Les Soins à Médiation Animale en Psychiatrie : Réflexion sur l’Équithérapie et son Impact sur la Pratique Infirmière
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ROCHARD –GIBON Valérie |
L’équithérapie, le cheval comme médiateur thérapeutique, auprès des patients atteints de troubles psychiatriques. C’est une activité à médiation thérapeutique, « un soin psychique fondé sur la présence du cheval comme médiateur thérapeutique et dispensé à une personne dans ses dimensions psychiques et corporelles. ».
INTRODUCTION
Avant d’intégrer l’IFSI d’Angers, j’ai travaillé 10 ans en tant qu’Aide-Soignante dans des services de psychiatrie, entre autres auprès de patients atteints de déficience mentale. Dans le cadre de la formation continue, j’ai suivi la formation « Equithérapie : mise en place de la médiation ». Par la suite, j’ai donc pu mettre à profit les connaissances apportées auprès de patients polyhandicapés, de service psychiatrique, en tant qu’aide-soignante.
Au cours de ma formation à l’IFSI, j’ai réalisé un stage en service d’adolescents. Ce service accueillait des adolescents en grande souffrance psychologique, surtout des patients anorexiques. Des activités à médiation thérapeutique y étaient proposées telles que le dessin, l’écriture… Toutes ces activités avaient un but thérapeutique. Par exemple, l’atelier esthétique chez une patiente anorexique, avait un intérêt sur le travail par rapport à l’image du corps.
Au cours de ces expériences professionnelles, je me suis rendue compte de l’importance des activités à médiation thérapeutique qui me paraissent être un soin à part entière. Ceux-ci font partis intégrante des compétences infirmières, au même titre que les soins techniques. Je ne développerais pas dans ce Tfe toutes les activités à médiation thérapeutique…. Mais la médiation par l’animal et plus particulièrement le cheval.
Ce qui m’a marquée le plus dans cette activité, c’est la relation qui se crée entre le patient et le cheval ainsi que la différence de comportement du patient en dehors de l’institution. C’est aussi un moment privilégié entre le patient et le soignant. De ce fait, une relation triangulaire peut se créer entre le soignant, le patient et le cheval. Certes, le cheval est un animal mais un être vivant qui a aussi des émotions par exemple, avec des qualités et son propre mode de communication. . Celles-ci ne font pas de lui un thérapeute dans le sens propre, mais un outil utilisé par une équipe pluridisciplinaire à visée thérapeutique. De plus, depuis une quinzaine d’années maintenant, nous avons créé, avec mon mari, notre propre écurie de chevaux. D’un point de vue personnel, sans pouvoir l’expliquer, les chevaux sont une ressource pour moi et contribue à mon bien-être dans certains moments.
Les soins à médiation animale ne sont pas formellement inclus dans la liste d’actes infirmiers. Pourtant, les activités socio-thérapeutiques font partie des actes réalisables en santé mentale ; et les soins à médiation sont des activités socio-thérapeutiques. Article R4311-6 du Code de la Santé Publique explique bien que « dans le domaine de la santé mentale, l’Infirmière accomplit les actes de soins suivants : « activités à visée socio thérapeutique individuelle ou de groupe »
Dans le cadre de mon projet de recherche, j’espère pouvoir renforcer ma réflexion sur ce soin et sa thérapie associée. Je souhaite savoir quel est l’impact sur la pathologie mentale et la vie des patients et porter cette réflexion autour de ma future pratique professionnelle infirmière. Avec ce Travail de Fin d’Etudes, je souhaite y apporter des compléments de réponses, comprendre l’intérêt du soin par le cheval et faire le lien entre les soins infirmiers et l’équithérapie. Le constat sur ma situation décrite ci-dessous et mon expérience personnelle m’a donné envie d’en savoir plus sur cette technique à médiation.
C’est pour cette raison que je me suis intéressée aux soins à médiation animale. J’ai souhaité savoir si les effets que j’ai eu l’occasion d’observer pouvaient trouver des applications dans les soins infirmiers. J’ai donc cherché à définir les soins à médiation animale et ses effets relatés dans la littérature sur les plans psychique, physique et social. Ensuite, j’ai consulté les textes législatifs pour connaitre le cadre légal de ce soin et savoir s’il pouvait s’intégrer à la pratique infirmière. Pour finir, j’ai mené une enquête de terrain auprès d’infirmiers hospitaliers travaillant dans divers secteurs, cela afin de pouvoir faire une confrontation et un rapprochement entre la théorie et la pratique.
Situation d’appel :
La situation d’appel que je présenterai dans le cadre de ce travail de recherche concerne la prise en charge d’une patiente âgée de 40 ans. Elle a été admise en secteur psychiatrique depuis l’âge de 4 ans. Cette patiente a des manifestations autistiques et souffre de psychose infantile. Elle présente une physionomie enfantine, bras tenus vers l’avant avec ses paumes de mains vers le haut. Par ailleurs, elle marche à petits pas, le dos voûté dans une position de repli. Pendant ses mouvements, sa tête est baissée et elle regarde le sol avec des regards furtifs sur les côtés. Au niveau de son comportement, la patiente est agitée avec une absence de communication verbale, auto et hétéro-agressivité (gifles, griffures) et un comportement antisocial (isolement dans une salle, peu de contact, prend la fuite dès lors que l’on rentre dans son périmètre, très ritualisée dans sa vie quotidienne). Je l’emmène en atelier équithérapie. Le but de cet atelier pour Mme.X est la socialisation avec l’animal et le monde extérieur ainsi que la psychomotricité. L’approche du cheval est très positive pour elle : elle le caresse, le brosse, tient la longe pendant la promenade, sait donner un morceau de carotte. Au niveau de son comportement, elle ne manifeste aucun signes d’agressivité (ni envers elle, ni envers le cheval), ni de cris. Après la séance, elle semble apaisée et fait un signe d’au-revoir au cheval. Compte-tenu de son comportement, la communication est passée entre elle et le cheval. Ce soin semble avoir été bénéfique pour elle. Peu de temps après, dans le retour du service, M.X recommence à se gifler et reprend le même comportement. Puis, au fil des séances d’équithérapie, M.X présente moins de signes de colère, est moins agressive envers elle. Elle est montée sur le cheval au bout de 4 séances en promenade.
De part cette situation, j’ai pu constater qu’un lien unissait ce cheval et M.X. Une relation particulière s’était instaurée entre elle et cet animal. Elle paraissait apprécier la présence du cheval et j’observais son visage détendu avec des sourires… Par la suite, dans le service, j’avais un autre regard sur la patiente car il me semblait que les relations changeaient entre elle et moi. En effet, dès qu’elle me voyait, elle me souriait comme si elle faisait un lien entre le cheval et moi. Le mot cheval lui faisait écho : j’avais peut-être un moyen de rentrer en communication avec elle en lui parlant de ces séances. Difficile de mettre des mots sur ce que j’ai ressenti dans cette situation, mais j‘ai pu prendre conscience des effets positifs de cet atelier à médiation animale sur cette patiente. Mon objectif premier dans les soins infirmiers n’est-il pas l’amélioration de l’état de santé des patients et de leur bien-être ? Si le cheval est un moyen, pourquoi ne pas s’en servir comme médiateur thérapeutique ? Cette situation est une parmi tant d’autre car je faisais partie de l’activité « équithérapie ».
Questionnement
A la suite de ces expériences et face à cette situation, plusieurs questions venaient en moi sans que j’aie pu trouver de réponse claire.
- Que ressentait réellement cette patiente à l’intérieur d’elle-même ?
- Pourquoi le cheval semblait-il bénéfique pour la prise en charge de cette patiente psychotique ?
- Par quels moyens le cheval a-t-il pu modifier le comportement de la patiente psychotique ?
- Quelle peut-être la relation entre le patient psychotique et l’animal ?
- Quel est le rôle infirmier en équithérapie dans le cadre d’un soin ?
- L’équithérapie est-elle un type de soin qui diffère des soins techniques ?
- Quelles sont les répercussions thérapeutiques de ce soin sur la psychose ?
Question de départ
Cette série de questions m’a amenée à formuler ma question de départ provisoire :
En quoi l’équithérapie peut-elle avoir un impact thérapeutique sur le patient psychotique ?
REVUE DE LITTERATURE
1- L’équithérapie
1-1- Définition
D’après Xénophon (5ème siècle avant J.C), « le cheval est un bon maître non seulement pour le corps mais aussi pour l’esprit et pour le cœur ».
Selon la société française d’équithérapie (SFE), l’équithérapie est un type de soin qui se base sur l’utilisation du cheval comme médiateur thérapeutique. Ce soin est donné au patient dans ses dimensions corporelle et psychique.
D’une manière générale, le soin vise particulièrement sur la santé psychique de la personne prise en charge. De plus, l’équithérapeute travaille pour diminuer tous les symptômes de la pathologie afin de donner au patient un mieux-être et un sentiment de confort.
Compte tenu de cette définition, l’équithérapie concerne une intervention qui agit sur l’esprit du patient, sur son moral ainsi que sur sa personnalité. Ainsi, deux moyens sont mis en œuvre pour le traitement. D’une part, il y a l’ordre psychique (discours, parole, partage émotionnel, désir etc.). D’autre part, il y a l’ordre corporel (le mouvement, les gestes, la sensation etc.).
L’utilisation du cheval trouve son intérêt sur les qualités de l’animal en tant qu’être vivant chaud et doux, adapté et valorisant, non intrusif et capable d’accepter les projections.
L’équithérapie a un but thérapeutique et est incluse dans une dynamique de soin. Sa pratique ne consiste pas à l’apprentissage des technicités équestres.
1-2- Revue historique de l’équithérapie dans les soins
L’équithérapie est un mode de soin qui existe depuis plusieurs siècles. On peut retrouver des moyens thérapeutiques liés au cheval depuis l’Antiquité.
Au 17ème siècle, Esprit-Paul de Lafont écrit « le mouvement et l’exercice du cheval contribuent à la conservation de la santé en excitant la digestion, en ranimant les esprits. Ces effets sont merveilleux et presque incroyables dans la cure des malaises qui affectent la poitrine et le bas ventre. Ils produisent le plus grand bien aux hypochondriaques, suffisent même pour guérir les vapeurs ».
En 1675, il y eut une réactualisation de l’exercice comme hygiène. Dans L’importance de l’équitation dans la médecine ancienne et moderne, Vescosi rappelle l’aspect salubre de la pratique. De son côté, Christian Jahn, un médecin, indique l’équitation pour le traitement des personnes hypochondriaques en leur recommandant une pratique quotidienne.
Au 18ème siècle, Diderot élabore un long traité de l’équitation dans son encyclopédie et met en évidence les bénéfices de la pratique pour se maintenir en bonne santé et pour la recouvrer. Il insiste sur les aspects préventifs et curatifs de ce sport, en mentionnant que celui-ci est recommandé pour les femmes souffrant de maladies nerveuses, une pathologie fréquente.
Au début du 19ème siècle, le goût pour l’exercice physique se développe. C’est ainsi que Chassaigne, en 1870, chercheur de renommé et précurseur de la biologie, choisit l’application de l’équitation à l’hygiène et à la thérapeutique, comme thème de recherche. Dans son travail, il aborde déjà le domaine de la psychiatrie de par la physiologie. Il propose cette activité dans la cure de l’hystérie, de l’épilepsie, de la dépression et de l’ataxie motrice. Mais en plus, l’équitation est aussi proposée dans le traitement de l’hypochondrie.
Après quelques années, la RPE (Rééducation Par l’Equitation) apparait et les premiers essais ont été mis en évidence par l’histoire de la cavalière danoise Lis Hartel, qui décroche une médaille d’argent lors des épreuves de dressage aux Jeux Olympiques d’été de 1952. Cette cavalière a poursuivi intensivement une pratique équestre, aux conseils d’une kinésithérapeute, et a surmonté une poliomyélite. Par la suite, elle fait pratiquer l’équitation aux jeunes patients handicapés.
La RPE se développe ainsi dans plusieurs pays, en Norvège, en Angleterre, en Suisse, aux Etats-Unis.
En France, le kinésithérapeute Hubert Lallery étudiait l’influence de la RPE sur une jeune patiente souffrant d’une paraplégie spasmodique appelée Maladie de Little qui survient lors des premiers jours de vie. Ce soignant nota que les contractures musculaires sont effectivement réduites après plusieurs séances d’équitation.
Plusieurs associations sont alors instaurées en France en utilisant l’équithérapie :
- HANDICHEVAL (Fédération Nationale Handi-Cheval)
- FENTAC (Fédération Nationale de Thérapie avec le Cheval)
- SFE (Société Française d’Equithérapie)
2- La zoothérapie
2-1- Définition
La zoothérapie est une thérapie caractérisée par l’assistance par un cheval, ce dernier ayant le rôle de médiateur.
Il s’agit d’un programme bien structuré de soins qu’un thérapeute donne à son patient en présence d’un cheval et avec l’aide de celui-ci. Ce type de thérapie a pour but d’améliorer l’état de santé d’une personne souffrant de troubles psychiques, cognitifs, affectifs, psychologiques et sociaux.
La médiation se pratique en individuel ou en petit groupe en utilisant des animaux particulièrement sélectionnés et éduqués. Elle s’effectue sous la responsabilité d’un thérapeute professionnel qui a bénéficié d’une formation.
Il est à noter que le zoothérapeute a le rôle de fil conducteur. En effet, le cheval n’est pas le thérapeute mais joue le rôle de médiateur entre le zoothérapeute et le patient. Il est alors fixé des objectifs bien définis et un projet de soins individuel est établi.
La zoothérapie est un complément d’intervention qui s’inscrit dans un soin global et requiert une prise en charge multidisciplinaire. Ainsi, plusieurs intervenants sont sollicités : des psychiatres et pédopsychiatres, des psychomotriciens, des psychologues, des orthophonistes, des éducateurs spécialisés etc.
Aux Etats-Unis et au Canada, la zoothérapie est une pratique très utilisée depuis une vingtaine d’années.
Lors de la thérapie, un lien étroit s’établit entre l’être humain et le cheval qui est considéré comme un compagnon fidèle et impartial car il s’attache à l’homme sans jugement et sans rien attendre en retour. En effet, les relations avec les animaux ne sont pas ambivalentes.
2-2- Les animaux utilisés en zoothérapie
En zoothérapie, plusieurs animaux sont utilisés. Selon l’Institut Français de Zoothérapie, les plus utilisés sont el chien, le chat, le poney, le cheval, la chèvre des Pyrénées, l’âne, le lapin nain, le dauphin, le cochon d’inde.
- Le chien
Il s’agit incontestablement du compagnon fidèle de l’homme depuis plusieurs milliers d’années. Au fil du temps, il se créa un lien de dépendance entre l’homme et l’animal.
Le chien recherche l’affection et l’attention de l’homme et essaie de communiquer sur un mode corporel. Par exemple, il se couche, il lèche etc. L’animal permet l’expression affective sans jugement.
Le chien peut être utilisé auprès de différents types de personnes et donne la possibilité de travailler sur les troubles du comportement, l’anxiété, les phobies etc. En thérapie, il est important de bien choisir la race : le sexe, l’éducation, l’âge, la réceptivité etc.
- Le chat
Le chat tient un rôle important dans la médiation avec la personne âgée. Grâce à son ronronnement, l’homme se sent plus en sécurité et apaisé. L’animal permet de mettre en place une communication et peut participer à la thérapie de la dépression.
Son toucher soyeux permet de réduire les angoisses. Pour de meilleurs résultats en thérapie, la race de l’animal doit être bien choisie.
- Le poney, l’âne, le cheval
L’âne est un animal difficilement fatigable. Rustique et endurant, il sera un excellent partenaire pour les enfants, et est très bénéfique pour ceux qui sont atteints de troubles mentaux. Cet animal docile et apaisant procure à l’homme un bien-être.
Animal de prédilection pour les enfants, le poney constitue un complice idéal qui lui permet de s’affirmer et de s’épanouir en se sentant en sécurité. Le poney a un rôle important sur le plan psychique et moteur. Le cheval est également comme le poney et sert de médiateur avec l’enfant et l’adulte.
Le cheval de trait, entre autres, permet un travail spécifique. Grâce à sa corpulence, il procure une forme de respect. D’une manière générale, ce type de cheval est utilisé avec les personnes agressives et à fort caractère. Le cheval permet la canalisation de l’agressivité.
- La chèvre
La chèvre est un animal de tempérament familier. Médiateur de qualité, cet animal est idéal pour travailler la psychomotricité. D’une manière générale, on utilise la chèvre des Pyrénées ou du Poitou. L’animal est nourrie au biberon et bénéficie la présence de jeunes enfants lors de son éducation.
- Le cochon d’inde ou le lapin nain
Selon les études, le fait de caresser le pelage soyeux de l’anima permet de diminuer l’angoisse, le stress, la fréquence cardiaque et l’anxiété. Grâce à cela, une personne agressive le devient moins, se sent plus en sécurité. Le toucher devient ainsi réconfortant et est favorable aux rires et à l’amusement.
- Les dauphins
En delphinothérapie, les dauphins utilisés sont captifs et conditionnés à agir avec l’être humain. Cela permet aux intervenants d’avoir un contrôle sur les échanges qui ont lieu entre les patients et les animaux. Les dauphins sont utilisés pour motiver les patients dans le cas de la nécessité de rééducation langagière et physique.
3- L’éthologie
3-1- Définition
L’éthologie est définie comme l’étude du comportement animal. Cette discipline est similaire à la biologie du comportement et à la biologie de l’interaction interspécifique. Elle a connu un essor au milieu du 19ème siècle grâce à Geoffroy Saint-Hilaire, un naturaliste.
3-2- L’éthologie équine
L’ethnologie équine désigne l’étude du comportement des chevaux. Cette discipline étudie particulièrement le comportement de ces animaux en milieux naturels en tenant compte de leurs relations intra-spécifiques avec leurs semblables et inter-spécifiques avec les autres animaux. Elle étudie également le comportement des chevaux avec l’homme.
L’éthologie équine est importante pour comprendre la médiation animale, principalement la médiation par le cheval.
Grâce à l’éthologie, on a pu comprendre le mode de vie et l’organisation sociale du cheval, un animal qui vit en groupe. Ainsi, il existe une hiérarchie au sein des groupes formés, avec le concept de dominants et dominés. Généralement, le groupe compte entre trois et dix individus, plusieurs juments et leurs poulains. La hiérarchie s’établit selon plusieurs facteurs, le tempérament des différents membres et l’âge.
La communication est très importante chez les chevaux, compte tenu de l’excellent développement de ses sens. Par ailleurs, le cheval fait recours aux mêmes signaux en s’adressant à ses semblables et à une autre espèce, dont l’homme.
Le toucher, en particulier, est un sens bien développé chez le cheval. L’utilisation de ses moustaches, vibrisses, améliore le toucher et est utile à son alimentation. Par ailleurs, sa grande sensibilité cutanée est excellente pour détecter toute présence, même celle d’un insecte, ce qui facilite l’approche.
Le cheval utilise son corps pour communiquer et possède plusieurs codes précis qui lui permettent d’exprimer différentes sortes d’émotions.
Outils prévus
Afin d’aller plus loin dans ma réflexion, je ferai un entretien semi-directif, un outil largement utilisé.
« L’entretien semi-directif est une technique d’enquête qualitative fréquemment utilisée dans les recherches de type sociologique. Il permet d’orienter en partie (semi-directif) le discours des personnes interrogées autour de différents thèmes définis au préalable par les enquêteurs et consignés dans un guide d’entretien ».
L’entretien semi-directif est avantageux pour l’enquête car il permet de rester sur le sujet abordé et d’étudier l’ensemble des questions qui intéressent l’enquêteur. De plus, il permet à l’enquêteur de recadrer le sujet dans le cas où la personne interrogée tend à s’éloigner du thème abordé. Par ailleurs, l’entretien semi-directif permet de faire une comparaison des résultats entre les différentes réponses données et d’en dégager ainsi une conclusion ou de projeter la réflexion.
L’entretien individuel semi-directif est une technique d’enquête qualitative, et me semble le plus adapté pour ce travail. Il me permettrait de recueillir l’expérience, le ressenti des soignants, de rechercher l’impact sur les patients et comment ce soin s’intègre à la pratique infirmière.
C’est un entretien réalisé à l’aide d’une grille de questions, généralement ouvertes, qui donne une trame à l’entretien mais laisse des possibilités de reformulation et d’approfondissement contrairement à l’entretien directif. La méthode quantitative (questionnaires) restreindrait le champ des réponses. Ces entretiens pourront me permettre par ailleurs de m’ouvrir d’autres pistes de réflexion.
Choix de la population
Pour ce travail, j’ai choisi comme population quatre infirmières travaillant dans le secteur psychiatrique et qui participent aux soins à médiation animale, plus particulièrement l’équithérapie.
Des infirmières expérimentées dans ce domaine car elles sont plus susceptibles d’avoir plus de pratiques quant à la prise en soin des patients au regard de l’activité à médiation thérapeutique.
Je pourrais ainsi comparer mon cadre conceptuel avec le « terrain ».
L’entretien comportera 5 questions, présentés en annexes, avec les objectifs correspondant à chaque question.
Avantages et inconvénients de la méthode
L’entretien semi-directif, comme tout outil d’entretien individuel, présente l’avantage d’être simple et rapide d’utilisation. De plus, il peut se réaliser sur un délai court. Il s’agit d’un outil qui convient parfaitement pour rencontrer le nombre suffisant d’interlocuteurs : c’est un outil convenable pour faire une analyse des réponses données en fonction de la thématique choisie.
L’entretien semi-directif présente cependant des limites, notamment en ce qui concerne le nombre de personnes, très souvent limité par souci économique. Par ailleurs, il peut y avoir des problèmes relatifs à la représentativité des répondants. En outre, une vérification des informations peut s’avérer nécessaire.
Analyse des entretiens
L’analyse des entretiens sera faite par thème, à partir du questionnaire présenté en Annexes 1. Une synthèse des réponses données par les infirmières sera effectuée, évoquant les principales idées données par les infirmières.
Deux thèmes principaux seront abordés :
- Le patient psychotique
Ce thème a pour objectif de mettre en évidence les éventuelles difficultés auxquelles font face les patients psychotiques. Les infirmières sont interrogées sur les manifestations de la psychose auprès des patients, dans les troubles du comportement, la communication, les problèmes au niveau social etc.
La psychose se manifeste de différentes manières. Les individus qui souffrent de cette maladie ont divers symptômes tels que les délires, les hallucinations et fréquemment des troubles du cours de la pensée. Chez certaines personnes, ces troubles peuvent s’accompagner de difficultés à tisser des liens sociaux.
- L’équithérapie
Ce thème a pour objectif de recueillir les définitions de l’équithérapie selon les infirmières, et d’avoir ainsi une vision globale des ressentis des répondants. Il s’agit de voir si les infirmières connaissent ce qu’est l’équithérapie ou si elles ont tendance à confondre cette notion avec d’autres pratiques thérapeutiques.
Tous les infirmiers interrogés définissent l’équithérapie comme une thérapie utilisant le cheval comme médiateur. D’une manière générale, les infirmiers ne prétendent pas effectuer une équithérapie proprement dite car selon eux, ce terme devrait être utilisé avec prudence. Tous disent qu’ils effectuent une animation d’un atelier cheval. Cette pratique thérapeutique est donc définie par les infirmiers comme un soin dans lequel le cheval est utilisé comme médiateur à la relation avec le patient et qui facilite d’établir la communication. Le cheval est utilisé comme médiateur d’observation et permet une interaction du patient avec l’autre.
Dans ce thème, les infirmières décrivent comment les séances d’équithérapie se déroulent. Les infirmières donnent leur idée sur l’impact thérapeutique de l’équithérapie, si cette pratique a des effets en post-séance immédiat, à court ou à long terme.
Tous les infirmiers décrivent le déroulement d’une séance d’équithérapie presque de la même manière. Elle débute par un petit accueil des patients, dont le nombre maximal est de 5. Cet accueil dure un quart d’heure environ et permet aux patients de commencer à entrer en relation avec l’accompagnateur. Après l’accueil préalable se tient une séance de premier contact avec l’animal lors duquel le patient prend en soin le cheval. Ainsi, il effectue un brossage, un curetage des sabots etc. Il y a ensuite une séance de promenade qui dure jusqu’à 2 heures. Une fois la séance terminée, les patients partagent avec l’accompagnateur un repas. C’est à ce moment que se tient un petit échange. Cette dernière étape est essentielle à la prise en charge car elle aide les patients à verbaliser leur ressenti.
Le cheval permet de faciliter l’établissement de la communication avec les patients psychotiques. En effet, comme ces patients ont une réelle difficulté à s’exprimer verbalement, l’échange physique est essentiel. Grâce au contact physique, la relation est facilitée. De plus, le côté maternel peut être retravaillé. Les pas du cheval reproduisent le bercement maternel, ce qui permet de rassurer les jeunes patients.
Le cheval permet également de tenir compte de la place de l’autre ;
Les infirmières donneront également leurs opinions sur le cheval choisi comme médiateur et pourquoi l’utiliser au lieu d’un autre médiateur.
Selon les infirmiers, le cheval permet d’établir une communication, vu que le jeune a une réelle difficulté à s’exprimer et à entrer en communication.
Le cheval est choisi pour plusieurs raisons, entre autres pour sa taille impressionnante qui permet de redonner confiance en soi. Les patients pourraient ainsi plus facilement communiquer. Le cheval est un médiateur intéressant car, avec cet animal, il n’y a pas ni jugement ni regard intrusif, comme avec l’être humain.
Dans le questionnaire, les infirmiers ont été interrogés sur l’impact thérapeutique de l’équithérapie. Selon eux, l’atelier fonctionne bien et il y a une évolution même si celle-ci n’est pas visible lors des premières séances. En effet, les patients ont besoin de temps pour accepter de communiquer. L’évolution est progressive et les résultats peuvent être vus après quelques séances. Toutefois, on peut déjà voir lors des premières séances si le patient est capable de suivre et réaliser les consignes données, par exemple le brossage.
Concepts
En me basant sur mon questionnement initial, plusieurs concepts ressortent et pourront être développés tout au long de mon Travail de Fin d’Etudes. J’ai principalement choisi de travailler sur trois concepts : la psychose, la thérapeutique et l’équithérapie en tant que soin. Ces trois concepts ont été abordés dans la revue de littérature mais me semblent nécessaires à approfondir dans la réflexion.
La psychose
La psychose est une notion large qui désigne les pathologies faisant partie de la sphère psychotique. Les patients psychotiques évoluent dans une sphère qui est entièrement déconnectée de la réalité. De ce fait, ces patients n’ont pas connaissance de ses troubles en phase aigüe. Quand ils se trouvent dans un état chronique stabilisé et traité, la personne peut adopter un comportement d’apprivoisement de la maladie et ont connaissance de la maladie.
Pour le traitement des maladies psychotiques, il y a les facteurs médicamenteux voués à traiter l’état aigu. Le soulagement des symptômes est aussi effectué, de même que la prévention des états de récidive.
Cependant, le traitement des psychoses ne se limite pas à la dispensation médicamenteuse. Il y a également des moyens de médiation comme diverses activités thérapeutiques ou la psychothérapie qui constitue une composante importante de la prise en charge de la maladie.
Lors des soins contre leur gré, les patients ont des manifestations d’agitation et peuvent adopter des comportements de rejet des soins.
Thérapeutique
Lors d’un discours prononcé à Bletterans en 2008, N. Sarkozy annonce que « le patient doit être un partenaire actif de la prise en charge de sa maladie […] Je place de grands espoirs dans l’éducation thérapeutique, qui permet au patient de mieux comprendre sa maladie et son traitement […] L’éducation thérapeutique est un facteur déterminant de notre état de santé ».
L’éducation thérapeutique est une pratique qui vise à aider les patients à prendre soin d’eux-mêmes dans le but d’avoir un bien-être et de donner un sens favorable à la santé.
L’éducation thérapeutique est un processus qui permet de formaliser une activité qui a toujours été considérée comme allant de soi. Sur terrain, les infirmiers donnent aux patients divers conseils répétitifs avec constance sans qu’il n’y ait de véritable méthode. Mais dans les recommandations de de la Haute Autorité de santé, l’éducation thérapeutique propose de mettre en place une démarche pédagogique structurée pour aider les malades à acquérir des compétences afin de suivre les traitements prescrits.
L’équithérapie : La médiation animale par le cheval ou équithérapie :
D’après ce que nous avons vu dans la revue de littérature et dans l’analyse des entretiens, le cheval est utilisé comme médiateur. Cet animal est omniprésent dans la culture humaine. Il est fascinant et appelle l’admiration. Mais en plus, il impressionne par sa taille et peut aussi faire peur. Le cheval occupe par ailleurs une place dans l’inconscient de chaque personne et a une histoire en commun avec celle de l’Homme. En effet, cet animal a été initialement chassé à la préhistoire. Par la suite, il a été domestiqué et utilisé comme moyen de locomotion, pour le travail agricole.
En se penchant sur la symbolique du cheval, on peut percevoir que cet animal est représenté dans les religions, dans la mythologie, dans le folklore populaire, dans l’art et dans la psychanalyse où il symbolise dans sa capacité à signifier un concept non concret.
Le cheval a été longtemps considéré comme un miroir. D’après Isabelle Claude, « l’animal a cette particularité qui n’existe pas chez les hommes : il ne cherche pas à faire plaisir, à nuire, ou à donner ce que l’on attend de lui. Il réagit en fonction de ses besoins, de ce qu’il perçoit du langage de qui est près de lui. Il est cheval et réagit en cheval, doué d’absence de jugement et de réponses toutes faites ». Ce qu’a dit cette observatrice a été évoqué par les infirmiers interrogés lors de l’entretien.
Le cheval a été longtemps considéré comme :
- Un objet maternant : réédition de la fonction maternelle et des concepts de sécurisation et de portage. De plus, le cheval met en jeu les besoins primaires. Il éveille les émotions primaires et les sensations archaïques liées à la mère grâce à son pelage chaud et doux et au rythme berceur. C’est ainsi que les concepts de Handling et de Holding ont été décrits. Il s’agit de la manière dont l’enfant est traité corporellement et soigné. Il s’agit du maniement qui entre en jeu dans le développement du fonctionnement psychique de l’enfant et redéfinit sa personnalité.
- Un objet paternant : Le cheval reproduit la sécurité paternelle dans la mesure où il y a une fonction cadrante. En effet, la pratique de l’atelier cheval demande la mise en place de règles et de règles. L’image paternelle est reproduite à travers le cheval à travers les concepts de règles et de lois. De par son sexe et par son image de puissance, le cheval peut représenter le père.
- Un objet intermédiaire : le cheval se positionne comme un objet intermédiaire car il constitue un intermédiaire entre le sujet et l’autre, à noter que l’objet intermédiaire doit avoir un caractère inoffensif, doit être manipulable et malléable.
- Un objet transitionnel : il est défini comme un objet privilégié par l’enfant et constitue la première possession du non-moi. Le cheval permet d’établir un lien entre le subjectif et l’objectif. Ainsi, l’enfant sera plus désinvesti. Il a été souvent établi un rapport entre l’objet transitionnel et le cheval.
Au congrès HANDI CHEVAL, Lallery a repris en sept points les caractéristiques de l’objet transitionnel défini par Winnicott et les a comparés au cheval :
– Souvent l’enfant s’arroge des droits sur l’objet ; l’enfant dit « mon cheval »
– L’objet est choyé et maltraité. L’enfant caresse et embrasse le cheval mais l’insulte et le frappe également
– Il ne peut être changé qu’avec la volonté du sujet. On peut alors mieux comprendre les difficultés qui apparaissent quelques fois quand on propose à l’enfant un cheval dont il n’a pas l’habitude.
– Il doit survivre à tous les sentiments. C’est le cas du cheval par sa taille et sa relative indifférence affective.
– Il doit en retour communiquer une certaine chaleur, témoigner de vitalité, ce que fait le cheval.
– Il ne doit ni être du dedans ni du dehors.
– L’objet est destiné un jour à l’abandon progressif. L’enfant un jour demande à changer de monture.
De plus, mes lectures ont confirmé que les patients avaient des difficultés à s’adapter à la société, à entrer en communication avec l’autre. Grâce à l’utilisation du cheval en tant que médiateur, l’établissement de la communication devient plus facile.
Certains changements au sein de la structure d’accueil affectent les patients, changement comme par exemple : le changement de soignant sur une journée, l’arrivée de nouveaux soignants dans le service, les changements d’horaires,… Il a été évoqué que justement les soignants, lors de leur prise en charge, par rapport à l’organisation et au déroulement des journées de ce type de patient, rencontraient des difficultés aussi. Je mettrai en lien cette difficulté avec le fait que leur psychisme est désorganisé, ils n’ont donc pas la capacité à s’organiser dans le temps et dans l’espace. « Ce désordre psychique ne permet pas au patient psychotique d’accéder à la temporalité et compromet gravement son rapport à la réalité extérieure».7
CONCLUSION
Grâce à ce travail de recherche en soins infirmiers, j’ai pu été conscient qu’il est primordial de réajuster la prise en soins des patients psychotiques en leur permettant d’accéder à des soins appropriés. L’équithérapie s’avère efficace pour cette prise en charge, grâce à l’utilisation du cheval comme médiateur. En effet, un patient psychotique est vulnérable psychologiquement et a des difficultés à entrer en communication avec l’autre. Il a tendance à s’isoler, ce qui ne facilite pas le traitement. Cependant, il est stipulé que, de par l’éducation thérapeutique, le patient devrait être lui-même acteur de sa prise en charge. Il est donc nécessaire qu’il accepte lui-même le traitement. Dans cette optique, l’équithérapie fait preuve de son efficacité car l’animal ne porte aucun jugement sur le patient et il permet à celui-ci de revivre des émotions primaires telles que l’affection maternelle et la sécurité paternelle. L’accompagnement des patients psychotiques est donc très important pour les rassurer. Au cours des recherches documentaires que j’ai menées, j’ai acquis des connaissances sur l’équithérapie et sur les bienfaits de cette pratique thérapeutique sur les patients psychotiques. J’ai essayé de comprendre le véritable rôle du cheval dans l’atelier. Grâce à la revue de littérature et à l’enquête sur terrain, j’ai une idée assez claire sur le déroulement d’une séance et sur l’impact de celle-ci sur le patient, à noter que les effets peuvent être visibles dès les premières séances.
Ce travail de recherche m’a aussi permis de mettre en évidence l’importance de la communication chez les patients psychotiques. Les différentes interpellations lors de mes échanges avec mes collègues m’ont conduit à me poser plusieurs questions.
Grâce à cette recherche, j’ai un désir de m’investir davantage dans la zoothérapie, en considérant un autre animal que le cheval en tant que médiateur.
ANNEXE I :
GRILLE D’ENTRETIEN
Le patient psychotique :
- Quelles sont les différentes manifestations des psychoses ?
Objectifs :
- Mettre en évidence les difficultés que peuvent rencontrer les patients psychotiques
- Identifier les différentes manifestations des patients psychotiques (dans les troubles du comportement, la communication, l’altération des interactions sociales …)
L’équithérapie :
- Comment définissez-vous l’équithérapie ?
Objectifs :
- avoir une vision globale du soignant concernant l’équithérapie, son approche, ses ressentis.
- Poser la thématique de l’entretien
- Voir si le soignant sait donner la définition, ou s’il confond à d’autres notions thérapeutiques.
- Pourriez-vous dire en quelques mots comment la séance se déroule ?
Objectif : savoir comment les soignants pratiquent l’équithérapie
- Voyez-vous des répercussions sur son état de santé ( pendant, après les séances et à long terme) ?
Objectifs :
- Savoir si l’équithérapie a un impact thérapeutique sue le patient (par rapport aux comportements, aux bénéfices constatés, à la relation…).
- Savoir si l’équithérapie a des effets en post séance immédiat, à court terme ou à long terme.
- Savoir la place de l’équithérapie auprès des patients psychotiques
- Pourquoi travailler avec le cheval auprès des patients ?
Objectifs :
- Avoir l’opinion du soignant sur ce médiateur
- Comprendre pourquoi le cheval et pas un autre médiateur (comme la musique, snoezelen…) ?
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