L’évolution entre programmes insérés dans les BO 2002, 2008 et celui qui sera applicable à la rentrée 2016 concernant l’enseignement de l’Histoire de l’immigration au cycle 3.
Sommaire
PARTIE I- L’IMMIGRATION : SIGNIFICATIONS ET ENJEUX.. 4
Section 1- Le concept d’immigration. 5
Section 2- La place de l’immigration à travers l’histoire. 8
Section 3- L’immigration dans l’enseignement 11
Section 4- Des mesures pour une réussite de l’enseignement de l’histoire de l’immigration. 14
PARTIE II- L’IMMIGRATION DANS LES PROGRAMMES SCOLAIRES. 16
Section 1- L’état des lieux de l’immigration dans les programmes et manuels scolaires. 17
Section 2- L’immigration dans les programmes d’enseignement de 2002. 21
Section 3- Les programmes de 2008, moins favorables à l’immigration. 24
Section 4- Les données des nouveaux programmes de 2015. 26
Section 5- Les programmes de 2015 face à ceux de 2002-2008. 29
PARTIE III- L’ANALYSE DES RESULTATS D’ENQUETE.. 33
Section 1- Le cadre de l’analyse. 33
Section 2- Les données recueillies. 35
Section 3- Les prospectives sur la place de l’histoire de l’immigration dans les années à venir. 42
INTRODUCTION
Du latin « in-migrare », signifiant « rentrer dans un lieu », l’immigration est un fait inhérent à la vie en société. L’immigration se définit, en effet, comme « l’action de venir s’installer et travailler dans un pays étranger, définitivement ou pour une longue durée. »[1]
Cette définition quelque peu simpliste a le mérite de nous décrire brièvement le concept de l’immigration. Cependant, ce terme cache des enjeux plus considérables qui touchent tous les membres de la société et dont la compréhension nécessite l’analyse de divers éléments, notamment historiques, qui l’entourent et la caractérisent.
L’immigration fait couler beaucoup d’encre ces derniers temps. En effet, c’est un sujet difficile à aborder car il est relatif à différents sujets sensibles comme le racisme et le colonialisme et est très rattaché aux contextes économiques, démographiques et politiques. Comme tout phénomène qui anime la vie en société, l’immigration suscite beaucoup de questionnements chez les élèves. Donc, elle a tout lieu d’être abordée et enseignée dans le milieu scolaire.
En tant qu’enseignant, il est souvent difficile de trouver les réponses exactes aux différentes questions soulevées par les élèves sur le sujet, ce qui nous pousse souvent à nous demander comment répondre correctement et sans parti-pris aux diverses questions que posent ou pourraient poser les élèves ?
En effet, la réalité observée au sein de la société nous conduit à nous interroger sur la situation actuelle et son origine : quels sont les faits à l’origine des différents problèmes liés à l’immigration ? Comment pourrait-on comprendre ces faits ? Par quels outils pourrait-on mieux les expliquer aux élèves ?
L’histoire est alors l’un des outils à utiliser dans le milieu scolaire si l’on veut répondre à ces questions, notamment par la compréhension des données qui entourent l’immigration, et particulièrement pour donner des réponses à toutes les interrogations des élèves sur ce sujet sensible. Les côtés historique et contemporain de l’immigration sont souvent séparés car ils sont jugés ne pouvant pas être analysés ensemble. Cependant, ils doivent être combinés, car l’histoire peut être une base qui va conduire à la compréhension des enjeux contemporains de l’histoire de l’immigration.
Il ne s’agit pas ici de faire une revue des raisons qui ont causé le racisme mais de comprendre et de faire comprendre aux élèves les enjeux de l’immigration à travers l’histoire, et ainsi comment et pourquoi les immigrés et leurs descendants sont là. Nous pouvons ainsi leur donner différents éléments pour juger par eux-mêmes de leur histoire ou de celle des autres.
Les programmes scolaires sont alors les premiers cadres qui pourront servir de base à tout enseignement allant dans ce sens. C’est pourquoi, il nous paraît indispensable de passer en revue les anciens programmes (de 2002 et 2008) et ceux plus récents de 2015, afin d’apercevoir les avancées qui auront été faites par rapport à l’enseignement de l’histoire de l’immigration.
En d’autres termes, il importe de porter notre analyse sur : «L’évolution entre programmes insérés dans les BO 2002, 2008 et celui qui sera applicable à la rentrée 2016 concernant l’enseignement de l’Histoire de l’immigration au cycle 3. »
La question qui se pose est alors la suivante, les programmes de 2015 ont-ils ouvert de nouveaux champs d’exploration de l’histoire de l’immigration par rapport à ceux de 2008 et 2002 ?
Pour répondre au mieux à cette question, il importe de parler en premier lieu des significations et des enjeux de l’immigration (I), dans le but de comprendre ce qu’on entend par immigration ainsi que son histoire.
Ensuite, dans un second temps, nous allons parler de l’immigration dans les programmes scolaires (II), afin d’aborder en dernier temps l’analyse des résultats d’enquête (III).
PARTIE I- L’IMMIGRATION : SIGNIFICATIONS ET ENJEUX
L’immigration est un sujet important qui mérite d’être abordé dans le milieu scolaire, et particulièrement sous une approche historique.
Mais avant de voir sa place dans les programmes scolaires, il importe de porter notre attention sur les enjeux et les significations du concept d’immigration. Pour ce faire, nous allons définir tout d’abord ce qu’on entend par immigration, voir son historique d’évolution, et enfin analyser ses enjeux et sa place dans l’enseignement.
Cela nous conduira alors à mieux comprendre le concept pour mieux fonder l’analyse qui sera faite plus tard dans le cadre de ce mémoire.
Section 1- Le concept d’immigration
Tout d’abord, nous allons voir les définitions du terme « immigration » pour comprendre ses véritables significations et ce qui fait de cette notion un sujet vif et sensible. Pour ce faire, nous allons nous intéresser en premier lieu aux principales définitions du terme, ainsi que les différents éléments qui le caractérisent et l’entourent.
- Définitions : « l’immigration », un mot lourd de significations
Les enseignants sont souvent confrontés à quelques difficultés quand ils abordent certains sujets dans le cadre de leurs interventions. L’immigration en est un exemple par excellence. Mais quelles sont les réelles significations de ce terme ?
- Quelques définitions : l’immigration et l’immigré
L’immigration est un terme connu de tous. Néanmoins, il importe de rappeler ses principales définitions.
Nous avons vu plus tôt dans notre introduction une définition du terme « immigration ». Les définitions données par les dictionnaires semblent toutes utiliser les mêmes termes et véhiculer le même esprit, comme celle donnée par le dictionnaire Larousse qui dit que c’est l’« installation dans un pays d’un individu ou d’un groupe d’individus originaires d’un autre pays »[2]. Il précise en outre que c’est la recherche d’emploi et d’une meilleure qualité de vie qui motive l’immigration. Cette dernière se rattache donc ici à l’idée d’une entrée dans un pays où les conditions de vie sont meilleures que celles du pays d’origine, et où l’immigré espère avoir un meilleur avenir.
A côté du terme « immigration », il existe un terme qui lui est rattaché : l’immigré. Même si ces deux termes sont rattachés l’un à l’autre, observer leur définition peut nous amener à une meilleure compréhension du concept.
En effet, le terme immigré désigne une personne qui a quitté son pays d’origine pour s’installer dans un autre pays, c’est-à-dire qu’est immigré un individu né à l’étranger et de nationalité étrangère mais qui réside en France[3].
- L’immigration, un fait social important
L’immigration a toujours eu des enjeux importants dès son apparition, c’est d’ailleurs la raison pour laquelle il importe de revoir son histoire afin de mieux comprendre ses significations et ses portées selon le contexte, ainsi que son évolution.
L’histoire de l’immigration nous révèle alors qu’elle figure parmi les faits sociaux les plus marquants, et qui ont accompagné la France dans les différentes époques qu’elle a traversées. Les principaux faits qui ont fait de l’immigration une nécessité pour la France sont alors ceux relatifs à la démographie (une population vieillissante), et à l’économie (main-d’œuvre, besoin de balancer le nombre des retraités et des travailleurs, ou encore le besoin de travailleurs pour les travaux pénibles).
Cependant, l’immigration est un phénomène quelque peu récent car elle est apparue vers la fin du XIXe siècle, c’est-à-dire au tout début de l’époque contemporaine. En effet, l’immigration a toujours été liée à des contextes économiques, démographiques ou encore politiques comme la Révolution industrielle et le colonialisme.
A l’époque actuelle, l’immigration est un phénomène social et politique qui fait débat. En outre, des effets de l’immigration subsistent encore actuellement. Pour ne citer que l’existence des descendants d’immigrés au sein de la société, ce qui ne fait que témoigner de l’histoire et rappeler l’importance de l’immigration dans la construction de la France d’aujourd’hui.
- Les significations particulières de l’immigration
A première vue, l’immigration est un terme simple et facile à comprendre, cependant sa portée et ses enjeux sont assez complexes. En effet, elle a des significations bien particulières, qui dépassent les seules définitions du terme.
- Le caractère « différent » des immigrés
L’immigration est l’entrée d’un individu dans un pays autre que son pays d’origine, mais au-delà de cette signification, elle recouvre davantage de réalités. C’est la raison pour laquelle on veut souvent l’occulter, notamment dans les manuels et dans le milieu scolaire en général. Nous pouvons citer parmi ces facettes « déplaisantes » de l’immigration le statut d’étrangers des immigrés qui conduit souvent à une différenciation de ces derniers, et dans des cas extrêmes, au racisme.
En effet, subsistent les sensations de différence, notamment à cause de la différence de la culture, des différents éléments identitaires, du mal être et de l’origine (que ce soit chez les immigrés ou chez les accueillants). En outre, des grands problèmes sociaux et économiques actuels sont reprochés à la présence des immigrés en France, notamment le chômage ou encore le terrorisme.
- Les enjeux de l’immigration
Outre les dimensions politiques actuelles et passées de l’immigration, sur lesquelles nous n’allons pas nous éterniser, cette dernière a également des enjeux sociaux considérables.
En effet, l’arrivée des immigrants est un phénomène qui a marqué la société française. L’enjeu était alors basé sur une donnée nouvelle à laquelle il fallait s’accommoder : la coexistence avec des individus venant d’ailleurs, ayant leur propre culture, religion (du côté des accueillants, et du côté des immigrés, de construire leur vie dans une société à laquelle ils sont étrangers… Les difficultés rencontrées sont donc nombreuses d’autant plus que l’intégration est un processus long et difficile à achever.
Ainsi, les opinions sur le sujet des immigrés ont toujours été partagées, et pour la plupart ignorées, étant donné que le sujet semble avoir toujours été évité.
Or, l’immigration n’est pas un phénomène négatif en soi, raison pour laquelle il importe de rappeler et de mettre en relief les principaux éléments nécessaires pour le comprendre, notamment à travers l’Histoire.
- Les différents aspects de l’immigration, reflet de son importance
L’immigration implique différents acteurs et ainsi divers enjeux qu’il faut prendre en compte lorsqu’on l’étudie.
- Les principaux acteurs touchés par l’immigration
En tant que fait social important, l’immigration touche d’une manière ou d’une autre tous les membres de la société, et dont tous les aspects méritent, de ce fait, d’être connus de tous. Cependant, certains acteurs sont au cœur du sujet de l’immigration, les premiers d’entre eux étant évidemment les immigrés et leurs descendants.
En outre, l’immigration touche également d’une manière considérable les autorités publiques étant donné qu’elle constitue un phénomène politique important qu’elles doivent régir. C’est d’ailleurs la dimension politique du sujet qui prime, au détriment de l’histoire et des autres caractéristiques de l’immigration. Or, l’immigration doit être vue d’un angle différent afin d’en concevoir tous les aspects. Cela pourrait conduire à une compréhension de tous ses éléments constitutifs et d’en saisir la portée.
- L’immigration, un concept rattaché à divers domaines
Les opinions que l’on porte sur l’immigration, les accueillants et les immigrés et enfants d’immigrés eux-mêmes, peuvent différer d’un point de vue à l’autre. En effet, l’angle sous lequel on étudie le sujet de l’immigration est déterminant de l’opinion qui va en découler.
Nous constatons alors que les positions des différents acteurs se réfèrent surtout sur des constats qui s’appuient sur la sociologie, la démographie, l’économie, les religions ou encore le politique. Or, une approche historique pourrait conduire à une meilleure perception des réalités qui entourent l’immigration. Malheureusement, cette approche n’est pas privilégiée, ce qui fait que le sujet de l’immigration est entouré d’idées fausses et de zones d’ombre.
Section 2- La place de l’immigration à travers l’histoire
L’immigration est un sujet vif actuellement, mais l’histoire nous démontre que l’immigration a également joué un rôle important dans le passé. En effet, c’est un élément qui a contribué largement à la construction de la France.
- L’immigration dans l’histoire
Il nous importe de faire un retour sur la place de l’immigration dans le passé afin de mieux comprendre ses enjeux actuels.
- L’immigration aux 18ème et 19ème siècles
Lorsqu’on revoit l’histoire de la France, notamment au cours des XIXème et XXème siècles, le rôle qu’a joué l’immigration devient plus évident. C’est à cette époque qu’est apparue l’immigration en France : il s’agit notamment des grandes vagues d’immigration.
En effet, ces dernières sont les principaux points de repère de l’Histoire de l’immigration en France.
La première vague d’immigration débute sous la Révolution industrielle du 19ème siècle. L’immigration a été encouragée par le manque de main-d’œuvre étant donné que la France a souffert d’un ralentissement de la croissance démographique depuis le 18ème siècle. Le 19ème siècle est en outre marqué par l’arrivée en France des immigrants Juifs venant d’Europe Centrale et d’Europe Orientale.
La fin du 19ème siècle a pourtant été troublée par la manifestation de l’hostilité aux étrangers et par des réactions xénophobes, notamment par les mesures discriminatoires prises par l’Etat contre les immigrés.
Cependant, l’immigration a de nouveau été encouragée au cours des Trente Glorieuses (1945-1970), ce qui a conduit à la deuxième vague d’immigration. Outre les immigrés venant d’autres pays de l’Europe comme l’Italie, la Suisse, ou encore la Belgique, les immigrés venant des colonies françaises ont été nombreux. A cette époque, les immigrés ont notamment servis de main-d’œuvre pour la reconstruction et de soldats pendant les guerres[4].
Il est à noter également, que le colonialisme est un point important de l’histoire qui est en grande partie le phénomène à l’origine de l’immigration et du racisme. En effet, l’arrivée des immigrés venant des colonies a été importante, notamment dans la reconstruction de l’Europe d’après guerres et dans la Révolution industrielle.
- La nécessité d’un « retour » sur l’histoire
Nous avons pu constater que l’immigration est un phénomène qui a eu un important rôle dans la construction française. En effet, elle a eu au fil des années une connotation négative, laissant ainsi croire que c’est un phénomène qui n’apporte rien de positif, que ce soit pour les immigrés eux-mêmes ou pour le pays d’accueil.
L’historienne Marie LAVIN écrit dans son article consacré à l’image des immigrés dans les manuels scolaires que « L’immigré est d’abord associé de façon dominante à l’idée de drame, de souffrance, de catastrophe, et plus généralement de persécution ou de guerre »[5]. Certes, l’immigration a souvent évolué dans des contextes plus ou moins difficiles, mais elle a néanmoins des côtés positifs. Nous pouvons citer l’amélioration de la vie des immigrés, la venue de main d’œuvre nécessaire au développement économique de la France…
Il est donc nécessaire de revenir sur l’histoire de l’immigration afin de voir l’immigration d’un autre point de vue : quels ont été les avantages de l’immigration, dans quel contexte les immigrés sont-ils venus en France… ? Les réponses à ces différentes questions vont conduire à voir plus clairement les enjeux de l’immigration et la place des immigrés dans la société.
- Les personnes issues de l’immigration dans le contexte actuel
La présence des « étrangers » ou des personnes « différentes » est pose toujours question, et ce depuis l’arrivée importante d’immigrés aux 19ème et 20ème siècles jusqu’à l’époque actuelle. En effet, les descendants d’immigrés rencontrent encore quelques difficultés et se posent souvent des questions relatives à leur origine.
- La crainte des issus de l’immigration dans la société actuelle / La remise en question perpétuelle chez les immigrés
L’immigration a conduit à la structuration de la société contemporaine : une population Française qui est composée d’individus ayant d’autres origines. Mais malgré le fait que ce changement soit intervenu depuis plusieurs décennies, certaines tendances persistent au sein de la société ; des comportements qui provoquent des sentiments d’inquiétude chez les immigrés et leurs descendants.
En effet, étant d’origine étrangère, les issus de l’immigration se sentent différents sur divers points pour ne citer que la culture, les religions, et souvent l’éloignement de leurs ascendants… En outre, des comportements qui leur sont défavorables sont encore aperçus, comme le racisme, ou encore la méconnaissance de certaines religions. Ce qui entraine chez certains immigrés la peur d’être rejetés et d’être traités différemment à cause de leur origine.
- La place des immigrés et de leurs descendants dans la société française
Même si la France a toujours été perçue comme un modèle dans l’accueil et l’intégration des étrangers, certains problèmes remettent encore en cause la place des immigrés et leur intégration au sein de la société française.
En effet, la population reproche aux immigrés de créer certains problèmes socio-économiques, pour ne citer que le chômage ou encore les troubles identitaires. Ainsi, les immigrés et les descendants d’immigrés se sentent souvent rejetés et mis à l’écart au sein de la société. Or, les immigrés sont des acteurs qui ont marqué l’histoire de la France : leur présence dans la société actuelle ne peut être comprise et justifiée que par un retour sur l’histoire.
De plus, l’immigration ne présente pas des avantages pour les seuls immigrés, mais aussi pour le pays d’accueil. En effet, des facteurs montrent que la venue des immigrés est une nécessité pour l’Europe et pour la France, pour ne citer que les données démographiques.
Section 3- L’immigration dans l’enseignement
Les sujets et matières que l’on traite en classe sont très importants, vu que c’est dans le milieu scolaire que les enfants vont fonder leurs connaissances et leur réflexion. Ainsi, pour élucider certains sujets, il importe de les traiter en classe afin de donner les bases sur lesquelles les citoyens de demain peuvent fonder leur pensée.
- Les élèves et la question de l’immigration
Les dimensions politique et médiatique de l’immigration ont fait de celle-ci un sujet sensible et souvent occulté. Cependant, l’immigration est un phénomène inhérent à la société française. La présence des descendants d’immigrés en classe en est un témoignage.
- L’histoire de l’immigration, un élément important pourtant mal connu
Comme nous l’avons dit ci-dessus, les immigrés et leurs descendants font partie intégrante de la population française. Les descendants d’immigrés qui sont présents dans les écoles font alors surgir des questionnements chez les élèves : les élèves descendants d’immigrés, et leurs camarades (Pourquoi sont-ils là alors que leurs parents viennent d’ailleurs? Comment se fait-il que certains membres de leur famille vivent dans d’autres pays ?…)
En effet, l’histoire de la France comporte des points essentiels nécessaires pour la compréhension de l’origine, des conséquences et du contexte des grandes immigrations en France. Cependant, un retour sur l’histoire et une élucidation de ces points seraient inconcevables sans l’intervention des enseignants au cours de l’année scolaire, et ce, dès leur plus jeune âge. Mais les enseignants ont également besoin des bases nécessaires à de telles interventions, pour ne citer que les outils comme les manuels, et surtout d’un programme scolaire leur permettant d’exploiter et de traiter dans les meilleures conditions ce sujet jugé « sensible ».
- Les avantages de l’approfondissement de l’immigration dans l’espace scolaire
L’immigration ne fait pas encore l’objet d’une matière spécifique, et n’occupe pas une grande place dans les quelques matières au sein desquelles elle est abordée (comme l’histoire et la géographie).
Mais l’importance de l’immigration dans la vie socio-culturelle et politique actuellement nous démontre que cette dernière doit occuper davantage de place dans l’enseignement. Etant donné que l’histoire de l’immigration est la clé d’une compréhension de ce phénomène, elle a tout lieu d’être mise en valeur dans le programme scolaire, même si elle est quelque peu récente.
Le premier avantage que pourrait apporter l’enseignement de l’histoire de l’immigration dans le milieu scolaire est donc de donner les bases et les éléments qui vont permettre aux élèves de comprendre et de construire eux-mêmes leur opinion sur le sujet.
En effet, l’on ne peut espérer former une opinion réfléchie et bien fondée sans connaître les éléments indispensables à la compréhension que peut apporter l’histoire.
- La nécessaire consécration de l’histoire de l’immigration par le programme scolaire
Traiter de l’histoire de l’immigration en classe a tout son intérêt. Mais les enseignants doivent être appuyés par les programmes scolaires dans leur action.
- La nécessité d’une mise en exergue de la place de l’immigration dans l’histoire
De plus en plus de phénomènes relatifs à l’immigration et à la présence des immigrés apparaissent en France actuellement, c’est ce qui fait apparaître divers problèmes entre les immigrés et les accueillants. Or, la population française et les immigrés sont inséparables, et le passé ainsi que le présent de la société française nous le démontrent largement.
Ainsi, nous devons faire en sorte de mettre au clair toutes les données concernant l’immigration. Par ailleurs, nous comprenons aisément que l’histoire, même de courte durée, a son importance pour la compréhension du présent et du futur. Tel est le cas de l’immigration qui a débuté vers la fin du 19ème siècle.
- L’importance d’un programme scolaire favorable à l’histoire de l’immigration
L’immigration, et plus particulièrement l’histoire de l‘immigration, est un sujet qui n’a pas toujours eu sa place dans l’espace scolaire. En effet, ce sujet renferme différents enjeux qu’il s’est révélé difficile pour les enseignants de traiter en classe sans risquer de heurter certains élèves. Ainsi, l’immigration a toujours été occultée dans les programmes scolaires.
Cependant, des interrogations subsistent chez les élèves et la dimension sociale et politique de l’immigration à l’heure actuelle ne fait qu’alimenter les questionnements que peuvent se poser les élèves.
Revenir sur l’histoire de l’immigration est donc l’un des meilleurs moyens pour y remédier, notamment dans le but de conduire les élèves à comprendre les données actuelles et à leur conférer certaines valeurs. Il importerait donc de favoriser l’enseignement de l’histoire de l’immigration, et en particulier à l’aide des programmes scolaires.
D’ailleurs, les programmes scolaires qui seront appliqués en 2016 disent que « Les élèves découvrent comment la démarche historique permet d’apporter des réponses aux interrogations et apprennent à distinguer histoire et fiction. »[6]
Section 4- Des mesures pour une réussite de l’enseignement de l’histoire de l’immigration
Les mesures que nous allons aborder ici concernent principalement l’aspect didactique, dans un but d’atteindre les buts poursuivis dans l’enseignement de l’histoire de l’immigration. Nous pourrons ainsi dégager les avantages que peut procurer ce sujet aux élèves du cycle 3.
- La nécessité d’un retour sur toutes les données importantes de l’immigration
D’abord, il importe de rappeler l’importance de l’histoire de l’immigration pour l’enseignement, et notamment en cycle 3.
- L’histoire de l’immigration : pour une compréhension et une cohabitation plus fondées
Les discours sur l’immigration sont rarement basés sur l’histoire. En effet, ce sont les dimensions contemporaines et actuelles de l’immigration qui sont abordées, dans l’espoir pourtant de comprendre et d’expliquer les enjeux de l’immigration actuellement. Or, se baser sur les seules données démographiques, politiques ou encore culturelles conduit souvent à une impasse, causée par les différents aspects sensibles du sujet, pour ne citer que le racisme et les discriminations.
Cependant, aborder le sujet sous une approche historique peut conduire à l’effet inverse. Il s’agit de se remémorer ou découvrir ensemble le passé, les phénomènes qui ne dépendent pas des individus de la société actuelle : ce sont bien des réalités que personne ne peut changer. Ainsi, le présent n’est plus source de discordes puisque c’est la dimension historique qui est mise en avant. Il serait dans ce cas plus facile de déceler les zones d’ombre causées par l’occultation du sujet car l’approche historique est un moyen de détourner l’attention des préjugés et des côtés sombres de l’immigration. En effet, le sujet est souvent omis afin de ne pas heurter la sensibilité du public, ce qui est évité dans le cadre d’une approche historique car c’est l’histoire qui est abordée et non la dimension actuelle de la question. Les intervenants peuvent ainsi avoir la clé de la compréhension de ce phénomène et une base sur laquelle ils vont fonder leur opinion sur le sujet.
L’histoire de l’immigration va ainsi permettre une analyse du sujet en toute neutralité, allant au-delà des sentiments et des préjugés.
- La promotion d’une meilleure compréhension du concept par les élèves
L’immigration est un concept rattaché à divers phénomènes (le racisme, l’intégration, la discrimination…), ce qui rend difficile sa compréhension, surtout par les élèves.
Etant donné que l’enseignant aura à expliquer ce sujet difficile à un public très jeune, il doit privilégier certains aspects du sujet pour faciliter la compréhension par les élèves et atteindre les objectifs (notamment des valeurs en rapport avec la vie en société) poursuivis.
Néanmoins, aborder l’histoire de l’immigration dans diverses matières en utilisant des termes simples afin d’en développer tous les aspects est un meilleur moyen pour promouvoir la compréhension auprès des élèves. L’enseignant va ainsi faire de ce sujet un véritable outil pour l’atteinte des objectifs d’enseignement.
- Des méthodes à privilégier dans l’enseignement de l’Histoire de l’immigration
Les outils que nous allons proposer ici sont ceux qui pourront rendre plus efficace l’enseignement de l’histoire de l’immigration.
- Les outils pédagogiques pour l’enseignement de l’immigration
Avant de donner les supports proprement dits, nous allons nous intéresser aux différents objectifs qui pourront être atteints dans le cadre de l’histoire de l’immigration, qui pourront servir à l’apprentissage en général.
D’abord, l’histoire de l’immigration incite les élèves à développer leur esprit critique et à fonder leurs propres opinions sur les connaissances qu’ils ont reçues.
Ensuite, les élèves sont amenés à effectuer des recherches et à mobiliser leurs capacités de réflexion pour compléter les savoirs que l’enseignant leur a donnés en classe.
En ce qui concerne les outils à privilégier dans l’apprentissage de l’histoire de l’immigration, les enseignants peuvent organiser les séances en de petits débats, en utilisant des supports comme les documents, par exemple.
- Des programmes plus favorables à un enseignement de l’immigration
Les programmes d’enseignement servent principalement d’encadrement et de base aux interventions des enseignants, notamment sur les sujets qu’ils doivent aborder. De ce fait, il est important que les programmes scolaires privilégient l’histoire de l’immigration et donnent ainsi les bases nécessaires à son enseignement.
En outre, c’est à partir des programmes qu’est établi le contenu des manuels scolaires. Des programmes qui prônent l’histoire de l’immigration donneront ainsi naissance à une présence de l’histoire de l’immigration dans les manuels scolaires.
PARTIE II- L’IMMIGRATION DANS LES PROGRAMMES SCOLAIRES
L’immigration est un phénomène intéressant qui occupe une place prépondérante au sein de la société actuellement. Pourtant, son histoire reste mal connue et notamment par les jeunes et les enfants.
Cette méconnaissance de l’histoire de l’immigration est due principalement par la moindre place accordée à l’histoire de l’immigration dans les manuels et les programmes scolaires, privant ainsi les élèves de toute connaissance nécessaire à la compréhension de la situation actuelle.
Mais les derniers programmes scolaires établis donnent de l’espoir quant à l’intégration de l’histoire de l’immigration parmi les sujets traités en cycle 3, du moins par rapport aux programmes de 2002 et de 2008. C’est cette comparaison que nous allons aborder dans cette deuxième partie de notre développement.
Section 1- L’état des lieux de l’immigration dans les programmes et manuels scolaires
L’immigration est certes un élément présent dans certaines matières, mais elle n’y occupe pas la place qu’elle mérite d’avoir, et encore moins sa dimension historique. Tel est le constat fait lorsque nous nous focalisons sur certains manuels scolaires et sur les programmes appliqués jusqu’alors.
- Constat : l’immigration, un sujet occulté dans les programmes scolaires
Les manuels scolaires sont parmi les premiers outils dont disposent les élèves et les enseignants dans le cadre de l’apprentissage des diverses matières à traiter durant une année scolaire, les sujets et les informations importants doivent donc y figurer et y être bien expliqués. Or, les constats montrent que l’immigration y est « occultée », l’intervention des enseignants sur le sujet se trouve donc viciée.
- L’occultation de l’immigration dans les manuels scolaires
La participation des élèves est un facteur de réussite indéniable de l’apprentissage, et particulièrement par les recherches personnelles et la documentation. De plus, c’est une manière de combler les lacunes des séances en classe, voire l’absence de matières traitant de certains sujets, pourtant nécessaires. En effet, les documents que les élèves peuvent avoir à leur disposition sont d’autant plus utiles dans le cas des sujets qui ne sont pas suffisamment abordés en classe. Ainsi, ils doivent être précis, faciles à comprendre et livrer au moins toutes les informations essentielles. Les manuels font partie intégrante de ces documents, jouant notamment les rôles référentiels, instrumentaux et documentaires.
C’est le cas de l’immigration dont certains aspects, notamment historiques, doivent être connus par les élèves et être maitrisés par eux au fur et à mesure où ils avancent dans leur scolarité. Pourtant, l’immigration est un sujet peu présent dans les documents et même dans les manuels scolaires. En effet, des auteurs comme Benoît Falaize, Marie Lavin et Tangui Pennec, Marc Bernardot[7] ont constaté dans leur analyse respective que l’on a toujours constaté que l’immigration n’est pas suffisamment traitée dans les manuels scolaires.
- L’insuffisance des outils propices à l’enseignement de l’histoire de l’immigration en cycle 3
Selon le sondage que nous avons effectué, nombre d’enseignants choisissent de traiter l’histoire de l’immigration lors de leurs séances malgré les obstacles qui rendent difficile cette tâche. En effet, le manque de volonté de mettre en relief l’histoire de l’immigration entraine une insuffisance des outils et des encouragements de l’enseignement de cette matière par les enseignants.
Or, l’intervention des enseignants seraient plus réussie s’ils disposaient de certains outils qui serviraient de fondement et de compléments aux pratiques pédagogiques adoptées. Il s’agit premièrement des programmes scolaires qui cadrent les actions des enseignants, et ensuite des manuels et des documents nécessaires à cette fin. En effet, cela pourrait rendre plus efficaces les apprentissages.
Ces outils et soutiens permettront également aux enseignants de rechercher les méthodes pédagogiques appropriées au caractère sensible et à la complexité du sujet à aborder.
- L’importance de l’immigration pour les élèves
La connaissance de l’histoire de l’immigration est une nécessité actuellement pour les élèves. L’école est alors le meilleur endroit où on peut leur donner tous les savoirs nécessaires à une réflexion sur l’immigration et ses enjeux.
- La curiosité des élèves sur les questions relatives à l’immigration
L’initiative d’un enseignement de l’immigration et de son histoire ne vient pas seulement des enseignants, car l’on constate auprès des élèves un besoin d’avoir davantage de connaissances sur le sujet et de pouvoir construire leurs propres idées sur les situations actuelles.
En effet, les élèves sont amenés tôt ou tard à être intéressés par des questions soulevées par des situations qu’ils rencontrent en classe (la présence d’enfants d’immigrés, par exemple) ou dans leur vie sociale et familiale. Ces questions relatives à l’immigration de manière directe ou indirecte pourront être répondues par les enseignants par une démarche historique.
Les enfants poseront nécessairement des questions à leur entourage, mais les meilleures réponses qu’ils pourront obtenir viendraient d’un enseignant qui s’est préalablement focalisé sur le sujet et notamment sur l’histoire de l’immigration. En effet, enseigner l’histoire de l’immigration aux élèves nécessite une formation préalable et une maitrise du sujet.
- L’enseignement de l’histoire de l’immigration, pour une meilleure réflexion sur la société actuelle
Au-delà de son rôle de « transmetteur » de connaissances et de savoir-faire, l’enseignant est également l’acteur principal dans l’éducation et la formation des élèves en tant que citoyens. C’est-à-dire qu’il doit donner aux élèves les bases et les valeurs nécessaires à une compréhension et à une intégration dans la vie en société. Ainsi, l’école doit donner aux élèves toutes les informations nécessaires à la compréhension des grandes questions qui caractérisent le monde contemporain, et notamment les phénomènes qu’ils sont amenés à vivre dans la société où ils évoluent, comme l’immigration.
Dans cette perspective, l’objectif de l’enseignement est de donner aux élèves tous les éléments qui pourront les conduire à mieux comprendre les situations actuelles, et d’établir eux-mêmes leurs propres idées et opinions (des opinions bien fondées) sur ces questions. Et l’on sait que l’histoire permet d’atteindre de tels objectifs, en effet, le fait de revenir sur le passé peut aider à comprendre le processus qui a conduit aux situations présentes.
- Les conséquences de l’insertion de l’immigration dans les programmes scolaires
Dans cette sous-partie, nous allons voir les conséquences que peut entrainer la place donnée à l’enseignement de l’immigration dans les programmes scolaires. Seront ainsi mis en exergue les difficultés qui devront être surmontés lors de l’enseignement de l’histoire de l’immigration.
- Les difficultés pédagogiques relatives aux faits sociaux vifs comme l’immigration
La difficulté qu’ont les enseignants dans le traitement des sujets aussi complexes que vifs ne laisse aucun doute, plus particulièrement dans l’éventualité d’une présence de descendants d’immigrés dans la classe. Or, c’est un mal nécessaire car c’est le meilleur moyen qui peut conduire à une connaissance de tous les points importants sur le sujet par les élèves.
L’histoire va donc leur permettre de saisir cette réalité dans laquelle ils évoluent : l’origine de cette caractéristique de la population, les raisons pour lesquelles certains individus venus d’ailleurs sont là, et quels ont été les rôles qu’ils ont joué (ou qu’ils jouent) dans la construction de la société telle qu’elle est, à l’heure actuelle, ou encore des rôles qu’ils pourront jouer dans le futur.
Certaines précautions doivent donc être prises par les enseignants quand ils envisagent d’entamer ce sujet, notamment l’identification des points clés qui vont amener à une compréhension de l’histoire de l’immigration, la recherche des outils pour illustrer et faciliter l’explication, et même le choix des mots utilisés (pour introduire le sujet, par exemple). Tous les moyens utilisés par l’enseignant doivent donc être choisis avec tact, ce qui nécessite une maîtrise préalable du sujet.
- La complexité de l’enseignement de certains sujets sensibles lors des séances
L’immigration est l’un des sujets les plus difficiles à aborder qu’un enseignant ait à traiter lors de ses séances. En effet, parler de l’immigration requiert de la part de l’enseignant une certaine délicatesse, outre la maitrise des éléments qu’il aura à expliquer.
Ainsi, l’enseignant doit préparer préalablement les séances pendant lesquelles il parlera de l’immigration. Il pourra ainsi mieux choisir le moment, les méthodes et les outils ainsi que les termes employés lors de ses interventions. C’est-à-dire que l’enseignant doit veiller à ne pas éveiller des sentiments de différence et de rivalité chez les élèves.
Il faut en outre prendre en compte l’âge des élèves : très jeunes et donc peu aptes à comprendre les enjeux et à saisir les point essentiels que l’enseignant veut véhiculer. Cela rend difficile l’explication d’un sujet aussi complexe que l’immigration et son histoire.
Section 2- L’immigration dans les programmes d’enseignement de 2002
Nous allons voir en premier lieu les programmes d’enseignement en école primaire de 2002, premier cadre dans lequel s’inscrit notre étude. L’analyse de ces programmes va nous permettre de voir qu’ils véhiculent la possibilité de l’entrée de l’histoire de l’immigration dans l’enseignement.
- Le renvoi à l’immigration dans les programmes scolaires de 2002
Lorsque nous nous focalisons sur les programmes de 2002, nous pouvons voir des passages qui accordent une place importante à l’histoire de l’immigration dans l’enseignement des élèves en cycle 3.
- L’histoire de l’immigration aux termes des programmes de 2002
Même si le terme « immigration » ne figure pas expressément dans les programmes de 2002, nous constatons néanmoins que certains passages de leur contenu renvoient à une nécessité de recourir à l’enseignement de l’histoire de l’immigration au cours des séances. Cette nécessité est surtout exprimée parmi les objectifs à atteindre en cycle 3.
Dès l’introduction des programmes dédiés au cycle 3, nous pouvons voir sous la section histoire géographie que « plus largement, la comparaison avec des sociétés différentes dans le temps et l’espace doit permettre à l’élève de se construire une identité forte, à la fois sûre d’elle-même et ouverte, fondée sur la conscience de s’inscrire dans un héritage et de participer à l’aventure d’un espace commun à tous les hommes. »[8]
En outre, dans les objectifs fixés par les programmes, nous pouvons lire : « On n’oubliera pas, pour autant, le rôle de groupes plus anonymes ni celui des femmes, dont on soulignera la faible place dans la vie publique. Ces hommes et ces femmes, comme les événements, sont présentés aux élèves à travers des récits de l’époque. »[9]
A travers ces différents extraits du B.O de 2002, la maitrise de l’histoire de l’immigration apparait clairement comme un objectif d’apprentissage, notamment les rôles joués par les immigrés et les contextes dans lesquels ils sont venus en France.
- L’histoire de l’immigration dans les différentes matières
Dans les programmes de 2002, les matières dans lesquelles les enseignants sont incités à parler de l’histoire de l’immigration sont principalement l’histoire et la géographie.
Le programme d’histoire est alors la piste la plus importante pour aborder l’histoire de l’immigration, particulièrement dans certains volets comme le XIXème siècle (1815-1914) qui est défini comme une période « fondamentale pour comprendre notre temps. »
Les auteurs de ces programmes décrivent par ailleurs les grands points qui ont marqué cette période, parmi lesquels sont cités les grands mouvements de populations vers l’Europe. On constate donc que les termes employés dans le cadre des programmes de 2002 offrent une opportunité d’exploiter l’histoire de l’immigration durant les séances attribuées à l’histoire et à la géographie.
En outre, sous la section langue française, éducation littéraire et humaine[10], nous retrouvons ces termes qui confirment la volonté de faire entrer l’histoire de l’immigration dans le milieu scolaire, « Il vise aussi à faire découvrir, d’une manière plus générale, l’enrichissement qui peut naître de la confrontation à d’autres langues, d’autres cultures et d’autres peuples, y compris lorsqu’ils sont liés à l’histoire personnelle ou familiale de certains élèves de la classe. » L’un des objectifs de l’enseignement des différentes matières est donc de mettre en exergue les avantages et les spécificités de la coexistence avec des individus ayant d’autres origines.
- Les programmes de 2002 et l’enseignement de l’histoire de l’immigration
La lecture du Bulletin officiel hors-série de 2002 nous a permis de relever certains passages qui se traduisent comme une volonté d’insérer l’histoire de l’immigration parmi les sujets à traiter en cycle 3. Nous allons ici analyser les conséquences de ces programmes sur l’apprentissage en milieu scolaire.
- Les programmes de 2002 et l’introduction de l’histoire de l’immigration dans l’espace scolaire
Les programmes scolaires sortis en 2002 ont exprimé l’intérêt de l’histoire de l’immigration pour l’enseignement scolaire. En effet, malgré les difficultés didactiques relatives à ce sujet, les auteurs des programmes de 2002 ont su mettre en évidence l’intérêt de l’histoire de l’immigration pour les élèves et ainsi la nécessité de l’intégrer dans les thèmes à aborder dans certaines matières.
Si l’on empruntait les propos de Benoît Falaize[11], l’immigration est « un sujet comme absent des programmes scolaires », et ce n’est que dans la version de 2002 des programmes scolaires qu’elle est reconnue comme un sujet qui mérite d’être enseigné en école primaire. D’ailleurs, les termes employés dans lesdits programmes traduisent une forte volonté de la part de l’Etat de combler cette lacune, même si cette volonté a été exprimée de manière quelque peu timide. Une hésitation paralyse alors l’insertion de l’histoire de l’immigration dans les programmes scolaires car l’absence d’un renvoi explicite à l’immigration peut laisser indifférents certains enseignants. C’est-à-dire que la capacité de pouvoir dégager de ces termes ambigus la nécessité d’enseigner l’histoire de l’immigration dans les différentes matières qu’il va assurer peut être difficile pour un enseignant qui ne s’est pas informé préalablement sur la question. L’absence d’utilisation du terme « immigration » dans ces programmes en un exemple concret.
- Les programmes scolaires, les pratiques enseignantes et les résultats obtenus
Comme nous l’avons abordé précédemment, les programmes de 2002 abordent le sujet de l’histoire de l’immigration, mais d’une manière très ambigüe. Les programmes scolaires servent généralement de référence et de base pour les enseignants. De ce fait, ils doivent être clairs et fournir assez d’informations pour faciliter leur compréhension.
Cependant, un décalage peut être perçu entre les programmes et leur application ainsi que les résultats d’apprentissage atteints par chaque enseignant après leur application, puisque chacun applique les mêmes programmes selon ses propres méthodes dans la pratique. En effet, l’application des programmes dépend de l’appréciation de chaque enseignant, et leur ambigüité ne fait qu’amplifier les différences entre leur application. Nous pouvons constater ce fait à travers les résultats de l’enquête réalisée : certains enseignants abordent l’histoire de l’immigration tandis que d’autres évitent d’en parler lors des séances (Nous reviendrons sur les résultats de cette enquête sous la troisième partie du développement).
Mais comme l’a dit Benoit Falaize, cela n’enlève en rien l’objectif les programmes de 2002 qui était « d’insérer l’histoire de l’immigration au fil du programme, comme une donnée constitutive de la construction nationale»[12].
Section 3- Les programmes de 2008, moins favorables à l’immigration
Après avoir analysé le contenu des programmes 2002 en ce qui concerne le cycle 3 et leur apport sur l’enseignement de l’histoire de l’immigration, nous avons pu constater que ces programmes ont marqué une entrée –même si c’est fait de manière implicite- de ce sujet dans le cadre scolaire. Nous allons maintenant orienter notre analyse sur les programmes 2008.
- L’absence de l’immigration dans les programmes de 2008
Dès la lecture des programmes de 2008, nous constatons une absence de la référence à l’histoire de l’immigration dans les objectifs et les thématiques à aborder en cycle 3. C’est cette absence que nous allons analyser de plus près dans nos prochains propos.
- Le mouvement de recul dans l’enseignement de l’histoire de l’immigration
Le contenu des programmes 2008 du 19 Juin 2008 marque un tournant important en ce qui concerne l’histoire de l’immigration. En effet, les lecteurs de ce bulletin officiel et particulièrement les adeptes de l’enseignement de l’histoire de l’immigration dans l’école élémentaire ont constaté l’absence des passages consacrés à ce sujet vif dans la société contemporaine.
Comparés aux programmes de 2002, ceux de 2008 ne contiennent plus les passages renvoyant à l’histoire de l’immigration dans l’apprentissage en cycle 3. En effet, dans un souci de clarté, les auteurs de ces programmes ont voulu raccourcir les propos développant les programmes pour les différents cycles, enlevant ainsi au passage les différentes explications au cours desquelles était évoquée l’histoire de l’immigration.
Par ailleurs, le fait que l’on ne retrouve plus ces passages dans les programmes de 2008 ne signifient pas nécessairement qu’il faut effectuer un retour en arrière et rayer l’histoire de l’immigration du paysage scolaire.
Cependant, nous ne saurions ignorer l’influence du politique sur l’établissement des programmes d’enseignement. (Nous aurons l’occasion d’y revenir plus tard dans notre développement)
- Des programmes défavorables à l’histoire de l’immigration
Malgré le fait que l’on ne retrouve plus les mêmes contenus que ceux des programmes de 2002, cela ne doit pas nécessairement être traduit par un total renversement de la tendance pédagogique en ce qui concerne l’histoire de l’immigration.
Cependant, l’impact d’un tel changement ne peut qu’affecter l’enseignement de l’histoire de l’immigration car les programmes d’enseignement sont les références sur lesquelles doivent s’appuyer tous les enseignants dans l’organisation de leurs séances ainsi que les sujets qu’ils doivent y aborder.
Les prescriptions officielles de 2008 marquent donc un retour en arrière, notamment sur la place donnée à l’histoire de l’immigration en cycle 3.
- Les enjeux des programmes de 2008 par rapport à ceux de 2002
Dans la perspective d’apercevoir les changements qu’ont apportés les programmes de 2008 dans le milieu scolaire en cycle 3, nous allons voir les principales causes et les principales conséquences de ces changements.
- Le reflet de la dimension politique du sujet
L’histoire de l’immigration insérée dans les prescriptions officielles en 2002 y a été retirée en 2008 : toutes les lignes renvoyant à ce sujet ont été enlevées, faisant place à des programmes brefs et dépourvus de détails.
D’abord, nous avons soulevé précédemment que cette brièveté des programmes de 2008 a été causée par un souci de donner plus de clarté aux propos qui y sont exprimés. En effet, les autorités ont exprimé que les programmes de 2008 sont plus clairs et ne nécessitent plus ainsi de documents d’application comme pour les précédentes prescriptions.
Par ailleurs, cette absence de l’histoire de l’immigration est une résultante du contexte politique. En effet, nous constatons, comme Isabelle Nugue[13] que la création d’un ministère de l’immigration, de l’intégration et de l’identité nationale un an plus tôt, était pour quelque chose de cette occultation soudaine de l‘histoire de l’immigration des prescriptions…
- L’histoire de l’immigration dans les manuels
L’histoire de l’immigration dans les manuels a fait l’objet de différences à cause des spécificités qui lui ont été octroyées par rapport aux autres sujets qui intéressent le monde de l’éducation. En effet, l’immigration a toujours eu une moindre place dans les manuels scolaires, causée notamment par les enjeux de ce sujet et l’image de celui-ci que les auteurs de ces manuels ont voulu donner aux lecteurs.
Ainsi, Marie LAVIN a dégagé la particularité de l’image des immigrés dans les manuels scolaires : les représentations de l’immigration mettent en exergue une volonté de véhiculer des informations négatives sur l’immigration. En effet, les immigrés sont liés à la souffrance, au drame, à la catastrophe quand ils ne sont pas « invisibles ».
Mais une disparition progressive de l’histoire de l’immigration a été constatée dans les manuels scolaires édités en application des programmes de 2008.
Section 4- Les données des nouveaux programmes de 2015
Avant d’entamer la comparaison des trois programmes (de 2002, 2008 et 2015), il importe de s’intéresser aux derniers programmes qui seront applicables en 2016. Pour ce faire, nous allons adopter la même approche que celle adoptée précédemment, c’est-à-dire en analysant les contenus des programmes.
- Les données de ces nouveaux programmes
Les contenus des nouvelles prescriptions officielles vont nous permettre de voir la place attribuée à l’histoire de l’immigration.
- Les principaux contenus des programmes de 2015
Les programmes scolaires de 2015 sont apparus dans le Bulletin officiel spécial n° 11, du 26 novembre 2015. Dès l’introduction des objectifs du cycle 3, les programmes avancent dans le cadre des activités langagières que « l’intégration des spécificités culturelles aux apprentissages linguistiques contribue à développer la prise de recul et le vivre ensemble. » [14] Cela introduit déjà, et de manière plus explicite, une possibilité d’exploiter l’histoire de l’immigration.
En continuant notre lecture, nous pouvons voir que « Les élèves découvrent comment la démarche historique permet d’apporter des réponses aux interrogations et apprennent à distinguer histoire et fiction.»[15]
Par ailleurs, « […] l’apprentissage des langues vivantes étrangères ou régionales renforce la confiance en soi, le respect des autres, le sens de l’engagement et de l’initiative et ouvre aux cultures qui lui sont associées, ce qui permet de dépasser les stéréotypes et les clichés pour favoriser le vivre-ensemble. »[16]
Ces passages ne sont que des exemples parmi tant d’autres, sur lesquels nous pouvons étayer notre constat selon lequel les programmes de 2015 offrent une plus grande opportunité de traiter de l’histoire de l’immigration.
- L’histoire de l’immigration, un sujet présent dans divers domaines
Contrairement aux précédents programmes où elle ne figure pas, ou bien de manière insuffisante, l’histoire de l’immigration semble trouver sa place dans divers domaines dans les prescriptions de 2015. En effet, nous la retrouvons dans différentes matières, d’autant plus que ces nouveaux programmes prônent la « transversalité».
C’est-à-dire que les enseignants sont amenés à exploiter l’implication entre les différentes matières pour favoriser l’apprentissage et atteindre plus facilement les objectifs visés. Ainsi, les valeurs comme le respect des autres et le refus des discriminations peuvent être véhiculées constamment dans le cadre de la quasi-totalité des matières. Cela favorise considérablement l’enseignement de l’histoire de l’immigration qui peut intervenir dans presque toutes les matières.
En outre, certaines lignes des programmes incitent les enseignants à aborder les sujets importants, sans que la crainte de heurter la sensibilité des élèves ni l’obligation de neutralité en soient des obstacles : « L’enseignement moral et civique porte quant à lui sur les principes et valeurs nécessaires à la vie commune dans une société démocratique […] Ce cadre impose de la part des personnels de l’éducation nationale une évidente obligation de neutralité, mais celle-ci ne doit pas conduire à une réticence, voire une abstention, dans l’affirmation des valeurs transmises. » [17]
- L’enseignement de l’histoire de l’immigration dans ces nouveaux programmes
Les lignes évoquées précédemment expriment de manière évidente l’enseignement de l’histoire de l’immigration. Nous allons nous intéresser maintenant à la portée de ces quelques lignes que nous avons relevées.
- L’histoire de l’immigration, un moyen incontournable pour une atteinte des objectifs
Outre leur rôle d’encadrement de l’enseignement, les programmes scolaires imposent également des objectifs qu’il faut atteindre par les différents apprentissages et les activités pédagogiques entamés par les enseignants.
Les programmes de 2015 imposent alors comme objectifs « d’apprendre aux élèves à se repérer dans le temps et dans l’espace. L’enseignement de l’histoire a d’abord pour intention de créer une culture commune et de donner une place à chaque élève dans notre société et notre présent »[18], notamment dans le cadre de l’histoire-géographie.
De tels objectifs impliquent entre autres la nécessité du recours à l’histoire de l’immigration, et particulièrement afin de remplir tous les aspects relatifs à la compréhension de la structure de la société actuelle, ou encore le respect des valeurs comme l’égalité et l’absence de toute discrimination.
Ainsi, les programmes ajoutent que les enseignants doivent mettre en œuvre tous les efforts nécessaires pour atteindre les objectifs du cycle dans les différents domaines du socle commun (Sachant que le domaine 5 renvoie à l’histoire de l’immigration).
- L’histoire de l’immigration dans les différentes matières du cycle 3
L’histoire et la géographie sont naturellement les premières matières dans lesquelles l’histoire de l’immigration est présente.
En géographie, l’enseignant est appelé à amener les élève à une compréhension des relations entre les individus et les sociétés avec les territoires en partant de « cas très concrets »[19]. En outre, le but est de faire découvrir les relations ainsi évoquées comme étant l’accomplissement des acte quotidiens « quotidien comme le travail, les achats, les loisirs… », Nécessitant ainsi l’accès et l’entrée dans ces territoires, et enfin de les partager avec d’autres.
En histoire, l’objectif est la distinction entre histoire et fiction en abordant certains sujets dans leurs contextes culturel et géopolitique. Une précision est également faite sur l’industrialisation, notamment les auteurs ont voulu mettre l’accent sur les conséquences de ce processus sur les changements sociaux l’évolution du monde urbain et rural.
Mais l’histoire de l’immigration est également présente dans l’enseignement moral et civique (les valeurs relatives à la régulation de la vie en société et faisant référence à l’histoire de l’immigration y sont développées).
Section 5- Les programmes de 2015 face à ceux de 2002-2008
L’un des objectifs de notre étude est d’établir une comparaison entre les programmes de 2015 à ceux plus anciens de 2002 et de 2008. Le contenu des nouvelles prescriptions offrent-elles plus de possibilité aux enseignants d’entamer l’histoire de l’immigration ?
- Les enjeux de ces programmes en matière d’enseignement de l’histoire de l’immigration
Premièrement, nous allons voir la portée des contenus des nouveaux programmes, ce qui fait sa particularité par rapport aux anciens programmes que nous avons étudié plus tôt.
- Les programmes : fondement de la place de l’histoire de l’immigration
Nous avons pu voir à travers nos différentes analyses que la place donnée à l’histoire de l’immigration, même exprimée de manière indirecte, diffère d’un programme d’enseignement à l’autre. Cela montre donc que le fait que la présence ou l’absence de l’histoire de l’immigration dans les prescriptions officielles n’est pas due au hasard. En effet, cela relève d’une décision importante et couvre divers enjeux, notamment politiques et éducatifs.
Ainsi, l’histoire de l’immigration est un sujet abordé dans le cadre scolaire, mais qui dépend largement des conjonctures politiques et des différentes impulsions qui animent les auteurs des programmes scolaires et les autorités étatiques. Cette réalité ne fait qu’alimenter les perceptions exprimées sur l’importance de l’immigration à cause de ses enjeux.
Mais qu’en est-il de l’histoire de l’immigration ? Le fait d’aborder l’immigration dans sa dimension historique – très différente de la dimension politique et contemporaine de la question- est-il risqué en soi ?
Recenser les différents rôles que peut jouer l’histoire de l’immigration pourrait nous aider à donner une part de réponse à ces questions.
- Les rôles de l’enseignement de l’histoire de l’immigration
Aborder un sujet sensible sous une approche historique peut-il faire disparaitre l’aspect indésirable de celui-ci ? A première vue, l’éventualité d’une réponse par l’affirmative nous semble inconcevable. Or, l’observation des divers changements que cette approche historique peut apporter peut nous en dissuader.
En effet, l’histoire est un meilleur moyen pour aborder ce sujet en en occultant tous les aspects sensibles, notamment ceux relatifs à la réalité contemporaine : l’enseignant va mettre en exergue les facteurs qui l’ont provoqué, les différents passages qu’ont dû subir les divers acteurs de l’époque, et les conséquences que l’immigration a apportées à la France. Ainsi, les élèves pourront acquérir les valeurs qui constituent les objectifs de telles interventions, comme le vivre-ensemble, la compréhension de la structuration de la société actuelle, ou encore l’absence de toute discrimination.
- Les avantages des nouveaux programmes : plus favorable à l’enseignement de l’immigration
Les programmes de 2015 offrent de nouveau la possibilité d’une exploration de l’histoire de l’immigration dans les différentes matières du cycle 3. Ce sont les conséquences de cette présence récemment révélée que nous allons voir ici.
- Une plus grande piste d’exploration de l’histoire de l’immigration
Un constat peut être établi après avoir analysé les contenus et les apports des trois programmes d’enseignement analysés précédemment : l’histoire de l’immigration a tantôt été insérée tantôt enlevées de ces programmes. En effet, les prescriptions de 2002 ont lancé les premières pistes pour traiter du sujet, notamment dans l’histoire-géographie, tandis que celles de 2008 n’ont comporté aucune ligne faisant référence à ce sujet.
Mais les programmes récents de 2015 apportent un nouveau souffle à l’histoire de l’immigration. En effet, ils font référence de manière plus directe et répétitive (en comparaison à ceux de 2002) à l’histoire de l’immigration et à sa nécessité dans le cadre des différentes matières abordées en cycle 3.
Ainsi, ils placent la compréhension de l’histoire de l’immigration parmi les objectifs de l’enseignement, et la font entrer dans différentes matières, à savoir l’histoire, la géographie, les arts et la culture, ou encore les activités langagières. La volonté de donner une piste d’exploration plus grande aux enseignants est ainsi plus présente et est exprimée explicitement dans le cadre de ces programmes.
- L’histoire de l’immigration, pour une compréhension de toutes ses dimensions
Lorsqu’on aborde l’immigration, c’est la plupart du temps dans le cadre du contexte des dernières années et des différents problèmes qui y sont liés. C’est la principale cause qui empêche l’expansion de ce sujet dans le domaine scolaire, et notamment à cause des différents sentiments négatifs qu’il peut susciter chez le public qui est d’ailleurs jugé trop jeune pour le comprendre.
Or, les enjeux que représente l’histoire de l’immigration couvrent une réalité toute autre. En effet, au-delà de la seule question d’immigration, l’histoire de l’immigration est un cadre offrant la possibilité d’éclairer les élèves sur tous les aspects de ce phénomène.
C’est-à-dire que le passage par l’histoire de l’immigration est le seul moyen pouvant conduire d’une part à une explication du passé et d’autre part à une meilleure compréhension du présent. Ainsi, en adoptant une approche historique, l’enseignant peut conduire les élèves à une maitrise de la place et des rôles de l’immigration dans son contexte historique, et de comprendre les enjeux actuels. En mettant en exergue la seule dimension historique du sujet, aussi sensible soit-il, l’enseignant peut mettre de côté toutes les idées reçues sur le sujet et ainsi construire un nouveau terrain pour de nouvelles pensées.
PARTIE III- L’ANALYSE DES RESULTATS D’ENQUETE
Afin d’étayer nos idées sur la place donnée à l’histoire de l’immigration, nous avons été amenés à effectuer une enquête auprès de quelques enseignants.
Cette enquête, réalisée à l’aide d’un questionnaire, n’est certes pas suffisante pour cerner les pratiques enseignantes sur le sujet. Cependant, elle nous permettra néanmoins d’entrevoir de manière générale la place donnée par les enseignants à l’histoire de l’immigration dans la pratique ainsi que leurs idées sur le sujet.
L’enquête réalisée va en outre nous permettre de comparer les pratiques des professeurs ayant des dizaines d’années d’ancienneté et celles des EFS (stagiaires) qui apportent un « regard neuf ».
Section 1- Le cadre de l’analyse
Cette première sous-partie sera consacrée à la présentation générale de l’enquête que nous avons réalisée. Nous verrons alors les principaux buts poursuivis lors de cette enquête, les professeurs qui y ont participé, ainsi que les raisons de ce choix.
- Les objectifs de l’enquête
Les questionnaires ont été envoyés à quelques professeurs et stagiaires en cycle 3. Chaque questionnaire comporte alors cinq points (Cf. annexe 1), axés sur l’expérience de chacun d’eux dans l’enseignement, le traitement ou non de l’histoire de l’immigration ainsi que les raisons de ce choix. Les dernières questions ont voulu mettre la lumière sur les pratiques des enseignants qui traitent de l’histoire de l’immigration et la place qu’ils lui donnent dans leurs séances.
Le but de notre enquête est d’abord de recueillir les données sur l’importance que les professeurs du cycle 3 accordent à l’histoire de l’immigration, à connaître les raisons qui les poussent à ne pas aborder le sujet en classe, et enfin le rapport qu’il peut y avoir entre la volonté de traiter de ce sujet et l’expérience ou l’ancienneté des professeurs en tant que professeurs des écoles.
D’où l’intérêt d’avoir sollicité l’avis de quelques stagiaires d’une part, et de celui des professeurs expérimentés (avec plus de dix années d’ancienneté dans le poste de professeur des écoles).
Cette enquête nous a alors permis d’obtenir des réponses venant de douze professeurs, dont six EFS (ayant au plus trois années d’expérience) et six professeurs expérimentés (ayant une dizaine d’années d’ancienneté).
Nous considérons donc que ces résultats peuvent nous aider à dégager le taux de traitement de l’histoire de l’immigration en cycle 3, et surtout de confronter les pratiques des professeurs expérimentés et des EFS.
- L’échantillon étudié
L’enquête a été réalisée auprès de quelques enseignants et les retours obtenus sont au nombre de douze. Ces résultats ne vont donc pas nous permettre de cerner les pratiques enseignantes ni d’établir une généralité sur le sujet.
Néanmoins, ils vont servir à dégager quelques idées sur la question, notamment pour fonder notre analyse, particulièrement sur le côté pratique.
L’échantillon auprès duquel nous avons effectué notre enquête a été choisi dans cette perspective, c’est-à-dire représentant au mieux les catégories basées sur l’ancienneté des professeurs que nous pouvons rencontrer en cycle 3. En effet, le choix des enseignants à enquêter reposait sur le souci d’entrevoir les éventuelles conséquences que peut provoquer sur l’enseignement de l’histoire de l’immigration l’ancienneté ou non des enseignants, mais surtout afin de confronter les pratiques des jeunes professeurs et leur point de vue sur l’histoire de l’immigration contre celles des professeurs qui ont exercé depuis plusieurs années cette profession. En d’autres termes, nous voulons voir si les stagiaires qui apportent un regard neuf sur les programmes scolaires sont plus favorables à l’enseignement de l’histoire de l’immigration que les professeurs expérimentés qui ont été habitués à l’occultation de ce sujet du cadre scolaire. De plus, les professeurs qui ont de l’ancienneté, pour la plupart, se réfèrent moins aux programmes scolaires et se fient à leur expérience et à ce qu’ils ont l’habitude d’enseigner.
Cette enquête nous conduira également à comparer les pratiques récentes, notamment des dernières années, aux anciennes, afin de mieux entrevoir l’avenir de l’histoire de l’immigration en ce qui concerne le cycle 3.
Ainsi, nous allons voir d’abord l’âge et l’ancienneté des professeurs et des EFS qui ont répondu à nos questionnaires, afin de voir ensuite les réponses qu’ils ont données (Section 2 ci-dessous).
Section 2- Les données recueillies
Nous allons maintenant entamer l’analyse des données que nous avons recueillies et les utiliser pour élucider notre étude et pour sortir quelques idées que nous expliquerons par la suite.
- Les résultats recueillis
Il importe de voir les résultats que nous avons obtenus pour chaque question posée dans le cadre du questionnaire.
- Question 1 : Quel est votre âge ?
Les professeurs qui ont répondu à notre appel sont âgés entre 26 et 44 ans.
L’âge des participants a été demandé dans le souci d’assurer la représentativité de l’échantillon choisi. En effet, nous avons voulu assurer une disparité des professeurs observés au niveau de l’âge afin de considérer aussi bien les jeunes professeurs et les stagiaires que ceux qui ont de l’expérience.
- Question 2 : Quel est votre sexe ?
Quant à cette deuxième question, elle est encore posée dans le cadre de cette représentativité. Nous avons alors reçu des réponses venant des professeurs des deux sexes.
- Question 3 : Dans quelle classe enseignez-vous ?
50% des participants enseignent en CM1, 30% en CM2, 15% en CE2 et enfin 5% en CM1 et en CM2. Cela nous assure de recueillir des données sur l’ensemble des classes du cycle 3 et ainsi de pouvoir généraliser l’étude qui sera faite sur le cycle 3.
- Question 4 : Quelle est votre ancienneté dans le poste de professeur-e des écoles ?
L’ancienneté des professeurs se situe entre 7 mois et 19 ans. Les stagiaires occupent alors le poste de professeurs depuis quelques mois (60% d’entre eux) ou depuis 1 à 3 ans (40%). Quant aux autres professeurs, ils ont été professeurs des écoles depuis plus de dix années (notamment depuis 12, 14, 17, 18 et 19 ans). Ces derniers sont donc des professeurs des plus expérimentés, ayant traversés plusieurs années dans cette fonction et ainsi, ils ont eu à appliquer les différents programmes scolaires qui se sont succédés et qui avaient des regards différents sur la question de l’enseignement de l’histoire de l’immigration et de la place qu’elle doit tenir dans le cadre scolaire.
- Question 5 : Traitez-vous de l’histoire de l’immigration dans votre classe ?
Cette dernière question, sous laquelle les participants ont été amenés à apporter quelques précisions, semble être la plus importante pour notre étude. Les réponses obtenues semblent alors mettre en exergue la division considérable de l’opinion et de la conviction des professeurs sur l’enseignement de l’histoire de l’immigration et de la place qu’ils veulent lui donner au cours de leurs interventions.
En effet, environ 60% (7 enseignants/12) des professeurs ont déclaré traiter de l’histoire de l’immigration tandis que 40% (5/12) ont répondu Non à la question. Cela est révélateur de la controverse qui caractérise ce sujet. En outre, une telle disparité révèle les faiblesses, les dysfonctionnements et le manque d’uniformité au niveau des institutions scolaires étant donné que tous ces professeurs sont encadrés par les mêmes programmes d’enseignement scolaires. En effet, ces derniers doivent être les fondements des interventions des enseignants, pourtant, ces résultats montrent que ces programmes sont soit ignorés par les enseignants qui décideraient de ne pas s’y référer, soit mal compris par ces derniers, causant ainsi une différence de la pratique.
Il est également intéressant de voir que le nombre d’EFS et de professeurs expérimentés dans chaque catégorie de réponse est à peu près égal. Cependant, ce sont les explications des raisons qui les poussent à ce choix qui révèlent les différences entre les EFS et les anciens. En effet, les EFS ne traitent pas de l’histoire de l’immigration car l’histoire ne fait pas partie de leur emploi du temps.
Les réponses aux questions ci-dessous pourraient éventuellement nous conduire à mieux voir les raisons de cette division dans la pratique des enseignants.
- a- Si non pourquoi ?
- b- Si c’est par choix, pourquoi ?
Ces question qui ont été adressées à ceux qui ont répondu ne pas traiter de l’histoire de l’immigration nous ont permis de déceler des informations importantes pour notre étude. En effet, trois d’entre les cinq enseignants qui ont répondu non sont des professeurs expérimentés (ce qui représente 50% des professeurs expérimentés questionnés) contre seulement deux EFS. De plus, ces derniers ont dit ne pas le traiter car l’histoire n’est pas dans leur emploi du temps, notamment car ils travaillent à mi-temps. Ils ne font pas donc ce choix par eux-mêmes et selon leur conviction.
Cependant, les raisons pour lesquelles les autres enseignants (les expérimentés) ne donnent pas de la place à l’histoire de l’immigration lors de leurs différentes séances relèvent d’un choix personnel. C’est-à-dire que l’histoire figure bien dans leur emploi du temps, et ils ont bien l’occasion d’entamer le sujet, mais ils choisissent de ne pas en parler.
Les raisons données par ces derniers sont notamment les suivantes (sachant qu’ils ont plus de dix années d’expérience): une enseignante de CM2 dit ne pas traiter de l’histoire de l’immigration car ce programme n’est pas prioritaire, tandis qu’un autre dit que l’histoire n’est pas dans son emploi du temps, et une autre dit même que ce n’est pas au programme. Or, les programmes scolaires de 2012[20] citent deux fois le terme « émigration » parmi les grands points historiques à aborder. « La France dans une Europe en expansion industrielle et urbaine : les colonies, l’émigration » ; ou encore « la France est un des grands pays colonisateurs et que l’Europe est une terre d’émigration. »[21], sans oublier le fait que l’émigration figure parmi les vocabulaires à retenir dans ces programmes de 2012.
Nous pouvons alors constater que ces professeurs choisissent de ne pas donner de place à l’immigration dans leurs propos uniquement par choix personnel, ou en s’appuyant sur des idées erronées (notamment le dernier qui dit que l’immigration ne fait pas partie du programme).
Par contre, les deux EFS (2 sur les 6 EFS qui ont participé) qui ne traitent pas de l’histoire de l’immigration s’abstiennent « par manque de temps » et parce que « l’histoire n’est pas dans mon emploi du temps ».
Si votre réponse à la question 5 est positive :
- c- Depuis quand traitez-vous l’histoire de l’immigration ?
100% des EFS qui ont répondu oui à nos questionnaires ont entamé l’enseignement de l’histoire de l’immigration durant l’année scolaire 2015/2016, étant donné qu’ils ont entre 7 mois et 2 ans d’expérience dans l’enseignement en cycle 3.
Quant aux autres enseignants, l’un d’eux (qui a enseigné depuis 14 ans) dit avoir commencé à traiter du sujet depuis 2002, tandis que pour un autre, « depuis l’enseignement en CE2 », sans apporter toutefois de précision sachant qu’il a été au poste de professeur depuis 18 ans, et enfin un dernier qui n’a pas répondu à cette question.
- d- Comment traitez-vous l’histoire de l’immigration ?
Sous cette question, les participants ont été amenés à apporter quelques précisions en marquant les mentions qui conviennent (Cf. annexe 1).
I-J’organise une séquence en histoire (pour plus de précisions, entourer la mention qui convient) : – D’une séance – De 2/3 séances – De plus de 4 séances II-J’insère des documents relatifs à ce sujet dès que possible dans le cadre d’une séance d’une autre discipline que l’histoire (pour plus de précisions, entourer la mention qui convient). – Géographie – Français – Autre, précisez III– J’insère des réflexions relatives à l’immigration et au vivre ensemble (EMC) dès que possible dans le courant de mes journées. IV– Autre, précisez :
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Pour cette partie du questionnaire, les réponses ont été diversifiées. Concernant le nombre de séances dans lesquelles le sujet est abordé, c’est-à-dire dans le volet I, trois enseignants disent organiser 2/3 séances pour aborder le sujet, un autre dit l’aborder toute l’année en abordant le sujet dans le cadre d’une « correspondance avec la classe d’un autre continent, d’un livre de recettes […] », un autre dans plus de 4 séances (Géographie et Français), et deux enseignants disent parler de l’histoire de l’immigration une fois par an, notamment dans le cadre de la géographie.
En outre, quatre d’entre eux ont dit qu’ils insèrent des réflexions relatives à l’immigration et au vivre ensemble (EMC) dès que possible dans le courant de leurs journées (III).
Ces résultats nous montrent, en effet, que les pratiques enseignantes sont très diversifiées même s’ils enseignent tous l’histoire de l’immigration au cours de l’année scolaire. C’est-à-dire que la fréquence et la dimension des interventions sur le sujet sont dépendent encore de la volonté des enseignants suivant leur choix respectif.
- e- Combien de fois dans l’année scolaire estimez-vous aborder ce sujet ?
L’un des enseignants a répondu qu’il traite de l’histoire de l’immigration toute l’année scolaire, contre deux autres qui ne l’abordent qu’une fois/an, deux autres « dès que possible » et enfin, deux d’entre eux 2 à 5 fois/ an.
Là encore, la diversité des pratiques est très apparente.
- f- Quels supports utilisez-vous ?
Les supports utilisés diffèrent également d’un enseignant à l’autre. En effet, les résultats ont révélé que deux enseignants se fient aux manuels scolaires, tandis qu’un autre utilise des images et des documents écrits, un autre utilise des documents écrits et enfin, trois d’entre eux utilisent les trois supports cités, c’est-à-dire les manuels, les documents écrits pris individuellement et les images prises individuellement. Ainsi, aucun des enseignants qui ont participé n’a eu recours à la visite de musées.
- g- Sous quelle forme enseignez-vous l’histoire de l’immigration ?
100% des enseignants entament le sujet sous forme de situation-problème, certains d’entre eux y ajoutent toutefois un jeu, la magistrale, ou encore les débats.
- La disparité de la pratique enseignante sur l’histoire de l’immigration
Les résultats d’enquête que nous avons vus plus tôt nous ont montré que les opinions qui conduisent les enseignants à traiter ou non de l’histoire de l’immigration sont encore divergents. Des constats ont donc été dégagés de ce fait.
- L’enseignement de l’histoire de l’immigration par certains enseignants
Il est clair que l’histoire de l’immigration n’est pas un sujet qui est abordé par tous les enseignants dans les différents niveaux du cycle 3. En effet, une « rupture d’égalité » est constatée chez les élèves enseignés par des professeurs différents car certains auront le privilège de connaître l’essentiel sur l’histoire de l’immigration tandis que d’autres n’auront pas cette chance.
Or, l’un des intérêts de l’instauration des différents programmes scolaires est de conduire à une uniformisation des sujets qui seront abordés pendant l’année scolaire. Mais une telle uniformité est difficile à instaurer, d’autant plus que les termes employés sont souvent vagues et nécessitant des connaissances préalables de la part des professeurs avant la lecture desdits programmes. C’est le cas, par exemple, pour les programmes de 2002 et de 2015 qui abordent de manière très indirecte la nécessité de traiter de l’histoire de l’immigration.
Pourtant, cette volonté d’insérer ce sujet dans les programmes scolaires est perceptible, (notamment pour les programmes de 2015 que nous avons analysés précédemment), cependant des doutes subsistent par rapport à son affirmation par ces mêmes programmes.
C’est d’ailleurs la principale cause de ce manque d’uniformité, car il semblerait que le dernier choix est attribué à chaque enseignant, libre à lui ensuite de choisir de le traiter ou non selon ses convictions et ses idées personnelles.
- L’enseignement de l’histoire de l’immigration par les jeunes professeurs
Nos études nous ont permis de voir que ce sont les jeunes professeurs, plus précisément les EFS, qui sont les plus favorables à l’enseignement de l’histoire de l’immigration. En effet, à l’exception de ceux qui n’ont pas l’histoire dans leur emploi du temps ou qui n’ont pas de temps pour le traiter, les EFS abordent tous le sujet.
Ce constat révèle alors un certain écart entre les enseignants qui ont occupe ce poste depuis plusieurs années et les EFS qui sont au début de leur carrière : les premiers se rangent parmi ceux qui veulent transmettre des connaissances sur l’histoire de l’immigration aux élèves, alors que les derniers, du moins la plupart d’entre eux, ont tendance à éviter d’aborder le sujet en évoquant des raisons qui relèvent de leur choix personnel et allant, d’ailleurs, à l’encontre des programmes scolaires imposés.
Un tel fait peut alors être expliqué de différentes manières, pour ne citer que la référence ou non aux programmes scolaires, la différence entre les interprétations de ces derniers, et surtout les convictions personnelles de chaque enseignant et le regard qu’il porte sur le sujet et sa nécessité.
En effet, les convictions de chaque enseignant sur les sujets à aborder, et notamment les sujets vifs et difficiles à traiter, sont les facteurs déterminants de l’importance qu’il va accorder à ceux-ci.
Pour le cas de l’histoire de l’immigration, nous pouvons dire que les EFS sont plus enthousiastes à l’idée d’enseigner l’histoire de l’immigration car ils voient le sujet sous un regard neuf. C’est-à-dire que ces enseignants, conscients des enjeux passés et actuels du sujet, ressentent le besoin de le traiter afin de mieux former les élèves. En outre, ces jeunes enseignants sont amenés à évoluer dans le cadre de programmes de plus en plus favorables à l’enseignement de l’histoire de l’immigration (les programmes de 2012 et de 2015 précités).
Section 3- Les prospectives sur la place de l’histoire de l’immigration dans les années à venir
Dans cette dernière sous-partie de notre travail, nous allons avancer quelques idées sur l’avenir de l’enseignement de l’histoire de l’immigration dans l’école élémentaire. Nous passerons par les principales entraves à l’enseignement de l’histoire de l’immigration, avant de voir les prospectives qui peuvent être issues des programmes de 2015.
- Les entraves à l’enseignement de l’histoire de l’immigration
Les problèmes qui affectent le développement de l’enseignement de l’histoire de l’immigration sont nombreux. A défaut de pouvoir tous les développer, nous allons aborder deux principales difficultés qui empêchent un essor de l’histoire de l’immigration dans le cadre scolaire.
- Le changement constant de volonté chez les autorités publiques sur la place de l’histoire de l’immigration dans les programmes scolaires
Nous avons effectué plus tôt dans notre développement (Cf. Partie II), une analyse des trois programmes scolaires qui ont, entre autres, marqué le processus d’insertion de l’histoire de l’immigration parmi les sujets abordés en cycle 3.
Cette étude nous a alors permis de constater que l’immigration a tantôt été insérée, tantôt été enlevée de ces programmes. Cela reflète alors un fait marquant : les autorités publiques ne sont pas fixées sur la place qu’elles veulent octroyer à l’histoire de l’immigration. En effet, elles ont le devoir de décider de ce qui est assez important pour être enseigné aux jeunes enfants. Or, il est des sujets d’enjeux importants qui méritent d’être enseignés ou d’être dissimulés selon le contexte. Cela repose également sur la volonté et la place que veulent donner ceux qui sont au pouvoir à l’immigration. Ainsi, la place de ces sujets dans l’éducation dépend d’une autorité à une autre, ce qui entraine des changements de regard perpétuels car ce ne sont pas les mêmes responsables qui seront là éternellement.
Les contextes et les évolutions aperçus dans la société y jouent alors une grande place, entre autres facteurs.
- La négligence des programmes d’enseignement par une part considérable d’enseignants
Nous l’avons dégagé plus tôt dans notre analyse : les enseignants ne se conforment pas tous aux programmes scolaires. En effet, l’un des enseignants a même déclaré ne pas avoir à traiter de l’histoire de l’immigration car cela ne figure pas dans les programmes.
L‘on ne sait donc pas s’il s’agit d’une ignorance pure et simple, ou bien d’un prétexte évoqué par les enseignants pour ne pas évoquer les raisons personnelles qui les conduisent à choisir à ne pas enseigner l’histoire de l’immigration. L’une ou l’autre hypothèse sont valables, étant donné que certains d’entre eux préfèrent se contenter de suivre leurs anciens programmes qui n’intègrent pas l’histoire de l’immigration. De plus, les enseignants peuvent se lasser de devoir insérer et enlever ce sujet de leurs programmes à chaque nouvelle prescription officielle.
Pour remédier à cette situation défavorable à l’évolution de l’histoire de l’immigration, certaines mesures doivent être prises, à savoir un suivi plus rigoureux de l’application des programmes scolaires. En outre, il faut veiller à leur clarté et à leur stabilité sur la question de l’immigration afin d’asseoir un enseignement permanent du sujet.
En effet, le temps ne devrait plus être à l’occultation de l’histoire de l’immigration. En effet, cette dernière doit être affirmée comme partie intégrante des sujets qui doivent être enseignés par tous les enseignants en cycle 3. Seule une prise de décision par les autorités pourra mener à valoriser l’histoire de l’immigration et à lui donner la place appropriée compte tenu de son importance.
- La marche vers un développement de l’histoire de l’immigration dans le milieu scolaire
Malgré les différentes difficultés qui existent dans l’enseignement de l’histoire de l’immigration, quelques pistes nous donnent de l’optimisme quant à la place que va avoir l’histoire de l’immigration dans l’enseignement en école élémentaire.
- Les programmes de 2015 : nouvelles pistes d’exploration de l’histoire de l’immigration
A titre de rappel, la comparaison entre les programmes de 2002, de 2008 et de 2015 nous a permis de nous apercevoir que les programmes scolaires de 2015 sont plus favorables à l’enseignement de l’histoire de l’immigration que ces deux premiers.
En effet, même si l’immigration a été enlevée des programmes en 2008, les programmes de 2012 évoquent déjà à nouveau l’immigration. Mais cet enseignement de l’histoire de l’immigration est beaucoup plus explicite dans les nouveaux programmes qui seront appliqués en 2016. Nous constatons que l’histoire de l’immigration est évoquée plusieurs fois, et les différentes explications des objectifs d’apprentissages font plus explicitement allusion à l’immigration.
Cependant, des efforts restent à faire car nous constatons qu’une certaine réticence est perceptible dans les formulations de ces programmes, notamment car l’histoire de l’immigration n’est pas directement évoquée. Les programmes ne donnent pas ainsi la place qu’elle mérite à l’histoire de l’immigration.
Mais le fait qu’elle y est intégrée constitue une étape de plus franchie dans le processus d’insertion de ce sujet dans les programmes scolaires. De plus, les enseignants ont l’opportunité de l’exploiter dans les différentes matières enseignées grâce à la transversalité évoquée par les programmes de 2015.
- Le regard neuf apporté par les jeunes professeurs et les EFS
Le comportement des jeunes professeurs et des EFS qui sont des adeptes à l’enseignement de l’histoire de l’immigration est un facteur important que peut amener à un développement de celle-ci dans les années à venir.
En effet, les professeurs qui viennent d’entrer dans le monde de l’enseignement voient l’enseignement d’un œil neuf, en privilégiant les sujets qui méritent d’être abordés suivant leur importance dans la société actuelle ou future. Aussi, ils sont encore ouverts à toute innovation dans les programmes scolaires et sont plus aptes à acquérir de nouvelles connaissances et à explorer certains sujets, mêmes difficiles pour pouvoir mieux les traiter.
C’est-à-dire que ces jeunes professeurs sont plus ouverts à de nouvelles formations et sont encore en quête de connaissances et de savoir-faire, ne se fiant pas seulement à ce qu’ils ont pu connaitre et expérimenter jusque-là. C’est cet esprit ouvert, ambitieux et innovant qui peut conduire à l’enseignement de certains sujets complexes comme l’immigration.
CONCLUSION
L’immigration est un sujet sensible, un concept vif qui a sa place aussi bien dans le passé que dans la société actuelle. Cette complexité de ce sujet a donc mené à son occultation, notamment dans le cadre scolaire. Or, l’histoire de l’immigration doit y occuper une place importante car sa connaissance par les élèves est une base indispensable à la compréhension des enjeux actuels de la question.
Nous avons pris dans le cadre de ce travail le cycle 3, où les élèves sont souvent animés par une certaine curiosité sur les différents faits qu’ils rencontrent dans la société ou dans les médias, et qui sont relatifs à l’immigration. Comment répondre alors correctement aux différentes questions posées par les enfants sur ce sujet que l’on a l’habitude d’éviter à tout prix ?
L’histoire de l’immigration est un moyen incontournable pour apporter des explications neutres et sensées, tout en évitant de heurter la sensibilité du public qui est formé de très jeunes enfants.
Mais force est de constater que l’histoire de l’immigration ne trouve pas la place qu’elle mérite dans le milieu scolaire. Un passage par les programmes scolaires a donc été rendu indispensable afin de démystifier la place de l’histoire de l’immigration à l’école, et particulièrement en cycle 3.
La question que nous avons posée est alors la suivante : les programmes de 2015 ont-ils ouvert de nouveaux champs d’exploration de l’histoire de l’immigration par rapport à ceux de 2008 et 2002 ?
L’analyse des trois programmes cités ci-dessus ainsi que leur comparaison ont révélé que, tout d’abord, les programmes de 2002 ont marqué l’évolution de l’histoire de l’immigration car ils insèrent cette dernière parmi les sujets à aborder en cycle 3.
Qu’ensuite, les programmes de 2008 ont révélé que l’histoire de l’immigration a été totalement enlevée des prescriptions officielles.
Et qu’enfin, les programmes de 2015 donnent une autre tournure à l’évolution de l’histoire de l’immigration car ils lui offrent une plus grande place dans l’enseignement. En effet, nous retrouvons à plusieurs reprises des passages qui renvoient à l’histoire de l’immigration et ce, dans différentes matières.
L’histoire de l’immigration est donc un sujet important qu’il faut aborder en cycle 3, et dans les différentes matières qui y sont enseignées car ces nouveaux programmes prônent la transversalité entre les matières.
Ces nouveaux programmes prédisent alors un avenir meilleur pour l’histoire de l’immigration, cependant, certaines difficultés subsistent dans la pratique. Ainsi, afin de mieux étayer notre analyse, nous avons mené une enquête auprès de quelques enseignants expérimentés et de quelques EFS. Les réponses aux questionnaires que nous leur avons soumis ont alors révélé d’une part, que les enseignants n’accordent pas tous la même importance à l’histoire de l’immigration, et que la pratique enseignante sur l’histoire de l’immigration est très diversifiée chez ceux qui l’enseignent au cours de l’année scolaire. Et qu’en outre, les jeunes professeurs (les EFS) sont plus ouverts à l’insertion de l’histoire de l’immigration dans les programmes.
La diversification de l’application des programmes peut résulter de différents facteurs, mais les principaux sont relatifs à ces mêmes programmes scolaires. En effet, nous avons soulevé que les programmes ne sont pas assez précis et ne font pas l’objet d’une même interprétation par tous les enseignants, du moins en ce qui concerne l’histoire de l’immigration.
Une précision, une neutralité et une stabilité doivent donc être apportées aux programmes scolaires afin de mieux définir la place qu’elle tient dans les matières enseignées en cycle 3.
Bref, l’histoire de l’immigration est un sujet important qui mérite d’avoir sa place dans l’enseignement en cycle 3. Mais chaque partie prenante, à savoir les autorités étatiques, les enseignants et les différents responsables de l’institution scolaire doivent avoir conscience de son importance et la faire primer sur les différentes convictions personnelles et politiques qui peuvent influencer sur son application. Une question pourrait alors se poser, l’immigration peut-elle être totalement séparée de sa dimension politique et donc abordée avec neutralité ?
BIBLIOGRAPHIE
- FALAIZE Benoit, Enseigner l’histoire de l’immigration à l’école, Cité Nationale de l’Histoire de l’Immigration – Institut National de Recherche Pédagogique, 2008, 235 pages.
- FALAIZE Benoît, Récits – Nations – Immigrations, Hommes & Migrations 3/2012 (n° 1297), p. 138-143
- LAVIN Marie, L’image des immigrés dans les manuels scolaires, extrait du magazine Diversité, N°149 – Juin 2007, Pages 97 à 103.
- NOIRIEL Gérard, Le creuset français – Histoire de l’immigration XIXè – XXè siècles, éd. Seuil, Avril 1998, 427 pages.
- NUGUE Isabelle, Immigrations et manuels scolaires au cycle 3 : une drôle d’Histoire, Mémoire dans l’option de recherche : enjeux civiques et culturels des enseignements d’histoire, de géographie, d’histoire des arts et d’instruction civique à l’école primaire – Mai 2013 – 63 pages.
ANNEXES
ANNEXE 1
QUESTIONNAIRE
Merci de consacrer environ 5 mn pour remplir ce questionnaire
1-Quel est votre âge ?
2-Quel est votre sexe ?
3-Dans quelle classe enseignez-vous ?
4-Quelle est votre ancienneté dans le poste de professeur-e des écoles ? ______ ans
5-Traitez-vous de l’histoire de l’immigration dans votre classe ? (entourer la réponse qui vous convient) OUI NON
5.a- Si non pourquoi ? (cocher la réponse qui convient)
– L’histoire n’est pas dans mon emploi du temps – C’est par choix
5.b- Si c’est par choix, pourquoi ? (cocher la réponse qui convient)
– Je ne sais pas comment aborder le sujet – Ce programme n’est pas prioritaire – Par manque de temps – Autre, précisez :
Si votre réponse à la question 5 est positive :
5.c- Depuis quand traitez-vous l’histoire de l’immigration ? Année =
5.d- Comment traitez-vous l’histoire de l’immigration ? (cocher la réponse qui convient : I – II – III ou IV)
I-J’organise une séquence en histoire (pour plus de précisions, entourer la mention qui convient) :
– D’une séance – De 2/3 séances – De plus de 4 séances
II-J’insère des documents relatifs à ce sujet dès que possible dans le cadre d’une séance d’une autre discipline que l’histoire (pour plus de précisions, entourer la mention qui convient).
– Géographie – Français – Autre, précisez
III-J’insère des réflexions relatives à l’immigration et au vivre ensemble (EMC) dès que possible dans le courant de mes journées.
IV– Autre, précisez :
5.e- Combien de fois dans l’année scolaire estimez-vous aborder ce sujet ? (cocher la réponse qui convient)
– 1 fois par an – De 2 à 5 fois par an – Dès que possible
5.f- Quels supports utilisez-vous ? (cocher la réponse qui convient)
– Manuels scolaires. Citez le titre du livre et le nom de l’éditeur si possible : – Images prises individuellement (d’internet ou autres) – Documents écrits pris individuellement (d’internet ou autres) – Visites (Visite de la Cité nationale de l’histoire de l’immigration par exemple). Quel lieu : – Prise de parole d’un intervenant dans la classe
5.g- Sous quelle forme enseignez-vous l’histoire de l’immigration ? (cocher la réponse qui convient)
– Mise en place d’une situation-problème – Jeu – Magistrale – Autre, précisez
MERCI BEAUCOUP POUR VOTRE PARTICIPATION
[1] In www.cntrl.fr/lexicographie/immigration
[2] In www.larousse.com
[3] Définition retenue par le Haut Conseil à l’intégration
[4] In www.histoire-immigration.fr/dix-themes-pour-connaitre-deux-siecles-d-histoire-de-l-immigration/emigrer/du-xixe-siecle-a-1914
[5] Marie LAVIN, L’image des immigrés dans les manuels scolaires, Diversité- ville école intégration 1 4 9 – Juin 2007, p. 98
[6] Bulletin officiel n° 11, du 26 novembre 2015, p.92
[7] Wiktor Stoczkowski, Anastasia Krutikova, L’immigration dans les manuels scolaires, P.4
[8] Bulletin Officiel hors série n°1 du 14 février 2002, p.65
[9] Ibid. p.78
[10] Bulletin Officiel hors série n°1 du 14 février 2002, p.76
[11] Benoît Falaize, Revue lecture jeune N°124, Décembre 2007
[12] Benoit Falaize, Revue lecture jeune N°124, Décembre 2007
[13] Isabelle NUGUE, Immigrations et manuels scolaires au cycle 3 : une « drôle d’Histoire », mémoire Master 2 « Education et Métiers de l’enseignement du premier degré » – MAI 2013, p.27
[14] Bulletin officiel spécial n° 11, du 26 novembre 2015, p.91
[15] Id., p.92
[16] Id. p.95
[17] Bulletin officiel spécial n° 11, du 26 novembre 2015, p. 162
[18] Id., Domaine 5, p. 96
[19] Bulletin officiel spécial n° 11, du 26 novembre 2015, p.178
[20] Bulletin Officiel n°1 du 5 Janvier 2012, in www.education.gouv.fr
[21] Id., p. 24 et 25
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