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Les implications de la fonction RH dans la mise en place du lean management : Le cas de SAS Gelmer

Titre : Les implications de la fonction RH dans la mise en place du lean management : Le cas de SAS Gelmer

Introduction

Au niveau de l’Union Européenne, l’innovation est très encouragée puisqu’elle est créatrice d’emplois et qu’elle est censée améliorer la compétitivité au niveau de l’entreprise et au niveau de la société en général. D’autre part, l’Union Européenne encourage l’innovation pour l’effet à long termes que cela produirait. Il n’est donc pas étonnant si de plus en plus d’entreprises européennes se lancent dans une démarche d’innovation. Entre 2010 et 2012, 48,9% des entreprises européennes ont fait des innovations. Bien que ce chiffre soit inférieur à celui enregistré entre 2008 et 2010 (moins de 3,9%), il a été démontré l’Allemagne, le Luxembourg, l’Irlande et l’Italie comptent parmi les plus innovantes[1].

Il existe différents types d’innovation, mais l’innovation organisationnelle est la plus fréquente chez les PME. Par rapport aux entreprises de plus grande envergure, cette catégorie entame des processus d’innovation moins fréquemment (Carré et Levratto, 2009 : 52). Dans cette étude, l’innovation organisationnelle sera abordée. Et comme de nombreuses entreprises se sont déjà lancées dans la mise en œuvre du lean management, nous avons décidé de nous intéresser sur le cas du lean management au sein de la SAS Gelmer.

L’innovation est une démarche complexe et qui nécessite de l’accompagnement de la part des managers. Cette démarche d’accompagnement constitue la garantie de la réussite de l’innovation mise en place. Et dans la mesure où le capital humain est devenu une ressource intangible pour les entreprises, il est intéressant de connaître son intervention dans la mise en œuvre des processus d’innovations au sein de l’entreprise. Dans le cadre de notre étude, nous tentons de répondre à la question inaugurale suivante : Comment la fonction RH peut-elle accompagner la mise en place d’une innovation organisationnelle pour en faire un outil de mobilisation et d’engagement chez Gelmer?

Cette étude poursuit deux objectifs distincts : l’identification des enjeux RH et des possibles barrières à la mise en place du lean management ; et la proposition d’actions pouvant être menées par la fonction RH pour favoriser la mise en œuvre de ce processus. Cette réflexion se divise en trois parties. La première partie va analyser le cadre contextuel c’est-à-dire, les caractéristiques organisationnelles et la situation de Gelmer, ses différents problèmes. La deuxième partie est une partie théorique dans laquelle, nous allons développer le concept de lean management et les différents enjeux que sa mise en œuvre comporte. Enfin, dans la troisième partie empirique, nous avons collecté des données quantitatives afin de pouvoir saisir les barrières réelles à la mise en œuvre du lean management et nous proposons quelques recommandations à partir de ces observations.

Partie 1. Cadre contextuel

  1. L’entreprise étudiée: Gelmer
  2. Historique

Gelmer trouve son origine avec la SA Francis LANOY, une entreprise familiale créée et gérée par Monsieur Francis LANOY. Située à Boulogne sur Mer, l’entreprise était alors spécialisée dans le mareyage traditionnel et dans la fabrication de filets de poissons frais.

En 1971, le département « surgelé » Gelmer a vu le jour et c’est ce département qui va donner son nom à la société par la suite. Le capital de Gelmer est détenu par son fondateur, Lanoy et sa famille. Depuis, les activités de Gelmer ont toutes été réorientées vers la transformation des produits de la mer frais et surgelés.

Les activités de Gelmer se sont intensifiées et la société a pu faire une mise aux normes d’une nouvelle usine de production à Wimille, commune limitrophe de Boulogne sur Mer en 1995. Cette usine a été inaugurée en 1996. En 1997, Mr Lanoy part en retraite et vend alors sa société au groupe Iceland Seafood International PLC. C’est ainsi que Gelmer est devenu Gelmer Iceland Seafood. Ce rachat a pour objectif d’augmenter la production de poissons surgelés par l’entreprise. Mais cette tentative s’est également accompagnée de son endettement estimé à l’époque à 143 millions de francs. Le chiffre d’affaire à cette période était alors de 612 millions, ce qui lui a permis de générer quelques profits. Ce rachat visait entre autres à augmenter l’exportation de l’entreprise et à gagner de nouveaux marchés à travers Iceland Seafood[2].

L’entreprise est passée par la suite par de nombreux rachats. En 2000, la société a été rachetée par un autre groupe islandais et devient SIF France. Puis, en 2006, un autre rachat par le groupe Icelandic a eu lieu et Gelmer devient Pickenpack Gelmer SAS. Mais à cette période, le marché n’était pas propice au développement de l’activité de l’entreprise et la situation de celle-ci n’était pas encore stable[3]. En 2010, la société est renommée Icelandic Boulogne sur mer. Malgré ces multiples rachats, l’entreprise n’a pas pu être redressée. Elle enregistre un résultat financier négatif.

Afin de résoudre le problème, en 2011, l’usine de Wimille, le bureau commercial et de négoce de Paris ainsi qu’une société similaire en Allemagne ont été rachetés par un consortium d’investisseurs dont l’actionnaire majoritaire est Pacific Andes. A la fin de l’année 2012, la société reprend le nom de Gelmer. En 2013, Gelmer est racheté par l’usine basée en Allemagne The Seafood Trader (TST). Les unités industrielles forment alors le groupe Pickenpack Europe, une autre branche de Pickenpack Andes.

Le groupe était dirigé par Mr NgJoo Siang. Ce dernier était prêt à investir en fonds dans la société afin de redresser la situation. L’esprit asiatique était bien présent dans le souhait de développement. Et pourtant, les entreprises du dirigeant n’étaient pas suffisantes pour assurer la prospérité du groupe. En effet, en 2015, Pacific Andes s’est heurté à une crise qui l’a poussé à ne plus faire des investissements au profit du Pickenpack Europe[4].

Il a connu d’importantes difficultés économiques qui ont amené au dernier rachat de la SAS Gelmer. En avril 2016, l’entreprise a encore connu un autre rachat par le groupe allemand Greenland Seafood, qui, pourtant, était un de ses concurrents sur le marché européen. Désormais, ce dernier acquiert toutes les actions de Gelmer. C’est ainsi que le site de Wimille, destiné à la production de bâtonnets de poissons panés ou beignets est passé sous contrôle allemand. En effet, ce site éprouvait des difficultés pour honorer une production de 14 000 tonnes par an. A travers ce nouveau rachat, Gelmer espère faire passer sa production à 20 000 tonnes par an[5]. Certaines activités sont transférées du site de production allemand de Wilhelmshaven vers le site de Wimille. De même, la ligne de production de l’Allemagne est transférée en France.

Plusieurs raisons poussent l’acquisition de Gelmer par Greenland Seafood. D’abord, c’est un site de production très bien localisé et équipé d’un outil de production moderne bénéficiant d’une certification avec une bonne notation. Par ailleurs, elle a installé une cuisine pour la recherche et développement qui n’existe pas encore en Allemagne. D’autre part, GS possède déjà un savoir faire reconnu et qui pourrait également être exploité tout en valorisant le « made in France ». Puis, GS a un bon ratio de productivité et une capacité de production pouvant être doublé. L’acquisition par GS permet entre autre de cibler une clientèle française qui s’approvisionne uniquement en France.

Le projet de GS est donc financièrement faisable et rentable. Mais en même temps, elle prévoir de dépasser 60 000 tonnes de produits sur l’ensemble de la chaîne de production. A travers ce rachat, Gelmer peut entre autres, transférer des volumes et d’atteindre l’équilibre financier en écrasant les coûts fixes de production. Ainsi, il est possible d’établir une ligne de production de tranches nature venant d’Allemagne et de l’acheminer vers la France parce que les employés français ont déjà un savoir-faire pour la réalisation de cette tâche.

En outre GS a établi une vision stratégique et un plan de développement bien établi pour acquérir des parts de marché. D’ailleurs, il fut un temps où les clients de l’usine allemande de Pickenpack Germany suite à sa fermeture. Suite à ce rachat, les emplois ont été sauvegardés mais jusqu’à présent, les embauches ne sont pas prévues malgré l’augmentation du volume de production. L’acquisition de Gelmer par GS n’impacte pas sur le statut collectif notamment, les conventions et les accords collectifs, les usages, la protection sociale, l’épargne salariale, etc.). Gelmer par contre, devient une unité de production, une filiale à part entière parce que la totalité de ses actions a été rachetée. Cependant, Gelmer garde son statut SAS. De même son ERP est exploité.

  1. Les activités de l’entreprise

Gelmer produit des poissons frais qui seront vendus auprès des grandes surfaces et des restaurateurs hors foyers. Elle propose à ses clients 240 produits répartis sur cinq lignes de production[6], à travers le transfert de la ligne allemande. Elle propose entre autres, des produits surgelés et des poissons panés depuis 1996[7].  Ces dernières années, elle s’est également lancée dans la fabrication de beignets de poissons et de fish and chips, spécialement conçu pour les consommateurs anglais. Elle produits entre autres, des recettes à base de poisson comme le filet meunière fabriqué principalement en Allemagne afin de réduire les charges de l’entreprise[8].

Les activités de l’entreprise sont principalement réalisées à Boulogne sur Mer. Sa localisation dans le détroit du Pas de Calais, à la jonction de la Mer du Nord et de la Manche en font le premier port de pêche de France. L’usine de Gelmer a été implantée dans cette zone stratégique afin de pouvoir desservir les marchés de l’Union Européenne.

Dans le but d’améliorer la production de l’entreprise, cette usine a été modernisée en 2007 et a été équipée d’outils de production performants avec six lignes de fabrication. Cette usine compte parmi les plus grandes usines d’Europe avec une surface de 11 000 m². Elle présente entre autre une capacité de production de 36 000 tonnes /an.

La production de Gelmer se fait selon la démarche Hazard Analysis Critical Control Point (HACCP), afin de maîtriser la sécurité des aliments. Dans sa démarche de production, l’entreprise se réfère aux standards de certification British Retail Consortium (BRC) et International Featured Standards (IFS). Ces standards garantissent le management de la qualité des produits agroalimentaires et par conséquent, se trouvent à la base de la confiance des clients en la qualité des produits qu’ils consomment. Outre à cela, pour s’assurer de la qualité des produits, des audits inopinés ont lieu. C’est le cas par exemple le 3 février 2017 et l’entreprise a encore obtenu un A+ en BRC et un niveau supérieur pour l’IFS Food. En termes de matières premières, le site d’action de Gelmer est certifié Marine Steward Council (MSC), un autre garant de la qualité des produits.

L’usine Gelmer fabrique sous marque de distributeurs elle propose aussi ses produits pour des centrales d’achats de cantines scolaires, ainsi que pour les grandes et moyennes surfaces dont Auchan et Carrefour. Parmi ses clients, il y a les freezing center comme Picard et Thiriet, les acteurs de la restauration rapide comme Quick, etc.

La chaîne de fabrication démarre par le déballage de la matière première qui est livrée sous forme de blocs surgelés de poissons blancs comme le cabillaud et le colin, etc. Ces derniers sont sciés selon un plan de coupe en fonction du produit fabriqué. Selon le type de produits voulus, les matières premières seront enrobées, panées, frites ou surgelées. S’ensuit la phase de conditionnement dans des cartons ou des sachets, et de palettisation pour le stockage. L’ensemble des produits fabriqués sur le site sont surgelés et stockés à une température inférieure ou égale à -18°C. Les différents produits fabriqués par Gelmer sont présentés sur le tableau suivant :

Tableau 1 : Familles de produits fabriqués sur le site de Wimille

Forme des produits – présentation Nature (sans enrobage) Pané cru Pané préfrit Beignet Moulé préfrit
Produit scié (cube – tranche – bâtonnet) x x x x  
Produit préformé x x x x  
Produit naturel (filet ou portion de filet) x x x x  
Croquettes   x x    
Steak         x
Brisures et chutes de poisson congelées ou décongelées x        

La société fait aussi des innovations et développe les produits en fonction des demandes des clients. Le but est de leur offrir une gamme de produits de très bonne qualité et qui répondent à leurs attentes. Depuis le dernier rachat de Gelmer, l’entreprise a créé un service « product management » pour renforcer la collaboration entre l’entreprise et les clients. Ce service a pour mission d’évaluer la faisabilité des attentes et des propositions des clients sur le site de production et d’analyser la faisabilité de cette mission dans le respect des cahiers de charges du client.

La production de produits surgelés pourrait être un atout pour l’entreprise dans la mesure où la France est une grande consommatrice de produits surgelés. En effet, la France se trouve en troisième position en matière de consommation de produits surgelés en Europe, après l’Allemagne et la Grande-Bretagne. En effet, 95,6% des ménages français consomment des produits surgelés et 2 059 millions de tonnes de produits surgelés ont été consommés en France en 2014[9]. De 2007 jusqu’en 2014, la consommation de produits de la mer traiteur réfrigérés connaît une augmentation plus particulièrement dans les hyper et les supermarchés en France. La même tendance est également observée au niveau de la consommation hard discount[10].

  1. La fonction RH au sein de Gelmer
  2. Caractéristiques des ressources humaines de Gelmer

Le service RH de Gelmer comprend quatre personnes : une responsable des ressources humaines, une responsable de la paie et de l’administration du personnel, une assistante RH et une agent d’accueil rattaché au service RH. Ainsi, les principaux acteurs du service RH de Gelmer sont principalement des femmes.

La responsable des ressources humaines a déjà effectué des missions similaires dans d’autres industries agroalimentaires. Elle fait partie du CODIR et du COPIL. Elle est chargée du recrutement, de la réalisation du contrat de travail, de plans de formation. Elle gère entre autres les litiges et les ruptures de contrats.

La responsable de paie et administration du personnel auparavant, était assistante de gestion du personnel et a pris ses fonctions après le départ de la précédente responsable de paie. Elle s’occupe du paiement des salariés. Elle gère en même temps, l’absentéisme et les arrêts. Elle est responsable du suivi des relations avec les organismes tels que la CPAM, et la prévoyance sociale, etc. Elle prend des décisions en fonction des informations qu’elle obtient de la part de la RRH, ainsi que sur la base des soldes de tout compte et des ruptures conventionnelles.

L’assistante RH pour sa part, est responsable du pointage des salariés afin de pouvoir calculer leur paie. Elle confronte ses données avec celles transmises par les chefs d’atelier afin d’en vérifier la cohérence. Elle se charge entre autres, de la commande d’intérimaires en cas d’absence ou d’augmentation d’activités.

L’agent d’accueil est comme son nom l’indique, responsable de l’accueil physique des visiteurs et des intérimaires. Outre à cela, elle se charge de la tenue du standard, et gère les équipements de protection individuelle.

L’entreprise Gelmer adopte une organisation en pôle. En tout, elle compte un pôle qualité, un pôle production, un pôle technique – sécurité – environnement, un pôle de recherche et développement, un pôle supply chain et un pôle support englobant le service finance et comptabilité ainsi que le service product management, le service informatique et le service ressources humaines.

Gelmer est une entreprise très sectorisée. Il existe le secteur des bureaux et de l’administration, la maintenance et la production. La structure de l’entreprise elle-même contribue à renforcer cette sectorisation des activités de Gelmer. Les bureaux se trouvent en haut tandis que l’atelier de production se trouve en bas. Or, cela pourrait aussi renforcer l’image et les stéréotypes de « ceux d’en haut et de ceux d’en bas ». Cette structure ne favorise pas les échanges entre les employés. Les salariés se déplacement au service RH en cas de besoin, mais ne discutent que très rarement avec les employés des bureaux. Il faut noter par ailleurs que le service RH est indépendant vis-à-vis des autres bureaux. Le secteur maintenance est également excentré car les bureaux et les ateliers de réparation ont une entrée totalement indépendante et se trouve de l’autre côté du bâtiment.

La communication entre les différents secteurs se trouve également altérée par l’absence d’informations collectives. Ces dernières années, Gelmer ne distribue plus ces informations collectives. De plus, quand elles existaient, elles étaient principalement organisée en fonction des postes matin/ après-midi et nuit. Les seuls moments où les employés se retrouvent sont pendant les pauses repas. En effet, un lieu de restauration a été installé et a été rénové. L’entreprise met à la disposition de son personnel des frigidaires où les employés peuvent stocker leurs repas. Ainsi, à midi, ils peuvent les faire chauffer. Mais le moment de pause est varié au sein de l’entreprise. Il dépend des obligations de chaque employé. Et quand enfin, ils se retrouvent dans ce lieu de restauration, les employés se regroupent plus en fonction de leurs services au lieu de s’entretenir avec d’autres employés.

L’entreprise Gelmer compte des collaborateurs qui ont une ancienneté élevée[11]. Les ressources humaines de Gelmer sont composées d’une population vieillissante. La moyenne d’âge y est de 49 ans avec une ancienneté de 22 ans en moyenne. L’ancienneté est plus élevé chez les ouvriers (20 ans) alors que les cadres affichent une ancienneté moyenne de 10 ans. Ces dernières montrent en effet moins de fidélité envers l’entreprise ces dernières années lorsqu’ils ont vu les difficultés rencontrées par l’entreprise.

La pyramide des âges de l’entreprise a une forme en champignon (figure X), ce qui montre un pourcentage élevé de salariés de plus de 50 ans. Ce fait permet de dire que le turnover au sein de l’entreprise est très faible. L’entreprise a enregistré un turnover de 2%. Le turnover est nul dans le secteur de la production pendant ces trois dernières années et plus particulièrement au niveau des postes d’ouvriers et d’employés.

Figure 1 : Pyramide des âges chez Gelmer

Les difficultés rencontrées par l’entreprise l’ont poussé à adopter une stratégie de réduction des effectifs depuis plusieurs années. Gelmer incite ses employés à la quitter. Pour ce faire, elle réaliste des ruptures conventionnelles. Depuis huit ans, 78 départs ont été facilités, ce qui a mené l’inspection du travail à venir vérifier les causes de ces départs importants. Le lancement du nouveau projet a permis de relancer la phase de recrutement pour trouver cinq chefs de ligne, mais les candidats qui postulent sont peu nombreux.

A la fin de l’année 2016, l’entreprise comptait 203 salariés dont 99 hommes et 104 femmes. Mais comme les départs pourraient être envisagés ou prévisibles, cet effectif va se réduire à 168 salariés en 2020. De plus, les effectifs sont très inégalement répartis car la majorité des salariés sont intégrés dans le pôle production. Ainsi, l’entreprise compte 146 ouvriers, 8 employés, 36 agents de maîtrise et 13 cadres.

L’entreprise opte pour l’amélioration de la gestion des compétences de ses collaborateurs pour faire face aux enjeux économiques. C’est dans cette optique qu’elle a mis en place le tableau de suivi des compétences et de la validation de celles-ci par les managers de proximité. En même temps, cette démarche lui permet d’identifier les besoins des personnels en matière de formation.

  1. La politique RH de Gelmer

La politique RH de Gelmer est fortement influencée par la stratégie qu’elle adopte. Depuis qu’elle connait des difficultés, elle n’adopte plus une politique de fidélisation de ses employés mais opte plutôt pour leur incitation au départ.

Les RH de Gelmer semblent constituer des petits groupes qui n’interagissent pas réellement entre eux. L’appartenance à un milieu semble être décisive pour dicter la faible interaction avec les « autres » employés issus d’un autre bâtiment et chargés de missions différentes.

  1. La culture de l’entreprise Gelmer

Gelmer n’a pas de culture d’entreprise proprement dite. Par ailleurs, les différentes épisodes de rachat pourraient aussi conduire à l’altération de la transmission et de l’adoption de cette culture d’entreprise par les employés. Ainsi, la culture d’entreprise n’est pas le moyen favorisé par l’entreprise pour assurer la cohésion des équipes. Il s’agit pour elle d’organiser des évènements pour réunir tous ses collaborateurs dans un cadre moins formel et plus décontracté. Mais ces moments conviviaux restent très rares. L’entreprise tient toutefois, à inculquer une culture de la performance et de la persévérance dans le cadre professionnel. Ainsi, une remise de médailles de travail est organisée une fois par an. Par la même occasion, l’entreprise remercie et encourage ses collaborateurs à s’engager dans la réalisation de leurs missions au sein de l’entreprise.

Des propositions ont été faites pour passer des weekends ensemble dans le but de se distraire, mais les différentes initiatives n’ont pas pu mobiliser les participants. Par conséquent, celles-ci n’ont pas été réitérées. A la place, Gelmer opte pour une parution interne au cours de laquelle, des informations sur l’entreprise, des anecdotes, des reportages sur les passions de certains employés, ainsi que d’autres sujets comme les recettes sont faites à travers le journal interne de l’entreprise. Pendant un certain temps, cette publication s’est arrêtée avant de réapparaître à la fin de l’année 2016.

  • Les défis de l’entreprise
  1. Les enjeux relatifs à la performance de Gelmer

La performance de l’entreprise Gelmer est encore difficile à déterminer vu qu’elle est encore en plein redressement. L’entreprise a failli fermer et a dû être rachetée en avril 2016. Mais jusqu’à présent, elle éprouve beaucoup de difficultés pour augmenter sa productivité d’où la nécessité de se tourner vers une innovation organisationnelle. D’autre part, les fonds permettant à l’entreprise de tourner sont très élevés par rapport à ce qu’elle dispose. Ainsi, pour pouvoir être viable, elle doit strictement remplir son carnet de commandes. Les gestionnaires ont essayé de réduire autant que faire se peut les charges de l’entreprise ainsi que les pertes qu’elle enregistre d’au moins 12 M€ sans pour autant y parvenir.

L’entreprise est passée par de nombreux rachats sans pour autant parvenir à un redressement de son état financier ou à l’amélioration de sa rentabilité. Certes, il y a des facteurs internes mais également des facteurs externes qui ne manquent pas d’impacter sur la performance de Gelmer. En effet, depuis 2009, la consommation de poissons frais par les Français a chuté. Cela est couplé à une augmentation du prix du poisson. Pour illustrer ce fait, en 2009, en moyenne, les ménages achetaient du poisson à raison de 11,2€ par kilo contre 12,9€ en 2014. Il semble entre autres, que les consommateurs préfèrent les poissons frais entiers au détriment des poissons frais découpés. Une hausse est également observée au niveau du segment traiteur de la mer. Or, la hausse impacte toujours sur la fréquence d’achat des produits par les consommateurs[12].

D’autre part, il a été démontré que l’entreprise affiche une capacité de production supérieure à la demande des consommateurs, ce qui ne permet pas d’afficher une bonne rentabilité. Par conséquent, l’entreprise perd de l’argent[13]. Ce bilan vient du fait que l’entreprise n’utilise que très peu sa capacité de production et enregistre une perte de 35 000 tonnes par an. Cela engendre une perte de 3,5 millions d’euros en 2015. Par ailleurs, le groupe n’a enregistré qu’un chiffre d’affaires de 57 millions d’où la nécessité pour le groupe d’améliorer sa stratégie de production[14]. La surproduction couplée avec la guerre des prix ne permet pas à Gelmer d’obtenir de la valeur ajoutée parce que sa marge brute est très faible. Le rachat est sensée rétablir la stabilité mais il a été démontré qu’aussi bien la branche allemande que la branche française n’ont pas pu atteindre l’équilibre financier. Par conséquent, l’entreprise cumule des pertes qui n’ont pas été rétablies au cours de ces dernières années.

Afin de pallier aux difficultés économiques, Gelmer a dû souscrire à des crédits auprès d’un pool de banques. Cela est dû au fait que même l’actionnaire opérationnel Pacific Andes traverse aussi une crise financière et en ce sens, il n’est plus à même de pouvoir aider le groupe. Depuis 2015, les pertes s’accumulent. A cela s’ajoute l’augmentation du prix des matières premières et l’instabilité du taux de changes en euro/dollars. Certes, le prix de ventes a été augmenté mais la consommation reste très limitée. Et comme le groupe compte une branche française et une branche allemande, les crises traversées par une branche impactent sur le développement de l’autre. Les créances sont partagées entre les deux branches. Or, la procédure collective a été établie en Allemagne ce qui impose à la branche française le remboursement de la part de l’administrateur allemand. Devant de tels cas, la solvabilité de l’entreprise devient incertaine puisqu’elle est exposée à

  • Un risque de recouvrement
  • Consommation de sa trésorerie
  • Manque de volumes
  • Contrainte à payer ses fournisseurs
  • Fuite de son principal actionnaire

Pour faire face au problème, l’entreprise a entamé une procédure de conciliation pour trouver une solution à l’amiable envers ses principaux créanciers. Mais dans ce cas, elle se trouve également dans la contrainte de trouver un éventuel repreneur. Et dans cette démarche, Gelmer n’a pas fait de bilan, comme son homologue allemand et comme résultat, elle se trouve dans l’incertitude complète. En effet, sans volume additionnel et sans fonds de roulement suffisant, le risque de fermeture devient imminent.

D’autre part, le marché européen de poisson est dominé par une dizaine d’acteurs qui se partagent le marché sur le segment de la grande distribution de poissons surgelés. Afin de pouvoir satisfaire la demande, des regroupements se sont établis afin de devenir plus compétitifs. C’est également un moyen permettant de répondre aux appels d’offre de la grande distribution. Ainsi, pour Greenland Seafood, l’acquisition de Gelmer pourrait devenir une opportunité pour améliorer sa visibilité auprès du marché de poissons surgelés. Par la même occasion, GS espère aussi assurer ses potentialités dans le futur.  Mais l’acquisition de Gelmer par GS  va s’accompagner de pressions sur Gelmer dans la mesure où elle devrait changer de stratégies et de plans pour rester performante et l’innovation est complètement requise, entre autres l’innovation organisationnelle.

  1. Les enjeux RH de Gelmer

Comme Gelmer présente une population vieillissante, alors le premier enjeu pour l’entreprise est de préparer les départs à la retraite de ses employés pour les prochaines années. Il s’agit alors de prévoir les postes qui seront vacants. Mais le départ à la retraite ne s’accompagne pas uniquement du fait que les employés fidèles quittent l’entreprise. Il s’agit surtout de préserver leurs connaissances et leurs savoirs qu’ils ont acquis au cours de leurs longues années d’expérience au sein de Gelmer. Mais pour préserver ces actifs intangibles, il faut que les savoirs, et les connaissances des employés âgés soient transmis à la jeune génération qui va prendre le relais. Cela demande des échanges fréquents entre le personnel qui va partir à la retraite et les jeunes recrus.

Le turnover est très faible (4% en 2014, 2% en 2013 et nul ces trois dernières années) au niveau des postes ouvriers et employés. Cependant, il existe un turnover pour les autres postes. Avec la politique de réduction des employés, les difficultés économiques ne permettent pas de remplacer les employés qui sont partis. Ainsi, les employés ayant intégré l’entreprise pendant moins d’un an est également faible au sein de Gelmer. Les RH de Gelmer diminuent au fur et à mesure comme le montre le tableau suivant :

Tableau 2 : Evolution de l’effectif de Gelmer SAS

Année 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016
Effectif 334 305 275 236 222 215 210 214 203

Ce tableau nous montre que l’effectif en 2008 était le plus élevé et c’était en 2016 que l’entreprise comptait le moins d’employés.

Outre à cela, le vieillissement de la population s’accompagne aussi de l’augmentation des dépenses assumées par l’entreprise et notamment, en matière de protection maladie. En effet, l’entreprise va devoir assumer des charges supplémentaires pour aider les employés atteints des troubles musculo-squelettiques (TMS) et d’autres maladies liées à l’âge. Ce phénomène va être renforcé d’autant plus que l’âge légal de départ à la retraite a été poussé. Par ailleurs, le climat tendu au sein de l’entreprise pourrait aussi favoriser l’apparition de maladies professionnelles.

Gelmer perd son attractivité vis-à-vis des candidats ayant les potentiels requis pour la faire développer. Ceci peut être dû au fait que l’entreprise a traversé des périodes difficiles et qu’elle a adopté la politique de réduction de personnel pour pallier à ses problèmes. Or, les RH sont réellement à l’origine de la compétitivité et de la relance de l’entreprise. Par ailleurs, la perte d’attractivité de l’entreprise vis-à-vis des candidats intéressant constitue déjà un indicateur de ses difficultés en matière de recrutement et d’envoi d’une image positive envers les candidats externes. Cela pourrait traduire entre autres, des failles au niveau des stratégies de communication de l’entreprise.

Outre le faible nombre de personnes qui viennent postuler pour les postes proposés par Gelmer, il a été observé que l’absentéisme au sein de cette entreprise est très important. Pour illustrer ce fait, en 2016, Gelmer a connu un taux d’absentéisme de 14,47%. Pour pallier à ce fait, l’entreprise a été contrainte de créer un programme de sensibilisation à la prévention des accidents du travail et aux maladies professionnelles. Pour y arriver, des panneaux de sensibilisation sur les bonnes postures à adopter pendant le travail ont été installés. Gelmer a même désigne pour mascotte « Monsieur Sécurité ». Un concours a été organisé pour lui trouver un nom « Edgar Obobo » à la télévision dans le hall.

La fonction RH de Gelmer, ne prévoit pas d’actions à long terme, mais opte pour une gestion du quotidien et de l’urgence. C’est ainsi qu’elle procède par exemple aux remplacements par les intérimaires. De même, la fonction RH ne prépare pas tellement le personnel aux changements qui peuvent s’opérer sur le marché ou au niveau de la production. Ainsi, il est très probable qu’il y ait des changements de dernière minute des types de produits à fabriquer. Or, cela influence le nombre de personnes à installer sur les lignes de production. En d’autres termes, Gelmer mise sur la gestion des ressources humaines au cas par cas pour gérer l’urgence.

La culture d’entreprise pourrait être un élément fédérateur de l’ensemble des ressources humaines. Et pourtant, il a été démontré que la culture de l’entreprise Gelmer n’est pas encore bien établie. Il se pourrait que la culture de l’entreprise aiderait aussi les employés à construire leur identité professionnelle. Cette culture pourrait en effet constituer un repère auquel, l’employé s’identifie. Son absence pourrait donc se solder par une perte de repère par les employés d’autant plus que l’entreprise a été à maintes reprises rachetée.

La communication pourrait fédérer les employés au sein de l’entreprise. Cette communication se fait à travers le journal interne, mais il a été constaté que la publication de ce journal interne a été interrompue. De ce fait, il n’existe pas d’autres moyens pour partager les informations et pour s’exprimer de manière officielle. L’entreprise favorise la reconnaissance des employés par le biais de la remise de médailles du travail. Or, si cette médaille est une marque de reconnaissance pour l’employé, elle n’est attribuée qu’une seule fois par an. Et les efforts fournis par chaque employé devraient être reconnue. Cela peut se faire à travers des gestes simples.

La compensation de l’inexistence de la culture de l’entreprise se fait à travers l’organisation d’évènements sensés réunir tous les collaborateurs de Gelmer. Et pourtant, force est de constater que ces évènements ne parviennent pas encore à motiver les employés et encore moins à les rassembler. Cela pourrait traduire un mauvais climat et environnement de travail. Les employés ne semblent pas vouloir entreprendre des activités que ce soit professionnelles ou non ensemble. Et une fois que le climat de travail n’est pas à l’entente et au respect mutuel, il serait plus difficile pour l’entreprise d’augmenter sa performance.

Un autre enjeu se pose sachant que Gelmer a été rachetée à plusieurs reprises. A la suite du rachat en effet, les employés sont plus stressés. Au sein de l’entreprise, les cadres doivent faire face et gérer les tensions et les inquiétudes engendrées par le rachat. La peur de perdre son poste suite à la réduction des effectifs a été ressentie. Ainsi, les cadres ont dû se rapprocher de plus en plus des salariés pour les rassurer et tempérer les évènements. Il a été démontré en effet, que le changement organisationnel qui accompagnent les restructurations, sont sources de stress non seulement pour les employés qui quittent l’entreprise mais aussi pour ceux qui restent.

D’autre part, l’acquisition de Gelmer par GS s’est accompagnée d’une production quasi-automatisée. Certains salariés ont donc été transférés sur cette ligne de production. Ce transfert nécessite la formation de salariés affectés. Les alternances entre équipes augmentent puisqu’il existe désormais une équipe de nuit pour la ligne transférée.

Partie 2. Partie théorique

  1. La fonction RH et l’innovation organisationnelle
  2. L’innovation organisationnelle, une stratégie d’entreprise
  3. Définition de l’innovation organisationnelle

L’innovation organisationnelle est composée de deux mots : l’innovation et l’organisation. Vu sous cet angle, l’innovation organisationnelle pourrait se référer aux innovations touchant l’organisation de l’entreprise ou du travail. Cela pourrait renvoyer aux réformes au niveau de la structure ou tout autre changement au sein de l’entreprise. Mais toute forme de changement qui s’opèrent au niveau de l’entreprise impactent inexorablement au niveau des ressources humaines d’où la nécessité d’accompagner cette démarche. Dans cette optique, les changements devraient aussi tenir compte de la transformation de l’organisation du travail, de l’aspect psychosocial et les impacts de ces changements au niveau des ressources humaines. En d’autres termes, toute innovation organisationnelle est précurseur d’innovation sociale[15].

Et pourtant, cette innovation est un phénomène complexe. Au début, l’innovation au sein de l’entreprise découle de la recherche de solutions face à une situation ciblée. L’entreprise devrait alors être capable de proposer des solutions innovantes. La capacité à proposer des solutions pour sa part, est la résultante de la création de connaissances entre les personnes ayant des savoirs et des connaissances à l’issue de leurs expériences professionnelles. En ce sens, l’innovation correspond à « un processus de création de connaissances qui vise le changement » (Mahy, 2009 : 225). Le processus d’innovation fait appel alors à plusieurs personnes qui vont créer une connaissance commune. Dans le cas du groupe sidérurgique français Usinor par exemple, les directeurs des quatre aciéries qui l’ont composé se sont fédérés pour établir un référentiel de compétences tenant en compte les spécificités de chacune et de faire par la suite une innovation organisationnelle (Jayne, 2012 : 91).

Le modèle participatif conçu par Mahy et faisant appel à l’action collective dans le processus d’innovation organisationnelle comporte cependant des limites. La cocréation de compétences collectives suppose que chaque participant soit considéré sur le même piédestal et pourtant, force est de constater que dans les entreprises les conflits pour diriger existent. De même, les points de vue convergent mais si la diversité d’idées est une ressource à exploiter, de nombreux collaborateurs ne parviennent pas à trouver un consensus ce qui pourrait bloquer l’action collective. Ainsi, certains gestionnaires optent plus sur un modèle directif que sur un modèle plus participatif (Mahy, 2009 : 224).

Dubouloz (2014 : 61 – 62) définit l’innovation organisationnelle comme étant « une innovation de procédés non technologiques qui englobe les nouvelles pratiques managériales, les nouvelles stratégies, procédures, politiques et structures organisationnelles ». Penven (2016 : 31) pour sa part, définit l’innovation organisationnelle comme suit : « de nouvelles méthodes dans l’organisation des pratiques et des procédures, les relations extérieures de l’entreprise, l’organisation du travail, la gestion des ressources humaines, les conditions de travail… ». En tant qu’innovation, l’innovation organisationnelle suppose des transformations mais celles-ci ne concerne pas uniquement les ressources humaines, mais touchent également toutes les activités de l’entreprise, nécessitant des modifications au niveau de l’organisation et de la gestion des ressources humaines. Contrairement à la définition avancée par Dubouloz (2014), Penven (2016) souligne l’importance de la gestion des ressources humaines parce que celles-ci est au cœur même de toutes les modifications, mais elles sont aussi les principales garantes de la réalisation des changements au niveau de l’organisation.

Toute innovation est la résultante de la cocréation de compétences et de savoirs pour affronter une situation problématique. Sa finalité est la conception de nouveaux produits, procédés ou services pouvant intéresser les consommateurs et que les entreprises concurrentes ne peuvent pas s’approprier. Mais cela ne peut se faire à moins que des changements profonds ne s’opèrent au sein de l’entreprise faisant correspondre alors l’innovation organisationnelle à de « nouvelles formes d’organisation du travail, les systèmes de gestion des connaissances, les méthodes de mobilisation de la créativité des travailleurs, ainsi que les nouvelles formes de relations entre les entreprises et leur environnement économique »[16]. Cette définition prend compte non seulement d’un remaniement au niveau de l’organisation du travail, mais souligne aussi l’importance pour améliorer la gestion des connaissances et l’exploitation des savoirs des salariés. Elle porte en considération entre autres, l’importance des relations des entreprises avec ses autres parties prenantes qui constituent des acteurs non négligeables de l’innovation organisationnelle.

L’innovation organisationnelle correspond à une forme d’innovation qui s’opère au sein de l’entreprise et conduit à la modification de la structure de cette organisation. Ce changement s’accompagne aussi de la modification de différents processus au sein de l’organisation. L’innovation organisationnelle suppose un changement au niveau du mode de management des leaders.  Ces derniers lancent les changements et veillent à ce qu’ils produisent des résultats (Crossan et Apaydin, 2010 : 1155 – 1156). Dans cette optique, il revient au manager d’installer un système dynamique favorable au développement de la créativité de chaque individu afin qu’il contribue à l’innovation au sein de l’entreprise. Il n’est donc pas étonnant que dans le cadre de l’innovation organisationnelle, il existe une complémentarité entre les activités des individus et des équipes amenées à collaborer ensemble. Mais ce ne sont pas uniquement les employés qui interviennent dans le cadre d’une innovation organisationnelle, mais également les consommateurs. L’innovation organisationnelle souligne l’importance de l’incitation des employés à entreprendre, à s’impliquer dans les actions collectives, et aux idées nouvelles découlant d’acteurs de différentes vocations. En ce sens, l’innovation organisationnelle pourrait aussi être désignée comme étant une innovation de l’entreprise elle-même ou comme la créativité de l’entreprise (De Sousa et Monteiro, 2011 : 16).

  1. L’innovation, à la base de la compétitivité et de la performance de l’entreprise

L’innovation constitue un avantage compétitif non imitable par les concurrents et permet alors d’augmenter la performance de l’entreprise (Dubouloz, 2014 : 66). Toute innovation conduit à des changements au niveau des processus adoptés par l’entreprise, ainsi qu’à des résultats (Crossan et Apaydin, 2010 : 1155).  La contribution des innovations à la performance de l’entreprise vient de sa capacité à revoir le business model de l’entreprise et de reconsidérer ses opportunités ou ses limites devant le contexte sur son environnement externe (Chereau et Meschi, 2014 : 153). Ceci est représenté sur le cycle adaptatif de l’innovation suivant :

 

Figure 2: Le cycle adaptatif de l’innovation d’après Raymond L. et Saint-Pierre J., adapté par Miles R. et Snow, C. cités par Chereau et Meschi (2014 : 154)

Cette figure montre qu’il existe plusieurs formes d’innovations au sein des entreprises. Celles-ci sont interdépendantes et interactives mais contribuent dans tous les cas, à l’augmentation de la performance de l’entreprise. Par exemple, l’entreprise fait le choix entrepreneurial de développer de nouveaux produits et de nouveaux marchés. Cela requiert l’innovation du produit et du marketing de l’entreprise. Mais pour développer de nouveaux produits, l’entreprise fait le choix technologique de développer de nouvelles technologies pour produire et pour améliorer la logistique. Cela correspond à l’innovation de procédé. Après avoir adopté la technologie et en lançant le produit sur le marché, l’entreprise cherche déjà les futures domaines d’innovations à partir de ces études sur le comportement des consommateurs et les tendances du marché.

Elle fait alors le choix organisationnel de développer de nouvelles pratiques de gestion des affaires, ce qui renvoie à l’innovation organisationnelle. Mais cette innovation organisationnelle va elle-même conduire à l’innovation du produit et des stratégies marketing de l’entreprise et ainsi de suite. Mais toutes ces innovations reprises dans ce cycle conduisent toujours à l’obtention de nouveaux produits, de nouvelles stratégies, de nouveaux procédés, de nouvelles organisations, qui, en fin de compte, vont améliorer la performance et la compétitivité de l’entreprise.

L’innovation devrait être à l’origine de la créativité au niveau des produits et des services fournis par l’entreprise mais également, au niveau de son organisation et de sa politique. Elle est source de créativité. Par la suite, cette dernière conduit à la création de valeur et à l’augmentation de l’intérêt du produit par les consommateurs (Le Loarne et Blanco, 2011 : xiii).

L’innovation organisationnelle a pour objectif d’augmenter la performance de l’entreprise à travers la réduction des pertes de temps, de l’inefficacité des processus de production, des dépenses liées à l’administration, à l’approvisionnement et aux transactions. Mais en même temps, cette forme d’innovation vise aussi la satisfaction des employés au travail afin que ceux-ci s’impliquent plus dans leurs activités et qu’ils soient de ce fait, plus productifs. Contrairement à d’autres formes d’innovations comme l’innovation technologique par exemple, l’innovation organisationnelle s’appuie plus sur les actifs non commercialisables comme les connaissances et les savoirs  des employés (Chereau et Meschi, 2014 : 151).

L’innovation est également un levier de la performance de l’entreprise dans la mesure où elle lui permet d’obtenir un avantage concurrentiel et par conséquent, d’augmenter sa visibilité par rapport aux autres entreprises qui travaillent dans le même domaine d’activité. La différenciation d’une entreprise peut se faire soit par les coûts qu’elle propose sur le marché ou par la création de valeur à travers les produits et les services  qu’elle fournit. Dans le premier cas, l’entreprise cherche à réduire ses coûts tout en proposant des produits et des services similaires à ceux des concurrents. Les consommateurs peuvent alors affluer vers l’entreprise, ce qui pourrait augmenter la part de marché de l’entreprise. Dans le deuxième cas, l’entreprise propose à ses consommateurs un produit ou un service n’ayant pas encore été conçu par les concurrents. En d’autres termes, la création de valeur consiste à apporter des nouveautés sur le marché et d’attirer les consommateurs à acheter ces offres (Le Loarne et Blanco, 2011 : 20-21).

  1. Mobiliser les RH pour mettre en œuvre l’innovation organisationnelle
  2. Les ressources humaines à la base de l’innovation organisationnelle

L’innovation organisationnelle fait partie des stratégies mises en œuvre par les entreprises pour rester compétitives. Mais l’accomplissement de chacune des stratégies de l’entreprise ne peut être fait à moins que les salariés ne s’y emploient. Dans cette optique, l’innovation organisationnelle nécessite l’implication des employés (Dubouloz, 2014 : 60). La mobilisation des RH facilite l’innovation organisationnelle, à travers l’encouragement des employés à adopter la stratégie de l’entreprise (Dubouloz, 2014 : 67). Mais l’innovation organisationnelle suppose l’existence d’un changement au niveau de la méthode de gestion des ressources humaines au même titre, que les procédures et les relations de l’entreprise avec les acteurs externes (Penven, 2016 : 31).

Les ressources humaines se trouvent à la base du lancement et de la réussite des innovations au sein de l’entreprise. Les stratégies RH qui encouragent les ressources humaines à avoir un esprit ouvert et à s’impliquer dans l’innovation permettent à l’entreprise d’avancer. Par ailleurs, les pratiques RH conditionnent les comportements des employés. Plus, la culture de l’innovation est inculquée dans les pratiques  RH et plus, celles-ci sont susceptibles d’être des acteurs d’innovation (Sanders et Cai-Hui, 2016 : 44). L’innovation organisationnelle repose sur la communication entre les différents acteurs et la valorisation de leurs compétences et savoirs faire. Cela implique entre autres, la gestion des compétences au niveau de l’individu et au niveau de la collectivité qui constitue l’organisation. La capacité de l’individu à concevoir de nouvelles idées se trouve à la base de toute innovation et dans cette optique, les ressources humaines sont à l’origine de l’innovation organisationnelle[17].

D’autre part, l’innovation qui s’opère au sein de l’entreprise découle également de l’engagement et de la motivation des employés. En effet, quand ces derniers décident de s’impliquer dans les projets de l’entreprise, ils deviennent des acteurs motivés et intéressés qui participent aux projets d’innovation de l’entreprise. Cela a été vérifié comme étant à l’origine des innovations au niveau des processus de production et des produits fabriqués par l’entreprise. Les employés peuvent apprendre à travers l’utilisation des équipements et des matériels, mais au fil du temps, ils développent du savoir faire qui pourrait être valorisé et conduire à des changements ou à des améliorations au niveau des processus de  fabrication. Mais cette démarche en général, ne conduit pas pour autant à d’importantes innovations (Lamari, 2010 : 46).

Cependant, la perception de l’amélioration des conditions de vie au travail des employés pour améliorer leur satisfaction au travail et leur productivité reste encore un sujet à réflexion. En effet, l’innovation organisationnelle s’inscrit dans le cadre de la stratégie de l’entreprise pour améliorer sa performance et sa compétitivité. En ce sens, les modifications qui s’opèrent au niveau de la gestion des ressources humaines ont réellement pour objectif de faire des ajustements pour s’adapter aux autres modifications technologiques, et aux changements de procédés qui devraient avoir lieu. Le mode de gestion des ressources humaines est forcément revu pour répondre aux nouvelles exigences de production de biens et de services (Penven, 2016 : 31).

Les ressources humaines sont à la base de l’innovation organisationnelle dans la mesure où celles-ci sont les premiers concernés à son application. Il est nécessaire de mentionner en effet qu’une innovation au sein de l’entreprise découle toujours de la décision de quelques ou plusieurs personnes. Il s’agit d’un contenu comme un autre, mais qui parfois, peut comporter des risques et des échecs. L’essentiel devient de ce fait, la stimulation de la collectivité pour que le projet d’innovation organisationnelle ait lieu et soit aussi efficace (Alter, 2011 : 54).

  1. Les répercussions de l’innovation organisationnelle sur la fonction RH

L’innovation organisationnelle implique des changements au niveau de la méthode organisationnelle de l’entreprise. Cela s’accompagne de la mise en place d’une stratégie efficace, ce qui suppose une nouvelle organisation couplée avec de nouvelles procédures de réalisation des activités des entreprises. De même, le lieu de travail, le partage de responsabilités et les acteurs dans la prise de décision sont revus. Les rôles des différentes unités qui composent l’entreprise sont reconsidérés. En d’autres termes, l’innovation organisationnelle conduit à une restructuration de la chaîne de valeur (Chereau et Meschi, 2014 : 152).

Mais ce n’est pas uniquement au niveau des ressources humaines de l’entreprise que les modifications ont lieu. L’innovation organisationnelle conduit également à des changements des relations de l’entreprise avec les parties prenantes externes. Pour une organisation optimale, l’entreprise se trouve dans l’obligation de revoir ses coopérations, ses sous-traitances avec ses partenaires externes. Dans cette optique, les travailleurs pourraient être amenés à travailler à distance. L’innovation organisationnelle pousse la fonction RH à mettre en œuvre de nouvelles pratiques de gestion des ressources humaines à travers les progiciels comme l’ERP (Enterprise Resource Planning). Dans certains cas, elle pourrait favoriser les travaux à distance, l’établissement de communautés de pratiques, etc. pour partager les standards à suivre pour une meilleure production (Chereau et Meschi, 2014 : 152).

Les innovations organisationnelles ont pour effet de changer la coordination des ressources humaines et les démarches adoptées pour réaliser les activités de l’entreprise. Mais cela s’accompagne de changements au niveau de la structure de l’entreprise afin que les pratiques, l’organisation et les procédés administratifs deviennent plus efficaces et efficients[18]. L’innovation organisationnelle ne produit pas uniquement des modifications au niveau de l’organisation de travail, mais change également la gestion du capital humain, la valorisation de la créativité des collaborateurs et les relations entre l’entreprise et leur environnement interne et externe. L’innovation organisationnelle entraîne entre autres, des changements au niveau des pratiques adoptées par les employés, et leurs réseaux de relations.

Dans cette optique, l’innovation organisationnelle tend à réduire les distances hiérarchiques et les pratiques managériales top-down qui ne laissent pas la parole aux salariés. De même, la réalisation des services et les processus de production font appel à la coordination d’activités au sein de l’équipe. L’esprit d’équipe se trouve ainsi favorisé. Il faut noter toutefois que l’optimisation du travail en équipe ne se fait pas au détriment de l’individu. Les compétences et la créativité de l’individu sont mises en valeur voire même, développées à travers l’encadrement permettant l’autonomie. Par ailleurs, l’implication et l’engagement individuel sont mis en relief, mais ceux-ci doivent contribuer à l’atteinte des objectifs communs. Mais de tels changements s’accompagnent souvent de stress chez les employés d’où la nécessité de favoriser le dialogue social pour maîtriser les éventuels effets négatifs sur les ressources humaines[19].

L’innovation organisationnelle en d’autres termes, est donc créatrice de dynamiques internes au sein de l’entreprise. Les différents services ou les équipes peuvent dans ce cas, être considérées comme étant des startups au sein desquelles se développent les innovations (Fonrouge, 2008 : 108).

  1. Les liens entre innovation organisationnelle et engagement des employés

L’engagement des employés constitue une des conditions de réussite de l’innovation organisationnelle. En effet, pour qu’elle soit efficace et conduise à la compétitivité de l’entreprise, il faut que les employés y participent. Mais il faut noter que cet engagement des employés dépend aussi d’autres critères inhérents au climat de travail, notamment à la confiance des employés en leur managers et la confiance de ceux-ci à l’implication des employés (Dubouloz, 2014 : 60).

Ainsi, les entreprises n’hésitent pas à mettre en œuvre des pratiques de mobilisation des RH afin d’augmenter leur implication et leurs motivations dans des projets communs. Les employés engagés sont en effet, ceux qui peuvent déployer leurs compétences, et leurs connaissances pour atteindre les objectifs déterminés. Plusieurs démarches permettent de mobiliser les RH : le développement des compétences des employés, leur récompense pour leurs efforts, la communication et le partage d’informations avec les employés et enfin, l’optimisation de la participation et la responsabilisation. Toutes ces démarches tendent à donner une image positive de l’employeur vis-à-vis des employés et de les rassurer pour le soutien que leur accordent leurs supérieurs hiérarchiques. Par ailleurs, outre l’innovation organisationnelle et la compétitivité obtenue, la mobilisation des RH permet aussi de favoriser les échanges sociaux au sein de l’entreprise, ce qui représente un atout de réussite (Dubouloz, 2014 : 66).

L’innovation organisationnelle peut aussi avoir des répercussions négatives sur les employés dans certains cas. En effet, quand l’individu a épuisé toutes ses ressources pour s’impliquer dans l’innovation et pourtant, il n’obtient pas des résultats palpables lui permettant de s’engager un peu plus. Lorsqu’un individu met en œuvre des stratégies convergent vers l’innovation organisationnelle et qu’il a le sentiment de ne pas avoir obtenu ou reçu les résultats escomptés alors, il va moins s’impliquer dans sa tâche. Afin de préserver leur équilibre psychique et pour pouvoir affronter le coup, il met en place des pratiques égoïstes (Alter, 2011 : 59).

L’innovation organisationnelle ne peut être efficiente et réussie à moins que les employés ne soient concernés et engagés dans les différentes démarches. Mais leur engagement passe par plusieurs étapes. D’abord, ils détectent le problème au sein de l’entreprise. Puis, ils avancent différentes solutions pour résoudre ce problème avant de sélectionner celle qui est la plus efficace. Les employés doivent être convaincus de la pertinence de l’approche de résolution du problème afin qu’ils puissent s’engager dans l’adoption de celle-ci. Une fois engagés, les managers doivent implémenter l’innovation organisationnelle et la routiniser[20]. En d’autres termes, l’engagement des employés dépend des dispositifs d’innovation mis en place par l’employeur. Ce dernier devrait stimuler d’abord l’engagement de l’employé avant de pouvoir l’intégrer chez les employés. Une fois intégré, l’individu va participer à la mise en œuvre de l’innovation au sein de son entreprise[21].

  1. Le lean management
  2. Définition du lean management

Le lean management est un mode de management reposant sur le principe du juste à temps et de l’autonomation. Le premier principe renvoie à la nécessité pour l’entreprise d’optimiser son organisation de manière à ce qu’elle puisse livrer dans les délais les services ou les produits demandés par les clients. Le deuxième principe pour sa part, consiste à mettre en œuvre des stratégies pour encourager les employés à s’engager dans leur travail de manière à ce qu’ils puissent améliorer la qualité des biens proposés aux consommateurs. Dans cette démarche, l’entreprise tente entre autres, d’éliminer ou tout eu moins de réduire autant que faire se peut, les pertes qui vont être assumées par la firme. En d’autres termes, le lean management consiste à mieux organiser l’entreprise pour réduire les gaspillages (Beauvallet et Houy, 2009 : 84).

La réduction des gaspillages ne peut se faire à moins de respecter certaines conditions comme la remise à jour des processus de production de l’entreprise pour éliminer les activités qui ne produisent pas de la valeur. Il est donc intéressant de mettre en place un standard de production ayant déjà fait ses preuves. Dans ses stratégies et la conception de processus de production, l’entreprise doit se référer aux attentes des consommateurs et les anomalies au niveau de la production devraient être analysées sur toute la chaîne de valeur. Et enfin, le lean management souligne l’importance du rôle du manager dans la réduction de ces gaspillages. Celui-ci intervient en effet, dans l’encouragement des employés à discerner les problèmes afin de trouver des solutions rapides et efficaces. Cela suppose la proximité du manager avec les opérateurs (Beauvallet et Houy, 2009 : 85 – 86).

Dubouloz (2014 : 62) rejoint cette idée de réduction des gaspillages lors du processus de production. En même temps, elle souligne la nécessité d’améliorer continuellement ce processus en se référant aux attentes des consommateurs. Devant ce fait, il n’existe pas une seule forme, mais des formes de lean management qui peuvent être adoptées par les entreprises. Certaines par exemples misent sur le juste à temps, tandis que d’autres se focalisent sur la demande des consommateurs. Afin d’honorer les demandes, des entreprises peuvent opter pour des changements rapides de séries tandis que d’autres gèrent la taille des lots à vendre. Pour certaines, il s’agit de manager la qualité totale alors que pour d’autres, le lean se fait à travers la maintenance productive totale ou Total Productive Management (TPM).

Le lean management repose alors sur cinq critères : « 1) sauvegarder la sécurité des employés, 2) protéger les clients, 3) maîtriser le lead time, 4) réduire le lead time et 5) réaliser les réductions des coûts rendues possibles par l’élimination des gaspillages » (Ignace et al., 2012 : 4). Ces différents critères sont respectés lorsque tous les employés de l’entreprise collaborent pour améliorer leurs pratiques individuelles afin de réduire autant que faire se peut les gaspillages. Il requiert entre autres, la considération du temps comme étant une valeur ajoutée pour l’entreprise lors du processus de fabrication. Les transformations mises en œuvre doivent répondre aux attentes des consommateurs[22].

D’autre part, le lean management pourrait aussi être défini comme étant « une méthode de management qui vise l’amélioration des performances de l’entreprise par le développement de tous les employés. Cette méthode consiste à recherche les conditions idéales de fonctionnement en coordonnant personnel, équipements et sites de manière à maximiser la plus-value créée et l’imiter le gaspillage »[23]. Dans cette dernière définition, la réduction du gaspillage est aussi mis en valeur mais par rapport aux autres définitions du lean management, elle insiste sur la nécessité de développer tous les employés qui travaillent au sein de l’entreprise afin de trouver la démarche efficace pour optimiser l’organisation du travail. Le lean management renvoie alors à des processus concrets pour obtenir des changements au niveau du processus de production comme le montre la figure ci-dessous :

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Figure 3 : Les impacts du lean sur un processus (Jacquier, 2013 : 29)

  1. La mise en œuvre du lean management
  2. Les principales étapes de la mise en œuvre du lean management

Le lean management commence par la formation des personnels au concept ainsi qu’aux pratiques à adopter dans le cadre du lean management. La formation au lean management permet d’expliquer aux acteurs concernés les principes de cette démarches et de déterminer une vision commune et pour impliquer les différents acteurs. Mais les parties prenantes ne peuvent adhérer à l’adoption de ce lean management à moins qu’ils n’aient une vision plus positive de cette pratique d’où la nécessité de les former au lean management (Dubouloz, 2014 : 71).

La deuxième étape consiste à faire une mise en usage. Elle comprend la communication pendant laquelle, le projet de lean management est porté à la connaissance de tous les acteurs concernés. Après la formation, les employés sont amenés à pratiquer ce qu’ils ont appris. Ceci constitue l’activité principale de la mise en usage. Dans cette optique, ce sont les employés eux-mêmes qui établissent les nouvelles pratiques de travail qui leur semblent les plus appropriés pour atteindre les objectifs fixés. Comme l’idée qui en découle, sont d’eux, ils sont plus à même de les adopter. Pendant la mise en pratique, les employés peuvent donner leurs avis et la valorisation de leurs remarques contribue encore à les impliquer un peu plus dans le projet de lean management. La reconnaissance et les récompenses non monétaires sont donc d’une importance majeure pour impliquer les employés. La plupart des entreprises optent pour les reconnaissances verbales et l’intégration du nom des employés engagés dans les journaux d’entreprises. La mise en pratique par les employés devrait s’accompagner d’un management de proximité et d’un suivi rigoureux de la part des managers (Dubouloz, 2014 : 71).

La troisième phase de la mise en place du lean management correspond à la phase de poursuite de l’usage. Dans cette phase, la communication est aussi cruciale pour encourager les employés. Puis, la formation est encore indispensable plus principalement, pour les nouveaux recrus pour que ceux-ci acquièrent la pratique du lean management. A ce niveau, la reconnaissance des employés sont pécuniaires. Les entreprises peuvent récompenser par exemple les employés par les primes d’intéressement (Dubouloz, 2014 : 74 – 75). Une fois que le projet de lean management est accepté par les employés, alors des accompagnements sont envisagés par les managers de l’entreprise comme le montre la figure suivante :

Figure 4 : Le déploiement du lean (source : https://www.agir-efficace.com/demarche-lean.html)

Cette figure montre les différentes étapes de déploiement du lean management et des dispositifs permettant d’accompagner les employés dans cette démarche. D’après cette figure, il est nécessaire dans un premier temps d’organiser la zone de travail avec les employés et de déterminer en même temps, les standards à suivre concernant la qualité et la méthode. Le lean management suggère que les managers et tous les autres collaborateurs s’impliquent pour faire respecter les règles permettant d’harmoniser la réalisation du travail.

Dans un deuxième temps, il s’agit de standardiser les méthodes et de faciliter l’acquisition de celles-ci par les employés. Au fur et à mesure de l’application de ces méthodes, les arrêts entre les processus de fabrications devraient diminuer. Dans un troisième temps, les différents acteurs s’emploient à optimiser le temps de processus et à équilibres les lignes de production. Dans un quatrième temps, il est nécessaire de faire des maintenances et d’assigner des personnes tout en les impliquant et en les formant dans la manipulation des machines. Une fois les processus techniques bien expliqués, ces savoirs sont partagés entre les collaborateurs. La dernière étape consiste à améliorer la réactivité des employés pour qu’ils puissent réduire le temps de cycle.

  1. Un exemple de mise en œuvre du lean management : le cas de Toyota

Toyota a été le premier à mettre en place le lean management à travers son Toyota Production System (TPS), jugé comme étant, l’origine du lean management. Pour cette industrie, la réussite repose sur la stabilité de quatre éléments cruciaux dont les personnels et leurs compétences, l’approvisionnement de matières et de composants, les procédés de fabrication ainsi que les équipements de production. Le lean management de Toyota est résumé à travers la création de la TPS schématisée comme suit :

Figure 5 : La maison TPS modélisée par Toyota (source : https://leanenfrance.wordpress.com/2011/04/19/la-maison-du-lean-management)

L’objectif de Toyota est de réussir une production et de manufacturer des produits à valeur ajoutée. Mais pour atteindre cet objectif, il est nécessaire d’installer des piliers constitués par le « juste à temps » dans lequel, l’entreprise opte pour la gestion du temps, du flux de production, et pour une logistique intégrée. D’une autre part, elle met en valeur le Jidoka constitué par l’arrêt automatique en cas de gaspillage ou de faute de manipulation, la séparation homme et machine, le contrôle au poste, la résolution des causes à l’origine des problèmes identifiés. Or, ces piliers se fondent eux-mêmes sur le travail standardisé et le Kaizen. Toyota a même développé le Toyota Way et la philosophie lui permettant d’impliquer ses employés de manière à ce que ceux-ci soient engagés dans leur travail et qu’ils soient au cœur de la maison TPS.

Dans le cadre de la réduction des gaspillages, l’entreprise Toyota veille à discerner plus tôt les problèmes qui surviennent pendant le processus de production. Dans cette optique, il a créé une corde d’alerte permettant aux opérateurs de faire un signal visuel et/ou sonore vers le responsable pour indiquer la présence d’une anomalie ou d’un problème sur la chaîne de production. Une fois le signal envoyé, le surveillant cherche directement une solution au problème (Beauvallet et Houy, 2009 : 87 – 88).

  1. Les conséquences du lean management
  2. Les conséquences sur la performance de l’entreprise

Le lean management augmente la performance opérationnelle en livrant à temps les produits et les services aux consommateurs. La performance vient de la réduction du temps et des coûts de production. Par ailleurs, il s’agit d’un mode de management qui permet d’améliorer la productivité des employés ainsi que de la qualité du travail qu’ils fournissent (Hajmohammad et al., 2013 : 87). Le lean management est une approche managériale centré sur le processus. De ce fait, il permet de créer de la valeur à chaque étape du processus de fabrication. Non seulement, il réduit les pertes liées aux différentes démarches de production, mais il permet également de prévenir les éventuelles pertes au niveau de la chaîne de production (Martìnez-Jurado et Moyano-Fuentes, 2014 : 138).

Le lean management pourrait entre autres être un moyen pour s’affranchir des frais supplémentaires et de réduire les coûts du projet de l’entreprise. Dans cette optique, il contribue à l’amélioration de la performance globale de l’entreprise. Dans la mesure où il améliorer le processus de production et l’adapte aux attentes des consommateurs, alors le lean management permet de satisfaire les besoins des consommateurs. La satisfaction de ces besoins va de pair avec l’intérêt du consommateur pour le produit fabriqué par l’entreprise ayant adopté la démarche de lean management[24].

Le lean management pourrait être adopté pour aider l’entreprise à assumer ses responsabilités environnementales. Ce mode de management conduit à une performance environnementale élevée dans la mesure où elle contribue à la réduction des déchets (Hajmohammad et al., 2013 : 91).

  1. Les conséquences sur les RH

Le lean management permet d’impliquer les employés dans le processus de management. Cela permet d’améliorer l’environnement de travail et les pratiques adoptées au sein d’un service ou d’une équipe (Martìnez-Jurado et Moyano-Fuentes, 2014 : 138). Mais en même temps, cette démarche va aussi conduire à la modification de la culture d’entreprise[25].

Les changements provoqués par le lean management peuvent dans de nombreuses situations être sources de stress pour les employés. En effet, la décision de se lancer dans cette approche découle de la constatation d’une contrainte que l’entreprise doit surmonter. Et avec elle, les employés sont amenés à faire des modifications au niveau des processus qu’ils connaissent déjà et dont ils savent les conséquences pour se lancer dans l’inconnu. De telles démarches suscitent inexorablement du stress. Or, le stress impacte aussi sur la performance individuelle (Bhasin, 2015 : 267).

D’autre part, le lean management requiert aussi un changement de comportement de la part des employés. Or, ce changement pourrait être difficile à mettre en œuvre. L’étude menée par CapGemini Consulting a mis en évidence que la facette comportementale de la mise en place du lean management pose problème au sein des entreprises. Il s’avère que les outils sont plus faciles à mettre en œuvre par rapport à l’installation du nouveau comportement et du nouveau style managérial, adapté aux principes du lean management. Par ailleurs, certaines entreprises éprouvent beaucoup de difficultés à maintenir le projet de lean management à cause de la résistance des employés à ce changement et d’autres raisons mentionnées sur cette figure[26].

Figure 6: Les problèmes clés empêchant ou ralentissant la mise en place d’un programme lean durable (source : enquête de CapGemini Consulting, 2010)

Cependant, cette démarche pourrait également aiguiser la créativité des employés. Il n’est pas rare que les employés parviennent à trouver des moyens pour améliorer la qualité de la production. Outre à cela, les employés peuvent s’affranchir de la monotonie et des tâches répétitives observées dans le cadre d’une production ne faisant pas appel au lean management. Dans ce cas, chaque activité entreprise par les employés sont bien réfléchies et ont un sens pour les employés. Cela ne manque pas de les impliquer dans le processus de fabrication (Bhasin, 2015 : 267).

Partie 3. Partie empirique

  1. Méthodologie
  2. L’entretien directif

L’entretien directif ou entretien dirigé peut être défini comme étant une démarche de « collecte d’informations sous forme d’entretien selon une démarche très structurée, pour laquelle, le répondant a une connaissance de l’ensemble du questionnaire, alors que l’enquêteur est chargé de noter ses réponses au fur et à mesure, en veillant à ce qu’aucune omissions ou erreur ne survienne »[27]. Cette méthode est proche de l’approche par questionnaire durant laquelle, une série de questions sont déjà préétablies avant de venir vers les interviewés. De cette manière, les questions ainsi que les manières de les poser sont exactement les mêmes pour chaque répondant[28]. Le questionnaire est une série de questions fermées, c’est-à-dire, ne donnant place qu’à des réponses fermées.

  1. Avantages de l’entretien directif et justification du choix
  2. Rappel des objectifs de l’entretien semi-directif

Notre étude tente de définir les démarches pouvant être déployées par la fonction RH de Gelmer afin d’accompagner l’innovation organisationnelle au sein de l’entreprise. Notre analyse théorique a démontré que l’innovation organisationnelle ne peut être efficace à moins que les RH ne soient mobilisés et engagés dans la mise en place de cette innovation organisationnelle. Dans cette optique, il est crucial de connaître les pensées profondes et de mesurer le degré d’adhésion des employés aux politiques et aux stratégies de l’entreprise. La fidélité des employés envers l’entreprise est démontrée par le fait que l’ancienneté des employés soit élevée. De même, l’âge moyen des salariés est élevé. Et à cet âge, la recherche d’emploi pourrait être difficile. Devant ce fait, le faible turnover au sein de Gelmer pourrait ne pas refléter leur motivation et leur implication dans les stratégies de l’entreprise.

Ainsi, les entretiens directifs ont été menés dans le but d’évaluer le degré d’implication et d’acceptation des stratégies d’entreprises par les employés. Ensuite, ils visent aussi à identifier les problèmes auxquels sont confrontés les RH, leurs soucis et leurs attentes quant au management de Gelmer et à ses stratégies. De manière indirecte, les réponses fournies à travers ces entretiens permettent d’identifier les éléments pouvant être mobilisés par la fonction RH pour que l’innovation organisationnelle pour que celle-ci puisse apporter les résultats escomptés. Par la même occasion, les entretiens semi-directifs tentent aussi d’identifier les démarches à suivre pour amener les RH à adhérer aux projets d’innovation organisationnelle et à s’impliquer dans sa mise en œuvre et son application au sein de Gelmer vu que celle-ci ne peut plus se redresser à moins de ne mettre en place des innovations.

  1. Avantages de l’entretien directif

Par rapport aux autres types d’entretiens, l’entretien directif est plus facile à mettre en œuvre. Il utilise des questions fermées pour évaluer les perceptions des employés. L’entretien directif de ce fait, est plus simple et facile à conduire par rapport aux entretiens non directifs et semi-directifs. La réalisation de ce type d’entretien ne nécessite pas beaucoup de temps puisque les questions posées aboutissent à des réponses déjà prévisibles. Il n’existe pas de nouveaux thèmes qui vont apparaître le long des entretiens.

L’entretien directif requiert un nombre conséquent pour que les données soient exploitables. Ici, nous avons mené des entretiens auprès des différentes catégories d’employés au sein de Gelmer. Dans cette optique, les réponses recueillies proviennent d’échantillon représentatif de l’ensemble des employés au sein de Gelmer. De cette manière, il permet d’apporter des éléments pouvant aider les décideurs à prendre leurs décisions. L’entretien directif permet donc de comprendre les points de vue des employés et de mesurer leur accord quant aux stratégies et aux politiques mises en œuvre par Gelmer. Par conséquent, les résultats peuvent servir pour comprendre les démarches à suivre pour amener les RH à adhérer à l’innovation organisationnelle.

  1. Mise en œuvre de l’entretien directif

L’entretien directif a été mené auprès de 30 employés au sein de Gelmer. Les femmes constituent la grande majorité des informateurs (22). Les caractéristiques des personnes interviewées sont résumées dans les tableaux qui suivent

Tableau 3 : Répartition des interviewés en fonction de leur âge et leur genre

Genre 20 à 30 ans 30 à 40 ans 40 à 50 ans Plus de 50 ans Total
Homme 1 1 4 2 8
Femme 0 3 8 11 22

Chez les hommes, la majorité des informateurs sont des personnes âgées entre 40 et 50 ans. Chez les femmes, la majorité des interviewées est composée par des personnes âgées de 40 ans et plus.

Tableau 4 : Répartition des interviewés en fonction de leur ancienneté

Moins de 2 ans 2 à 5 ans 5 à 10 ans 10 à 20 ans 20 à 30 ans Plus de 30 ans
1 0 3 8 8 10

La plupart des interviewés (16 personnes) ont une ancienneté entre 10 et 30 ans. Ces catégories sont suivies par les personnes ayant une ancienneté de plus de 30 ans.

Figure 7 : Répartition des interviewés en fonction de leurs statuts au sein de Gelmer. (1) : ouvriers, (2) : employés ; (3) : agents de maîtrise ; (4) : cadres

La grande majorité des informateurs ayant répondu à nos questions sont des ouvriers (72%), suivis par les agents de maîtrise (3%). Les employés sont les moins représentés (4%).

Le questionnaire utilisé contient sept thèmes. Chaque thème comprend différents sous-thèmes représentés dans le tableau suivant :

Tableau 5 : Les thèmes et les sous-thèmes abordés dans le questionnaire

Thèmes Sous-thèmes
Intérêt pour l’entreprise –          Fierté d’appartenance

–          Prédisposition à construire l’avenir au sein de l’entreprise

–          Fidélité envers l’entreprise

Intérêt et satisfaction au travail –          Satisfaction

–          Ambiance au sein du service

–          Climat au travail

Degré de connaissance et d’appropriation de la stratégie d’entreprise –          Appréciation de la vision et de la stratégie de l’entreprise par les employés

–          Appréciation de la capacité de la communication d’entreprise à transmettre la stratégie aux collaborateurs

–          Degré d’acceptation de la stratégie et des valeurs de l’entreprise

–          Motivation de l’employé à s’impliquer dans le projet « lean » 2017

Sentiment d’appartenance –          Evaluation des objectifs de l’entreprise

–          Implication des employés

Capacité à mobiliser et pratiques managériales –          Confiance des employés en la direction et l’avenir d’entreprise

–          Evaluation de la transmission d’informations sur la stratégie et les orientations

–          Appréciation de l’esprit d’équipe

Degré de participation et de confiance envers les collaborateurs –          Capacité d’initiative

–          Sentiment de compétences dans le travail

–          Sentiment d’efficacité

–          Liberté d’expression

–          Solidarité entre les collaborateurs

–          Evaluation de la cohésion et de la confiance au sein de l’entreprise

Diffusion de l’information –          Appréciation de la communication entre les managers et les collaborateurs

–          Accessibilité des informations chez Gelmer

 

  1. Résultats

Degré d’implication dans les activités de Gelmer et vision de l’entreprise par les employés

L’innovation organisationnelle ainsi que toutes les décisions et les démarches adoptées au sein d’une entreprise ne peuvent être efficaces à moins que les employés ne les acceptent ou ne se sentent concernées dans ces décisions. Dans cette optique, il est nécessaire de connaître la vision de l’entreprise et le degré d’implication des employés dans les différentes activités de l’entreprise.

  • Satisfaction au travail et intérêt pour l’entreprise

Figure 8 : Evaluation de la satisfaction des employés au travail

Cette figure montre le degré d’adhésion des employés au fait qu’ils sont satisfaits au travail. En général, les employés se montrent satisfaits de travailler au sein de l’entreprise. La grande majorité (12 personnes) dit être d’accord avec cette proposition et 9 personnes sont plutôt d’accord. Les raisons qui poussent les employés à rester au sein de l’entreprise sont variées.

Tableau 6 : Les visions de l’avenir et la fidélité des employés envers l’entreprise

Propos Pas d’accord Plutôt pas d’accord Plutôt d’accord D’accord
Je m’y vois construire mon avenir 2 2 9 17
J’ai de bonnes raisons d’y rester 3 2 10 15

Alors que la situation de Gelmer semble être délicate, la vision de l’entreprise par les employés reste positive. En général, les employés voient encore un avenir meilleur pour l’entreprise. 26 sur 30 personnes pensent encore y construire leur avenir et 25 pensent qu’elles ont de bonnes raisons de rester chez Gelmer.

  • Evaluation de l’environnement de travail

Figure 9 : Appréciation de l’environnement de travail par les employés

Cette figure montre l’équilibre entre les personnes qui pensent que l’ambiance au sein de l’équipe est bonne et celles qui pensent le contraire. Néanmoins, 33% sont d’accord sur le fait que l’ambiance est bonne contre 23% qui n’adhèrent pas à ce propos. Ainsi, la moitié des employés pensent que l’ambiance de travail au sein de son service est bonne.

Figure 10 : Evaluation du climat général par les employés

Lorsqu’il s’agit d’évaluer le climat général de l’entreprise, les employés se montrent septiques. En effet, 33% ne sont pas d’accord avec le fait que le climat général est bon, 13% sont d’accord avec cette proposition. De plus, 37% des interviewés estiment que le climat est plutôt mauvais au sein de Gelmer.

Figure 11 : Appréciation de l’esprit d’équipe au sein du service

Pourtant, la figure ci-dessus montre que les interviewés apprécient l’esprit d’équipe qui règne au sein du service lorsqu’il s’agit de l’encadrement.

  • Confiance et cohésion au sein de l’entreprise

Tableau 7 : Le degré de confiance au sein de l’entreprise

Propos Pas d’accord Plutôt pas d’accord Plutôt d’accord D’accord
J’ai confiance en la façon dont l’entreprise est dirigée 4 6 13 7
J’ai confiance en l’avenir de mon entreprise 4 1 14 11

Ce tableau montre d’une part, le degré de confiance des employés en la direction et en la stratégie de l’entreprise. Mais il montre également, le degré de confiance des employés quant à l’avenir de l’entreprise. De manière générale, dans les deux propos cités les employés se montrent plutôt d’accord ou d’accord. Ainsi, ils sont confiants quant à l’efficacité et la réussite de l’entreprise à l’heure actuelle et pour l’avenir.

Figure 12 : Perception sur la solidarité entre les collaborateurs

Cette figure montre que les idées sont partagées quant à la solidarité entre les collaborateurs au sein de Gelmer.

Figure 13 : Perception des employés sur la cohésion et la confiance au sein de Gelmer

Les interviewés trouvent d’après cette figure, qu’il n’existe pas de cohésion ni de confiance au sein de Gelmer.

  • Sentiment d’appartenance

Figure 14 : Fierté d’appartenance des employés à l’entreprise

La majorité des interviewés chez Gelmer  (13) sont plutôt d’accord avec le fait qu’ils sont fiers d’appartenir à l’entreprise et 9 personnes sont d’accord avec ce fait. Néanmoins, 7 personnes ne sont pas fières d’appartenir à l’entreprise. D’autre part, les employés se sentent impliqués dans les activités de l’entreprise et dans les critiques faites à propos de l’entreprise tel que le montre le tableau qui suit :

Tableau 8 : Evaluation du degré d’implication des employés dans la vie de l’entreprise

Propos Pas d’accord Plutôt pas d’accord Plutôt d’accord D’accord
Chaque succès de mon entreprise est aussi mon succès 5 1 10 14
Quand quelqu’un critique mon entreprise, je me sens concerné 6 1 9 14
Quand je parle de mon entreprise, je dis « nous » plutôt que « ils » 7 0 7 16

Pour les trois propositions, les employés se montrent plutôt d’accord ou d’accord dans la majorité des cas.

Adhésion des employés aux pratiques managériales et aux stratégies de Gelmer

L’adhésion des employés aux grandes décisions prises au sein de l’entreprise conditionne l’efficacité des projets qui y sont élaborés. La perception et les attentes des employés quant au lean management constituent des éléments à intégrer dans la conception d’une stratégie RH pour impliquer les employés. Dans cette partie, l’adhésion des employés aux pratiques managériales et aux stratégies sont mises en valeur.

  • Perception de la stratégie d’entreprise et de la communication sur la stratégie d’entreprise

De manière générale, les employés pensent que les objectifs et les stratégies de l’entreprise sont bien établis.

Tableau 9 : Perception des employés sur les objectifs de l’entreprise

Propos Pas d’accord Plutôt pas d’accord Plutôt d’accord D’accord
Les objectifs de mon entreprise sont clairement définis 4 5 13 8

 

Figure 15 : Perception des employés sur la stratégie de Gelmer

Aucun interviewé n’a pensé que les stratégies de l’entreprise sont floues. 20 personnes pensent que la stratégie est clairement définie. Néanmoins, la plupart des interviewés (21 personnes) ne sont pas d’accord ou plutôt pas d’accord avec le fait que la Direction Générale communique de manière claire, les informations concernant la stratégie de l’entreprise comme le montre le tableau suivant :

Tableau 10 : Evaluation de la communication concernant la stratégie

Propos Pas d’accord Plutôt pas d’accord Plutôt d’accord D’accord
La Direction Générale communique clairement la stratégie aux collaborateurs 9 12 7 2
Ma hiérarchie me transmet les informations sur la stratégie et les orientations 12 2 12 4

Par contre, un équilibre est trouvé lorsqu’il s’agit de déterminer si la hiérarchie transmet les informations sur la stratégie et les orientations de l’entreprise. En effet, 14 personnes trouvent qu’il existe une faille au niveau de la transmission d’informations stratégiques, alors que 16 personnes estiment que cette démarche est faite correctement.

Figure 16 : Perception sur la qualité des communications entre managers et collaborateurs

Cette figure montre clairement que les employés ne trouvent pas que la qualité des communications entre les managers et les collaborateurs soit bonne.

Figure 17 : Perceptions des employés sur l’accessibilité des informations sur l’entreprise

Si les échanges ne sont pas très bons entre les managers et leurs subalternes, alors il est évident qu’il existe aussi une faille au niveau des informations transmises aux employés. Et pourtant, la figure ci-dessus montre que dans la majorité des cas (53%), les employés trouvent que les informations sur l’entreprise sont facilement accessibles.

  • Degré d’adhésion aux valeurs et aux stratégies d’entreprise

Figure 18 : Degré d’adhésion des employés aux stratégies et aux valeurs de l’entreprise

Cette figure montre qu’en général, les collaborateurs de Gelmer n’adhèrent pas à la stratégie et aux valeurs de l’entreprise. 19 personnes contre 11 n’adhèrent pas à la stratégie et aux valeurs de l’entreprise.

  • Motivation des employés à adopter le projet lean

Figure 19 : Evaluation de la motivation des employés à adopter le projet lean

Cette figure montre que dans 66% des cas, les employés sont d’accord pour lancer le projet lean au sein de Gelmer. 38% sont plutôt d’accord avec cette idée et 28% sont d’accord.

Sentiment d’efficacité des employés et leur contribution dans les activités et les prises de décisions

L’adhésion de chaque collaborateur dans les décisions prises au sein de l’entreprise est un pas dans l’établissement de l’innovation organisationnelle et l’atteinte des objectifs communs. Mais en même temps, la compétence collective et le sentiment d’efficacité ainsi que l’observation de la reconnaissance et de l’exploitation des compétences individuelles contribuent à l’implication de chaque individu. Ainsi, il semble intéressant d’évaluer ce sentiment d’efficacité et de compétences, ainsi que l’estime de soi des employés chez Gelmer. Par ailleurs, ces différentes informations sont importantes lors de l’élaboration de stratégie RH.

  • La contribution des employés aux activités et aux décisions de l’entreprise

Tableau 11 : Les perceptions des employés sur leurs compétences et leur valorisation au sein de l’entreprise

Propos Pas d’accord Plutôt pas d’accord Plutôt d’accord D’accord
J’ai suffisamment de capacité d’initiative 0 1 8 21
Mes compétences sont utilisées dans mon travail 1 0 5 24
Je sais détecter un problème et peux en parler librement 0 3 11 16

Ce tableau montre  que les employés ont majoritairement une grande estime de soi et une confiance en leur capacité à prendre des initiatives et à discerner un problème. D’autre part, les employés ont aussi le sentiment que leurs compétences sont valorisées dans leur travail. Une seule personne a affirmé que ses compétences ne sont pas valorisées.

  • Discussion et recommandations

D’une manière générale, les informateurs ont manifesté leur satisfaction à travailler pour Gelmer. Le faible turnover, ainsi que l’ancienneté élevé traduisent la fidélité des collaborateurs à l’entreprise. Ces faits s’expliquent par leur satisfaction voire même, par leur fierté à appartenir à cette entreprise. Néanmoins, l’environnement de travail y est assez difficile. La grande majorité des interviewés se sont exprimés sur le fait que le climat de travail en général n’est pas bon. Par ailleurs, les employés trouvent qu’il n’existe ni cohésion ni confiance au sein de l’entreprise.

Du point de vue stratégique, la majorité des employés sont convaincus de la pertinence des stratégies mises en œuvre par l’entreprise, mais se plaignent cependant, du manque d’informations et des failles au niveau de la communication. Cela a pour effet de diminuer l’adhésion de la plupart des collaborateurs à la stratégie et aux valeurs de Gelmer. Il faut noter cependant, que si l’adhésion aux pratiques et aux décisions de la Direction est remise en cause, la confiance des employés envers Gelmer reste très forte.

D’autre part, les employés ont confiance en l’efficacité des stratégies et des pratiques managériales adoptées au sein de l’entreprise. Ceci pourrait expliquer en partie les raisons pour lesquelles, les salariés sont convaincus que Gelmer pourrait encore se redresser et avoir un meilleur avenir. La confiance que les salariés accordent aux stratégies de l’entreprise pourrait les inciter également à accepter la mise en œuvre d’un lean management au sein de l’entreprise. Ils adhèrent à la vision des managers. Dans cette optique, il est probable que les employés ne discutent pas de la nécessité ou non d’entreprendre l’innovation organisationnelle, mais se préoccupent par contre, des démarches à suivre pour que l’innovation soit une force et un levier de la performance de l’entreprise.

Les employés sont aussi rassurés quant à leurs capacités et leurs compétences dans les différentes activités et les décisions d’entreprise. Ils sont rassurés que leurs compétences sont toujours valorisées par Gelmer. Or, ce comportement pourrait inciter les employés à s’impliquer de plus en plus dans les activités de l’entreprise. Par ailleurs, dans un contexte d’innovation, les ressources intangibles fournies par les employés sont les avantages concurrentiels les plus importants dans un contexte de forte pression concurrentielle. En bref, les problèmes des RH à faire adhérer les employés aux décisions de faire une innovation organisationnelle pourrait se résumer en trois points : un mauvais climat de travail, une faille au niveau de la communication et de transmission d’informations sur les stratégies aux salariés.

Les problèmes de communication semblent s’accompagner du manque de cohésion et de confiance entre les collaborateurs. Par ailleurs, les interviewés rapportent une mauvaise ambiance au sein de leurs équipes et un manque d’échange avec leurs supérieurs hiérarchiques. Ceci pourrait découler du fait que les employés ne sont pas localisés dans un même site, et que les stratégies ainsi que les techniques de production rassemblent les savoir-faire de Gelmer et de son acquéreur. Devant ce fait, les équipes pourraient tendre à faire une compétition entre elles. D’autre part, au sein d’une même équipe, il pourrait exister une compétition entre les différents individus.

Fouquier et Camel (2010 : 116) exposent leurs points de vue concernant les causes de ce changement et de cette faille au niveau de la communication qui frappe de nombreuses entreprises dans les pays industrialisés. Selon ces auteurs, la globalisation a eu pour effet de renforcer la compétitivité entre les entreprises. Et pour répondre à cette nouvelle donne, les entreprises se trouvent dans l’obligation de modifier leurs styles de management et leurs structures. Or, ces changements fréquents contraignent les employés à devenir adaptables pour satisfaire les demandes des employeurs. L’adaptabilité s’accompagne de l’individualisation du travail. Mais cette culture de l’individualisation signifie également, une diminution de l’intérêt pour le collectif. D’autre part, elle s’accompagne aussi de la concurrence entre équipe et à l’intérieur des équipes et dans cette optique, il est difficile de connaître la place de chaque individu et ses missions au sein de l’organisation. Le sentiment d’appartenance à l’entreprise pourrait même être remis en cause. Mais dans le cas de Gelmer, nous avons constaté que les employés ont toujours ce sentiment d’appartenance et la fierté d’être employé par Gelmer.

Recommandations

  • Améliorer la communication et la transmission d’information par une meilleure structuration de la fonction communication

La communication a été rapportée par les personnes interrogées comme étant défaillante au sein de Gelmer. Dans le cas de cette entreprise, la communication ciblée est la communication interne. Il semble que la hiérarchie ne transmette pas aux subalternes les informations dont ils ont besoin. Or, cela donne l’image d’une pratique managériale autoritaire dans laquelle, les employés ne sont pas concernés par les prises de décision. Il faut noter cependant que les employés sont des parties prenantes qui assurent le fonctionnement de l’entreprise et l’obtention des produits qui seront commercialisés auprès des consommateurs. Dans cette optique, il est nécessaire de les prendre en considération dans les différentes décisions d’entreprise. Mais leur implication dans la vie de l’entreprise et les décisions stratégique ne peut être une réussite à moins qu’il n’y ait communication d’informations concernant la situation de l’entreprise, les problèmes qu’elle traverse ainsi que les problèmes auxquels elle se trouve confrontée.

La transmission d’information est donc une stratégie pour rassurer les employés sur l’avenir de l’entreprise, mais aussi un moyen pour les impliquer dans la vie de l’entreprise. Mais la transmission d’informations renvoie directement à la communication. Au sein de l’entreprise, la stratégie de communication reste assez floue. Dans le cas de Gelmer, les équipes se méfient entre elles et l’ambiance négative au sein de l’entreprise pourrait être la résultante de ce manque de communication et d’échanges de la hiérarchie vers les salariés et entre les salariés eux-mêmes. Des démarches devraient donc être menées pour améliorer le dialogue interpersonnel et le dialogue entre les différentes parties prenantes.

Chez Gelmer, des évènements festifs sont organisés afin de pouvoir récompenser les meilleurs travailleurs. En même temps, ces évènements devraient aussi être une opportunité pour réduire les tensions et les distances entre les différents professionnels et un lieu de socialisation. Or, nous avons rapporté dès le début de l’analyse du contexte RH au sein de Gelmer, que les employés ne sont pas tellement motivés pour venir et participer à ces évènements. Deux raisons peuvent expliquer ce manque de motivation des employés à participer même à des évènements ludiques ou à des distractions organisées au sein de l’entreprise : le manque d’intérêt des individus pour l’activité en question ; ou l’altération des relations entre les employés qui les pousse à s’isoler ou à ne plus vouloir entreprendre des activités avec telle ou telle personne ou telle ou telle équipe.

Le premier cas semble plus facile à résoudre puisque le manager et l’organisateur des évènements au sein de Gelmer déterminent les activités qui pourraient attirer le plus de monde : déjeuner, karaoké entre amis les week-ends pour chanter ensemble les chansons d’autrefois, etc. Les activités sont aussi diverses que les besoins et les attentes des salariés. Dans le deuxième cas, la solution est beaucoup plus complexe parce qu’il s’agit principalement d’amener des personnes ayant des convictions divergentes et des pensées différentes voire contradictoire à avoir une vision commune ou à porter un intérêt à une activité collective.

La méfiance et la compétition entre les équipes pourraient expliquer en partie ce manque d’intérêt pour le collectif. Dans ce cas de figure, le traitement équitable de chaque équipe pourrait réduire le sentiment de rejet ressenti par certaines équipes ou certaines personnes. Le dialogue entre les différentes personnes ainsi que l’organisation d’évènement fédérateur semblent être indispensable pour ramener la confiance mutuelle au sein de l’équipe et au sein de l’entreprise elle-même.

  • Identifier les rôles de chaque individu et sa mission dans l’atteinte des objectifs communs et la mise en œuvre du lean management

Les profonds changements qui ont lieu au sein de Gelmer entraînent inexorablement des modifications au niveau des pratiques managériales et au niveau de l’organisation des activités. Ces bouleversements s’accompagnent souvent de restructurations et de changements au niveau de la manière dont les activités sont coordonnées. Pour les employés, les changements constituent souvent des facteurs de stress. En effet, ils pourraient se demander d’abord si l’entreprise n’en viendrait pas à les licencier. Nous avons observé en effet, que pour faire face à la crise chez Gelmer, l’entreprise a eu recours à des licenciements. L’effectif de l’entreprise n’a cessé de diminuer. Cela constitue une source de stress.

D’autre part, les employés pourraient se demander leurs rôles et leurs missions au sein de Gelmer car, si celle-ci garde son nom, elle est complètement acquise par GS. Et devant cette optique, les employés pourraient être désemparés. Au début, ils étaient embauchés par Gelmer et ont suivi le mode de vie au travail, le mode de fonctionnement et de management Gelmer. Alors qu’ils sont restés plusieurs années au sein de cette entreprise, les crises financières et économiques ont fait que l’entreprise soit acquise par une autre. Dans de telles situations, les salariés pourraient ne pas comprendre leurs rôles, leurs missions au sein de cette entreprise qui a subi d’importantes modifications.

Dans le cadre de la mise en œuvre d’innovation organisationnelle, les employés doivent une fois de plus, s’adapter à un environnement de travail changeant. Dans ce cas, les managers devraient les aider à comprendre les causes de ces changements et les résultats attendus à travers eux. Mais il est principalement indispensable que les employés comprennent aussi leurs valeurs et leurs importances, leurs contributions au sein de cette « nouvelle » entreprise et cette nouvelle organisation. De cette façon, il serait plus prédisposées à participer et à s’impliquer dans la mise en œuvre d’une innovation organisationnelle parce qu’ils savent ce que leur employeur leur demande. Par ailleurs, il est plus facile d’accepter des modifications dont les raisons sont comprises que de se lancer dans une activité dont les finalités sont mal comprises. Or, cela revient toujours à améliorer la communication au sein de l’entreprise.

  • Renforcer la cohésion au sein des équipes et au sein de l’entreprise à travers la culture de l’innovation

La culture et l’identité de Gelmer semblent très floues tant les modifications et les reprises ont été nombreuses. Et dans ce cas de figure, les employés ne possèdent pas d’une référence à laquelle, ils s’identifient, ce qui pourrait déstabiliser leur sentiment d’appartenance à l’entreprise. Certes, les employés interrogés ont affirmé avoir un sentiment d’appartenance envers Gelmer, mais dans un contexte de rachat et de dominance de l’acquéreur sur l’entreprise, les employés pourraient être désorientés. L’absence de culture d’entreprise pourrait expliquer en partie, le manque de cohésion entre les différents employés et entre les équipes car, celle-ci est exploitée par de nombreuses entreprises en tant qu’élément fédérateur et source de performance. Les mutations culturelles peuvent être nombreuses chez les entreprises en difficulté du fait des instabilités et des changements managériaux et structuraux. Mais il est toujours nécessaire de mettre en valeur cette culture d’entreprise pour améliorer la performance de l’entreprise (Slaoui, 2016 : 84).

Dans le cas de Gelmer, les changements sont fréquents, et concernent la structure et le management même de l’entreprise. Devant ce fait, la culture de l’innovation et la culture de la modernité dans les processus de production et de management pourraient être transmise aux salariés dans le but de les persuader de prime abord à s’impliquer dans l’atteinte des objectifs d’innovation organisationnelle. Il faut remarquer cependant, que l’employé ne peut s’impliquer profondément dans le projet de l’entreprise à moins qu’il ne sache son rôle et les avantages qu’il pourrait tirer de cette démarche. En d’autres termes, il est nécessaire de faire connaître aux collaborateurs, les raisons de la mise en place de la démarche innovante et d’expliquer par la suite, les répercussions positives de celle-ci sur la vie de l’entreprise et sur les employés eux-mêmes.

  • L’installation d’un climat de confiance au sein des équipes et à l’intérieur de chaque équipe

Les liens interindividuels au sein de l’équipe s’altèrent à cause du manque de confiance entre pairs, mais aussi entre managers et salariés. Dans ce cas, l’installation d’un climat de confiance pourrait résoudre le problème. La confiance en effet, constitue un élément fédérateur des individus qui composent l’organisme. Plus les salariés se font confiance, plus ils créent un réseau solide et performant. Plus, il y a confiance entre pairs, plus les sentiments d’injustice diminuent et chaque individu serait plus motivés à collaborer (Vatteville, 2009 : 410).

L’installation d’un climat de confiance pourrait découler dans le cas de Gelmer, de l’optimisation des communications entre les professionnels qui travaillent au sein de l’entreprise. Cela revient à transmettre les informations concernant la vie de l’entreprise, la prise de décision, les stratégies et les pratiques managériales aux employés. Et dans le cadre de la réalisation d’un projet commun et l’atteinte d’objectifs communs, il est indispensable d’impliquer toutes les parties prenantes. Cela donne une image positive de Gelmer envers ses collaborateurs et renforce la confiance des salariés aux managers. Pour leur part, ces derniers pourraient aussi manifester la confiance qu’ils accordent à leurs collaborateurs, en leur communiquant les stratégies, les décisions prises au sein de l’entreprise. Dans le cas contraire, les employés pourraient avoir un sentiment d’injustice selon lequel, les cadres de l’entreprise leur place devant le fait accompli. Et cela ne manquerait pas d’augmenter le manque de confiance envers les collaborateurs et l’altération des relations entre professionnels au sein de Gelmer.

Il faut noter cependant, que la transmission d’informations n’est pas suffisante pour améliorer la confiance entre pairs. La confiance s’installe lorsque chaque individu est traité de la même manière et que le favoritisme n’existe pas au sein de l’entreprise. Cela requiert l’application de certaines disciplines qui régissent les différents évènements pouvant se passer au sein de l’entreprise. Par ailleurs, il a été affirmé que le développement d’un climat de confiance repose sur l’acceptation des disciplines et des valeurs éthiques par les salariés de l’entreprise (Chouaib et Zaddem, 2012 : 54). D’autre part, les salariés sont plus enclins à avoir confiance en leurs collaborateurs lorsqu’ils trouvent que ces derniers ont un comportement correct et quand ils ont le sentiment de toujours obtenir de l’aide et de l’appui de la part de l’entreprise (Chouaib et Zaddem, 2012 : 62).

Conclusion

Le lean management est un processus complexe et une médaille à double revers. Dans le cas de Gelmer, il pourrait être une alternative intéressante pour réduire les coûts et les pertes au niveau du temps. Mais en même temps, il pourrait représenter un challenge difficile à surmonter dans la mesure où il requiert un changement radical dans le comportement, la culture, la vision de l’entreprise et les pratiques à mettre en œuvre pour atteindre les objectifs de l’entreprise. Le succès de Toyota dans l’adoption de cette démarche pourrait inciter les manager à l’adopter mais force est de constater que l’obtention de résultats nécessite certains sacrifices de la part des ressources humaines et dans cette optique, leur mobilisation semble être d’une importance majeure.

La situation RH de Gelmer est assez délicate. En effet, l’entreprise est passée par une série de rachats qui ont eu pour effet de réduire les personnels et de changer constamment la culture de l’entreprise. Et dans ce cas, nous sommes en présence d’un phénomène d’acculturation de l’entreprise. Il semblerait qu’elle n’ait pas de référence identitaire pour fédérer ses ressources humaines. De même, contrairement à ce qui pourrait être observé chez les entreprises ayant des ressources humaines jeunes, les employés d’âge avancé chez Gelmer pourraient montrer de la résistance face aux changements vu qu’ils se sont familiarisés avec l’ancienne méthode de Gelmer.

Certes, les employés sont fidèles à leur entreprise et n’imaginent plus faire leur avenir au sein d’une autre entreprise. De même, ils se montrent d’accord pour mettre en œuvre des innovations organisationnelles au sein de Gelmer, mais les enquêtes que nous avons menées ne nous permettent pas de nous affirmer sur la connaissance réelle des employés sur les bouleversements causés par le lean management.

Les questions posées lors de ces enquêtes sont des questions à champ multiples et les répondants ont juste coché les résultats qui leurs semblent le mieux décrire leurs pensées. Cependant, cette approche quantitative ne permet pas d’aborder les perceptions et les visions réelles des répondants. Ils ne pouvaient pas s’exprimer de manière libre. Néanmoins, les analyses quantitatives menées jusqu’ici laissent penser que les employés de Gelmer sont prêts à mettre en place des innovations dans leurs démarches managériales et dans leurs processus de production.

Devant ce fait, la fonction RH doit relever plusieurs défis. Il s’agit d’accompagner les ressources humaines dans les démarches de modifications qui vont inexorablement se passer. D’autre part, elle doit aussi restructurer la communication interne de manière à ce qu’elle réponde aux questions posées par les ressources humaines. En effet, la communication interne au sein de Gelmer est assez vulnérable et ne permet pas de ce fait la transmission d’informations et l’accompagnement des collaborateurs aux changements. L’amélioration de cette communication passe par l’optimisation des dialogues informels entre les individus pour renforcer la cohésion et de meilleurs échanges entre la hiérarchie et les employés.

La présente étude a contribué à une meilleure compréhension de la démarche de lean management. En même temps, elle a permis de mettre en évidence les premières étapes de la réalisation du lean management au sein d’une PME. Cependant, nous avons collecté les données à une période précédant la mise en œuvre du lean management. Devant ce fait, il s’avère difficile pour nous, d’apprécier les impacts des approches de GRH adoptées sur l’efficacité du lean management. Notre étude devrait de ce fait, être complétée par une autre étude quantitative et qualitative au moins un an après la mise en œuvre du lean management. Le but en est d’évaluer les impacts sur les RH.

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[1] Statistiques sur l’innovation, http://ec.europa.eu/eurostat/statistics-explained/index.php/Innovation_statistics/fr

[2] Ducuing, O. 1997. « Icelande Seafood prend le contrôle de Gelmer », Les Echos, https://www.lesechos.fr/27/10/1997/LesEchos/17509-096-ECH_iceland-seafood-prend-le-controle-de-gelmer.htm#

[3] Danger, S. 2014. Gelmer va devoir se serrer la ceinture, http://www.lasemainedansleboulonnais.fr/actualite/boulogne/2014/03/31/article_gelmer_va_devoir_se_serrer_la_ceinture.shtml

[4] Lecocq, F. 2016. Gelmer est passé sous pavillon allemand, http://www.agraalimentation.fr/gelmer-est-pass-sous-pavillon-allemand-art419576-2465.html?Itemid=321

[5] « Wimille : Gelmer racheté, une bonne nouvelle pour les 212 salariés », La semaine dans le Boulonnais, http://www.lasemainedansleboulonnais.fr/boulogne-sur-mer/wimille-gelmer-rachete-une-bonne-nouvelle-pour-les-212-ia678b0n167749

[6] Danger, S. 2014. Gelmer va devoir se serrer la ceinture, http://www.lasemainedansleboulonnais.fr/actualite/boulogne/2014/03/31/article_gelmer_va_devoir_se_serrer_la_ceinture.shtml

[7] Ducuing, O. 1997. « Iceland Seafood prend le contrôle de Gelmer », Les Echos, https://www.lesechos.fr/27/10/1997/LesEchos/17509-096-ECH_iceland-seafood-prend-le-controle-de-gelmer.htm#

[8] Boulogne : l’usine de Gelmer passe sous giron allemand et gagne 10 000 tonnes, La voix du nord, http://www.lavoixdunord.fr/archive/recup%3A%252Fregion%252Fboulogne-l-usine-gelmer-passe-sous-giron-allemand-et-ia31b49090n3464513#

[9] Consommation d’aliments surgelés en France, http://www.planetoscope.com/Autre/1314-consommation-d-aliments-surgeles-en-france.html

[10] France AgriMer. 2015. Données et bilans : consommation des produits de la pêche et de l’aquaculture 2014, http://www.franceagrimer.fr/content/download/38313/352902/file/STA-MER-CONSO+2014-mai2015.pdf

[11] Danger, S. 2014. Gelmer va devoir se serrer la ceinture, http://www.lasemainedansleboulonnais.fr/actualite/boulogne/2014/03/31/article_gelmer_va_devoir_se_serrer_la_ceinture.shtml

[12] France AgriMer. 2015. Données et bilans : Consommation des produits de la pêche et de l’aquaculture 2014, http://www.franceagrimer.fr/content/download/38313/352902/file/STA-MER-CONSO+2014-mai2015.pdf

[13] Danger, S. 2014. Gelmer va devoir se serrer la ceinture, http://www.lasemainedansleboulonnais.fr/actualite/boulogne/2014/03/31/article_gelmer_va_devoir_se_serrer_la_ceinture.shtml

[14] Lecocq, F. 2016. Gelmer est passé sous pavillon allemand, http://www.agraalimentation.fr/gelmer-est-pass-sous-pavillon-allemand-art419576-2465.html?Itemid=321

[15] Van Belleghem, L. 2012. Simulation organisationnelle : innovation ergonomique pour innovation sociale. In : Dessaigne, M-F., Puyeo, V. et Béguin, P. (Eds.), Innovation et travail : sens et valeurs du changement. Aces du 42ème Congrès de la SELF, 05 – 07 septembre, Lyon, France, http://www.cnfpt.fr/sites/default/files/simulation-organisationnelle_innovation_ergo_innov_sociale.pdf

[16] Valenduc, G. et Vendramin, P. (2006). « Pourquoi s’intéresser à l’innovation organisationnelle : un volet sous-exploité des politiques d’innovations », Notes éducation permanente, n° 19, http://www.ftu.be/documents/ep/EP-19-06.pdf

[17] Dupuich, F. 2009. « Impact des Technologies de l’Information et de la Communication (TIC) sur la Gestion des Ressources Humaines (GRH) dans les firmes « high-tech » », Management & avenir, 1 (21) : 221 – 243, http://www.cairn.info/revue-management-et-avenir-2009-1-page-221.html

[18] Dubouloz, S. « L’adoption d’une innovation organisationnelle et managériale : un processus revisité », http://www.strategie-aims.com/events/conferences/25-xxiveme-conference-de-l-aims/communications/3644-ladoption-dune-innovation-organisationnelle-et-manageriale-un-processus-revisite/download

[19] Pourquoi s’intéresser à l’innovation organisationnelle : Un volet sous-exploité des politiques d’innovations, http://www.ftu.be/documents/ep/EP-19-06.pdf

[20] Dubouloz, S. « L’adoption d’une innovation organisationnelle et managériale : un processus revisité », http://www.strategie-aims.com/events/conferences/25-xxiveme-conference-de-l-aims/communications/3644-ladoption-dune-innovation-organisationnelle-et-manageriale-un-processus-revisite/download

[21] Bonnafous – Boucher, M., Redien-Collot, R. et Teglborg, A-C. « Comment favoriser l’innovation par la participation des salariés ? Une approche complémentaire de l’intrapreunariat. Leçons tirées d’études de cas français », http://s3.amazonaws.com/academia.edu.documents/31091734/Maria-BOUCHER-BONNAFOUS_Renaud-REDIEN-COLLOT-et-Ann-Charlotte-TEGLBORG.pdf?AWSAccessKeyId=AKIAIWOWYYGZ2Y53UL3A&Expires=1496246761&Signature=OCjX0NkktsCg18rxVFveJexX0sk%3D&response-content-disposition=inline%3B%20filename%3DComment_favoriser_linnovation_par_la_par.pdf

[22] Chaumet, M. 2011. Ce qu’il faut savoir sur le lean management, http://www.lexpress.fr/emploi/gestion-carriere/ce-qu-il-faut-savoir-sur-le-lean-management_1028028.html

[23] Définition lean management, http://www.lean-expert.com/wp-content/uploads/2016/11/D%C3%A9finition-Lean-Management-Lean-Expert-1.pdf

[24] Le lean management : plus qu’un processus de réduction des coûts, https://idees.banquenationale.ca/le-lean-management-plus-quun-processus-de-reduction-des-couts/

[25] Le lean management : plus qu’un processus de réduction des coûts, https://idees.banquenationale.ca/le-lean-management-plus-quun-processus-de-reduction-des-couts/

[26] Capgemini consulting, « Lean management : une stratégie de long terme : Pourquoi l’évolution des comportements est-elle essentielle à une réussite durable ? », https://www.fr.capgemini.com/resource-file-access/resource/pdf/Lean_Management___une_strat__gie_de_long_terme.pdf

[27] Entretien directif (ou entretien dirigé), http://www.e-marketing.fr/Definitions-Glossaire/Entretien-directif-ou-entretien-dirige–238158.htm#EKUqUmpsvHqJOlEX.97

[28] Entretien ou questionnaire : quelle méthode de collecte de données pour son mémoire, https://arlap.hypotheses.org/8170

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