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Les actions de l’International Center on Transitional Justice chez les pays affectés par le « printemps arabe » pour orienter les politiques des nouveaux gouvernements en matière de traitement du passé et justice transitionnelle

Titre : Les actions de l’International Center on Transitional Justice chez les pays affectés par le « printemps arabe » pour orienter les politiques des nouveaux gouvernements en matière de traitement du passé et justice transitionnelle

Introduction

En 2011, le monde arabe a été secoué par des vagues de manifestations qui sont connues sous l’appellation de printemps arabe. Ces vagues de manifestations ont commencé lorsque Mohamed Bouazizi, un jeune marchand ambulant vivant dans des conditions de vie misérables, s’est suicidé par immolation le 17 décembre 2010. Son geste de désespoir a suscité beaucoup d’émotion chez  de nombreux Tunisiens et notamment chez les jeunes en ce qui concerne la souffrance du peuple pendant le régime autoritaire de Ben Ali.  Ainsi, la petite ville de Sidi Bouzid en Tunisie, s’est trouvée à l’origine de vagues de manifestations dans le monde arabe pour tenter de changer les conditions de vie, le chômage et pour lutter contre les oppressions subies par le peuple à cause des dictateurs.

Le printemps arabe correspond à la revendication de la démocratie. Il a principalement concerné les couches sociales vulnérables et moyennes. Mais cette révolte se caractérise aussi par la grande participation des jeunes et des moins jeunes qui appartiennent au secteur informel, qui vivent de petits travaux informels pour survivre en attendant de trouver un véritable emploi. Mais en Egypte tout comme en Tunisie, ces chômeurs ont été aidés par les travailleurs salariés motivés par le mouvement ouvrier. Le printemps arabe a été particulièrement mouvementé au Bahreïn, en Egypte, en Tunisie, en Libye, en Syrie et au Yémen[1].

Les pressions de rue ont conduit à la fin des régimes autoritaires. Par la suite, le monde arabe entre dans une période de transition marquée par différents conflits, des perturbations, des instabilités économiques, sociales, et politiques et de nombreuses tensions. Les changements issus des revendications du peuple ont conduit à certaines confusions et à la construction d’une nouvelle structure politique.

En Tunisie où le printemps arabe a commencé, Ben Ali a pris la fuite. Mais son départ a marquée aussi l’entrée du pays dans une période de transition caractérisée par la montée en puissance du mouvement islamiste depuis 2012. Pendant cette période transitionnelle, le peuple est témoin de la dégradation de ses conditions de vie, de la situation politique et sécuritaire, et des jeux de manipulations politiques. En Tunisie, la partie islamiste Ennahda pointe du doigt les extrémistes qu’ils dénoncent comme étant l’auteur de l’assassinat de deux figures de l’opposition. La situation sécuritaire se désagrège de jour en jour et dans le monde arabe, la période de transition est marquée par des guerres civiles, des tentatives de reconstruction ou des enjeux politiques rendant la vérité floue et faisant oublier  les vraies raisons de la révolte[2].

Dans ce monde arabe qui subit encore les conséquences des révoltes, et qui traverse une transition difficile, certains acteurs jugent que la justice transitionnelle pourrait constituer une solution pour faire avancer le pays. C’est ainsi que le gouvernement Tunisien a consenti à solliciter les services du Centre International pour la Justice Transitionnelle (ICTJ) pour établir cette justice transitionnelle en Tunisie. Mais en quoi, la justice transitionnelle pourrait-elle contribuer au développement et au rétablissement de la paix chez les pays affectés par le printemps arabe ? Quelle est l’importance de la justice transitionnelle dans un pays en situation post-conflit ?

La présente étude a pour objectif de connaître les actions menées par l’ICTJ pour orienter les politiques des pays affectés par le printemps arabe en matière de justice transitionnelle et de réparation du passé. Pour y parvenir, nous allons faire un retour sur ce qui s’est passé et les impacts du printemps arabe dans la première partie de notre étude. Dans la deuxième partie, nous allons présenter le concept de justice transitionnelle : ses enjeux, ses principes, les acteurs, sa mise en place dans les pays du printemps arabe. La troisième partie de notre étude va se consacrer aux actions de l’ICTJ en matière de justice transitionnelle. Enfin, dans la dernière partie de notre étude, nous allons présenter les spécificités des actions de l’ICTJ en Tunisie.

  1. Partie théorique
  2. Généralités sur le printemps arabe
  • Les impacts politiques du printemps arabe

Le printemps arabe a ouvert la voie à de nouveaux régimes en qui, les peuples ont mis leur confiance. Mais ceci implique que les nouveaux dirigeants fassent un contrat social pour développer les différentes couches sociales et relancer l’économie[3]. En général, les peuples du printemps arabes se confrontent à deux partis politiques : les partis anciens ou traditionnels et les nouveaux partis politiques qui sont manipulées par d’autres acteurs. Mais dans le cadre de la relance de l’économie, des concertations à différents niveaux et entre différents acteurs sont nécessaires. Mais de telles démarches pourraient aboutir à la formation d’un régime hybride, qui, à la longue, pourrait aussi se transformer en un autre régime autoritaire et va conduire de ce fait à de nouvelles vagues de manifestations[4].

Dans certains pays, les révoltes ont conduit à des instabilités politiques traduites par des répressions des régimes autocratiques, et à la naissance de régimes intérimaires qui ne sont pas toujours capables de répondre aux attentes des peuples. Dans certains pays du printemps arabe comme l’Egypte par exemple, l’intérim est dirigé par les Forces Armées qui ne sont pas bien accueillies par le peuple. Ceci conduit entre autre à une vague de protestations pendant la période intérimaire qui ne devrait se terminer qu’après élection d’un nouveau dirigeant ou d’un nouveau régime[5]. L’entrée dans un régime intérimaire suppose une recherche d’entente entre les différents acteurs pour rechercher de consensus et d’inclusion. Dans la plupart des cas, les partis politiques ont voulu mettre en place un climat permettant de faire des élections parlementaires.

Il a été observé d’une part, que les vagues de manifestations destinées à mettre fin à des régimes démocratiques n’ont pas abouti. En effet, l’entrée dans une période de transition n’a fait que renforcer les instabilités qui sont déjà présentes au sein des pays. Ceci est particulièrement dû au fait que les jeunes et certaines acteurs qui pourraient être manipulés tendent à faire des mobilisations dans les rues et ne se fient pas aux processus politiques normaux[6].

Les mouvements arabes ont entre autre conduit à des réformes en ce qui concerne la Constitution et ont permis d’ouvrir la voie à plusieurs partis politiques. Certes, les vagues de manifestations ont conduit à la chute des pouvoirs autocratiques et à l’entrée dans une période de transition. Mais il a été observé que dans certaines régions, les dirigeants restent toujours les mêmes. Néanmoins, les manifestations ont obligé les dirigeants de ces pays à adopter d’autres réformes politiques et notamment, des réformes et des remaniements ministériels. Et dans cette optique, ce sont les Partis Islamistes qui gagnent du terrain. Or, cette situation inquiète les citoyens surtout les femmes, qui craignent que l’application de la Charia ne fassent retourner dans un environnement islamique dur ne donnant pas plein droit aux femmes[7].

L’émergence de partis politique  impose la recherche de moyens qui permettent d’intégrer les principes religieux dans les différentes institutions démocratiques qui résultent des révolutions arabes[8]. Suite aux vagues de manifestations, les candidats qui se présentent à l’élection viennent dans la grande majorité des cas  des partis islamistes. Ce cas est observé aussi bien au Maroc, en Tunisie qu’en Egypte. L’émergence de ces nouveaux partis s’accompagne de promesse de lutte contre la corruption et de bonne gestion de l’Etat. Ils ont par ailleurs montré leur savoir-faire localement à travers la considération des services publics non gérés par l’Etat tel que l’éducation et la santé, qui, pourtant, sont à la base du développement du pays. Néanmoins, certains partis tels que les salafistes en Egypte ont été particulièrement soutenus par le pouvoir pour des questions d’ordre religieux. Désormais, les partis islamistes s’imposent comme étant économiquement libéraux tout en maintenant un statut d’institutions. Or, cette situation ne manque pas de susciter la peur des minorités religieuses[9].

La révolte arabe a aussi changé la relation des pays occidentaux avec les pays du printemps arabe. En effet, les pays occidentaux considèrent plus ces pays comme étant des pays islamistes stéréotypés comme étant extrémistes et terroristes. Dans cette optique, les Etats-Unis, qui sont le principal acteur pour instaurer la paix dans le monde ne peut être ignoré. Les pays qui entrent dans une période de transition sont encouragés par les
Etats-Unis à établir un climat dans lequel, l’armée jouerait un rôle prépondérant[10].

D’autre part, les printemps arabes ont aussi conduit à la modification de la politique étrangère vis-à-vis des pays qui sont concernés par les révolutions arabes. Dans cette optique, les pays qui sont soumis au printemps arabes considèrent mal les pays occidentaux qui soutiennent encore les régimes autocratiques. Les monarques réagissent en désignant plus particulièrement les Etats-Unis qui s’ingèrent dans les affaires internes des pays. Mais dans ces différentes protestations, il a été trouvé qu’Israël craint fort pour ses frontières ainsi que l’arrivée de gouvernements moins coopératifs qui peuvent de ce fait, conduire à l’insécurité[11].

Les révoltes arabes ont conduit entre autre à une modification de la géographie politique dans les pays arabes. Ainsi, les monarchies règnent toujours dans le Golfe et constituent les plus proches alliés des Etats occidentaux. D’autre part, le Qatar est devenu une puissance influente qui peut bien agir au-delà de ses frontières. Les monarchies hachémite et alaouite sont d’autre part venues auprès du Conseil de Coopération du Golfe pour défendre et consolider les pouvoirs traditionnel dans un contexte de globalisation[12].

Ces différentes manifestations ont aussi conduit à la modification des politiques étrangères et notamment de la politique américaine pour cette partie du monde. L’implication américaine dans ces vagues de manifestations pourrait se traduire par exemple par le biais de son intervention militaire en Lybie. Les printemps arabes ont conduit entre autre à des changements au niveau des partenariats stratégiques des Etats-Unis au Moyen-Orient et en Afrique du Nord.

Désormais, les Etats-Unis se penchent beaucoup plus sur le dialogue politique et le développement économique. Dans cette optique, ils optent pour la création de réseaux à tous les niveaux des sociétés arabes. Par ailleurs, ils optent pour une diplomatie publique pour que les acquis des Printemps arabes puissent être maintenus. Ils se montrent entre autre de plus en plus intéressés par les différentes actions pour redresser la dimension sociale et économique du développement de ces pays qui sont touchés par le Printemps arabes. Dans cette optique, en Tunisie par exemple, où les vagues de manifestations ont commencé, les Etats-Unis mettent en place des programmes de soutien au développement démocratiques et économique en consacrant 100 millions de dollars pour créer des emplois, et aussi pour mettre en place des aides humanitaires. Ces fonds sont également destinés à la lutte contre la pauvreté qui sévit dans le pays. Mais la Tunisie ne constitue pas le seul pays dans lequel interviennent les Etats-Unis. Ils élaborent des initiatives en fonction de la situation des pays concernés par les Printemps arabes.

Dans cette optique, ils entrent en partenariat avec les acteurs communautaires et des entrepreneurs locaux pour promouvoir la démocratie et la société civile. C’est dans cette optique que des bureaux de transition ont été mis en place en Tunisie et en Lybie pour veiller à la bonne gouvernance, la justice sociale et le bon déroulement des élections. Les Etats-Unis interviennent entre autre par le biais de ces bureaux de transition pour aider le pays à installer son nouveau régime politique. En d’autres termes, les Etats-Unis ont changé leur intervention auprès des pays touchés par le Printemps arabe pour les permettre de créer des opportunités lors de ces périodes de transition.

Avec cette nouvelle donne, les Etats-Unis ne peuvent plus s’imposer par leur forte présence dans les pays qui sont touchés par le Printemps Arabes. Par ailleurs, ils ne peuvent pas procéder à une intervention militaire qui est mal appréciée du peuple et qui ne coïncide pas non plus avec l’image de la démocratie qu’ils veulent mettre en place. En effet, les Etats-Unis ont déjà connu les impacts des interventions militaires aussi bien au niveau diplomatique qu’économique, suite à leurs interventions en Iraq. Dans ce cadre, les Etats-Unis ne se focalisent plus sur le soutien par des interventions militaires destinées à soutenir un renversement populaire chez un pays jugé dirigé par un régime autocratique[13].

Mais ce ne sont pas uniquement la présence et l’intervention américaine dans les pays arabes qui sont modifiées suite à ces manifestations. Il a été observé que les différentes donnes changent également pour les autres pays. Dans ce cadre, la Turquie commence à prendre place comme étant une puissance émergente par sa présence économique et son intérêt politique pour les pays arabes. De même, l’influence de l’Iran au Moyen-Orient a été renforcée grâce à l’intervention américaine qui a permis d’éliminer Saddam Hussein et les talibans.

La Russie pour sa part, reprend sa coopération avec ses alliés avant la chute de l’empire russe comme la Syrie et l’Algérie, mais elle étend aussi son alliance à d’autres pays, qui, pourtant, étaient en mésentente avec elle tels que l’Arabie Saoudite et Israël. Les accords de la Russie avec les pays arabes portent plus particulièrement sur les domaines sensibles tels que le domaine nucléaire et militaire.

La Chine fait partie aussi des pays qui ont pu étendre leurs influences au Moyen-Orient suite au printemps arabes. Mais cette influence exercée par la Chine est particulièrement d’ordre commercial. En effet, elle tend plus à trouver dans les pays arabes, un point d’approvisionnement en matières premières et en hydrocarbure, dont elle a besoin pour se développer. D’autre part, la Chine connaît un essor considérable dans cette partie du monde grâce à sa relation avec l’Iran dont elle est le premier fournisseur, importateur et investisseur étranger. Outre à cela, elle devient au fil du temps, le premier fournisseur de l’Arabie Saoudite pour les produits bas de gamme, mais aussi pour les matériels informatiques, les véhicules, automobiles. Dans ce cadre, les impacts de la révolution arabe a été plutôt positive pour la Chine aussi bien du point de vue économique, mais aussi du point de vue politique, puisqu’elle n’a entretenu de relations tendues avec aucun de ces pays[14].

  • Les impacts sociaux du printemps arabe

Le printemps arabe cause de nombreux impacts au niveau social. Suite aux manifestations qui ont lieu en Tunisie par exemple, de nombreuses personnes se sont trouvées dans l’incapacité de payer leurs factures de gaz et d’électricité. D’autre part, les manifestations ont aussi conduit à une hausse drastique du nombre de sans emplois. En Tunisie le nombre de demandeurs d’emploi était passé de 500 000 à 700 000. En effet, mis à part la réticence des investisseurs étrangers à se lancer dans des projets dans les pays touchés par le printemps arabe, des entreprises ont fermé suite aux instabilités politiques[15].

Les inflations causent des difficultés dans de nombreux pays. Certains d’entre eux et plus particulièrement, les pays qui ne produisent pas de pétrole sont confrontés à une hausse des denrées alimentaires. A cela s’ajoute une augmentation du taux de chômage. En effet, les entreprises se trouvent dans l’obligeance de restreindre leurs activités et de licencier certains employés, tandis que d’autres, ne pouvant plus faire face à l’instabilité économique et politique du pays ferment, ce qui augmente le nombreux de chômeurs. C’est le cas par exemple des employés dans le secteur du tourisme, qui ont connu une baisse drastique de leurs effectifs depuis les printemps arabes. Si nous considérons le cas de la Tunisie dont 40% des emplois est généré par le secteur du tourisme, la diminution des demandes est source de la restriction au niveau des emplois. Il en est de même pour tous les produits exportés incluant le pétrole. Le chômage résulte entre autre du retour des émigrés ayant travaillé en Libye avant les printemps arabes. Si 600 000 chômeurs étaient présents dans les pays arabes en 2011 alors le retour des 300 000 licenciés des entreprises Libyennes pourrait encore aggraver la situation.

Ce n’est pas uniquement au niveau du chômage que les impacts sociaux des printemps arabes se font sentir, mais également au niveau de la pression migratoire causée par le manque de contrôle chez les pays de départ et chez les pays de transit. De même, le contrôle des frontières est insuffisant. Les peuples tendent aussi à quitter les pays où le désordre règne et où les impacts des printemps arabes se font de plus en plus sentir, pour gagner les pays plus calmes.[16].Le printemps arabe a aussi causé une hausse importante des prix des denrées alimentaires ce qui a contraint certains Etats à subventionner les prix des denrées de base. Il impacte entre autre sur le secteur du transport aérien[17].

Le printemps arabe a également causé des instabilités migratoires. En effet, nombreux sont ceux qui veulent quitter leurs pays pour gagner un pays voisin voire même un pays complètement étranger. C’est ainsi que des milliers de Tunisiens ont décidé d’émigrer en Italie, à Lampedusa ce qui ne manque pas d’impacter sur le pays qui accueille ces immigrés clandestins. D’autre part, les Libyens s’enfuient en Egypte dans l’espoir de trouver plus de stabilité et de sérénité. Pour les aider le Haut Commissariat des Nations Unies se trouve dans l’obligation de donner son aide pour sauver et aider les immigrants qui sont pour la plupart des cas, des personnes traumatisées, fatiguées, etc. Ceux qui sont restés dans leur patrie vivent dans la peur constante. A cause des conflits, des blessures et des maladies, les pertes humaines augmentent. Les décédés sont des milices loyalistes, les victimes, des soldats. A cela s’ajoute les destructions des infrastructures et surtout des foyers[18]. Les flux migratoires s’accompagnent de désorganisation au niveau des entreprises parce que les personnes qualifiées tentent aussi de survivre dans des pays étrangers, ce qui ne facilite pas la reprise économique des pays ayant été touchés par le printemps arabe[19].

  • Les impacts économiques du printemps arabe

Les instabilités économiques, sociales se sont accompagnées d’instabilités économiques inéluctables. En 2011, l’année de l’éclatement des révoltes arabes, l’agence Geopolicity a évalué à 40 milliards d’euros les pertes économiques enregistrées en Libyen Syrien Egypte, Tunisie, Bahreïn et Yémen. Mais la situation la plus critique pendant cette première année a été celle de la Libye dont les revenus ont chuté de 84% ce qui équivaut à 7,67 milliards de dollars soit 5,5 milliards d’euros[20].

Pour prendre l’exemple de l’Egypte, les révoltes ont déclenché la fermeture de plusieurs entreprises et une diminution de la production de ces dernières. Elle a également conduit à la fermeture des banques et de la Bourse. La pauvreté a également augmenté, frappant 70% de la population égyptienne totale. Ceci implique une diminution de la croissance économique, des réserves de devises, des flux de devises étrangères. La pauvreté a entraîné avec elle, une augmentation de la dette d’Etat. Etant donné que la situation politique et sociale du pays ne soit  pas stable, le secteur du tourisme a également connu une régression[21].

L’Algérie a enregistré un renforcement du déficit budgétaire. Pour pallier aux différents problèmes relatifs aux manifestations populaires, l’Algérie a opté pour l’augmentation de salaire allant de 50% à 100%. Vu la colère du peuple, l’Etat a injecté 15 milliards de dollars pour subventionner les produits de première nécessité. Cependant, cette démarche n’a pas permis de tenir compte du salaire qui est particulièrement bas dans le domaine de l’enseignement et de la santé. Par conséquent, les dépenses publiques ont augmenté de 25%. Dans ce cas de figure, le printemps arabe a causé des déficits budgétaires qui ne permettent pas d’épargner les souches sociales les plus vulnérables.

L’Etat algérien a procédé entre autre au déblocage de 5,5 milliards de dollars pour remettre à niveau les PME et les PMI. Cependant, ceci a rajouté les charges de la Confédération nationale du patronat algérien dans la mesure où cette décision alourdit les charges foncières et complexifie la bureaucratie alors que le secteur privé représente 76% des emplois en Algérie. Outre à cela, l’Algérie est témoin de la fuite massive de capitaux. La spéculation a été renforcée sur le marché parallèle des devises. Mais les différentes observations en Algérie sont constatées aussi chez d’autres pays. Dans ce cas, les prévisions de la FMI laissent envisager une hausse des déficits budgétaires de 8%[22].

Malgré les différents impacts des manifestations sur l’économie des pays arabes, il a été montré que ces pays dans la grande majorité des cas, n’ont pas connu de régressions au niveau de leur PNB. Ceci est dû principalement à la structure de leur économie qui est faiblement mondialisée. Dans cette optique, les secteurs bancaires ne sont pas exposés à l’international. De même, la stabilité de la PNB des pays touchés par les vagues de manifestations arabes pourrait aussi être liée à la reprise du cours de pétrole en 2010, pour les pays producteurs de pétrole. Cependant, les pays dont le secteur d’activité est plus particulièrement tourné vers l’exportation, subissent de plus forts impacts de ces révolutions arabes.

A cause de l’instabilité politique dans ces pays concernés par les printemps arabes, les investisseurs étrangers hésitent ou se montrent récalcitrants pour lancer de nouveaux projets. A cause de l’insuffisance des investissements étrangers et la chute des entreprises tournées vers l’exportation, il a été observé que la balance commerciale est déficitaire pour les pays arabes non pétroliers. Ainsi, les impacts des manifestations se sont particulièrement répercutés sur les pays arabes non pétroliers.

Chez certains pays comme le Yémen et la Jordanie, une dégradation des finances publiques a été affirmée. En effet, vu la situation tendue, les gouvernements tentent de dissuader les peuples en leur proposant une paix sociale par le biais d’une augmentation des salaires des fonctions publiques contre leur répit dans le mouvement qu’ils entreprennent. Or, la situation économique ne permet pas de telles aisances, ce qui conduit à un déficit de leur PNB. D’autre part, le ralentissement économique se trouve aussi à l’origine des désordres au niveau des ressources fiscales.

Cependant, les troubles découlant des printemps arabes ne se répercutent pas seulement sur les pays arabes, mais également, sur l’économie mondiale. En effet, de telles situations pourraient impacter sur le prix du pétrole. Mais elles peuvent aussi causer un ralentissement des échanges internationaux. Dans ce cadre, l’arrêt de l’exportation du pétrole brut en Lybie a causé la hausse de 25% du prix de ce dernier en 2011. Mais dans ce contexte, l’Europe se trouve aussi affectée. Cette situation se répercute principalement sur l’Italie qui accueille les pétroles libyens[23].

D’autre part, pour amortir les chocs causés par les vagues de manifestations, les pays du printemps arabe a procédé à l’augmentation des revenus de transfert. Mais cette démarche n’est pas sans risque puisqu’elle ne permet pas de pérenniser le développement des pays surtout ceux qui ne disposent pas de ressources naturelles[24].

Il est intéressant de noter toutefois, que le printemps arabe n’a pas eu que des impacts négatifs. Il a également permis de dynamiser  certains secteurs. Pour citer l’exemple de la Tunisie, les révoltes ont permis de relancer le domaine de l’immobilier qui est devenu un élément clé du développement économique de la Tunisie après le printemps arabe. En effet, les investisseurs étrangers achètent ou louent des appartements ou des villas tunisiennes[25].

  1. La notion de justice transitionnelle
  2. Qu’entend-on par justice transitionnelle ?

La justice transitionnelle pourrait être assimilée à une démarche permettant de reconstruire une société ayant passée par des conflits armés ou qui a été soumis à un régime autoritaire. Dans ce cadre, elle pourrait être considérée comme étant une restauration de la société. Mais cette démarche nécessite non seulement de se projeter vers le futur, mais tente avant cela, de traiter le passé. Cette notion est particulièrement rencontrée dans les pays francophones d’Afrique qui traversent une crise ou qui viennent de sortir de crise. La justice transitionnelle est spécialement considérée lorsqu’il s’agit de mettre en place une justice qui tienne compte des victimes et des auteurs de violations graves du droit de l’homme. Elle vient donc comme une alternative après un long moment d’impunité des auteurs des crimes, alors que la justice ordinaire ne peut pas ou ne veut pas rendre une réponse adéquate suite à la constatation du crime. Dans ce cas, le pays doit recourir à des mécanismes judiciaires et non judiciaires permettant de répondre au contexte particulier de l’Etat. Vu sous cet angle, la justice transitionnelle pourrait être définie comme étant «  une combinaison de mécanismes judiciaires et non judiciaires pour affronter le passé, établir la vérité et mettre fin à l’impunité dans le but de favoriser la réconciliation nationale dans les pays qui sortent d’une période de conflit ou des régimes dictatoriaux marqués par des violations massives des droits de l’Homme »[26].

Pondi (2011) pour sa part, a affirmé que la justice transitionnelle correspond à « un mécanisme qui accompagne le passage d’une société donnée, vivant dans un espace temps quelconque, d’un ordre chaotique vers un ordre apaisé »[27]. La justice transitionnelle dans ce cas de figure constitue plus une contribution au progrès du droit international des droits de l’Homme et de la justice pénale internationale. Cependant, l’application du droit pourrait aussi conduire à une situation plus complexe étant donné que la justice transitionnelle pourrait impliquer une application de la Loi sous la forme de non droit qui se manifeste plus particulièrement par les amnisties, et la justification d’un « autre droit » qui vise à réparer ou à restaurer ce qui a été détruit par les conflits[28]. Les différents mécanismes de justice transitionnelle tendent entre autre à répondre aux besoins de justice des peuples opprimés[29].

La justice transitionnelle pourrait être considérée comme étant l’ensemble des stratégies mises en place dans le cadre de la gestion des impacts des conflits ou des violations des droits de l’homme. Dans cette optique, elle constitue aussi un outil d’administration de la justice et de la politique chez un pays en situation transitionnelle. La justice transitionnelle devrait donc être considérée  à plusieurs dimensions dont la recherche de la vérité, les réparations psychologiques des victimes, les réparations matérielles des dégâts causées par les violations des droits de l’homme, les réformes juridiques et institutionnelles en fonction du dysfonctionnement repéré au niveau de l’Etat. D’autre part, cette justice transitionnelle s’inscrit aussi dans le cadre de l’apprentissage des générations futures en ce qui concerne l’Histoire de leurs pays et notamment, en ce qui concerne les crises politiques, les conflits armés qui laissent toujours des traces au niveau du pays, et de son peuple.

Il faut noter entre autre, que la justice transitionnelle considère aussi la protection des populations contre les incertitudes du lendemain des conflits. En effet, la situation de départ est toujours connue tandis que la finalité des démarches entreprises n’est pas toujours évidente pour les pays qui sont en transition. Or, les instabilités au niveau politique n’est pas sans impact sur l’économie comme nous avons pu constater pour le cas des printemps arabes. Dans cet état de fait, la justice transitionnelle tente d’améliorer la situation économique de l’Etat. Enfin, cette transition couvre aussi le domaine de la responsabilisation des gouvernants en ce qui concerne la résolution pacifique des conflits et la sécurisation des réformes, de la justice et des autres Institutions de l’Etat[30].

Cette justice transitionnelle a été assimilée d’autre part à une justice impliquant une période bien déterminée de changement politique et notamment, après la répression de dictateurs. Mais l’ICTJ a aussi proposé une définition selon laquelle, la justice transitionnelle correspond à la réponse aux violations massives et systématique des droits humains, ce qui implique la reconnaissance des victimes, la promotion de la paix, la réconciliation et la démocratie. Ainsi, elle ne constitue pas une forme spécifique de justice, mais bien une justice adaptée aux contextes des différentes sociétés en pleine mutation après des situations de non respect des droits de l’homme. Dans ce cas, il existe cinq critères qui permettent de caractériser la justice transitionnelle. Il s’agit notamment de

  • La violation des droits de l’homme
  • Le financement de ces actes par l’Etat
  • Transition, transformation politique, réarrangement constitutionnelle
  • Traitement par des mesures ou des mécanismes spécifiques de la transition
  • Mécanisme ayant pour objectif d’établir la vérité, la réconciliation afin d’optimiser la transition à travers la consolidation de la paix, la garantie de la stabilité, le renforcement de la démocratie et des lois[31].

Dans cette optique, la justice transitionnelle se base sur le droit à la vérité, le droit à la justice, le droit à la réparation et les garanties de non – répétition des évènements qui se sont produits pendant la crise, en mettant en place, des réformes institutionnelles. La justice transitionnelle ne peut être instaurée à moins de mettre au point des processus de lutte contre l’impunité des violations graves des droits de l’Homme. Le concept de justice transitionnelle pourrait de ce fait, être considéré comme étant, une continuation de l’application des droits de l’Homme, en favorisant le dialogue entre les auteurs du crime, de la communauté et des victimes[32].

  • Le droit de savoir

Le droit de savoir constitue le premier pilier de la justice transitionnelle. Mais ce premier pilier peut encore être subdivisé en trois axes qui sont :

  • Le droit inaliénable à la vérité, impliquant que chaque peuple et chaque individu qui le compose a le droit de connaître la vérité concernant les évènements qui se sont produits lors de la réalisation des crimes. Ceci sous-entend également le droit de chacun de connaître l’origine des crimes. Ce premier point a pour but de favoriser l’application de la justice transitionnelle. Dans ce cas, c’est un stimulant du besoin de faciliter le droit à la justice[33].
  • Le devoir de mémoire c’est-à-dire, la connaissance par un peuple de l’histoire de ce qu’il a subi et notamment l’oppression. La mémorisation de telles situations constitue en effet, un élément clé de son patrimoine et doit dans cet état de fait, être protégée. Ceci renvoie à la nécessité de conserver les éléments de preuve incriminant les violations des droits de l’homme et du droit international humanitaire. L’Etat a donc pour obligation de faire connaître ce qui s’est réellement passé au peuple. Ceci s’inscrit dans le cadre d’une prévention contre la perpétuation de thèses négationnistes ou révisionnistes. C’est un moyen permettant de garder la mémoire collective des évènements qui se sont produits. Il est également possible de procéder à l’édification de monuments commémoratifs et de musées qui permettent de conserver les vestiges du passé[34].
  • Le droit de savoir des victimes, à leurs familles et à leurs proches. Ces derniers ont le droit de connaître la vérité concernant les circonstances dans lesquelles se sont produites les violations des droits des victimes. Au cas où la victime meurt, alors ses proches et sa famille peuvent connaître ce qui s’est passé et ce qu’il est devenu.

Le droit de savoir requiert la présence de commissions ou de mécanismes permettant de connaître les faits. Ceci implique l’intervention des commissions de vérité ou des commissions d’enquête ad hoc, la conservation des archives. Cette dernière condition nécessite l’élaboration et la mise en place de mesures techniques et de sanctions pour la dissimulation, la destruction, la soustraction ou la falsification des archives. Les archives doivent entre autre être accessibles au public et plus particulièrement, aux victimes et à leurs familles. L’accès aux archives devrait de ce fait, être plus ouvert. Dans leur démarche, le service des archives doit collaborer avec les tribunaux et les commissions non judiciaires d’enquête sans pour autant tomber dans le non respect des obligations de respect de la vie privée et de garantie de confidentialités aux victimes et aux témoins. Etant donné l’importance et la délicatesse de l’archivage, il est possible de demander l’intervention de pays tiers pour optimiser la communication, et restituer les archives pour connaître la vérité.

Dans la quête de vérité entourant les violations des droits de l’homme la société civile peut aussi intervenir pour procéder à une documentation systématique de ces violations. Elle peut donc intervenir dans le cadre de la conservation des traces et la consolidation de l’ensemble d’informations nécessaires[35].

  • Le droit à la justice

A l’instar du droit au savoir, le droit à la justice peut également être considéré à trois niveaux notamment

  • La compétence première des Etats : ce qui implique les Etats ont l’obligation de mener des enquêtes judiciaires approfondis dans les plus brefs délais. Mais dans cette démarche, ils doivent être impartiaux et indépendants. Ce droit impose aux Etats de prendre des mesures vis-à-vis des auteurs de la violation des droits de l’homme. En d’autres termes, il est de l’obligation des Etats de sanctionner les auteurs des crimes. Dans ce cadre, ils doivent mettre en place des législations internes ou de permettre aux tribunaux d’appliquer leur compétence universelle en ce qui concerne les crimes graves.
  • La compétence subsidiaire des tribunaux pénaux internationaux et spéciaux qui est considérée lorsqu’il y a un risque d’impartialité ou d’indépendance des acteurs chargés de mener les enquêtes et de retrouver les éléments permettant de connaître la vérité. Cette compétence est également effective quand le système judiciaire ne peut pas mener des enquêtes ou des poursuites ou quand ils ne veulent pas tout simplement mener ces enquêtes. Ce cas se produit quand les Etats ne disposent pas de législation interne et ne peut donc pas satisfaire aux obligations en termes de recherche de la vérité.
  • L’apport de mesures restrictives à certaines règles de droit qui favorisent l’impunité des violations graves des droits de l’homme. Les Etats doivent de ce fait, adopter et appliquer les garanties spécifiques. Cette condition concerne entre autre les mesures de clémence et l’amnistie. En effet, aucune mesure d’amnistie ne peut être accordée aux auteurs de crimes graves. De même, ils ne devraient pas bénéficier de statuts protecteurs tels que l’asile territorial, le statut de refugié dans un autre pays ou encore d’asile diplomatique. Mais ces mesures ne portent pas atteinte à la réparation due aux victimes. L’extradition des auteurs des crimes n’est applicable que dans la mesure où il risque la peine de mort dans le pays, ou dans le cas où il risque de subir lui aussi des violations de ses droits en tant qu’homme notamment, par les tortures, les disparitions forcées, les exécutions extrajudiciaires, arbitraires ou sommaires[36].

Cette règle est également appliquée quand une personne a déjà été jugée pour un crime grave selon le droit international. Pourtant, elle pourrait encore être poursuivie en justice si cette première procédure pénale vise à la soustraire de sa responsabilité dans le crime ou dans la mesure où cette première démarche n’a pas été menée de manière indépendante ou impartiale. Une personne ayant déjà paru en justice peut entre autre être poursuivie une deuxième fois en justice si le système judiciaire du pays qui l’a jugé manque de volonté de traduire la personne en justice et ce, même en constatant qu’elle a effectivement réalisé des crimes donc, susceptible d’être sanctionnée par la Loi effective[37].

  • Le droit à la réparation

Selon le droit international, les victimes de non droit peuvent demander une réparation auprès des instances nationales et internationales si besoin est. Dans ce cas, la réparation peut être accordée à l’Etat, mais aussi aux groupes lésés. En droit international, la réparation due aux victimes peuvent se faire au niveau du fonds même en faisant des restitutions, des indemnisations, des réadaptations, des satisfactions et des garanties de non répétition.

Il faut noter entre autre que la justice transitionnelle suppose aussi une réconciliation des communautés qui se sont divisées à cause du conflit. Ces réconciliations ouvrent la voie à une reconstruction sociale qui devrait aller de pair avec un développement de l’Etat.

Mais ces différentes formes de réparation doivent être accomplies par les personnes morales qui ont réalisé des violations graves des droits de l’homme. D’autre part, la réparation en droit international peut se faire aussi par une procédure permettant d’assurer la réparation de fond[38]. La justice transitionnelle pourrait se faire par des réparations compensatoires, ou par des restitutions ou de réinsertion et également des réparations symboliques qui sont remises aux victimes et /ou à leurs famille[39].

  • Le droit aux garanties de non-répétition

Ce droit implique que les Etats doivent faire en sorte que les victimes ne connaissent plus le même sort. Cette démarche s’accompagne d’un ensemble de réformes institutionnelles et des mesures qui permettent d’assurer le respect des droits de l’homme, du rétablissement, et de la restauration de la confiance de la population dans les institutions publiques. Dans cette optique, les groupes minoritaires et les femmes doivent avoir leur place dans cette démarche de non répétition de la violation du non droit. Mais les réformes institutionnelles qui sont établies dans ce cadre, ne doivent être mises en place à moins qu’il n’y ait consultations publiques pendant lesquelles, les victimes et les différentes composantes de la société civile participent.

La réforme porte aussi sur la législation, l’administration, les institutions de l’Etat pour accompagner les mesures permettant d’abolir les groupements armés non étatiques, la démobilisation, le désarmement et la réintégration sociale des enfants ayant été associés aux détenteurs de la force armée. Enfin, la mise en place de la justice transitionnelle implique aussi des réformes de lois et des institutions qui permettent de mettre fin à l’impunité[40].

La justice de transition pourrait se faire par différents mécanismes tels que la mise en place de commissions « vérité », les poursuites pénales, les réparations pour les victimes ou encore, les réformes institutionnelles et le « vetting ».

La commission de vérité permet de connaître la vérité en ce qui concerne les crimes qui se sont effectivement produits dans un Etat, leurs victimes et leurs auteurs. Cette démarche peut être adoptée dans le cadre de la formulation des réformes et des réparations aux victimes. Les poursuites pénales comme leur nom l’indique, consiste en des mécanismes judiciaires permettant de poursuivre en justice les auteurs des violations des droits de l’homme, des droits internationaux et les crimes non massifs. La poursuite peut se faire auprès de tribunaux nationaux, internationaux ad hoc ou au niveau de la Cour Pénale Internationale. Quelquefois aussi, les poursuites pénales peuvent se faire en recourant à des tribunaux mixtes ou hybrides, à des tribunaux de l’étranger à compétence universelle ou au niveau des tribunaux traditionnels.

La réparation est une obligation due aux victimes et à leurs familles à cause de la perte qu’ils ont subie. L’auteur des crimes doit dans ce dernier cas, procéder à une reconnaissance des torts qu’il a fait à l’endroit des victimes et faire un geste pour restaurer la dignité de l’homme. Ceci implique une forme de réparation qui peut se manifester par une indemnisation symbolique, matérielle ou monétaire, la restitution des biens ou de la liberté ou par la réadaptation. Les réparations peuvent être individuelles ou collectives. Ceci peut prendre la forme de programmes étatiques de réparation impliquant comme exemple l’accès privilégié aux services d’éducation scolaire, de logement et de santé. Elle peut aussi prendre la forme d’une réhabilitation communautaire.

Enfin, les réformes institutionnelles concernent les réformes des institutions qui ont conduit au conflit. Ces dernières doivent reconnaître les abus qu’ils ont réalisés, et doivent aussi mettre en place des mesures permettant aux victimes et au reste de la population de garantir que les crimes ne vont pas se renouveler dans le futur. La justice transitionnelle implique la légalité et la légitimité des institutions et l’établissement de la confiance des citoyens en ces institutions. Quant au vetting, il constitue un assainissement des institutions permettant de garantir l’intégrité de ces derniers[41].

La réforme des institutions par le biais de vetting permet d’éliminer les fonctionnaires qui font un abus de pouvoir, ou qui sont reconnus comme étant mêlés à des affaires de corruption. Certes, ces premiers comportements notamment, la corruption et les abus de pouvoir sont des actes répréhensibles qui doivent être éradiqués dans le cadre de la mise en place d’une justice transitionnelle. Cependant, ce n’est pas suffisant pour instaurer un Etat de droit. C’est la raison pour laquelle, le vetting suppose aussi que les fonctionnaires qui sont jugés non compétents soient aussi éliminés. Ces fonctionnaires peuvent appartenir à la force de police, aux services de sécurité, à l’armée, à la magistrature etc. En d’autres termes, la justice transitionnelle suppose une éradication des fonctionnaires présents dans différentes institutions publiques qui exploitent leur poste ou les avantages qu’ils tirent de leur fonction pour perpétrer l’injustice[42].

Les différents mécanismes qui sont utilisés dans le cadre de la justice transitionnelle se basent sur les différentes dimensions de la justice et sur le principe des droits universel de l’homme. Mais ils tiennent compte entre autre du droit international humanitaire et du droit international relatif aux droits de l’homme. Les réparations dues aux victimes et à leurs familles reposent sur les besoins de ces derniers[43].

  1. Les différents acteurs

La commission de vérité

Pour faire valoir le droit de savoir, la justice transitionnelle requiert la présence de commissions de vérité ou d’organisme d’enquête chargé de recueillir les dépositions, et de mener des enquêtes sur les circonstances entourant la violation des droits de l’homme. Ils se chargent entre autre de faire des recherches et des audiences publiques pour connaître la vérité. Leurs missions se terminent en général par l’établissement d’un rapport final et d’une série de recommandations. Ces acteurs ont pour objectifs de donner des explications à ce qui s’est passé. Leur présence s’avère pertinente dans la mesure où ils constituent le point de départ des poursuites pénales contre les crimes massifs. La commission de vérité semble constituer la principale méthode d’instauration de la justice transitionnelle dans un pays en situation post-conflit[44].

La commission de vérité se focalise sur les victimes et détermine l’importance et les caractéristiques des violations massives, leurs causes et leurs impacts à l’heure actuelle. Leur mission consiste donc à aider les communautés à reconnaître et à comprendre le passé par le biais des témoignages, des récits des victimes qui ne sont pas toujours accessibles à la population. Mais leur mission devrait aussi constituer un point de départ de la réconciliation. Elle est aussi à la base de la compréhension des faits qui sont à l’origine de la violation des droits de l’homme[45]. La commission de vérité est un organe officiel, indépendant et temporaire. Cette commission se charge entre autre d’identifier les victimes et leurs besoins. Ceci les permet de mettre en place des recommandations sur les Réformes qui peuvent être mises en œuvre et sur les réparations qui peuvent être envisagées. La commission de vérité a été un des acteurs intervenant au Guatemala, en Argentine, au Maroc, au Sierra Léone et en Afrique du Sud[46].

La Commission de la vérité a constitué aussi bien un espoir pour le peuple mais elle a aussi suscité du soupçon. En effet, la capacité de la Commission à rechercher la vérité autour des crimes qui se sont produits a toujours été remise en cause. Or, cela constitue le fondement même de la pertinence de la mise en place de cette Commission et de la mise en œuvre de mécanismes de lutte contre l’impunité des criminels. Le deuxième souci des peuples quant à la mise en place de cette Commission se focalise sur la notion d’impunité même. En effet, cette Commission certes, est mise en place, mais elle ne permet pas pour autant de pallier contre les possibles reproductions des évènements qui se sont produits dans le passé. La question qui se pose souvent est de savoir si les criminels vont réellement être punis ou s’ils vont au contraire, bénéficier d’une amnistie. D’autre part, la Commission de vérité devrait permettre aussi la réconciliation qui pourrait susciter l’indignation ou la peur du peuple au vu de devoir une fois de plus faire face avec les anciens oppresseurs[47].

Les défenseurs des droits de l’homme des pays concernés

Ce terme englobe des acteurs très divers étant donné que la mise en place de la justice transitionnelle implique le respect des droits de l’homme, qui est défendu par différents individus ou organisations. Nous pouvons citer comme exemple, certaines organisations non gouvernementales qui s’occupent d’accompagner les pays en situation post-conflit, dans la recherche de la vérité et de l’explication des zones d’ombres qui pourraient perdurer concernant les violations massives des droits de l’homme. Nous pouvons citer par exemple l’International Institute for Democracy and Electoral Assistance (IDEA), l’Institute for Justice and Reconciliation South Africa, etc.

Nous pouvons citer entre autre la Fondation euro-méditerranéenne de soutien aux défenseurs des droits de l’homme (FEMDH) qui offre son aide à tous ceux qui défendent les droits de l’homme dans les pays du sud-est de la Méditerranée. Leur aide peut se présenter sous forme d’appuis financiers permettant de lancer ou de continuer les activités de témoignages, de plaidoyer et de débat mais aussi pour la promotion des droits humains dans la région qui est touché par le conflit[48].

L’instauration de la justice transitionnelle n’a été rendue possible que grâce à la contribution d’organismes indépendants, non gouvernementaux qui ont donné leur appui pour soutenir les pays en période transitionnelle. Par ailleurs, la création d’ONG qui s’occupent particulièrement de cette justice transitionnelle marque la globalisation de ce concept. Nous pouvons citer comme exemple, l’ICTJ et d’autres ONG qui ont aussi contribué à l’ouverture d’institutions de formations en matière de justice transitionnelle[49].

Les institutions internationales

Certaines institutions internationales peuvent aussi contribuer à la mise en place de la justice transitionnelle dans les pays qui viennent de sortir de crise. Nous pouvons citer par exemple l’UNESCO qui  accompagne les  pays pendant la phase transitionnelle jusqu’à l’instauration d’un pays de droit et d’un pays démocrate.

  1. Les enjeux de la justice transitionnelle

La mise en place de la justice transitionnelle comporte certains enjeux. Parmi ces derniers, nous pouvons citer la création d’un environnement favorable à la mise en place de ces différents mécanismes de justice transitionnelle. Elle vise en effet à pallier à l’impunité des crimes passés alors que les auteurs de ces crimes sont dans la grande majorité des cas, des personnes très influentes et qui exercent cette influence sur les autres acteurs qui interviennent dans le cadre de la mise en place de la justice transitionnelle. Ce sont en effet, des personnes clés dans le gouvernement, des hauts fonctionnaires, des policiers, des militaires et même des responsables politiques qui sont à l’origine de violations graves des droits de l’Homme. Dans ce cas de figure, les victimes et les témoins hésitent encore à témoigner contre eux ou à entamer des poursuites à leur égard.

D’autre part, la mise en place de cette justice transitionnelle peut profiter à certains acteurs. Il n’est pas rare que les décideurs politiques exploitent l’injustice commise par d’autres décideurs politiques, ou des partis politiques, ou des victimes et des pays de la sous-région pour influencer l’opinion publique à leur profit. Les différentes influences sont fréquentes dans ces différents mécanismes de justice transitionnelle.

La mise en place de la justice transitionnelle implique la considération du temps qui sera consacré à la mise en œuvre de celle-ci. En effet, elle doit être suffisamment large pour permettre d’atteindre les objectifs initialement fixés par les acteurs. Mais elle ne doit pas non plus être trop longue de peur de perdre certains éléments essentiels de la justice transitionnelle. En d’autres termes, le temps consacré à la mise en place de cette justice transitionnelle doit être réalisable et réaliste pour pouvoir atteindre les objectifs. A part les contraintes liées au temps, il est également nécessaire de mobiliser des fonds. Or, ce dernier élément pourrait manquer dans un pays qui vient tout juste de sortir de la crise ou qui est encore en pleine crise. Les problèmes de fonds impactent en effet sur les moyens de réparation dus aux victimes et portent préjudice aussi au bon fonctionnement des mécanismes.

La justice transitionnelle pourrait donc être confrontée à des risques de déstabilisation et de manipulations politiques de la part de différents décideurs politiques. Ceci pourrait se manifester par une intimidation des témoins et des victimes. Par ailleurs, cette justice transitionnelle pourrait aussi être à l’origine du renforcement des rancœurs au sein des populations qui ont subi les oppressions. Dans ce cas de figure, au lieu de conduire à une harmonie et une justice au cœur de la société, elle va conduire à des manifestations, des vengeances et des justices publiques qui ne sont pas recherchées dans le cadre de la mise en place de la justice transitionnelle. Dans les différentes démarches d’intimidation des témoins et des victimes et dans un contexte d’influence entre les acteurs, il se peut que les victimes ne soient pas reconnues comme telles ou pire, elles sont poursuivies pour faux témoignage, ce qui conduit à une frustration de ces dernières et au renforcement de la peur, de la réticence et du manque de confiance vis-à-vis du système judiciaire[50].

Les enjeux de la justice transitionnelle peuvent donc être locaux ou globaux[51]. Ils impliquent le traitement d’un passé douloureux qui ne peut pas être évoqué sans difficulté. En effet, pour revenir en arrière, les tensions peuvent aussi ressurgir. A cela s’ajoute les heurts et les résistances des victimes ou de leurs familles à revivre le passé. Ainsi, le traitement du passé nécessite une culture de responsabilité permettant d’établir un climat de confiance entre l’Etat et les citoyens. Le contexte culturel doit être approprié et adéquat pour gérer les conflits en faisant appel à des démarches politiques et non pas par des violences. Un autre enjeu de ce retour repose sur la mise en œuvre des processus de transformation profonds impliquant la négociation, et la résolution de conflits ou encore l’accord de paix. Mais dans de nombreux cas, les accords de paix n’ont pas été respectés, conduisant ainsi à des conflits sans précédent.

Par ailleurs, la justice transitionnelle implique une certaine flexibilité pour accorder les différentes concertations et pour s’adapter aux nouveaux contextes. Cette condition permet de faire des approches ouvertes incluant l’optimisation des faits et la recherche de la vérité, l’établissement de la culpabilité individuelle, la mise en place d’une culture de la responsabilité, le rétablissement de la loi et de l’état de droit. Le traitement du passé doit s’accompagner d’un retour à la dignité des victimes mais aussi des auteurs des crimes pour respecter le droit de ces derniers et enfin, la mise en place de mécanisme de dissuasion et de prévention.

Il a été constaté d’autre part, que le contexte est différent d’un pays à un autre. Ainsi, les démarches à adopter tout comme les mesures préventives à appliquer les traitements post-conflits sont très diversifiés. L’enjeu de la mise en place de la justice transitionnelle repose sur l’adaptation des concepts et des outils de justice transitionnelle en tenant compte des besoins, des cultures et des savoir-faire de la région considérée ainsi que du contexte conflictuel.

Les mesures prises telles que la détermination des réparations qui seront données aux victimes et à leurs familles doivent être réalistes. Les différentes décisions prises dans le cadre de la mise en place de cette justice transitionnelle doivent tenir en compte non seulement des options acceptables des différentes parties, mais implique entre autre la considération de moyens humains et financiers permettant d’atteindre les objectifs[52].

D’autre part, la justice transitionnelle implique une situation transitoire, qui tente de concilier les administrateurs de la justice transitionnelle avec les anciens régimes qui sont dans la plupart des cas, les autoritaires et les violents. Vu sous cet angle, la justice transitionnelle ne permet pas d’appliquer la loi mais tend à la contourner dans ses formes ordinaires qui sont la plupart du temps, la sanction et la poursuite judiciaire. Dans cette optique, la justice transitionnelle tend plus à suspendre la loi qu’à l’appliquer. La compensation des violations de droit faites par les autoritaires prend souvent la forme d’une substitution.

Dans sa tentative à chercher la vérité, la justice transitionnelle n’arrive à établir qu’une vérité historique. Par ailleurs, l’établissement des commissions de vérité n’a pas permis d’aboutir à la connaissance de la vérité dans de nombreux cas. La vérité qui en découle n’est ni reconnue par les juges ni par les représentations politiques mais seulement par des personnalités publiques ayant un certain statut tels que les Hommes d’Eglise, les universitaires, les juristes et les travailleurs sociaux. C’est la raison pour laquelle, la justice a été fictive, irréelle dans la plupart des cas et que les procès aient été rares. Les rares qui ont eu lieu n’ont abouti qu’à des non lieux.

Les tentatives des commissions de vérité à trouver les contextes dans lesquels les violations des droits de l’homme ont été réalisées tout comme leurs démarches pour discerner et donner des réparations aux victimes se trouvent fortement limitées par la volonté des acteurs effectifs à prendre des responsabilités pour trouver la vérité. Les instances de jugements ne sont pas toujours aptes à terminer les procédures et à faire respecter leur légitimité. Alors, la justice transitionnelle pourrait être non utile puisqu’elle permet de contourner les poursuites judiciaires lancées à l’encontre des auteurs des violations des droits de l’homme, voire même jusqu’à l’évitement de ces poursuites judiciaires.

Dans ce cadre, la justice transitionnelle ne pourrait être installée pendant la période même de la transition. Il s’agit notamment d’un long processus qui demande beaucoup de volonté et de patience de la part des différents acteurs impliqués. Cette démarche pourrait de ce fait plus être considérée comme étant un moyen permettant de remettre ultérieurement à une période plus propice, l’exercice de la justice. Ce moment pourrait arriver par exemple quand les conditions politiques sont moins tendues et que le peuple aurait plus de confiance au système judiciaire. Or, dans cet état de fait, la justice transitionnelle ne peut que créer un manque, une grande faille au niveau de l’application du droit et au respect des droits. Elle ne permet pas non plus d’apporter des alternatives possibles aux situations complexes et renforce le contournement de la justice sous prétexte d’opter pour une prudence politique et une opposition aux injonctions de l’Etat de droit[53].

Mais l’enjeu de la justice transitionnelle vient surtout de la transition elle-même. Ce contexte en effet est marqué par l’incertitude politique, sociale et économique. Certes, les populations veulent passer d’un état à un autre, d’un régime à un autre, de l’autocratie à la démocratie. Mais seule la situation vécue au présent est connue alors que ce qui va se passer demain ne l’est pas. Cette incertitude pourrait se solder par la peur et les différentes confusions. La période qui a précédé les manifestations est bien connue et le peuple connaît les raisons pour lesquelles, il veut passer d’un régime à un autre, mais la question cruciale qui se pose est de savoir comment survivre après la chute d’un régime. La fluidité politique qui marque la période de transition se caractérise par la présence simultanée des enjeux et des défis car, l’issue n’est pas certaine. Les structures et les comportements sont désormais profondément changés.

Les régimes politiques mis en place pendant les périodes transitionnelles sont marqués par l’incertitude. Mais il faut noter par ailleurs, que ces régimes politiques ne sont pas toujours dénués de conflits puisqu’il s’agit d’un régime transitionnel dans lequel, les dialogues et les négociations tout comme les conflits sont ouverts. Ainsi, il s’avère nécessaire d’établir des pactes ou des règles qui permettent d’harmoniser les forces divergentes. Dans ce cadre, il s’avère très difficile d’installer un climat de sérénité, de confiance et d’entente, puisque c’est une période de tâtonnements, d’essais et d’erreurs[54].

Le concept même de justice transitionnelle semble être flou et les évènements qui se produisent pendant la transition semblent confirmer la nécessité de mettre en place des institutions démocratiques stables et un environnement politique serein donc favorable aux concertations. Si une de ces conditions n’est pas respectée, alors la justice transitionnelle pourrait se terminer par une impunité des criminels, ce qui équivaut à une injustice. Or, dans cet état de fait, la priorité de la justice transitionnelle elle-même est contestée[55].

  1. La justice transitionnelle dans les pays touchés par le printemps arabe

Etant donné l’entrée des pays du printemps arabe dans une période transitionnelle, une conférence internationale a été mise en place afin de déterminer les recommandations à suivre par les pays touchés par les manifestations. Dans ce cadre, il a été établi que les gouvernements des pays du printemps arabe doivent établir des législations relatives à la justice transitionnelle. Cela ne peut être possible à moins de procéder à une réforme des systèmes judiciaires et sécuritaires. Cette démarche implique entre autre une réduction des différences entre la législation et l’application de la justice transitionnelle. Les gouvernements des pays touchés par le printemps arabe doivent signer les traités et les conventions internationaux sur les droits de l’homme. Les gouvernements doivent aussi coopérer avec les composantes de la société civile arabe pour dynamiser le processus de justice transitionnelle. C’est ainsi, que les pays qui étaient présents lors de la Conférence ont proposé d’ouvrir un bureau régional de la Cour Pénale Internationale dans l’un des pays arabes qui a signé le statut de Rome et d’aligner par la suite, ce statut avec celui des législations arabes[56].

Dès le commencement du printemps arabe en 2011, l’UNSECO tout comme le G8 a contribué à aider les pays touchés par les manifestations dans leur transition vers un régime démocratique et respectueux du droit de l’homme. C’est ainsi qu’en juin 2011, le partenariat de Deauville a été signé à l’issue de la réunion du G8 pour aider les pays arabes dans leur transition. Dans ce cadre, les pays arabes qui s’engagent vers la transition démocratique vont bénéficier de programmes d’assistance mis en place par le FMI, la Banque Mondiale et la Banque Européenne. Dans ce contexte, la Tunisie et l’Egypte furent les premières à s’engager dans le partenariat de Deauville. L’UNESCO pour sa part, a contribué au niveau social et culturel de la démocratisation du monde arabe en renforçant la recherche de la compréhension du contexte et de l’histoire de des pays arabes[57].

Mais la mise en place de cette justice transitionnelle s’avère d’autant plus difficile que les pays du printemps arabes souffrent encore de la vulnérabilité de leur système économique et judiciaire. En effet, la justice transitionnelle implique aussi une transition économique. D’autre part, leur système démocratique est aussi complexe ce qui ne rend pas aisé la mise en place de la justice transitionnelle[58]. A cela s’ajoute le problème de l’absence de ligne directrice ou de guide qui permet de déterminer les « bonnes pratiques » qui conduisent à l’instauration de cette justice dans les pays arabes. Il manque entre autre des critères qui permettent de résoudre les zones d’ombres concernant la justice transitionnelle étant donné que le contexte dans les pays arabes soit complètement différent de ceux des autres pays.

Il s’avère aussi difficile de déterminer le sort des anciens dirigeants et des autres auteurs des crimes, tout comme les peines qu’ils doivent subir pour que les victimes ne se sentent pas lésés. Les démarches entreprises par le gouvernement ne sont pas toujours en adéquation avec celles des mouvements adoptées par les mouvements de défense des droits de l’homme, des Commissions Nationales. Les convergences d’idées conduisent souvent à des échecs et à l’indignation du peuple. Pour illustrer ce fait, nous pouvons citer le cas des protestations en Tunisie pour dénoncer la lenteur des traitements de dossiers et le non établissement de dossiers qui permettent de connaître les véritables blessés, les martyrs.

D’autre part, la mémorisation de ce qui s’est passé dans les pays touchés par les printemps arabes ne devrait se résumer par l’attribution d’une compensation financière et une réparation morale. Dans ce cas il est insuffisant de se souvenir des victimes mais encore faut-il rassurer le peuple sur le fait que les causes de ces crimes ne vont pas se renouveler. Or, pour ce faire, il faut répondre à une nécessité de transparence des dirigeants et de leurs décisions. Ceci demande une justice civile et non pas une justice militaire qui est observée dans de nombreux pays du printemps arabe. L’instauration de cette transparence nécessite une lutte aigüe contre la corruption. Or, ceci ne peut être possible à moins que le système judiciaire ne soit intègre et que les magistrats et les juges ne soient dotés de formation satisfaisante en matière de lutte contre la corruption[59].

Outre à cela, les dirigeants de la transition, conscients de ce qui s’est passé et les raisons de la colère du peuple. C’est la raison pour laquelle, ils ont pris des décisions hâtives et désorganisées dont les conséquences sur le long terme n’ont pas été calmement analysées. Par conséquent, ils ne peuvent que calmer pendant un délai très court le peuple sans pour autant assurer leurs satisfaction à long terme, chose qui pourrait, une fois de plus impacter sur la situation socioéconomique et politique du pays et qui sera une fois de plus mal considéré par le peuple.

En ce qui concerne la détermination des responsabilités, des reconnaissances des victimes et la fixation des réparations qui leurs sont dû, les critères de sélection ayant été fixés dans le passé continue à impacter sur les victimes aujourd’hui. Ainsi, les réparations ne sont attribuées qu’à certaines personnes uniquement dans les pays touchés par le printemps arabe notamment en Egypte, au Yémen, et en Tunisie. Les victimes sont catégorisées en victimes islamistes et victimes de gauche, ce qui correspond à une concurrence entre les victimes elles-mêmes[60].

Aussi bien en Egypte qu’en Tunisie, les défenseurs des droits de l’homme semblent n’avoir aucune notoriété. Les principales ONG sont désormais vulnérables et incapable de mener une quelconque action pour rendre justice à cause des poids de nombreuses années de répressions. Par conséquent, ces ONG ne disposent pas de ressources matérielles ou humaines qui leur permettent de gérer les fonds à leur disposition. Ainsi, ils requièrent le concours d’autres acteurs pour leur donner des appuis techniques et des conseils stratégiques, chose qui n’est pas aisée vu la contrainte temps et ressources[61].

Une première démarche a été entreprise par le biais du rapporteur spécial des Nations Unies dans le cadre de sa visite en Tunisie en novembre 2012 afin de faire un suivi sur l’avancement de l’Etat dans la recherche de la vérité et dans le but de fournir par la suite les différentes recommandations pouvant être proposées aux victimes et au gouvernement même. Il a affirmé à l’issue de sa visite que la mise en place de cette justice transitionnelle nécessite non seulement de considérer ce qui s’est  passé antérieurement, mais surtout, de mettre au centre des processus de réformes les victimes afin que ces dernières ainsi que le reste de la population puisse redonner confiance à nouveau aux institutions de l’Etat et qu’il soit assuré que les tragiques évènements qui ont marqué leur histoire ne se répète plus. Cependant, il a été reconnu que le pays se trouve à un tournant crucial de son histoire dans la mesure où il doit affronter la corruption et diverses répressions afin d’établir un Etat de droit[62].

La mise en œuvre de la justice transitionnelle semble être un travail de longue haleine dans les pays touchés par le printemps arabe. Si nous nous référons au cas de la Tunisie, qui a été au cœur même de la chaîne de revendications, le système judiciaire a du mal à chercher la vérité. Ceci pourrait être reflété à travers le meurtre de Me Chokri Belaïd, un défenseur des droits de l’homme. Suite à cet évènement, le barreau de Paris a été interpellé et fut représenté par le bâtonnier Christiane Féral-Schuhl. D’autre part, l’injustice continue de planer en Tunisie puisque les défenseurs de l’ancien régime Ben Ali, subissent des peines de prisons sans pourtant que leurs droits ne soit respecté[63].

Auparavant en effet, le peuple tunisien a réclamé une justice transitionnelle pour appréhender les responsables de la corruption, des détentions injustes, des tortures. Mais la justice ordinaire n’était pas en mesure de trouver les moyens pour poursuivre en justice ces criminels. C’est la raison pour laquelle, ils ont eu recours à la mise en place d’une justice transitionnelle[64].En réponse à leurs requêtes, l’Etat a seulement procédé à un jugement hâtif qui ne manque pas de soulever la colère et l’inquiétude du peuple. D’autre part, la substitution des membres de l’ancien régime par d’autres personnes n’a pas permis en effet de regagner la confiance du peuple. Les anciens comportements des dictateurs se trouvent désormais perpétrés par les nouveaux membres du régime pendant la transition. Ceci pourrait être reflété à travers le viol d’une femme par des policiers, acte qui suscite l’indignation et la méfiance du peuple quant à la fin définitive des mauvaises habitudes des dirigeants, chose pour laquelle, il s’est battu[65]. En effet, la Commission de vérité a conclu que les crimes étaient majoritairement perpétrés par des policiers[66].

Au Libye, la fin de l’ère Kadhafi a certainement été une tournure historique pour les Libyens. Cependant, dans cette période transitionnelle, le pays semble de plus en plus désorienté puisqu’il doit aller de l’avant et pour cela, il doit revenir sur les crimes du régime autoritaire. Mais il doit entre autre faire face aux impacts de la violence démographiques mise en place par la naturalisation volontaire de populations étrangères.  Dans ce cadre, les dirigeants du pays se sont trouvés dans l’obligeance de chercher un compromis permettant de mener à la voie de la réconciliation.

Mais la réconciliation nécessite aussi une amnistie, ce qui pourrait être considérée par les victimes et leurs familles, comme étant une impunité accordée aux auteurs des crimes. Et pourtant, la réconciliation n’est pas une culture de l’oubli mais une culture de la mémoire, ce qui suggère non pas l’oubli des différents évènements qui se sont produits ou de leurs auteurs, mais aussi une mémorisation du courage exemplaire des victimes. Mais dans ce cas précis, il est nécessaire de déterminer les crimes qui peuvent être amnistiés et ceux qui ne le peuvent pas. En effet, l’impunité ne permet pas l’instauration d’un Etat de droit. Or, c’est même la difficulté de mettre en place cet Etat de droit qui est source de problèmes pour les pays en situation post-conflit[67].

Pour ce faire, l’Etat libyen a commencé à chercher la vérité par le biais de la mise en place de commissions qui vont fixer les objectifs, les compétences et les contraintes temporelles dans le cadre de la mise en place de la justice transitionnelle. Il a donc procédé premièrement à définir les types de violences qui se sont produites dans le pays et de faire une analyse par différents groupes de travail. Dans ce cadre une commission sur les violences corporelles directes, une commission qui étudie sur le système Kadhafi au niveau socio-économique et notamment, en matière de corruption, d’absence d’institutions et de distribution d’argent illicite, et enfin, une commission qui travaille sur la violence démographique ont été mises en place.

Après l’établissement des différentes commissions, les groupes de travail doivent aussi déterminer les méthodes qu’elles vont adopter pour parvenir à leurs fins. Pour ce faire, il existe différentes options : confidentialité, auditions publiques, témoignage de tout ou partie de la population, enregistrement des témoignages par écrit ou par film. En tenant compte des différentes situations du pays, il a été constaté que la confidentialité et la mise en place de programme spécifique pourrait constituer une nécessité tout au moins pendant les premières années de la justice transitionnelle, pour éviter que les victimes surtout les femmes victimes d’agressions sexuelles ne se trouvent dans l’obligation de dévoiler au public leurs vie privée, ce qui équivaut à une double peine. Par ailleurs, pour collecter les informations auprès des victimes féminines, il est indispensable de passer par une formation d’enquêtrices.

La deuxième démarche de l’instauration de la justice transitionnelle consiste à déterminer les objectifs de la collecte d’informations. Dans ce cas, la connaissance des évènements qui se sont effectivement produits a pour objectif d’identifier les auteurs du crime. Mais après, la détermination des sanctions qui seront infligées aux auteurs des crimes s’avèrent encore difficile. D’autre part, la connaissance devrait aussi conduire à la détermination des mesures à favoriser à l’endroit du peuple et des victimes, de leurs familles. Dans ce cadre, il est possible de procéder à une indemnisation, une punition, une lustration ou une prévention.

Mais les différentes démarches de recherche de la vérité ne devraient pas uniquement se solder par la simple proclamation à jour des évènements qui se sont produits mais devrait entre autre conduire à l’octroi de réparations aux victimes. Cependant, cette démarche ne devrait pas conduire pour autant à la marginalisation des auteurs des crimes surtout si ces derniers font partie de l’appareil sécuritaire[68].

  • L’International Center on Transitional Justice et ses actions
  1. Présentation de l’ONG

L’International Center for Transitional Justice ou ICTJ est une organisation non gouvernementale internationale qui se focalise sur la défense des droits humains. Il a été créé en 2001 suite à l’alliance entre Alex Boraine, l’ancien vice-président de la TRC, de Priscilla Hayner, une experte des commissions de vérité et de Human Rights Watch. Il est présent dans 32 pays[69] dans le monde entier et s’impose comme partenaire des sociétés civiles, de commissions vérité ou des tribunaux, de gouvernements, des Nations-Unies, des organisations régionales et même des particuliers. Il s’implante plus particulièrement dans les pays ayant subi des oppressions et des violations massives des droits humains, ou qui sont passés par des conflits armés. Les bureaux de cette ONG se trouvent à Bogotá, Bruxelles, Le Cap, Genève, Kinshasa, Monrovia, New York, Beyrouth et Jakarta[70].

  1. Objectifs et principes de l’ICTJ

L’ICTJ a pour principale objectif de défendre le droit de l’homme et dans cette optique, elle mène des actions permettant de connaître les responsables des violations massives des droits de l’homme[71]. Dans ce cadre, elle apporte son assistance aux pays qui ont subi des oppressions et des violations graves des droits de l’homme.

Les apports de l’ICTJ dans le domaine de la défense des droits de l’homme peuvent se faire par des démarches judiciaires et non judiciaires. Dans ce cadre, sa démarche peut être générale, globale ou localisée pour poursuivre les coupables, documenter et connaître les violations qui se sont effectivement passées au sein de l’Etat. Elle organise de ce fait, les commissions de la vérité, et procède à la réforme des institutions qui pourraient faire un abus de pouvoir dans le but de cacher la vérité. Enfin, les approches de l’ICTJ tentent aussi de donner des réparations aux victimes tout en favorisant le processus de réconciliation[72].

  1. Les principales actions de l’ICTJ

L’ICTJ accompagne les pays qui sont en situation post-conflit ou qui ont subi des graves violations des droits de l’homme dans le cadre de la mise en place de la justice transitionnelle. Ainsi, l’organisation met en place des opérations qui permettent le perfectionnement de l’application de la justice en fonction du contexte. Nous avons évoqué en effet, que les différents cas de transition ne peuvent aucunement être transposés puisque chaque cas est unique. Dans ce contexte, il est plus difficile d’appréhender et de décider de la bonne solution et de l’alternative la plus adéquate pour permettre la mise en place de la justice transitionnelle au sein d’un pays. C’est la raison pour laquelle, l’ICTJ mène des enquêtes  en Afghanistan, au République Démocratique du Congo, de la Colombie pour connaître les différentes violations des droits de l’homme perpétrés dans le passé.

L’ICTJ mène différentes stratégies dans les pays qui sont en situation post-conflit et lancent des recherches en matière de justice transitionnelle. Il propose aussi un accompagnement aux pays passant par une période transitionnelle et propose des méthodologies pour différentes commissions, tout en menant des séminaires, des ateliers pour le passage du pays vers la démocratie[73].

L’étude de ces différents cas et les expériences qu’elle tire du passé lui permettent entre autre de discerner les différentes opportunités qui pourraient se présenter dans le futur. Ces différentes opportunités devraient conduire à la construction de la paix dans les pays en situation post-conflit. Mais dans cette démarche, l’ICTJ coopère avec de nombreuses entités pour lutter contre l’impunité des crimes et pour élaborer des approches innovantes permettant de résoudre les conflits.

La restitution du droit à la parole aux victimes constitue une autre activité de l’ICTJ. Dans cette optique, elle mène des enquêtes dans différents pays comme l’Ouganda ou la Colombie pour collecter les différentes perceptions et les avis des victimes quant à la notion de justice et de paix. En effet, la paix à laquelle aspirent les victimes n’a pas toujours une acception qui coïncide avec l’acception des dirigeants ou des acteurs externes d’où la nécessité de leur faire parler pour pouvoir répondre à leurs besoins et à leurs attentes. Cette démarche lui permet aussi d’établir le lien entre la justice transitionnelle et la construction de la paix.

L’ICTJ procède aussi à une étude des tendances afin de pouvoir établir au sein du pays, les fondements de la justice transitionnelle avant même que le pays n’entre dans la période transitionnelle. La présence de l’ICTJ permet de faire un suivi régulier de la tendance et d’établir des liens régionaux qui permettent d’anticiper les transitions au moment et au lieu où elles vont se produire.

Cette ONG se lance entre autre à la recherche de la vérité et à l’étude des possibles impacts des abus et des violations des droits de l’homme sur les femmes et les enfants dans le but de trouver la bonne démarche qui permette d’aborder les violations commises dans le passé. Dans sa démarche pour instaurer la justice transitionnelle, l’ICTJ se montre particulièrement vigilant en ce qui concerne les réparations dues aux victimes. En effet, elle a constaté que dans la plupart des cas, les victimes ne reçoivent aucune compensation ni une quelconque forme de réparation. Celles qui ont eu de la chance ne reçoivent que des réparations symboliques. En plus, ces réparations ne sont attribuées que des années après les évènements, ce qui pourrait contrarier les victimes et leurs familles.

Ce comportement pourrait entre autre être considéré par les victimes comme étant un oubli ou le manque d’attention accordé à ce qu’elles ont subi, ce qui fait que souvent, elles n’acceptent pas les retours des anciens dictateurs ou les prises de décisions en ce qui concerne les droits de ceux, qui ont été jugés coupables de violations de droits de l’homme. Il est évident, que de telles situations ne permettent pas de construire la paix dans le cadre du programme de désarmement, de démobilisation et de réinsertion (DDR), permettant la mise en place de justice transitionnelle par le biais de la construction de la paix après conflits.

C’est dans cette optique, que l’ONG s’est lancé dans une enquête auprès des victimes des agressions de l’Armée de la Résistance du Seigneur (ARS) en Ouganda afin de connaître les besoins et les attentes des victimes. A l’issue de son enquête, l’ICTJ a pu conclure que dans plus de la moitié des cas, les victimes attendent une réparation sous  forme d’une assistance qui devrait se présenter sous forme d’indemnisation financière et de nourriture. Outre à cela, les victimes souhaitaient la poursuite en justice des membres de l’ARS pour les crimes qu’ils ont perpétrés.

D’autre part, elle analyse la problématique de la question de parité entre les hommes et les femmes dans le cadre de la réparation. Dans certains pays en effet, l’égalité des sexes n’est pas de rigueur ce qui fait que les femmes ne bénéficient pas des mêmes faveurs que les hommes alors qu’ils ont tous été victime de non droit. L’ICTJ a particulièrement cherché les démarches permettant de maximiser les réparations dues aux femmes et à leurs familles.

Elle contribue aussi au vetting par exemple dans la République Démocratique du Congo, à l’Haïti et au Libéria où elle a mis l’accent sur la nécessité de procéder à une réforme du secteur de la sécurité. Elle a contribué au relèvement de leur fonction des militaires et des policiers qui ont été jugé responsable de violations de droits de l’homme.

L’ICTJ intervient à chaque niveau d’établissement de la justice transitionnelle. Au niveau de la poursuite judiciaire des auteurs des crimes, elle veille à ce que cette poursuite soit apte à restituer la dignité des victimes. C’est la raison pour laquelle, elle coopère avec d’autres organismes judiciaires en partageant avec ces derniers l’analyse des efforts dans le cadre de poursuite judiciaire nationale en Indonésie ou en Mexique. Ce travail s’accompagne d’une évaluation des tribunaux hybrides au Cambodge, Kosovo, Sierra Leone et Timor-Leste. L’ICTJ collabore notamment avec la Cour Pénale Internationale et aussi avec des spécialistes qui vont faciliter les analyses pour lancer une poursuite judiciaire à travers le monde.

Dans le cadre de la recherche de la vérité, l’ICTJ offre son soutien aux acteurs qui se lancent dans l’enquête pour connaître la vérité concernant les abus de l’Etat et les abus non étatiques. Elle cherche à faciliter la mise en place de la Commission de la vérité afin que celle-ci soit efficace pour mener des enquêtes impartiales et parvenir à trouver la vérité.

Au niveau du respect de la mémoire, l’ICTJ tente de faire des formes de commémorations, des outils indispensables à la mise en place de la justice transitionnelle à travers un dialogue et démocratique concernant le passé. Dans ce cadre, elle participe à des débats avec d’autres organisations qui œuvrent pour faire respecter le droit de l’homme. A travers ces dialogues, le centre donne des propositions en ce qui concerne les formes de commémoration qui pourraient être mises en place.

Cependant, les expériences de l’ICTJ lui permettent de connaître que les mécanismes de justice transitionnelle ne sont pas uniquement nécessaires pour les pays post-conflits et les pays qui présentent une instabilité politique, mais également, pour les pays qui jouissent d’une certaine stabilité. Dans ce cadre, le Canada et les Etats-Unis ont sollicité les services de l’ICTJ pour ouvrir les enquêtes concernant des zones d’ombres qui sont passées sous silence au fil des années. C’est le cas par exemple de l’enlèvement de nombreux enfants au Canada, pour les établir dans des écoles résidentielles où leur identité fut reniée. Aux Etats-Unis, où la démocratie est déjà considérée comme étant bien établie, la persistance du racisme et de la politique d’exclusions est un fait établi. Dans ce cadre, les actions de l’ICTJ ont permis de voir que l’Etat Canadien a lancé des processus de recherche de la vérité et a consenti à verser des indemnités pour les survivants des écoles résidentielles indiennes en guise de reconnaissance de leur culpabilité dans le cadre de l’enlèvement de ces enfants.

L’ICTJ contribue entre autre au lancement de programmes de bourse sur la justice transitionnelle. Ces bourses sont attribuées à des défenseurs, des étudiants et des spécialistes qui sont issus des pays en transitions. Elles sont destinées à fournir aux boursiers, de plus amples connaissances concernant les stratégies à adopter après les conflits ou le régime répressif pour créer une société plus juste, plus démocratique et plus pacifique dans leur pays d’origine. Des stagiaires internes et externes viennent renforcer les différentes démarches de l’ICTJ dans l’instauration de la justice transitionnelle[74]. Les résultats de ces enquêtes et les manuels qui sont réalisés par le centre sont diffusés dans les universités et les praticiens de l’intervention internationale[75].

  1. Les interventions de l’ICTJ dans les pays affectés par les printemps arabes

David Tolbert qui préside l’ICTJ a conclu que la recherche concernant les zones d’ombres en ce qui concerne les violations des droits de l’homme dans le passé arabe pourrait constituer une voie pour consoler les victimes et permettre aussi à ces peuples de redonner leur confiance aux institutions et au nouveau gouvernement qui sera mis en place après la transition. C’est ainsi, que le président de l’ICTJ a demandé ouvertement l’accès aux archives d’Etat pour connaître la vérité autour des évènements qui ont conduit aux révoltes des peuples arabes. Ceci a permis à cette ONG de faire un compte rendu objectif et public du passé mais surtout, de révéler que l’Egypte et la Tunisie dans les années à venir pourraient être moins exposées à l’autoritarisme. Le combat des peuples pour instaurer un Etat de doit et de démocratie pourrait constituer un pilier à la consolidation de la démocratie une fois que celle-ci sera acquisse.

Etant donné que les actions de l’ICTJ ne consistent pas uniquement à retracer la vérité, mais surtout, de donner une réparation aux victimes de violations de droits, des demandes de justices ont été réalisées par les victimes ou leurs proches. C’est ainsi que les alliés les plus proches de H. Moubarak ont été inculpés et qu’un mandat d’arrêt international ait été signé contre Ben Ali.

Suite aux actions de l’ICTJ, le Conseil suprême des forces armées égyptiennes a procédé à la dissolution de la l’ancien Parlement pour éliminer notamment, les proches de l’ancien régime, qui suscitent la méfiance du peuple. Outre à cela, les tentatives de destruction des archives ont été punies et leurs auteurs ont été appréhendés. Puisque les documents les inculpant sont retrouvés, de nombreux auteurs de violations de droits de l’homme sont aujourd’hui fortement menacés de subir des poursuites judiciaires, qu’ils soient des hommes d’Etat ou non. Dans ce cadre, des appels à juger sont lancés contre Bachar al-Assad en Syrie. En Tunisie, trois commissions d’enquête ont été ouvertes pour connaître la vérité et promouvoir la réconciliation sans pour autant se pencher vers l’impunité des coupables[76].

L’ICTJ a regroupé sous l’appellation Programme du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord (MOAN), les démarches qui permettent de renforcer les efforts d’éradication de la culture de l’impunité et l’apport de changement démocratique dans cette région. Ce programme a été déjà lancé depuis l’automne 2003. Il attribue une assistance juridique et technique, des analyses comparatives et des conseils en ce qui concerne la politique qui devrait être mise en place par les gouvernements et aussi des recommandations pour les acteurs de la société civile. Pour ce faire, l’ICTJ est déjà entré en partenariat avec des acteurs locaux pour lancer des stages de formation en ce qui concerne les stratégies à mettre en place dans le cadre de  changements des régions du MENA vers la démocratie[77]. Cependant, ceci n’a pas abouti à la répression des violations massives des droits de l’homme.

  1. Avantages et limites des actions de l’ICTJ

Les actions de l’ICTJ ont permis aux victimes de s’exprimer et de lutter contre l’impunité des auteurs de violations des droits de l’Homme. Dans le cadre du lancement du programme The forgotten voices destiné plus particulièrement à recueillir les perspectives, les besoins et les exigences des victimes, l’ICTJ a mis en lumière les différents enjeux et les perspectives des victimes. Ces dernières ont pu s’exprimer plus librement étant donné qu’il s’agisse d’une ONG et qui ne nécessite pas de ce fait, le dialogue ou la consultation avec les acteurs officiels. Ces derniers suscitent en effet, la méfiance et la réticence des victimes à parler du passé[78].

Elle a également contribué à l’éducation à la justice transitionnelle afin de former de nouveaux experts en la matière[79]. C’est dans cette optique, que le centre a mis en place avec la coopération de l’Union Européenne à la formation des éditeurs de presse dans leur démarche d’information du public en matière de justice transitionnelle afin qu’ils aient les compétences requises pour améliorer leur pratique dans la rédaction des rapports et des articles notamment en ce qui concerne le mécanisme de justice transitionnelle[80]. Or, les médias constituent des moyens permettant d’apprendre très vite et de véhiculer des informations au public, ce qui fait que les actions menées par l’ICTJ pourraient plus sensibiliser le peuple et les dirigeants en matière de justice transitionnelle.

Les actions menées par l’ICTJ dans le cadre de la mise en place de la justice transitionnelle ne ciblent pas uniquement les dirigeants ou les personnes ayant un certain statut au sein du pays. Les actions de l’ICTJ permettent de donner des bénéfices à la Nation en matière de respect des droits de l’homme, en matière de démocratie et de lutte contre l’impunité. Ces démarches permettent entre autre d’attribuer des avantages aux victimes dans la mesure où ces dernières peuvent gagner des réparations et la reconnaissance qu’elles sont bien des victimes, chose, qui pourrait les soulager ou soulager leurs familles. Mais les actions de l’ICTJ permettent aussi de cibler les plus jeunes afin que ces derniers soient sensibilisés en matière de justice transitionnelle. Ceci se fait particulièrement par le programme Children and Youth[81].

Les actions menées par l’ICTJ a permis la reconnaissance des victimes et la mise en place de réparations à ces dernières et à leurs familles. Mais ces démarches ont également permis de rechercher la vérité et d’identifier les auteurs des crimes. En avril 2013, le verdict est tombé concernant les principaux chefs d’accusation pour les crimes contre l’humanité et le génocide qui a eu lieu au Guatemala de 1982 à 1983, perpétré par le dictateur José Efrain Ríos Montt. Le dictateur a été reconnu responsable du meurtre de 1 771 indigènes maya au Guatemala. Le dictateur doit désormais purger une peine de 80 ans en prison[82]. Ceci pourrait encourager les différents acteurs nationaux et internationaux à toujours respecter les droits fondamentaux de l’Homme.

L’ICTJ cherche à trouver des moyens permettant de mettre en place la réconciliation et à donner aux victimes qui ont été reconnues, des réparations qui peuvent se présenter sous différentes formes, il a été constaté que ses actions se heurtent souvent au refus des acteurs internes du pays dans lequel il travaille pour faire émerger la vérité ou pour instaurer la paix. Devant les règlements internes et les manipulations des différents textes de lois, voir même, devant la réticence de certains acteurs, les actions de l’ICTJ semblent être limités.

Pour illustrer ce fait, nous allons prendre l’exemple de l’action de l’ICTJ pour instaurer la justice transitionnelle dans le cadre du conflit ayant opposé les Turcs et les Arméniens au 20ème siècle. Ce conflit s’est produit le 24 avril 1915, à Constantinople lorsque 600 notables arméniens ont été assassinés sur ordre du gouvernement ottoman. Ce fait a déclenché le génocide qui s’est soldé par la mort de 1,2 millions d’arméniens en Turquie.

Quelques années après le massacre, quand la République Turque a été établie, le gouvernement turc a fortement nié sa responsabilité dans cette tuerie[83]. Dans cette optique, l’ICTJ a mené des actions afin de réconcilier les deux parties, en établissant le TARC (Turkish Armenian Reconciliation Commission) en juillet 2001. Cette commission spéciale est formée par les représentants des sociétés civiles turques et arméniennes. En 2003, l’ICTJ a fourni au TARC des éléments d’analyse du sujet concernant le génocide[84]. Et pourtant la tentative de mise en place d’une commission de réconciliation turco-arménienne a échouée. En effet, les Arméniens qui se sont lancés dans le dialogue de réconciliation avec les Turcs, jugés comme étant les principaux commanditaires du génocide ont été menacés et qualifiés de traitres par leurs compatriotes. Suite à de telles menaces et accusations, les Arméniens qui ont voulu au départ poursuivre le dialogue se sont rétractés[85].

Par ailleurs, les différentes actions menées par l’ICTJ ont été remises en cause par les deux parties. Dans ce cadre, nous pouvons citer les réticences d’un représentant de la société civile turque, Gunduz Aktan de suivre les directives ou d’adhérer aux actions de l’ICTJ. Il a contesté les actions de l’ICTJ sous prétexte que l’étude menée par ce dernier pour connaître la vérité autour du génocide arménien n’était pas légalement lié à la Turquie ou à l’Arménie. Il a soulevé par ailleurs l’article 28 de la convention de Vienne relative aux traités qui stipule que les sanctions pénales ne peuvent se baser que sur des lois existantes. C’est ainsi que ce membre du TARC a sollicité le recours des gouvernements turcs et arméniens au Cour de Justice à Hague.

Outre à cela, Gunduz a aussi renié la responsabilité du gouvernement turc dans cette tuerie en affirmant que cet évènement ne constitue pas un génocide dans la mesure où les Arméniens qui s’installaient en Turquie formaient des groupes qui allaient lutter contre l’indépendance nationale. Il a clamé l’implication d’autres acteurs internationaux et notamment, celui du gouvernement allemand dans ce conflit qui a opposé la Turquie et l’Arménie[86]. Cet exemple nous permet de dire que les actions de l’ICTJ peuvent se heurter parfois au refus des deux parties qui se sont opposés dans le passé à faire des démarches permettant de se réconcilier qui pourtant, constitue un pilier de la justice transitionnelle. Dans ce cadre, le centre semble n’avoir aucun pouvoir devant les refus des acteurs concernés.

Dans la même suite d’idée, les différentes tentatives de l’ICTJ à mettre en œuvre des commissions de vérité se heurtent souvent à l’appréhension du peuple. Dans cette optique, nous pouvons citer comme exemple l’établissement du TRC (Truth and Reconciliation Commission) à Lomé où la guerre civile a fait rage pendant dix ans. Mais les activités de la commission ont conduit à l’accord d’amnistie pour toutes les parties, chose qui a été très mal vue par ceux qui se considèrent comme étant des victimes[87]. Bien que les décisions proviennent de la commission de vérité il a été constaté dans ce cas de figure, les actions menées par l’ICTJ pourraient être interprétées par les victimes et leurs familles comme étant une tentative pour étouffer la vérité et pour mettre en place un Etat où l’impunité règne.

  1. Partie empirique
  2. Approche méthodologique
  • Présentation du pays étudié

Dans le cadre de notre étude, nous allons analyser plus particulièrement les actions de l’ICTJ en Tunisie, qui a été au cœur même des révoltes arabes mais qui bénéficie aussi d’une longueur d’avance par rapport aux autres pays touchés par le printemps arabes.

  1. Contexte politique

La Tunisie est une république. Dans ce cadre, le pouvoir législatif est détenu par la Chambre des députés et de la Chambre des Conseillers. Cette dernière est composée par des élus au niveau régional ou national ou encore désigné par le Président. Ce dernier est élu au suffrage universel pour un mandat de cinq ans. La Tunisie en 2010 comptait sept partis politiques dominées par le Rassemblement Constitutionnel Démocratique ou RCD, le MDS qui est le parti au pouvoir et enfin le parti Ettajdid, une partie communiste. La fête de la République est célébrée fréquemment le 7 novembre, date d’investiture de Ben Ali.

La Tunisie montrait jusqu’au jour de l’explosion des révoltes arabes, une bonne stabilité politique. En effet, elle faisait preuve d’une bonne politique étrangère qui se traduit par le pacifisme. Elle avait de bonnes relations avec le reste du monde arabe. Elle maintient entre autre de bonnes relations avec les pays membres de l’Organisation de l’Unité Africaine (OUA). Pour montrer sa progression en matière de politique étrangère, la Tunisie est le seul pays disposant d’un secrétaire d’Etat chargé des Affaires maghrébines, arabes et africaines. Par ailleurs, le président Ben Ali est intervenu dans la résolution de nombreux conflits notamment en Somalie, en Angola et au Mozambique.

La même stabilité est observée en ce qui concerne la relation de la Tunisie avec l’Europe. Les relations étaient principalement d’ordre économique. Dans ce cadre, la Tunisie entretenait des relations privilégiées avec la France, l’Allemagne, l’Italie, l’Espagne et le Portugal. En contrepartie, de nombreux Tunisiens séjournent dans ces pays. Ces relations entre la Tunisie et les pays européens résultent entre autre des histoires anciennes entre la France et la Tunisie, et entre elle et l’Italie. Mais les démarches du président Ben Ali à protéger les relations avec les pays européens avaient un objectif à long terme d’être admis au sein de l’Union Européenne[88].

Depuis l’arrivée au régime d’Habib Bourguiba, la Tunisie a joui d’une certaine stabilité politique marquée par une mise en place d’un Etat plus moderne qui tient compte de l’égalité des individus. Cet Etat mis en place par Bourguiba s’est imposé comme un étant constitutionnel et démocratique. Mais cette apparence extérieure cache la réalité d’un régime autoritaire et paternaliste. Ce régime a été marqué par la formation de réseaux clientélistes sur lesquels s’appuie le régime.

Mais ce régime autoritaire a été continué sous le régime de Ben Ali. Le nouveau régime instauré par l’ancien président Tunisien Ben Ali se caractérisait par le manque de transparence en ce qui concerne son fonctionnement. Un semblant de libéralisme a conduit à la « déresponsabilisation et à la dépolitisation des citoyens ». Le manque de transparence est reflété à travers le non respect de la loi, la concentration du pouvoir sur le président de l’époque et l’explosion de la corruption[89].

Après le départ de Ben Ali, le contexte politique a complètement changé. Evidemment, un gouvernement de transition a été mis en place. Ce dernier a mis en place trois décrets-lois qui permettent d’indemniser les dommages issus de la révolution, l’accord de soutien aux entreprises qui ont subi les impacts négatifs de la révolution, le soutien aux victimes et les dédommagements dus aux entreprises touristiques[90].

L’explosion du printemps arabe a mis un terme au règne de Ben Ali en 2011. Depuis, le pays a sombré dans une crise politique marquée par de profondes instabilités et des incertitudes. Les révoltes ont conduit à la mise en place d’un parti islamiste. Mais l’issue réelle de cette situation politique reste encore inconnue[91]. Une démarche permettant de rétablir l’ordre a été entrepris lorsque les principaux partis existants au pays ont conclu un accord en ce qui concerne le régime politique ainsi que le système électoral[92].

Le 14 janvier 2011, suite aux vagues de protestations du peuple tunisien, le président Ben Ali a fui en Arabie Saoudite. Après son départ, le mouvement islamiste Ennahda a été légalisé. Il est présidé par Rached Ghannouchi qui est enfin revenu après son exil. Le même mois, le parti de Ben Ali, la RCD (Rassemblement Constitutionnel Démocratique) a été dissout. En octobre, le pays a procédé à des élections libres au sein de l’Assemblée constituante où l’Ennahda, le mouvement islamiste a remporté 89 sièges sur 217. Et le 12 décembre 2011, Moncef Marzouki, a remplacé le président sortant. Le nouveau président Tunisien a choisi comme chef du gouvernement le 14 décembre 2011, Hamadi Jebali. Les évènements qui se sont produits pendant l’année du départ de Ben Ali est marqué par la montée au pouvoir du mouvement islamiste. Certes, le président est laïc mais il a choisi une premier ministre, le n°2 d’Ennahda.

Les répercussions de ce changement se sont fait sentir dès la première année qui suit le départ de l’ancien président Ben Ali. Le changement exigeait l’établissement d’une nouvelle constitution. Mais Ennahda n’a pas inscrit la Charia dans la future constitution. Au mois de juin, la mouvance salafiste renforcé par des casseurs ont attaqué plusieurs villes sous prétexte que des œuvres qui offensent l’Islam ont été perpétrés. Leurs attaques ont conduit à la mort d’une personne et à une centaine de blessés. Un peu plus tard, en septembre 2012, des manifestants islamistes ont attaqué l’ambassade américaine à Tunis après la diffusion d’un film islamophobe.

D’autre part, le nouveau régime en place n’a pas pu rétablir l’ordre avec l’émergence de plusieurs manifestations et plusieurs désordres. La population tunisienne pour sa part, non satisfait de ce qui se passe dans leur pays, commencent aussi à se manifester à Sidi Bouzid, lieu historique qui a vu l’immolation de Bouazizi. Alors que les manifestations avaient pour origine de dénoncer la pauvreté, les souffrances et l’oppression du peuple, il a été constaté que le départ de l’ancien président n’a pas suffi pour rétablir l’ordre. La vie sociale, économique et politique après les vagues de manifestations n’est pas toujours rétablie. Ainsi, le peuple a manifesté contre la pauvreté, les coupures d’eau devenues trop fréquentes et des retards des salaires.

Alors que le but des mouvements du printemps arabe était d’établir un Etat démocrate, les manifestants ont  été poursuivis et dispersés par la force de l’ordre le 5 octobre 2012. Les conflits se poursuivent jusqu’à Siliana du 27 novembre jusqu’au 1er décembre. Ces derniers se sont soldés par la blessure de 300 personnes. La colère du peuple contre les dirigeants ont été manifestes lorsqu’il a jeté des pierres aux dirigeants lors de la célébration du deuxième anniversaire de la révolution arabe le 17 décembre 2012. Les conflits entre manifestations et les policiers ne cessent même jusqu’en 2013[93].

La paix n’a pu être restituée en Tunisie. Les violences règnent entre les manifestants et les force de l’ordre. Par ailleurs, la tension monte entre les dirigeants et les opposants. Dans le cadre de l’établissement d’une nouvelle Constitution, le mouvement islamiste au pouvoir tout comme l’opposition n’arrivent pas à se mettre d’accord sur le contenu de la future constitution. En effet, soutenu par le syndicat UGTT, Ennahda, majoritaire au pouvoir tunisien actuel veut mettre en place un gouvernement apolitique. Or, l’opposition pour sa part clame la nécessité de mettre en place un gouvernement de technocrate, ce qui suppose la démission du cabinet actuel avant d’entamer le dialogue concernant la Constitution et les élections[94].

La colère du peuple a encore pris de l’ampleur quand le leader de l’opposition Chokri  Belaïd a été assassiné par balles le 6 février 2013. Belaïd dirigeait alors le Mouvement des patriotes démocrates qui clame pour la lutte des classes. Mais il a aussi rejoint le Front Populaire ce qui lui a permis de côtoyer des partis politiques de gauches, des nationalistes, des écologistes et des intellectuels indépendants. Etant donné que Chokri  Belaïd était une figure de l’opposition tunisienne, les proches de ce dernier ont tout de suite accusé l’Ennahda qui se trouve au pouvoir actuellement d’être l’auteur de son meurtre[95]. Mais il ne fut pas le seul à être assassiné. Mohamed Brahmi connaît le même sort que lui. Par ailleurs, les dirigeants craignent fort les divisions internes suite aux meurtres des deux hommes[96]. La mort des deux opposants impactent négativement sur la stabilité politique au Tunisie. Les vagues de protestations suite à la mort de Chokri  Belaïd a conduit en effet à la dissolution du premier gouvernement ayant été dirigé par Ennahda. Par la suite, le meurtre de Mohamed Brahmi a aussi entraîné des tensions politiques[97].

De son côté, le Premier Ministre tunisien Ali Larayedh met le crime des opposants au mouvement salafiste Ansar Ashariaa qu’il accuse d’être lié à l’AQMI (Al Qaïda au Maghreb Islamique), un groupe terroriste. C’est ainsi qu’Ansar  Ashariaa est classé par le gouvernement tunisien actuel de terroriste. Cependant, le Premier Ministre n’a pas accusé la totalité du groupe d’être l’auteur des crimes[98].

D’autre part, au sein de l’Assemblée constituante qui est sensée mettre en place dans les plus brefs délais la nouvelle Constitution qui va régir la Tunisie, trois partis existent et forment la Troïka. Certes, Ennahda a eu plusieurs sièges cependant, ce parti n’a pas obtenu la majorité absolue ce qui l’a contraint à s’allier avec les partis de centre-gauche notamment, le Congrès pour la République (CPR) et l’Ettakatol. Mais l’Ennahda a connu un schisme lorsque des salafistes qui veulent mettre en place un régime où l’Islam et la Charia sont rigoureusement appliquées ; et un autre courant de pensée regroupant les intellectuels[99].

Ces différents évènements montrent que la vie politique en Tunisie est loin d’être stable et risque de ne pas se stabiliser rapidement. Le pays connait une impasse et n’arrive pas à contrôler les violences qui sévissent au même titre que la colère du peuple qui s’amplifie de jour en jour. Or, de telles situations impactent toujours sur la situation économique et sociale d’un pays. C’est la raison pour laquelle, les représentants des différentes organisations patronales et syndicats se sont réunis en urgence pour clamer la fin de la crise politique au pays. Mais ces acteurs ont aussi demandé le départ du gouvernement actuel pour être substitué par un gouvernement de transition regroupant des compétences nationales. En effet, ces acteurs pensent que l’accroissement de la violence actuelle vient de l’incapacité du gouvernement en place à maîtriser la situation. Ainsi, un nouveau gouvernement serait plus prédisposé à rétablir l’ordre et la sécurité au pays. Les représentants du patronat tunisien montrent par ailleurs leur angoisse quant à la prolifération des attentats terroristes[100].

  1. Contexte démographique

La Tunisie a joui depuis le 20ème siècle, d’une croissance démographique qui fait que la population tunisienne soit effectivement jeune. Mais elle est aussi une population urbaine et côtière. La population se concentre de ce fait dans ces régions. La Tunisie montre par ailleurs, une inégalité au niveau de la répartition de la population qui est particulièrement importante dans la région Nord-est et la région du Grand Sahel. Comme dans n’importe quel pays maghrébin, la Tunisie se caractérise aussi par des vagues de migrations internes qui sont particulièrement localisées au Nord Ouest et le Centre Ouest Tunisien. Le district de Tunis, du Grand Sahel constitue les principales zones d’accueil, de transit et de migration internationale.

Bien qu’il soit un pays islamique, la Tunisie a déjà fait des avancées en ce qui concerne le statut de la femme. Désormais, au pays, le planning familial est autorisé. Ceci a conduit à la diminution du nombre d’enfants en Tunisie. Mais la population  active actuelle est encore composée d’individu des générations 50, 60 et 70. Cette population active est concentrée particulièrement dans les régions côtières au niveau desquelles, la migration interne est intense.

Les flux migratoires internes se sont aussi renforcés après l’indépendance de la Tunisie. L’exode rural est localisé particulièrement au Nord Est du pays notamment à Tunis, au Centre Est, dans le Grand Sahel et dans le Sud Est, trois régions côtières qui se rapprochent des îles italiennes de Pantelleria et de Lampedusa, en Italie, ainsi que de l’île de Malte.

Tunis, qui est la capitale de la Tunisie pour sa part se caractérise par l’urbanisme. La croissance démographique y est très élevée compte tenu de la vague migratoire interne vers elle. Entre 1994 et 2004, Tunis a accueilli 357 045 personnes. Sfax  a accueilli 77 920 paysans qui ont perdu leur gagne-pain suite à la non-rentabilité du secteur agricole. Le Sud subit aussi une vague migratoire importante après la création des pôles touristiques à Djerba et à Zarzis. Le Sud ouest enregistre des départs fréquents. Le Sud Est pour sa part, constitue une région de migration interne intercommunale, interrégionale et internationale[101].

Au mois de mai 2009, la Tunisie comptait 10 420 400 habitants et enregistrait une augmentation de 105 900 habitants par rapport au nombre d’habitant l’année précédente. Le taux d’accroissement démographique était de 1,03%. Les données statistiques laissent voir que la population tunisienne est dominée par les femmes qui sont au nombre de 5 214 400 contre 5 206 000 hommes, soit une différence de 8400. La diminution du nombre d’hommes en Tunisie vient principalement de l’émigration extérieure et de l’allongement de l’espérance de vie chez les femmes.

La Tunisie se démarque entre autre par sa jeunesse. Les personnes âgées entre 15 et 59 ans constituent 66,3% de la population totale. Les personnes âgées de plus de 60 ans ne représentent que 9,8% de la population. Les enfants âgés entre 5 et 14 ans pour leur part représentent 15,9% de la population, mais cette proportion est faible par rapport à celle de l’année précédente. Les enfants âgés de moins de cinq ans représentent 8% de la population. Cette proportion a stagné depuis 2004. Le taux de croissance démographique est estimé à environ 1%[102].

En 2012, les moins de 14 ans représentaient 23,2% de la population ; tandis que les personnes âgées entre 15 et 64 ans représentent 69,3% de la population et les personnes d’âge avancé ( 65 ans et plus) représentent 7,5% de la population. Le taux de natalité est de 17,28 naissances pour 1000 habitants selon les estimations faites en 2011.

Le taux de mortalité est de 5,87 pour 1000 habitants. Le taux de migration nette représente moins de 1,78 immigrant pour 1000 habitants. La Tunisie enregistre un taux de mortalité total de 24,98 décès pour 1000 naissances normales. Le taux de mortalité est particulièrement élevé (28,58 décès/1000 naissance normale) chez les garçons par rapport aux filles (21,12 décès/1000 naissances normales)[103].

La dominance des femmes jeunes et donc capables d’avoir un enfant permet d’expliquer la stagnation de la proportion d’enfants de bas âge. L’indice synthétique de fécondité chez les Tunisienne est de 2,04 enfants par femme et les naissances sont en hausse. La Tunisie enregistre 3 000 naissances par an. Par ailleurs, l’augmentation de la natalité en Tunisie provient aussi de l’augmentation du nombre de mariages. Le taux de célibat pour les femmes est en régression en 2009 (37,3%) tandis que le cas contraire est observé chez les hommes (46,5%).

Le district de Tunis et le Centre-Est sont les zones montrant le plus de concentration en 2009, tandis que le Sud-ouest est celle qui est la moins peuplée. Le taux de mobilité pour les habitants est de 10,3% en 2009. La migration peut se faire d’une région à une autre mais il existe aussi des cas où les habitants migrent à l’intérieur d’un même gouvernorat. Ce type de migration constitue 23,7% de l’ensemble de la mobilité pour les Tunisiens[104].

La Tunisie se caractérise par la jeunesse de sa population dont 23% ont moins de 15 ans. L’espérance de vie des Tunisiens est estimée à 75,34 ans. Ce chiffre est supérieur à l’espérance de vie des Tunisiens en 1992 qui était de 68 ans. Le pays se caractérise entre autre par l’importance de l’urbanisation ce qui fait que Tunis, la capitale compte environ 2 000 000 d’habitants. Après Tunis, Sfax constitue la ville la plus peuplée en Tunisien avec 733 000 habitants, suivi de Sousse (230 000 habitats) et Bizerte (114 000 habitants). La répartition des populations dans les différents gouvernorats sont représentés sur le tableau suivant :

(http://www.babnet.net/cadredetail-33486.asp)

Presque la moitié de la population tunisienne vit de l’agriculture. Le reste de la population est composé par des personnes ayant suivi des études plus poussées et travaillent dans le domaine de l’industrie, des mines, de la production manufacturière, de la pêche et du tourisme.

Alors que les pays arabes montrent plutôt une hétérogénéité au niveau de leurs valeurs culturelles, la Tunisie montre une uniformité culturelle et politique. Ceci est rendue possible et va de pair avec l’unité linguistique et religieuse du pays. En effet, 98% des Tunisiens sont musulmans dont 96% sont arabophones et 2% sont berbérophones. Les 2% restants des Tunisiens non musulmans sont des juifs qui se sont installés en Tunisie et qui s’attachent fortement à leur religion. Néanmoins, ces derniers montrent une arabisation déjà très marquée. Ainsi, ils ont été acceptés par la société musulmane malgré leur différence culturelle et religieuse. En ce qui concerne la langue, l’arabe constitue la langue officielle de la Tunisie.

Les Tunisiens sont très aisés en ce qui concerne l’expression française. Mais ils montrent aussi des aptitudes pour parler les autres langues notamment, la langue anglaise, italienne, espagnole et allemande. La Tunisie se caractérise de ce fait par un traditionalisme résultant de l’unité linguistique et de l’uniformité culturelle et le modernisme qu’il hérite d’échange avec les pays étrangers. L’enseignement bilingue introduit par Bourguiba a été le pilier de l’apparition d’une double culture arabe et française. L’enseignement tunisien est désormais francophone[105].

  1. Contexte économique

L’économie de la Tunisie se démarque des autres pays maghrébins par sa stabilité depuis des années. Alors que dans les années 1960, le pays enregistrait de faibles revenus par rapport à la Turquie, ces dernières années, elle a montré une croissance du PIB qui arrive à la hauteur de celui de la Turquie. Dans le monde arabe, l’économie tunisienne occupe la deuxième place. Ceci résulte premièrement de faible inflation enregistrée au sein du pays ainsi que sa forte transition démographique. La politique stable qu’elle a mise en place l’a permis de se protéger contre les chocs exogènes perpétrés dans les autres pays du monde arabe. Par ailleurs, les réserves de change ont été augmentées grâce aux investissements directs étrangers.

La Tunisie a accordé de l’importance à la santé et à l’éducation, ce qui lui a permis d’augmenter le capital humain, qui, pourtant, se trouve au centre des activités économiques d’un pays. Le développement économique de la Tunisie depuis ces dernières années ne peut être séparé de l’augmentation de sa productivité et du développement des réseaux de production. Outre à cela, l’économie tunisienne montre une plus grande ouverture par rapport aux autres pays arabes.

Alors que dans les années 1960, la Tunisie n’a pas encore disposé de dispositifs permettant d’encourager les investissements étrangers et de faire des exportations, dès les années 1970, elle a mis en place des réformes. Pour attirer les investisseurs étrangers, elle a établi des mesures d’incitations fiscales et financière. Cette démarche a été entreprise dans l’espoir d’augmenter entre autre les exportations manufacturières, l’augmentation de la productivité de l’entreprise, de la main d’œuvre pour que ces différents acteurs contribuent au développement durable de l’entreprise. C’est ainsi que les entreprises d’exportations peuvent bénéficier d’un climat plus propice au travail. Elles jouissent en effet d’une exemption de taxe, de droit de douane, un libre rapatriement des profits.

En 2012, la Tunisie a fait preuve d’une amélioration de ses exportations sur les marchés et les secteurs qui sont moins dynamiques. Mais elle a tenté aussi de s’ouvrir sur d’autres marchés notamment, le marché arabe et de celui de l’Asie du sud-est qui vont permettre de réduire peu à peu la dépendance du pays à l’Union Européenne. La Tunisie se concentre sur les marchés qui ne sont pas très dynamiques et qui s’affaiblissent. Cependant, ces marchés montrent encore de fortes potentialités en ce qui concerne la diversification. La Tunisie exporte donc ses produits vers des marchés leaders qui se caractérisent par leur dynamisme et leur avantage compétitif ; les marchés à opportunités non exploitées qui sont des marchés dynamiques où la Tunisie ne montre pas une bonne compétitivité ; les marchés fragiles où la Tunisie montre un avantage compétitif mais où la demande mondiale n’est pourtant pas dynamique et les marchés en repli qui sont des marchés non dynamiques où la Tunisie ne présente que de très faibles avantages compétitifs[106].

Mais la Tunisie a voulu élargir sa prospérité en tentant de mettre en place  une politique d’intégration qui tienne compte des différentes concurrences auxquelles, le pays doit faire face. Dans ce cadre, elle a particulièrement misé sur l’Union Européenne qui constitue son principal partenaire économique et commercial. Dans cette optique, depuis 1996, la Tunisie favorise les importations venant de l’Europe en réduisant voire en supprimant progressivement les tarifs sur les importations.

La Tunisie s’ouvre à la concurrence. Le secteur industriel se trouve ainsi renforcé et modernisé par le biais des échanges en matière de capacité managériales et technologiques. L’amélioration du secteur industriel provient particulièrement de la mise en place de quelques programmes tels que le programme de Mise à Niveau qui a été lancé depuis 1996 et le programme de Modernisation Industrielle qui a commencé en 2004. Les importations et les exportations en Tunisie ont été fortement facilité par la mise en place de certaines procédures commerciales tels que le réseau d’administration électronique de procédures commerciales, le renforcement de l’accès du public aux informations concernant les normes et les standards internationaux, la mise à disposition des mécanismes d’appui à la pénétration des marchés par les nouveaux exportateurs, etc.

La politique d’intégration a provoqué des changements profonds au niveau de l’économie tunisienne. En effet, si l’hydrocarbure a tenu le principal rang en ce qui concerne l’économie, elle a été progressivement substituée par l’exportation du secteur textile. La Tunisie contribue entre autre à la production automobile européenne, ce qui lui a permis de renforcer l’exportation dans le secteur de 9,5% en 1995 à 19% en 2006. En 2008, la Tunisie occupait la deuxième place mondiale en matière d’exportation des câbles pour automobile en Europe.

Etant donné que la politique d’intégration ait ouvert la voie au développement de différents secteurs d’activité en Tunisie, elle a donc permis d’augmenter le marché de l’emploi au sein du pays[107].

La forte croissance économique de la Tunisie ainsi que le développement de son industrialisation provient entre autre des stratégies économiques qu’elle a développé dans le secteur publique. En effet, la Tunisie a mis en place une économie publique ordinaire qui est nourrie par le budget étatique et une économie publique spéciale qui demande des interventions spécifiques. L’économique publique spéciale est lancée par l’Etat Tunisien dans les régions où les habitants montrent une certaine vulnérabilité marqué  par le manque en ce qui concerne certains besoins fondamentaux tels que l’eau potable, l’électricité, les logements décents, les infrastructures routières, les services, etc.[108]

Cependant, de telles constatations démentent la pauvreté des Tunisiens. Alors que les investisseurs sont nombreux à venir au sein du pays, et que de nombreuses entreprises ouvrent, les jeunes Tunisiens souffrent toujours d’un manque d’emploi qui soit adapté à leur formation. Le taux de chômage en Tunisie reste encore très élevé plus particulièrement, pour les femmes et les individus ayant déjà atteint un certain âge (entre 25 et 29 ans). Mais le taux de chômage est particulièrement important pour les personnes âgées de moins de 25 ans. En 2008, les demandeurs d’emploi devaient attendre 18 mois avant d’obtenir un emploi.

Par ailleurs, le développement économique doit encore passer par un renforcement de l’investissement étranger, des exportations, ce qui ne pourrait être possible à moins que la Tunisie ne procède à l’amélioration de son système éducatif pour le rendre plus adéquat à l’exigence du marché de l’emploi actuel. La formation professionnelle devrait être réformée pour que les demandeurs d’emploi acquièrent toutes les compétences requises pour accomplir la mission qui leur est demandée. Des efforts en matière de finance et d’infrastructure de soutien à la production devraient entre autre être menés.

Certes, la politique d’intégration a permis à la Tunisie de bénéficier d’un certain développement économique par rapport aux autres pays arabes, il a été observé que des réformes pour mettre en place une nouvelle politique d’intégration, plus adaptée à la question actuelle devrait être mise en place. Les écarts en matière de productivité entre la Tunisie et l’Europe perdurent en effet. Cet écart est particulièrement observé au niveau des secteurs qui sont faiblement exposés à la concurrence ou qui sont exposés à de fortes contraintes sur le marché domestique[109].

En outre, l’exportation qui a permis le développement de la Tunisie jusque là commence à subir une forte concurrence sur le marché mondial. La concurrence la plus forte provient notamment de la Chine, et la Tunisie a déjà enregistré une réduction de sa part de marché dans l’Union Européenne. Les failles enregistrées au niveau de l’économie tunisienne peuvent être amputées au manque de diversification de ses exportations et au ciblage du marché stratégique où elle va écouler ses produits. En effet, le secteur textile et habillement reste la principale source de revenus pour la Tunisie qui, pourtant, ne bénéficie pas d’une bonne potentialité au niveau international[110].

Mais le contexte économique de la Tunisie a été fortement impacté par la survenue des printemps arabes. Certes, les différentes manifestations et les instabilités politiques ne manquent pas d’impacter sur la situation économique du pays. La valeur des investissements directs étrangers a diminué de 1,3% pendant le premier semestre de l’année 2013. Depuis 2010, peu d’entreprises se sont installées en Tunisie[111].

Néanmoins, un an après l’explosion des révoltes arabes, la Tunisie a encore enregistré une progression au niveau de son économie. La reprise économique de 2012 se manifeste par le taux de croissance du PIB qui atteint 3,3%. Cette relance de l’économie est due particulièrement à la saison agricole qui a été favorable au secteur et à la relance du tourisme. Dans cette optique, la Tunisie a pu attirer les investisseurs étrangers. De même, la production d’hydrocarbures et de phosphates qui ont été stoppés en 2011 ont pu reprendre en 2012.

Toutefois, par rapport aux écarts économiques qu’elle devrait encore combler pour relancer son économie, ce pourcentage reste très faible notamment pour combler les différents besoins au sein du pays tels que le chômage des jeunes diplômés et les disparités régionales. Par ailleurs, les crises et ses impacts à l’échelle internationale ne font que renforcer les différents impacts du printemps arabe sur l’économie tunisienne. En tant que principal partenaire de la Tunisie, la crise ayant frappé l’Europe ne peut que s’impacter sur l’économie de la Tunisie. Pour illustrer ce fait, il a été démontré que la crise européenne a conduit au ralentissement de l’exportation en Tunisie. Ceci a touché le domaine du textile, des industries mécaniques et électriques.

Bien que la Tunisie ait pu encore conserver son potentiel de développement après les révoltes, il a été constaté qu’elle devrait encore mener des activités et des efforts considérables avant de pouvoir avancer au niveau économique. Dans cette optique, il est nécessaire de tenir compte des secteurs qui représentent une forte valeur ajoutée. L’Etat pourrait par exemple moderniser le secteur agricole et le secteur de l’énergie. La Tunisie est aussi amenée à améliorer son utilisation des ressources naturelles afin de pouvoir continuer à croître économiquement[112].

Après la mise en place du nouveau régime en Tunisie, la Banque Centrale Tunisienne a affirmé dans son communiqué, la nécessité et l’urgence même de stabiliser la situation politique de la Tunisie pour en éviter les retombées négatives. En effet, en juillet 2013, le déficit commercial de la Tunisie a atteint 5,5% par rapport à l’année précédente, suite à l’augmentation des importations, et l’inflation dont le taux s’élève à 6,4%. A cela s’ajoute les actes terroristes qui ébranlent le marché boursier local. En effet, le terrorisme est à l’origine de la baisse du Tunindex de 1,19% et un repli de 44 valeurs en fin juillet 2013. Les instabilités ont causé par ailleurs le départ de plusieurs investisseurs tels que Léoni Tunisie, tout en décourageant les investisseurs qui cherchent un pays où s’implanter[113].

  1. Contexte sociale

La Tunisie a subi de profondes modifications depuis le XXème siècle. La société tunisienne se démarque par une avancée en termes de comportement de procréation. Elle a subi entre autre les influences de l’Europe qui constitue son principal partenaire, dans un contexte de mondialisation et de l’universalisation[114].

La Tunisie montre un modèle socioculturel patriarcal caractérisée par une homogénéité ethnique, religieux et tribal. Mais le pays présente aussi de forts clivages de classes sociales comme le cas trouvé dans différents pays émergents. En Tunisie, il y a prédominance de la classe intermédiaire sur deux autres classes riches et pauvres. La classe intermédiaire est composée par trois catégories sociales répartis dans les secteurs industriels, de l’enseignement, des services, etc. Les pauvres sont localisés particulièrement dans les zones rurales, ce qui ne dénote pas pour autant que la proportion de pauvres dans les zones urbaines soit faible.  La pauvreté de la Tunisie a été à maintes reprises niée par les différents régimes qui se sont succédé et qui tendent tous à montrer des résultats positifs malgré la souffrance du peuple et sa colère[115].

En Tunisie, l’éducation des enfants constitue une obligation. L’Etat a pris des mesures pour assurer la gratuité de l’enseignement primaire, ce qui fait que dans la grande majorité des cas, les Tunisiens sont instruits et présente un taux de scolarisation élevée. A cela s’ajoute le phénomène d’urbanisation très marqué par la concentration dans la capitale, à Tunis.

Le développement social de la Tunisie semble aller de pair avec son développement économique. Dans cette optique, elle est considérée comme étant un des pays ayant atteint un certain indice de développement humain ou IDH de 0,968 en 2011. Ceci la met à la 94ème place sur les 187 pays présentant un développement humain élevé. Mais ceci a montré une forte inégalité entre les individus en ce qui concerne la distribution des revenus[116]. Le Produit Intérieur Brut par habitant est de 3 165 USD ce qui fait de la Tunisie, un pays à revenus moyens[117].

La Tunisie dans le passé ne disposait pas de grandes ressources. Néanmoins, elle a fait preuve d’un  grand intérêt pour le développement social en axant ses activités pour développer l’éducation, la santé, la sécurité sociale et le logement. La mise en place d’un système de protection sociale fait partie d’une des caractéristiques de la Tunisie par rapport à d’autres pays arabes. Par ailleurs cette démarche a permis de pallier à la formation d’une souche sociale très pauvre comme il en existe chez d’autres pays arabes.

D’autre part, les dirigeants ont aussi menée une politique permettant l’émancipation de la femme, chose qui est très rare dans les pays arabes où l’exclusion sociale de la femme perdure jusqu’à présent. En Tunisie, cette philosophie est reflétée à travers l’intégration de la femme dans le domaine économique, social et politique[118].

Les séquelles de la pauvreté perdurent certes en Tunisie et pourtant l’enjeu majeur de ce pays reste l’inégalité puisque le gouvernement a su réduire la pauvreté. Cette inégalité se manifeste par la répartition de la consommation dans les différentes classes sociales. La moitié de la population appartient à la frange inférieure de la société et représente 25% de la consommation totale, alors que 20% parmi elle seulement arrive à consommer 8% de la consommation totale.

D’autre part, les inégalités se manifestent aussi au niveau des régions. Ainsi, à Tunis, le taux de pauvreté est faible tandis que les régions situées à l’intérieur du pays sont plus pauvres par rapport à Tunis. La baisse de pauvreté est importante au Nord- ouest tandis que les zones centre-ouest et sud-ouest sont les plus pauvres. Il faut remarquer par ailleurs que la région Nord-ouest était la plus pauvre dans les années 1990 et pourtant, elle est devenue la troisième région la plus riche par la suite. L’effet contraire a été noté chez certains gouvernorats.  L’inégalité observée en Tunisie semble être liée à une croissance qui ne tient pas compte des pauvres et qui conduit de ce fait à l’exclusion sociale des souches plus vulnérables. Par ailleurs, les troubles sociaux provoqués par les inégalités sociales ont été à l’origine du printemps arabe.

La Tunisie se démarque aussi par sa disparité régionale causée par la concentration des services publiques, des investissements et des activités économiques dans la zone côtière. Les régions intérieures ne bénéficient pas de services publics. L’analphabétisme est élevé dans les zones rurales (30%) par rapport aux zones urbaines (15%).

Les activités économiques se concentrent particulièrement dans les régions du Nord-est et du Centre-est. La côte ne présente que 75% des emplois non agricoles. La répartition des offres d’emploi sont plus concentrées à Tunis par rapport à d’autres régions. La consommation électrique est élevée dans la région nord-est, tandis qu’une faible consommation est enregistrée à l’Ouest.

Les disparités régionales résultent en une augmentation du taux de chômage dans les régions de l’intérieur. Le chômage est renforcé par l’augmentation du nombre de jeunes actifs sur le marché de travail. Tunisie se démarque entre autre par le fait qu’un niveau d’étude élevé augmente le taux de chômage. Ce chômage est particulièrement élevé chez les jeunes et chez les femmes plus particulièrement. Ce sont plus les femmes diplômées qui souffrent du chômage. Ceci semble être lié à la discrimination du genre féminin. Il existe donc une forte inégalité en ce qui concerne l’identité biologique en Tunisie.

L’inégalité pourrait aussi se refléter à travers l’inadéquation entre l’offre et la demande. Le secteur public regroupe les personnes ayant fait des études poussées tandis que le secteur privé amoncelle les personnes n’ayant pas suivi trop de formation. Les jeunes qui travaillent dans le secteur privé sont donc des jeunes ne possédant pas de qualification et de niveau secondaire. La production en main d’œuvre non qualifiée est importante en Tunisie par rapport à la production massive de l’offre de travail hautement qualifiée. Les entreprises n’arrivent pas toujours à recruter le personnel qualifié surtout, les PME et les entreprises exportatrices. L’offre de travail est donc inadéquate dans le domaine du textile et de la santé.

Par ailleurs, les inégalités semblent résulter de l’inadéquation de la formation aux exigences du marché de travail. Si tout enfant Tunisien bénéficie d’une éducation gratuite, il a été remarqué que la qualité de cette dernière est mauvaise[119].

La Tunisie doit encore faire face à la hausse considérable du chômage des jeunes, à différentes formes d’inégalités mais aussi au développement de la corruption[120]. En effet, si le peuple ne fait pas confiance à ses dirigeants et que la méfiance s’installe dans les différents secteurs d’activités en Tunisie, c’est parce que la corruption n’a jamais pu être éradiquée. Une enquête de Transparency International en juillet 2013 a permis de mettre en évidence le fait que le système judiciaire tunisien montre un degré élevé de corruption, au même titre que le système de sécurité interne et les administrations publiques. Mais la corruption touche entre autre les partis politiques voire même le système éducatif. Les actions menées par le gouvernement dans le but de réduire la corruption en Tunisie restent jusqu’à présent inefficaces. Désormais, la corruption est monnaie courante en Tunisie[121].

Le printemps arabe a permis des anticipations sociales chez les Tunisiens. En effet, le peuple veut plus de liberté pour s’exprimer et ceci se manifeste notamment par la montée de la colère du peuple qui manifeste dans les rues. Les travailleurs font la grève pour revendiquer leur droit. Les frustrations gagnent du terrain et les attentes des dirigés de la part de leurs dirigeants ne cessent d’augmenter[122]. La recherche d’une plus grande liberté pourrait aussi se refléter à travers l’émergence de blogs et le dynamisme avec lequel les Tunisiens actuellement, tirent profit des réseaux sociaux. Les réseaux sociaux qui ont déjà joué un rôle crucial dans le déclenchement du printemps arabe permettent encore de tisser les liens sociaux entre les individus dans les Etats arabes[123].

Mais comme dans toute manifestation populaire, la Tunisie compte aussi quelques déçus ou des personnes qui se jugent comme étant des perdants dans le cadre du printemps arabe. Les changements politiques et l’entrée de la Tunisie dans un contexte de transition dont l’issue n’est pas encore connue jusqu’à présent a conduit à la marginalisation de certains groupes tunisiens. Ces groupes regroupent principalement, les jeunes qui ont porté beaucoup d’espoir au changement démocratique issu des manifestations qu’ils ont lancé en 2011 et qui, pourtant, se trouve confronté plus que jamais à des problèmes sociaux et économiques.

Les groupes ayant été déçus de la révolte arabe compte aussi parmi eux les personnes des milieux populaires et les personnes qui sont plus aisées ayant été entraînées dans les revendications sociales, les jeunes chômeurs. Or, ces différents mécontents pourraient causer des vagues de manifestations s’ils n’arrivent pas à trouver leurs places dans le cadre du changement actuel. Dans un tel contexte, les outils culturels pourraient servir de base pour améliorer les liens entre les différents acteurs et notamment, pour tisser des liens et ramener la confiance de ceux qui se sentent marginalisées par le printemps arabe[124].

Après le printemps arabe, les tensions idéologiques gagnent du terrain. Mais à cela s’ajoute la crainte d’une nouvelle reprise des manifestations après l’élection présidentielle. Ces derniers pourraient encore empirer la situation. Par ailleurs, les forces de l’ordre ne sont pas parvenues à rétablir  l’ordre au sein du pays alors que la Tunisie a été réputée être un pays calme[125]. Les violences se multiplient en Tunisie notamment contre les forces de police. La situation sécuritaire de la Tunisie chute de huit points pour atteindre 38%. Par ailleurs, le sondage fait par la société 3C Etudes a montré que les Tunisiens ne sont pas satisfaits des efforts menés par l’Etat pour établir la sécurité au pays[126].

Par ailleurs, la Tunisie est témoin de la montée en puissance de groupes djihadistes qui peuvent susciter l’inquiétude chez les Tunisiens mais également chez les voisins comme l’Algérie, la Libye ou l’Egypte. L’incapacité de la Tunisie à gérer les violences inquiètent l’Algérie dans la mesure où c’est elle qui va devoir mener des actions pour  éradiquer les violences dans le Nord-ouest de la Tunisie. D’autre part, au niveau de la frontière du pays avec la Libye, le gouvernement Tunisien n’a pas été en mesure de contrôler la circulation d’armes et la circulation de groupes, ce qui classe la région parmi une zone dangereuse dans laquelle, tous les trafics se réalisent. L’instabilité politique observée en Tunisie ne fait qu’empirer la situation en développant les réseaux criminels[127].

Mais ces vagues de violences ne manquent pas d’impacter sur la situation économique et sociale du pays. Ainsi, les Tunisiens souffrent d’une hausse incontrôlable du taux de chômage et à l’augmentation de la malnutrition dans les villages. Ceci va de pair avec la dégradation de la santé.  Les Tunisiens souffrent entre autre d’une hausse considérable des produits de première nécessité. Le seuil de pauvreté concerne désormais 25% des Tunisiens[128].

  1. Caractéristiques de la transition en Tunisie

La transition en Tunisie se démarque par sa durée et aussi par l’émergence de partis politiques. La Tunisie en période transitionnelle est témoin d’une fragmentation au niveau des catégories sociales[129]. Les révoltes arabes ont permis d’ouvrir la voie à une plus grande liberté d’expression qui, pourtant, trahit des manques de consensus en ce qui concerne les différents conflits entre les islamistes Ennahda et les salafistes[130].

Mais la transition tunisienne après la fuite de Ben Ali est caractérisée par le retour de certains acteurs de l’ancien régime prétextant la réconciliation nationale. Or, de tels faits sont mal considérés par le peuple qui, de sa part, manifeste son mécontentement par l’opposition aux gouvernements transitoires en qui, ils n’ont plus confiance. En effet, si l’ancien dirigeant a pris la fuite, encore faut-il mettre un terme sur la structure administrative et politique du temps de Ben Ali. Pour prendre l’exemple du Ministère de l’Intérieur, un fort attachement à l’ancien système est encore observé. La présence de l’ancien régime pourrait aussi se refléter à travers la subsistance de la RCD (Rassemblement Constitutionnel Démocratique), le parti politique de Ben Ali. Ce dernier ne se réfère pas certes aux différentes formes d’oppression ayant mené les Tunisiens à manifester dans les rues, mais en lançant une image nostalgique de la paix et de la prospérité du temps de Bourguiba. D’autre part, certains membres de la RCD entrent en relation directe avec les membres de l’Ennahda pour devenir incontournables en ce qui concerne le  système politique qui va être mis en place.

Dans un tel contexte, la Tunisie semble montrer une fissure en ce qui concerne la suite des manifestations. Au début, la grande majorité des Tunisiens ont manifesté leur soif de liberté et de démocratie, ils clament le respect des droits de l’Homme et notamment, le respect de la liberté d’expression, de pensée et de religion. Mais une fois que Ben Ali a pris la fuite, la population semble entrer dans une disparité en ce qui concerne les issues possibles permettant de mettre fin à la transition, de rétablir la paix et l’économie au sein du pays. Dans ce cadre, il existe un groupe  qui clame la nécessité de lutter contre l’impunité et de demander la justice, et un autre qui regroupe les individus qui demandent une réconciliation nationale progressive et qui acceptent de ce fait, les éléments de l’ancien parti. La division interne observée au sein de la Tunisie vient dans ce cas de figure, du débat pour décider du sort de l’ancien régime.

Par ailleurs, la transition tunisienne se démarque aussi par la fissure entre les Tunisiens conservateurs qui se plient aux règles islamiques, et les modernistes qui demandent l’effet contraire. Ainsi, il existe des tensions politiques entre les partis au pouvoir notamment les islamistes et les opposants qui veulent mettre en place un bloc centriste qui s’attache encore aux principes de l’ancien régime. Des fissures ont été également constatées au sein des islamistes dont la montée en pouvoir a été un fait marquant dans la transition de la Tunisie. En effet, une partie penche pour une discussion démocratique avec les acteurs politiques du centre gauche et des libéraux,  tandis qu’une autre se  focalise sur la radicalisation fondamentaliste. Dans le cadre actuel donc, le débat qui s’installe en Tunisie porte plus sur le fait de suivre ou non les islamistes, chose qui n’a pas été au centre des manifestations depuis 2011.

La Tunisie semble aussi se diviser en deux. D’une part, il y a les villes au Centre du pays qui ont été à l’origine des révoltes arabes, et les villes de la zone périphérique qui sont toujours négligés depuis le début. Les régions centrales depuis le déclenchement du printemps arabe n’ont pas cessé de manifester tandis que les régions périphériques ne se focalisent plus sur de telles manifestations. Ainsi, il est particulièrement difficile de déterminer la situation actuelle de la Tunisie. En d’autres termes, il est très difficile de déterminer si la Tunisie est bien entrée dans la période de transition ou si elle est toujours dans une situation de révolution[131].

La transition en Tunisie est marquée par une forte pression interne mais aussi externe. Alors que les tensions montent entres les dirigeants et les opposants, les enjeux économiques et sociaux du pays semblent aussi se heurter avec la crise européenne, ce qui renforce les dégâts au niveau du pays. Dans de telles situations, la Tunisie ne peut pas être à l’abri du danger étant donné qu’elle soit le partenaire de l’Europe. Toutefois, cette transition démocratique a attiré l’attention de nombreux acteurs et elle a été soutenue par les Nations Unies.

La transition en Tunisie se caractérise aussi donc par l’entrée en scène d’autres acteurs internationaux pour soutenir et  aider le pays pendant sa période transitionnelle. Dans le cadre de l’aide qu’elle va fournir à la Tunisie, les Nations Unies ont décidé d’aider la Tunisie sur le plan économique par le biais de la création de projets pour les jeunes, la protection de l’environnement qui est le garant du développement durable et la promotion des compétences tunisiennes en favorisant la coopération entre les pays du Sud. Le bureau des Nations Unies va mettre en place par ailleurs un plan cadre de développement à l’horizon 2015 – 2019 en fonction des priorités de développement déterminées par la Tunisie. Par ailleurs, la PNUD a appuyé la Tunisie dans sa transition démocratique[132].

La transition tunisienne se caractérise par la divergence d’idées qui ont fait oublier les raisons mêmes des revendications dans les rues notamment pour la démocratie et une meilleure condition de vie. La transition tunisienne a donc été considérée par certains acteurs comme étant une transition non démocratique et marquée par l’ignorance de la justice sociale. Dans cette optique, la transition vers un nouveau régime va de pair avec une montée de la colère du peuple, témoin des inégalités et de l’inefficacité des mesures prises par les dirigeants pour éradiquer les problèmes sociaux déjà existants sous Ben Ali. Ainsi, les observateurs peuvent constater un rapprochement entre les dirigeants actuels et les anciens acteurs du régime Ben Ali qui ne manque pas de susciter la méfiance du peuple.

La transition en Tunisie est caractérisée par le pluralisme politique mais aussi par une agglomération des forces politiques regroupant les anciens acteurs du régime Ben Ali. Elle montre un autre paradoxe entre la volonté de donner une image d’une Tunisie moderne et la volonté de se rattacher à la culture traditionnelle en véhiculant l’image de la Tunisie traditionnaliste et conservateur. A part les contradictions en ce qui concerne les véritables raisons des vagues de manifestations, la transition tunisienne semble aussi être liée à une opposition entre la laïcité et la religiosité.   Les débats qui sont instaurés entre les différents acteurs politiques tendent plus à négocier les postes que la sérénité du peuple et ne contribue de ce fait, qu’à augmenter les soupçons et la colère du peuple[133].

Par l’émergence du mouvement islamiste pendant la période de transition, la Tunisie se démarque des autres pays du printemps arabe par l’opportunité de construction d’un nouveau modèle d’Etat islamique. Mais dans la recherche de la démocratie, la Tunisie a plutôt opté pour un modèle qui n’est pas adéquat à sa situation. En effet, le pays s’est beaucoup plus penché sur le modèle européen, qui ne tient pas compte des situations culturelles, politiques et économiques du pays. La transition se heurtait donc à l’opposition entre des acteurs qui veulent calquer le modèle européens des sociaux-démocrates et des démocrates-chrétiens sur les partis politiques tunisiens (islamiques et non islamiques). D’autre part, d’autres acteurs ont voulu fonder un nouveau modèle sur la base des tendances de la Tunisie pendant les années 1970. La montée des stratégies populistes ont conduit à la déstabilisation du pays. D’autre part, la transition devient plus longue et plus pénible pour tous les acteurs[134].

Mais la transition démocratique et la transition politique qui a été mise en place  en Tunisie depuis la chute du régime de Ben Ali va aussi de pair avec une transition économique. Cette transition est incontournable vu les changements importants résultant des révoltes arabes. La situation économique pendant l’ancien régime n’a pas pu satisfaire le peuple et à présent, il est question de la relancer. Mais il est carrément impossible de mettre en place des changements économiques intéressants et durables à moins que la situation ne se soit stabilisée au pays. Les experts en économie tunisiens ont souligné la nécessité de procéder à des changements radicaux au niveau juridique, fiscal, financier, industriel et agricole.

La transition économique de la Tunisie peut se faire de deux manières selon les économistes tunisiens : l’adoption d’une économie de marché où l’Etat n’intervient que très peu, ou un modèle à forte composante sociale dans lequel, l’Etat joue un rôle important. Il est important pour la Tunisie de ce fait de choisir et de personnaliser son modèle en fonction de son vécu, de sa situation, de ses ressources, ses faiblesses et ses potentialités. La croissance économique de la Tunisie devrait s’inscrire dans le cadre d’un mécanisme d’inclusion tenant compte de l’égalité des chances et à la grande accessibilité de chaque individu aux opportunités. La politique d’inclusion implique également une redistribution des allocations des dépenses publiques et la répartition de la fiscalité entre les différents acteurs[135].

D’autre part, il est important de noter que les révoltes arabes ont abouti grâce à l’existence des réseaux sociaux qui permettent les échanges d’informations entre individus peu importe sa localisation géographique. Ainsi, dans un contexte de transition démocratique, il est toujours aussi important de considérer le rôle de cet outil multimédia  dans la transition du pays. En effet, cet outil de communication et d’information a permis certes, aux différents acteurs de faire des échanges mais en même temps, il pourrait constituer une menace ou un facteur de blocage dans la mesure où les informations non fondées peuvent très bien venir susciter des opinions négatives et mettre en péril la mise en place de la démocratie. Les Tunisiens ont désormais fait une avancée en termes d’expression sur la Toile, ce qui nécessite un engagement éthique de la part de ses utilisateurs.

Facebook  tient un rôle important dans le cadre de la transition démocratique dans la mesure où c’est elle qui joue le rôle d’un média alternatif de veille. Il n’est donc pas étonnant de voir que différents acteurs se sont penchés sur la création de pages Facebook, ce qui permet le débat relatifs à la politique, à la citoyenneté. Mais peu après la révolution, la fiabilité des informations sur le site a été encore remise en question à cause de l’infiltration des mauvaises informations[136].

Il est donc nécessaire d’évoquer le rôle des médias dans le cadre de la transition démocratique en Tunisie.  Si le média a permis, de rendre vulnérable le régime de Ben Ali, il peut aussi être exploité dans le cadre de la création d’un espace médiatique permettant de multiplier les médias de caniveau, les attaques, la reprise des médias publics par le pouvoir, etc. Mais le pouvoir mis en place a exploité ce quatrième pouvoir pour renforcer son autorité en optimisant son contrôle sur les médias. Si la transition démocratique clamant l’expression libre du peuple a été revendiquée, il a été constaté que la période post- conflit n’a pas permis d’améliorer la situation. Ainsi, les dirigeants ont fait en sorte que les journalistes ayant perdu leur crédibilité à cause de leur impartialité pendant l’ancien régime reprennent la direction des agences de presse. Le journal télévisé a été particulièrement contrôlé et des tentatives de harcèlement ont été lancées à l’encontre des journalistes[137].

Ceci tend à montrer que la démocratie n’est pas de rigueur dans la transition tunisienne ce qui implique la nécessité de déployer beaucoup d’efforts pour arriver à la consolider. Mais le problème qui se pose pourrait résider beaucoup plus sur la perception de la notion de démocratie par les Tunisiens. En effet, ces derniers tendent plus à se focaliser sur les données économiques pour évaluer la démocratie au sein de leur pays. Ainsi, les Tunisiens estiment qu’une démocratie pourrait plus être évaluée sur la base de la faible différence entre les revenus de chaque ménage, la fourniture de biens et de services à tout Tunisien, l’élimination de la corruption. Peu de répondants ont affirmé que la démocratie implique une réalisation d’élections libres et justes, la liberté pour critiquer le gouvernement, l’égalité des droits politiques de chaque Tunisien[138].

  • Enquête sur terrain
  1. Population cible

La présente étude a pour objectif de montrer le rôle tenu par les ONG dans le cadre de l’orientation de la politique des nouveaux gouvernements dans les pays du printemps arabes notamment, en ce qui concerne le traitement du passé et de la justice transitionnelle. Pour ce faire, nous avons particulièrement ciblé le Centre International de la Justice Transitionnelle ou ICTJ parce qu’elle possède déjà une longueur d’avance et est reconnue au niveau international comme étant un acteur actif de la mise en place de la justice transitionnelle auprès des pays qui ont subi des oppressions ou qui sont passés par des conflits armés.

Il nous incombe maintenant de trouver un pays du printemps arabe où l’ICTJ a déjà mené un travail pour connaître les actions concrètes menées par le centre dans le cadre de la justice transitionnelle dans les pays du printemps arabe. La Tunisie nous semble être la plus appropriée pour mener notre étude étant donné que le Centre commence déjà à ouvrir un bureau à Tunis et dans la mesure où elle montre déjà une certaine longueur d’avance en matière de justice transitionnelle par rapport à d’autres pays.

Nous nous sommes déplacés en Tunisie pour enquêter les riverains et pour connaître leur niveau de connaissance en ce qui concerne le concept de justice transitionnelle, l’ICTJ. Nous voulions savoir entre autre si la population tunisienne perçoit un quelconque impact, modification au niveau de leur vie quotidienne en matière de justice transitionnelle ou en matière de traitement du passé, plus particulièrement, pour les victimes et leurs familles.

Ensuite, nous avons menée aussi une enquête auprès de quelques représentants de l’ICTJ dans d’autres pays musulmans. A travers ces interviews, nous espérions trouver les réponses concrètes et des informations qui puissent compléter les réponses collectées auprès des riverains. Nous n’avions pas seulement recueilli les propos du représentant de l’ICTJ en Tunisie mais aussi des représentants externes afin de recueillir leur propre point de vue en matière de justice transitionnelle.

Nous avons tenu à recueillir les propos des autres représentants de l’ICTJ dans d’autres pays, notamment au Liban, afin de connaître comment le Centre pourrait intervenir dans d’autres situations. Nous visons en effet, à connaître les démarches qui sont généralement entreprises par l’ICTJ en matière de traitement du passé et de justice transitionnelle. Nous admettons d’après l’analyse bibliographique que nous venons de faire, que la justice transitionnelle est un long processus et dont la mise en place varie d’un pays à un autre. Cependant, nous supposons que chaque action menée par le centre au sein d’un pays lui permet de tirer des leçons qui vont parfaire ses actions futures dans d’autres pays. Par ailleurs, la mise en place de la justice transitionnelle doit être considérée de manière générale d’abord avant d’entrer dans les spécificités du cas de la Tunisie.

  1. Type d’entretien (semi-directif)

Nous avons opté pour un entretien semi-directif au cours duquel, les répondants peuvent s’exprimer librement. Dans ce type d’entretien, le répondant est libre de s’exprimer certes, mais l’enquêteur peut aussi rediriger la discussion au cas où il y aurait une déviation possible de la discussion. Le fait de laisser une certaine liberté au répondant permet d’avoir des données plus larges. L’entretien semi-directif permet de ce fait de découvrir la complexité des questions abordées[139].

Pour collecter des données qualitatives, le chercheur peut élaborer des questionnaires qui vont lui permettre de collecter des données précises concernant un sujet, un thème de sa recherche. Mais contrairement à ce questionnaire, l’entretien permet de collecter les informations en respectant le positionnement du répondant et son expression. La réalisation d’un tel entretien repose donc sur le fait de poser des questions qui ne soient pas trop précises et qui permettent donc d’avoir un large champ de réponses. En aucun cas, le chercheur dans le cadre de l’entretien semi-directif ne doit orienter ou influencer les réponses de l’interviewé. Cependant, il doit élaborer un guide d’entretien qui va lui rappeler les principaux thèmes de sa recherche et de relancer par la suite, la conversation au cas où le répondant tend à répondre à côté.

Il nous paraît intéressant donc de rappeler ici l’objectif principal de notre recherche. Notre étude vise à comprendre et à étudier les différentes démarches mises en place par les ONG et plus particulièrement, les actions menées par l’ICTJ dans le cadre du traitement du passé et de la mise en place d’une politique de justice transitionnelle dans les pays du printemps arabe. Dans cette optique, nous avons tiré les principaux thèmes de recherche suivants :

  • Les démarches générales de l’ICTJ dans le cadre de la mise en place de la justice transitionnelle
  • Les particularités de ses actions dans le cadre de la justice transitionnelle et du traitement du passé en Tunisie
  • Les enjeux de la mise en place de la justice transitionnelle en Tunisie, les démarches qui restent encore à faire

Mis à part la collecte de données par l’entretien semi-directif, nous avons aussi entamé une recherche webographique des données concernant les différentes actions menées par l’ICTJ dans les pays arabes et notamment, en Tunisie.

  1. Les données collectées

Les données que nous avons collectées auprès des représentants de l’ICTJ portent sur trois axes notamment

  • Les principales missions et les interventions concrètes de l’ICTJ en matière de justice transitionnelle dans les pays ayant subi des conflits armés ou des oppressions
  • Les principaux obstacles qui l’empêchent de mener à bien son travail
  • Les principales actions qu’il a menées au Tunisie

Les deux premiers axes de notre recherche permettent de tracer les opportunités, et les enjeux des actions de l’ICTJ ainsi que les actions concrètes qu’il mène, son fonctionnement, sa démarche de travail. En d’autres termes, ces deux premières questions vont permettre de compléter les acquis issus de la revue de la littérature en ce qui concerne les actions de l’ICTJ. Le troisième axe pour sa part se réfère particulièrement aux démarches qu’elle a menées au Tunisie. Etant donné que les révoltes arabes soient des évènements assez récents et que la mise en place de la justice transitionnelle demande du temps, nous sommes conscients que les données que nous allons collecter concernant les  démarches mises en œuvre par l’ICTJ dans ce pays ne soient pas encore complètes. Mais nous espérons trouver à travers les actions menées par l’ICTJ auprès des autres pays du printemps arabe, les possibles démarches ou les actions probables pouvant être mises en place par le centre.

Etant donné que nous avons questionné des acteurs différents qui ne travaillent pas forcément en Tunisie, nous avons établi les deux questionnaires suivants :

Questionnaire n°1 : Questionnaire pour le représentant de l’ICTJ du Liban

  • Parlez-moi un peu du Centre International de justice transitionnelle
  • Comment est-ce que vous intervenez dans un pays post-conflit ? Est-ce que votre intervention se fait automatiquement ou bien vous attendez d’être sollicité ?
  • Quelles actions l’ICTJ a-t-il mené dans ce pays ?
  • Quelles sont les actions menées par l’ICTJ en Tunisie ?
  • Comment expliquez-vous la méconnaissance du peuple Tunisien de l’ICTJ ?
  • A quels obstacles l’ICTJ se heurte-t-il dans la mise en place de la justice transitionnelle ?

Questionnaire n°2 destiné au représentant de l’ICTJ en Tunisie

  • Quelles actions l’ICTJ mène –t-il depuis son implantation en Tunisie ?
  • A quels obstacles l’ICTJ se heurte-t-il dans la mise en place de cette justice transitionnelle ?
  • Quelles sont les réparations ?
  • Qui refuse les réparations ?
  • Parlez-moi un peu de la Commission prévue dans le projet de loi
  • Avez-vous travaillé avec la commission Bourdebala ?
  • Comment les victimes et leurs familles considèrent vos actions ?
  • Quels sont vos projets pour le futur ?
  • Pensez-vous que la Tunisie soit vraiment entrée dans une période transitionnelle ?
  • La justice transitionnelle est-elle vraiment une solution pour faire avancer un pays en situation post-conflit ? Pourquoi ?
  • Comment expliquez-vous la méconnaissance par les Tunisiens de votre Centre ?
  • Quelles sont les répercussions des activités que vous avez menées en Tunisie sur la dimension politique, sociale et économique ?

Nous avons aussi recueilli les différentes avancées de la Tunisie en matière de justice transitionnelle.

  1. Résultats

Les démarches générales entreprises par l’ICTJ dans les pays en situation post-conflit

L’entretien avec la directrice du Centre International de la Justice Transitionnelle au Liban nous a permis d’éclaircir le fonctionnement de l’ICTJ dans les pays en situation transitionnelle. En effet, le centre propose des services d’expertise technique et légale en ce qui concerne la justice transitionnelle. Mais le centre ne peut intervenir sans qu’il ne soit sollicité par le gouvernement, les organisations internationales et la société civile dans les pays où se produisent des conflits armés ou dans des Etats qui subissent des régimes de dictature, ou de répression et qui vont vers la démocratie. Quand le centre est sollicité, alors il envoie un missionnaire pour évaluer les demandes et les besoins du pays qui a sollicité les actions de l’ICTJ. Le missionnaire envoyé par l’ICTJ va évaluer la situation du terrain, les différents besoins des victimes et de leurs familles. Après cette première démarche, le centre créé un bureau au sein du pays.

Mais dans ces différents conflits, dans un contexte post-conflit, le centre ne peut être sollicité à moins que l’Etat ne veuille partir d’un point, d’une situation bien déterminée vers un autre meilleure. Il est évident que de telles modifications ne peuvent avoir lieu à moins qu’il n’y ait des mécanismes incitatifs qui sont mis en place par le centre. Dans cette optique, il existe des mécanismes qui sont déjà établis mais ils ne peuvent être exhaustifs étant donné que la situation varie d’un pays à un autre. Les mesures qui ont été déjà établies par exemple, consistent en la recherche et l’établissement de la vérité ou du mémoire de vérité, les programmes de réparation aux victimes de violations de droit de l’homme.

Il existe entre autre un autre mécanisme n’ayant pas été évoqué dans la revue bibliographique que nous avons effectué et qui a été évoquée par le répondant. Il s’agit de la justice de crime, les efforts de moralisation, les pardons publics, etc. Les mécanismes de justice transitionnelle sont très variés et ils se complètent, mais pour chaque situation, les mesures varient aussi. L’ICTJ tient compte donc des différents caractéristiques politiques, sociales et économiques pour lancer ses activités au sein du pays qui le sollicite.

L’ICTJ intervient dans le cadre de la recherche de la vérité. Dans le cas des disparitions des victimes, les familles ne peuvent trouver la paix à moins que les responsables du crime ne soient identifiés. Tant qu’il existe encore des zones d’ombre autour d’un fait, le crime continue à être fait. Mais dans ce cadre, une fois que le coupable a été démasqué, les coupables tendent à se réfugier derrière les lois d’amnistie pour mettre en place une politique d’amnésie consistant à oublier tout ce qui s’est passé. Or, ceci va à l’encontre de ce qu’est la justice transitionnelle et c’est là justement qu’intervient aussi le centre. Mais il est évident que la recherche de la vérité n’est pas dépourvue d’obstacles. La mission du centre dans ce cas, est de chercher à écrire l’histoire pour qu’elle ne soit jamais oubliée et que les générations futures prennent conscience de ce qui s’est passé.

L’ICTJ intervient entre autre dans le cadre de la production de documents concernant les pays dans lesquels, il travaille. Ainsi, l’ICTJ inventorie toutes les violations du droit de l’Homme dans les pays où il agit. La recherche se trouve à la base même de l’expertise de l’ICTJ. Le travail de documentation est fait dans tous les pays où l’ICTJ intervient. Certes, les projets et les démarches de l’ONG ne peuvent être réalisés à moins qu’il n’y ait intervention des bailleurs de fonds.

Les généralités concernant les actions de l’ICTJ en Tunisie

Au Tunisie, l’ICTJ a pour mission de donner des informations et de conseiller les personnalités locales en ce qui concerne les options de justice transitionnelle. Les conseils d’ordre technique ont été attribués à certaines organisations de la société civile et aux organismes officiels. L’attribution de ces informations et ces conseils vont permettre aux acteurs locaux de sensibiliser et d’apprendre ces derniers à agir devant les défis actuels issus de l’entrée du pays en période transitionnelle. L’ICTJ contribue ainsi à renforcer les connaissances et les capacités des acteurs locaux en ce qui concerne la justice pénale, la recherche de la vérité.

Pour atteindre ces objectifs, l’ICTJ a visité la Tunisie à plusieurs reprises et a particulièrement ciblé les fonctionnaires, les juges, les activistes dans le domaine des droits de l’Homme et des journalistes. Les échanges avec les acteurs locaux permettent en effet de discerner les besoins locaux et les différents obstacles à la mise en place de la justice transitionnelle. Par ailleurs en avril et mai 2011, le centre a collaboré avec ses partenaires locaux et internationaux pour organiser une conférence internationale destinée à expliquer aux Tunisiens le concept de justice transitionnelle et les différentes démarches qui peuvent être utilisées pour y parvenir. Lors de cette conférence, le centre s’est particulièrement inspiré des cas de l’Europe de l’Est, de l’Amérique Latine et de l’Afrique.

En Tunisie, le centre a été particulièrement sollicité pour mettre en place des projets de loi relative à la justice transitionnelle. Son activité a abouti à la mise en place d’un projet de loi qui est encore discuté à l’heure actuelle. L’ICTJ a signé avec le ministère de la justice tunisien un accord de coopérations en ce qui concerne ce projet de loi. Mais de telles actions est toujours sujet à controverse.

La réalisation de la conférence internationale sur la justice transitionnelle

La Tunisie fait preuve d’une grande volonté en ce qui concerne l’établissement de la justice transitionnelle. Ceci peut se refléter à travers la réalisation de la conférence internationale sur la justice transitionnelle qui s’intitule : « La justice pendant les périodes de transition : Traitement des violations du passé et construction de l’avenir », qui s’est déroulée à Tunis le 14 avril 2011.

La conférence a permis de mettre en évidence la nécessité de reconsidérer la justice pénale  comme étant partie intégrante du processus de justice transitionnelle. Mais cette dernière ne devrait pas se séparer  de la réparation des dommages, de l’établissement et du traitement des faits. Les débats ont permis de mettre en évidence les différents obstacles à l’accomplissement de la justice pénale en période transitionnelle compte tenu du nombre de victimes et de leurs auteurs. Ceci a permis d’acheminer vers l’idée de rétablir et de réformer les composants des tribunaux puisque la population tunisienne soupçonne que la magistrature n’est pas complètement indépendante.

Les débats ont entre autre mis la lumière sur la nécessité d’apporter des réformes au niveau de la sécurité en période transitionnelle et dans le cadre de la mise en place de la justice transitionnelle. Ceci implique un remplacement des institutions qui ont participé à des crimes par d’autres qui répondent à des besoins réels du peuple. Cette démarche fait appel aux agents publics, mais l’accomplissement de tels exploits s’avère encore difficile. Parmi les défis, il a été constaté que les agents de sécurité dans certaines régions ne disposent pas d’expérience en ce qui concerne la justice transitionnelle.

Lors de la conférence, il a été dit que la mise en place de la justice transitionnelle implique inexorablement le traitement du passé et plus particulièrement, les réparations dues aux victimes et à leurs familles. La question qui se posait alors était de savoir comment garantir les indemnisations aux vraies victimes ? Dans sa démarche vers la justice transitionnelle en effet, le gouvernement tunisien a déjà demandé des réparations de dommages, mais cela n’a pas abouti puisque le mécanisme permettant de le faire était restreint.

Enfin, la justice suppose aussi une égalité des droits. Les femmes surtout dans un pays musulman, souffrent d’agressions et de violence dont elles n’osent même pas parler. Sous-représentées et pas souvent considérées lors de la prise de décision, les différents acteurs pourraient être tentées de faire une exclusion des femmes, alors que ceci n’est compatible  ni avec le concept de justice ni avec le concept de liberté ou le concept de démocratie pour laquelle, la révolution a été déclenchée en 2011. Ainsi, les femmes doivent être représentées dans certains organismes afin de pouvoir traiter les violences à l’encontre des femmes au Tunisie.

La contribution de l’ICTJ dans le cadre de l’élaboration de la loi cadre permettant de mettre en place une feuille de route en ce qui concerne la justice transitionnelle

L’ICTJ a mis en place un document qui est encore amené à évoluer suite au débat entre les différents acteurs en ce qui concerne la Loi fondamentale pour la justice transitionnelle en Tunisie. Le 10 décembre 2011, la constitution provisoire a été déterminée, et elle est entrée en vigueur depuis le 26 décembre 2011. La loi cadre qui a été présentée par l’ICTJ permet de mettre en évidence le cadre global permettant de mettre en place la justice transitionnelle. La loi fondamentale permet de tracer les principes, les valeurs et les normes qui régissent les mécanismes et les procédures de justice transitionnelle à l’avenir. Il est évident que la détermination d’une telle loi demande un consensus de la part de tous les intervenants et être accepté par le public.

Dans le cadre de l’établissement de cette loi-cadre, l’ICTJ a défini cinq lignes directrices qui permettent de mettre en œuvre et d’appliquer la justice transitionnelle. Il s’agit notamment de

  • Objectifs généraux de la justice transitionnelle : Ce premier axe porte sur l’objectif de la justice transitionnelle autrement dit, d’apporter la réponse aux besoins des communautés. Les principaux objectifs de cette justice transitionnelle sont donc la réparation et les traitements des erreurs passées afin que les pratiques telles que les démarches de répression ne se répètent plus. La justice transitionnelle vise entre autre à établir la confiance entre les citoyens et les institutions de l’Etat.
  • Les droits et les obligations : Ceci se réfère à l’engagement minimal demandé par la loi et le droit international en matière de droits de victimes notamment, leur droit à connaître la vérité sur les violations du droit de l’Homme dans le passé et les principales causes de tels actes. Le droit implique aussi que les victimes bénéficient d’une véritable équité en ce qui concerne les violations dont elles ont été victimes. L’équité devrait aller de pair avec la justice pénale qui garantit de telles réparations. Lors de la prise de décisions en ce qui concerne les réparations dues aux victimes, l’Etat devrait préserver la non répétition de ces évènements. Dans cette optique, il est utile de chercher les institutions responsables des violations des droits de l’Homme.
  • Les lois et les mécanismes : La justice transitionnelle implique la recherche de la vérité et la lutte contre l’impunité par le biais des actions de justice, la réparation des préjudices, la réforme des institutions responsables du crime.

Les mécanismes incluent l’établissement de la commission de vérité, la création d’une instance permettant de formuler le programme de réparation de préjudice et de superviser l’enregistrement des témoignages pour bénéficier d’une indemnisation et une compensation financière, de soutien ou les deux en même temps. La mise en place de la justice transitionnelle comprend entre autre la création d’une unité spéciale pour mener l’enquête et pour entamer la poursuite judiciaire ; ainsi que les mesures de réformes nécessaires pour le traitement et la correction des pratiques néfastes.

En Tunisie, il est possible de lancer directement les réformes des institutions clés. Ceci se poursuit par l’indemnisation des victimes quand cela est possible. Lorsque la Commission de vérité va donc donner ses recommandations, elle doit tenir compte des mesures de réformes et de compensations permettant de cerner les défauts, pour formuler par la suite les mesures supplémentaires.

  • Principes, valeurs et normes minimales : Ceci englobe les principes et les normes régissant la création des organismes de justice transitionnelle et d’ajuster les comportements des dirigeants. Les organes et les procédures engagés dans le cadre de la justice transitionnelle devraient toujours être justes et impartiales. Les personnes qui composent la justice transitionnelle doivent faire preuve d’honnêteté et être aptes à représenter leur communauté. Les nominations doivent entre autre se focaliser plus sur l’égalité des sexes.

Les différents moyens et ressources doivent être mis à la disposition de la Commission de Vérité pendant leur mandat. Ces dernières devraient donc avoir plein de pouvoir appeler les témoins, et de rechercher les preuves auprès des autorités concernées. Les procédures entamées avec tous les sujets doivent être les mêmes pour tous les individus qui sont impliqués dans le cadre de la justice transitionnelle. Les mesures doivent donc être généralisées et diffusée publiquement pour que les membres du public puissent en bénéficier.

La justice transitionnelle devrait aboutir à la demande de pardon ou à l’excuse qui ne peuvent pas être obtenus de force. Ces derniers ne devraient pas non plus aboutir à des conséquences juridiques.

  • Délais : Les différents composants de la justice transitionnelle devraient être lancés dans des délais bien déterminés. Ces derniers peuvent aussi être imposés toutefois, il est nécessaire de garder une certaine flexibilité. Après le lancement du dialogue national et des différentes consultations, les intervenants peuvent hiérarchiser les différents points à tenir en compte dans le cadre de la justice transitionnelle. Les décisions peuvent tenir compte de la succession et de la synchronisation des différents mécanismes de justice transitionnelle.

Les différents axes d’activités de l’ICTJ en Tunisie

Les actions de l’ICTJ en Tunisie sont financées par les gouvernements et les organisations, les USA, le Luxembourg et la Norvège. Mais dans ses différentes actions, le centre ne travaille qu’avec les groupes de victimes, le Ministère et l’Assemblée Constituante.

  • Aide à la rédaction du projet de loi

Suite à la consultation nationale du gouvernement tunisien en avril 2012, le gouvernement a sollicité l’aide de l’ICTJ pour faire une expertise. Le centre a donc procédé à l’expertise et a fourni des experts qui ont formé les membres du Comité technique ayant rédigé la loi sur la justice transitionnelle. Le projet de loi concerne la Commission de vérité, son mandat, les critères de choix des membres de la Commission. Le projet de loi concerne entre autre la réforme des institutions, sur le vetting des juges.

L’ICTJ a procédé entre autre à la formation des membres qui ont réalisé les consultations dans les régions. Ces derniers collaborent avec les experts de l’ICTJ en matière de recherche de vérité, de justice criminelle, de redevabilité, de genre, et toutes les autres thématiques de la justice transitionnelle. L’expertise a été faite pour le Comité technique et pour le Ministère des droits de l’Homme ainsi que les représentants de la société civile ayant contribué aussi à la rédaction du projet de loi sur la justice transitionnelle. Quand le projet de loi a été élaboré, il a été soumis à l’Assemblée nationale constituante pour être discuté. Mais l’adoption de ce projet de loi s’est arrêtée avec l’assassinat de Mohamed Brahmi. Ce brusque arrêt a bouleversé l’ordre de priorité pour l’Assemblée Nationale. Dans cette optique, le centre n’est plus en mesure de définir si le projet de loi constitue toujours la priorité ou non. Mais il a été constaté que le gouvernement tunisien s’est plus intéressé à la Constitution et à la loi électorale qu’au projet de loi.

  • Formation et conférences

A part la formation, l’expertise et l’aide faite par l’ICTJ en Tunisie, le centre a également organisé des conférences pour la société civile. La première conférence portait sur l’approche légale de justice rationnelle avec la coordination des organisations et d’associations de la société civile pour la justice transitionnelle. L’ICTJ a réalisé entre autre un workshop pour les médias en ce qui concerne la justice transitionnelle. Ceci a concerné deux journalistes français, spécialisés dans le reporting pendant la période de transition de guerre et dans la justice transitionnelle. Ces deux journalistes ont donné une formation d’une journée aux journalistes tunisiens. Ensuite, l’ICTJ a organisé un voyage au Pérou pour les représentants de la société civile, les fonctionnaires du Ministère des droits de l’Homme pour les aider à avoir des idées claires en ce qui concerne la pratique de justice transitionnelle.

  • Les actions pour l’éradication de la question du genre social

L’ICTJ a organisé une conférence consacré au thème genre et justice transitionnelle en septembre 2012. A l’issue de cette conférence, un signature d’accord est prévu avec le Ministère de la femme et avec le Ministère de la femme et de l’enfance en matière de justice transitionnelle afin de renforcer les capacités des fonctionnaire de ce domaine en ce qui concerne la justice transitionnelle et la réparation. En effet, cette démarche a été entreprise dans le cadre de la considération de la femme lors des démarches de réparation pendant la justice transitionnelle. La société arabe tend en effet à négliger la femme dans toutes les activités et les prises de décisions, ce qui ne va pas de pair avec le concept de justice transitionnelle.

La perception des actions de l’ICTJ en Tunisie

Selon la perception de la représentante de l’ICTJ en Tunisie, la population tunisienne est consciente de la neutralité de l’ICTJ ce qui fait que le Centre est bien respecté. En effet, les autres entités qui s’intéressent au problème tunisien montrent un intérêt pur un courant politique ou pour un autre, ce qui suscite la méfiance du peuple. L’ICTJ travaille aussi bien avec les islamistes, les laïcs, et les différents autres acteurs. Par ailleurs, cette ONG possède un certain positionnement avec le gouvernement,  la société civile et les victimes.

Les limites des actions de l’ICTJ dans les pays en situation post-conflit

La corruption fait partie des obstacles auxquels, l’ICTJ doit toujours faire face dans le cadre de la mise en place de la justice transitionnelle. Ce fait qui, pourtant, est monnaie courante dans les pays qui subissent des régimes de dictature, ne cesse d’empêcher l’établissement des réparations aux victimes. Les réparations dans certains cas ne permettent pas de compenser les pertes subies par les victimes et leurs familles. Mais la corruption permet d’autre part la mise en place d’une politique d’amnésie, qui, finalement, conduit à la rétention au pouvoir des coupables, ce qui revient à l’oubli des crimes qu’ils ont perpétrés dans le passé. La directrice du centre au Liban a dû reconnaître que la corruption est la principale cause de l’impunité dans les pays en situation post-conflit. La mise en place de la justice transitionnelle, la recherche de la vérité conduit parfois à l’impunité des criminels et pourtant, l’ICTJ dans certains cas, ne peut pas changer les choses.

Dans le cas de la Tunisie, il existe une volonté politique pour mener une action en ce qui concerne la justice transitionnelle mais la mise en place de telles actions se heurte parfois à la lenteur et à la complexité du processus.

Dans le cadre de la recherche de la vérité dans les pays après conflits, il a été constaté que le face à face entre les victimes et les criminels n’est pas toujours chose aisée. En effet quand le vrai processus de mise en place de la justice transitionnelle doit commencer en bon et dû forme, les problèmes émergent. A cela s’ajoute le fait que le processus soit récent et qu’il évolue toujours.

Les limites de l’intervention de l’ICTJ en Tunisie

Par rapport aux autres pays du printemps arabe, la Tunisie a montré un intérêt particulier en matière de justice transitionnelle. A part cela, la société civile a été particulièrement active dans ce domaine. Mais les obstacles ont commencé quand les deux représentants de l’opposition ont été assassinés. La volonté politique pour mettre en place la justice transitionnelle a subitement fléchi. Par ailleurs, les compromis avec les partis politiques risquent de ralentir voire d’éliminer définitivement l’établissement du projet de loi.

En Tunisie, l’ICTJ s’est heurtée aux difficultés de mettre en place des réparations. En effet, les partis politiques du bloc démocratiques clament souvent que la résistance au despotisme et à la dictature ne demande plus de réparations. Mais la principale difficulté dans le cadre de la réparation en Tunisie réside sur le fait que les victimes n’étaient pas nombreux et n’ont pas suscité de ce fait, beaucoup d’intérêt. Ces partis politiques n’ont endossé que quelques crimes faisant quelques victimes alors que le parti politique présent actuellement, a fait des milliers de victimes ayant été emprisonnées et torturées. Par conséquent, les crimes de l’Ennahda ont été exploités comme étant un moyen de pression politique.

Les partis politiques n’ayant pas fait de nombreuses victimes refusent dans la plupart des cas d’attribuer des réparations.  Il s’agit notamment des partis de gauche qui refusent de dépenser le budget de l’Etat pour les réparations. En effet, ces réparations sont estimées à environ 3 000 euros pour les blessés et environ 2000 euros pour les familles des martyrs. Les blessés envoyés en Turquie et au Qatar bénéficient d’une prise en charge des soins, mais cela se fait avec la contribution de ces deux pays.

La réparation est particulièrement difficile pour les victimes de la dictature dont le nombre est conséquent. Ils sont des milliers à être emprisonnés pour des dizaines d’années et n’ont pas été recrutées. L’Etat leur défendait de travailler et leurs enfants ne pouvaient pas voyager parce que ces derniers n’avaient pas le droit de faire des passeports. Mais il faut noter que ces victimes sont des islamistes qui sont donc utilisées à des fins politiques pour influencer l’électorat.

Jusqu’à présent, la Tunisie n’a pas mis en place des mesures concrètes en matière de réparation. Le plan de réparation n’a pas été établi de façon claire et la réparation se fait par des mesures ponctuelles. Pour illustrer ce fait, nous pouvons parler par exemple du retour à la fonction publique et le recrutement exceptionnel pour ceux qui ont bénéficié de l’Amnistie générale.  Par ailleurs, des sommes d’argent ont été données aux blessés et aux familles des martyres de la révolution. Ils bénéficient de carnet de soins gratuits dans les hôpitaux, l’octroi de cartes utilisées dans les transports publiques.

La répondante a reconnu que la justice transitionnelle constitue une solution pour développer un pays en situation post-conflit à condition qu’il y ait une volonté politique. Dans le cas contraire, la justice transitionnelle va être exploitée comme outil politique à des fins électorales. La volonté politique va permettre de faire de la justice transitionnelle une méthode d’établissement de la paix sociale, de la réconciliation, de la responsabilisation et de la connaissance de la vérité. Jusqu’à présent, les impacts des activités de l’ICTJ en Tunisie ne sont pas encore tangibles parce que le centre n’était implanté au pays que depuis peu et que les différentes activités se heurtent à des résistances de la part de différents acteurs. Ceci ne permet pas de mesurer réellement les impacts des actions de l’ICTJ en Tunisie.

Les perspectives de l’ICTJ en Tunisie

Vu la situation actuelle en Tunisie, les actions de l’ICTJ sont loin d’être terminées. C’est la raison pour laquelle, il envisage de donner des formations pour le groupe de victimes surtout celles qui sont localisées dans les zones défavorisées. Le centre veut aussi former les activistes de la société civile sur les principes de la société transitionnelle. Le centre veut coopérer avec le Ministère des droits de l’Homme et de justice transitionnelle en matière de réparation. Dans cette optique, un article est en cours de préparation en ce qui concerne les mesures mises en place dans le cadre de la réparation.

Conclusion

Au terme de notre étude, nous pouvons constater que la justice transitionnelle n’a fait son entrée dans les pays en situation post-conflit que très récemment. C’est un concept nouveau et par conséquent, mal connu du public. Cette méconnaissance pourrait conduire à des difficultés en ce qui concerne sa mise en place dans la mesure où elle pourrait être utilisée comme moyen de pression et de manipulation politique pour favoriser l’impunité, l’oubli des victimes et des évènements.

En ce qui concerne la justice transitionnelle en Tunisie, nous avons démontré au fil de notre analyse que le gouvernement tunisien montrait une volonté politique pour instaurer cette justice mais des obstacles existent toujours. La mise en place de la justice transitionnelle en Tunisie est encore très délicate vu le contexte politique, social et économique du pays. Le schéma général que nous avons montré dans la présente étude tend à donner l’impression que la justice transitionnelle ne constitue pas la priorité, mais la mise en place de la paix, le rétablissement de la paix et de l’économie en général. Et pourtant, l’enquête que nous avons menée a permis de connaître que la justice transitionnelle pourrait constituer la clé de voûte de la situation critique en Tunisie tant au niveau politique, économique et sociale.

Bien que le concept soit effectivement récent, il a été constaté qu’il existe une organisation non gouvernementale qui se charge d’aider les gouvernements, et les différents acteurs politiques ou non dans le cadre de la mise en place de la justice transitionnelle. C’est le cas notamment de l’ICTJ qui a ouvert un bureau récemment en Tunisie pour fournir de l’expertise, de l’aide et une formation aux différents acteurs. Mais les actions de l’ICTJ en Tunisie n’en sont encore qu’à leur début, ce qui ne permet pas trop de mesurer leurs impacts sur la dimension politique, économiques et sociales.

Mais nous avons pu rapporter dans cette étude, la complexité de la mise en place de la justice transitionnelle chez le pays du printemps arabe vu le manque de volonté de la part de certains acteurs politiques pour rechercher la vérité et surtout, pour donner des réparations aux victimes. Les difficultés résident surtout au niveau de la réparation des victimes de la dictature dans la mesure où cette mesure de réparation va demander beaucoup d’investissement étatique alors que le budget de  ce dernier est encore très restreint et que les victimes soient très nombreuses.

Cet état de fait montre que la mise en place de la justice transitionnelle nécessite des concertations et des coopérations avec différents acteurs de la société civile, des partis politiques, du gouvernement, des différentes organisations mais aussi de la part des victimes elles-mêmes. Nous avons pu montrer dans le cadre de notre étude, que la reconnaissance des victimes, des criminels et la mise en place de la réparation qui soit adéquate au crime constitue une démarche cruciale dans le cadre de la justice transitionnelle mais aussi fortement réprimée par les différents acteurs concernés.

Nous pouvons affirmer entre autre que le temps joue aussi un rôle important dans toute situation post-conflit et de période de transition. La justice transitionnelle demande en effet un certain temps pour collecter toutes les informations, et de mettre en place les différents projets de loi, les procédures, les formations. Or, des évènements peuvent s’incruster et bouleverser le cours des choses. C’est le cas de la Tunisie que nous venons d’étudier. Alors que le projet de loi concernant la justice transitionnelle a été considéré comme étant cruciale pour  faire avancer le pays, l’assassinat de deux figures de l’opposition a complètement modifié la hiérarchie des actions de l’Etat et de l’ICTJ. Désormais, la priorité est à la constitution et à l’élection. Les acteurs se disputent en ce qui concerne l’auteur des crimes, la tension monte, la situation politique se désagrège de plus en plus. Dans ce jeu de manipulation politique, la recherche de la vérité concernant toutes les victimes antérieures et actuelles tend à s’estomper et tous les acteurs tendent à oublier la vraie raison, l’origine même de cet enchaînement d’évènement : le désir de changer la situation politique, économique et sociale en Tunisie qui a été opprimée ….

[1] Que peuvent les classes moyennes? Retour sur « le printemps arabe », http://www.monde-diplomatique.fr/2012/05/ACHCAR/47669

[2] Que reste-t-il des printemps arabes? http://www.lexpress.fr/actualite/monde/proche-orient/que-reste-t-il-des-printemps-arabes_1278884.html

[3] African Development Bank, Organisation for Economic Co-operation and Development, United Nations Development Programme, United Nations Economic Commission for Africa. 2012. Perspectives économiques en Afrique 2012. Promouvoir l’emploi des jeunes. OECD Publishing, p.10.

[4]Gŭlŭbov, A. et Sayah, J. 2012. Participations et citoyennetés depuis le printemps arabe. L’Harmattan, p.64.

[5] Stevenson, L. 2012. Développement du secteur privé et des entreprises : Favoriser la croissance au Moyen-Orient et en Afrique du Nord. UNC Press Books, p.306.

[6]Gŭlŭbov, A. et Sayah, J. 2012. Participations et citoyennetés depuis le printemps arabe. L’Harmattan, p.67.

[7] Conséquences politiques, http://smartfox.over-blog.com/article-consequences-politiques-101157400.html

[8] Printemps arabe : Un islam politique varié émerge des révolutions, http://www.20minutes.fr/monde/libye/812872-printemps-arabe-islam-politique-varie-emerge-revolutions

[9]Jacoud, M.  Le printemps arabe : les conséquences –  l’après (3), http://www.cesa.air.defense.gouv.fr/IMG/pdf/Le_printemps_arabe.pdf

[10]Viden, A. 2012. Les Etats-Unis et le printemps arabe. In : Mikail, B. (Ed.)Bouleversements stratégiques dans le monde arabe ? L’Harmattan, pp.13 – 25.

[11] Le printemps arabe : premier bilan et proposition pour une politique française. 11 juillet 2011. www.ifri.org/downloads/ifrirapportavicenne1.pdf‎

[12]Chena, S. 2012. Un an après les « Printemps arabes » : impacts politiques et géopolitiques du Maghreb et du Machrek, Points de mire, 13 (5).

[13] Von Hlatky, S.  Diriger à partir des coulisses : Les interventions américaines post-Lybie. Conférence internationale «Les changements stratégiques en Méditerranée post-Printemps arabe », http://www.ceram-ege.com/blog/wp-content/uploads/2012/07/St%C3%A9fanie-DEF.pdf

[14] Le printemps arabe : Premier bilan et propositions pour une politique française, Avicenne, 11 juillet 2011, www.ifri.org/downloads/ifrirapportavicenne1.pdf‎

[15] Printemps arabe : quelles conséquences économiques ? http://www.journaldunet.com/economie/magazine/economie-tunisie-algerie-egypte-maroc.shtml

[16] Le printemps arabe : Premier bilan et propositions pour une politique française, Avicenne, 11 juillet 2011, www.ifri.org/downloads/ifrirapportavicenne1.pdf‎

[17]Mrabi, M. 2012. Impact du printemps arabe sur les économies : la facture de la démocratie, L’économiste, n°3736 du 08 mars 2012, http://www.leconomiste.com/article/892071-impact-du-printemps-arabe-sur-les-conomiesle-facture-de-la-d-mocratie

[18] Conséquences sociales, http://smartfox.over-blog.com/article-consequences-sociales-101157544.html

[19]Mouhoud, M. 2013. Pays arabes : Les conséquences économiques des soulèvements arabes, http://www.franceculture.fr/emission-les-enjeux-internationaux-pays-arabes-les-consequences-economiques-des-soulevements-arabes-

[20] Le « printemps arabe » a coûté 40 milliards d’euros, http://www.slateafrique.com/54203/le-printemps-arabe-coute-50-milliards-libye-tunisie-egypte

[21] Stevenson, L. 2012. Développement du secteur privé et des entreprises : Favoriser la croissance au Moyen-Orient et en Afrique du Nord. UNC Press Books, p.306

[22] Printemps arabe : quelles conséquences économiques ? http://www.journaldunet.com/economie/magazine/economie-tunisie-algerie-egypte-maroc.shtml

[23] Le printemps arabe : Premier bilan et propositions pour une politique française, Avicenne, 11 juillet 2011, www.ifri.org/downloads/ifrirapportavicenne1.pdf‎

[24]Lagoarde-Segot, T. Après le printemps arabe, les défis économiques subsistent, http://www.econostrum.info/Apres-le-Printemps-Arabe-les-defis-economiques-subsistent_a12662.html

[25] Printemps arabe 2011 en Tunisie : une nouvelle ère, http://www.location-vente-maghreb.com/actualite/printemps-arabe-2011-en-tunisie-une-nouvelle-ere

[26]Bukuru, M. Les mécanismes de justice transitionnelle, http://www.consultations-nationales-togo.org/files/fichiers/documents/24Les_mecanismes_de_justice_transitionnelle.pdf

[27]Pondi, J. 2011. Contexte moderne de la justice transitionnelle, Mottet, C et Pout, C. (Eds.). La justice transitionnelle : une voie vers la réconciliation et la construction d’une paix durable. Conference  Paper 1/2011, Dealing  with the Past-Series

[28]Vinck, P., Pham, P., Baldo, S. et Shigekane, R. 2008.Vivre dans la peur : Une étude réalisée au sein de la population sur la paix, la justice et la reconstruction sociale dans l’Est de la République Démocratique du Congo, http://www.law.berkeley.edu/files/HRC/Publications_Living-With-Fear_FRENCH.pdf

[29]Rumin, S. 2008. Réforme du système de la sécurité dans les Etats fragiles : Au-delà du renforcement des capacités, l’exemple de la justice transitionnelle. In : Bellina, S, Magro, H et de Villemeur, V (Eds.) La gouvernance démocratique : un nouveau paradigme pour le développement. Karthala, Paris, p. 502.

[30]Mabiala, R. 2009. La justice dans les pays en situation de post-conflit : Justice transitionnelle. L’Harmattan, Paris, pp.31-32.

[31]Turgis, N. 2010. What is transitional justice? International Journal of Rule of Law, Transitional Justice and Human Rights, 1: 9- 15.

[32] Lefranc, S. 2012. Amérique latine et reste du monde les voyages internationaux de la « justice transitionnelle ». La revue des droits de l’Homme, n°2, pp. 1- 10.

[33]Mabiala, R. 2009. La justice dans les pays en situation de post-conflit : Justice transitionnelle. L’Harmattan, Paris, p.40.

[34]Rapport annuel 2004/2005 du Centre International pour la Justice Transitionnelle. La parole aux victimes, http://ictj.org/sites/default/files/ICTJ-Global-Annual-Report-2005-French.pdf

[35]Mottet, C et Pout, C. 2011. La justice transitionnelle : une voie vers la réconciliation et la construction d’une paix durable. Conference  Paper 1/2011, Dealing  with the Past-Series

[36]ibid

[37]Mottet, C et Pout, C. 2011.La justice transitionnelle : une voie vers la réconciliation et la construction d’une paix durable. Conference  Paper 1/2011, Dealing  with the Past-Series

[38]Ibid

[39]Rapport annuel 2004/2005 du Centre International pour la Justice Transitionnelle. La parole aux victimes, http://ictj.org/sites/default/files/ICTJ-Global-Annual-Report-2005-French.pdf

[40]Mottet, C et Pout, C. 2011.La justice transitionnelle : une voie vers la réconciliation et la construction d’une paix durable. Conference  Paper 1/2011, Dealing  with the Past-Series

[41]Bukuru, M. Les mécanismes de justice transitionnelle, http://www.consultations-nationales-togo.org/files/fichiers/documents/24Les_mecanismes_de_justice_transitionnelle.pdf

[42]Rapport annuel 2004/2005 du Centre International pour la Justice Transitionnelle. La parole aux victimes, http://ictj.org/sites/default/files/ICTJ-Global-Annual-Report-2005-French.pdf

[43]Rapport annuel 2004/2005 du Centre International pour la Justice Transitionnelle. La parole aux victimes, http://ictj.org/sites/default/files/ICTJ-Global-Annual-Report-2005-French.pdf

[44] Lefranc, S. 2008. La justice transitionnelle n’est pas un concept. Mouvements, 1 (53) : 61 – 69.

[45]Mottet, C et Pout, C. 2011. La justice transitionnelle : une voie vers la réconciliation et la construction d’une paix durable. Conference  Paper 1/2011, Dealing  with the Past-Series

[46]Bukuru, M. Les mécanismes de justice transitionnelle, http://www.consultations-nationales-togo.org/files/fichiers/documents/24Les_mecanismes_de_justice_transitionnelle.pdf

[47]Ngoma-Binda, P. 2008. Justice transitionnelle en R.D. Congo. L’Harmattan, Paris, p.14.

[48] Fondation euro-méditerranéenne de soutien aux défenseurs des droits de l’Homme. 2011. Changement démocratique dans la région arabe : Logique d’Etats et dynamiques d’acteurs. Séminaire de réflexion du 2 au 3 avril 2011 à Bruxelles, http://www.emhrf.org/fr/documents/FrenchLR.pdf

[49]Turgis, N. 2010.What is transitional justice? International  Journal  of Rule of Law, Transitional Justice and Human Rights, 1: 9- 15.

[50]Bukuru, M. Les mécanismes de justice transitionnelle, http://www.consultations-nationales-togo.org/files/fichiers/documents/24Les_mecanismes_de_justice_transitionnelle.pdf

[51]Pondi, J. 2011. Contexte moderne de la justice transitionnelle. In : Mottet, C et Pout, C (Eds.). La justice transitionnelle : une voie vers la réconciliation et la construction d’une paix durable. Conference  Paper 1/2011, Dealing  with the Past-Series

[52]Mottet, C. 2011. Traitement du passé : quels défis et quelles opportunités pour une paix durable ? In : Mottet, C et Pout, C. (Eds.) La justice transitionnelle : une voie vers la réconciliation et la construction d’une paix durable. Conference Paper 1/2011, Dealing with the Past-Series

 

[53] Lefranc, S. 2012. Amérique latine et reste du monde les voyages internationaux de la « justice transitionnelle ». La revue des droits de l’Homme, n°2, pp. 1- 10.

[54]Khader, B. Le printemps arabe à l’épreuve de la transition : la Tunisie confrontée à d’autres expériences historiques. Communication présentée au 39ème Congrès du Forum de la Pensée Contemporain, Tunisie, http://acimedit.net/wp-content/uploads/2013/04/Le-Printemps-arabe-%C3%A0-l%E2%80%99%C3%A9preuve-de-la-transition1.pdf

[55] Séminaire EuroMed. Le mouvement de défense des droits de l’homme face aux nouveaux défis, du 31 mai au 1er juin 2012 à Copenhague, http://www.euromedrights.org/fra/wp-content/uploads/2012/09/Seminar-report_FR-2.pdf

[56] Tunisie : La conférence internationale sur la justice transitionnelle aboutit à une série de recommandations, http://directinfo.webmanagercenter.com/2013/06/20/tunisie-la-conference-internationale-sur-la-justice-transitionnelle-aboutit-a-une-serie-de-recommandations/

[57] Démocratie et renouveau dans le monde arabe. L’UNESCO accompagne les transitions vers la démocratie. Rapport de la Table ronde au siège de l’UNSECO, le 21 juin 2011, http://unesdoc.unesco.org/images/0021/002116/211659f.pdf

[58]Gephart, W. 2012. Transition et constitution des sociétés démocratiques : réflexion d’un colloque international  organisé à Bonne (29 et 30 avril 2011). In :  Haddar, M et Moisseron, J. La transition économique en Tunisie. Leçons des expériences passées. L’Harmattan, Paris, p.143.

[59] Dot-Pouillard, N. 2013. Tunisie : la révolution et ses passés. L’Harmattan, Paris, pp.58 – 60.

[60]Huyse, L. 2013. Justice de transition après la guerre et la dictature. Enseignements à tirer des expériences européennes (1945 – 2010), http://www.cegesoma.be/docs/media/Recherche/TransJustRapportFinal.pdf

[61]Fondation euro-méditerranéenne de soutien aux défenseurs des droits de l’Homme. 2011. Changement démocratique dans la région arabe : Logique d’Etats et dynamiques d’acteurs. Séminaire de réflexion du 2 au 3 avril 2011 à Bruxelles, http://www.emhrf.org/fr/documents/FrenchLR.pdf

[62] Tunisie : Un expert de l’ONU va évaluer les efforts gouvernementaux entrepris pour promouvoir la justice transitionnelle, http://www.ohchr.org/FR/NewsEvents/Pages/DisplayNews.aspx?NewsID=12756&LangID=F

[63]Maktouf, S et Sur, O. 2013. Printemps arabe, hiver judiciaire. Le figaro, 9 – 10 février 2013.

[64]La nouvelle Tunisie veut une justice de transition pour tourner la page Ben Ali, http://www.rfi.fr/afrique/20120611-nouvelle-tunisie-veut-une-justice-transition-tourner-page-ben-ali

[65]Ayad, C. 2012. Révolutions arabes : des transitions inachevées, http://www.lemonde.fr/international/article/2012/10/05/des-transitions-inachevees_1770877_3210.html

[66]Huskamp, T. 2013. Nouvelles de mars 2013, http://www.ica.org/download.php?id=2859

[67] Hazan, P. 2008. Les dilemmes de la justice transitionnelle. Mouvements, 1 (53) : 41- 47.

[68]Tallec, I. 2012. Libye : comment reconstruire ? http://www.ihej.org/libye-comment-reconstruire/

[69] Lefranc, S. 2008. La justice transitionnelle n’est pas un concept. Mouvements, 1(53) : 61 – 69.

[70]Vinck, P., Pham, P., Baldo, S. et Shigekane, R. 2008. Vivre dans la peur : Une étude réalisée au sein de la population sur la paix, la justice et la reconstruction sociale dans l’Est de la République Démocratique du Congo, http://www.law.berkeley.edu/files/HRC/Publications_Living-With-Fear_FRENCH.pdf

[71]Vinck, P., Pham, P., Baldo, S. et Shigekane, R. 2008. Vivre dans la peur : Une étude réalisée au sein de la population sur la paix, la justice et la reconstruction sociale dans l’Est de la République Démocratique du Congo, http://www.law.berkeley.edu/files/HRC/Publications_Living-With-Fear_FRENCH.pdf

[72] Rapport annuel 2004/2005 du Centre International pour la Justice Transitionnelle. La parole aux victimes, http://ictj.org/sites/default/files/ICTJ-Global-Annual-Report-2005-French.pdf

[73] Hirsch, M. 2007. Agents of truth and justice: truth commissions and the transitional justice epistemic community. In: Chandler, D et Heins, V (Eds.) Rethinking ethical foreign policy: pitfalls, possibilities and paradoxes. Routledge, New York, pp. 184 – 205.

[74]Rapport annuel 2004/2005 du Centre International pour la Justice Transitionnelle. La parole aux victimes, http://ictj.org/sites/default/files/ICTJ-Global-Annual-Report-2005-French.pdf

[75]Lefranc, S. 2008. La justice transitionnelle n’est pas un concept. Mouvements, 1(53) : 61 – 69.

[76] Andrieu, K. 2012. La justice transitionnelle : De l’Afrique du Sud au Rwanda. Gallimard, pp. 14- 15.

[77]Rapport annuel 2004/2005 du Centre International pour la Justice Transitionnelle. La parole aux victimes, http://ictj.org/sites/default/files/ICTJ-Global-Annual-Report-2005-French.pdf

[78]Unger, T et Wierda, M. 2009. Pursuing justice in ongoing conflict: A discussion of current practice. In:  Ambons, K., Large, J. et Wierda, M. (Eds.) Building a future on peace and justice; Studies on Transitional justice, peace and development.The Nuremberg declaration on peace and justice, Springer-Verlag, Berlin Heidelberg, pp. 263 – 302.

[79] Le processus de justice de transition au Burundi : Défis et perspectives. Programme Afrique, ICTJ, http://ictj.org/sites/default/files/ICTJ-Burundi-Processus-de-Justice-2011-French.pdf

[80] International Center for Transitional Justice (ICTJ) et l’Union Européenne renforcent les capacités du secteur du medias sur leur rôle dans la justice transitionnelle, http://eeas.europa.eu/delegations/cote_ivoire/press_corner/all_news/news/2013/20130426_fr.htm

[81]Africa: ICTJ program report – Children and Youth, http://allafrica.com/stories/201308141307.html

[82] ICTJ : Conviction of Ríos Montt on genocide : A victory for justice in Guatemala, and everywhere, http://ictj.org/news/ictj-conviction-rios-montt-genocide-victory-justice-guatemala-and-everywhere

[83]Larané, A. 24 avril 1915 : le génocide arménien, http://www.herodote.net/24_avril_1915-evenement-19150424.php

[84] International Center for Transitionant Justice (ICTJ) report prepared for TARC, http://www.armenian-genocide.org/Affirmation.244/current_category.5/affirmation_detail.html

[85] Commission de réconciliation turco-arménienne ; les raisons d’un échec, http://www.tetedeturc.com/home/spip.php?article160

[86] Phillips, D. 2005. Unsilencing the past : Track two diplomacy and Turkish-Armenian Reconciliation. Berghahn Books, USA, p.109.

[87] Sierra Leone, http://ictj.org/our-work/regions-and-countries/sierra-leone

[88]Country guide. Tunisie. 2010- 2011. Petit-futé. Pp. 41 – 42.

[89]Steuer, C. 2004. Lecture : Tunisie : Le délitement de la Cité. SadriKhiari, Karthala, 2003, Confluences Méditérranée, n°51, pp. 135 – 138.

[90] OECD. 2012. Examens de l’OCDE des politiques de l’investissement. Tunisie. Ed. OCDE, http://dx.doi.org/10.1787/9789264179431.fr

[91] La Tunisie toujours en pleine paralysie politique. Le Monde, http://www.lemonde.fr/tunisie/article/2013/08/15/la-tunisie-toujours-en-pleine-paralysie-politique_3462067_1466522.html

[92] Tunisie : Accord sur le régime politique, Le Figaro, http://www.lefigaro.fr/flash-actu/2013/05/14/97001-20130514FILWWW00568-tunisie-accord-sur-le-regime-politique.php

[93] La Tunisie depuis la chute de Ben Ali, http://tempsreel.nouvelobs.com/monde/20130206.OBS7896/la-tunisie-depuis-la-chute-de-ben-ali.html

[94]Khiri, Y. 2013. Tunisie : le dernier espoir des « printemps arabes », http://www.lexpress.fr/actualite/monde/afrique/tunisie-le-dernier-espoir-des-printemps-arabes_1277905.html

[95]Godey, M. 2013. Portrait – Tunisie : qui était ChokriBelaïd ? http://www.bfmtv.com/international/portrait-tunisie-etait-chokri-belaid-441878.html

[96] Gonzalez A. 2013. La Tunisie face à une situation politique explosive, http://www.bfmtv.com/international/tunisie-face-a-une-situation-politique-explosive-444042.html

[97] Tunisie : le gouvernement impute les meurtres d’opposants à un groupe salafiste, http://www.lexpress.fr/actualite/monde/afrique/tunisie-le-gouvernement-impute-les-meurtres-d-opposants-a-un-groupe-salafiste_1276369.html

[98] Tunisie : le gouvernement impute les meurtres d’opposants à un groupe salafiste, http://www.lexpress.fr/actualite/monde/afrique/tunisie-le-gouvernement-impute-les-meurtres-d-opposants-a-un-groupe-salafiste_1276369.html

[99] Gonzalez, A. 2013. La Tunisie face à une situation politique explosive, http://www.bfmtv.com/international/tunisie-face-a-une-situation-politique-explosive-444042.html

[100]Korso, M. 2013. Le patronat tunisien s’inquiète de l’impasse politique et appelle à une réaction urgente, http://www.maghrebemergent.com/actualite/maghrebine/item/27799-le-patronat-tunisien-s-inquiete-de-l-impasse-politique-et-appelle-a-une-reaction-urgente.html

[101] Al-Kassar, H. 2010. L’espace de départ dans le mouvement migratoire Tunisien. In : Chaabita, R. (Ed.) Migration clandestine africaine  vers l’Europe : Un espoir pour les uns, un problème pour les autres, L’Harmattan, Paris, pp. 81 – 103.

[102]Tunisie 2011 – 2012. Petit futé, pp. 47 – 48.

[103] Tunisie population profil 2012, http://www.indexmundi.com/fr/tunisie/population_profil.html

[104] Démographie, la Tunisie face à un « trop-plein » de femmes, http://www.gnet.tn/temps-fort/tunisie-les-femmes-se-multiplient-les-hommes-se-rarefient/id-menu-325.html

[105] Tunisie 2011 – 2012. Petit futé, pp. 47 – 48.

[106] Institut Tunisien de la Compétitivité et des études quantitatives, République Tunisienne. Mars 2012. L’intégration de la Tunisie : Caractéristiques des échanges extérieurs, http://www.ieq.nat.tn/upload/files/Notes%20et%20analyses/integration%20echanges%20exterieurs-F.pdf

[107] Une étude de la Banque Mondiale concernant un pays. Intégration mondiale de la Tunisie : Une nouvelle génération de réformes pour booster la croissance et l’emploi. 2008. Banque Mondiale, Washington DC, pp. 1 – 5.

[108]Mandeng Nyobe, J. 2009. Economie et entreprenariat social : De nouveaux repères. L’Harmattan, p. 381.

[109] Une étude de la Banque Mondiale concernant un pays. Intégration mondiale de la Tunisie : Une nouvelle génération de réformes pour booster la croissance et l’emploi. 2008. Banque Mondiale, Washington DC, pp. 1 – 5.

[110] Institut Tunisien de la Compétitivité et des Etudes Quantitatives, République Tunisienne. Mars 2012. L’intégration de la Tunisie : Caractéristiques des échanges extérieurs, http://www.ieq.nat.tn/upload/files/Notes%20et%20analyses/integration%20echanges%20exterieurs-F.pdf

[111]Guibbaud, C et Rondeleux, N. 2013. Malgré le recul des IDE, l’économie tunisienne n’est pas « au bord du précipice » (FIPA), http://www.maghrebemergent.com/component/k2/item/28020-ide-en-tunisie.html

[112] Perspectives économiques en Tunisie, http://www.afdb.org/fr/countries/north-africa/tunisia/tunisia-economic-outlook/

[113]Korso, M. 2013. Le patronat tunisien s’inquiète de l’impasse politique et appelle à une réaction urgente, http://www.maghrebemergent.com/actualite/maghrebine/item/27799-le-patronat-tunisien-s-inquiete-de-l-impasse-politique-et-appelle-a-une-reaction-urgente.html

[114]Amri, L. 2007. Introduction. In : AmriL(Ed.) Les changements sociaux en Tunisie 1950 – 2000.L’Harmattan, Paris, p. 18.

[115]Mihoub-Dramé. 2005. Internet dans le monde arabe : Complexité d’une adoption. L’Harmattan, Paris, pp. 131 – 133.

[116]Tunisie : Défis économiques et sociaux post-révolution, http://www.afdb.org/fileadmin/uploads/afdb/Documents/Publications/Tunisie%20D%C3%A9fis%20%C3%89conomiques%20et%20Sociaux.pdf

[117] Institut de Coopération Sociale Internationale. Projet de l’ICOSI en Tunisie : « Renforcement de la démocratie sociale, du dialogue social et des pratiques de négociation collective en coopération avec les syndicats français », Compte-rendu des Rencontres du 19 au 22 novembre 2012, http://www.icosi.org/IMG/pdf/compte-rendu_rencontre_ugtt-icosi_-_nov_2012.pdf

[118]Wilmots, A.  2003. De Bourguiba à Ben Ali : L’étonnant parcours économique de la Tunisie (1960 – 2000). L’Harmattan, Paris, pp. 68 – 71.

[119] Tunisie : Défis économiques et sociaux post-révolution, http://www.afdb.org/fileadmin/uploads/afdb/Documents/Publications/Tunisie%20D%C3%A9fis%20%C3%89conomiques%20et%20Sociaux.pdf

[120]Institut de Coopération Sociale Internationale. Projet de l’ICOSI en Tunisie : « Renforcement de la démocratie sociale, du dialogue social et des pratiques de négociation collective en coopération avec les syndicats français », Compte-rendu des Rencontres du 19 au 22 novembre 2012, http://www.icosi.org/IMG/pdf/compte-rendu_rencontre_ugtt-icosi_-_nov_2012.pdf

[121] Selon Transparency International, la Tunisie gangrénée par la corruption, http://www.kapitalis.com/tribune/17125-selon-transparency-international-la-tunisie-gangrenee-par-la-corruption.html

[122]Achy, L. 2012. Tunisie : une situation économique morose et des promesses peu crédibles, http://lecercle.lesechos.fr/economie-societe/international/afrique/221146234/tunisie-situation-economique-morose-et-promesses-pe

[123] Ben Amor, R. 2011. Le rôle du capital social dans la dynamique entrepreneuriale en Tunisie : Un état des lieux de la recherche à partir de quelques travaux. In : Denieuil, P. et Madoui, M (Eds.) entrepreneurs maghrébins : Terrains en développement, Karthala, Paris, pp.187-188.

[124]Lebouvier, C. 2013. Quelques infos sur le contexte actuel en Tunisie, http://blog.ccfd-terresolidaire.org/mpr/post/2013/03/21/Quelques-infos-sur-le-contexte-actuel-en-Tunisie.

[125]Tunisie, http://www.africaneconomicoutlook.org/fr/pays/afrique-du-nord/tunisie/

[126] La situation sécuritaire en Tunisie n’est pas satisfaisante, http://www.tunivisions.net/video/1426/566/la-situation-securitaire-en-tunisie.html

[127] La situation en Tunisie : un état de fait ? Le point de vue de Kader Abderrahim, chercheur associé à l’IRIS, http://www.affaires-strategiques.info/spip.php?article8562

[128] Tunisie : Une situation sécuritaire critique sur fond de crise économique, http://www.radiovl.fr/tunisie-une-situation-securitaire-critique-sur-fond-de-crise-economique/

[129]Haddar, M et Moisseron, J. 2012. La transition économique en Tunisie : Leçon des expériences passées. L’Harmattan, Paris, p. 187.

[130] Où en est la transition démocratique en Tunisie ? http://www.imarabe.org/jeudi-ima/ou-en-est-la-transition-d-emocratique-en-tunisie

[131] Dot-Pouillard, N. 2013. Tunisie : la révolution et ses passés. L’Harmattan, Paris, pp. 12 – 16.

[132] Tunisie : Les Nations Unies déterminées à soutenir la transition démocratique, http://www.maghrebemergent.com/actualite/breves/fil-maghreb/item/29064-tunisie-les-nations-unies-determinees-a-soutenir-la-transition-democratique.html

[133]Dakhli, L. Une révolution trahie ? Sur le soulèvement tunisien et la transition démocratique, http://www.laviedesidees.fr/Une-revolution-trahie.html

[134]Chekir, H. 2013. La Tunisie, une transition plus longue que prévu, http://www.huffpostmaghreb.com/hamouda-chekir/la-tunisie-une-transition_b_3494960.html

[135]Achy, L, Boulila, G, Gherairi, G, Gouia, R et Haddar, M. 2011. La transition économique en Tunisie : quels défis à court et moyen termes ? http://carnegie-mec.org/2011/07/09/la-transition-%C3%A9conomique-en-tunisie-quels-d%C3%A9fis-%C3%A0-court-et-moyen-termes/az0f?reloadFlag=1

[136]Ghosn, C et Lahouij, A. 2013. Mouvements sociaux en Tunisie : les risques de subjectivité et de manipulation. In : Najar, S (Ed.) Les réseaux sociaux sur Internet à l’heure des transitions démocratiques. IRMC (Tunis) et Karthala (Paris), pp. 345 – 354.

[137]Tahani, T. Le rôle des médias dans la transition démocratique. In : Défis et perspectives nouvelles pour les progressistes de Tunisie et d’Europe. Compte-rendu du Colloque de la Fondation Gabriel Péri, http://www.gabrielperi.fr/IMG/pdf/compte-rendu_du_colloque_defis_et_perspectives_nouvelles_-_fgp_-_tunis_-_mars_2012.pdf

[138] Robbins, M. 2012. Tunisie : le pain avant l’Islam et la démocratie, http://www.slateafrique.com/79369/pain-avant-islam-democratie-tunisie

[139] Le questionnaire et l’entretien semi-directif, http://gers-sociologie.fr/methodes/l-entretien-semi-directif

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