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LES CHARTES SOCIALES DU CONSEIL DE L’EUROPE ET DE L’UNION EUROPEENNE, UNE COMPLEMENTARITE UTILE ?

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

LES CHARTES SOCIALES DU CONSEIL DE L’EUROPE ET DE L’UNION EUROPEENNE, UNE COMPLEMENTARITE UTILE ?

 

 

TABLE DES MATIERES

  1. Rétrospective générale des quatre Chartes à travers leur dimension sociale
  2. Les Chartes sociales du Conseil de l’Europe

 

  1. La Charte sociale européenne (CSE) du 18 octobre 1961

 

  1. Genèse, objectifs, adoption, entrée en vigueur

 

  1. Contenu matériel
    • Droits professionnels (§1er Partie I ss. / article 1er, ss. CSE ;… ; §11ème Partie I / article 11 ; §18ème Partie I / article 18)

 

  • Droit à une protection sociale
    • Droit à la protection de la santé (§11ème Partie I / article 11)
    • Droit à la sécurité sociale (§12ème Partie I / article 12)
    • Droit à l’assistance sociale et médicale (§13ème Partie I / article 13)
    • Droit aux bénéfices des services sociaux (§14ème Partie I / article 14)
    • Droit des personnes physiquement ou mentalement diminuées à la formation professionnelle et à la réadaptation professionnelle et sociale (§15ème Partie I / article 15)
    • Droit de la famille à une protection sociale, juridique et économique (§16ème Partie I / article 16)
    • Droit de la mère et de l’enfant à une protection sociale et économique (§17ème Partie I / article 17)
    • Droits des travailleurs migrants et de leurs familles à la protection et à l’assistance (§19ème Partie I / article 19)

 

  1. Mécanisme de contrôle

 

  1. La Charte sociale européenne (CSE) révisée du 03 mai 1996

 

  1. Genèse, motifs de la révision, adoption, entrée en vigueur

 

  1. Les droits substantiels de la Charte sociale révisée

 

  • Les amendements adoptés en vue de l’accroissement de certains droits

 

  • meilleure protection de la maternité et protection sociale des mères (§8ème Partie I / article 8 CSE révisée ; §16ème Partie I / article 16)
  • meilleure protection sociale, juridique et économique des enfants au travail et en dehors du travail (§17ème Partie I / article 17)
  • meilleure protection des personnes handicapées (§15ème Partie I / article 15)

 

  • Nouveaux droits :

 

  • Droits professionnels (droit au logement ; droit à la protection en cas de licenciement ; droit à la protection contre le harcèlement sexuel et moral ; droits des travailleurs ayant des responsabilités familiales à l’égalité des chances et de traitement ; droits des représentants des travailleurs)
  • Droit à la protection contre la pauvreté et l’exclusion sociale (§30ème Partie I / article 30)

 

  1. Renforcement du système de contrôle par le Protocole d’amendement de 1991 et par le Protocole additionnel de 1995 instituant un système de réclamations collectives

 

 

 

 

  1. Les Chartes sociales de l’Union européenne

 

  1. Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs du 09 décembre 1989

 

  1. Genèse, objectifs, adoption, entrée en vigueur

 

  1. Contenu matériel : Droits matérialisant les aspects sociaux du marché unique européen, en vue d’un progrès économique et social
    • Réaffirmation de manière générale du droit à la protection sociale (Protection sociale : Titre I, 10) ; protection de la santé et de la sécurité dans le milieu de travail : Titre I, 19) ; protection des enfants et des adolescents : Titre I, 20),21), 22), 23))
    • Insistance sur certains droits particuliers (Droits des personnes âgées : Titre I, 24), 25) ; droits des personnes handicapées : Titre I, 26))

 

  1. Mécanisme de contrôle

 

  1. Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne du 07 décembre 2000

 

  1. Genèse, objectifs, adoption, entrée en vigueur
  1. Les droits consacrés par la Charte :
    • Définition des droits fondamentaux (civils, politiques, sociaux, économiques) des personnes au sein de l’Union européenne, articulés autour de six catégories de valeurs (Dignité, liberté, égalité, solidarité, citoyenneté, justice)
    • Synthèse des droits sociaux fondamentaux existants (La Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne étant basée entre autres sur la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs, ainsi que sur les Chartes sociales européennes)

 

  1. Contrôle de l’application de la Charte

 

  1. Analyse comparative de ces divers instruments
  2. L’existence d’une complémentarité certaine
  3. Complémentarité naturelle des deux Chartes sociales européennes
  4. Ce sont des Chartes sociales européennes
  5. La Charte sociale révisée de 1996 prévoyant une garantie de protection sociale plus élevée
  6. La Charte sociale révisée de 1996 ayant vocation à se substituer à l’ancienne Charte.
  7. Ce sont deux Chartes dont l’application se sous-tend
  8. La recherche d’une certaine complémentarité entre les quatre Chartes
    1. La Convention des droits fondamentaux de l’Union européenne vue comme étant un affermissement des acquis des Chartes sociales européennes et de ceux de la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs
    2. Les Chartes sociales européennes : sources de jugement lors de l’élaboration des principes généraux du Droit communautaire.

 

 

 

 

  1. L’existence de certains points de divergence
  2. Différence quant à la portée et à la valeur juridique de chaque Instrument (notamment les aspects juridiques de la protection, et de la mise en œuvre de la protection des droits)
    1. Statut juridique plus confortable des Chartes européennes en tant qu’instrument juridique international
    2. Insuffisance de la valeur juridique de la Charte des droits sociaux fondamentaux de l’Union européenne (simple déclaration solennelle des Chefs d’Etats et de gouvernement des Etats membres de la Communauté européenne)
    3. Portée juridique relative de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne en tant que simple document politique
  3. Etudes des particularités de chaque Charte à travers l’analyse de quelques thématiques fondamentales
    1. Protection sociale des personnes handicapées
    2. Le cas des femmes travailleuses (enceintes ou mères – la maternité)
    3. Le cas des jeunes au travail
    4. Le cas des travailleurs migrants ou expatriés

 

 

BIBLIOGRAPHIE

 

Ouvrages généraux, Thèse, Mémoire

  • DUPEYROUX (J.-J.), Droit de la sécurité sociale, Coll. Précis, 14ème édition, Paris : Dalloz, 2001
  • VERDIER (J.-M.), Les droits économiques et sociaux : relance au Conseil de l’Europe, Droit social, 1992
  • ROBIN-OLIVIER (S.), Le principe d’égalité de traitement en droit communautaire, Etude à partir des libertés économiques, Thèse, Aix-en-Provence : PUAM, 1999
  • DESRUMEAUX Nicolas, La Charte des Droits fondamentaux de l’Union européenne, Mémoire de DEA, Lilles 2, Années 2000-2001
  • BURGORGUE-LARSEN, (L.), «La Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne racontée au citoyen européen », Revues des Affaires européennes (RAE-LEA), 2000-4, pp.398-409.

 

 

 

Ressources Internet

 

Autres Ressources Internet

 

 

 

  1. Rétrospective générale des quatre Chartes à travers leur dimension sociale

Quatre Chartes sociales construisent ou du moins confortent le droit social européen. Elles sont le fruit d’une longue et lente évolution dans le domaine social. Elles cherchent à asseoir la protection de tous les droits essentiels dans le cadre de l’Europe, particulièrement en ce qui concerne le volet social. L’assise de ces diverses Chartes, leur poids politique ainsi que le mécanisme de contrôle mis en place pour assurer leur respect diffèrent sensiblement les unes des autres. Mais quoi qu’il en soit, elles répondent toutes à une finalité commune : c’est de garantir les droits considérés comme fondamentaux de l’être humain dans le domaine social. De tels droits sont sous-tendus par des valeurs – les droits de l’homme –auxquelles s’attache l’Europe. Ces Chartes apportent, ne serait-ce que de manière indirecte, une contribution à la mise en œuvre de ces valeurs. L’homme, considéré comme étant un être humain à part  entière, donc un être social, il va de soi que la dignité humaine ne sera acquise pleinement que lorsque celui-ci aura bénéficié de tous les droits qui lui sont reconnus et qui sont inhérents à sa qualité d’être humain. Aussi, la substance des droits que les quatre Chartes renferment cherche-t-elle à veiller au mieux au bien être de l’être social : solidarité, égalité de traitement, vie décente, protection sociale,… Les Etats parties étant tenus d’en assurer le plein respect. L’adoption de chaque charte, du moins des trois premières Chartes sociales (la Charte sociale européenne de 1961, la Charte sociale révisée de 1996 et la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs), marque une évolution sociale au niveau européen et répond à chaque fois à un souci d’affermir les droits sociaux du citoyen européen. La dernière Charte (la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne de 2000) a quant à elle ceci en particulier : elle ne se limite pas à l’aspect essentiellement social des droits garantis, comme c’est le cas des trois premières Chartes ; elle intègre également dans son contenu les droits et libertés fondamentaux. Elle en fait même dans une certaine mesure une application. D’où, sa particularité.

  1. Les Chartes sociales du Conseil de l’Europe

 

  1. La Charte sociale européenne (CSE) du 18 octobre 1961

 

  1. Genèse, objectifs, adoption, entrée en vigueur

La Charte sociale européenne a été ouverte à la signature des membres du Conseil de l’Europe le 18 octobre 1961 à Turin.

L’élaboration de la Charte sociale européenne de 1961 a été déterminée par plusieurs objectifs, entre autre :

  • Réaliser une union plus étroite entre les Etats membres du Conseil de l’Europe ;
  • Favoriser leur progrès économique et social, notamment par la défense et le développement des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

A travers ces objectifs, on peut dire que le développement des droits de l’homme et des libertés fondamentales constitue ici un moyen pour asseoir un progrès économique et social entre les gouvernements membres du Conseil de l’Europe. Vu sous cet angle, cette Charte sociale européenne ne fait que confirmer la nécessité de promouvoir les Droits de l’homme et les libertés fondamentales[1].

Le texte de base qui a prévu les principaux droits considérés comme fondamentaux de l’être humain est la Convention européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales, et  auquel s’inspire la présente Charte qui, pour sa part, accorde une certaine importance à la dimension économique et sociale desdits droits. Et donc, en garantissant les droits de l’homme économique et sociaux fondamentaux.

La Charte garantit la jouissance par tout être humain de certains droits considérés comme fondamentaux en matière sociale. La Partie I de la Charte sociale européenne de 1961 énonce alors certains droits et principes, la Charte en garantissant la jouissance. Il s’agit d’une déclaration de nature politique. Elle demeure une simple déclaration, il faut le remarquer, s’il n’y a pas engagement ferme des Etats à y adhérer. Mais dès lors qu’un Etat membre du Conseil de l’Europe y adhère, il est tenu d’appliquer les dispositions de la Charte, du moins celles auxquelles il s’est engagé. La Charte sociale européenne met ainsi en œuvre un système de contrôle international de son application part les Etats adhérents.

  1. Contenu matériel

Parmi les divers droits garantis par la présente Charte, citons le droit au travail, le droit à s’organiser, le droit de négociation collective, le droit à la sécurité sociale, le droit à l’assistance sociale et médicale, le droit de la famille à une protection sociale, juridique et économique, le droit des travailleurs migrants et de leurs familles à la protection et à l’assistance. On peut regrouper ces différents droits en deux catégories.

  • Droits professionnels (§1er Partie I ss. / article 1er, ss. CSE ;… ; §11ème Partie I / article 11 ; §18ème Partie I / article 18)

En la matière, la Charte assure fondamentalement à l’individu le droit à une activité professionnelle rémunérée, c’est-à-dire du droit à « avoir la possibilité de gagner sa vie par un travail librement entrepris »[2]. Il s’agit également du droit de s’organiser ou d’adhérer à une organisation syndicale.

  • Droit à une protection sociale

La Charte garantit fondamentalement le droit à la sécurité sociale des travailleurs et de leurs ayants-droit ainsi que le droit à l’assistance sociale et médicale au profit de toute personne démunie de ressources suffisantes.

Le droit à la protection sociale concerne alors notamment :

  • Droit à la protection de la santé (§11ème Partie I / article 11)
  • Droit à la sécurité sociale (§12ème Partie I / article 12)
  • Droit à l’assistance sociale et médicale (§13ème Partie I / article 13)
  • Droit aux bénéfices des services sociaux (§14ème Partie I / article 14)
  • Droit des personnes physiquement ou mentalement diminuées à la formation professionnelle et à la réadaptation professionnelle et sociale (§15ème Partie I / article 15)
  • Droit de la famille à une protection sociale, juridique et économique (§16ème Partie I / article 16)
  • Droit de la mère et de l’enfant à une protection sociale et économique (§17ème Partie I / article 17)
  • Droits des travailleurs migrants et de leurs familles à la protection et à l’assistance (§19ème Partie I / article 19)

 

  1. Mécanisme de contrôle

La Charte sociale européenne prévoit un mode de contrôle assez particulier : la soumission de rapports gouvernementaux. La Partie IV de la Charte met en œuvre un système de contrôle reposant exclusivement sur la soumission de rapports gouvernementaux. Un rapport biennal dressé par chaque partie contractante, et relatif à l’application par celle-ci des dispositions de la Partie II de la Charte qu’elle à acceptées au moment de la ratification ou approbation (article 21) ; ainsi qu’un autre rapport relatif aux dispositions de la même Partie II de la Charte, mais cette fois-ci, qu’elle n’a pas acceptées (article 22). Un Comité d’experts est chargé d’examiner lesdits rapports (article 24), à charge pour celui-ci de délibérer en présence d’un représentant de l’Organisation Internationale du Travail qui participe à titre consultatif aux délibérations (article 26). Les conclusions du Comité d’experts, ainsi que les rapports des parties contractantes, seront encore soumises à un contre-examen par le Sous-comité du Comité social gouvernemental du Conseil de l’Europe (article 27). Finalement, c’est le Comité des Ministres, sur la base de rapports du Sous-comité et après avoir consulté l’Assemblée consultative (qui émet elle-même ses propres conclusions – article 28), qui adressera toutes recommandations nécessaires à chacune des parties.

 

  1. La Charte sociale européenne (CSE) révisée du 03 mai 1996

 

  1. Genèse, motifs de la révision, adoption, entrée en vigueur

La Charte sociale révisée a été ouverte à la signature des Etats membres du Conseil de l’Europe le 03 mai 1993 à Strasbourg. Elle est entrée en vigueur le 01 juillet 1991.

La révision a été commandée par la nécessité de donner une nouvelle impulsion à la Charte sociale européenne de 1961[3]. En effet, il a fallu, atténuer l’écart qui s’est imposé progressivement entre ce qui doit être et ce qui est. Autrement dit, la Charte sociale initiale de 1961 n’a pas pu suivre le rythme de l’évolution de la réalité sociale européenne. Il a donc fallu l’y adapter. D’où, la révision de la Charte qui s’est manifesté principalement par l’élargissement des droits garantis, notamment en matière sociale. De nombreux droits ont été intégrés. Ce sont notamment le droit à la protection contre la pauvreté et l’exclusion sociale ; le droit au logement ; le droit à la protection en cas de licenciement ; le droit à la protection contre le harcèlement sexuel et moral ; les droits des travailleurs ayant des responsabilités familiales à l’égalité des chances et de traitement ; les droits des représentants des travailleurs.

 

Il a également été jugé utile de renfoncer la garantie de certains droits déjà prévus par l’ancienne Charte. D’où, les divers amendements au texte de la Charte initiale. En particulier, le renforcement du principe de non-discrimination ; l’amélioration de l’égalité femmes/hommes dans tous les domaines couverts par le traité ; l’amélioration de la protection de la maternité et protection sociale des mères ; l’amélioration de la protection sociale, juridique et économique des enfants au travail et en dehors du travail ; l’amélioration de la protection des personnes handicapées.

 

La révision était enfin l’occasion d’insérer dans la Charte révisée les droits déjà garantis par le Protocole additionnel de 1988, toujours dans cette perspective de renforcement des droits. Notons alors à cet effet que La Charte révisée est un traité international qui regroupe dans un texte unique l’ensemble des droits garantis dans la Charte et le dans le Protocole additionnel de 1988, ainsi que les amendements auxdits droits et les nouveaux droits adoptés par le Comité Charte-Rel.

 

  1. Les droits substantiels de la Charte sociale révisée

La Charte sociale révisée complète les droits garantis par l’ancienne Charte sociale de 1961 en affirmant l’existence d’ « un droit à la protection contre la pauvreté et l’exclusion sociale » du travailleur. Le contenu de la Charte révisée a donc une certaine consistance[4].

 

  • Les amendements adoptés en vue de l’accroissement de certains droits :

Les amendements ont eu pour objectif premier d’améliorer et d’accroitre la garantie de protection des droits prévue par l’ancienne Charte de 1961. Ceux-ci ont été orientées vers :

  • Une meilleure protection de la maternité et protection sociale des mères (§8ème Partie I / article 8 CSE révisée ; §16ème Partie I / article 16)
  • Une meilleure protection sociale, juridique et économique des enfants au travail et en dehors du travail (§17ème Partie I / article 17)
  • Une meilleure protection des personnes handicapées (§15ème Partie I / article 15)

 

  • Nouveaux droits :

De nouveaux droits tenant compte de l’évolution de la réalité sociale européenne ont été intégrés dans la Charte sociale révisée. Il s’agit notamment de :

  • Droits professionnels (droit au logement ; droit à la protection en cas de licenciement ; droit à la protection contre le harcèlement sexuel et moral ; droits des travailleurs ayant des responsabilités familiales à l’égalité des chances et de traitement ; droits des représentants des travailleurs)
  • Droit à la protection contre la pauvreté et l’exclusion sociale (§30ème Partie I / article 30)

 

  1. Renforcement du système de contrôle par le Protocole d’amendement de 1991 et par le Protocole additionnel de 1995 instituant un système de réclamations collectives

Le système de contrôle de l’application de la Charte a également été renforcé par deux Protocoles : le Protocole d’amendement de 1991, et le Protocole additionnel de 1995 qui prévoit un système de réclamations collectives. L’objectif premier a été d’accroitre l’efficience du mécanisme de contrôle de l’application de la Charte sociale européenne.

Face à l’évolution du contexte social européen, l’efficience de la Charte sociale européenne de 1961 a été affaiblie, au point qu’il faille chercher à améliorer son efficacité, notamment en ce qui concerne le contrôle de son application.

Les objectifs recherchés ont été de relever le niveau de protection[5] prévu dans la Charte initiale. Donc, il n’a jamais été question d’abaisser le niveau de protection prévu dans la Charte à travers les modifications ou amendements au texte de ladite Charte. Il s’agissait également d’améliorer l’efficacité de la Charte en adaptant cette dernière à l’évolution de la société européenne en général, et partant des droits économiques et sociaux en particulier, aussi bien au niveau international qu’interne[6]. Ainsi, la Charte sociale européenne révisée tient compte de l’évolution qui s’est produit dans le Droit du travail et dans la conception des politiques sociales depuis l’élaboration de la Charte de 1961. Enfin, il a fallu accroitre le système de contrôle de l’application de la Charte.

Le Protocole additionnel de 1995 institue ainsi un système de réclamations collectives dans le dessein de solliciter, sinon d’inciter la participation active des divers partenaires sociaux et organisations non gouvernementales, considérés comme garants[7] de la bonne application de la Charte.

La soumission de rapports gouvernementaux reste la base du mécanisme de contrôle de l’application de la Charte sociale européenne. Mais, elle sera renforcée par la procédure de contrôle prévue par le Protocole qui est, elle, jugée plus rapide, plus efficace, et considérée comme étant un complément du premier.

Il a généralement été admis que le développement et l’efficacité de la Charte reposant d’ailleurs sur cette nouvelle procédure de contrôle instaurée par le Protocole additionnel de 1998 : le système de réclamations collectives[8].

Le protocole définit alors les organisations ou partenaires sociaux pouvant faire réclamations ainsi que la procédure à suivre en la matière. Il s’agit ainsi des organisations internationales et nationales d’employeurs et de travailleurs, des autres organisations non gouvernementales (article 1er du Protocole). Celles-ci peuvent adresser leurs réclamations au Secrétaire Général du Conseil de l’Europe, à charge pour celui-ci de transmettre immédiatement chaque réclamation au Comité d’experts indépendants (article 5 du Protocole).  Ce dernier décide de sa recevabilité ou non (articles 6 et 7 du Protocole). Remarquons que le Comité déclarera généralement recevable toute déclaration qui a un caractère collectif et qui soulève des questions touchant à la non-conformité du droit ou de la pratique d’un Etat au regard d’une disposition de la Charte (Cf. article 4, 31ème paragraphe du rapport explicatif du Protocole). Les réclamations collectives portent alors sur des cas de violations de la Charte dans les Etats l’ayant ratifiée. Le Comité émet alors ses conclusions sur le bien fondé de la réclamation et les transmet aux parties et au Comité des Ministres dans un rapport (article 8 du Protocole), sur la base duquel le Comité des Ministres va adopter une résolution et faire certaines recommandations à l’endroit de l’Etat concerné (article 9). Ce dernier est alors tenu de rétablir la situation en conformité avec la Charte (article 10).

Il importe de remarquer que les deux Chartes (Charte révisée et Charte initiale) se complètent. Le nouvel instrument constitue une amélioration, ou encore un prolongement de l’ancien. Mais, elles ne sont pas d’application simultanée. La conséquence directe en est que les Etats parties « ne sont pas liés simultanément par des engagements à des niveaux différents »[9].

  1. Les Chartes sociales de l’Union européenne

 

  1. Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs du 09 décembre 1989

 

  1. Genèse, objectifs, adoption, entrée en vigueur

La Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs a été adoptée, sous la forme d’une déclaration, par les Chefs d’Etats ou de gouvernement de onze Etats membres de l’Union européenne le 09 décembre 1989.

C’est un traité inspiré de la Charte sociale du Conseil de l’Europe et des Conventions de l’Organisation Internationale du Travail.

Il s’agit d’une déclaration solennelle que se sont faits les Etats signataires. La Charte fixe les grands principes sur lesquels se fonde le Droit du travail dans le cadre européen, et garantit les droits sociaux y afférents.

La Charte constitue en quelque sorte le fruit d’un désir d’harmonisation du Droit social au sein de la Communauté européenne, corrélativement à l’ambition de rechercher une certaine uniformité dans le cadre du marché intérieur européen. Il s’agit ainsi ici de rechercher un certain développement économique par au travers la considération de la dimension sociale du progrès (améliorations des conditions de vie en général et des conditions de travail – conditions sociales –  en particulier).

  1. Contenu matériel :

La Charte des droits sociaux fondamentaux des travailleurs prévoit des droits qui matérialisent les aspects sociaux du marché unique européen, en vue d’un progrès économique et social. Un tel marché commun est essentiellement caractérisé par la liberté économique. La présente Charte consacre ainsi la libre circulation de tout travailleur de la Communauté européenne, ainsi que l’égalité de traitement entre hommes et femmes. Le principe de libre circulation est considéré comme étant un moyen d’instaurer la liberté économique au sein de la Communauté. La liberté économique qui implique elle-même que les Etats réservent les mêmes traitements à tous les travailleurs, qu’ils soient nationaux ou étrangers. D’où, l’importance de la non-discrimination. C’est ce qu’implique l’article 39 du Traité CE qui prône « l’abolition de toute discrimination fondée sur la nationalité, entre les travailleurs des Etats membres, en ce qui concerne l’emploi, la rémunération et les autres conditions de travail », donc la protection sociale. L’égalité de traitement, corollaire direct du principe de la libre circulation, constitue ainsi une condition sine qua non de l’effectivité des droits fondamentaux de l’homme et est devenue un objectif primordial de la Communauté[10].

Notons qu’au regard du droit européen de la sécurité sociale, le règlement 1408/71 définit la notion de « travailleur » de manière extensive et selon un critère particulier : l’affiliation à un régime de sécurité sociale. Sont ainsi considérés comme travailleurs au sens du règlement sus cité toutes personnes affiliées à un régime de sécurité sociale s’appliquant aux travailleurs salariés ou non salariés, à tous les résidents ou à l’ensemble de la population active, au titre d’une assurance obligatoire, facultative continuée ou volontaire.

La présente Charte insiste ainsi sur :

  • La réaffirmation de manière générale du droit à la protection sociale (Protection sociale : Titre I, 10) ; protection de la santé et de la sécurité dans le milieu de travail : Titre I, 19) ; protection des enfants et des adolescents : Titre I, 20),21), 22), 23))
  • l’insistance sur certains droits particuliers (Droits des personnes âgées : Titre I, 24), 25) ; droits des personnes handicapées : Titre I, 26))

 

 

 

 

  1. Mécanisme de contrôle

La garantie des droits sociaux fondamentaux de la présente Charte et la mise en œuvre des mesures sociales indispensables au bon fonctionnement du marché intérieur relèvent de la responsabilité de chaque Etat.

Chaque Etat membre doit veiller à l’application de la Charte. En d’autres termes, chaque Etat doit veiller à la conformité de son droit ainsi que sa pratique aux dispositions de la Charte[11]. Plus précisément, chaque Etat doit prendre au niveau national les mesures nécessaires pour garantir le respect des droits sociaux fondamentaux prévus par la Charte et mettre en œuvre les mesures sociales indispensables au bon fonctionnement du marché intérieur. Et la mise en œuvre effective de la présente Charte relève de la responsabilité de la Commission européenne[12].

  1. Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne du 07 décembre 2000
    1. Genèse, objectifs, adoption, entrée en vigueur

La Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne a été signée et proclamée par les Présidents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission lors du Conseil européen de Nice le 7 décembre 2000.

Il s’agit encore une fois d’une Charte qui réaffirme les droits sociaux déjà garantis par d’autres instruments internationaux, entre autres les trois précédentes Chartes (les deux Chartes sociales européennes et la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs).

Toutefois, il importe de remarquer que la présente Charte ne se propose point de garantir uniquement des droits sociaux fondamentaux, mais des droits plus étendus, ainsi que des libertés fondamentales reconnus à tout individu. Autrement dit, la Charte des droits sociaux de l’Union européenne intègre dans un même document international droits sociaux et droits civils et politiques.

La présente Charte vise alors à instaurer des valeurs communes et à renforcer la protection des droits fondamentaux au sein de l’Union Européenne.

  1. Les droits consacrés par la Charte :

La Charte des droits sociaux fondamentaux de l’Union européenne est constituée de 54 articles qui prévoient divers droits : sociaux, politiques et économiques dont devraient bénéficier tous les citoyens de l’Union européenne, droits déjà prévus et garantis par d’autres instruments internationaux (Charte sociale européenne, Convention européenne des droits de l’homme, Traité de l’Union européenne). Il en par exemple ainsi des droits fondamentaux de l’homme, tels que l’inviolabilité de la dignité humaine. De nouveaux droits ont également été consacrés.

Les six points du préambule concrétisent la ferme volonté des pays de l’Union européenne de « partager un avenir pacifique fondé sur des valeurs communes ». L’union se fonde ainsi « sur les valeurs indivisibles de dignité humaine, d’égalité et de solidarité » et « repose sur les principes de la démocratie et de l’Etat de droit ».

Les droits consacrés par la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne peut se résumer ainsi :

  • Définition des droits fondamentaux (civils, politiques, sociaux, économiques) des personnes au sein de l’Union européenne, articulés autour de six catégories de valeurs (Dignité, liberté, égalité, solidarité, citoyenneté, justice)
  • Synthèse des droits sociaux fondamentaux existants (La Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne étant basée entre autres sur la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs, ainsi que sur les Chartes sociales européennes)

 

  1. Contrôle de l’application de la Charte

Pour ce qui est de sa mise en œuvre, il faut remarquer que la Charte des droits fondamentaux de l’Union Européenne cherche à tirer profit des autres instruments internationaux garantissant les mêmes droits. En effet, selon le 2ème paragraphe de l’article 52 de la présente Charte : « Les droits reconnus par la présente Charte qui trouvent leur fondement dans les Traités communautaires ou dans le Traité sur l’Union Européenne s’exercent dans les mêmes conditions et limites définies par ceux-ci ». Dans le même ordre d’idée, le 3ème paragraphe du même article dispose que « Dans la mesure où la présente Charte contient des dispositions correspondant à des droits garantis par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, leur sens et leur portée sont les mêmes que ceux que leur confère ladite Convention ».

Ainsi, la présente Charte peut assurer à l’individu le même niveau de protection prévu par les autres instruments, elle peut même l’accroitre. Mais en aucun cas, elle ne peut l’amoindrir.

  1. Analyse comparative de ces divers instruments

Il ne fait pas de doute que les quatre Chartes sont complémentaires. Si les deux Chartes sociales européennes sont inévitablement complémentaires, force est de constater qu’une telle complémentarité reste encore à établir avec les deux autres Chartes qui, elles, présentent certaines spécificités.

  1. L’existence d’une complémentarité certaine

L’existence de certains points de divergence n’empêche pas qu’il y ait complémentarité entre les différentes Chartes.

 

  1. Complémentarité naturelle des deux Chartes sociales européennes

Plusieurs idées viennent conforter cet aspect de complémentarité entre l’ancienne Charte et la Charte révisée.

  1. Ce sont des Chartes sociales européennes

La complémentarité des deux Chartes s’explique d’abord par le fait qu’il s’agit tout deux de Chartes sociales européennes, donc ayant vocation à s’appliquer dans l’ensemble des Etats européens, ou du moins dans ceux qui y ont adhéré. La Charte révisée n’étant que l’amélioration de l’ancienne Charte eu égard à l’évolution du contexte social européen. Les deux Chartes ne pouvant pas être d’application simultanée, la Charte révisée ne peut que suppléer progressivement la première. La Charte révisée offre donc une plus large garantie de protection des droits du citoyen européen.

  1. La Charte sociale révisée de 1996 prévoyant une garantie de protection sociale plus élevée

Dans une telle perspective, l’évolution sociale européenne a fait que l’ancienne Charte n’était plus en phase par rapport à ce qui est en matière de travail. Il a fallu adapter ses dispositions à la réalité sociale européenne. La garantie de protection offerte par la Charte révisée ne peut alors être que plus qu’élevée.

  1. La Charte sociale révisée de 1996 ayant vocation à se substituer à l’ancienne Charte.

La Charte sociale révisée a vocation à se substituer progressivement à l’ancienne Charte. En effet, l’adhésion des Etats à la Charte sociale révisée entraine progressivement l’obsolescence de l’ancienne Charte de 1961. La complémentarité des deux Chartes réside alors au niveau de l’affermissement de la protection des droits. La Charte révisée prévoyant une garantie de protection plus accrue.

  1. Ce sont deux Chartes dont l’application se sous-tend

La mise en œuvre de la Charte révisée enlève à l’ancienne Charte toute son efficacité. Les deux Chartes n’étant pas d’application simultanée, l’adhésion à la Charte révisée pour la garantie de protection des droits fait que l’Etat, en acceptant certaines dispositions de celle-ci, est tenu de mettre en œuvre ces dispositions, tout en veillant à assurer une garantie de protection au moins équivalant à celle prévue par la Charte révisée et ce, même s’il est partie à l’ancienne Charte sociale de 1961.

  1. La recherche d’une certaine complémentarité entre les quatre Chartes

La pratique démontre que la Convention des droits fondamentaux de l’Union européenne constitue une synthèse des trois premières Chartes, l’aboutissement de l’évolution de la protection sociale dans le cadre de l’Europe. A cet égard, la Convention des droits fondamentaux de l’Union européenne est alors vue comme étant un affermissement des acquis des Chartes sociales européennes et de ceux de la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs

Par ailleurs, remarquons que les Chartes sociales européennes constituent des sources de jugement lors de l’élaboration des principes généraux du Droit communautaire.

 

  1. L’existence de certains points de divergence

Les quatre Chartes n’ont pas la même force juridique. Leur différence de nature reste sans doute le motif déterminant. Si les deux Chartes sociales européennes sont bel et bien des traités internationaux ayant force contraignante, la Charte des droits sociaux fondamentaux des travailleurs ainsi que la Charte des droits fondamentaux de  l’Union européenne restent de simples documents politiques, de simples déclarations que se sont faits les Chefs d’Etats européens et qui sont de ce fait dépourvues de toute valeur juridique contraignante.

  1. Différence quant à la portée et à la valeur juridique de chaque Instrument

Une telle différence se manifeste non seulement au niveau des aspects juridiques de la protection des droits prévus et garantis chaque Charte, mais également au niveau de la mise en œuvre de la protection des droits.

  1. Statut juridique plus confortable des Chartes européennes en tant qu’instrument juridique international

En tant que véritables instruments internationaux, les Chartes sociales européennes sont dotées d’un statut juridique plus confortable par rapport à la Charte des droits sociaux fondamentaux des travailleurs et à la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.

  1. Insuffisance de la valeur juridique de la Charte des droits sociaux fondamentaux des travailleurs (simple déclaration solennelle des Chefs d’Etats et de gouvernement des Etats membres de la Communauté européenne)

Il importe de remarquer que la Charte des droits sociaux fondamentaux des travailleurs est restée au stade de simple déclaration.

  1. Portée juridique relative de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne en tant que simple document politique

De même, la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne a une portée juridique assez relative.

  1. Etudes des particularités de chaque Charte à travers l’analyse de quelques thématiques fondamentales

L’étude de quelques thématiques fondamentales va nous permettre de dégager les particularités des différentes Chartes sociales.

  1. Protection sociale des personnes handicapées

Les personnes handicapées bénéficient d’un traitement spécial. Aussi bien les traités internationaux que les lois nationales leur consacrent des dispositions spéciales de protection. En matière de travail et de protection sociale, il leur est réservé des traitements de faveur.  Les Chartes sociales européennes assurent aux personnes souffrant d’un handicap physique ou mental la possibilité d’avoir accès à un emploi rémunéré. Ainsi, la Charte sociale de 1961 prévoyait et garantissait déjà les droits des personnes socialement ou mentalement diminuées à la formation professionnelle et à la réadaptation professionnelle et sociale (article 15).  Le paragraphe 15 de la Partie I de la Charte précise que ces droits sont dus « quelque soit l’origine et la nature de son invalidité ».

La Charte révisée de 1996 vient conforter les droits des personnes invalides en matière d’insertion professionnelle et sociale. Celle-ci précise alors que ces dernières ont droit « l’autonomie, à l’intégration sociale et la participation à la vie de la communauté » (article 15 révisé de la Charte). La Charte révisée cherche alors à traiter les personnes handicapées comme une personne à part entière, donc également comme un travailleur à part entière. Dans une telle perspective, elle énonce certains droits fondamentaux dont en particulier le droit à la dignité humaine. Ainsi, « Tous les travailleurs ont droit à la dignité au travail » (paragraphe 26 Partie I de la Charte). De ce fait, « En vue d’assurer l’exercice effectif du droit de tous les travailleurs à la protection de leur dignité au travail, les Parties s’engagent, en consultation avec les organisations d’employeurs et de travailleurs:

–           à promouvoir la sensibilisation, l’information et la prévention en matière de harcèlement sexuel sur le lieu de travail ou en relation avec le travail, et à prendre toute mesure appropriée pour protéger les travailleurs contre de tels comportements;

–           à promouvoir la sensibilisation, l’information et la prévention en matière d’actes condamnables ou explicitement hostiles et offensifs dirigés de façon répétée contre tout salarié sur le lieu de travail ou en relation avec le travail, et à prendre toute mesure appropriée pour protéger les travailleurs contre de tels comportements » (article 26 de la Charte révisée).

 

Remarquons que la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne inscrit les droits des personnes invalides dans le cadre de la recherche d’une certaine égalité entre les individus. Ainsi, celle-ci exige, en reprenant ses termes « l’intégration des personnes handicapées ». L’article 26 disposant que « l’Union reconnait et respecte le droit des personnes handicapées à bénéficier de mesures visant à assurer leur autonomie, leur intégration sociale et professionnelle et leur participation à la vie de la communauté ».

 

Dans la plupart des Etats, les handicapés exerçant une activité professionnelle rémunératrice relèvent alors de la sécurité sociale. Ceux qui ont un revenu relativement modeste bénéficient habituellement d’une aide financière. Et ceux qui ne peuvent pas exercer d’activités professionnelles en raison de leur état physique bénéficient généralement d’une couverture sociale.

  1. Le cas des femmes travailleuses (enceintes ou mères – la maternité)

Les femmes enceintes jouissent également d’une protection accrue en matière de travail. La Charte sociale européenne de 1961 prévoyait et garantissait déjà le droit des travailleuses à la protection (paragraphe 8 Partie I/article 8). La Charte incite ainsi les Etats parties «  à assurer aux femmes, avant et après l’accouchement, un repos d’une durée totale de 12 semaines au minimum, soit par un congé payé, soit par des prestations appropriées de sécurité sociale ou par des fonds publics; à considérer comme illégal pour un employeur de signifier son licenciement à une femme durant l’absence en congé de maternité ou à une date telle que le délai de préavis expire pendant cette absence; à assurer aux mères qui allaitent leurs enfants des pauses suffisantes à cette fin; à réglementer l’emploi de la main-d’œuvre féminine pour le travail de nuit dans les emplois industriels; à interdire tout emploi de la main-d’œuvre féminine à des travaux de sous-sol dans les mines, et, s’il y a lieu, à tous travaux ne convenant pas à cette main-d’œuvre en raison de leur caractère dangereux, insalubre ou pénible ».

  1. Le cas des jeunes au travail

Les jeunes travailleurs sont traités avec certains égards par les Chartes sociales européennes et ce, aussi bien en matière d’accès que des conditions de travail. En matière de travail, les Etats parties s’engagent à tout mettre en œuvre afin d’assurer les droits sociaux des jeunes au travail, entre autres la création ou le maintien d’institutions ou de services appropriés. Ces derniers bénéficient ainsi d’un droit « à la protection sociale et économique » (Paragraphe 17 Partie I/article 17 de la Charte sociale européenne de 1961). Il importe de souligner que cet article 17 de l’ancienne Charte vise uniquement l’enfant. La Charte révisée a voulu prendre en compte le cas des adolescents. Elle a également cherché à étendre la protection en intégrant son aspect juridique. La Charte révisée incite ainsi les Etats à prendre des mesures législatives afin d’assurer le respect des droits des jeunes au travail. Il en est par exemple ainsi de l’âge d’admission au travail, de l’interdiction de certains emplois aux enfants, de la réglementation de la durée du travail, ou de l’interdiction du travail de nuit aux enfants, ou encore de la réglementation de l’hygiène et de la sécurité des enfants au travail. En particulier, des mesures relatives à la protection sociale doivent être prises. Les Etats ont par exemple prévu des allégements des charges sociales patronales ou même des exonérations dans certains cas (par exemple en matière d’emploi de jeune sans qualification), appliquent des régimes particuliers de cotisations à l’endroit des jeunes travailleurs,…

  1. Le cas des travailleurs migrants ou expatriés

Dans chaque pays, les travailleurs étrangers ont un statut plus ou moins variables. En matière sociale, les différentes Chartes ont toujours entendu assurer une certaine protection et assistance aux travailleurs migrants. Ainsi, l’article 19 de la Charte dispose que « En vue d’assurer l’exercice effectif du droit des travailleurs migrants et de leurs familles à la protection et à l’assistance sur le territoire de toute autre Partie contractante, les Parties contractantes s’engagent :

  1. à maintenir ou à s’assurer qu’il existe des services gratuits appropriés chargés d’aider ces travailleurs et, notamment, de leur fournir des informations exactes, et à prendre toutes mesures utiles, pour autant que la législation et la réglementation nationales le permettent, contre toute propagande trompeuse concernant l’émigration et l’immigration;

2   à adopter, dans les limites de leur juridiction, des mesures appropriées pour faciliter le départ, le voyage et l’accueil de ces travailleurs et de leurs familles, et à leur assurer, dans les limites de leur juridiction, pendant le voyage, les services sanitaires et médicaux nécessaires, ainsi que de bonnes conditions d’hygiène;

3   à promouvoir la collaboration, suivant les cas, entre les services sociaux, publics ou privés, des pays d’émigration et d’immigration;

4   à garantir à ces travailleurs se trouvant légalement sur leur territoire, pour autant que ces matières sont régies par la législation ou la réglementation ou sont soumises au contrôle des autorités administratives, un traitement non moins favorable qu’à leurs nationaux en ce qui concerne les matières suivantes :

  1. la rémunération et les autres conditions d’emploi et de travail;
  2. l’affiliation aux organisations syndicales et la jouissance des avantages offerts par les conventions collectives;
  3. le logement

 

  1. à assurer à ces travailleurs se trouvant légalement sur leur territoire un traitement non moins favorable qu’à leurs propres nationaux en ce qui concerne les impôts, taxes et contributions afférents au travail, perçus au titre du travailleur;

 

6     à faciliter autant que possible le regroupement de la famille du travailleur migrant autorisé à s’établir lui-même sur le territoire;

7     à assurer à ces travailleurs se trouvant légalement sur leur territoire un traitement non moins favorable qu’à leurs nationaux pour les actions en justice concernant les questions mentionnées dans le présent article;

8     à garantir à ces travailleurs résidant régulièrement sur leur territoire qu’ils ne pourront être expulsés que s’ils menacent la sécurité de l’Etat ou contreviennent à l’ordre public ou aux bonnes mœurs;

9     à permettre, dans le cadre des limites fixées par la législation, le transfert de toute partie des gains et des économies des travailleurs migrants que ceux-ci désirent transférer;

10   à étendre la protection et l’assistance prévues par le présent article aux travailleurs migrants travaillant pour leur propre compte, pour autant que les mesures en question sont applicables à cette catégorie ».

L’évolution sociale européenne fait que le principe de la libre circulation n’était plus réservé aux travailleurs dans le cadre d’un déplacement intracommunautaire, il a commencé de plus en plus à profiter à toute personne à tel point que la libre circulation des travailleurs a progressivement évolué vers une libre circulation des personnes[13].

Ainsi, les ressortissants d’un pays membre de la Communauté européenne dispose d’un statut plus ou moins privilégié. Les Chartes assurant une certaine égalité de traitement pour l’ensemble des pays de la Communauté, ou du moins ceux qui ont adhéré à la Charte. Pratiquement en matière de sécurité sociale, les pays  concluent entre eux ce qu’on appelle une convention de sécurité sociale dans laquelle ils conviendront sur un traitement commun des travailleurs ressortissants des pays contractants. Généralement, le travailleur étranger sera soumis au même régime général de la sécurité sociale qui s’impose aux travailleurs nationaux de son pays d’accueil. Il dispose du même droit aux prestations sociales sous certaines conditions (par exemple, résider dans le pays d’accueil, avoir passé les périodes d’assurance dans le pays d’accueil,…). Ainsi, le travailleur étranger ainsi que les membres de sa famille ont droit aux prestations des assurances maladies, maternité, vieillesse, invalidité, décès ou accidents du travail[14].

 

[1] Cf. le 2ème considérant du Préambule de Charte sociale européenne de 1962.

[2] Article 1er de la Charte

[3] Cf. le 4ème considérant  du Préambule de la Charte sociale révisée de 1996.

[4] VERDIER (J.-M.), Les droits économiques et sociaux : relance au Conseil de l’Europe, Droit social, 1992, p. 416.

[5] Cf. 7ème point de l’Introduction du rapport explicatif de la Charte révisée.

[6] Cf. le 8ème point de l’Introduction du rapport explicatif de la Charte révisée.

[7] Ils ne sont d’ailleurs pas étrangers à la procédure d’examen des rapports gouvernementaux. En effet, copies des rapports visés aux articles 21 et 22 (Cf. Infra. note n°8) leur devront être adressées par chacune des parties contractantes. Ils peuvent alors se faire présenter aux réunions du Sous-comité social gouvernemental, et sont invités à émettre des observations. Cf. Partie IV, article 23 de la Charte).

[8] CF. 3ème paragraphe du Préambule du Protocole.

[9] Cf. le 10ème point de l’Introduction du rapport explicatif de la Charte révisée.

[10] ROBIN-OLIVIER (S.), Le principe d’égalité de traitement en droit communautaire, Etude à partir des libertés économiques, Thèse, Aix-en-Provence : PUAM, 1999, p. 315.

[11] Cf. Titre II, 27ème paragraphe de la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs.

[12] Dans la limite de ses compétences prévues aux Traités, elle assure via des instruments juridiques la mise en œuvre effective de la présente Charte (Cf. 28ème paragraphe, Titre II de la Charte).

[13] DUPEYROUX (J.-J.), Droit de la sécurité sociale, Coll. Précis, 14ème édition, Paris : Dalloz, 2001, p. 428

[14] Cf. Règlement 1408/71 du 14 juin 1971, Règlement 574/72 du 21 mars 1972

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