efforts, auraient de plus longs horizons d’investissement et prendraient de meilleurs
décisions d’investissements (André et Schiehll, 2004).
Il est alors envisageable toujours sur l’axe temporel d’accorder à l’entreprise le titre de patrimoine, par patrimoine on entend généralement à une : « idée d’un héritage légué par les générations qui nous ont précédées, et que nous devons transmettre intact ou augmenté aux générations futures, ainsi qu’à la nécessité de constituer un patrimoine pour demain »8.
Ceci ne peut se faire sans le gage d’une personne physique ou morale qui veuille à la continuité et à la transmission des savoirs, stratégies, valeurs matérielles ou immatérielles. Et cette personne souvent, n’acquiert son statut qu’après avoir passé l’épreuve du temps, de la crédibilité et de la loyauté.
A long terme, si les bases de la société sont bien assises, et stables, grâce à ce processus de construction du patrimoine, souvent indissociable à une vision longtermiste, il importe peu dans le futur s’il y a alternance dans la direction pourvu que les objectifs soient clairement définis et que les décisions ne vont pas à l’encontre de la stratégie définie dans le respect de la politique globale de l’entreprise. C’est ainsi qu’une attitude conservatrice mais non pas obscurantiste caractérise ces entreprises. Autant les étrangers sont vecteurs d’innovation, ce qui est utile de temps en temps, autant en termes de coût, il n’est pas rare de rencontrer une résistance chez les anciens, qui voient ces dépenses comme risque onéreux. « Au total, les entreprises familiales exhiberaient ainsi une rigidité latérale qui se traduit par une » léthargie » dans la direction stratégique » (Gallo et Luostarinen, 1992)9
Les objectifs quantitatifs :
La course vers la mondialisation laisse subodorer que l’entreprise familiale est un modèle managérial en voie de disparition. Cette menace s’étend sur les représentations rattachées au système caractérisées par une certaine assurance de performance financière, économique ainsi qu’une gestion saine de la trésorerie et de la solvabilité. Or aujourd’hui, on peut observer un phénomène paradoxal et confirmé par les études de Van den Berghe et Carchon, 2003 ; La Porta et ali., 1998 : « la propriété des firmes d’Europe continentale est principalement concentrée dans les mains de familles », en France, Allouche et Amann (1997) estiment que sur les 500 plus grandes entreprises industrielles à capital français, 59% sont familiales. Principalement ou majoritairement, ce qui signifie que l’entreprise familiale est en plein essor.
Avec les crises sociétales, économiques, crises de valeurs qu’est ce qui avantage les entreprises familiales plus que chez son homologue non familial ? Est-ce à lié à l’aversion du risque ? Le paternalisme bienveillant
D’emblée ce est qui un atout non négligeable en soi, la confiance est induite de la stratégique de l’entreprise familiale puisque consécutivement à sa solvabilité, les clients, les fournisseurs et les autres partenaires perçoivent l’entreprise comme étant sure et digne de confiance. Habbershon et Williams (1999) définissent la « familiness » comme étant l’ensemble unique de ressources qu’une entreprise particulière possède grâce aux interactions entre la famille, ses membres et l’entreprise. Selon les auteurs, il serait davantage intéressant pour la recherche de s’intéresser à l’identification de la » familiness » d’une entreprise et sur l’évaluation de son impact sur les capacités stratégiques plutôt que de chercher si telle ou telle entreprise familiale (quelle que soit sa définition) possède ou non un avantage compétitif. On parle également de capital réputationnel, terme emprunté à Finkelstein (1992)10 que le dirigeant utilise à bon ou mauvais escient.
En guise de garantie de leur solidité financière, les entreprises familiales à défaut de système de contrôle usuel comme la banque et Opa font étalage de liquidité et de solvabilité.
D’après Charreaux, on distingue deux systèmes de contrôle : en internes et en externes. La gestion de l’entreprise familiale, utilise davantage les contrôles en interne, que sont :
– le contrôle des salariés
– le contrôle des actionnaires
– le contrôle du Conseil d’Administration
– le contrôle mutuel entre dirigeants
Parce qu’elles ne privilégient pas trop souvent les marchés à risque ou ne cherchent pas à gagner en part de marché, les contrôles extérieurs sont minimisés, sinon réduits faute d’accès à la plupart d’entre eux :
– le marché financier
– le marché des biens et services
– le marché du travail des cadres dirigeants
– les organismes financiers
– légalité et réglementation
Il est cependant arbitraire de dire qu’elle ne se contrôle pas aux moyens de la légalité et réglementation, ces référentiels sont tout autant valables que l’entreprise soit familiale ou non.
L’image de la confiance est souvent altérée par une image négative de la gestion familiale : malgré les codes de bonnes gouvernances exigés par les institutions bancaires, les dérives occasionnés par les dirigeants étrangers ou membre de la même famille, ne sont pas exclus, surtout lorsque les objectifs de suivi des dépenses ne sont pas contrôlés.
Allouche, Amann, et Viviani11, pointent du doigt une pratique relativement courante, les propriétaires s’arrogent le droit de retirer une certaine somme excédentaire qui dépasse la rémunération liée à leur prérogative de direction. En agissant ainsi ils entament le capital, car dans les charges fixes et les charges variables d’exploitations, la rémunération des tâches de gestion familiale sont déjà incluse.
Parmi les objectifs quantitatifs, la réduction de coût est primordiaux, autant les coûts d’agence sont mesurés par les décisions et actions au détriment des propriétaires, les dirigeant étrangers veulent toujours, maximiser une fonction d’utilité plus large et auraient un horizon temporel plus long. Une entreprise dominée par ces derniers est dite » managériale » car son capital est la propriété de plusieurs actionnaires qui ne sont pas capables, vu leur dispersion, d’influencer la décision des managers (Katz et Niehoff, 1989)12, ces façons d’agir menacent d’entraîner une détérioration de la performance de l’entreprise.
Ils seraient, de plus, tentés de minimiser leurs risques personnels au sein de l’entreprise dont ils contrôlent les ressources. Les rémunérations ne se limitent plus à la simple notion du salaire, mais elles s’éclatent pour englober différents types de composantes (bonus, stock-options, actions, plans de retraite, avantages en nature)
III] Préconisations stratégiques et opérationnelles (plan action)
Les préconisations stratégiques et opérationnelles afin de diminuer l’impact voire de contrer l’enracinement du dirigeant non familial.
La mise en branle immédiat d’un processus de contrôle à plusieurs niveaux serait le seul moyen efficace pour limiter ou pour décourager toute tentative d’enracinement
Préconisations stratégiques
Afin d’essayer de diminuer les effets de l’enracinement contraires à l’efficacité de l’entreprise ; voici quelques préconisations stratégiques.
L’actionnariat des salariés
Impliquer les salariés dans la démarche de suivi systématique. En obéissant aux principes de Maslow, il faut si l’on veut rendre cette solution opérationnelle faire en sorte qu’ils aient dépassés les stades des besoins physiologiques et besoins de sécurité. A partir du moment où ils ressentent un besoin d’appartenance, leur implication n’iront plus à l’encontre des stratégies de l’entreprise.
Mais comment les aider à accéder à ce stade, s’ils ne se sentent pas eux même concernés par le devenir de l’entreprise. Un homme qui se soucie de sa survie, ne peut pas se projeter à des horizons lointains. Pas encore, quand bien même il a grandi dans le même moule que les actionnaires, en parlant d’une entreprise familiale, il ne se sent pas automatiquement entrainé élans futuristes de ses supérieurs. Tant que la frustration l’emporte sur la satisfaction, il peut se sentir frustré pour X ou Y raisons, ses avis ne sont jamais écoutés, une rémunération qui ne correspond pas à la mesure de ses efforts, le sentiment de travailler pour un supérieur ingrat…bref un besoin de reconnaissance intrinsèque à toute peine, qui est tout simplement bafoué.
S’ils ne font pas partie de l’équipe dirigeante, les salariés peuvent accéder au statut d’actionnaires. Ils sont ainsi sollicités à investir dans une part d’action de l’entreprise, ce procédé leur permettrait d’acquérir davantage de légitimité pour contrôler le dirigeant. Les salariés actionnaires exerceront leur contrôle grâce à leur représentation dans les organes de contrôle et de décision.
Le statut d’actionnaire : Ce statut leur donne un droit à l’information et favorise les échanges avec les actionnaires externes réunis à l’assemblée générale. Cette méthode va contribuer à limiter les comportements opportunistes du dirigeant. Ils vont alors avoir un rôle actif dans le contrôle du dirigeant. Ils pourront également s’allier avec d’autres actionnaires pour contrer certaines décisions stratégiques prises par le dirigeant.
Représentation dans les organes de contrôle et de décision : Depuis 2001, les salariés actionnaires qui, à eux tous, possèdent plus de 3 % des parts de l’entreprise peuvent être représentés par un ou plusieurs administrateurs au Conseil d’Administration. Ces acteurs vont alors profiter du cumul des deux statuts et bénéficier des informations informelles étant donné qu’ils sont proches du top management. Cette proximité va leur permettre d’exercer un contrôle plus important sur le dirigeant de l’entreprise.
Cependant quelle que soit la méthode utilisée le contrôle relève de l’ingénierie de l’information. A quelque niveau qu’il soit le contrôle peut présenter certaines limites. La présence de salariés ou plutôt de leur représentant ne garantit pas à cent pour cent une meilleure gestion du dirigeant. En effet, les informations qui seront transmises au représentant peuvent être détournées ou mal interprétées pour être ensuite utilisées pour satisfaire les intérêts des salariés ou de la concurrence.
Il peut également exister une certaine dépendance entre les salariés actionnaires et le dirigeant. En effet, le dirigeant peut les influencer et surtout les manipuler en augmentant leur salaire, en proposant des promotions ou encore en leur assurant une certaine stabilité dans leur emploi, dans le but d’accroitre ses rentes.
Cependant, les salariés administrateurs qui ne sont pas affiliés au dirigeant peuvent combattre cette attitude en donnant des informations sur la qualité de gestion de l’entreprise aux actionnaires externes.
L’actionnariat du dirigeant
En fonction de l’objectif à atteindre, l’actionnariat du dirigeant peut devenir une plus value latente dans la mesure il joue d’abord sur le facteur efficience. Devant au risque encouru avec un dirigeant fallacieux, il convient d’adopter une nouvelle gestion et d´ouvrir son capital à un nouvel actionnaire actif (Clavi-Reveyron.M, 2000) et qui n’est pas nécessairement réductible au propriétaire (Girard .C, 2001).13 Et qui, cependant aide efficacement pour soutenir la croissance et pour éviter le déclin.
Nous remarquons que le dirigeant qui n’est pas issu de la famille et qui n’est donc pas le fondateur de l’entreprise ne se sent pas toujours investi d’une mission de protection des intérêts communs. En effet, l’entreprise n’est pas le fruit de sa propre création ou de la création de sa famille. Pour G. HIRIGOYEN14, les passages d’un dirigeant passif vers un dirigeant actif et d’un individu décontextualisé à un individu contextualisé est un moyen d’assainissement de la finance organisationnelle selon une théorie positive de l’agence et la théorie des coûts de transaction.
Nous pouvons noter que plus degré d’investissement du dirigeant familial dans son entreprise est profond, plus il a des attitudes protectrice et paternaliste envers ce qu’il considère comme son « bébé ». Et inversement, le dirigeant « decontextualisé » ne ressent pas cet amour filial et donc serait moins enclin à l’implication. L’entreprise est tout juste un gagne pain et pas plus.
Pour palier ce manque d’implication, il serait judicieux d’allouer des parts du capital de l’entreprise au dirigeant. Son patrimoine serait alors directement relié à ses performances de gestionnaire. Son investissement dans l’entreprise serait alors décuplé, au bénéfice des actionnaires. Si nul ne peut garantir l’effet attendu de cette pratique, de même que l’on ne peut s’assurer qu’une fois devenu actionnaire, du genre à espérer un revirement total du dirigeant et espérer qu’il va adopter une attitude altruiste, au moins cette mesure a l’avantage de tempérer le comportement opportuniste. Justement, la vigilance étant de rigueur, la familiale a tout intérêt de conserver la majorité des droits de vote afin de pouvoir, dans le cas échéant, révoquer le dirigeant si contrairement à l’effet escompté il continue à ne penser qu’à ses intérêts personnels au dépens de la pérennité de l’entreprise.
L’augmentation du nombre de dirigeants
Un contrôle mutuel au niveau de l’équipe dirigeante peut aider à éponger l’effet de l’enracinement du dirigeant. En effet, plus le nombre de dirigeants va augmenter plus le contrôle réciproque sera important et moins le dirigeant aura de latitude dans ses prises de décision.
S’il n’y a qu’un seul dirigeant, il va prendre seul les décisions y compris les plus importantes et peut être tenté d’augmenter ses rentes personnelles, ce qui pourrait engendrer une dégradation des performances de l’entreprise.
La surveillance entre les dirigeants va donc avoir une influence positive sur la création de valeur. Cette stratégie peut en revanche réduire la liberté personnelle du dirigeant.
4) Le changement de dirigeant
Le changement régulier de dirigeant peut aussi permettre de lutter contre l’enracinement des dirigeants. Certes, le fait d’augmenter le turnover du poste de dirigeant est relativement strict mais comporte certains avantages. En effet, cette stratégie permet de ne pas laisser assez de temps au dirigeant pour s’enraciner et détourner la richesse de la firme. Cette méthode va également dissuader les futurs dirigeants d’adopter ce type de comportement.
Cependant, cette stratégie est difficilement réalisable dans la pratique. En effet, plus le temps de présence du dirigeant à son niveau de pouvoir n’est long, la probabilité de modification de l’équipe dirigeante se réduit. D’autant plus qu’il détient une très forte influence sur les parties prenantes de l’entreprise.
D’un autre côté, le changement de dirigeant peut avoir des effets pervers sur la pérennité de l’entreprise. En effet, les bénéfices que retire l’entreprise des réseaux relationnels et des compétences spécifiques du dirigeant vont être fortement diminués. De plus, la culture de l’entreprise familiale est relativement longue et difficile à intégrer et il est fort possible que le nouveau dirigeant ne s’adapte pas à cette culture spécifique.
Préconisations opérationnelles
Etant donné que les stratégies ne sont pas toujours linéaires en plus du fait que les étapes que nous avons citées peuvent être applicables ou non selon les spécificités de l’entreprise, selon ses priorités, il convient d’établir une liste de procédure au niveau de l’opération.
La fixation des rémunérations du dirigeant
Le Conseil d’Administration doit mettre en place et contrôler la politique de rémunération de l’entreprise afin que le niveau de rémunération du dirigeant ne devienne pas excessif. Le Conseil d’Administration devra fixer la rémunération à un certain seuil qui sera défini en fonction des compétences du dirigeant et des objectifs qu’il doit atteindre.
Il faut également être vigilant sur les risques d’influence du dirigeant sur certains membres du Conseil. Cette manipulation pourrait lui permettre d’accroitre sa rémunération à l’encontre des intérêts des actionnaires et de son mérite.
Le choix du dirigeant
Le conseil d’administration a pour principal objectif de choisir une équipe de la haute direction et un dirigeant compétent, capable de gérer la firme avec succès. Le dirigeant doit également être en mesure de comprendre et d’assimiler la culture de la famille et les attentes des actionnaires familiaux. Les relations entre le Conseil d’Administration et le dirigeant doivent être saines. Pour cela, il faut que chacune des parties comprenne bien leur rôle respectif. La communication entre eux doit être continue et ouverte. Il est donc très important de choisir un dirigeant qui soit accessible et surtout ouvert d’esprit.
Le futur dirigeant devra également être évalué et testé durant une longue période afin de valider sa légitimité au poste de chef de la direction. De nombreux entretiens avec les membres du Conseil et des mises à l’épreuve devront être réalisés afin d’effectuer le meilleur choix possible. Il serait aussi important d’étudier avec attention les expériences passées du dirigeant et les comportements que celui-ci a pu avoir à l’encontre des différentes parties prenantes durant son parcours professionnel.
Le rôle du Conseil d’administration
La plus grande responsabilité du Conseil d’Administration est donc de choisir correctement le dirigeant de l’entreprise et de le contrôler. Le Conseil d’Administration doit alors prendre la décision de révoquer le dirigeant lorsque celui ci a tendance à s’enraciner.
L’enracinement du dirigeant peut accroitre les charges de l’entreprise de manière conséquente. Ces coûts peuvent se chiffrer à plusieurs dizaines de milliers d’euros chaque année. Ceci va fortement diminuer la part des bénéfices et de l’autofinancement de l’entreprise. La constante baisse des résultats risque d’entrainer une démotivation croissante des collaborateurs de l’entreprise, ce qui va accroitre le niveau de stresse, les retards et les absences répétitives et injustifiées. Ce système va alourdir encore plus les charges de l’entreprise et entrainer une perte de confiance des parties prenantes. Cette perte de confiance se traduira par un changement des délais accordés habituellement par les fournisseurs, c’est à dire des délais de paiement de plus en plus court, ce qui alourdira le besoin en fond de roulement de l’entreprise, augmentant ainsi les frais financiers. Ce mécanisme peut avoir des effets dévastateurs sur l’avenir de l’entreprise. Il est essentiel que le Conseil d’Administration prenne la meilleure décision vis-à-vis du dirigeant actuel. L’option de licencier le dirigeant n’est pas à écarter. En effet, celui-ci percevra une prime « d’éviction » (parachute doré) représentant ainsi plusieurs dizaines, voir des centaines de milliers d’euros. A cela, va s’ajouter les coûts de recrutement d’un nouveau dirigeant et il est probable que ces coûts représentent eux aussi plusieurs dizaines de milliers d’euros. Nous pouvons dire que cette décision n’est pas évidente à prendre car le licenciement et le recrutement d’un nouveau dirigeant sont très couteux.
Le coût de recrutement d’un nouveau dirigeant :
Le Conseil d’Administration devra respecter le processus de recrutement pour sélectionner le candidat idéal au poste.
* Le coût des médias :
Le coût d’une annonce est variable, il dépend du format, du support et du nombre de lecteurs. Dans la presse quotidienne régionale, le coût est compris entre 150 et 1 500 euros. Dans la presse nationale, le coût d’une petite annonce est d’environ 15 000 euros par jour. Le recrutement d’un dirigeant se fera davantage par la presse nationale car ce type de profil recherché est rare. Il est important de noter que le recrutement des cadres dirigeants demande une attention particulière au niveau du choix du média. Plus le niveau de poste est élevé, plus le choix du média sera onéreux (presse nationale et magazines spécialisés). De plus, l’entreprise devra diffuser son offre non pas dans un seul média mais dans plusieurs. Le niveau de poste étant très élevé, la durée de publication devra être supérieure à la normal. Pour des raisons de coûts très élevé dans la presse nationale, l’entreprise optera pour la presse spécialisée. Internet ne sera pas la solution envisagée, malgré son faible coût car ce média risque d’attirer un trop grand nombre de candidats aux profils très divers qui ne correspondent pas aux besoins de l’entreprise. De plus, Internet risque d’alourdir le coût de traitement des candidatures.
Exemple de coûts de passage d’une annonce de 4 mois dans un magazine spécialisé :
Caractéristiques Tarifs Choix de l’entreprise « calcul » Total (€)
Tarif à la ligne 53€
Nombre de ligne 12*53€ 636€
Tarif par semaine 360€
Nombre de semaine 16*360€ 5 760€
Tarif par département 1 000€
Nombre de département 8*1 000€ 8 000€
Coût total 14 396€
En moyenne, il faut sélectionner 3 magazines pour faire un bon recrutement et il faudra compter la somme de 43 188€ environ (3*14 396). Nous avons donné cet exemple de média car un grand nombre de petites entreprises passent leurs annonces dans la presse spécialisée. Celle-ci cible des candidats passionnés par une activité particulière (exemple : culture de la vigne) proche de celle de l’entreprise familiale. Mais aussi, les candidats potentiels auront une facilité à intégrer la culture traditionnelle familiale.
Le coût global :
Le coût global du recrutement d’un dirigeant est élevé, surtout pour une PME. Le coût du processus représente près de 45 000€ (44 960,7). Avec les coûts des médias, nous pouvons atteindre la somme de 90 000€ environ (44 960,7 + 43 188 = 88 148,7). A cela, va s’ajouter les coûts d’agences, qui représentent en moyenne 6,8 % du salaire brut chargé mensuel du dirigeant, soit 502,45€ par mois. (6029,42€ par an).
Le recrutement par un cabinet spécialisé :
Le recrutement du dirigeant peut aussi se faire par un cabinet de recrutement spécialisé et représente un investissement de 15 à 25 % du salaire brut annuel du dirigeant sélectionné. Les tarifs indiqués par les cabinets de recrutement ne tiennent pas compte des frais d’annonces.
Calcul du coût du recrutement du dirigeant par un cabinet de recrutement :
– Salaire sur 12 mois
– Salaire mensuel de 7 389€ brut chargé
– frais pris par le cabinet de recrutement : 20 % su salaire brut annuel
(12*7 389)*0,2 = 17 733,6
Soit un total de 17 733,6€
Nous pouvons dire que le coût de recrutement d’un cadre dirigeant par un cabinet de recrutement est moins élevé.
Cependant, le cabinet ne peut pas connaitre à cent pour cent les besoins de l’entreprise et il est facile pour lui de faire une erreur de recrutement. Le cabinet de recrutement aura tendance à sélectionner le candidat pour sont savoir-faire et non pour son savoir-être.
Dans cette situation, il est fort probable que l’on rencontre un enracinement futur du dirigeant, risquant de mettre en péril la survie de l’entreprise dans les années futures. Vu le niveau de poste et les enjeux, il est préférable que l’entreprise familiale recrute elle-même son dirigeant, même si cela est onéreux. Le recrutement d’un dirigeant constitue un véritable investissement, et c’est grâce à lui que l’entreprise se développera à long terme.
Le recrutement est une solution très lourde en impact, il se présente comme une solution de dernier recours pour l’entreprise familiale parce que si l’objectif est de faire limiter le comportement opportuniste du dirigeant et les coûts d’incitation, coût d’opportunité, cette alternative démontre que il s’agit de faire supporter par les coûts d’agence les coûts de surveillance
.
Définition | Contenu | Condition | Impact | Hypothèse retenue | Condition de performance |
Critère de propriété | L’entreprise est la propriété d’une famille | 50% des droits de vote est entre les mains de la famille | La famille influence la marché de l ‘entreprise à travers l’exercice des liens de parenté, des postes de managements | En l’absence de conflit d’intérêt l’entreprise offre une image florissante entretenue par les rapports de confiance solvabilité et liquidité | Age
Ancienneté Flexibilité de l’emploi Les rétributions hors salaire directes La formation/ valorisation des compétences15 |
Critère de contrôle | Le CA est le lieu privilégié de contrôle | Le CA est impliqué dans la gestion de l’entreprise | Les décisions stratégiques sont conformes à la politique générale de l’entreprise | ||
Critère de propriété | La direction de l’entreprise familiale est entre les mains d’un étranger | Le CA familial coopte pour un étranger | Le dirigeant échappe au contrôle du CA et gère la société de manière à prioriser ses intérêts propres avant ceux de l’entreprise | ||
Critère de contrôle | Enracinement du dirigeant | Le temps de présence dans l’entreprise est long, corrélé à l’âge avancé du dirigeant | Le dirigeant use et abuse de son pouvoir | ||
Critère de propriété | Diversification de l’actionnariat | Coût élevé et risque élevé | Le dirigeant sera moins tenté d’agir par un comportement opportuniste | Une action en main, rendrait le dirigeant altruiste est une contingence, ce n’est pas systématique la voie de recours reste entre les mains du CA | |
Critère de contrôle | Eventail de contrôle élargi | La famille garde la majorité de droit de vote |
Conclusion
L’échec de gouvernance d’une entreprise familiale ne peut pas être automatiquement imputé à l’enracinement sous prétexte que le dirigeant est âgé et étranger. Ce modèle de gouvernance est préconisé par les chercheurs germano nippon. L’enracinement présente ses avantages et ses inconvénients. Pour que l’entreprise familiale conserve le paradigme de la sécurité alliée à la croissance mesurée qui lui est propre, il faut impérativement que le pouvoir soit géré de manière intelligente.
Car finalement le conflit d’utilité et le conflit d’intérêt qui opposent les dirigeants aux membres du conseil d’administration sont vecteurs d’un malaise plus profond. Pourquoi le pouvoir est si précieux. En tant que potentiel en puissance, le pouvoir rassemble les éléments nécessaires à l’homme de transcender sa peur.
La théorie de Maslow ne s’applique pas uniquement aux employés, le dirigeant peut se situer au stade de l’assouvissement des besoins physiologiques et primaires, du moins selon sa perception de sa situation ; et la peur d’en rester au même stade le pousse à agir contre l’intérêt commun. L’enracinement du dirigeant n’est qu’un faux problème, du moins en analysant profondément. Notre récapitulation montre que quels que soient les moyens de contrôle utilisés il n’existe pas de solution idoine au problème de la congruence entre les intérêts des principaux concernés. Car au fond c’est de cela qu’il s’agit avant de remonter à l’enracinement du dirigeant famille ou non. D’ailleurs comme les recherches l’ont prouvé, l’enracinement n’est pas un mal en soi. Tout est relié au pouvoir de contrôle.
Le cumul de pouvoir et de fonction de direction entre les mains des actionnaires n’est pas nécessairement l’unique solution, il présente également des risques que nous avons laissé entrevoir au cours de l’étude, plus grave encore est la menace qui pèse sur l’existence et la viabilité de cette entreprise du fait de l’attachement affectif se traduisant par un conservatisme excessif. « Aussi, la croissance risque t-elle d’être évitée vu la rigidité du dirigeant et sa résistance au changement mais aussi vu les conflits entre les successeurs et la divergence entre les objectifs, les valeurs et les besoins de la famille ». (Ward, 1997).
Nous avons pu observer que l’enracinement peut avoir des effets bénéfiques et compatibles avec la performance et les intérêts des parties prenantes, mais aussi des effets néfastes sur le développement de l’entreprise familiale.
Il a été difficile de se fixer un avis général sur les conséquences de l’enracinement sur la pérennité de l’entreprise. Même s’il se dégage toutefois un aspect relativement négatif.
Pour éviter les risques d’enracinement, le Conseil d’Administration devra prendre les bonnes décisions par rapport aux résultats obtenus des différents modes de contrôle du dirigeant. Différentes sortes de sanctions devront être mises en place et auront pour objectif d’améliorer le gouvernement de l’entreprise familiale. La sanction applicative, telle que la révocation du dirigeant, va modifier la politique générale de l’entreprise et les orientations stratégiques. En outre, le processus interne de recrutement devra être amélioré afin d’éviter une éventuelle erreur de sélection de candidat, évitant ainsi un enracinement préjudiciable pour les parties prenantes de l’entreprise.
Par ailleurs, nous avons observé qu’il existait des différences entre le dirigeant familial et le dirigeant non familial. En effet, le dirigeant familial est souvent le fondateur ou bien l’héritier de l’entreprise. Il a donc une grande responsabilité vis-à-vis de la famille contrairement au dirigeant non familial. Les différences sont marquées par le passage du pouvoir aux générations suivantes qui sont issues généralement de la famille. L’enracinement, sera plus important puisque le dirigeant familial restera derrière ses héritiers pour continuer à se tenir informé de l’évolution de l’entreprise. De manière générale, nous pouvons observer une plus grande implication chez le dirigeant familial que chez le dirigeant non familial.
On peut également se poser la question sur la légitimité de certains membres de la famille enracinés à des postes de direction. En effet, les actionnaires familiaux ont tendance à placer un ou plusieurs membres de la famille à des postes à hautes responsabilités, sans même qu’ils ne possèdent les compétences. Il serait alors intéressant d’étudier l’enracinement familial comme menace éventuelle pour la pérennité de l’entreprise.
La théorie de l’enracinement nous a montré que les systèmes de contrôle ne sont pas toujours suffisants pour forcer le dirigeant à appliquer une gestion de l’entreprise en conformité avec les intérêts des actionnaires. Déjà il faut donc admettre que en dessous de cette crise il y a un problème de pouvoir, usage de force intimidation révoltante ou autre moyen pervers pour obliger quelqu’un à s’aligner à ses idées ce qui est difficilement admissible pour un vrai leader.
Nous sommes persuadé que lorsque la dimension humaine en tant que principe essentiel de l’entreprise, aura pris le pas sur les jeux de pouvoir, la stratégie d’entreprise n’en sera plus au stade de la recherche d’un moyen de contrôle efficace, qui résulte au fond d’un déni de confiance tout simplement.
TABLE DES MATIERES :
B Définitions de l’enracinement
2) La théorie de l’enracinement
II] Explication de la problématique et analyse
1 Problématique et scénarios envisageables
III] Préconisations stratégiques et opérationnelles (plan action)
Préconisations opérationnelles
Bibliographie
Bibliographie
BASLY1, S. Propriété, décision et stratégie de l’entreprise familiale : une analyse théorique.
CHAARANI, H. (. Structure d’actionnariat et performance des entreprises familiales françaises à contrôle minoritaire.
Finet, A., Bughin, C., & Colot, O. (2008). Analyse de la théorie de l’enracinement des dirigeants en fonction du caractère familiale des entreprises non cotées. 2e journée Georges Doriot. Paris: HEC.
J.ALLOUCHE, B. ,. (2008). « Nature et performances des entreprises familiales ». Paris France: Ed. Sciences Humaines, in (dir). G. Schmidt (coord.), .
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