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Les Rites de Communion : Un Chemin vers l’Unité, la Paix et la Réconciliation dans l’Eucharistie

 

 

 

Introduction

 

 

L’Église nous enseigne que l’Eucharistie est le sacrement par excellence où Dieu manifeste de façon inéluctable sa présence et son amour pour le salut des hommes. Elle est le centre et le sommet de toute la vie chrétienne.[1] En participant à l’Eucharistie, les chrétiens sont appelés à prendre conscience de leur filiation divine, de leur vocation baptismale à témoigner de l’unité dans le Christ et à vivre dans la concorde et la paix. L’unité, la paix et la réconciliation ont toujours été des desseins poursuivis par l’Église depuis les premières communautés chrétiennes en s’appuyant sur les paroles mêmes de son fondateur : « Quand donc tu présentes ton offrande à l’autel, si là, tu te souviens que ton frère a quelque chose contre toi, laisse-là ton offrande devant l’autel et va te réconcilier avec ton frère, puis reviens et alors présente ton offrande » (Mt 5, 23-24)

 

St Luc, dans les Actes des Apôtres, a décrit ce que devrait-être la communauté modèle des croyants : « La multitude des croyants n’avait qu’un cœur et qu’une âme. Nul ne disait sien ce qui lui appartenait mais entre eux tout était en commun » (Ac 2, 32-34). C’était l’idéal proposé, le mode de vie à vivre en guise de témoignage de son appartenance au Christ et de son adhésion à la vie nouvelle dont le rite de la fraction du pain en est le socle et le moteur. C’est donc un but poursuivi par l’Eglise jusqu’à nos jours dans de multiples dispositions particulièrement dans les rites de communion.

 

En effet, pour  bien vivre l’Eucharistie, il y a tout un rituel à déployer. Depuis le rite d’entrée jusqu’aux rites de communion, le peuple de Dieu rassemblé est invité à se préparer pour vivre la rencontre avec le Seigneur dans la piété, la méditation, la conversion et la réconciliation. La communion des fidèles, pour ainsi dire la réconciliation entre eux est aussi favorisée par des allocutions performatives, le silence, par des signes et des gestes, des chants et des prières particulièrement déployés depuis le début de la prière eucharistique jusqu’au renvoi.

 

Le pape Benoit XVI faisait remarquer dans son encyclique Sacramentum Caritatis que «  l’histoire bimillénaire de l’Église de Dieu est marquée par le développement harmonieux, ordonné dans le temps des formes rituelles par lesquelles nous faisons mémoire de notre salut. Au cours des premiers siècles, les rites de communion  ont été célébrés sous des formes multiples en passant par les rites des antiques églises d’Orient à la diffusion du rite romain ».[2]

 

Si l’Eucharistie est par nature, le sacrement de l’unité, de la paix et de la réconciliation avec Dieu et avec les frères entre eux, comment les rites de communion, particulièrement, contribuent-ils à faire entrer les fidèles dans cette démarche de réconciliation ? L’intérêt d’une telle question porte sur un enjeu pastoral particulier pour dégager les intuitions ou les retombées de l’Eucharistie dans la vie concrète de ceux qui y participent régulièrement, surtout en Haïti ce coin de terre qui m’a vu naitre. Cette portion de terre, très hospitalière est ravagée par des divisions de toutes sortes, et que notre foi ; encore plus notre consécration à la sequella Christi nous interpelle à œuvrer pour la paix et la réconciliation dans l’intérêt de tous. Notre démarche constituera dans la première partie à décrire les rites de communion, à montrer quelles sont leurs origines et ce qu’ils signifient pour nous aujourd’hui : Le Pater Noster ou l’Oraison dominicale, le Baiser de Paix, l’Agnus Dei et la fraction du pain, la communion du prêtre, l’administration de la communion aux fidèles, la fin de la communion et la purification. Ensuite nous essayerons d’analyser le résultat d’un tel rite, les fruits qu’il peut engendrer dans cette démarche. Enfin, dans la dernière partie, nous essayerons de comprendre comment se manifeste la réconciliation grâce au rituel et analyserons la concélébration eucharistique dans une perspective de l’acceptation de l’autre dans la fonction ecclésiale, comme une marque de réconciliation.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

PARTIE I : ETUDE DIACHRONIQUE DU RITE DE COMMUNION

 

  1. La communion

 

  1. Cycle de communion : approche sémantique

 

Il existe de nombreux termes pour désigner le sacrement de l’eucharistie aujourd’hui tel : sacrifice ou sacrifice eucharistique, repas du Seigneur, messe, eucharistie etc… Au départ, les textes bibliques portant directement sur l’Eucharistie mettaient plutôt en exergue la dimension de «  Repas, Fraction du pain» plus que celle de sacrifice. Cependant, dès l’Eglise naissante on note un lien viscéral entre les deux, si bien qu’il parut donc impensable de prendre part à l’un sans prendre part à l’autre.

Tout au cours de notre réflexion il arrive que nous employons l’une ou l’autre expression qui pour nous substantiellement traduit la même réalité, sans omettre les nuances historiques de manière étymologique. De tous les sacrements de l’église, l’Eucharistie demeure le sacrement par excellence qui rassemble le plus grand nombre de fidèles. L’eucharistie fait l’Eglise, c’est aussi l’église qui fait l’eucharistie, nous dit Henri de Lubac. C’est par ce sacrement que le peuple de Dieu exprime et nourrit sa foi, un sacrement qui donne de vivre l’amour inconditionnel du Père pour l’humanité par le don de son Fils en sacrifice. En nous donnant sa chair à manger pour avoir la vie éternelle.

Un amour qui va au- delà des attentes humaines et qui provoque de la stupéfaction pour plus d’un ; Un fait qui dépasse toute construction intellectuelle, qui dépasse l’entendement humain. Si bien que ce fait a provoqué le doute chez les pharisiens : « Comment est-ce qu’Il peut nous donner sa chair comme nourriture ? » (Jn 6, 52b). Les disciples de Jésus pourraient se trouver dans la même situation que les juifs, s’ils n’étaient pas pendant longtemps à son écoute. Que dirions-nous des chrétiens de notre temps, au milieu d’un monde, ou tout est remis en question ? Il y a lieu de penser  que notre doute serait plus grand et pour l’éviter il faut tisser de meilleurs rapports avec le Seigneur et avec nos semblables. L’Eucharistie est un mystère à vivre.

 

  1. La notion de repas

 

Dans toutes les cultures, la pratique du repas est l’une des choses les plus instables, les plus variées. Ainsi l’eucharistie, l’un des sacrements d’initiation n’en est pas exempt, son appellation initiale ne fut pas «Messe, ou Eucharistie » mais plutôt « le repas du Seigneur », ou la « fraction du pain ». La diversité du repas à travers chaque culture offre l’opportunité de convivialité, de l’humanisation, de  socialisation d’une manière ou d’une autre Partager une même table, partager le pain réclame un minimum de relations humaines, de conception etc…Si des liens précités n’existaient pas au préalable, le partage du repas les forge, les crée.

Notons que le repas du Seigneur est hors du commun, il est loin d’être un élément nutritif utile au bon fonctionnement des organes physiologiques. Au-delà de celui-ci, il est la nourriture de l’âme. Saint Paul nous l’explique aisément dans sa lettre aux Corinthiens tout en condamnant leur gloutonnerie : « Lors donc que vous vous réunissez en commun, ce n’est plus le repas du Seigneur que vous prenez. Dès qu’on est à table en effet, chacun prend son propre repas … » (1 Co 11,20-23). Le repas du Seigneur  invite au partage, à la solidarité, à développer le sens de l’altruisme.

En effet, le repas eucharistique est l’institution du Christ Lui-même, comme nous le dit si élégamment le document conciliaire Sacro Sanctum Concilium : « la veille de sa passion, notre sauveur à la dernière Cène, la nuit où il fut livré, institua le sacrifice eucharistique de son Corps et de son Sang pour perpétuer le sacrifice de la croix au long des siècles, jusqu’à ce qu’Il vienne, et en outre pour confier à l’Eglise, son Epouse bien-aimée, le mémorial de sa mort et de sa résurrection : sacrement de l’amour, signe de l’unité, lien de la charité, banquet pascal dans lequel, le Christ est mangé, l’âme est comblée de grâce, et le gage de la gloire future nous est donné»[3]

 

 

  1. La commixion

 

 

Au moment de rompre le pain (pendant que l’on chante : l’Agneau de Dieu), le président de la messe met une parcelle d’hostie dans le calix, ce geste est communément appelé : Commixion. La commixion  n’est autre que la réunion du corps et du sang du Christ dans le calice, le morcellement en vue de la communion des fidèles pour leur salut. Un geste qui ne fait pas unanimité dans toutes les églises particulières non plus et a connu certains changements à travers le temps. Quelques fois ce geste est précédé de trois signes de croix sur le calice.  Dans les Ordines Romani on trouve cette mention dite à voix basse : «  Fiat commixtio et consecratio corporis et sanguinis D.N.J.C. accipientibus  nobis in vitam aeternam. Amen ».[4]  L’immixtion fut fixée sous l’influence d’Amalaire au Pax Domini au cours des premiers siècles. Elle symbolisait la puissance unificatrice de l’eucharistie s’exerçant à travers l’espace, le rite, en soi modeste de la commixion. La simplicité de ce geste  peut le rendre anodin, pour autant il n’est pas vide de sens.

 

 

Quid de l’immixion

 

  • Elle est : Signe de l’unité interne du sacrement sous les deux espèces.

 

  • Y gagne un reflet du sens plus riche et plus vaste attaché au fermentum, une aptitude à signifier aussi la communion d’Eglise à Eglise. C’est aussi le symbole d’unité de l’église particulière avec l’église diocésaine. L’idée qui est en ligne directe avec la formule même du  Pax Domini.

 

En fait, l’immixtion exprime l’unité du don du Christ-Corps livré et sang versé pour le salut du monde. Selon Amalaire, dans les Eglises où le célébrant était tenu à réciter l’Agnus Dei, il plaçait la commixion à l’instant de la communion ou du moins après le baiser de paix et le fractionnement  en vue de la distribution aux fidèles ; pour Durand, c’est un acte de dévotion de la part des prêtres.[5]

 

 

 

  1. Les derniers rites avant la communion

 

 

[1] LG 11

[2] Benoit XVI, Sacramentum Caritatis,  no 3.

[3] Sacrosanctum Concilium,  47

[4] Jungmann Joseph A, op. cit, p.242.

 

[5] Idem, p. 248.

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