L’EVALUATION ET LA PRISE EN CHARGE DE LA DOULEUR CHEZ LES PATIENTS DYSCOMMUNICANTS
Table des matières
2.1. Présentation de la situation d’appel 4
4.1.1. La communication verbale. 6
4.1.2. La communication non verbale. 7
4.1.3. La personne adulte non communicante. 7
4.2.1. Définition de la douleur 8
4.2.2. Les différents types de douleur 8
4.2.3. Epidémiologie sur la douleur 9
4.2.4. Les outils de mesure de la douleur 9
4.3. La notion de subjectivité. 11
6.1. Définition de l’infirmier et cadre législatif. 13
6.2. Les rôles de l’infirmier et ses domaines d’intervention. 14
6.3. Les mécanismes de défense du soignant 16
8.2. Présentation de la population enquêtée. 18
8.3. Analyse des résultats d’enquête. 19
L’EVALUATION ET LA PRISE EN CHARGE DE LA DOULEUR CHEZ LES PATIENTS DYSCOMMUNICANTS
1. Introduction
A la troisième année de la formation en soins infirmiers, il est demandé aux étudiants d’effectuer un travail de recherche écrit. A l’issue de mon sixième semestre, je choisis de présenter un travail portant sur l’évaluation et la prise en charge de la douleur. En effet, avant même que je ne sois passée en formation pratique, l’évaluation de la douleur m’a semblé un thème intéressant à aborder car les patients douloureux existent dans beaucoup de services et concernent tous les âges. En tant que future professionnelle, je suis amenée à soulager la douleur. Cependant, force est de constater qu’il s’agit d’une tâche complexe. A travers mes lectures et mes recherches documentaires, j’ai pu constater que, certes de nombreux travaux ont été menés pour cette évaluation et cette prise en charge de la douleur, mais je n’ai pas encore trouvé a priori des méthodes qui s’avèrent efficaces pour bien faire l’évaluation.
Très présente dans les milieux de soin, la douleur reste une problématique et elle peut être une entrave à la relation de coopération entre les soignants d’une part, et entre les soignants et les patients d’autre part. Depuis de nombreuses années, l’évaluation de la douleur reste assez difficile, et plus encore quand il s’agit de patients présentant des difficultés pour communiquer verbalement. En effet, le patient exprime son ressenti de manière bien personnelle, à noter que la douleur est exprimée différemment d’une personne à une autre et que divers facteurs entrent en jeu dans cette manière de l’exprimer, entre autres la personnalité, les expériences passées, le bagage social et culturel ainsi que la personnalité (Périard, 1993 ; Davitz, 1981). Par ailleurs, le personnel soignant perçoit le message de douleur avec des interférences concernant la nature et l’intensité de la douleur qui sont impalpables et invisibles.
Comme chaque personne entretien des liens différents avec la douleur, il peut exister des difficultés dans la relation entre le personnel soignant et le patient. En raison de ces difficultés et de la différence de perception par les deux parties, il arrive que le soulagement de la douleur ne se fasse pas de manière adéquate. Il se crée alors des problèmes d’ordre moral et éthique, d’où l’importance de chercher à bien comprendre cette problématique.
Dans ce travail, je présenterai d’abord ma situation d’appel : une situation que j’ai vécue en semestre 4 dans une unité de soins de suite et de réadaptation. A l’issue de la présentation de cette situation d’appel, je présenterai mon questionnement et ma question de départ avant de construire le cadre conceptuel. Un travail sur terrain a été mené et les résultats seront mentionnés dans ce travail.
2. De l’observation au questionnement
2.1. Présentation de la situation d’appel
L’origine de ma réflexion est une situation que j’ai vécue lors de mon stage en soins de suite et de réadaptation (SSR) lors du semestre 4 de ma formation.
Il s’agit d’un patient psychotique, déficitaire, hospitalisé en SSR pour les suites d’une chirurgie sur prothèse de hanche infectée. Le patient est dans le service depuis déjà plusieurs semaines ; il ne pose pas de problème particulier à l’équipe même s’il est parfois difficile de lui faire respecter la consigne du « sans appui strict ». En effet, suite à l’intervention chirurgicale, la prescription médicale prévoit un atèle avec la possibilité pour le patient d’être installé au fauteuil avec la jambe surélevée, mais interdiction de prendre appui sur la jambe en position debout.
C’est un patient qui se plaint très souvent d’avoir mal et qui le verbalise dans une plainte réitérée et permanente « mal, mal, mal » ; dans le dossier de soins infirmier les soignants notent une douleur « non évaluable ». Il est prescrit du paracétamol à administrer de manière systématique par voie per-os, et des poches de glace à appliquer à la demande.
Le dimanche, aux transmissions de l’après-midi, l’infirmière nous dit que le patient est resté au lit toute la matinée car il se plaint d’avoir mal et n’a pas voulu se lever. Il lui a été administré du paracétamol et appliqué une poche de glace.
Dans le courant de l’après-midi, nous effectuons notre tour et voyons le patient qui pleure et dit « mal, mal, mal ». Nous décidons, avec l’infirmière qui est ma référente, d’appeler le médecin de garde qui se trouve être le médecin du service. Après avoir examiné le patient, le médecin décide de l’envoyer à la radiographie pour contrôle. Il est décelé une fracture du fémur sous la prothèse. Le patient est directement transféré en orthopédie pour une intervention programmée au lendemain.
Suite à cette découverte, nous nous sommes beaucoup interrogés, avec l’idée très présente d’être passés « à côté », et que nous avions mal évalué la douleur du patient, que nous n’avions pas su interpréter sa plainte, avec pour conséquence un retard de prise en charge de la fracture et de sa douleur aigüe.
Personnellement, cette situation m’a beaucoup marquée car c’est un patient dont je m’occupais tous les jours et qui m’a fait me questionner sur mon positionnement professionnel : cette quotation « non évaluable » de la douleur m’avait interpellée car nous sommes sensibilisés au cours de la formation à la nécessaire rigueur d’évaluation de la douleur et à tous les outils dont on peut disposer pour évaluer cette douleur. Pourtant, même si j’ai soulevé le problème de cette non-évaluation en équipe, j’ai moi aussi au fil des jours noté « non évaluable » sur le dossier de soins.
2.2. Questionnement
Cette situation m’a semblé problématique et j’ai souhaité en faire un travail de recherche. Ainsi, je me suis posé un des questions :
- Comment évaluer la douleur d’un patient quand celui-ci ne peut s’exprimer de manière compréhensible ?
- Comment interpréter sa litanie « mal, mal, mal » ?
- Etait-ce l’expression de sa douleur ou bien sa façon d’entrer en relation avec nous, les soignants ?
- Etait-ce une expression automatisée, à mettre sur le compte de son profil déficitaire ?
- Comment prendre en compte la douleur chronique des patients déficitaires ?
- Face à ce patient, qu’est-ce qui aurait pu nous aider à faire la part des choses entre une douleur chronique et l’apparition d’une douleur aigue ?
- Qu’est-ce qui avait changé dans la plainte ce jour-là et qui aurait pu nous alerter ?
- Quel est le degré précis de sa douleur quand il dit « mal, mal, mal » ?
- Comment faire la part des choses entre la subjectivité qui caractérise la douleur, et le souhait pour le soignant d’objectiver cette douleur en repérant les signes qui y sont liés ?
- Comment savoir si le traitement administré le soulageait ?
2.3. Question de départ
Ce questionnement m’amène à ma question de départ
Comment repérer une douleur aigue chez un patient dyscommunicant qui souffre de douleurs chroniques ?
Suite à cette interrogation, je vais développer différents axes.
Selon moi, ce n’est pas la bonne volonté des soignants qui est remise en cause. Mais il est important de souligner qu’ils ne disposent pas forcément des bons outils pour évaluer la douleur. Il est aussi possible qu’ils n’ont pas bénéficié d’une formation suffisante pour les exploiter.
Cependant, il est difficile de faire la part des choses. Ainsi, le fait qu’il puisse exister une part de négligence n’est pas à écarter. En effet, il se peut que le soignant évite le problème ou que la douleur soit difficilement évaluée. (Mécanisme de défense possible du soignant)
Les représentations que nous pouvons avoir des patients déficitaires, ou de manière plus large des patients dyscommunciants, peuvent être source de difficulté pour rester objectifs dans notre prise en charge.
3. Intérêt du sujet et motivations personnelles
Cette problématique de l’évaluation et de la prise en charge de la douleur me tient particulièrement à cœur car j’ai été confrontée à cette difficulté au sein de ma famille ; un de mes proches souffre d’algodystrophie et à longtemps souffert en ayant la conviction de ne pas être reconnu dans ses douleurs et donc mal pris en charge et surtout non soulagé. Il a erré de consultation en consultation sans avoir de solution thérapeutique. J’ai pu voir les très nombreux retentissements de cette douleur non maitrisée sur tous les aspects de sa vie : les proches qui ne peuvent pas comprendre, le repli sur soi et un certain isolement social qui arrive insidieusement, la difficulté de maintenir une activité professionnelle. Et cela alors que la personne pouvait s’exprimer sans difficulté. La problématique est donc d’autant plus importante quand le patient est dyscommunicant…
4. Cadre théorique
4.1. La communication
La communication permet de mettre en place une relation avec une tierce personne dans le but de lui transmettre un savoir. Philippe Breton[1], un sociologue, définit la communication comme le fait d’apprendre à faire un décodage des messages à transmettre. En effet, il ne s’agit pas uniquement de savoir reconnaitre un énoncé contraignant de manière technique. C’est aussi être capable de se placer, c’est apprendre à résister aux influences et en même temps être disponible aux autres.
« La relation entre le soignant et le soigné ne peut exister sans communication, base de toute relation humaine »[2].
La communication est un besoin vital pour tous les êtres humains. Issu du latin « comunicare », c’est-à-dire « être en relation avec », ce processus est un « ensemble de moyens techniques mis en œuvre pour transmettre un message en conservant au maximum son intégrité. C’est l’ensemble des moyens adaptés pour établir une relation entre deux personnes ou avec un groupe de personnes »[3].
La communication m’a parue la première notion à développer dans le cadre de ce travail. En effet, je souhaite répondre à ma question « Comment interpréter la litanie du patient quand il disait avoir eu mal ».
4.1.1. La communication verbale
D’après Marshall Rosenberg, la communication verbale est « un mode de communication utilisant des mots. Paradoxalement, la communication verbale ne représente que 5e% de ce qui est perçu par un individu, loin derrière la communication non verbale [4]». Par ailleurs, la parole est un bon outil pour montrer ce que nous sommes, ce que nous pouvons ressentir et ce que nous pensons. Cet auteur mentionne que les soins infirmiers requièrent une parfaite connaissance des pathologies à laquelle il faut adjoindre les compétences en communication. Cela explique l’importance de l’aspect relationnel du soin.
D’après Stéphanie Veillard, « la communication verbale représente le mode de communication le plus simple. La parole constitue pour le patient un lien, une passerelle avec le monde conscient »[5].
4.1.2. La communication non verbale
La communication non verbale désigne tous les moyens de communication autres que la parole, c’est-à-dire le regard, le toucher, l’odorat etc. La communication non verbale est aussi appelée le langage corporel.
L’établissement de la communication repose sur diverses composantes, notamment quand il s’agit d’un patient dans le coma. Compte tenu de l’« inconscience » du patient, c’est la communication non verbale qui est préférentiellement utilisée. Cependant, la communication verbale ne doit pas être écartée.
Pour autant, s’il n’est pas possible de communiquer de façon ordinaire avec le patient dyscommunicant, peut-être trouverons-nous dans d’autres types de communication une possibilité de communiquer avec lui. Ces autres façons de communiquer renvoient à ce que l’on appelle la communication non verbale, qui relève de gestes et d’attitudes dont le sens peut être perçu et compris au-delà des mots en eux-mêmes.
Il y a ainsi un « langage du corps » qui peut être saisi intuitivement : « ce langage non verbal se compose des éléments suivants : la distance physique […], l’expression faciale, le contact des yeux, le contact physique, la posture, les gestes, l’apparence ainsi que les odeurs »[6].
L’utilisation de la communication verbale et non verbale à la fois aurait pu donc améliorer la prise en charge de la douleur du patient plus tôt. Le fait de connaître les différents moyens de communication est très important. Mais en plus, je souhaiterai d’abord mettre en évidence la définition de la personne adulte non communicante.
4.1.3. La personne adulte non communicante
La personne adulte non communicante est un sujet qui se trouve dans l’incapacité de communiquer verbalement sa douleur et par conséquent d’en faire une évaluation. Il existe plusieurs types de patients non communicants :
– les patients non-comprenant : les patients présentant une démence ou une surdité
– les patients non-verbalisant : les patients souffrant de troubles cognitifs, de handicaps sensoriels ou de déficits psychomoteurs
– les patients non-coopérant (appelés aussi les patients non-participant) : les patients atteints de troubles du comportement, ceux qui sont en état végétatif chronique, sédatés ou dans le coma.
Dans mon cas, j’ai eu donc en charge un patient non-comprenant car il est dément.
Compte tenu de l’état dans lequel il se trouve, je vais parler de la douleur afin d’avoir une meilleure approche de la situation d’appel et de contribuer à répondre à mon questionnement.
4.2. La douleur
4.2.1. Définition de la douleur
La douleur est définie comme étant « une expérience sensorielle et émotionnelle désagréable »[7]. Il s’agit d’une sensation subjective provoquée par un stimulus nociceptif transmis par le système nerveux.
La douleur correspond à un signal émis par l’organisme afin de remettre en cause son intégrité physique. De ce fait, elle peut être provoquée par une maladie, un traumatisme ou un mauvais fonctionnement des nerfs assurant sa transmission. La douleur est une sensation allant du désagréable à l’insupportable et peut ne pas être exprimée.
L’évaluation de la douleur chez autrui peut se faire en se référant à des effets observables utilisés, notamment les indices diagnostiques de la douleur comme le retrait au niveau des membres ou le changement de positions.
4.2.2. Les différents types de douleur
Les douleurs peuvent être chroniques, aiguës, neuropathiques, nociceptives ou mixtes.
- La douleur par excès de nocicpetion
La douleur par excès de nociception résulte d’une activation des terminaisons nociceptives au moyen d’un processus pathologique.
- La douleur neuropathique
La douleur neuropathique est une douleur faisant suite à une dysfonction ou à une atteinte du système nerveux central. Il s’agit surtout des douleurs dues à des séquelles et des douleurs chroniques.
- La douleur mixte
La douleur mixte est surtout fréquente en cancérologie. C’est une douleur qui implique une composante neuropathique et nociceptive. La douleur mixte rassemble les caractéristiques des couleurs neuropathiques et celles des douleurs par excès de nociception.
4.2.3. Epidémiologie sur la douleur
L’incidence globale de la douleur chronique post-chirurgicale (DCPC) est estimée à 30% dont « 5 à 10% des patients ont des symptômes sévères »[8]. La DCPC figure parmi les principaux problèmes de santé publique car elle constitue une cause importante faisant l’objet de consultation dans les centres antidouleur.
Sur le point de vue porté sur l’incidence de la DCPC, on n’a pas la même signification. D’un regard individuel, une incidence bien définie n’a pas la même signification pour une chirurgie obligatoire (par exemple une chirurgie cardiaque) ou pour une chirurgie esthétique. Selon l’étude Edonis, les incidences les plus importantes sont celles correspondant aux chirurgies carcinologiques lourdes et aux chirurgies des varices[9]. D’après cette étude, la part de la douleur neuropathique occupe une place importante, allant de 75% (thoracotomie) à 6% (hernioraphie par cœlioscopie). L’étude Edonis a donc confirmé que le problème de la DCPC neuropathique est fréquent et est très variable selon les situations chirurgicales.
La valeur de l’incidence globale s’élevant à 30% est relative au nombre élevé d’interventions chirurgicales. On estime à 2,6 millions le nombre d’anesthésies en 1996, ce nombre augmentant de 120% par rapport à ce qu’il y avait dans les années 80. Parmi ces anesthésies, 75% correspondraient à de la chirurgie interventionnelle exposant à une DCPC. De ce fait, il y aurait plusieurs dizaines de milliers de patients douloureux chaque année. Selon une étude faite par Crombie IK, Davies HT, Macrae WA (1998)[10], « 20% des patients en consultation dans un centre antidouleur viennent pour leur douleur suite à une intervention chirurgicale ».
4.2.4. Les outils de mesure de la douleur
« Pour chaque soin, il peut être indiqué d’identifier les phases les plus douloureuses ou susceptibles de réveiller une douleur »[11]. Lors de la prise en charge d’un patient, il convient d’être attentif lors de l’évaluation de sa douleur et utiliser ainsi le bon outil pour cette évaluation.
- a) L’autoévaluation
Pour l’autoévaluation, il est courant d’utiliser les échelles habituelles unidimensionnelles, à noter que celles-ci n’évaluent que l’intensité :
- L’EVA (Echelle Visuelle Analogique)
C’est une réglette à 2 faces dont l’une avec un curseur et l’autre comportant des graduations de 0 à 10. Pour l’utiliser, le patient déplace le curseur au niveau qui correspond à l’intensité de sa douleur (minimale, maximale, habituelle et au moment de l’évaluation). Reportée sur un graphique, la valeur permet de suivre l’évolution de la douleur.
- L’EN (Echelle Numérique)
Pour cette échelle, le patient doit donner une note entre 0 et 10 en fonction de l’intensité de la douleur, 0 étant la note correspondante à aucune douleur. Le patient l’utilise quasiment de la même façon que l’EVA. De plus, cette méthode peut être utilisée oralement, sans réglette ni support papier.
- L’EVS (Echelle Verbale Simple)
Cette échelle comprend 4 ou 5 niveaux de descripteurs ordonnés. Elle est principalement utilisée quand le patient n’est en mesure de comprendre ni l’échelle numérique ni l’échelle visuelle analogique. Le patient aura à évaluer le niveau de douleur. S’il ne ressent aucune douleur, il donnera la note 0.
A ce stade de réflexion, je me suis interrogé sur les manières qu’on peut utiliser pour évaluer la douleur d’un patient si celui-ci n’est pas capable d’évaluer par lui-même sa douleur.
- b) L’hétéro-évaluation
Cette méthode est réalisée quand les patients ne sont pas en mesure de faire une description de leur douleur, soit quand ils ont un déficit cognitif, soit en raison de leur âge (généralement ce sont les enfants de moins de 6 ou 7 ans). L’hétéro-évaluation peut également être utilisée quand les résultats ressortant de l’autoévaluation ne sont pas satisfaisants, c’est-à-dire quand ils laissent penser que le malade se retrouve dans un mécanisme de défense ou quand il manifeste une forme de résistance au soulagement qui l’amène à ne pas exprimer sa douleur. Il est nécessaire de remarquer que, dans ce cas, l’objectif consiste à identifier les mécanismes de défense, de les admettre et d’avoir une meilleure compréhension de leur impact sur l’évaluation que fait le patient.
- Doloplus 2
La méthode Doloplus 2 consiste en une fiche d’observation qui comporte dix items lesquels sont divisés en trois sous-groupes :
– 5 items somatiques
– 3 items psychosociaux
– 2 items psychomoteurs.
Pour chaque item, on a une cotation de 0 à 3 et dont le score global est compris entre 0 et 30. Pour faire la cotation, il est nécessaire de travailler en équipe (c’est-à-dire avec les proches du patient) afin de favoriser un échange. L’utilisation de cette échelle est faite quotidiennement jusqu’à ce que les douleurs s’apaisent.
- ECPA
L’ECPA est une échelle comportementale qui est utilisée pour les personnes âgées. Elle comporte huit items dont la répartition est faite en deux sous-groupes, le premier sous-groupe au repos et le second lors du mouvement et des soins. Pour l’ECPA, il n’y a pas de valeur limite : plus on a un score élevé, plus l’existence de la douleur est probable. Pour cette méthode, comme pour Doloplus 2, il est plus intéressant de tenir compte de l’évolution du score.
Il existe divers moyens pour mesurer la douleur chez les patients dyscommunicants. Cependant, l’utilisation de ces moyens ne peut pas toujours une évaluation fiable, vu que cette évaluation dépend de tout un chacun. Ainsi, j’aborderai par la suite la notion de subjectivité.
4.3. La notion de subjectivité
La notion de subjectivité désigne est une question philosophique. En effet, le mot « subjectif » fait référence à ce qui est personnel, c’est-à-dire une chose dont la perception et le point de vue ne sont pas communs pour deux ou plusieurs personnes.
La perception de la douleur a un caractère subjectif. En effet, l’expérience a montré que, quand on provoque des stimuli douloureux dont l’intensité est la même chez deux individus, ces derniers ont des réactions différentes. L’une peut ne ressentir qu’une légère douleur tandis que l’autre peut avoir extrêmement mal. De ce fait, l’évaluation de l’intensité de la douleur est délicate même quand elle est effectuée par un soignant expérimenté.
5. Les représentations sociales
En partant du postulat que l’individu se construit toujours au sein d’un environnement et que ce dernier a une influence, consciente ou non, sur ses croyances et ses comportements, il paraît alors essentielle dans cette analyse de tenter de comprendre en quoi l’environnement socio-culturel va déterminer, chez chacun d’entre nous, des représentations particulières de la douleur.
« La représentation sociale est la représentation d’un sujet social, singulier, qui vit dans le monde qu’il perçoit. Pour traiter les informations qui lui parviennent, celui-ci projette des significations qui lui sont propres. La construction mentale opérée repose sur son héritage cognitif et sur sa dynamique psychique individuelle. Les représentations sociales sont en évolution constante. Elles dépendent de processus d’inertie ou de changement, dans un mouvement perpétuel»[12]. « Il y a donc une norme qui change et qui définit les situations et les conditions dans lesquelles la souffrance est en quelque sorte « légitime » et socialement reconnue»[13]
La représentation socio-culturelle est un facteur important lors de la prise en charge de la douleur et elle a une influence sur :
- le seuil de tolérance
- le type de plainte
- la perception de la gravité de la douleur
- les attentes et les attitudes
Le contexte, les croyances, les craintes, les émotions, la signification et les attentes du traitement sont autant de facteurs qui vont moduler sa prise en charge.
A ce stade de mon travail, je mets en avant le fait que le ressenti et l’expression de la douleur est une expérience personnelle qui diffère selon l’origine sociale et culturelle de la personne. En effet, bien que la douleur soit un « phénomène universel », elle « est vécue, pensée, traitée de façon différente selon les sociétés et les époques. La douleur, comme la maladie, est en effet l’objet d’une construction ou d’une définition sociale et culturelle, laquelle a une incidence sur les façons de la vivre, de l’exprimer et d’y remédier »[14].
Nous comprenons alors bien la complexité de la prise en charge de la douleur, sachant que si chaque société a sa propre façon d’appréhender la douleur, cela est également vrai pour différents groupes d’individus au sein d’une même société.
Si l’on s’attache à la population française, bien qu’il y ait des similitudes dans les attitudes des français face à la douleur, nous pouvons néanmoins observer plusieurs profils[15].
D’après le sondage IPSO consacré à la douleur 83% des Français reconnaissent l’ « utilité de la douleur » mais estiment qu’elle « doit pouvoir disparaître dès la cause de cette alerte identifiée ».Bien que la douleur soit « difficile à expliquer […] majoritairement les français en parlent »
« Si tout le monde se sent démuni face à la douleur, son acceptation varie sensiblement avec son expérience ou la crainte de son approche », l’âge apparaissant comme un « critère majeur » : 53% des jeunes pensent qu’ « il faut accepter la douleur dans certains cas » contre seulement 19% des plus de 60 ans.
On peut compléter ce sondage par les résultats des études qui ont été faites au sujet des différences de perception de la douleur entre les hommes et les femmes et mettant en avant plusieurs hypothèses:
1ère hypothèse : les femmes auraient un seuil de douleur plus bas, bien que ces différences ne soient pas assez prononcées pour que des statistiques puissent être établies.[16]
2ème hypothèse : les femmes auraient une moins grande tolérance face à la douleur. [17]
Bien que ces hypothèses soient controversées, il semble important de préciser qu’aucune étude n’a soutenu des hypothèses contraires, c’est-à-dire celles d’un seuil de douleur et d’une tolérance moins élevés chez l’homme.
6. Le soignant
6.1. Définition de l’infirmier et cadre législatif
D’après le Code de la Santé Publique, « est considérée comme exerçant la profession d’infirmière ou d’infirmier toute personne qui donne habituellement des soins infirmiers sur prescription ou conseil médical, ou en application du rôle propre qui lui est dévolu. L’infirmière ou l’infirmier participe à différentes actions, notamment en matière de prévention, d’éducation de la santé et de formation ou d’encadrement »[18].
Le décret du 29 juillet 2004 du code de la santé publique régit l’exercice de la profession d’infirmière. Ce décret mentionne tous les actes infirmiers, notamment ceux qui correspondent à la prise en charge de patients fragiles.
- Article R4311-2
« Les soins infirmiers, préventifs, curatifs ou palliatifs, intègrent qualité technique et qualité des relations avec le malade. […]. Ils ont pour objet, dans le respect des droits de la personne, dans le souci de son éducation à la santé et en tenant compte de la personnalité de celle-ci dans ses composantes physiologique, psychologique, économique, sociale et culturelle, de protéger, maintenir, restaurer et promouvoir la santé physique et mentale des personnes ou l’autonomie de leurs fonctions vitales physiques et psychiques en vue de favoriser leur maintien, leur insertion ou leur réinsertion dans leur cadre de vie familiale ou social »[19].
- Article R4311-3
« Relèvent du rôle propre de l’infirmier ou de l’infirmière les soins liés aux fonctions d’entretien et de continuité de la vie et visant à compenser partiellement ou totalement un manque ou une diminution d’autonomie d’une personne ou d’un groupe de personnes »[20].
- Article 4311-4
« Lorsque les actes accomplis et les soins dispensés relevant de son rôle propre sont donnés dans un établissement ou un service à domicile à caractère sanitaire, social ou médico-social, l’infirmière peut, sous sa responsabilité, les assurer avec la collaboration d’aides-soignants, d’auxiliaires de puériculture ou d’aides médico-psychologiques qu’il encadre et dans les limites de la qualification reconnue à ces derniers du fait de leur formation »[21].
- Article R4311-5
« Dans le cadre de son rôle propre, l’infirmier accomplit les actes ou dispense les soins suivants visant à identifier les risques et à assurer le confort et la sécurité de la personne et de son environnement et comprenant son information et celle de son entourage :
– soins et procédés visant à assurer l’hygiène de la personne et de son environnement ;
– surveillance de l’hygiène et de l’équilibre alimentaire
– dépistage et évaluation des risques de maltraitance
– aide à la prise des médicaments présentés sous forme non injectable
– vérification de leur prise
– surveillance de leurs effets et éducation du patient
– administration de l’alimentation par sonde gastrique, sous réserve des dispositions prévues à l’article R. 4311-7 et changement de sonde d’alimentation gastrique
– soins et surveillance de patients en assistance nutritive entérale ou parentérale
– surveillance de l’élimination intestinale et urinaire et changement de sondes vésicales
– soins et surveillance des patients sous dialyse rénale ou péritonéale
– soins et surveillance des patients placés en milieu stérile
– installation du patient dans une position en rapport avec sa pathologie ou son handicap
– préparation et surveillance du repos et du sommeil
– lever du patient et aide à la marche ne faisant pas appel aux techniques de rééducation
– aspirations des sécrétions d’un patient qu’il soit ou non intubé ou trachéotomisé
– ventilation manuelle instrumentale par masque
– (…)
– entretien d’accueil privilégiant l’écoute de la personne avec orientation si nécessaire
– aide et soutien psychologique
– observation et surveillance des troubles du comportement »[22].
6.2. Les rôles de l’infirmier et ses domaines d’intervention
Dans le cadre de ses missions propres, il convient de distinguer trois notions importantes :
- Poser un diagnostic infirmier
Le diagnostic infirmier est l’énoncé d’un jugement clinique relatif aux réactions aux processus de vie d’un patient (ou d’une collectivité) et aux problèmes de santé potentiels et présents. Le diagnostic infirmier s’intéresse au patient, principalement à son comportement vis-à-vis des symptômes de la maladie. Il a lieu dès le début de la prise en charge du patient et met en évidence les besoins de celui-ci.
- Avoir l’initiative des soins qui relèvent de son rôle propre
Une fois avoir évalué les besoins du patient, l’infirmier doit prendre les dispositions correspondantes qui s’imposent. Le cas échéant, et s’il résulte un dommage pour le patient, il voit sa responsabilité engagée. De ce fait, la prévention et les soins des escarres relèvent du rôle propre infirmier.
- Gérer les soins et le dossier de soins infirmiers
D’après le Journal de médecine légale, le dossier de soins infirmiers est « un document unique et individualisé regroupant l’ensemble des informations concernant la personne soignée. Il prend en compte l’aspect préventif, curatif, éducatif et relationnel du soin »[23]. L’infirmier doit réaliser le dossier de soins du patient : « Il est chargé de la conception, de l’utilisation et de la gestion du dossier de soins infirmiers »[24]. Ainsi, après chaque intervention, l’infirmier note, date et appose sa signature en ce qui concerne les résultats des soins infirmiers donnés à la personne soignée.
Outre ces classifications, il me parait important de parler de manière précise des soins techniques et des soins relationnels car ces derniers se trouvent au cœur de la profession infirmière.
- Les soins techniques
Les soins techniques infirmiers sont classés en trois catégories :
– les soins infirmiers préventifs : ce sont les soins qui sont donnés dans le but de prévenir les maladies, les accidents et les handicaps ainsi qu’à les combattre pour réduire les incidences
– les soins infirmiers curatifs : ce sont les soins relatifs aux interventions dont le but est de lutter contre la maladie, les origines et les conséquences
– les soins infirmiers palliatifs : ce sont les interventions qui favorisent le soulagement de la douleur et le confort de la personne soignée
En plus des soins purement techniques, les infirmiers doivent aussi réaliser des soins relationnels lesquels se situent à la base même de la réussite des soins techniques.
- Les soins relationnels
D’abord, le terme « soin relationnel » n’existe pas dans le décret portant sur l’exercice de la profession infirmière. Cependant, la dimension relationnelle est mise en évidence au travers de cinq actes dont un correspondant à la prescription médicale et quatre au rôle propre infirmier.
– « L’entretien d’accueil privilégiant l’écoute de la personne avec orientation si nécessaire »[25] : une technique et un objectif correspondent à l’acte ;
– « aide et soutien psychologique »[26] : il s’agit de la définition du soin relationnel d’après le Dictionnaire des soins infirmiers ;
– « l’entretien d’accueil du patient et de son entourage »[27] : cet acte porte sur la santé mentale, mais il n’y a pas de spécificité ;
– « activités à visée sociothérapeutique individuelle ou de groupe »[28] ;
– « l’entretien individuel et utilisation au sein d’une équipe pluridisciplinaire de technique de médiation à visée thérapeutique ou psychothérapeutique » : cet acte porte sur la prescription médicale et fait correspondre les soins relationnels à des techniques et à des objectifs.
6.3. Les mécanismes de défense du soignant
Face à des situations complexes, les soignants ont tendance à adopter un mécanisme de défense. Parmi les mécanismes les plus courants, on peut citer :
- Le mensonge
Il s’agit du mécanisme le plus radical que le soignant utilise quand il doit révéler la gravité de la situation dans laquelle se trouve le patient. Le mensonge est un mécanisme d’efficacité primaire et est dit d’urgence. Cependant, il peut entraver le mécanisme psychique d’angoisse.
- L’évitement
C’est un comportement de fuite qui peut être déguisée ou réelle. Par l’évitement, la présence du patient est niée, ce qui prive la relation de tout affect.
- L’esquive
Le soignant a recours à l’esquive quand il ne parvient pas à établir une relation avec le patient. De ce fait, il reste en décalage. Cela entraîne l’apparition d’un sentiment de solitude pour le patient.
- La fausse réassurance
La fausse réassurance est un mécanisme souvent adopté par le soignant quand il ne parvient pas à contrôler son angoisse. Ainsi, il optimise les résultats et la situation, ce qui entraîne un faux espoir chez le patient.
- La banalisation
Il s’agit d’un mécanisme de distanciation très utilisé par les soignants. Avec la banalisation, le soignant prend en charge la maladie, et non le soignant. Cela entraîne que le patient ne se sent pas reconnu.
7. Problématique
Avec l’évolution socioéconomique considérable au sein de notre société actuelle, l’homme réclame de plus en plus à avoir ses droits fondamentaux. Il revendique aussi des réponses adéquates à ses besoins de santé. Mais l’amélioration des structures de soins repose essentiellement sur les progrès scientifiques et techniques. De plus, les soins doivent être organisés de manière optimale. Cela va sans dire que l’infirmière occupe une place très importante en matière de santé.
D’après les textes du code de la santé publique, l’infirmière a l’initiative des soins. Elle doit aussi assurer l’organisation de leur déroulement et de leur mise en œuvre, de même que les évaluations correspondantes. De ce fait, pour exercer la profession infirmière, il est nécessaire de disposer de plusieurs qualités, notamment une excellente résistance physique et morale, de la patiente, une maturité suffisante et un très bon sens de la responsabilité. Cependant, les soignants sont généralement surchargés dans les structures de soin. Cela constitue un environnement malsain et ne favorise pas la pratique. Par conséquent, il faut reconnaitre que l’exercice de la fonction infirmière a lieu dans un contexte très complexe.
J’ai choisi ce thème de recherche dans le but de mettre en évidence un problème fréquent dans les diverses structures de soins. Je souhaite surtout souligner que l’évaluation de la douleur chez les patients dyscommunicants est un problème courant en milieu hospitalier. Les soignants ont tendance à sous-évaluer la douleur des patients et ces derniers ont souvent du mal à trouver les moyens et les outils appropriés pour exprimer leur ressenti.
Compte tenu de la difficulté pour les soignants d’évaluer la douleur des patients, je me demande dans quelle mesure l’évaluation de la douleur chronique des patients dyscommunicants est difficile pour les soignants ?
Pour essayer de m’éclaire sur ce thème et dans le but d’y apporter des réponses, j’ai choisi de me rendre sur terrain afin de recueillir l’avis de professionnels de santé.
8. Démarche exploratoire
Dans cette partie, je présenterai les résultats de l’enquête que j’ai réalisée auprès de trois infirmières travaillant dans différentes structures.
8.1. Méthode choisie
Pour la pré-enquête, je choisis de faire un entretien.
L’entretien est un des processus de base en communication car il permet l’interaction humaine. Il engage deux sujets en vis-à-vis, donc il ne peut pas être considéré comme un simple questionnaire. Ses avantages sont nombreux. Il permet, entre autres de faire :
– une réflexion par rapport au sens que les acteurs donnent à leur exercice professionnel
– une analyse d’un problème bien cadré : les enjeux, les données, les systèmes de relations
– une reconstitution d’expériences.
Il existe trois types d’entretien :
– l’entretien directif dans lequel la personne enquêtée ne peut pas vraiment s’exprimer car elle doit se contenter de répondre uniquement aux questions posées
– l’entretien semi-directif dans lequel l’enquêteur recentre l’entretien quand les réponses données par la personne enquêtée tendent à s’éloigner du thème
– l’entretien libre qui est le plus souvent utilisé pour les récits de vie.
J’ai choisi de mener un entretien semi-directif afin de permettre aux infirmières interrogées de s’exprimer quant à leur vécu professionnel, compte tenu du thème de ma recherche.
8.2. Présentation de la population enquêtée
La population enquêtée est constituée par trois infirmières travaillant dans des services différents et dont l’expérience est très variable.
Les informations personnelles concernant les infirmières sont mentionnées dans le tableau 1.
Tableau 1 : Informations personnelles concernant la population enquêtée
Infirmière A | Infirmière B | Infirmière C | |
Diplômée depuis … (années) | 36 ans | 2 ans et 4 mois | 30 ans |
Lieu et service de travail actuels | Maison de retraite spécialisée avec unité Alzheimer | Soins de suite et de réadaptation dans un hôpital public | Foyer d’accueil médicalisé |
Durée d’expérience sur le lieu de travail actuel | 9 ans | 2 ans et 4 mois | 12 ans |
Ces résultats nous montrent que la population interrogée est hétérogène. En effet, il y a deux personnes diplômées depuis plus de 30 ans et une personne qualifiée de jeune diplômée. Par ailleurs, les lieux de travail sont tous des lieux dans lesquels il est question d’évaluer presque au quotidien la douleur des patients présentant une déficience en communication. Le choix portant sur cette population est donc pertinent pour le sujet à développer dans le cadre du présent travail.
8.3. Analyse des résultats d’enquête
Pour l’analyse des résultats d’enquête, je choisis de faire une analyse thématique afin de mieux cadrer les réponses apportées. Ainsi, les thèmes abordés sont :
– la manière d’apprécier la douleur des patients dyscommunicants
– les difficultés rencontrées dans la prise en charge de ces patients
– les outils d’évaluation et d’objectivisation de la douleur
– les propositions d’amélioration
Pour commencer l’analyse, je souhaite d’abord mettre en évidence que les trois infirmières interrogées ont annoncé qu’elles prennent en charge dans leur quotidien des patients douloureux dyscommunicants.
- La manière d’apprécier la douleur des patients dyscommunicants
Les infirmières interrogées ont presque été unanimes sur la réponse correspondante à ce thème. Elles ont dit que, pour évaluer la douleur chez les patients dyscommunicants, elles utilisaient Doloplus, Algoplus. L’infirmière travaillant dans les soins de suite et de réadaptation a annoncé utiliser également l’expression faciale du patient, entre autres le regard. Après, elles ont à faire une interprétation et elles utilisent, selon le besoin, l’échelle ECPA. Algoplus étant l’échelle la plus facile à utiliser, les infirmières l’utilisent quasiment en premier recours.
Nous pouvons donc constater que le mode d’évaluation de la douleur chez les patients dyscommunicants se fait quasiment de la même manière par les soignants indépendamment des services dans lesquels elles travaillent. Cependant, il faut reconnaitre que ces soignants font face à diverses difficultés lors de la prise en charge de ces patients. C’est ainsi que j’ai choisi les difficultés rencontrées par les soignants comme deuxième thème à aborder.
- Les difficultés rencontrées dans la prise en charge de ces patients
Lors de la prise en charge des patients dyscommunicants, les difficultés rencontrées sont surtout le fait de repérer s’il s’agit d’une douleur chronique ou d’une douleur aigue subite. L’insuffisance d’outils pour évaluer la douleur est aussi mentionnée par les personnes interrogées. Par ailleurs, une infirmière a mentionné que les médecins ont du mal à passer aux antalgiques plus forts, vu que le choix est assez limité.
De par ces réponses, je peux dire que les infirmières font face à des difficultés pour prendre en charge la douleur des patients dyscommunicants. Elles mentionnent surtout la déficience au niveau des outils mis à leur disposition pour pouvoir bien évaluer la douleur. De plus, la prescription de médicaments relève du rôle propre du médecin, comme elles l’ont souligné. En analysant ces réponses, je me suis demandé quels sont les outils permettant d’évaluer et d’objectiver la douleur des patients.
- Les outils d’évaluation et d’objectivisation de la douleur
Pour évaluer et objectiver la douleur des patients, les services dans lesquels travaillent les infirmières utilisent, en plus des outils classiques, diverses méthodes. Cependant, certains outils tels que les grilles d’hétéro-évaluation sont difficiles à remplir et exigent un traçage sur trois jours d’affilée. Mais les infirmières utilisent leur connaissance du patient qui, selon elles, semble suffire, compote tenu du comportement de celui-ci. Une infirmière a dit que pour évaluer la douleur, le personnel soignant fait un suivi de l’évaluation de la douleur jusqu’à ce que la douleur disparaisse. Il y a ensuite une réévaluation et c’est après que le médecin détermine le traitement.
A travers ces réponses, je peux dire qu’il n’existe pas a priori d’outils permettant d’évaluer la douleur de manière objective. Je me suis alors interrogée quelles pourraient être les améliorations possibles.
- Les propositions d’amélioration
Les infirmières interrogées ont donné des propositions sur l’amélioration de la prise en charge de la douleur chez les patients dyscommunicants. La nécessité de suivre une formation sur cette prise en charge a été évoquée par les trois professionnels. En effet, ont-elles souligné, c’est sur cette formation qu’il faudrait plus travailler.
9. Conclusion
J’ai particulièrement choisi ce sujet de mémoire car, avant même mon entrée à l’IFSI, je me suis posé beaucoup de questions sur la douleur et sur le ressenti des personnes qui en souffrent. Je me suis aussi demandé comment les médecins et soignants travaillaient pour soulager la souffrance des patients douloureux. Mon travail de recherche est issu de nombreuses interrogations relatives à la compréhension de ce que le patient en SSR voulait dire quand il parlait de sa douleur. En effet, la litanie de ce patient dyscommunicant induisait une mauvaise compréhension de ce qu’il ressentait réellement.
A travers ce travail, j’ai pu mettre en évidence d’une part que les notions théoriques ne se retrouvent pas toujours dans la pratique, et d’autre part que les soignants ont besoin de suivre une formation pour améliorer la prise en charge de la douleur chez les patients, en particulier quand ceux-ci ont un problème de communication. J’ai pu mettre en évidence que l’évaluation de la douleur aigue sur un patient chronique reste difficile malgré l’utilisation des outils d’évaluation mis à la disposition des soignants.
11. Bibliographie
BIOY Antoine, BOURGEOIS Françoise, NEGRE Isabelle, Communication soignant/soigné, repères et pratiques, IFSI/formation paramédicale, Paris, Bréal, 2009
Crombie IK, HT Davies, WA Macrae.. Cut and thrust: antecedent surgery and trauma among patients attending a chronic pain clinic. 1998
Edonis Schoeffler P., Dualé C., Ouchchane L., Dubray C. the EDONIS group. EDONIS –Epidemiologic study of postsurgical neuropathic pain. 7 th Congress of the European Federation of IASP ® Chapters (EFIC ® ), Hamburg. 2011
GUEGAN O., La communication en soins intensifs, L’aide-soignante, n°28, Juin 2001
Journal de médecine légale. Cité sur http://www.infirmiers.com/profession-infirmiere/competences-infirmiere/definition-du-role-propre-infirmier.html
Marshall Rosenberg. Les mots peuvent être des fenêtres comme des murs. Edition Ouvence. 1999
Nadia Peoch, Ghyslaine Lopez, Nadine Castes. Représentations et douleurs induites : repère, mémoire, discours…vers les prémices d’une compréhension – Recherche en SI n°88 Mars 2007
Sciences humaines et SI – Etudiants IFSI dirigée par Nicole Loraux sous la direction d’Evelyne Guez et Pablo Troianovski – Editions Lamarre
Thibault P. et Cimerman P. – Cahier de Formation continue n°II – Douleur liée aux soins – L’infirmière magazine – n°236. 2008
VIELLARD S., Communiquer avec un patient dans le coma, L’aide-soignante, n°130, Octobre 2011
Annexes : Questionnaire d’enquête
- Depuis combien de temps êtes-vous diplômée ?
- Depuis combien de temps êtes-vous dans ce service ?
- Avez-vous déjà été amenée à prendre en charge des patients dyscommunicants douloureux ?
- Comment faites-vous pour la prise en charge de ces patients et évaluer leur douleur ?
- Quels sont vos outils ? Disposez-vous de protocoles ?
- Ces outils vous semblent ils efficients pour la prise en charge de la douleur de ces patients ?
- Avez-vous été formée à l’utilisation de ces outils ?
- Les thèmes abordés sont :
- la manière d’apprécier la douleur des patients dyscommunicants
- les difficultés dans cette prise en charge
- outils d’évaluation et d’objectivation de la douleur
- propositions d’amélioration
Résumé La douleur est une expérience liée à l’émotion d’une personne et qui provoque chez elle une sensation désagréable. A ce jour, le soulagement et la prise en charge de la douleur sont encore sujets à de multiples problèmes, compte tenu du seuil de tolérance variable d’un individu à un autre. Ce travail de recherche a été fait suite à une situation clinique que j’ai vécue et à travers laquelle je me suis posé une série de question. Ainsi, dans ce mémoire, j’essaierai d’apporter une réponse à la question Comment repérer une douleur aigue chez un patient dyscommunicant qui souffre de douleurs chroniques ? Pour cela, je construis un cadre conceptuel dans lequel je présenterai les concepts que j’ai retenus de mes lectures personnelles. Afin de voir si les notions théoriques se retrouvent en pratique, j’ai mené une enquête auprès de professionnels.
Mots-clés : douleur aigue, patients dyscommunicants, soins infirmiers
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[1] Philippe breton : professeur des universités, sociologue
[2]VIELLARD S., Communiquer avec un patient dans le coma, L’aide-soignante, n°130, Octobre 2011 p12
[3]GUEGAN O., La communication en soins intensifs, L’aide-soignante, n°28, Juin 2001, p.13
[4] Marshall Rosenberg. 1999. « Les mots peuvent être des fenêtres comme des murs ». Edition Ouvence
[5] VIELLARD S., Opus cité p12
[6]BIOY Antoine, BOURGEOIS Françoise, NEGRE Isabelle, Communication soignant/soigné, repères et pratiques, IFSI/formation paramédicale, Paris, Bréal, 2009, p.45.
[7] Cité sur http://fr.wikipedia.org/wiki/Douleur
[8] Le congrès Médecins. Les Essentiels. (2012). Douleur chronique post-chirurgicale
[9] Edonis Schoeffler P., Dualé C., Ouchchane L., Dubray C. the EDONIS group. EDONIS – (2011). Epidemiologic study of postsurgical neuropathic pain. 7 th Congress of the European Federation of IASP ® Chapters (EFIC ® ), Hamburg
[10] Crombie IK, HT Davies, WA Macrae. (1998). Cut and thrust: antecedent surgery and trauma among patients attending a chronic pain clinic. Pain ;76 :167-71
[11] Thibault P. et Cimerman P. (2008)- Cahier de Formation continue n°II – Douleur liée aux soins – L’infirmière magazine – n°236
[12] Nadia Peoch, Ghyslaine Lopez, Nadine Castes Représentations et douleurs induites : repère, mémoire, discours…vers les prémices d’une compréhension – Recherche en SI n°88 Mars 2007 p.86
[13] Sciences humaines et SI – Etudiants IFSI dirigée par Nicole Loraux sous la direction d’Evelyne Guez et Pablo Troianovski – Editions Lamarre p.86
[14] Ibid page 64
[15] Sondage IPSOS : présenté lors des 3èmes rencontres Janssen Cilag consacrées à la douleur effectué les 25 et 26 janvier 2002 sur un échantillon représentatif de 1023 personnes interrogées suivant la méthode des quotas. www.ipsos.fr › Banque des sondages - Revue de l’infirmière n°79 mars 2002 p.10
[16] Serge Marchand Le phénomène de la douleur : comprendre pour soigner – Editions Masson 1998 p. 241-242
[17] Ibid p .243
[18] Code de la Santé publique, Article 4311-1
[19] Code de la santé publique, Article R4311-2, Cité dans le Recueil des principaux textes relatifs à la formation préparant au diplôme d’Etat et à l’exercice de la profession, Profession infirmier, Paris, Berger-Lerault, 2006, p.80
[20] Code de la santé publique, Article R4311-3, Opus cité
[21] Code de la santé publique, Article R4311-4, Opus cité
[22] Code de la santé publique, Article R4311-5, Opus cité
[23] Journal de médecine légale. Cité sur http://www.infirmiers.com/profession-infirmiere/competences-infirmiere/definition-du-role-propre-infirmier.html. Consulté le 31 janvier 2014
[24] Article R 4311-3 CSP
[25] Article R4311-5-40°
[26] Article R4311-5-41°
[27] Article R4311-6-1°
[28] Article R4311-6-2°
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