docudoo

Les Missions De L’Expert-Comptable Face Aux Changements Des Comportements Des Tpe Pme Induits Par La Crise

     

 

LES MISSIONS DE L’EXPERT-COMPTABLE FACE AUX CHANGEMENTS 

DES COMPORTEMENTS DES TPE PME INDUITS PAR LA CRISE PLAN

INTRODUCTION

I – Les spécificités managériale et comptable des TPE PME

  1. Le profil de l’entrepreneur en TPE PME

1.1 Le facteur humain

  1. Les différents types d’entrepreneur
  2. Le manager défaillant

 

  1.  Spécificité de la gestion des TPE PME 

      2.1 La fonction d’entrepreneur – gestionnaire

      2.2 Les spécificités des PME, théorie ou tendance  

     2.3 TPE PME, des entreprises ouvertes au conseil 

 

II – Les impacts de la crise sur le comportement des TPE PME  

  1. La crise ressentie par les TPE PME 
  2. Les TPE PME face à la crise 
  3. La gestion des situations à risques  
  1.   Les comportements induits par la crise

      4.1 Le changement de comportement

     4.2 Le comportement stratégique

III – Les missions de l’expert-comptable auprès des TPE PME face à la crise  

  1. L’expertise comptable au profit des TPE PME

 

     1.1 Rôles de l’expert-comptable auprès d’une TPE PME

 

     1.2 L’enjeu relationnel avec le dirigeant d’entreprise 

 

  1. La mission de l’expert-comptable en période de crise 

     3 Stratégie de réponse à la crise 

    3.1- Les orientations proposées par le corps des experts-comptables 

     3.2 Les outils  

     3.3 La prévention, une considération humaine  

CONCLUSION

 

INTRODUCTION 

Qu’elles soient une grande multinationale ou de type individuelle, touts les entreprises ont dû faire face à la crise. Certaines connaissent la mauvaise fortune, d’autres sont plus chanceux et épargnés par les conséquences désastreuses d’une crise à l’échelle mondiale et sin impact dans le pays. La TPE PME est-elle une solution à la crise ou ne fait-elle que rallonger le nombre des entreprises en difficulté. Nous posons comme a priori qu’elle est les deux à la fois. 

 

La TPE a gagné une importance significative dans l’économie mais aussi dans la société. Comme le concept est relativement récent, des études approfondies pour diagnostiquer les faiblesses ou identifier les forces de ces entreprises à taille humaine s’imposent toujours. En dehors des variables macroéconomiques et de l’environnement global de l’entreprise, d’autres acteurs interviennent afin que les problèmes rencontrées par les TPE PME ne nuisent à la performance ou pis menace l’existence de l’entreprise. 

 

L’expert-comptable, de par sa mission et son activité aux côtés des petits entrepreneurs, est l’un des acteurs qui peuvent agir afin de permettre aux TPE PME de résister à la crise voire plus, fructifier les affaires en développant de manière rationnel les activités. L’impact des politiques publiques et des mesures conjoncturelles pour relancer l’économie n’est pas déterminant. Il ne s’agit que d’opportunités qui restent encore à saisir. L’expert-comptable connaît les points faibles et les points forts de ses clients. Il ne s’agit pas seulement de comptabilité ou de finances. Grâce à ses compétences multidisciplinaires, l’expert-comptable peut influer un nouvel élan à la TPE PME. Pour ce faire, il commence par essayer de comprendre le changement dans l’entreprise ou les facteurs qui les ont provoqués. L’analyse des comportements du chef d’entreprise est aussi importante que l’analyse de ses pratiques de gestion. 

 

La crise est une situation exceptionnelle qui provoque des changements. Ces derniers peuvent être des conséquences non maîtrisées d’un phénomène. L’enjeu est de positiver le changement et en tirer du profit. D’où notre problématique : quelles sont donc les missions de l’expert-comptable face aux changements des comportements des TPE PME induits par la crise. 

 

Le rôle de l’expert-comptable est en effet beaucoup plus large que le fait d’assister l’entreprise à tenir les comptes conformément aux réglementations en vigueur. La TPE n’a pas les moyens de recourir à différents services de conseils. Il lui faut quelqu’un qui a réponses à différents types de questions, qui a des solutions à différents types de problèmes. L’expert-comptable en un est grâce à sa pluridisciplinarité. Il est le premier conseiller consulté par une TPE PME pour identifier les symptômes de  difficultés et en proposer la solution. Il peut faire appel à son réseau si l’intervention d’un spécialiste est nécessaire et que la question dépasse ses compétences. 

 

A  part ses conseils techniques en rapport avec la gestion de l’entreprise, l’expert-comptable doit avoir une capacité d’écoute et de communication. Le chef d’entreprise ne se rend pas compte qu’il y a des symptômes à risque ou que le problème est déjà sérieux ou compliqué. La réalisation de la mission de l’expert-comptable est différente s’il intervient dans des TPE PME plutôt que dans une grande société. L’expert-comptable est une personne physique qui accompagne la petite entreprise. Il est une sorte de conseiller permanent alors que dans une grande entreprise, il est un consultant à qui ont fait appel lors des grandes décisions. 

Notre travail de recherche est basé sur un constat qui a été conforté par de nombreuses études relatées par les médias : la crise a un impact direct sur la performance des TPE PME. Nous allons étudier en profondeur cet impact puisque il est lié à notre problématique. La première hypothèse retenue est axée sur la personne de l’entrepreneur des TPE PME : la crise provoque des changements de comportements chez les dirigeants de TPE PME. Pour la démontrer, il convient de décrire une situation de crise et son impact positif ou négatif qui fera qu’une entreprise est performante ou défaillante. Ensuite, nous allons justifier l’hypothèse par l’analyse des comportements ou des réactions adoptées en situation de crise. 

Notre deuxième hypothèse d’inscrit dans cette logique : les comportements managériaux de l’entrepreneur ont un lien avec les performances financières de la TPE PME. Ce comportement peut être en amont ou en aval du niveau de performance constaté. L’entrepreneur agit en fonction de l’état de ses comptabilités mais il agit aussi pour améliorer les résultats. S’il a adopté un mauvais comportement, cela se ressentirait sur les comptes de l’entreprise et sur la performance globale. 

Fort de ces deux hypothèses, nous faisons d’une troisième un postulat qui va nous guider dans notre réflexion : l’expert-comptable a des solutions à proposer à l’entrepreneur pour faire face à la crise. Ses missions classiques auprès des TPE PME sont ajustées en fonction du comportement de l’être humain et du gestionnaire qu’est le dirigeant d’entreprise. Ces interventions dépassent la dimension technique est s’étend vers el relationnel. Apporter le réconfort pour motiver ou faire remonter le moral, encourager un bon comportement et dissuader les mauvais… le rôle de conseillers de l’expert-comptable ne se limitent pas à la tenue des comptes. 

Ce qui pourrait être encore plus intéressant pour l’expert comptable est la dimension stratégique de sa mission pour atténuer l’impact du changement de comportement d’un dirigeant de TPE PME ou de rentabiliser ce changement. L’expert-comptable a une mission de prévention qui permet à l’entreprise de détecter puis de traiter les problèmes avant qu’ils ne s’aggravent. Il développe une stratégie pour atténuer l’impact de la crise et relancer les activités. C’est un accompagnement sur-mesure dont le but est de veiller à la performance de l’entreprise et à sa pérennité. Afin de vérifier nos hypothèses et avant de dresser un profil de mission pour l’expert-comptable dans une période de crise, nous devons commencer notre réflexion sur les spécificités des TPE PME sur les plans managérial et comptable. Le système de gestion est assez particulier pour que l’intervention de l’expert-comptable le soit aussi. 

 

I – Les spécificités managériale et comptable des TPE PME

  1. Le profil de l’entrepreneur en TPE PME

1.1 Le facteur humain

Au départ, les facteurs économiques, techniques et sociologiques relatés dans des données statistiques donnaient une idée de définition de ce qu’est un dirigent de TPE ou de PME. Il est difficile d’établir une définition unique, de déterminer un profil  général ou idéal. La plus grande certitude est qu’il y a une grande diversité d’entrepreneur et de chef d’entreprise dans ces petites organisations. La prise en considération du facteur humain amplifie cette diversité. Par ses talents, ses compétences, ses prédispositions, ses motivations, ses faiblesses, ses limites… un individu sera un entrepreneur avec ses propres caractéristiques. C’est l’être humain qu’on retrouve dans l’aventurier, le meneur d’hommes, le patron protecteur, le preneur de risque qu’il est. En tant que personne, il est façonné par son histoire de vie. 

Les organismes de financement analysent la convergence entre la trajectoire de vie et le projet pour évaluer le potentiel de l’entrepreneur. «  Le dirigeant a-t-il identifié des moments et des rencontres clés dans son histoire de vie ? » S’il n’est pas capable d’en citer, ce n’est pas bon signe. « A-t-il une bonne capacité de mise en récit de ces moments et rencontres clés, peut-il délivrer une histoire de vie dynamique ? » E. GAUDE estime que la capacité de mise en récit de l’entrepreneur est cruciale pour s’assurer de la continuité en période de crise. Après un moment de désorientation, comment va-t-il pouvoir recoller les morceaux pour bâtir une nouvelle histoire qui servira de guide à l’action, pour lui et pour son équipe ? Le facteur humain qui intervient ici est la capacité de leadership. Le récit de vie est aussi associé à l’estime de soi afin de déterminer le charisme de la personne qui doit être engagé et acteur de sa vie. « C’est le niveau de convergence entre la trajectoire de vie de l’entrepreneur et son projet qui produit l’étincelle entrepreneuriale générant la motivation nécessaire à ce parcours du combattant : l’entrepreneur pourra tomber sept fois, et se relever huit, son enthousiasme intact ! ». 

Les rencontres, les opportunités, les difficultés rencontrées contribuent à modeler le chef d’entreprise. Le profil du dirigeant de l’entreprise est donc associé à son environnement avec quoi il interagit et à travers lequel il peut comprendre son métier. Les traits de caractère de l’individu vont aussi caractériser l’entrepreneur qu’il sera. L’optimisme et la persévérance sont des qualités reconnues dans la vie de tous les jours que dans le milieu entrepreneurial. La passion éprouvée pour une chose ou de réaliser un rêve sont des moteurs qui portent l’entrepreneur. Ces traits de caractère permettent de dresser un profil. Ils ne sont pas aussi déterminants dans la réussite de l’entreprise comme le sont la compétence et la polyvalence. Les traits de caractère influent par contre sur le comportement du dirigeant de TPE PME. Un investisseur qui intervient au début d’un projet, à un stade de maturité faible où le projet va entrer dans un cycle de développement structuré, mise sur le facteur humain. L’entrepreneur va découvrir à ce moment là ses capacités et ses limites à mettre en œuvre son projet. 

A part l’intelligence de celui qui a été performant dans les études, le talent et la fibre entrepreneurial, sont des caractéristiques déterminantes. Les caractéristiques personnelles de l’entrepreneur relèvent en grande partie de traits psychologiques. Elles sont liées à certaines attitudes dont la motivation. Certains auteurs relativisent l’importance des variables psychologiques comme étant à l’origine des comportements de l’entrepreneur. Quoiqu’il en soit, les bonnes raisons qui poussent un dirigeant d’entreprise à agir ont été délaissées au profit des caractéristiques individuelles et des traits de personnalité. Les théories sur la prédétermination des individus à devenir un entrepreneur sont divergentes. Certaines caractéristiques personnelles seraient des pré-conditions nécessaires à l’exercice de toute activité entrepreneuriale. L’apprentissage et les corrections des erreurs ne vaudraient pas les caractéristiques psychologiques plus ou moins innées. La question est donc de savoir si « un individu est un entrepreneur né » et non pas « s’il peut devenir un bon entrepreneur ». Dans la réalité, il y a autant d’entrepreneurs nés que de bons entrepreneurs et de mauvais. 

 

  1. Les différents types d’entrepreneur

La dimension essentielle du métier de dirigeant de TPE PME est l’aspect décisionnel. Tour à tour expert, manager ou stratège, il doit faire face à tout ce qui survient et vit donc dans une sorte d’urgence permanente dans laquelle il doit prendre et assumer seul une décision dans des situations d’incertitudes et à risque. La définition donnée par le ROME (Répertoire opérationnel des métiers et des emplois) résume la prépondérance du rôle du chef d’entreprise/dirigeant de PME  qui : « détermine la stratégie de l’entreprise et dirige sa mise en œuvre. Choisit les produits fabriqués ou les services fournis par l’entreprise, et définit les marchés sur lesquels elle exerce son activité. Rassemble et gère les moyens de l’entreprise (humains, financiers, techniques). Dirige et anime les hommes pour atteindre les objectifs fixés. Veille au développement de l’image de l’entreprise ».

La prise en compte des profils a permis de distinguer les chefs d’entreprise ayant un comportement plus opportuniste de ceux qui ont un système de valeurs différent, plus traditionnel. L’opportuniste est celui qui a flairé la bonne affaire et toujours à l’affût du bon coup. Son but dans la vie n’est pas de réaliser un projet ou un rêve mais de faire du profit. Dans sa trajectoire de vie, il est susceptible de créer, d’acheter et de vendre à plusieurs fois son entreprise. 

 

La catégorie artisan est plus diversifiée selon la trajectoire de vie. Il y a l’artisanat traditionnel qui voit un individu prendre la succession d’une affaire ou qui en prend possession pour améliorer son statut social. Il y a aussi l’artisanat d’installation qui consiste à créer une entreprise de deux manières différentes, d’abord, par logique d’insertion sociale qui va permettre à des individus de créer leur propre emploi (chômeurs, sans projet, autocréateurs, tâcherons), ensuite par une logique entrepreneuriale reposant sur un véritable projet d’entreprendre. Dans le second cas, les individus se reconnaissent plutôt en tant qu’entrepreneur qu’en tant qu’artisan. 

 

Bentabet, Michun et Trouvé (1999) distinguent trois types de TPE : les TPE traditionnelles, les TPE managériales et entre les deux une catégorie intermédiaire que sont les TPE entrepreneuriales. La TPE traditionnelle est représentée par l’artisan centré sur les valeurs du métier et privilégiant la réalisation personnelle et l’indépendance plutôt que la réalisation de critères économiques. 

 

L’entrepreneur évolue avec trois grandes aspirations : l’indépendance formalisée par l’autonomie de décision, la pérennité qui permet à l’entreprise de survivre, la croissance qui donne le pouvoir qui correspondent aux buts de la gestion. Marchesnay (1992) a montré que l’on pouvait distinguer deux « idéaux types » d’entrepreneurs selon la finalité que ceux-ci donnent à leur entreprise : le « PIC » (pérennité, indépendance, croissance) et le « CAP » (croissance, autonomie, pérennité). Cette typologie est parallèle à la catégorisation entrepreneur opportuniste/partisan. Les attitudes de l’entrepreneur sont liées aux principaux structurants de son action. Marchesnay soutient qu’il ne faut pas pour autant automatiser le lien entre les comportements stratégiques et le type de profil (PIC ou CAP) de l’entrepreneur.

 

Le type d’entrepreneur  

 

PIC : L’entrepreneur veut avant tout assurer la Pérennité de son affaire. Selon Marchesnay, il met l’accent sur la conservation et l’accumulation de son patrimoine. Ensuite, l’entrepreneur défend son Indépendance, il répugnera à augmenter le capital social de son affaire par des apports en provenance d’associés extérieurs. Enfin, la recherche d’accumulation de patrimoine est pour lui la manière d’avoir la Croissance qui n’est pas une fin en soi.

 

CAP : Ce type d’entrepreneur est intéressé en premier lieu par les activités en Croissance plutôt que par la croissance de ses activités. Attiré par l’appât du gain, il est motivé par la recherche d’Autonomie de décision en général. La Pérennisation de son affaire ne l’intéresse pas à moins qu’elle ne soit justifiée par la perspective d’engranger des revenus. 

 

Comportement et stratégie

 

Plutôt de formation technique, le dirigeant d’entreprise de style PIC est un « producteur » qui a une vision introvertie des affaires. Il ne privilégie pas l’activité commerciale de prospection ni l’analyse de son marché. Il fidélise ses relations avec ses clients et ses fournisseurs en entretenant ses réseaux. L’entrepreneur PIC a un comportement de type paternaliste. A tendance égocentrique, il élabore sa stratégie en dehors de toute procédure, J. Chicha P.A. Julien et M. Marchesnay (1990). Il agit avec réflexion. Une décision de se lancer dans un gros investissement est murement réfléchie. C’est lui qui prend la décision. La stratégie s’élabore progressivement au fur et à mesure des décisions prises. Réactif, il prend conscience d’un problème et réagit en conséquence.  

 

Le dirigeant CAP est motivé par les « coups ».  Il veut trouver des activités susceptibles de lui permettre de réaliser des profits élevés même si les risques sont élevés. Mobile, ce type d’entrepreneur peut céder son affaire quand elle sera en passe de rentrer dans une phase d’exploitation intensive. Contrairement au PIC, il n’hésite pas à ouvrir son capital ou s’endetter mais veut en même temps conserver son autonomie de gestion. Son leadership est caractérisé par la recherche l’implication des membres de l’organisation. 

  1. Le manager défaillant

 

Le chef d’entreprise est défaillant quand les résultats financiers sont durablement mauvais. Selon GMICHOUD, il présenterait des profils comportementaux identifiables. Sur le plan psychologique, c’est un manager ultra-dominant  qui aime utiliser particulièrement son « moi » sentimental. Expressif, spirituel, il est sensible aux autres et éprouve des émotions. Il affectionne les contacts humains voire physiques. Totalement intuitif, il se sert de son intuition dans une approche émotionnelle et interpersonnelle de prise de décision. Il se soucie de l’effet de sa décision sur les autres au point de négliger les faits objectifs et la programmation.

 

Sur le plan sociologique, le chef d’entreprise défaillant a un style managérial d’intégration. Il modifie le fonctionnement de son emprise en fonction des points de vue de ses collaborateurs. Ce n’est pas un dirigeant qui dirige mais qui suit le mouvement, toujours à la recherche d’un consensus. La solution à un problème est adoptée une fois qu’elle est cautionnée par tout le monde ou par la majorité.  

 

Sur le plan stratégique, c’est un chef d’entreprise multi-dominant dans sa prise de décision. Il est à la fois entrepreneur qui peut faire pour que les choses arrivent et un gestionnaire qui veut conserver ce qu’il a. Il veut donc saisir les opportunités tout en veillant à utiliser de manière efficiente des ressources existantes. Ce chef d’entreprise est à la fois de type PIC et CAP, écartelé entre le souci de pérennisation et de croissance. Il est guidé par deux stratégies incompatibles qui peut, si adoptées simultanément ou utilisée alternativement, créer la confusion. La croissance est une fois une finalité absolue et une autre fois un objectif secondaire. 

 

 

  1. Spécificité de la gestion des TPE PME 

2.1 La fonction d’entrepreneur – gestionnaire

Le modèle de Howard Stevenson de l’Université Harvard illustre les caractéristiques essentielles du comportement des entrepreneurs et des gestionnaires dans un essai de définition de l’entrepreneur. 

Il décline six dimensions stratégiques qui sont la clé des affaires

 

1)- L’orientation stratégique : l’entrepreneur est guidé par sa perception des opportunités offertes, sans se sentir contraint dans l’analyse de ses ressources tandis que le gestionnaire est guidé par l’utilisation efficiente des ressources qu’il contrôle.

 

2)- La faculté à saisir les opportunités : l’entrepreneur est prêt à saisir toute opportunité très rapidement. Il est obsédé par l’action mais la durée de son engagement est souvent courte. Le gestionnaire, par contre, sera plus lent à agir mais son engagement sera plus profond. Ses actions sont inscrites dans un processus évolutif et sur une longue période. 

 

3)- L’allocation des ressources : l’entrepreneur engagera ses ressources de façon minimale à chacun des stades du développement du projet. Il essaiera souvent de saisir des opportunités sans avoir les ressources correspondantes. Le gestionnaire souhaite identifier et engager dès le départ, l’ensemble des ressources nécessaires à la réalisation du projet.

 

4)- Le contrôle des ressources : l’entrepreneur mettra l’accent sur l’utilisation des ressources, quelque soit le mode de financement. Le gestionnaire insistera sur le contrôle des ressources dont il préfère avoir la propriété.

 

5)- Le système de management : l’entrepreneur est sensible aux personnes et à leurs aptitudes à réaliser ses propres projets. Il entretient des relations informelles avec ses collaborateurs. Le gestionnaire voit les relations de façon plus formelle, avec des droits et des devoirs pour chacun, avec un niveau de responsabilité clairement défini.

 

6)- Système de récompense : L’entreteneur est reconnaissant envers son équipe tandis que l’administrateur récompense l’individu par des promotions individuelles. 

 

 

  1. Les spécificités des PME, théorie ou tendance  

« Peut-on appliquer aux PME les enseignements et les préceptes de gestion consacrés aux grandes entreprises ou bien faut-il considérer qu’il existe une barrière d’espèce entre grandes et petites entreprises et dans ces conditions inventer de nouvelles théories, de nouveaux modèles, de nouvelles grilles d’analyse propres à la PME ? » C’est la question que se pose le Pr Olivier Torres dans son article « La spécificité de gestion de la PME en question ». La plupart des chercheurs se consacrant à l’étude de la PME mentionnent, en préalable à leur recherche, la nécessité de tenir compte des spécificités des problèmes de gestion de la PME. A partir de la fin des années 1970, la PME n’a plus été considérée comme un modèle réduit d’une entreprise classique, de grande taille. C’est devenu une entreprise qui a ses particularités. La PME est spécifique en raison de sa petite taille. 

 

Les chercheurs ont admis que la taille influe sur l’organisation et la structure de l’entreprise, voire la nature de celle-ci. En accordant à la taille la plus grande importance et en considérant que ce facteur occasionne des changements de nature, on peut en déduire que l’entreprise de petite taille est spécifique (TORRES). Plusieurs études ont conclu au caractère arbitraire des frontières assignées a priori dans certaines typologies fondées exclusivement sur la taille. « Le monde de la PME, considéré individu par individu, se révèle lui-même d’une extrême complexité; mais pris en tant que tel, des constantes, des permanences, des tendances en surgissent à l’examen » (Julien et Marchesnay, 1988). La PME ne peut plus être considérée comme un simple modèle réduit, voire infantile d’un archétype d’entreprise. Tout comme le groupe industriel, elle constitue un être qui a sa propre réalité, sa propre existence, qui a des constantes et des tendances.

 

Si la thèse de la spécificité met en valeur une image homogène, elle est contraire à  l’extrême hétérogénéité du monde des PME dont les caractéristiques sont très variés et loin d’être uniformes. La théorie selon laquelle « plus la taille de l’entreprise est petite, plus cette dernière est spécifique » a été reléguée au statut de tendances. La PME ne serait plus une catégorie homogène mais une appellation commode qui désigne une réalité multiple susceptible de se différencier par l’activité, par la forme de propriété, par les stratégies adoptées, par les modes de gestion… Au milieu des années 1990, des auteurs ont essayé de trouver la synthèse spécificité/diversité en intégrant la diversité des PME. Selon Bauer (1995), la prise en compte des logiques d’action économiques, politiques et familiales, permet de construire des typologies exprimant la grande diversité des patrons de PME et leur firme, des situations au sommet des PME comme des actions qui y sont menées. Caractériser un patron de PME par la taille relative de chacune de ses trois têtes conduit à imaginer un nombre infini d’éventualités, situées toutes dans un espace à trois dimensions. 

 

TORRES soutient que les caractéristiques traditionnelles  qui font les spécificités des PME sont sensibles aux modes de financement. L’ouverture du capital tend à réduire les spécificités des PME, voire à les remettre en cause comme cela peut être le cas lors d’un rachat d’une PME par un groupe. Entre l’indépendance financière totale où l’entrepreneur autofinance tous ces investissements et la dépendance financière totale où l’entreprise devient la filiale d’un groupe et par voie de conséquence est exclue du monde des PME, il demeure plusieurs situations intermédiaires où les caractéristiques spécifiques de la PME s’atténuent plus ou moins fortement. Les PME françaises s’éloignent du modèle traditionnel de la PME et évoluent vers la bureaucratie. L’augmentation des phénomènes de contrôle externe et de dépendance de conseil externe pour suivre les réglementations en vigueur et des normes de gestions de plus en plus contraignantes remet en cause l’indépendance organisationnelle. 

 

La définition que le GREPME (1994) donne du concept de PME est la suivante : la petite taille, la centralisation de la gestion, une faible spécialisation, des systèmes d’information interne et externe simples ou peu organisés, une stratégie intuitive ou peu formalisée. La spécificité des PME tient à une série d’éléments liés à la personnalité du chef d’entreprise. Ces caractéristiques des PME montrent la nécessité d’une approche sur mesure :

– Le patron d’une PME est souvent un homme de terrain. Il a un sens aigu du concret. Sa force n’est pas dans les méthodologies d’analyse, la formalisation et la conceptualisation de stratégies alternatives. 

– le patron d’une PME a le tempérament d’un indépendant : il décide souvent seul et ne partage que peu ses réflexions et ses états d’âme. Ses seuls consultants sont souvent son comptable ou son expert-comptable. 

– le patron d’une PME agit plus par intuition que par réflexion, analyse, recherche et études.

– les PME sont rarement créées au départ d’un business model. Elles peuvent se développer soit au gré d’une multitude de microdécisions, prises au jour le jour, qui vont aboutir peu à peu à une ligne stratégique cohérente, mais non planifiée. Soit que l’opportunisme du patron ou que les opportunités du marché qu’il a su saisir, amènent son entreprise à suivre une direction qui n’était pas du tout prévue. C’est alors ce qu’on appelle une stratégie occurrente. 

– les PME fonctionnent sur le mode du court terme et cherchent souvent à maximiser un retour sur investissement très rapide. 

– les PME disposent en général de peu d’informations, de statistiques et d’observations sur l’environnement externe et interne de l’entreprise. 

– le patron d’une PME ne pratique généralement pas le management participatif et donc la tenue de réunions de travail et de brainstorming n’est pas monnaie courante. Ceci ne facilitera pas le processus de réflexion stratégique collégial. 

– les PME ont souvent un caractère familial qui n’est pas basé sur les compétences, mais bien sur l’esprit de clan. 

– La finalité d’une PME est souvent d’être transmise à une seconde génération, ce qui exclut a priori les stratégies d’alliance ou de fusion. 

 

2.3 TPE PME, des entreprises ouvertes au conseil 

 

Les professionnels dans les secteurs du conseil aux entreprises ont commencé à s’intéresser aux PME dans les années 1980. La concurrence grandissante a fait élargir le marché. L’entrée en scène des TPE améliore l’étendu de ce marché. La grande diversité des organisations ont eu comme conséquences la multiplication des genres d’entreprise de petite taille susceptibles d’être conseillées. Le secteur des TPE PME est réputé difficile en raison de la nécessité de fournir un conseil sur mesure. Les produis standards sont rarement compatibles avec les besoin de l’entreprise de petite taille surtout quand le métier concerné est très spécifique. 

 

J.M PLANE et O. TORRES ont étudié le recours au conseil par les PME. Ils soutiennent que, les consultants, quelle que soit leur branche d’activité, seront amenés à constater que les principes et concepts du management et de la gestion ne peuvent s’appliquer de la même manière dans des entreprises de taille différente. Les spécificités du système de gestion de la PME constituent pour la plupart des consultants, une barrière à l’entrée implicite. L’intervention-conseil implique de nombreuses transformations qui peuvent parfois remettre en cause profondément le fonctionnement classique de la PME : le conseil induit souvent de formaliser ce qui est informel, d’expliciter ce qui est implicite, d’établir une procédure sur ce qui relève du processus. Le conseil peut s’avérer un facteur qui remet en cause les principales caractéristiques spécifiques de la PME au point de dénaturer cette dernière. 

 

L’intervention conseil en PME, et par extension en TPE, est une réponse à une stratégie, si ce n’est pas une obligation, d’externalisation. Le dirigeant de TPE PME est occupé à assurer les fonctions clés de sa chaîne de valeur, c’est-à-dire celles qui contribuent directement à l’avantage compétitif. Les styles et le système de gestion propres à la PME conduisent souvent à un évitement de capacité. Faire appel à des prestations externes apparaît économiquement et stratégiquement plus avantageux. Pour les dirigeants de PME qui en ont déjà eu une expérience, le conseil contribue à l’amélioration des résultats de l’entreprise. Pour les néophytes, le conseil demeure un terme plutôt vague, une chose nécessaire mais pas indispensable. L’intervention d’un conseil dans une PME traduit d’abord une démarche de l’entreprise qui accepte explicitement d’être auscultée par une personne étrangère. 

 

La spécificité d’une TPE PME provient aussi de son système de gestion peu différencié. Il y a très peu de différenciation sur les grandes fonctions de l’entreprise comme le marketing ou les ressources humaines. La PME est dotée de caractéristiques organisationnelles propres, de méthodes de gestion rudimentaires parfois, et d’une très forte intégration des objectifs de gestion. On observe une forte interpénétration des trois niveaux du système de gestion : opérationnel, animation et finalisation. L’analyse des implications sur les différents systèmes est nécessaire pour résoudre un problème opérationnel. En effet, les problèmes abordés auprès des TPE PME ne sont ni simples ni compliqués pour l’expert mais ce dernier les trouvera complexes. Pour maîtriser cette complexité, il doit tenir compte de la spécificité de ce système de gestion. Et la résolution de problèmes complexes suppose une capacité de réflexion globale. « Le consultant doit donc tenir compte du caractère systémique de son intervention, ce qui suppose des compétences d’expert du management, mais aussi et surtout de facilitateur ou de catalyseur ».

 

Un des principaux éléments caractéristiques de la PME est la personnalisation de son mode de fonctionnement en raison du rôle prépondérant du dirigeant. Ferrer (1994) dresse une typologie qui relie le profil de l’entrepreneur à la nature du conseil. Ainsi, afin de mieux appréhender les attentes des dirigeants dans le domaine du conseil en management, on reprendra la distinction entre l’externalisation de deux types de besoins de gestion : les prestations d’expertise et les prestations en management stratégique. En ce qui concerne les prestations d’expertise, c’est le cas d’une prestation d’expertise comptable, les dirigeants souhaitent que le diagnostic soit suivi de solutions et de recommandations. Des apports méthodologiques utilisables dans d’autres occasions leur semblent superflus. 

 

L’investissement consenti par le dirigeant entraîne l’attente d’une contrepartie du consultant extérieur qui devrait améliorer la situation initiale. Le client peut se concentrer sur autre chose, rassuré par l’idée que l’expert assume désormais la situation puisqu’il lui a transmis la responsabilité du problème. Si la solution ne marche pas ou si l’information se révèle inutilisable, la faute en incombe au consultant : c’est lui l’expert. Le cœur de ce modèle de consultation « expertale » réside dans le fait que le client s’est fait son idée sur la nature du problème, sur la nature de l’aide requise, et sur le profil du consultant souhaité. L’essence du message adressé au consultant réside dans la décharge du problème, en échange d’une solution. La réussite d’une prestation sera fortement dépendante de la capacité du consultant à identifier les motivations du dirigeant et à moduler une proposition conforme aux attentes de celui-ci. Le premier objectif du consultant sera de se faire accepter par le propriétaire de l’entreprise, gagner sa confiance en tant qu’expert bien entendu, mais également en tant que personne qui va respecter le mode de fonctionnement et la culture de l’entreprise. 

 

II – Les impacts de la crise sur le comportement des TPE PME  

  1. La crise ressentie par les TPE PME 

Toutes les entreprises sont confrontées à des situations de risque en période de crise. La double crise, économique et financière, réussit toutefois à certains. Ce succès a-t-il un lien avec le comportement du dirigeant d’entreprise. Une enquête réalisée par l’Ifop pour Fiducal en 2008 a révélé que 29% des patrons avaient peur de déposer le bilan au cours de l’année 2009. Cette crainte a influé sur certaines décisions puisque la pérennité de l’entreprise, tout comme la croissance étaient remises en cause. Le moral des chefs d’entreprise a été très touché par la crise. Les patrons de TPE sont aussi inquiets et pessimistes quant à leur avenir. La crise entraîne une baisse considérable de la consommation et par conséquent des commandes. Ce phénomène crée encore plus de crispation chez les patrons alors que un sur deux parmi eux ont déjà dû faire face à la baisse du pouvoir d’achat des français. Les dirigeants de TPE PME craignent la hausse des prix pratiqués par les fournisseurs et un effritement de leur rentabilité. Dans cette situation de crise, ils évoquent la possibilité de devoir licencier du personnel. 

Les dirigeants de TPE PME redoutent une frilosité des banques et des organismes de crédit. S’ils sont encore peu à ressentir une restriction d’accès au crédit, un patron sur trois le craint. Les banques pourraient couper les crédits à tout moment. Les initiatives de l’Etat pour atténuer les effets de la crise sur les entreprises sont bien accueillies par les dirigeants de TPE PME. Les 22 milliards d’euros injectés pour faciliter le financement des PME par les banques suscitent de l’espoir mais un enthousiasme mesuré. 44% des dirigeants d’entreprises croient que les banques vont accorder facilement des prêts. 

Le 5ème baromètre KPMG/CGPME, réalisé par l’Ifop, a constaté que 62% entreprises voient leur chiffre d’affaires baisser en mars 2010, une progression de 4 points par rapport au mois de janvier. Deux sur trois affirment avoir besoin d’un financement pour se relancer. Les PME sont encore dans la crise et le moral des dirigeants est en baisse. Ils sont 80 % à se déclarer inquiets pour l’économie française, c’est légèrement mieux que les 87% de pessimistes en février 2009, en pleine crise économique. Ce 5ème baromètre a révélé une hausse des PME à avoir besoin de financement, soit 68% (+8 points). L’Ifop indique que « les besoins liés à des financements de trésorerie et d’exploitation ont particulièrement augmenté et concernent désormais 40 % des PME, contre 32% en janvier 2010. 

Dans ce contexte, 68 % (+8 points) des PME déclarent avoir au moins un besoin de financement. C’est le niveau le plus haut depuis la création du baromètre il y a un an. « Les besoins liés à des financements de trésorerie et d’exploitation ont particulièrement augmenté et concernent désormais 40 % des PME (contre 32 % il y a trois mois) », indique l’Ifop. Par un comportement d’autocensure, 44% des dirigeants avouent se restreindre dans leurs investissements et leurs demandes auprès des banques. Les PME constatent par ailleurs un durcissement de l’accès au crédit de la part des banques. Une PME sur deux doit présenter des cofinancements ou des cautions ; 46 % (+ 4 points) des entreprises obtiennent des crédits à des taux ou des frais élevés, ou pour des montants plus faibles que souhaités ; 42 % (+ 4 points) doivent fournir des garanties supplémentaires. 85% des chefs d’entreprise se déclarent toutefois encore satisfaits de leur relation avec leur banque même si les PME sont désormais 59 % à envisager d’examiner les conditions des banques concurrentes (contre 49 % en 2009). Elles sont 48 %, (-2 points) à être prêtes à réexaminer leurs placements, trésorerie ou lignes de crédit.

 

  1. Les TPE PME face à la crise 

La crise découle normalement d’un événement totalement imprévisible. Mais quand elle est générale, voire mondiale, on ne peut que la subir même si elle était prévisible. Une crise est toujours, dans l’instant, la résultante d’un évènement qui rompt l’équilibre de l’ensemble. Elle brouille les points de repères habituels, déboussole les plus vulnérables. La manière dont l’entreprise va s’en sortir dépend du type de crise ou événement qui est provoquée par des circonstances extérieures. Cette crise touche l’ensemble de l’entreprise mais c’est au dirigeant d’adopter la stratégie pour la contrecarrer. Un cycle de gestion de crise comporte plusieurs étapes : détecter les signaux d’alerte, prévenir et préparer, limiter les dégâts, reprendre et reconstruire, tirer profit de la crise. 

Dans les cas des TPE PME, le dirigeant se tourne vers une personne ressource externe pour l’aider à surmonter la crise et à mettre en œuvre ces différentes étapes. La compétence relationnelle et opérationnelle de l’expert à accompagner le chef d’entreprise dans la correction, l’ajustement à la situation nouvelle, la capitalisation des expériences vécues est déterminante pour vaincre la crise. A part les conseils avisés, l’expert doit faire évoluer croyances et comportements pour mieux agir face à des situations négatives et à prendre des bonnes décisions.

Commet peut-on positiver une situation de crise et redonner le moral au dirigeant d’entreprise. La crise est une occasion de reconsidérer les certitudes que l’on pouvait avoir. De toute manière, la problématique d’une entreprise ne se résout pas par une réponse unique ou uniforme. Les spécificités des TPE PME et leur grande diversité sont à prendre en compte tout comme le contexte culturel et humain de l’entreprise et le marché sur lequel elle opère. Pour y faire face, la crise est à considérer comme un processus. Cela permet de la gérer quand elle se produit et de limiter son impact négatif sur l’entreprise. 

Le contexte de la crise est ponctué de changements permanents, plus ou moins prévisibles. Cette situation sollicite une grande capacité d’adaptation chez les dirigeants de TPE PME. Par le fait que l’individu est lié à son entreprise, le dirigeant subit le stress et est susceptible d’avoir des comportements à risques. Le comportement du chef  peut déstabiliser l’entreprise et la rendre encore plus vulnérable à tous types de crise potentielle ou déclarée. 

 

Toutes les TPE et PME ont un point commun : leur dirigeant est confronté quotidiennement à des situations à problèmes. Des situations qui peuvent être résolues assez rapidement mais quand ce n’est pas le cas, le problème s’aggrave et deviennent un facteur de crise. Les crises déclarées ont le potentiel d’affaiblir l’efficacité du dirigeant et de ternir la réputation et la crédibilité de son entreprise. L’enjeu est donc dans le comportement du dirigeant. Si les croyances, ses actions ou ses décisions comportent des risques faibles, la situation de crise ne sera que potentielle. L’entreprise subira une situation de crise déclarée si les facteurs de risque (croyance et comportement du dirigeant) sont élevés.  

 
La frontière entre le contexte de crise potentielle et celui de crise déclarée est déterminée par trois paramètres attenants aux risques. Tout d’abord, ces risques sont liés à la provenance de l’événement. Ils influent sur le fonctionnement de l’entreprise et sur le comportement du dirigeant. Ensuite, il y a les risques liés au contexte, à un ensemble de circonstance qu’est la crise économique. Ce contexte influe sur la réactivité du dirigeant sur le moment avec des erreurs potentielles sur le fonctionnement structurel de l’entreprise ou sur des décisions. Enfin, les risques liés aux croyances du dirigeant de l’entreprise plombent la motivation de celui-ci. C’est déterminant dans le jugement de ce qui est possible ou non et à ses capacités relationnelles pour résoudre la crise. 

 

  1. La gestion des situations à risques  

La crise en tant que contexte est propice à l’apparition de situation à risques pour les TPE PME. Elle peut générer des crises à l’échelle de l’entreprise si ces situations ne sont pas gérer. Il ne s’agit pas pour les dirigeants d’entreprise de résoudre la grande crise, c’est impossible à leur niveau, mais de gérer l’impact de celle-ci afin que les effets soit amoindris et, à termes, l’activité et le chiffre d’affaires relancés.  

Le management de situation à risques est donc un défi pour la TPE PME. Avant d’entamer le processus, il faut d’abord avoir le bon état d’esprit. Le dirigeant d’entreprise doit reconnaître et accepter l’existence de situations de risque, ce qui est souvent le cas dans une période de crise. Le vrai enjeu est que l’individu/dirigeant soit amené à réduire les facteurs de risques, et aussi de stress, afin de limiter les comportements pouvant mettre en difficulté l’entreprise.  Le dirigeant entreprend une démarche visant à anticiper le potentiel destructeur de la crise, quelle que soit la nature ou la provenance de celle-ci. Le but est d’atténuer les conséquences sur l’entreprise.  

Le processus véritable du management de la crise comporte plusieurs étapes. Il s’agit d’abord de détecter, prévenir et préparer la crise éventuelle. Quand les effets de la crise se font sentir, on essaie de limiter les dégâts. Après, il faut reprendre le cours normal des activités. A la fin du processus, le dirigeant peut tirer profit de la crise en capitalisant les expériences vécues pour mieux anticiper les difficultés au quotidien. Les leçons tirées de ces expériences permettent de gérer les inévitables crises quand celles-ci se déclarent. Dans le cas d’une TPE PME, le dirigeant bénéficie d’un accompagnement externe individuel pour que ses comportements à risques soient balisés. 

Quand la situation de crise est déclarée, le moral est souvent atteint, comme le démontre les nombreuses enquêtes qui étudient l’impact de la crise. Le dysfonctionnement psychologique du dirigeant de TPE PME peut engendrer un dysfonctionnement opérationnel. Le processus peut se limiter en trois étapes : limiter les dégâts, reprendre les activités et reconstruire, tirer les leçons de la crise. Le conseil ou l’expert externe apporte son aide au dirigeant d’entreprise à faire face à un contexte déstabilisant. Assainir les comptes, rassurer les fournisseurs, garder les clients… les actions visant à contrôler les événements sont nombreuses. Le travail commence par identifier les risques en faisant un audit sur le moment avant de rectifier les comportements à risques qui peuvent relever d’un management inadapté à la situation exceptionnelle ou d’urgence. Le dirigeant de TPE PME est aidé à préserver sa capacité de jugement et de prise de décision en faisant face à une situation de crise inévitable, gérant l’événement et contrôlant ses émotions. 

Toute entreprise est donc susceptible de vivre une crise et il est établi que chaque entreprise a sa spécificité. Il y a cependant des similitudes entre différents cas puisque la cause de la crise est le contexte économique défavorable. Pour ce qui est des TPE PME, la crise pourrait être le résultat d’un manque de vision ou à un refus d’envisager le changement. Les événements imprévisibles plongent l’entreprise dans une situation de crise, surtout quant l’anticipation et la préparation sont insuffisantes. Les dirigeants de TPE PME sont prompts à se mobiliser lors d’une crise déclarée mais ne sont pas enclins à anticiper les crises potentielles. Le rôle de la personne ressource externe est donc d’aider le dirigeant à agir à deux niveaux : anticiper et gérer la crise. Chercher la proactivité de l’organisation revient à bousculer certaines croyances : anticiper c’est prendre le risque d’alarmer le dirigeant  et ses collaborateurs pour rien, gérer le court terme puisque l’entreprise n’a pas de vision d’avenir…  

 

La gestion de la crise doit être un projet collectif qui réunit le dirigeant d’entreprise et l’expert qui l’accompagne. Il y a une coresponsabilité à établir, ce n’est pas décharger le problème à quelqu’un d’autre. L’expert aide le dirigeant de TPE PME à prendre conscience de la crise et de lui proposer des moyens pour limiter les situations à risques. L’accompagnement consiste à insuffler une énergie positive qui permet de mobiliser le dirigeant sur la manière de gérer et d’anticiper les situations de crise.  

 

  1. Les comportements induits par la crise

     4.1 Le changement de comportement

La personne humaine a un changement de comportement pas toujours rationnel, que la raison a du mal à connaître sans une analyse profonde. Les messages de prévention sur le danger du tabagisme n’empêche pas de fumer, un encouragement à aller voter ne fait pas un taux de participation de 100% à une élection. Cette dimension humaine du comportement est caractérisée par une action, une réaction ou l’absence des deux. Cela revient à admettre que le changement de comportement relève de la compétence. Créer un changement de comportement de manière rationnelle et réfléchie est crucial pour un dirigeant de TPE PME.

 

La personne et l’organisation sont sujettes à des difficultés de changement de comportement dans la mesure où elles ne savent pas comment s’y prendre. Changer ses habitudes, sa mentalité, sa vision des choses, sa façon de prendre des décisions sont alors des actes contre nature. 

 

EX : 

 

Changer de comportement quand on est dirigeant de TPE PME, c’est non seulement changer de culture d’entreprise ou développer l’organisation. Il s’agit de véritable changement comportemental, jusqu’à adopter un autre style de vie. Le lien étroit entre l’individu et son entreprise fait que la motivation de l’entrepreneur est déterminante. La motivation permet de commencer un nouveau projet, de se lancer d’autres défis. Déjà, il faut qu’elle soit là au départ mais il faut aussi la maintenir. Un entrepreneur qui entreprend une réforme totale de son organisation pourrait perdre patience en attendant les impacts positifs du changement. 

 

EX :  

 

La crise est vraiment le moment le plus approprié pour le changement. Durant cette période, tout est chamboulé, les repères son différents, rien ne semble aller comme il faut. Ces constats totalement négatifs sont paradoxalement déclencheurs de positive attitude. La crise est une occasion de prendre des décisions importantes qui détermineront le futur que ce soit pour le dirigeant ou son entreprise. Les organisations, quelle que soit leur taille, s’attèlent à opérer des changements importants. Crise financière, pertes de marché, baisse du chiffre d’affaires, arrivée de nouveaux concurrents, hausse des prix de matières premières… de nombreux facteurs amènent un changement de comportement chez les TPE PME et leur dirigeant. Si la crise est un bon motif pour changer, elle constitue toujours un contexte négatif pour que le changement soir réussi. 

 

Des stratégies de motivation sont nécessaires pour rompre une habitude. La crise déclenche naturellement le réflexe de faire les choses différemment. Cette réaction positive est efficace dans le court terme dans la mesure ou le dirigeant ou l’entreprise veut s’éloigner d’une situation subie. 

 

Une PME cherche à faire des réductions de coûts car elle fait face à l’arrivée d’un concurrent très compétitif. Produire moins cher pour vendre moins cher est son but, car elle ne veut pas produire avec les coûts actuels et les prix de vente y afférents.

 

Quand on est motivé à s’éloigner d’une situation, le changement peut démarrer. Mais l’effet déclencheur n’est pas fait pour durer. 

 

Un dirigeant de type PIC n’est plus assez motivé quand la pérennité de son entreprise est assurée. Il ne se comporte pas de la même façon que lorsque l’organisation ou le patrimoine était en péril. Le niveau de motivation diminue au fur et à mesure où la situation de l’entreprise s’améliore. Le dirigeant n’est plus proactif, il minimise les efforts sur le plan commercial, oublie de faire un suivi rigoureux sur certaines commandes. En réalité, c’est la situation précaire induite par une crise qui l’oblige à prendre des décisions et des initiatives. Pour garder la motivation, il faut des rappels constants de l’objectif et des raisons du changement. L’intervention d’un conseiller externe à la TPE PME est toute indiquée. 

 

Il ne suffit donc pas de s’éloigner de la crise car on risque de revenir à la situation de départ malgré un changement de comportement qui a été déclenché. Il faut aussi aller vers une situation souhaitée, un objectif à atteindre afin de remplacer la situation à éviter. Le dirigeant de TPE PME doit être animé par une double énergie : la motivation de s’éloigner de la situation de crise et la volonté d’atteindre des objectifs pour une situation de stabilité, qui relèvera de la pérennité ou de la croissance, selon le profil de l’entrepreneur. 

 

La motivation n’est pas le seul facteur clé de la réussite d’un changement de comportement. Il est toujours facile de maintenir une habitude qui n’est plus appropriée que d’en adopter une nouvelle. Il y a des procédures dans lesquelles le dirigeant est psychologiquement engagé, des situations d’action-réaction ou de stimuli-réponse. Ne pas suivre le nouveau système vient plus facilement que délaisser l’ancien. Le changement de comportement doit donc s’inscrire dans une procédure. Il n’y a pas mieux pour le dirigeant de TPE PME que sa manière habituelle à faire. C’est le changement de comportement qui doit être inscrit dans cette procédure existante. L’entrepreneur s’engage alors à changer au cœur de son activité. Quand le nouveau comportement est intégré dans une procédure standard, il n’y a plus à prendre des décisions à chaque fois.

 

EX

 

La motivation et la nécessité ne suffisent pas pour réussir un changement de comportement. Il faut de stratégie pour entamer le changement et maintenir la motivation en considérant la situation de crise à écarter et l’objectif à atteindre. L’intégration du nouveau comportement  dans une procédure ou une pratique existante, la croyance du dirigeant d’entreprise selon laquelle son but est possible à réalise seront complétées par de véritables stratégies de comportement. 

 

     4.2 Le comportement stratégique 

 

Les défaillances d’entreprise qui affectent les TPE PME soulèvent la question de la détection de la crise ou de l’effet de celle-ci. Un diagnostic en amont de l’analyse financière qui est souvent réalisée quand le mal est fait s’impose. Il est donc important de détecter les causes des dysfonctionnements et ne pas se contenter d’analyser les conséquences. L’analyse financière fait de la prévision mais la capacité prédictive est trop limitée dans le temps et ne permet pas beaucoup de marge de manœuvre pour une action corrective. Les résultats financiers de l’entreprise sont la conséquence de la mise en œuvre d’une stratégie même si cette dernière est implicite. Le chef d’entreprise est impliqué dans cette stratégie à travers ses comportements. Que ce soit dans la prévision des difficultés ou dans le processus de résolution d’un problème, les comportements des dirigeants influent sur la performance de leur entreprise. 

 

Les TPE PME ne consacrent pas beaucoup de temps à la stratégie et se consacrent pleinement à des activités de gestion courantes. Elles ne développent pas des stratégies structurelles et formelles comme une grande entreprise. Julien et Marchesnay (1992) parle plutôt de réflexions stratégiques, se référant à des pratiques implicites et externes ; vision sur un horizon régulier de deux ans ; dynamisme de la stratégie-implication du propriétaire-dirigeant ; action graduelle. Etrillard (2004) met en avant des « stratégies entrepreneuriales » qui prennent  en considération la compétence de l’entrepreneur. Il propose de sortir de la logique managériale basée sur une logique proactive. 

 

Les travaux de Miles et Snow dressent des catégories d’entreprise ou d’entrepreneur en fonction de l’attitude envers le degré d’innovation qu’elles présentent.

 

Les prospecteurs réalisent des innovations et des améliorations dans les produits et les marchés avec une fréquence relative. Ils cherchent à développer des nouveaux produits/services même s’ils n’ont pas de succès.

 

EX 

 

Les analystes ont une base relativement stable de produits et de marchés. Ils cherchent à améliorer la qualité de leurs produits en essayant d’imiter des autres entreprises du même secteur.

 

EX 

 

Les défenseurs cherchent à protéger leur position dans un marché mûr avec des améliorations dans l’organisation du travail à l’intérieur de leur champ d’action.

 

EX 

 

Les réacteurs ont peu de contrôle sur leur environnement externe et ont des difficultés à s’adapter à la concurrence.

 

EX 

 

Dans les TPE PME, le comportement stratégique est assuré principalement par le propriétaire dirigeant. Il influence la performance de l’entreprise. Ce comportement est aussi déterminé par les valeurs personnelles du dirigeant, facteurs clés des attitudes qu’il adopte. A partir de leurs orientations stratégiques, les TPE PME développent des caractéristiques managériales différentes. Les dirigeants prospecteurs n’hésitent pas adapter l’organisation ou intégrer une nouvelle technologie contrairement à un analyste. Un « réacteur » se concentre sur ce qu’il a, ne fera pas des efforts pour protéger son marché car il ne peut pas se battre. C’est le contraire du « défenseur » qui veut protéger sa position. 

 

Si le manager entrepreneurial est souvent pris comme modèle pour les TPE PME, c’est par ce que les stratégies proactives qu’ils emploient rendent l’entreprise performante. Cette logique est confirmée par le fait que les stratégies réactives des dirigeants-propriétaires à comportement conservateur ne donnent que des performances limitées. L’intention stratégique est une réaction à l’événement/perturbation de l’environnement. Elle est plus dynamique que la vision stratégique émanant du désir du dirigeant. L’intention stratégique se concentre en effet sur des faits concrets, à savoir les possibilités de l’entreprise. Pour ce faire, le comportement du dirigeant doit s’inscrire dans une planification stratégique. Le but est de donner une structure à la stratégie, permettant ainsi à tous les acteurs et partenaires de l’organisation de participer. 

 

La planification est loin d’être la plus importante parmi les fonctions dans l’entreprise, dans le cas des TPE PME. Les dirigeants sont habitués à privilégier des approches réactives avec des réponses immédiates aux crises ou perturbations externes. L’environnement des TPE PME serait trop instable pour planifier des actions à long terme, voire à moyen terme. Ainsi, la plupart de ces entreprises de petite taille ne planifient pas. Si elles le font, c’est de façon informelle, sporadique et surtout non structurée.

 

Selon Paturel (1998), trois raisons expliquent l’absence d’outils stratégiques dans les PME : d’abord, ce sont des entreprises centralisées dans leur responsabilité et leur décision, ensuite, la vision de l’entreprise s’inscrit dans le court terme, enfin, il est difficile d’appliquer les outils de management stratégique au contexte des petites entreprises qui rencontrent des problèmes différents. Une TPE PME n’intègre pas un système d’information stratégique. Quoiqu’il en soit, l’approche proactive amène à de nouvelle pratique de gestion et surtout à la capacité de réponse à l’environnement. Les petites entreprises n’en seront que plus performantes.  

 

III – Les missions de l’expert-comptable auprès des TPE PME face à la crise  

 

  1. L’expertise comptable au profit des TPE PME

 

     1.1 Rôles de l’expert-comptable auprès d’une TPE PME

 

Comme son nom l’indique, l’expert-comptable est celui qui intervient d’abord en comptabilité. Il en est ainsi que ce soit auprès d’une grande entreprise ou d’une TPE PME. Dans la pratique, son rôle est beaucoup plus vaste auprès des petites entreprises avec un dispositif d’assistance composé d’intervention et de conseils très variés. L’expert-comptable intervient à différentes stades de la vie de l’entreprise. Il peut apporter son assistance dès le projet de création. Il informe le porteur de projet d’entreprise de ses obligations en matière comptable. Ils examinent ensemble les aspects financiers, afin de s’assurer que le projet est cohérent et réaliste, de monter un plan d’affaires. La comptabilité est un outil au cœur du réseau d’informations de l’entreprise. C’est pourquoi l’expert-comptable est le premier conseil du dirigeant de TPE PME, il est son interlocuteur privilégié. Ce lien tissé à la naissance de l’entreprise est le plus souvent de très longue durée. L’expert-comptable restera le conseil du dirigeant tout au long de la vie de l’entreprise.  

 

L’intérêt de ce conseil n’est pas focalisé sur les comptes puisqu’il touche aussi les enjeux et les possibilités qui pourraient se présenter à l’entrepreneur. A par ces aspects purement économiques, le conseil peut aussi toucher le domaine de la gestion de ressources humaines, les obligations fiscales et légales. Pour mettre l’entreprise sur les rails, l’expert-comptable appuie le dirigeant sur la mise en place et l’utilisation d’outils de gestion qui permet de contrôler les activités de l’entreprise. Il le met au courant des décisions stratégiques envisageables. Le pouvoir de décision appartient toutefois au dirigeant, quel que soit son niveau de compétence à gérer son affaire. Dans son activité de conseil, l’expert-comptable tiendra compte du comportement de l’entrepreneur. Une fois l’entreprise sur pied et sur les rails, son intervention sera ponctuelle. Elle va s’atteler en premier lieu à contrôler le respect des obligations déclaratives et à faire le suivi de la gestion. 

 

     1.2 L’enjeu relationnel avec le dirigeant d’entreprise 

 

Le rôle ou la place de l’expert comptable dans une petite entreprise n’est pas la même que dans une grande entreprise qui est dotée de structure et de moyens. Auprès des TPE PME, ce conseiller « spécial » tient un rôle d’accompagnement dans des activités qui pourraient être réalisées en interne. On parle de conseil de proximité puisque l’expert-comptable fait pratiquement partie de la famille, il est associé à l’entreprise dès sa création. Ses prestations sont moins formelles, ce qui lui permet d’amener le dirigeant entrepreneur à accepter des contraintes comme l’instauration de procédure de gestion ou de décision. Le côté informel rassure. Le rôle d’accompagnement de l’expert-comptable évolue toutefois en fonction des besoins et surtout du développement de l’entreprise. 

 

La relation entre les deux-parties se développe en fonction des prestations de plus en plus spécifiques. Le package tout en un de la TPE ne conviendra plus à une PME de 100 salariés. La tenue de la comptabilité n’est plus assurée par l’expert-comptable dont l’intervention sera plus orientée vers le contrôle et la stratégie. Il ne sera plus un accompagnateur mais un consultant à qui l’on demande un avis sur une question difficile ou avant une décision importante. Tant que l’entreprise est de petite taille, à dimension humaine comme l’on a coutume de dire, la relation entre l’expert-comptable et le dirigeant d’entreprise est importante. D’une part, il y a les aides techniques apportées sous différents aspects de la gestion. D’autre part, il y a le lien de proximité à entretenir. L’expert-comptable doit avoir une capacité d’écoute et de communication importante dirigée vers le chef d’entreprise. Cet accompagnement ne serait que psychologique mais il est déterminant puisque le comportement du dirigeant influe directement sur la vie de l’entreprise. 

 

L’existence de la lettre de mission qui définit les relations entre l’expert-comptable et son client laisse penser que leur rapport est formel. Dans la pratique, l’expert-comptable est obligé d’associer les procédés communs à toutes les petites entreprises à la réalité et aux comportements observés au sein de la TPE PME cliente. L’étendu de son intervention peut dépasser ce qui a été prévu au départ. Dans la lettre de mission sont précisées les obligations de chacun, à savoir les missions de l’expert d’un côté, les informations fournies par le dirigeant d’un autre côté. Les honoraires de l’expert sont spécifiés dans ce « contrat ». Demander à un dirigeant de TPE de payer plus puisque le conseil ou l’intervention a dépassé ce qui est écrit dans la lettre de mission détériorera la relation entre les deux parties. L’expert-comptable ne doit cependant pas se mettre à l’entière disposition de son client. Par ses conseils, il donne au dirigeant de la confiance et surtout de l’autonomie. La mission de l’expert-comptable n’est pas figée. Par exemple, si la mission était au départ la vérification de la comptabilité et la fiscalité, suite à une situation de crise, l’expert doit s’occuper de l’ensemble de la tenue de comptabilité. 

 

La relation entre l’expert-comptable et le dirigeant d’entreprise peut aussi évoluer en même temps que la technologie. L’utilisation d’Internet a par exemple permis de transmettre en ligne, sur le site de l’expert-comptable, les informations comptables jadis à transcrire à la main sur un bordereau. Cette communication par machine interposée n’enlève rien à la proximité entre les deux personnes, à part l’absence de contact direct avec la personne  physique qu’est l’expert. Pour établir les payes, le dirigeant envoie les informations à l’expert qui les traitent avant de les renvoyer. Tous ces échanges sur la toile se font en toute confidentialité avec un niveau de sécurité très élevé. 

 

  1. La mission de l’expert-comptable en période de crise 

En tant qu’accompagnateur et conseiller privilégié du dirigeant d’entreprise, depuis la genèse du projet de création de l’entreprise jusqu’à sa transmission, l’expert-comptable intervient dans des problématiques plus large que le domaine comptable. Il est un lien entre la TPE PME et son environnement. Ce conseiller compense dans plusieurs domaines de compétences les lacunes que représente le fait que les petites entreprises sont très peu structurées ou ne le sont pas du tout. En temps de crise, il rompt l’isolement du chef d’entreprise et permet à ce dernier d’avoir une réflexion avec une tierce personne. L’expert-comptable peut ne jouer à ce moment-là qu’un rôle d’interlocuteur qui donne son avis si l’entrepreneur a bien fait ce ci ou n’a pas bien fait cela. 

Cet accompagnement peut s’illustrer dans les différents aspects de la gestion de l’entreprise. Par exemple, le dirigeant demande à l’expert quand est-ce que l’entreprise doit procéder à des licenciements, quelles sont les formalités administratives et les obligations à respecter. Le conseil peut concerner des activités purement opérationnelles comme la gestion des stocks à un moment où la trésorerie ne se porte pas bien ou la demande fléchit. La nature des interventions de l’expert-comptable est en fonction du besoin du moment formulé par le dirigeant de TPE PME. Naturellement plus proactif que son interlocuteur, l’expert est susceptible de prodiguer ses conseils quand il juge nécessaire ou quand il estime que le chef d’entreprise doit prendre une décision.  

L’expert-comptable doit-il suivre le dirigeant de l’entreprise dans le comportement qu’il adopte ou peut-il le persuader de changer. Ce qui est complexe avec la crise c’est qu’elle provoque un comportement inhabituel alors que cela n’a pas lieu d’être, d’un côté, elle nécessite un autre comportement alors que le dirigeant n’a pas la motivation ni le simple souhait de changement. L’enjeu est donc de faire adopter au dirigeant d’entreprise le bon comportement. Cette mission d’appréciation est vouée à l’expert-comptable. 

Toujours dans le cadre de la crise, un entrepreneur peut être tenté de faire acquisition d’une petite entreprise. L’opération ne peut se faire sans le concours d’un expert-comptable chargé d’évaluer l’entreprise à acquérir.  Celui-ci fait un audit des comptes et aussi des autres aspects de la gestion de l’entreprise. Il collaborera avec l’avocat dans la rédaction du contrat d’acquisition. L’expert est aussi présent dans le cas de mise en vente de l’entreprise. Une entreprise à vendre dans une période de crise n’est pas forcément en mauvaise santé économique. Le dirigeants de type CAP cherche à rentabiliser leur entreprise, que celle-ci soit une création ou une précédente acquisition, afin de faire du profit. Une entreprise qui bénéficie de l’évolution positive du marché prend de la valeur. 

La crise pousse certains dirigeants d’entreprise à transmettre l’œuvre de leur vie. Ce phénomène s’explique par l’âge – plus de 50 ans, et le sentiment d’avoir gagné le droit de se reposer au lieu de se lancer de nouveaux défis. Le chef d’entreprise demande alors s’il faut faire une donation, avec réserve d’usufruit, à leurs enfants, en raison de l’avantage fiscal qui y est attaché. La dimension fiscale est importante, mais il faut attirer l’attention du client sur le fait que cette situation peut poser des difficultés par la suite, les enfants pouvant être amenés à modifier leurs positions par rapport à l’entreprise. Il faut donc donner les différentes dimensions au chef d’entreprise. C’est à ce dernier de prendre le risque ou non. 

 

L’expert-comptable qui généralement connaît le dirigeant et l’entreprise, depuis de nombreuses années, sera sollicité pour donner son avis sur les solutions proposées. Il doit se contenter de présenter les avantages et les inconvénients des différentes solutions. A partir du moment où des éléments personnels et non des éléments purement quantitatifs (comme le choix entre un emprunt et un crédit-bail) sont en jeu, seul le dirigeant est en mesure de décider. L’expert-comptable indique au dirigeant ce qu’il peut ou ne peut pas faire, dans sa situation. Il met l’entrepreneur dans un contexte où celui-ci puisse prendre une décision en connaissance de cause.

 

La crise peut mettre en péril la position concurrentielle de l’entreprise sur son secteur d’activité. Elle remet en cause les objectifs de l’entreprise, le niveau de profit et même sa survie. L’utilisation extraordinaire et soudaine de ressources dans le but de gérer la crise entame le profit. La limite des ressources disponibles et le coût prohibitif de la résolution d’une crise ralentit la croissance de l’entreprise et met en danger sa pérennité. Pour toute organisation qui n’est plus à même de mettre en œuvre ses objectifs stratégiques, la crise représente un enjeu important. 

 

En période de crise, la TPE PME est en position d’infériorité quand il s’agit de négociation. Elle souffre du manque de structure qui ne favorise pas la confiance des partenaires et des investisseurs. L’expert-comptable apporte une certaine garantie sur la viabilité du projet. Il intervient en faveur du dirigeant d’entreprise dans la recherche de financement. 

 

EX 

 

L’expert-comptable conseille le dirigeant d’entreprise sur les actions susceptibles de l’aider à améliorer la situation. Il peut prendre contact avec un fournisseur important  pour obtenir des facilités de trésorerie plus grandes. Il peut accompagner le client dans les démarches si celui-ci le souhaite. Un dirigeant qui entreprend une démarche auprès de son principal fournisseur peut obtenir des délais de paiement plus importants. Mais c’est rarement acquis puisque parfois, le fournisseur peut se raviser et exige que tout soit payé à 30 jours. La TPE PME doit donc prendre des mesures pour que les partenaires puissent accorder les facilités demandées.

 

La frilosité des banques est encore plus accentuée quand il s’agit de TPE PME. Non renouvellement des concours bancaires actuels et/ou rupture, refus de nouveaux prêts ou de nouveaux crédits (pour consolidation de découverts ou financement nouveaux investissements), retard dans les paiements des échéances d’emprunts bancaires, refus du banquier de rééchelonner les emprunts bancaires en cours sur une durée plus longue pour réduire le montant des échéances, réduction des encours d’escompte, augmentation des taux… apparaissent à la fois comme symptômes et conséquences de la crise. En réponse, l’expert-comptable établit une situation prévisionnelle prudente et documentée avec les hypothèses retenues. Il participe à l’élaboration du dossier de financement pour le crédibiliser.

 

A chaque entreprise correspondent des symptômes et des difficultés. Les manières de les prévenir relèvent de l’appréciation de l’expert-comptable. Le chef d’entreprise a tendance à ne pas regarder la vérité en face, faisant un déni de réalité. Selon une croyance très répandue, anticiper la résolution des difficultés amènerait à en donner une diffusion susceptible de créer une difficulté plus grande encore. Prévoir les difficultés c’est d’abord les répertorier en évaluant les risques. Il y a en ensuite les mesures préventives qui permettent de cerner le problème quand les symptômes apparaissent. Dans le cas où le problème est effectif, des procédures prédéfinies ou des réponses sont à la disposition du dirigeant. Les experts-comptables ont à leur disposition « un outil de diagnostic des risques » pour réagir encore plus rapidement en cas de problème chez leurs clients. 

 

L’expert-comptable intervenant de façon régulière dans l’entreprise va mettre en place les outils de prévention pour faire face à la crise. Il s’agit de signaux  pour déceler d’éventuels dérapages en matière de trésorerie. Ces outils de gestion doivent permettre d’anticiper les difficultés que peut rencontrer l’entreprise. Il faut d’abord que de tels outils soient acceptés par le dirigeant. Sa proximité avec l’entrepreneur et sa familiarité avec l’entreprise permet à l’expert-comptable d’être le premier à savoir que des difficultés sont rencontrées. Il est informé par les repères qu’il a mis en place avant même qu’un diagnostic structuré soit établi. Lors d’une déclaration à l’URSSAF, il peut se rendre compte que le client ne dispose pas de la trésorerie nécessaire. Est-ce qu’il s’agit d’une difficulté passagère, quelles en sont les causes et les conséquences, quelle décision prendre si cela risque de se reproduire. L’expert-comptable apporte des réponses à ses questionnements autour d’une difficulté constatée avant que le mal ne se propage.  

 

     3 Stratégie de réponse à la crise 

    3.1- Les orientations proposées par le corps des experts-comptables 

Le corps du métier d’expert-comptable propose des indications stratégiques aux TPE PME pour faire face à la crise. Il s’agit d’orientations à prendre pour surmonter les types récurrents de difficulté. Cela montre que les petites entreprises peuvent aussi être considérées comme une entité homogène. La diversité ne peut cependant être mise totalement de côté. Et c’est à chaque expert-comptable de conseiller son client en fonction des réalités de l’entreprise et aussi des aspirations du dirigeant. Il est le seul à même de faire une analyse personnalisée. 

Pour un retard dans les paiements des dettes fiscales et sociales, La TPE PME doit demander un étalement de ses dettes sur 36 mois à la Commission des Chefs de Services Financiers (CCSF) de la Trésorerie Générale au niveau du Département. Le traitement est accéléré grâce à un dossier simplifié. 

 

Pour régler le retard dans les échéances des emprunts bancaires, la TPE PME doit prendre rendez-vous auprès de la cellule Prévention ou Secrétariat du Président du Tribunal de Commerce pour orientation. Elle fait une demande de Mandat ad hoc (ou conciliation) qui sera confidentiel et ne sera pas mentionné sur l’extrait Kbis, pour étalement de l’emprunt bancaire restant avec impayés sur une durée 7 ans, 10 ans. Toujours auprès du président du Tribunal de commerce, le dirigeant peut faire une dénonciation des concours bancaires dans un délai de 60 jours maximum pour trouver une solution. 

 

Afin de faire face à une dégradation de la cotation fournisseurs, en raison d’une réduction des délais de paiement par ces derniers ou refus de livrer, la TPE PME peut se tourner vers les pouvoirs publics pour obtenir un financement « exceptionnel ». Le plan de soutien PME OSEO offre des solutions en la matière. Le dirigeant de la petite entreprise peut faire la même démarche pour ses problèmes de trésorerie dus à des délais de paiement des clients qui s’allongent ou à des impayés clients. 

 

3.2 Les outils  

Si les experts-comptables ont pour mission d’intégrer un outil de gestion dans les TPE PME, la crise a révélé la nécessité d’outils spécifiques pour prévenir les difficultés en identifiant les symptômes. Pour les TPE, il est possible d’évaluer le niveau de difficulté de l’entreprise et de prendre une orientation adaptée selon que la situation soit préoccupante, grave ou très grave. Il s’agit de cotation des relations avec les tiers, à savoir la banque, les clients, les fournisseurs et les administrations fiscales/organismes sociaux. 

 

Un appel journalier pour faire accepter un chèque, le refus de payer le chèque, la suppression de concours bancaires, seront des indicateurs indiquant que la relation avec la banque va du préoccupant au très grave. Pour la relation avec les clients, cela va des demandes de délai de paiement à la perte de clients importants en passant par la difficulté de relancer. Quant à la relation avec les fournisseurs, l’augmentation du délai de règlement de la dette entraîne une situation plus grave qu’est le refus de livrer sous condition de paiement, pouvant aller jusqu’à l’injonction de payer ou assignation. Enfin, pour ce qui est de la relation avec les administrations fiscales et les organismes sociaux, que ce soit le retard de règlement, le non respect des échéanciers, le retard face aux obligations fiscales et sociales, les inscriptions de privilège sont des indicateurs pouvant être côtés préoccupants, graves et très graves. 

 

Que la situation de l’entreprise au travers des difficultés rencontrées, soit préoccupante, grave ou très grave, l’intervention de l’expert-comptable en tant que conseil est recommandée. C’est lui qui va proposer au dirigeant, les solutions adaptées aux cotations indicatives de l’entreprise. Si les difficultés ne sont pas encore importantes, prendre rendez-vous auprès du Centre d’information et de prévention (CIP) et engager des négociations ou des restructurations suffiront. Si le problème est déjà grave, l’entreprise doit se mettre en plus de cela en contact avec le président du tribunal de commerce ou de grande instance pour choisir une procédure à l’amiable et/ou une procédure de sauvegarde. Si la situation est déjà très grave, c’est l’état d’urgence. L’expert-comptable prépare avec le dirigeant la déclaration de cessation de paiement. Il propose des prévisionnels qui seront évalués par la chambre du conseil afin de déterminer la procédure à prendre, soit le redressement judiciaire, soit la liquidation judiciaire.  

 

Le dirigeant de TPE et ses conseils ont aussi à leur disposition un outil permettant de diagnostiquer rapidement les difficultés en se penchant sur le bilan et sur les comptes de résultats de l’entreprise. Afin d’analyser, l’évolution de l’analyse financière, les renseignements suivants sur renseignés par OUI ou NON, ou encore par des informations chiffrées pour analyser les écarts : capitaux propres négatifs ou comptes exploitants débiteurs, découverte bancaire, forte augmentation de dettes fournisseurs, fortes augmentation de dette fiscale et inscription de privilège. A partir des comptes de résultats, il est possible d’évaluer l’évolution de l’activité. La baisse du chiffre d’affaires, la baisse des marges, la baisse sensible des bénéfices et l’émergence de pertes sont analysés. Renseigner les indicateurs par OUI/NON permet d’avoir une idée du niveau de difficulté. Comme les indicateurs sont négatifs, une majorité de OUI veut dire que l’entreprise est en difficulté. Le recours à l’expert-comptable est nécessaire pour analyser le diagnostic cette-fois ci chiffré. 

Un outil presque similaire est à la disposition des PME. La différence vient du fait que ce type d’entreprise est plus structuré. Il y a d’autres indicateurs à prendre en compte comme la relation avec les salariés (analyse des démissions), la relation avec les créanciers privilégiés (déclaration, TVA inexacte ou non réglée, cotisation sociale inexacte ou non réglée, redressement significatif suite à un contrôle, redressement judiciaire). Un outil de diagnostic de la « Cotation de l’organisation » permet au dirigeant et à son conseil de prendre des mesures de restructuration et de chercher des financements. La qualité de cette organisation est appréciée à partir des fonctions principales de l’entreprise. Des critères qualitatifs adaptés aux dix principales fonctions de l’entreprise (outils de production, produits/service, clients, fournisseurs, salariés, organisation…) et une notation indicative permettent d’identifier les points faibles de l’entreprise pour les corriger et les points forts pour les renforcer. Les mesures de restructuration permettent d’atteindre l’organisation « idoine » dans les meilleures conditions de délais, de coûts et d’impact.

 

     3.3 La prévention, une considération humaine  

Prévenir c’est agir avant qu’il ne soit trop tard ! La crise met aussi en exergue l’importance des missions de prévention.  Dans plus de 90% des cas, la raison des dépôts de bilan dans les petites entreprises est la faute de gestion. La solution reste la prévention. Les dirigeants de société en difficulté financière ayant su tirer le meilleur parti des solutions, internes ou externes, à leur disposition, ont réussi à sauver leur entreprise dans plus de 90% des cas. Le Tableau de Bord est un outil intéressant car il apporte la connaissance des indicateurs clés, permet de faire une analyse et la mise en place d’actions correctives.  

Le  dirigeant peut se projeter et mieux anticiper son activité ; donc prévenir les risques. Seulement, cet outil symbole de la gestion moderne n’est pas utilisé dans les TPE. Certes, le dirigeant d’entreprise n’en voit pas l’utilité mais l’expert-comptable n’est pas sans reproche car il n’a pas su le convaincre à temps. Les utilisateurs de cet outil attendent un premier sinistre pour s’équiper. La crise est une occasion de relancer l’utilisation d’un tableau de bord par les petites entreprises, ainsi que les autres outils de diagnostic créés suite à la conjoncture et aux difficultés.

Le chef d’entreprise en difficulté attend qu’il soit dans l’impasse avant de faire appel à un conseil. Toute la difficulté est d’obtenir la bonne information du chef d’entreprise au bon moment. Il peut avoir tendance à ne pas se confier ce qui pourrait tromper l’expert-comptable. Pas de nouvelle, bonne nouvelle ? C’est loin d’être les cas. Quand un dirigeant n’appelle pas son conseiller, cela ne veut pas dire que son entreprise va bien. L’expert-comptable est appelé à s’impliquer un peu plus. Il est réactif quand un indicateur vire à l’orange : « Je vois que votre Chiffre d’affaires a diminué sensiblement, je voulais savoir quel est le problème afin de trouver une solution avec vous ». Des outils de pilotage, une production de compte dans un délai réduit, la vitesse de réaction est importante. 

L’expert-comptable a un rôle déterminant à jouer pour détecter les difficultés de leurs clients, les inciter à rencontrer le Tribunal de commerce et les accompagner en préparant le dossier. Les nouvelles procédures conventionnelles (mandat ad hoc et conciliation) favorisent la culture de l’anticipation. Elles sont simples, souples, souvent confidentielles et d’un coût très raisonnable. Leur taux de réussite excède 50%. Ce travail d’anticipation par les experts-comptables est un acte politique important. Ils ont un rôle citoyen essentiel en favorisant le dialogue pour la prévention.

 

CONCLUSION 

La particularité des TPE et dans une moindre mesure les PME est le fait que le propriétaire-dirigeant assume les principales fonctions managériales. Les deux formes d’entreprise se ressemblent par cette structure basée sur le dirigeant qui l’a créée et qui la développe. Les décisions de l’entreprise est associée à celle de la personne, il s’agit en particulier de travailleurs non salariés. Cette dimension humaine accorde beaucoup d’importance à l’analyse des comportements des TPE PME qui influent directement sur les décisions du gestionnaire.  Le dirigeant d’entreprise interagit avec son environnement et pour le comprendre, il faut tenir compte des processus par lesquels il prend des décisions. Faut-il encore que ce processus existe de manière rationnelle. Quoiqu’il en soit, l’irrationalité est aussi un paramètre à analyser. Dans les TPE, la culture du risque est très mesurée, les entrepreneurs poussés par leur optimisme et leur persévérance à réussir adoptent des comportements qui les guident dans la façon de gérer leur affaire. Ce n’est pas une question de traits de caractère ni de profil psychologique. Par contre, les systèmes de valeurs auxquels le dirigeant-propriétaire adhère influe sur leur manière diriger la TPE PME et le choix des orientations stratégiques. 

L’entrepreneur a trois aspirations dont l’ordre détermine son profil. Il est à la recherche de l’indépendance, de la pérennité et de la croissance. La logique économique est confrontée à des considérations familiales. L’entrepreneur « PIC » cherche avant tout à pérenniser son affaire en sauvegardant son capital tout en accumulant davantage. Indépendant, il ne souhaite pas étendre son affaire et refuse tout apport extérieur de capitaux. Le but de son entreprise n’est pas la croissance puisque le patrimoine le contente. A l’inverse, il y a des entrepreneurs « CAP » qui sont attirés par la croissance de ses activités. Ils cherchent à faire du profit rapide et n’hésitent pas à prendre des risques. Vendre son affaire n’est pas une obligation mais une opportunité de faire un bon coup. La pérennité de l’entreprise n’est pas une fin en soi. L’entrepreneur  se trouve souvent seul face à une décision, dans une situation d’urgence permanente mais qui est devenue cruciale, voire vitale, dans une période de crise. La défaillance ou la performance d’une TPE PME est liée au comportement de son dirigeant. Ce dernier, en raison de la faiblesse de la structure de son entreprise et de ses moyens limités, ne peut pas toujours affronter et dominer les situations par rapport à la conjoncture ou à la concurrence. La mission de l’expert-comptable est de rompre l’isolement du dirigeant et étant un interlocuteur qui va éclairer ce dernier dans les comportements à adopter. 

Face à la crise, les dirigeants de TPE PME peuvent adopter deux modes de management différent selon qu’ils aient un profil « PIC » ou « CAP ». L’expert-comptable en tient compte dans son rôle de conseil. Il ne s’agit pas d’imposer son point de vue et de contredire l’entrepreneur dans ses aspirations, mais plutôt d’aider celui-ci à prendre les meilleures décisions et adopter la meilleure stratégie en fonction du but qu’il s’est fixé dans son entreprise. L’expert comptable aide donc le dirigeant à devenir un bon entrepreneur, celui dont le comportement consiste à provoquer les choses par une initiative. Sinon, l’expert-comptable assiste le dirigeant pour que celui-ci soit un bon gestionnaire en utilisant les ressources existantes tout en les conservant. L’accompagnement consiste à saisir les bonnes opportunités. L’entrepreneur dans l’âme agit vite et essaie de saisir l’opportunité sans une analyse rationnelle des ressources, contrairement au gestionnaire qui prend son temps afin de les utiliser de manière efficiente. 

 

La mission principale de l’expert-comptable reste le cœur de son métier : aider la TPE PME à mettre en œuvre une stratégie afin de permettre à l’entreprise d’avoir des résultats financiers dans la durée. Une exception à la règle serait la volonté du propriétaire dirigeant de vendre son affaire et que la mission d’accompagnement consiste à donner à l’entreprise des arguments attractifs. La conjoncture de la crise pousse en effet de nombreux entrepreneurs à abandonner leur activité pour en changer. La durée de l’engagement du dirigeant de TPE PME est très aléatoire. L’accompagnement de l’expert-comptable devient permanent mais évolutif. Ses interventions répondent aux exigences de la conjoncture autant qu’au besoin de l’entreprise. Sa mission est de convertir les dirigeants à un mode de gestion plus moderne qui est ouvert sur l’environnement. L’expert-comptable est amené à convaincre d’abord de l’utilité de recourir à des financements extérieurs avant d’initier la phase d’aide pour en trouver dans les meilleures conditions. La stratégie informelle et intuitive de l’entrepreneur doit faire place à une planification plus élaborée et pérenne. 

 

La crise modifie le comportement stratégique qui peut aller dans un bon sens ou dans un mauvais. Charge à l’expert-comptable de l’évaluer. En tant qu’analyste, il doit trouver le côté rationnel d’une décision prise par le dirigeant de TPE PME. Il est en mesure de comprendre un comportement quelconque reconnaissant que l’entrepreneur avait des raisons, bonnes ou mauvaises, d’agir ainsi dans une situation donnée. La mission de l’expert-comptable est néanmoins d’aider l’entreprise à faire bien et mieux dans ses activités et non pas seulement en comptabilité. Il n’impose pas une solution mais a la responsabilité d’éclairer le choix de dirigeant accompagné en présentant les inconvénients et les avantages. Mis en connaissance de cause, le dirigeant est à même de prendre la meilleure décision. Par ailleurs, la mission de l’expert-comptable a comme limite les facteurs personnels de la décision du chef d’entreprise. Cela ne veut pas dire qu’il ne doit rien imposer. Au contraire, des choix techniques et parfois stratégiques en matière comptable ou financière restent l’apanage de l’expert-comptable. Ce dernier ne peut cependant contraindre son « client » qui est le premier responsable de son entreprise. 

 

Faire accepter par le dirigeant de TPE PME ce qu’il doit faire ou ne pas faire est un challenge dans la mission de l’expert-comptable, en particulier quand les comportements les moins attendus apparaissent en fonction de la conjoncture de la crise. L’enjeu est dans la mise en place de signaux pour détecter les dérapages en matière de trésorerie en insistant sur la cause des défaillances et pas seulement les conséquences. L’expert-comptable est le premier à prévoir les difficultés de la TPE PME en analysant les comportements du dirigeant. Le succès de la stratégie mise en œuvre, et par conséquent les bon résultats financiers, est lié à l’implication du dirigeant à travers ses comportements. L’analyse des indicateurs financiers est accompagnée par la prise en compte des facteurs humains. Le cahier des charges de la mission de l’expert-comptable auprès des TPE PME doit-il tenir compte de ces missions non classiques dans le domaine du conseil et de l’accompagnement ? Pourquoi pas s’il s’agit d’une mission spéciale sur une période déterminée puisque l’on ne peut pas admettre, rien qu’au nom de l’optimisme de l’entrepreneur, que la crise soit une situation permanente. La finalité de sa mission de l’expert-comptable est d’aider le dirigeant à anticiper des bonnes décisions qui serviront aussi de balises en matière de comportement. Le caractère imprévisible et évolutif des comportements des TPE PME et de la conjoncture est amené à être maîtrisé par un processus de prévision pour que l’expert-comptable ne devienne pas un « permanent ».  

  

BIBLIOGRAPHIE : 

 

BAUER, M. (1995), « PME: un patronat aux trois visages », Sciences Humaines n°48, mars 1995

BENTABET E., MICHUN S. et TROUVE P. (1999), Gestion des hommes et formation dans les très petites entreprises, Étude no 72, Céreq.

ETRILLARD, C. (2004), “Stratégie et PME : Peut-on parler de « Stratégies entrepreneuriales » ? ”, XIII. Conférence de l’AIMS, Normandie Vallée de Seine, p. 26.

 

JULIEN, P.A., MARCHESNAY, M., (1992), “Des procédures aux processus stratégiques dans les PME”, Noel, A. (sous la direction), Perspectives en management stratégique, Tome I :1992/1993, ECONOMICA, Paris,

 

JULIEN, P.A. et M. MARCHESNAY, La petite entreprise, Editions Vuibert, 1988  

MARCHESNAY M. (en collaboration avec JULIEN P.A.), -The small business as a transaction space

-, in Journal of entrepreneuship, vol. 2, 1990.

MICHOUD G. Diagnostic : comportements managériaux et performances financières en PME, Article de thèse de doctorat, Université Pierre Mendès France, Grenoble II (1995)

MILES, R.E., SNOW, C.C. (1978), Organizational strategy, structure and process, McGraw-Hill, New York.

PATUREL, R. (1998). Pratique du management stratégique dans les PME-PMI. PME-PMI: le métier de dirigeant et son rôle d’agent de changement. ISEOR. Paris, Economica.

PLANE J M., TORRES O., Le recours au conseil est-il un processus dénaturant pour la PME ?, ERFI, Université Montpellier I

TORRES,  O, Pour une approche contestable de la spécificité de la PME, ERFI, Université Montpellier I

 

Articles : 

WHY ENTREPRENEURSHIP HAS WON! Howard H. Stevenson, Harvard University, Coleman White Paper, February 2000

Une nouvelle classe d’actifs accessible aux épargnants : les entrepreneurs à fort potentiel ! Par Emmanuel GAUDE, associé chez Starquest Capital et Matthieu LANGEARD, associé chez Human Equity, http://www.in-business.fr

 

Nombre de pages du document intégral:44

24.90

Retour en haut