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Les défis de l’identité : Marie entre faux-self et séparation-individuation

PSYCHOLOGIE

 

SOMMAIRE

 

INTRODUCTION

 

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APPROCHE THEORIQUE

 

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PARTIE I. LA CONSTRUCTION DE L’IDENTITE PRIMAIRE: NOTION DE SELF SELON D. W. WINNICOTT

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Chapitre 1. LE VRAI ET LE FAUX SELF

4

 

 

Section 1. Définitions et caractéristiques

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Section 2. Les risques pathologiques liés à l’établissement du faux self

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Chapitre 2. LA PROBLEMATIQUE DE LA RELATION MERE-ENFANT

8

 

 

La dépendance absolue et la dépendance relative

8

 

 

 

 

 

 

 

 

PARTIE II. LE CONTEXTE DE SOCIALISATION ET DE DEVELOPPEMENT DE SOI SELON D. W. WINNICOTT ET M. KLEIN

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Chapitre 3. LA SEPARATION – INDIVIDUATION

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Section 1. Le concept de l’objet transitionnel

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Section 2. La relation d’objet : subjectivation du moi

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Chapitre 4. LA QUESTION DE L’ELABORATION DE LA PERTE

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Section 1. L’angoisse de la séparation et de la perte

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Section 2. La symptomatologie oppositionnelle comportementale et scolaire

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METHODOLOGIE

 

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APPROCHE CLINIQUE

 

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CONCLUSION

 

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BIBLIOGRAPHIE

 

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INTRODUCTION

 

Marie, lors de son entrée au CP subit à la fois la séparation inhérente : la séparation en primaire ainsi qu’avec sa famille puisqu’elle intègre un foyer. Au CP, elle apparait silencieuse, et dans la majorité du temps, elle ne parle quasiment pas avec les autres enfants. Ce conflit psychique non résolu est dû à plusieurs facteurs. A savoir la séparation, la succession quasi ininterrompue d’évènements difficiles voire traumatiques depuis son plus jeune âge, l’absence de reconnaissance du père géniteur et de réponses au questionnement à son sujet, les relations interrompues avec sa mère et la fratrie pendant deux ans puis reprises sous forme.

Son silence précoce aurait cédé grâce à la rééducation orthophonique. Cependant, on assiste aujourd’hui à une adolescente en difficulté avec une parole personnelle, collant souvent au discours de la mère. On dit d’elle « tout glisse ».

 

Lors de ses rencontres, elle manifeste du plaisir à vivre, investie et plus encore pendant le jeu. L’éducatrice qui la rencontre une fois par semaine rapporte fréquemment qu’elle n’a vu Marie manifester du plaisir que lorsqu’elle joue. Plaisir du jeu où le « je » peut exister, « je » sachant se soumettre aux règles du jeu qu’elle semble ignorer dans la vie sociale, scolaire et familiale. Elle semble soumise  à la répétition d’actes agressifs et/ou provocants allant jusqu’à une mise en scène d’une tentative de se tailler les veines devant le public adolescent d’une cours de récréation, enfin reconnue, regardée, dans une sorte d’acte fantasmatiquement héroïque, jouant de la possible mort représentée comme d’une illusion de choix de se montrer sujet dans un acte potentiellement autodestructeur.

 

Au premier plan, se trouve la symptomatologie comportementale et le non investissement scolaire qui servent de motif au placement en SESSAD. En penchant sur l’histoire de cette adolescente, on peut penser que cette symptomatologie déjà ancienne exprime des souffrances psychiques liées à la question des carences précoces, des ruptures, du retrait familial et des placements divers, du flou autour de son histoire, des dénis de la mère, de la non-reconnaissance du père, du non-lieu juridique des violences sexuelles, de la multiplicité des intervenants sociaux et des soignants qui en renvoie l’image d’un maelström quasi-permanent de figures autour de Marie depuis sa naissance. On s’interroge alors sur ses possibilités de se construire en tant que sujet désirant au sein de ce vacillement humain.

 

Ce qui détermine Marie paraitrait être ce qui ne s’est pas inscrit dans son histoire infantile et qui perdure : la continuité du soin, de l’attention, du regard des adultes. L’alternance de soumissions, d’oppositions passives ou agressives, ne signent-elle pas un sujet aux prises avec des conflits psychiques dont les défenses la conduisent à ce jour à un autre placement, en cours d’année scolaire, la coupant ainsi de ses rares amies et la signifiant une fois encore par son anormalité. On entend «  On ne sait pas où la mettre » et on se demande si Marie ne nous renvoie  pas ainsi l’impossibilité initiale d’avoir eu une place dans la dyade mère-enfant ? Marie nous interroge sur son identité, sa place dans sa famille et fratrie d’origine, sa place dans sa famille d’accueil, sa place au collège, sa place dans tous les lieux qui s’occupent d’elle, sa place au milieu de tous ses intervenants. Où est Marie ?

 

Notre problématique en lien avec nos lectures théoriques nous conduisent aux hypothèses suivantes :

Les processus défensifs mis en place pour faire face aux multiples carences et traumatismes vécus dans l’environnement maternel précoce peuvent conduire à une organisation psychique en faux-self derrière laquelle tente d’exister un être abandonné à l’identité menacée ; un vrai self, avec une fragilisation des processus d’intégration d’une imago maternelle sécure, des déchirures narcissiques, de l’angoisse liée aux difficultés d’élaboration des processus de séparation-individuation qui, à l’adolescence, moment de remaniement des premières assises narcissiques et identificatoires notamment au niveau des processus de séparation/individuation nécessaires à la construction d’un sujet désirant, de la réactivation de la problématique Oedipienne et des mécanismes de défenses archaïques comme le clivage, le déni, l’idéalisation, tente de revendiquer son existence sur un mode d’opposition.

 

Nous envisageons ainsi la symptomatologie oppositionnelle comportementale et scolaire à l’entrée de l’adolescence comme une tentative de dégagement du vrai-self dans une substitution à l’impossible opposition à la mère, comme une lutte contre la menace inconsciente de ne pas être, processus réaction avant la mise en place d’un projet personnel. Si comme nous l’envisageons, une identité de type faux self s’est inscrite précocement sur la base d’un self obéissant et soumis en un temps où l’enfant n’avait que peu de moyens d’émerger du chaos, les processus de remaniements identificatoires de l’adolescence qui implique à nouveau la problématique de la séparation-individuation, et donc de l’indépendance, se trouve compromis.

 

Afin de confronter les hypothèses à la réalité clinique, il est nécessaire d’en exposer tant sa clinique que les différentes théories métapsychologiques qui y sont rattachées. Dans un premier temps, nous exposerons à travers les travaux de D. W Winnicott, la notion de self telle qu’il l’a définie en abordant les notions qui lui sont associées : la préoccupation maternelle primaire, la pulsion créatrice et le sentiment de continuité et son pré-requis : le sentiment d’être ; le vrai self, le faux self et les risques pathologiques liés à l’établissement d’un faux self. Dans une seconde partie nous évoquerons un concept essentiel dans cette recherche : la séparation-individuation et la question de l’élaboration de la perte envisagée par Winnicott et  du point de vue de M. Klein.

 

 

APPROCHE THEORIQUE

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PARTIE I. LA CONSTRUCTION DE L’IDENTITE PRIMAIRE : NOTION DE SELF SELON D. W. WINNICOTT

 

La construction de la personnalité de l’enfant se fait depuis sa formation en tant que « être ». En effet, depuis ce stade, la relation entre l’enfant et l’environnement se pose comme une évidence et une réalité vécue. La construction de l’enfant tant physique, émotionnelle et psychique soulève la grande problématique de la dépendance envers son environnement. La mère en représente la première forme.

 

Dans cette étude, il s’agit de tracer à travers une confrontation entre cas clinique et données théoriques les explications et un aboutissement à la remédiation aux comportements plus qu’agressifs de l’individu, sujet à diverses épreuves de dépendance et séparation depuis l’enfance. Pour ce faire le côté théorique se réfère à deux protagonistes de la psychanalyse dont Donald W. Winnicott et Mélanie Klein.

 

Cette première partie porte sur la notion de self du point de vue de Winnicott, initiateur du concept. Il s’agit de la construction de ce self, qui sert à représenter une image émise par l’individu et qui définit son caractère selon que les autres, son environnement, le perçoit.

 

Chapitre 1. LE VRAI ET LE FAUX SELF

 

Winnicott construit ses théories autour de deux individus : la mère et l’enfant, mettant en exergue la place que tient la mère dans le développement de la personnalité de l’enfant. Le besoin d’attachement de l’enfant s’explique par son caractère fragile, à l’initiation à l’expérience de la vie. Ce qui en vient à une prise en considération de la dépendance de l’enfant envers la mère. De sa relation avec sa mère dépend alors la formation du moi de l’enfant. Il s’agit des différents processus de maturation en germe en tout être humain, il est question de la structuration du moi, le développement affectif, la constitution du self.

 

Section 1. DEFINITIONS ET CARACTERISTIQUES

 

Il s’agit au départ d’une notion anglo-saxonne : « For me, the self, which is not the ego, is the person who is me, who is only me, who has a totality based on the operation of the maturational process.

Cette définition de D.W Winnicott veut éclaircir ce qu’il entend par self. D’où la conclusion que le self est cette partie de l’homme qui le définit en tant que lui-même, unifié et intégré, pris dans corps. Il précise que le self serait « une unité qui est à la fois physiquement contenu à l’intérieur de la peau corporelle et psychiquement intégrée ». Il le distingue du moi, qui est pour ainsi dire « un aspect du self qui a la fonction d’organiser et d’intégrer l’expérience ». « Le self est le noyau qui n’est pas en contact avec l’environnement,  noyau qui prend racine dans la vie sensori-motrice de l’enfant. Le self, noyau de l’identité, représente ce qui persiste, qui est la quintessence du sujet.»

 

Par définition, « le vrai self désigne l’image que le sujet se fait de lui même et qui correspond effectivement à ce qu’il est et perçoit à travers une réaction adaptée. Par contre, le faux self désigne une instance qui s’est constituée pour s’adapter à une situation plus ou moins anormale et contraignante. L’image qui est alors en cause est défensive et fonction de réactions inadaptées de l’environnement et est surtout représentative d’un rôle qu’on lui aurait imposé. »

 

La construction du vrai ou du faux moi intervient dans le développement de l’enfant. Et cela, à un certain point où la mère présente une certaine défaillance par rapport à sa relation avec l’enfant.

Adviennent alors des formes d’inadaptations, quasi inévitable, mais qui sont en partie rattrapées, et progressivement compensées par les capacités intellectuelles grandissantes de l’enfant. L’enfant tend alors à traverser une expérience illusoire de l’omnipotence, à défaut de la présence et de la sécurité que représente la mère.

 

  1. LE VRAI SELF ET LA PREOCCUPATION MATERNELLE PRIMAIRE

 

D.W Winnicott décrit le vrai self comme  le geste spontané de l’enfant. « Il provient de la vie des tissus corporels et du libre jeu des fonctions du corps, y compris celle du cœur et de la respiration. Il est étroitement lié à l’idée du processus primaire et au début, par essence, il n’a pas à réagir à des stimuli extérieurs ; il est simplement primaire. Le vrai self apparaît dès qu’il existe une quelconque  organisation mentale de l’individu et il n’est pas beaucoup plus que la somme de la vie sensori-motrice. »

 

Si au début, la mère répond de façon adéquate à ses besoins, si elle est apte à se dévouer à son enfant, si elle est donc  suffisamment bonne , le bébé fera l’expérience d’une mère idéalement parfaite dans laquelle s’inscrira sa première illusion d’omnipotence en lien avec la parfaite réponse de sa mère à ses besoins. La mère  suffisamment bonne  est celle qui vit cette  préoccupation maternelle primaire, entendue comme « cette maladie normale qui permet de s’adapter aux tous premiers besoins du petit enfant  avec délicatesse et sensibilité. »

 

La mère ainsi permet à l’enfant de découvrir le monde tout en le préservant des obstacles inhérents aux interactions avec l’environnement. Elle  constitue « cet environnement d’assez bonne qualité dès le stade primaire qui permet au petit enfant de commencer à exister, d’avoir des expériences, de construire un moi personnel …l’enfant devient capable d’avoir un self. »  Cette mère suffisamment bonne  s’est accordée à la spontanéité du bébé, lui  a permis de croire en la magie de la réalité extérieure  et de jouir de cette illusion de la création et du contrôle omnipotent.

 

Il est donc le lieu où l’enfant est omnipotent, le seul qui ne peut être modifié par l’intervention du monde extérieur et s’origine dans ces premières expériences d’omnipotence. Il procure le sentiment d’être réel, d’exister en tant qu’entité particulière et fonde la «  continuité d’être » («  going on being » ) c’est-à-dire la diachronie. Le geste spontané étant la manifestation  d’une pulsion de soi, vrai soi, auquel la bonne réponse maternelle permettra au fur et à mesure de l’intégration de ces bonnes expériences  de se constituer et de se réaliser.

 

Un vrai self naît, prend vie sur le fertile terreau des premières expériences d’omnipotence maintes fois réalisées. En ayant cette capacité de mère suffisamment bonne, la première permet à l’enfant de créer son monde tout comme il crée son objet transitionnel par l’action du paradoxe de la transitionnalité. Toutefois, la nécessité de s’inscrire dans le lien social ne saurait s’accorder avec l’existence de ce lieu d’omnipotence du sujet en sa psyché. Le compromis est donc celui d’une adaptation au monde par le truchement d’un faux self.

 

  1. LE FAUX SELF

 

Selon D.W Winnicott, il n’est possible de définir cette notion qu’en étudiant le stade des premières relations objectales. Il précise que « l’intérêt de  ce concept réside dans l’étude de la genèse de l’établissement d’un faux self  dans la dyade mère-nourrisson et ainsi que  dans l’étude de la façon dont ce faux self peut devenir un signe pathologique ». L’origine se situe donc dans cette période d’indifférenciation moi/non-moi où le rôle de la mère-environnement est primordial.

 

La mère  insuffisamment bonne  ne joue pas son rôle de filtre entre le nourrisson et l’environnement. Si la mère ne peut rendre effective l’omnipotence du nourrisson, c’est-à-dire si elle ne répond à son geste spontané qu’en y substituant le sien propre, celui-ci, infans immature, confronté à la répétition de ces substitutions, développera plus ou moins profondément un faux self, un faux soi défensif pour se protéger d’une expérience vécue comme mauvaise.

 

Le nourrisson sera soumis à ce geste, soumission, qui est le premier stade du faux self. Il y a «  séduction du nourrisson qui en vient à se soumettre et un faux self soumis réagit aux exigences de l’environnement que le nourrisson semble accepter » Ainsi  «  c’est une défense spécifique qui constitue le maintien du self, autrement dit le développement d’un self qui préserve l’organisation d’un aspect de la personnalité mais qui est faux ( faux dans la mesure où ses manifestations tirent leurs origines non de l’individu, mais de l’aspect «maternage » de l’association mère-nourrisson ). » « chaque carence des soins aboutit à une interruption de ce sentiment de continuité d’être.

 

Cependant le succès de cette défense peut -être à la source d’une nouvelle menace pour le noyau du self, bien qu’elle se constitue pour cacher et préserver ce noyau. C’est une sorte d’écran artificiel entre le vrai self caché, protégé de l’environnement quand celui-ci est de mauvaise qualité, trop intrusif. Le faux self étant une sorte de réponse à l’absente.

 

 

Section 2. LES RISQUES PATHOLOGIQUES LIES A L’ETABLISSEMENT DU FAUX SELF DE L’ADAPTATION NECESSAIRE A LA SOUMISSION

 

D.W Winnicott a distingué cinq stades d’organisation du faux self allant d’un stade non pathologique, « normal » où le faux self n’est rien d’autre que la politesse ou la bienséance, une adaptation à des rites qui régissent les relations entre deux humains de bonne volonté, à un stade où cette adaptation devient la seule voie d’expression de soi, le sujet étant soumis à l’autre et reniant ce qui le fait propre. Il représente le concept qui fait le lien entre le développement normal et le champ du pathologique.

 

1-         A l’ extrême, c’est le faux-self que l’on prend pour la personne, le vrai self inapparent reste dissimulé.  Cependant, il manque au faux self «  …quelque chose d’essentiel. ». La personne est ressentie comme fausse.

2-         Le faux self protège le vrai self qui reste virtuel. «  … l’exemple le plus clair d’une maladie clinique organisée dans un but positif : la préservation d’un individu en dépit des conditions anormales de l’environnement. »

3-         Plus proche de la santé, le faux self prend en charge la recherche des conditions qui  permettront au vrai self de «  recouvrer son bien « . A savoir, son identité propre.

4-         Encore plus proche de la santé, le faux self « … s’établit sur la base d’identifications ».e

5-         Chez une personne en bonne santé, le faux self est constitué de ce qui organise «  ..une attitude sociale polie, de bonnes manières et une certaine réserve… ».

 

Le faux self est construit à la base d’une soumission et représente l’entourage du sujet. Dans l’être humain,  c’est donc la faculté de pouvoir renoncer à l’omnipotence. Le self soumis accepte les conventions sociales et dans la communication explicite emploie le langage. A l’opposé quand il y a un clivage important entre le vrai self et le faux self qui le dissimule, la capacité d’user de symboles est faible. Dans la genèse du faux self, il y a eu une faille au niveau de l’Identification primaire, comme le conçoit Bergeret, visant avant tout à assurer «  l’identité du sujet, la constitution du Soi et du Je ».

 

Il convient néanmoins de garder à l’esprit que «  le faux self a une fonction positive très importante : dissimuler le vrai self ». La fonction défensive de soumission et la fonction d’adaptation à un environnement omnipotent à une période où la fragilité du vrai self ne permettent pas l’expression d’autres solutions de réactions au déterminisme environnant. Bien sûr, l’important dans l’évolution psycho-affective de l’enfant sera  l’équilibre qui pourra se faire ou pas entre ces deux self. Une scission trop importante entre les deux self correspondant à un clivage du Moi où le vrai self ( pourrait-on dire le bon  self au sens où il correspond à la spontanéité de la vie vivante dans le sujet) se trouve dissimulé dans une  vivante morbidité derrière un faux self , sorte de mauvais pseudonyme ( au sens où à ce stade de clivage il  n’autorise plus la libre circulation entre les deux).

 

Comment l’identité de ce nourrisson menacé peut-elle se construire si ces premières expériences ayant engendré un clivage se renouvellent à travers des séparations à but thérapeutiques, c’est-à-dire dans le clivage de deux familles dont l’environnement portera aussi implicitement la responsabilité d’un autre clivage entre la bonne et la mauvaise famille ?  Comment Emile Ajar et Romain Gary peuvent se réaliser ?. Une sorte de tragi-comédie.

 

Ce clivage précoce se traduirait par deux processus psychiques : l’hyper maturation intellectuelle et la soumission à l’environnement ou l’identification à l’agresseur. Si les tensions entre leurs deux selfs  s’aiguisent, on peut assister à des processus autodestructifs par somatisations, agir autodestructifs ou éclosions de pathologies mentales.

 

«  Le clinicien a affaire à l’enfant, dont l’intellect est mû par l’angoisse et sur sollicité, ce qui, là encore est le résultat d’un trouble émotionnel ( menace de confusion) et dont le QI élevé chute dès lors que la peur du chaos imminent recule »

 

Face à un environnement défaillant, le bébé survit au moyen de l’esprit pour trouver des solutions substitutives. Il se materne lui-même en comprenant trop, par une sorte de forçage inconscient des capacités de pensée. Ce faisant et à l’extrême, cette pensée surdéveloppée vécue comme une illusion de pouvoir substitutif aux bons soins maternels, pourra conduire à une désaffectation relationnelle, une sorte d’isolement intellectuel.

 

Il reste un mode de fonctionnement bien que lié à un trouble de l’identité plus ou moins grave selon le degré de clivage du moi. Au fur et à mesure de sa maturation aussi bien organique, physiologique que psycho-affective et dans la meilleure articulation possible avec l’évolution conjointe de sa mère qui , se tournant un peu plus vers ses désirs ailleurs n’offrira plus l’image de la mère suffisamment bonne mais celle d’une mère se reliant aussi avec la réalité extérieure, il fera de nouvelles expériences du non tout, non tout de suite, l’inscrivant dans la nécessaire et nouvelle expérience d’une réalité extérieure désirable qui dans son imperfection , est capable de lui fournir ce dont il a besoin dans des délais que sa maturation l’autorise de plus en plus à supporter. Sa première manifestation  de créativité  consistant dans cette période en l’hallucination du bon sein

 

 

 

Chapitre 2. LA PROBLEMATIQUE DE LA RELATION MERE-ENFANT

 

La question de la relation mère-enfant recèle un cadre d’influence sur le développement de l’enfant. C’est ce qui définit l’aboutissement de la construction identitaire, permettant de retenir les caractères d’identification de l’enfant. D’après l’analyse effectuée par Winnicott, les premières expériences de l’enfant s’inscrivent dans une logique de dépendance avec l’environnement, principalement la mère, tant relative qu’absolue.

 

LA DEPENDANCE ABSOLUE ET LA DEPENDANCE RELATIVE

 

La situation de dépendance absolue envers l’entourage se manifeste depuis la naissance. La mère s’en remet par la préoccupation maternelle primaire. Elle s’identifie à l’enfant pour le comprendre. Au cours de cette période, elle est littéralement en résonance avec les besoins du bébé. Elle éprouve une irrépressible nécessité de les satisfaire. La détresse de son enfant lui est intolérable. Le nourrisson et sa mère forment une dyade.

 

Winnicott identifie trois fonctions maternelles, indispensables pour le développement harmonieux de l’enfant :

– l’object-presenting (la présentation de l’objet) : la mère, en étant là, présente au bon moment, permet à l’enfant de lui attribuer une existence réelle mais aussi d’éprouver l’illusion qu’il crée l’objet. Il fait l’expérience de l’omnipotence, autrement dit de la toute-puissance.

 

– le holding (le fait de tenir, de contenir) : la mère qui soutient l’enfant par ses soins, sa protection, ses bercements, etc. a un rôle de pare-excitation, c’est-à-dire qu’elle lui permet de tempérer des excitations dont l’intensité trop importante dépasserait ses capacités d’y faire face. Cette fonction est fondamentale dans l’intégration du moi qui trouve ainsi, couplée avec le développement sensori-moteur, des repères simples et stables, qui apprend à reconnaître ce que l’enfant ressent (la faim, le froid, l’inconfort de la couche mouillée, etc.). De l’intégration du moi dérive le sentiment du « je suis ».

 

– le handling (la manipulation physique du bébé) : les soins prodigués à l’enfant participent à ce qu’il puisse se constituer une intériorité et des limites corporelles. Par exemple, le contact de l’eau chaude sur sa peau au cours du bain lui permet de sentir la surface de son corps, l’habillage l’aide à se figurer comme ayant un tronc, deux bras, deux jambes, etc. Cette fonction intervient dans la personnalisation. Grâce au holding et au handling, la psyché s’installe dans le soma, l’enfant acquiert le sentiment d’habiter son corps.

 

Au cours du temps, cette dépendance devient moins radicale. Toujours dans le cadre de l’analyse de la relation mère-enfant, Winnicott utilise les termes de mère suffisamment bonne pour définir la mère attentionnée et présente dans le processus de formation du moi de l’enfant ainsi que dans sa croissance. La mère suffisamment bonne est celle qui est capable de suivre les possibilités de son enfant à faire face à la frustration, ni trop longtemps absente, ni trop possessive ou envahissante.

 

Le passage d’une adaptation parfaite aux besoins de l’enfant à une moindre adaptation s’effectue progressivement ce qui permet au nourrisson de quitter l’état de fusion sans passer par des angoisses insupportables dues à la perte brutale du holding et du handling mais également d’associer ses sentiments de colère à l’absence de la mère et de maintenir en lui une représentation de celle-ci.

 

La mère insuffisamment bonne peut l’être de diverses manières. Par exemple, une empathie excessive et prolongée au-delà du nécessaire empêche l’enfant de se différencier de sa mère, de ressentir le manque et par là invalide l’émergence du désir. Ensuite, la substitution des besoins de la mère à ceux de l’enfant peut le contraindre à s’y soumettre, l’interprétation des besoins de l’enfant en fonction des siens peut le forcer à développer un faux-self ou à devenir le psychiatre de celle-ci (Frenczi).

 

Ce cas se rencontre notamment quand la dépression de la mère prend trop de place et qu’elle n’est plus réceptive aux besoins de son enfant, trop happée par sa propre souffrance. Répondre régulièrement aux besoins de l’enfant de façon chaotique, désordonnée ou imprévisible est vécue comme une ingérence ou une négligence mais confère également à la construction du monde de l’enfant un caractère morcelé.

 

Ces trois exemples ne sont malheureusement pas exhaustifs. Tous constituent des carences graves qui entraînent un blocage ou une distorsion du développement des fonctions du moi (instance régulatrice au sein de la personnalité). Les conséquences les moins néfastes seront des symptômes névrotiques : obsessions, phobies, troubles psychosomatiques, …. avec pour défense principale le refoulement.

 

Les répercussions les plus désastreuses seront du côté psychotique, tel qu’une organisation schizoïde de la personnalité, où la recherche de l’isolement est constituée en guise de défense contre l’effondrement, crainte née à la suite des angoisses indicibles d’annihilation, de morcellement, de ne pas cesser de tomber, de ne pas ressentir son corps, etc. ou tel que la formation d’un faux-self, soit d’une personnalité de surface qui confère au sujet un sentiment d’irréalité, un caractère caméléon, hyper adaptable, sans consistance véritable.

 

La dépendance relative correspond à l’adaptation de l’enfant à la défaillance progressive de la mère. L’enfant devient capable de se représenter sa mère comme extérieur à lui et de garder son souvenir vivant en lui le laps de temps de son absence. Toutefois, cette réalité extérieure n’est pas encore unifiée. Il y a la mère qui apporte l’affection et celle qui le frustre, contre laquelle il est parfois en colère. Ce n’est que petit à petit qu’il intègre que ces deux aspects de la mère appartiennent à la même personne.

 

Cette compréhension est alors assortie d’angoisse parce qu’il craint que son agressivité ne l’ait détruite et ensuite, d’un désir de réparation pour peu qu’elle n’ait pas cédé à son caprice. Que la mère soit fiable est d’une grande importance. En effet, la répétition d’expériences apaisantes (après la crise, l’enfant retrouve sa mère) amène l’enfant à la certitude qu’il ne perd pas sa mère, que le lien est indestructible et à l’intérioriser (les bons objets internes dont parle la psychanalyse).

 

PARTIE II. LE CONTEXTE DE SUBJECTIVATION ET DE DEVELOPPEMENT DE SOI SELON D. W. WINNICOTT ET M. KLEIN

 

Par définition, le processus de subjectivation, est souvent présenté comme un travail psychique, particulièrement marqué à l’adolescence, distinct des remaniements identificatoires du Moi. Cette partie se réfère aux facteurs d’influence sur le comportement adolescent de l’enfant. Plus précisément, il s’agit de voir à la fois le pourquoi et le comment de ce comportement, restant sur la base de la relation mère-enfant.

 

Chapitre 3. LA SEPARATION – INDIVIDUATION

 

« Selon Mahler, la phase séparation-individuation est une phase préœdipienne du développement psychique. Mahler a décrit ce processus comme une différenciation du self de l’enfant, un sentiment d’individualité naissant qui prend place dans la psyché. Cette phase peut engendrer des conflits importants chez l’enfant. L’incompréhension émotive de la mère envers son enfant qui se dirige vers son indépendance peut influer sur son estime de soi de façon négative, interprétée et ressentie par l’enfant comme un sentiment d’abandon. L’angoisse de perte d’objet fait son apparition créant une base fertile pour l’affect dépressif. La réaction dépressive serait une réponse angoissante, difficile émotionnellement, associée à des affects d’incomplétude. »

 

La conception du développement de l’enfant le pose comme d’abord collé à sa mère : il y aurait relation symbiotique originelle, indistinction primordiale. C’est que l’enfant ne peut d’abord pas se saisir comme manquant de l’objet (théorisation que refuse Lacan). Peu à peu, l’enfant se distingue de sa mère, il fait la différence, reconnait l’objet comme extérieur à lui-même.

 

Mélanie Klein décrit cependant une relation d’objet présente d’emblée et postule des positions psychiques. Si l’enfant nage dans un premier temps en une position schizo-paranoïde, il peut, par l’intermédiaire d’un deuil, d’une position dépressive, élaborer un espace, un extérieur. Mais cette subjectivation là est celle du Moi.

 

Dans le même sens, Donald Winnicott dépeint la transitionnalité, travail psychique à partir d’un objet transitionnel, lequel ne peut s’entendre que ni-moi-ni-non-moi. Ce travail amène l’enfant à repérer des phénomènes comme réunissant les individus : la culture relie, ou plutôt assemble. L’objet transitionnel permettra d’atteindre une utilisation de l’objet reconnaissant ce dernier comme radicalement extérieur, détenteur d’une vie propre.

 

Section 1. LE CONCEPT DE L’OBJET TRANSITIONNEL

 

La séparation consiste en l’émergence de l’enfant hors de la fusion symbiotique d’avec la mère. L’individuation marque l’acquisition par l’enfant de ses propres caractéristiques individuelles. Plus généralement, il s’agit de l’acquisition progressive d’être séparé et du sentiment d’identité. Pour Winnicott c’est la façon dont la mère et l’environnement présentent le monde à l’enfant qui détermine la séparation et la relation à l’objet.

 

Le phénomène transitionnel correspond à la création d’un espace entre le sujet et l’objet qui permettra de dépasser la dualité grâce à la prise en compte d’une  « aire intermédiaire d’expérience…. entre le pouce et l’ours (Winnicott). Un espace où la question de l’union et de la séparation d’avec l’objet n’existe plus. Les premières possessions sont les premiers « objets autres que moi » (Winnie 1971) qui participent au cheminement de l’enfant de la subjectivité à l’objectivité.

 

Cependant, toutes les aires transitionnelles sont sous-tendues par les fantasmes et notamment celui de réunion avec la mère. L’objet transitionnel est donc un-trait d’union symbolique entre la mère et sa représentation. Dans le cas des enfants vivants dans une grande insécurité à l’idée de la séparation ou de la perte, l’investissement de l’objet peut-être pathologique. Il va lui permettre de retrouver une maîtrise omnipotente de son lien à la mère, si celle-ci est insuffisante ou absente en restant au stade de l’identification primaire.

 

Ainsi si dans la plupart des cas, le phénomène transitionnel est une tentative pour unir et communiquer, dans des cas extrêmes,  il peut servir de déni de la séparation. L’appréhension de la réalité de la séparation s’effectue grâce à l’intériorisation des objets parentaux( d’abord la mère) qui atténuent le vécu de la séparation.

 

Si l’enfant est contraint à réagir à un environnement qui le détermine,   ainsi  sera compromis l’accès aux expériences transitionnelles, espaces de  développement d’énergies créatrices, celles-ci nécessitant l’articulation de la spontanéité infantile avec le monde extérieur. L’absence d’aire transitionnelle  constitue une faille dans le moi naissant.

 

L’objet transitionnel est ce que D.W Winnicott nomme «  la première possession non-moi ». L’espace transitionnel, qui est un espace de jeu, est un espace partagé entre deux psychés : celle de l’enfant en train de se construire et celle de la mère. La capacité à faire appel aux processus transitionnels est le point de départ du processus de séparation-individuation et de la création ultérieure de symboles. Ceci permettant l’émergence du désir et du langage. La symbolisation est cette opération exigeant que les éléments soient à la fois reliés entre eux et distincts l’un de l’autre. C’est une sorte de chevauchement moi/non-moi qui nécessite le processus de différenciation et de similarité.

 

L’objet transitionnel, communément dénommé « doudou », représente à la fois un substitut du sein maternel tout en n’étant pas le sein – paradoxe qu’il ne faut pas chercher à résoudre, nous dit Winnicott. Son pouvoir « magique » procède de l’illusion de l’absence de conflit intérieur, de l’investissement particulier que l’enfant y met. Ce symbolisme trouvé-créé par l’enfant lui permet d’opérer la transition entre l’illusion primaire de ne former qu’un avec sa mère (le principe de plaisir) et la perception objective qu’ils sont deux êtres distincts (le principe de réalité).

 

Il participe donc à la désillusion progressive et à la constitution de l’autonomie. Il est une aide dans le processus d’individuation/séparation. L’enfant y recourt principalement en l’absence de sa mère pour se sécuriser. L’objet transitionnel est la première possession de l’enfant. L’existence de cet objet signe l’entrée et l’accès à l’aire transitionnelle qui est une aire située entre le subjectif et l’objectif, une aire d’illusion, un espace potentiel où l’enfant développe sa capacité de créer, d’imaginer, d’inventer, de concevoir un objet et d’instituer avec lui une relation. Le jeu est un phénomène transitionnel.

 

Section 2. LA RELATION D’OBJET : SUBJECTIVATION DU MOI

 

  1. Le concept de narcissisme

Le narcissisme a évolué avec le temps et selon les auteurs. Le dictionnaire de la psychanalyse propose :

– Le narcissisme primaire (concept crée par Freud à partir du mythe grec du jeune  Narcisse  fasciné par sa propre image.) s’étaye sur des processus archaïques et procède de l’auto-érotisme : phase où le nourrisson n’a pas encore développé une identité, la distinction entre lui et l’extérieur n’étant pas bien établie. Cette phase lui permet de se centrer sur son corps, ses fonctions vitales et de se l’approprier

 

– Le narcissisme secondaire

L’enfant passe du narcissisme primaire au narcissisme secondaire quand il fait l’expérience que la mode a résistée à sa destruction et qu’il comprend que quelque chose lui échappe. Il découvre l’extériorité, le non-moi. Il n’est pas tout. Avant la naissance du moi, on sort du narcissisme primaire an-objectal pour entrer dans le narcissisme secondaire.

 

  1. Point de vue de M. Klein

 

Comme pour D.W Winnicott, M. Klein, situe le soi en rapport avec sa définition du moi qui pour elle aussi, est donné dès la naissance. Pour elle, le soi représente l’unité fondamentale du sujet, recouvrant le moi et toute la vie pulsionnelle. Il existe dès la naissance comme support de toute activité de l’individu et antérieurement à tout clivage.

 

Lors de la position paranoïde, les bonnes parties du soi identifiées au bon sein, se regroupent pour former le moi archaïque, qui demeure ainsi séparé par le clivage des mauvaises parties du soi. Puis, lors de la position dépressive, le « moi devient capable de reconnaître et d’intégrer les mauvaises parties du soi, sadiques, avides ou envieuses, ce qui entraîne la réunification du soi et permet au soi d’être soi-même ».

 

 

 

 

 

Chapitre 4. LA QUESTION DE L’ELABORATION DE LA PERTE

 

Pour le cas d’un enfant, en pleine processus de maturation, l’angoisse de la perte réside comme une faille dans l’élaboration de son comportement, ce qui amène à une trouble plutôt accablante du fait d’une incertitude et d’une insécurité irrémédiables. Cette peur empêche l’enfant de jouir de son enfance.

 

Section 1. L’ANGOISSE DE LA SEPARATION ET DE LA PERTE  

 

Pour D. W. Winnicott, l’angoisse de séparation est liée à des troubles du développement émotionnel précoce et demande un aménagement de la situation analytique, et parfois du cadre, plutôt que l’usage de l’interprétation. D. W. Winnicott oppose en effet deux niveaux dans les perturbations du développement psychique un niveau primitif et un niveau névrotique.

 

Si la perte n’est ni élaborée, ni symbolisée, il n a l’indifférenciation destructrice. Si l’expérience de la perte est structurante, elle ne l’est que si la mère ne s’en sent pas vidée. Elle demande donc un espace où la mère doit à la fois garantir son amour, sans limites et sans conditions, tout en ne se l’appropriant pas comme objet : si l’emprise maternelle déborde, il est voué à ne pouvoir vivre ailleurs qu’en un intérieur maternel.

 

Pour M. Klein, l’angoisse de séparation appartient à la position dépressive et ce qui est caractéristique de la pensée kleinienne, c’est la double origine de cette angoisse : une source interne, la peur que la mère ait été détruite par les pulsions agressives et une source externe, la peur de la séparation physique, l’enfant dépendant d’elle pour satisfaire ses besoins et soulager ses tensions. La perte de l’objet ne sera perçue que comme  une perte totale que si l’objet est  considéré dans son intégralité..

 

C’est au cours de cette phase qu’apparait la position dépressive qui est animée par le sentiment de perte de l’objet d’amour vécu notamment lors du sevrage et des frustrations. Dans cette période la relation de l’enfant à sa mère est marquée par une ambivalence de sentiments d’amour et de destruction. Pour Klein, la position dépressive est la phase principale du développement de l’enfant. L’aptitude à aimer dépend de cette phase., et elle  affirme que la présence des rapports heureux entre la mère et l’enfant à cette période renforcera les capacités de l’enfant à dépasser la position dépressive.

 

Section 2. LA SYMPTOMATOLOGIE OPPOSITIONNELLE COMPORTEMENTALE ET SCOLAIRE

 

Il y a d’abord un stade théorique de non-inquiétude, de cruauté. L’enfant a un but et ne se soucie pas des conséquences. Il ne se rend pas compte que ce qu’il détruit, c’est la même chose que ce qu’il estime (clivage du comportement). L’agressivité fait partie de l’amour. L’amour va jusqu’à une attaque imaginaire (du corps de la mère, de l’extérieur, de soi). L’enfant n’est pas responsable de ses actes car il ne sait pas qu’il en est responsable.

 

Ce stade de cruauté doit être vécu pleinement: s’il n’existe pas, ou s’il disparaît trop tôt, s’ensuit une absence de capacité d’aimer, une absence d’aptitude à établir des relations objectales. Il faut en effet que cette non-inquiétude soit vécue pleinement pour que le sujet puisse la dépasser. Arrive alors le stade du souci, de l’inquiétude, où l’intégration du Moi est suffisante. L’enfant peut désormais se rendre compte, se soucier des résultats de son agressivité physique ou psychique. Il est capable de se sentir coupable, de ressentir du chagrin.

 

Un enfant en bonne santé peut supporter cette culpabilité, et donc se supporter comme coupable et agressif. Il devient alors capable de découvrir son propre besoin de donner, son propre besoin de construire et de réparer. Une grande partie de l’agressivité donne naissance aux fonctions sociales. La frustration agit comme une échappatoire à la culpabilité et engendre des mécanismes de défense, comme par exemple le clivage où il y a diminution de la culpabilité et renforcement de la haine et de l’agressivité. Cette agressivité est un élément nécessaire au développement. L’Objet interne ne doit pas seulement être gratifiant, il doit aussi être persécutant pour favoriser un potentiel réactionnel.

 

METHODOLOGIE

 

Cadre de la recherche

Je suis en stage dans un SESSAD – Service d’Education Spécialisée et de Soins à Domicile – dont l’objet est d’accompagner des filles et des garçons de 3 à 20 ans qui   présentent des difficultés psychologiques dont l’expression, notamment l’intensité des troubles du comportement, perturbe gravement la socialisation et l’accès aux apprentissages. Ces enfants,  adolescents et jeunes adultes se trouvent malgré des potentialités intellectuelles et cognitives préservées, engagés dans un processus handicapant qui nécessite le recours à des actions conjuguées  et à un accompagnement personnalisé ». (Article D312-59-2 du Code de l’Action Sociale des Familles).

 

La demande de la famille accompagnée de la notification de la MDPH (Maison Départementale des Personnes Handicapées) déclenche la procédure d’admission propre au Service.

 

Le projet personnalisé d’accompagnement est élaboré en équipe pluridisciplinaire en partenariat avec la famille. Il s’inscrit en lien avec les différents intervenants extérieurs,  est modulable et évolutif en fonction des besoins de l’enfant ou de l’adolescent. L’accompagnement s’organise en partenariat avec les écoles, collèges ou lycées, les clubs de loisirs ou centres aérés, les institutions ou consultations spécialisées, la DEF ( Direction Enfance Familiale ), la PMI ( Protection Maternelle Infantile) …Ce projet individualisé privilégiant le maintien de l’enfant ou de l’adolescent dans son milieu naturel, s’articule selon les indications autour d’un suivi éducatif, d’un soutien pédagogique adapté favorisant les apprentissages ainsi que d’un accompagnement en intégration scolaire, de rééducations en orthophonie et en psychomotricité,  d’un suivi médical et psychologique.

 

Selon, à la fois les besoins des  enfants  ou adolescents, les contraintes  institutionnelles, les configurations familiales, une multiplicité d’intervenants  se trouvent ainsi mobilisée tels  que pédopsychiatres, psychologues, éducateurs spécialisés, psychomotriciens, institutrices spécialisées et orthophonistes.

 

La fonction de la psychologue auprès de laquelle je travaille, est la réalisation d’examens psychologiques (entretiens et évaluations psychométriques) en vue de bilans satisfaisant des demandes externes au  service, émanant le plus souvent de la MDPH. Elle mène aussi le suivi psychologique et thérapeutique d’enfants et adolescents dans le cadre des consultations.

 

En tant que stagiaire psychologue, après un premier temps d’observation, ma garante m’a autorisée sous son contrôle à faire passer des tests comme la WISC IV, à  les côter et à les interpréter.

 

J’ai pu aussi mener des passations de tests projectifs comme le Rorschach et le T.A.T. Je rédigeais pour chaque enfant ou adolescent mon propre compte-rendu que nous commentions ensemble en confrontant nos points de vue. J’avais accès aux dossiers  lorsque j’en  avais besoin.

 

J’ai assisté à la réunion  hebdomadaire pluridisciplinaire médicale et psychologique et pendant les premiers mois, je me suis contentée d’écouter pour  comprendre la réalité du travail des différents intervenants et son articulation dans l’étayage apporté aux enfants et adolescents. J’emmagasinais ainsi des informations sur ces enfants et adolescents dont pour la plupart, dans les premières semaines, le visage me restait  inconnu.

 

Procédure

 

L’approche méthodologique prendra appui sur  le recueil de données  au travers des réunions d’équipe articulé au matériel clinique recueilli de différentes manières  grâce aux observations lors de jeux, aux tests projectifs et psychométriques que j’ai moi-même fait passer ainsi que de leurs analyses soutenues par un référentiel psychanalytique. Enfin, il existe une part de travail indirect fourni par le dossier.

 

Ces informations ont été regroupées et analysée par le biais de l’étude de cas, cas unique, car la notion d’exploitation des données m’apparait très importante. Comme le dit F Marty, « Le cas a souvent pour fonction de démontrer… les relations causales qui existent des évènements réels de la vie …survenus dans l’enfance avec la survenue de symptômes à un autre âge ». Il souligne ainsi que « Le cas est un récit élaboré par le clinicien pour rendre compte d’une…problématique perçue dans la rencontre avec un patient. »

 

On écrit un cas pour sortir de la fascination qu’exerce sur le clinicien une situation clinique traumatique, pour explorer un problème clinique et/ou théorique, pour créer un espace de pensée, en lien étroit avec la clinique, mais décalé du temps de la rencontre avec le sujet. L’analyse apportée par l’étude de cas essaie de mettre en relation le contexte de l’enfant, son développement psychique et ses acquisitions ainsi que le champ social et  relationnel dont la scolarité et les relations familiales. Nous pourrons ainsi vérifier si nos hypothèses peuvent, à la fois être confirmées et également ouvrir à d’autres questionnements permettant d’approcher toujours de façon plus sensible, les difficultés du sujet dans un objectif de proposition thérapeutique  le plus pertinent et adapté possible.

 

 

APPROCHE CLINIQUE

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  1. Présentation et Anamnèse

 

Marie, 13 ans et demie, est la troisième enfant d’une fratrie de quatre. Elle est née en 1997 après 2 garçons (Vincent et Tom) nés  respectivement en 1985 et 1992 et avant la dernière fille Louise née en 2002.

 

Les 2 garçons sont nés du même père et reconnus par celui-ci, père dont nous savons qu’il est décédé par suicide. Marie est née, non reconnue par Mr V qu’elle n’a vu que 2 ou 3 fois alors qu’elle était bébé. Louise est née au moment de l’entrée en CP de Marie, du même père et également non reconnue. La mère  dit n’avoir jamais vécu avec  cet homme qui n’a aucun contact avec ses filles.

 

Les services sociaux interviennent auprès de cette famille depuis 1999 . Marie a alors 2 ans. A l’  âge de 6 ans, Marie est placée avec son frère Tom, selon une ordonnance de placement provisoire, dans un foyer de l’enfance pour une année à l’issue de laquelle  Tom reste alors que Marie  sera placée en famille d’accueil sur mesure judiciaire.  Elle y vit toujours. Mme R, la mère de Marie nous dit « Marie est allée en foyer pour bénéficier d’une meilleure école afin de bien travailler pour sa 1ère année de CP ».Parallèlement, une prise en charge par l’ASE est mis en place jusqu’à ce jour.

 

Lors de leur première année de placement, Marie et  Tom rencontrent leur mère sur les temps de week-end dans le cadre de droit d’hébergement. A 8 ans, Marie révèle des attouchements commis lors d’une visite par Vincent, son frère ainé alors âgé de 20 ans .La procédure engagée aboutit à un non-lieu.  Mme R, quant à elle, ne reconnut  pas les dires de sa fille .S’en suivit une suspension des visites à domicile où Marie n’eut plus de contacts avec sa famille jusqu’à une nouvelle ordonnance qui octroiera à Mme R des droits de visite médiatisées 2 jours par mois.

 

Depuis l’audience de juin 2010, Marie va chez sa mère, où vivent son frère Tom et sa petite sœur Louise, 1 week-end sur 2 et une partie des vacances. Les relations avec sa mère sont dites globalement bonnes. Nous notons que le nouveau compagnon de la mère de Marie est décédé en Octobre 2010.

 

En Juin 2010, un nouveau jugement a confirmé le maintien en famille d’accueil dont il ressort « qu’il ne tient désormais qu’à Marie de faire les efforts nécessaires pour rassurer les adultes sur sa capacité à évoluer positivement pour envisager le retour qu’elle désire au domicile familial ». Retour possible car le frère ainé a depuis quitté le domicile familial. Mme M adhère à un projet de retour sous conditions  de bon comportement à la maison et de progrès scolaires et considère que le maintien du placement est nécessaire pour l’instant.

 

Marie est donc accueillie dans la famille de Mme X avec une autre adolescente, elle aussi placée, et les 2 filles de Mme X dont l’une a le même âge que Marie. Cette famille parait sécurisante. Depuis le début 2010, début de l’adolescence de Marie, il semble que la situation aussi bien scolaire que familiale se soit dégradée.

 

Son comportement au collège est qualifiée d’irrespectueux en particulier à l’égard du professeur de mathématiques, d’origine maghrébine comme son père. Son désinvestissement scolaire, ses comportements  irrespectueux lui valent régulièrement des jours d’exclusion. La relation avec Mme X est devenue très difficile et Mme X parait parfois baisser les bras devant cette adolescente si difficile et si peu reconnaissante.  Elle seule s’occupe de Marie depuis qu’en 2009, Marie ayant été accusée d’agressions sexuelles sur d’autres enfants de l’école (où si elle n’est pas la seule concernée, elle semble néanmoins être la principale instigatrice), Mme X préfère que Marie se tienne à distance  de son mari.

 

Au niveau scolaire, Marie présentait un retard de langage et de parole en CP (on parle même de quasi-mutisme) et a été suivie jusqu’en CM1 en rééducation orthophonique 1 fois par semaine.

 

A la fin du CM2, son niveau scolaire est décrit comme ne présentant aucun trouble d’apprentissage. Durant sa scolarité primaire, les rapports des psychologues scolaires,  de l’éducatrice spécialisée et de l’institutrice évoquent une instabilité psychomotrice, des comportements d’opposition, de provocation, un  minimum d’investissement scolaire, des périodes d’état de tristesse, une recherche de contact avec des enfants plus jeunes car elle est souvent rejetée par ses pairs, une impossibilité à reconnaître ses comportements déviants. Les apprentissages sont soumis à la labilité de son état psychologique. Elle est également perçue comme une enfant agréable, au comportement adapté en particulier en relation duelle  et lorsqu’elle se sent contenue.

 

Son entrée en 6ème s’est bien passée et après un 1er trimestre avec une moyenne convenable, son comportement s’est dégradé (insolence, jours d’exclusion), ses résultats en chute libre et Marie décida de ne plus travailler. Ce qui conduisit à une demande d’accompagnement par le SESSAD pour son année de 5ème.

 

Aujourd’hui, après un suivi psychothérapeutique, à raison de deux fois par mois, depuis l’âge de 8 ans et relayé depuis le mois d’Août 2010  par un pédopsychiatre du service infanto-juvénile du CHU, un placement en famille d’accueil depuis l’âge de 7 ans, Marie passe son année scolaire d’exclusion en exclusion toujours pour des comportements insolents et/ou agressifs envers les enseignants ( en particulier le professeur de mathématiques décédé par suicide lors des vacances de Noël et où elle n’a manifesté aucune émotion), avec peu d’investissement dans le scolaire et la perspective d’intégrer un ITEP si ses résultats scolaires ne s’améliorent pas et si son assistante maternelle finit par baisser les bras.

 

Le SESSAD intervient depuis le mois de septembre 2010. A l’issue de la consultation initiale, le psychiatre du SESSAD évoque des troubles du caractère et du comportement, un désinvestissement de la scolarité entravant l’intégration scolaire et fragilisant l’insertion en famille d’accueil. Marie reconnait les difficultés sans pouvoir les expliquer. La psychiatre souligne que transparait une demande que l’on s’occupe d’elle. Quant à la mère de Marie, elle revendique  l’augmentation du droit d’hébergement, ce qui serait subordonné à l’amélioration du comportement de sa fille. Elle espère que l’intervention du SESSAD favorisera ce processus.

 

Les motifs du placement ainsi que son maintien par le juge des enfants, comme ceux de la suspension des liens,  sont banalisés. L’assistante maternelle se dit dans l’attente de mieux comprendre les troubles  qui ont une répercussion sur leur vie familiale. A la fin du premier trimestre, l’équipe des professeurs souligne son refus devant le travail et le non-respect des consignes qui lui nuisent ainsi qu’à toute la classe. Ses résultats très insuffisants et la dégradation progressive de son attitude sont dits inacceptables.

 

La dernière rencontre de Mme X avec le psychiatre du SESSAD  a révélé le nom du père et son origine marocaine. Il semble que Marie possède quelques photos de son père transmise par les grands parents paternels  et qu’elle aurait fait des recherches au sujet de son père sur le réseau face-book .Elle s’y présenterait en empruntant le patronyme paternel.

 

L’éducatrice spécialisée du SESSAD nous rapporte l’intérêt voire la fascination avec laquelle Marie parle des repas à la cantine ou chez sa mère. C’est un des rares sujets qu’elle évoque avec autant d’appétit. Je note aussi que l’usage qu’elle fait de « à la maison » concerne uniquement le foyer maternel.

 

Cette jeune fille m’évoque une nomade tantôt passive, tantôt rebelle. La question de la faillite d’une ossature psychique, affective, éducative et sociétale se pose et Marie à ce jour va finalement intégrer au mois de mai 2011, un ITEP afin de bénéficier d’un suivi scolaire plus approprié. Un autre lieu de vie, une autre rupture, une autre séparation dont elle ne peut rien dire si ce n’est la perte de ses amies du collège. Dans sa non-réponse concernant son ressenti face à ce nouveau changement, elle semble nous dire : « le sujet n’est pas là. »

 

  1. Compte-rendu du Rorschach

 

–       Clinique de la passation

 

Marie est une adolescente gracile, souriante que je rencontre pour la première fois. Elle  témoigne immédiatement  d’une aisance relationnelle, verbale et d’une fébrile avidité à s’engager dans l’expérience du Rorschach dont elle paraît avoir compris les objectifs.

 

La passation et la relation duelle semble la soutenir et la mobiliser dans un forme d’excitation  à l’expression très variée :   une  psychomotricité intense dans le maniement des planches, une verbalisation riche et rapide, la surveillance de ce que j’écris  mais aussi,  au fur et à mesure du déroulement de l’épreuve ,  par des mouvements de contrôle où elle se saisit des planches pour les prendre en anticipant parfois la présentation et les remettre à leur place à l’envers comme elle me l’a vu faire .L’ensemble de son comportement et de ses attitudes  me semblent révéler une certaine anxiété dont elle ne parlera jamais ainsi qu’un grand appétit, un grand  investissement  dans la découverte des planches et un plaisir à  répondre à la consigne.

 

La passation est relativement longue (35 mn) et le corpus de réponses (33) est supérieur à la norme, La présence de seulement 3 Ban questionne la difficulté à s’inscrire dans la pensée commune. L’appréhension des planches est soumise au contenu manifeste et latent et n’obéit à aucune stratégie rigide. Le F% élevé témoigne de la difficulté de lier représentation et affect. Le F+% inférieur se trouve positivement infléchi par la présence des kans et C articulées au travail perceptif et adaptatif. On peut s’interroger sur le sens des défaillances en F-. Les contenus marquent une sexualisation transparente de ses préoccupations et le H%  diminué pose la question des identifications. Le TRI extratensif avec une seule kinesthésie para-humaine et le fc introversif  signent que M est plutôt du côté de la régression confirmé par le RC% légèrement supérieur. L’IA diminué souligne la difficulté dans l’expression directe de l’angoisse et le «  déguisement en faux-self ».

 

–       Lecture des planches

 

P I

Elle témoigne d’entrée avec un G élaboré d’une dynamique mentale  opérante et créative. Evocation d’une scène où la triangulation évoquée  s’articule  autour de 2 personnages féminins  appartenant à l’univers enfantin doublement protecteurs  par leur fonction traditionnelle d’enveloppe psychique bienfaisante dans les contes   ainsi que par leur activité dans un premier temps de fabrication d’habit devenant  habillement. Elles  laisseront la place à l’enquête à une représentation masculine plurielle (dans une craquée verbale questionnant l’identification) dont les fonctions inversées aboutissent à la création d’un habit sur un tiers déshumanisé, dévitalisé. La protection d’une enveloppe féminine est devenue utilisation de l’objet de tiers créateurs anonymes.

Malaise dans le ‘ je vois plus rien’  convoquant la pulsion épistémophilique dans son interdit et/ou son désir. Le Dd « les yeux » donné à l’enquête constituant le seul élément corporel signifiant de l’humain. Mobilisation, narcissique sur un versant dévalorisant où la représentation de soi est assimilée à un objet manipulé et objectale (imago maternelle phallique et perverse ?).

 

P II

Le temps de latence souligne la sensibilité au contenu latent de cette première planche rouge. Les évocations enfantines « petits ours » servent de protection face à la sollicitation de représentations fusionnelles et/ou destructrices alors que « les petits lapins » viennent  doublement évoquer la question de la sexualité par les connotations supposées et la projection de « la petite queue touffue ». Suit, un dégagement vers des préoccupations personnelles qui lui permettent une valorisation narcissique étayée sur un investissement intellectuel. A l’enquête,  elle peut  à travers « la patte rouge » évoquer la blessure dans une représentation de relations au contenu enfantin et au symbolisme sexuel manifeste. M manifeste sa sensibilité à la sollicitation latente dans sa dimension libidinale puis agressive à l’enquête.

 

P III

En lieu et place de la banalité attendue, « un nœud de papillon », dans la symbolique  du lien, lien qui relie ou/et qui resserre, qui empêche ?  et évocation de relations symbiotiques au travers de représentations humaines qu’il  « faudrait coller ».Cette réponse de non-séparation  dans une défense anaclitique comme si le travail de séparation  au vécu mortifère (on ne voit que des os)  se devait d’être annulé.  Préoccupation anatomique dans le sens des enveloppes défaillantes ou dans la difficulté d’élaboration de la différence des sexes. « Les siamois » évoquent le double identique dans une indifférenciation des sexes. Ici, apparaît le premier F-, non pas en terme de désadaptation ou inadaptation au monde réel mais plutôt comme échec des défenses, la pression pulsionnelle ne pouvant être endiguée et mettant en défaut la formalisation. Puis à nouveau « je ne vois plus rien » dans une réitération du désir/défense épistémophilique. Oscillation entre désir et défense ? Cette réponse « anatomie » vient peut-être  également exprimer les difficultés d’élaboration de la différence des sexes.

 

P IV

D’emblée, M est sensible à la sollicitation latente dans sa dimension phallique portée très vite par une représentation féminine. Imago maternelle toute puissante et dangereuse ?  Suivent des dégagements  en D puis en Dd au travers de représentations de têtes animales mâles d’abord connoté négativement ( blaireau)  puis évoquant la puissance phallique, suivi du « loup » pour revenir aux cornes ( défenses !!!) de l’éléphant dans une réelle oscillation entre désir et défense .A l’enquête,  le  D phallique refoulé devenant l’obstacle qui empêche de voir. L’appel au clinicien dans une demande à la fois d’assurance  après  ce débordement pulsionnel encore très prégnant à l’enquête et qui sera encore un appel déguisé à une complicité et/ou provocation relationnelle  autour de la préoccupation sexuelle. On retrouve dans cette réponse masculin/féminin les préoccupations phalliques de Marie qui la maintiennent dans une forme d’ambivalence psychique. C’est comme si elle ne pouvait s’interroger sur la puissance de l’imago paternelle puisqu’elle n’en a pas terminé avec la toute  puissance de l’imago maternelle.

 

P V

La Ban attendue confirme la bonne représentation de soi mais cède immédiatement la place à un F- évoquant la difficulté d’une représentation stable ou un « faux self » qui se précise à l’enquête. (ce qui reste c’est une petite fille déguisée).En évoquant systématiquement le déguisement ( idem à la planche 1 ) elle vient peut-être exprimer que son identification féminine n’est que de surface.

 

P VI

Sensibilité à la dimension latente dans sa dimension phallique pénienne et scotomisation de la dimension féminine.

 

P VII

Après de multiples renversements, elle pourra évoquer la deuxième représentation humaine anonyme dans le D inférieur, qu’elle présente actuellement. La réponse suivante semble apporter une réponse narcissique à l’anxiété « blanche » de la première réponse,  anxiété  conduisant à l’enquête à une expression désorganisée avec une confusion sur la couleur du Dd inférieur, évoquant à la fois la canne, objet au symbolisme phallique et objet de soutien de celui qui ne peut pas voir. L’incohérence apparente du discours à l’enquête témoigne de l’extrême sensibilité à cette planche « maternelle ».Le « comme si c’était plié » repose la question du double identique et de  la destructivité de cette dangereuse fusion (selon l’expression populaire).Les réponses suivantes témoignent d’un aller-retour entre valorisation et dévalorisation narcissique.

 

P VIII

Ce sera la dernière réponse en G, au contenu de mauvaise forme dans une élaboration défensive à la fois après la planche VII et dans la rencontre de  la première des planches pastel qui ouvre sur une dimension de désorganisation que M tente de juguler par l’investissement d’un mouvement de détaillage s’appuyant sur une dimension perceptive du stimulus.  Ses réponses brèves, parcellaires, asséchées évitant toute kinesthésie, témoignent de sa difficulté dans la mobilisation pulsionnelle. Dès lors, elle abordera donc les planches en D, dans une sorte de défense par rapport à l’objet total. Evitement d’une synthèse face à l’appréhension de la sensorialité (en contre point, les planches sont davantage l’objet d’une plus intense manipulation) Cette manifestation défensive en une représentation idéalisée monde extérieur ( arc-en ciel)  en conscience ( je plaisante) tout en introduisant le désir d’une complicité ainsi qu’un besoin de réassurance auprès de la psychologue. . A partir de là, elle va décliner des représentations animales hésitantes mais en lien avec le percept pour s’avouer encore une fois impuissante non plus à voir mais à trouver.  Non plus dans une pulsion scopique non satisfaite mais dans  un désir  de travail de recherche ( à travers la dénégation).

 

PIX

La sollicitation régressive la sensibilise encore plus,  à la fois dans l’expression verbale (ouh) ainsi que dans  la  représentation qui  est à la fois affectée dans sa qualité et son contenu. Cet animal effacé serait-il l’expression à minima d’un mouvement dépressif ?  Puis l’évocation d’une moitié de bébé dans une coupure corporelle  retrouvée à l’enquête, coupure invalidante avec un seul œil et pas de jambes et où le 2 devenu 1 constitue un être  au handicap moteur et visuel.  A l ‘enquête, elle déploie  une histoire où ces relations symbiotiques fusionnelles destructrices donnent lieu à des adaptations réparatrices ( les mains pour avancer ne sont pas sans rappeler sa frénésie  dans la manipulation des planches et le contrôle du temps de la passation qu’elle tente de maîtriser). La réponse additionnelle repose la question d’une représentation phallique particulièrement massive et écrasante (un mammouth derrière un petit mammouth). L’aménagement en double siamois semble  donner lieu à une excitation portée par le récit de l’histoire qu’elle va raconter.

 

 

PX

Les kinesthésies sont concentrées ici dans l’insistance du « tenir », tenir dans sa faillite quand il s’agit d’une représentation symbolique phallique au symbolisme sexuel transparent (le stylo et l’encre qui a coulé). Cette scène est évoquée  dans une dimension dépressive(en gris-noir).

Concernant ses choix dits négatifs, ils confirment les difficultés à s’inscrire dans des relations sous tendues par une fragilité narcissique et l’identification impossible à un bon objet maternel.

Ses choix positifs témoignent néanmoins des possibilités et des désirs d’aménagement dans les processus de subjectivation, d’individuation et de restauration d’une image narcissique valorisée.

 

La motricité est très investie sur le matériel (devenant l’objet à manipuler), permettant ainsi l’expression  externe d’une motricité pulsionnelle tout en soutenant le processus de production des réponses et la mise en jeu des objets internes.

Le lien transférentiel est coloré par l’excitation et le contrôle.

La conflictualité Oedipienne paraît impossible en rapport avec la non-efficience des stratégies de séparation.

On parlera plutôt d’angoisses narcissiques en tant qu’elles ont trait à l’intégrité narcissique et la qualité des objets internes.

La construction identificatoire semble problématique avec la précarité des repères identitaires (imago maternelle dangereuse).

Nécessité d’une quête d’un lien fusionnel (morbide) contre-investi par un recours à l’agir et la motricité.

 

  1. Compte-rendu du TAT

 

Planche 1

C’est comme si c’était un garçon qui apprenait à faire du violon…..10’’ et qui n’a pas envie d’apprendre. (Question : pourquoi ?).  Je ne sais pas.

 

Procédés : Le récit commence  par   un « comme si »(A31) rendant compte à la fois de la défense qui lui permet de ne pas s’engager dans une expression directe mais aussi de sa conscience interprétative. Le silence intra-récit(CI1) lui permet l’expression de l’existence d’un conflit intra – psychique entre désir et défense(A24) avec une altération temporelle du discours(E41) sans évocation d’affects ni possibilité de développer les motifs du conflit(CI2).

 

Problématique : L’impuissance fonctionnelle associée à l’angoisse de castration n’est pas reconnue. Le conflit exprimé ici concerne les difficultés liées à l’autonomisation et la dépendance, l’envie d’apprendre exigeant l’acceptation de la séparation, de la perte. Le coût narcissique est ici en cause. Notons que l’enfant et l’objet sont évoqués dans leur intégrité physique soulignant sans doute la capacité du sujet à se situer entier face à un objet entier.

 

Planche 2

5’’ Ca, c’est une étudiante qui passe devant un champ de vigne…..15’’( Elle regarde ailleurs dans la pièce)….Y’a une femme enceinte qui regarde son fils faire les champs.

 

Procédés : Le sujet s’appuie sur le percept pour commencer le récit(A11) et après un silence assez long(CI1) suivi d’un évitement du regard(CI3), les autres personnages sont évoqués dans une représentation de relations(B11) avec évocation d’érotisation (B32) . La narration se clôt sur un faire banalisé (CF1).

 

Problématique : La triangulation est repérée, sans évocation du couple parental avec une possible confusion des places. La conflictualisation Œdipienne n’est pas  évoquée. L’érotisation semble sous-tendue par une confusion générationnelle qui peut être un recours pour pouvoir vivre le rapproché œdipien avec l’imago paternelle qui ne peut se faire certainement sans une culpabilité forte à l’égard de la mère. On note que seule une relation duelle mère-fils est évoquée. L’objet « étudiante » est perçu comme un double narcissique.

 

Planche 3BM

5’’ Ca, c’est un garçon qui est triste, qui pleure sur son lit, enfin…3’’  A côté. C’est tout. (Question au clinicien : on doit finir tout ça aujourd’hui ?)

 

Procédés : Le  récit est centré sur l’évocation d’un personnage masculin et de ses affects(B13). On note une hésitation et un silence intra-récit(CI1) qui ne permet pas au motif du conflit d’être précisé(CI2) avec un accrochage à la précision spatiale (A12) et à l’étayage du clinicien(CM1).

 

Problématique : Les affects dépressifs sont mentionnés mais on note une incapacité à  les mettre en lien  avec une représentation dans un évitement de la conflictualisation par un attachement au percept qui toutefois semble insuffisant à contenir l’angoisse dépressive en rapport avec la perte d’objet et nécessite l’appel au clinicien. Aucun personnage n’est introduit et l’enfant est seul confronté à des sentiments sans lien avec une représentation de perte d’objet. Le « à coté » pouvant surligner la totale absence d’objet psychique auquel on ne peut pas avoir recours.

 

Planche 4

(Elle parle de façon inaudible, prend son cahier de textes dans son sac, le regarde) 20’’. Ben, ça, c’est, je sais plus comment elle s’appelle. …5’’ Je sais qu’elle fait un film…3’’ Je ne sais pas. (Question : et dans ce film, tu peux imaginer l’histoire ?)… 3’’ Ben, je ne sais pas.

 

Procédés : Après un temps de latence relativement long, investi par l’agir(CI1) (CI3) et des commentaires personnels (B21) témoignant d’une inhibition massive,  elle évoque le personnage féminin qui la soumet à des hésitations(A31) . On note la scotomisation du personnage masculin(E11).

 

Problématique : La sollicitation latente de la planche autour de l’angoisse de séparation et d’abandon parait mobiliser massivement le sujet dont les défenses l’amènent à faire disparaître le personnage masculin évitant ainsi tout lien entre les personnages et donc toute confrontation à la question de la perte. La position dépressive semble difficile, voire impossible à élaborer. Les interrogations sur le personnage féminin pourraient venir exprimer les difficultés d’identification à l’imago maternelle. Cette planche qui revoie à la différenciation des images parentales dans un contexte conflictuel ne lui permet pas d’évoquer le conflit parental.

 

Planche 5

Ca, c’est une dame qui va réveiller son fils….3’’ Enfin, oui.

Procédés : Le bref récit évoque les relations interpersonnelles(B11) avec l’introduction d’un personnage masculin(B12) suivi par un silence intra-récit(CI1)  qui ne permet pas d’élaboration autour de l’image maternelle et se clôt sur le doute(A31).

 

Problématique : La sollicitation latente de la planche est portée par une représentation d’imago maternelle banalisée, bien que quelque peu contenante et pour le moins, dans cette réponse, le mouvement va vers des retrouvailles mère/enfant et non vers une séparation. Ici, pas de notion de Surmoi. Il s’agit plutôt d’une fin de séparation.

 

Planche 6FG

Ben, ça, c’est un homme qui vient voir sa femme qui fait du dessin. (Elle renvoie elle-même la planche).

 

Procédés : Le sujet évoque une relation interpersonnelle(B11) avec appui sur le percept (CF1) et termine son récit par une fausse perception(E13).

Problématique : Si le lien entre les personnages est repéré, la banalisation du récit, l’absence d’expression d’affects, la perturbation perceptive (l’activité de la femme qui fait du dessin) et le recours à l’agir par le renvoi et le retournement de la planche évoquent une défense massive contre la problématique de la perte d’objet. L’objet matériel anxiogène est écarté.  Ici, il est impossible de voir, pour le moins de figurer, un conflit, une opposition au lien avec l’imago maternelle. L’élaboration Œdipienne est rendue très difficile par l’impossible agressivité envers la mère. Ici encore, le désir œdipien pourrait être caché. « un homme qui vient voir sa femme » pourrait être une représentation a minima d’un mouvement de rapproché de l’homme vers la femme. Ce qui est étonnant, c’est l’activité de la femme « qui fait du dessin ». Cette activité pouvant représenter l’activité que fait une enfant.

 

Planche7GF

5’’ Ca, c’est une jeune fille qui vient voir sa mère qui lisait dans un fauteuil. (Elle surveille ce que j’écris).

 

Procédés : Le récit s’amorce sur une fausse perception(E13) concernant les relations entre deux personnages(B11) et l’accent porté sur le factuel(CF1). On note la scotomisation du poupon(E11).

 

Problématique : La scotomisation du poupon évite toute représentation quant aux relations précoces. La narration évite toute conflictualité  dans la relation mère-fille. On peut noter l’absence de communication avec la mère qui reste sur une occupation factuelle. Tout se passe comme si la fille ne voyait pas dans le regard de sa mère le miroir susceptible de la faire exister.

 

Planche8BM

3’’ Là, y’a un homme qui ouvre un autre homme avec son associé.

 

Procédés: Le récit se déploie autour d’une représentation associée à une thématique agressive (sexuelle ?) à l’expression particulièrement crue (E23) et le scotome d’objets manifestes (E11).Le motif conflictuel est évité (CI2).

 

Problématique : La problématique agressive contre les objets est crûment évoquée sans  aucun lien avec un affect de culpabilité ou d’angoisse de perte .   Fantasme du viol, du meurtre ?

 

Planche 9GF

3 ‘’ Ben,  c’est deux jeunes femmes qui courent  après leur frère sur la plage.

 

Procédés : Le récit s’ouvre sur l’évocation de deux jeunes femmes (CN5) dans une relation spéculaire avec une mise en avant de l’agir( B24) permettant d’éviter le conflit autour de la rivalité féminine  concernant un troisième  personnage (B12) .

 

Problématique : La rivalité féminine sollicitée par le contenu latent n’est pas évoquée ni dans un contexte œdipien ni dans un contexte d’agressivité. Cela indiquerait-il sa difficulté à lier libido et agressivité par rapport à l’imago maternelle ?  Cette impossibilité témoigne-t-elle non seulement de la non élaboration de la triangulation mais surtout de la problématique primitive, celle où l’attaque de l’autre serait susceptible d’entraîner sa disparition ? A mettre en lien avec la 6FG.

 

Planche10

5’’ Ben, je ne sais pas. (Elle repousse vivement la planche).

 

Procédés : Inhibition massive(CI1) et recours à l’agir sur la planche sur un mode agressif.

 

Problématique : Refus devant la sollicitation latente. La question du rapproché et donc celle de l’angoisse de séparation, la mobilise tellement qu’elle ne peut l’élaborer. Pour répondre, face à ces planches floues, elle devrait, pouvoir avoir recours à une sécurité sensorielle archaïque qui semble faire défaut.

 

Planche 11

C’est quoi, ça ? …3’’ Je ne sais pas…3’’Je vois pas très bien.

 

Procédés : Inhibition massive avec commentaire personnel(B21) et silences intra-récit(CI1)

 

Problématique : Le commentaire en accord avec l’atmosphère angoissante de la planche rend compte du malaise du sujet mais ne lui permet pas d’y échapper. Le percept trop flou ne l’autorise pas à s’accrocher. Le monde interne serait-il trop insécurisant pour aborder le conflit référé à une imago maternelle archaïque, surtout après la planche 10. En l’absence d’éléments perceptifs, elle n’arrive pas à organiser une réponse projective surtout dans un environnement hostile. On peut faire l’hypothèse d’une fragilité dans la relation à l’imago maternelle ( par difficulté à organiser ses objets internes par rapport à une planche où il n’y a pas grand-chose, qui manque de représentations concrètes, de contenant et donc qu’il faut faire appel à ses objets internes) et donc qu’il existe quelque chose de pas très organisé ni contenant par rapport à l’imago maternelle archaïque.

 

Planche12BG

3’’ Ca, c’est une barque qui s’est échouée sur une rive à côté d’un arbre.

 

Procédés : Le récit s’attache aux détails(A11) pour évoquer la dimension dépressive à travers la réactivation d’une problématique d’abandon(B24).

 

Problématique : Cette planche sans personnage mobilise l’espace interne du sujet qui s’accroche au matériel pour évoquer la dimension dépressive sans toutefois l’élaborer. Je pense que ce point est essentiel. Elle semble avoir accès à l’affect de tristesse qui est le préalable pour pouvoir entamer un processus de deuil mais elle ne peut l’élaborer car cela nécessiterait la possibilité d’éprouver de la colère (agressivité) envers l’objet qu’elle perd (la mère). Elle ne peut qu’agir la colère physiquement pour éviter de devoir la gérée avec ses objets internes. Mais ce deuil de l’objet primaire risque de venir entraver l’accès à la castration Œdipienne.

 

Planche 13B

2’’Ca, c’est un jeune homme qui attend devant les toilettes.

 

Procédés : Le récit s’amorce par l’évocation d’un personnage masculin et une banalisation( CI2) introduisant cependant un objet non précisé et une précision spatiale( A12).

 

Problématique : Le sujet est sensible à la sollicitation latente renvoyant à la capacité d’être seul, théorisée par Winnicott, et donc à l’absence et à la séparation, sans évocation d’affects liés  la dimension de détresse. La réponse vient peut-être indiquer que les revendications sont des revendications phalliques. L’attente devant les toilettes pourrait symboliser un fantasme de destruction de l’objet.

 

Planche 19

3’’ Je sais pas…2’’ L’image, elle n’est pas nette.

 

Procédés : Inhibition (CI1) et commentaire sur le matériel(B21) à valence négative (CN2).

 

Problématique : Le sujet est dépendant des objets externes, mis en avant pour pallier les défaillances de l’intériorisation des objets internes. Le sujet a besoin d’utiliser le dehors pour dire le dedans. L’objet primaire est trop défaillant.

 

Planche 16

C’est quoi ? 2’’ Je n’ai pas d’imagination.

 

Procédés : La verbalisation débute par une question témoignant l’inhibition (CI1) se poursuivant par une représentation négative de soi (CN2).

 

Problématique : Cette planche renvoie au comment le sujet structure ses objets internes et externes et organise ses relations avec eux. Faute de support matériel, elle ne peut pas élaborer d’histoire, ce qui témoigne de la précarité de l’intériorisation de ses objets internes et des difficultés rencontrées dans la construction du Moi sécure.

 

Marie s’est engagement à minima dans une inhibition certaine et la verbalisation est restreinte. L’épreuve du TAT est vécue de manière distanciée, dans l’évitement d’une contrainte, sans doute dans la mesure où la question du lien à l’autre s’y exprime de manière centrale : les planches du TAT contrairement à celles du Rorschach la contraignant dans une forme déterminée à l’avance. Sa production est moins fluide au plan de la verbalisation avec des temps de latence, des silences, des recours à l’agir témoignant de sa sensibilité à la dimension latente. Tout se passe comme si la rencontre avec une réalité qui autorise de manière moins lâche le jeu avec les représentations butait sur une insuffisante plasticité des potentiels d’élaboration de Marie.

 

La difficulté à construire des récits par rapport aux planches abstraites (11, 19, 16 ) référées à une imago maternelle archaïque, peuvent mettre en évidence des problématiques primaires. Peu d’affects exprimés. Accrochage à la réalité externe qui peut témoigner de défaillances  de l’introjection d’objets internes. Le sujet se défend de savoir. Il s’interdit l’accès au fantasme de désir. Les représentations de relations, dans le registre du voir, ne créent pas un récit vivant. La problématique d’angoisse de castration n’est pas évoquée tant la problématique de perte d’objet reste vive et désorganisant.

 

Les planches 3BM, 12BG, 13B et 16 réactivent la problématique de perte d’objet et la position dépressive. La présence des procédés d’élaboration du discours de la série C, «  évitement du conflit » est importante comme si le conflit ne parvenait pas à se déployer sur la scène psychique où la mentalisation serait évitée.

 

  1. Compte-rendu du CAT

 

P1

2’’ On dirait les trois petits cochons mais en poussins ….qui veulent de la glace que leur père leur a apportée puisque leur père leur a apportée. (Elle montre du doigt le père et ajoute : ma sœur, elle aime ces histoires)

 

P2

Comment ça s’appelle ça déjà, ce jeu ?….

Alors là, y’a trois ours qui tiennent une corde et qui tirent la corde jusqu’à ce qu’ils arrivent dans le camp de l’autre pour gagner. (J’avais déjà joué à ça un jour au château de Perguillon).

Question du clinicien : « D’après toi, qui va gagner ? Lui (elle désigne l’ours à gauche) parce qu’il a plus de corde et du coup lui est à deux doigts de tomber, sinon le petit, il l’aidera pas.

Question du clinicien : « Sont-ils liés entre eux ? Eux deux oui, des frères et sœurs et lui c’est un ami.

 

P3

2’’ Ben alors, c’est un roi qui trône. Ben, c’est ancien. Tu as compris le sens ? (question au clinicien). Enfin, qui est vieux …avec une petite souris qui passe le voir tous les jours (Nous sommes interrompues par un ouvrier qui vient signaler la mise en route de l’alarme  de l’institution).

Je suis sûre que je vais avoir mal à la tête. ( ?) Avec l’alarme incendie( ?) parce que c’est resté longtemps. C’est tout

 

P4

6 ‘’ Alors, une maman kangourou va vendre ses bouteilles de lait au marché avec son petit dans la poche et l’autre sur le vélo( ?) son fils aussi.

 

P5

Là, c’est deux papas, enfin c’est un couple de parents, non d’ours avec deux petits bébés oursons dans leur petit lit en train de dormir

 

P6

Là, c’est encore deux parents ours en train de dormir et leur petit qui vient à peine de se réveiller. Question du clinicien  «  Où sont-ils ? dans leur terrier, enfin le petit est à l’entrée.

 

P7

Alors là, c’est un tigre qui va attaquer un ouistiti, enfin un petit ouistiti et celui-ci s’enfuit par les lianes. Question du clinicien « Va-t-il l’attraper ? Oui, je crois.

 

P8

Alors, c’est un jeune couple de singes qui boivent du thé sur leur canapé. Ces singes ont invité une copine avec son fils.  4’’Euh, et cette mère crie sur son fils et sur le mur du couple, est suspendue la grand-mère de la mère, enfin de la fille.

 

P9

Ca, c’est un lapin qui est assis sur son lit en train d’attendre partir sa mère  enfin le retour de ses parents avec la porte ouverte.

 

P10

4’’ Euh alors, un chien, enfin une chienne vient de laver son petit chiot. Elle le frappe parce qu’il fait que crier. Elle l’essuie après.

 

 

 

CONCLUSION

 

De toute cette analyse, on peut en tirer l’importance que tient le rôle de la mère dans le processus de formation de la personne de l’enfant. « la mère miroir » est le premier environnement vis-à-vis duquel l’enfant s’identifie.

 

Selon Winnicott, dans les premiers stades de son développement le nourrisson est dans l’indifférenciation intérieur/extérieur, il vit l’environnement comme un prolongement de lui-même, et c’est progressivement que l’enfant va percevoir sa mère comme un individu séparé. C’est dans le bain d’affects et de dialogues que l’enfant va se sentir être et s’organiser. Le visage de la mère est le premier miroir de l’enfant. Ce que l’enfant regarde en regardant sa mère c’est lui.

 

Il est évident que la rupture dans ce processus identitaire influe sur le comportement de l’enfant, forcé à trouver par lui-même sa propre identification ne tenant qu’à une fausse représentation de soi. Les situations de chocs et de séparations comme pour le cas de Marie révèlent toute la complexité de la formation de la personne de l’enfant. Ces situations sont de forte influence sur l’enfant au point de lui forger un sentiment d’instabilité et d’insécurité.

 

Les situations de désinvestissement de l’enfant résultent d’un effondrement de la perception du moi qu’il s’est construit soit pour idéaliser soit pour aborder les aléas d’instabilité de sa petite enfance, un moyen pour se prévenir de l’angoisse d’une quelconque perte, dans sa vie pleine d’incertitude.

 

 

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