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L`exploitation sexuelle des enfants en droit comparé

L`exploitation sexuelle des enfants en droit comparé

Introduction

 

Le terme enfant est tiré du latin « infans » qui signifie « celui qui ne parle pas »[1]. Cette notion a beaucoup évoluée à travers les siècles et les cultures, la définition juridique et la personnalité juridique de l’enfant a ainsi varié pour finalement désigner stricto sensu « tout descendants au premier degré » et lato sensu « toute personne mineure protégée par la loi » et cela concerne les enfants abandonnés, assistés, délaissé…[2].

C’est la Convention Internationale relative aux Droits de l’Enfant de 1989 qui a défini de manière plus précise le terme « enfant » qu’elle désigne comme étant « tout être humain âgé de moins de dix-huit ans, sauf si la majorité est atteinte plus tôt en vertu de la législation qui lui est applicable »[3].

Le but, en élaborant cette définition, a été de mettre en exergue le fait que l’enfant, tout comme tous les adultes, est aussi un être humain qui a des droit et dont il faut respecter la dignité. Et cela d’autant plus que l’enfant se caractérise par sa vulnérabilité : en effet, l’enfant est un être en plein croissance, et du fait qu’il n’est qu’un adulte en devenir il n’a pas encore les moyens nécessaires pour se protéger des abus dont il pourrait être l’objet.

C’est la raison pour laquelle la Convention Internationale relative aux Droits de l’Enfant a été élaborée. Il a ainsi bien été souligné dans le préambule de la convention que les parties sont bien conscientes du fait que « la reconnaissance de la dignité inhérente à tous les membres de la famille humaine ainsi que l’égalité et le caractère inaliénable de leurs droits sont le fondement de la liberté, de la justice et de la paix dans le monde ».

Elles reconnaissent également que «les Nations Unies, dans la Déclaration universelle des droits de l’homme et dans les pactes internationaux relatifs aux droits de l’homme, ont proclamé et sont convenues que chacun peut se prévaloir de tous les droits et de toutes les libertés qui y sont énoncés, sans distinction aucune, notamment de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d’opinion politique ou de toute autre opinion, d’origine nationale ou sociale, de fortune, de naissance ou de toute autre situation ».

Et tout en rappelant que « dans la Déclaration universelle des droits de l’homme, les Nations Unies ont proclamé que l’enfance a droit à une aide et à une assistance spéciales », elles soulignent également que « l’enfant, pour l’épanouissement harmonieux de sa personnalité, doit grandir dans le milieu familial, dans un climat de bonheur, d’amour et de compréhension » et qu’il importe « de préparer pleinement l’enfant à avoir une vie individuelle dans la société, et de l’élever dans l’esprit des idéaux proclamés dans la Charte des Nations Unies, et en particulier dans un esprit de paix, de dignité, de tolérance, de liberté, d’égalité et de solidarité »[4].

Ces considérations ne sont d’ailleurs pas nouvelles, puisque la nécessité d’accorder une protection spéciale à l’enfant a été énoncée dans la Déclaration de Genève de 1924 sur les droits de l’enfant et dans la Déclaration des droits de l’enfant adoptée par l’Assemblée générale le 20 novembre 1959, et qu’elle a été reconnue dans la Déclaration universelle des droits de l’homme, dans le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (en particulier aux articles 23 et 24), dans le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (en particulier à l’article 10) et dans les statuts et instruments pertinents des institutions spécialisées et des organisations internationales qui se préoccupent du bien-être de l’enfant.

Mais malgré tout cela, force est de constater que les violences faites à l’enfant sont loin d’avoir été éradiquées. Ces violences ont bien évidemment toujours existé au fil des siècles, ainsi la pratique de l’abandon avaient pris des proportions extraordinaires jusqu’au milieu du XIXe : il y avait à Paris 5.000 enfants abandonnés en 1765, près de 70.000 en 1809 et 120.000 en 1835[5].

Le XIXe siècle ne sera pas plus tendre, en effet, pour les enfants : multiplication des abandons, des placements, dans d’autres familles ou en internats, des mises en nourrice, et surtout apparition du travail des enfants dans les usines, dont nous reparlerons plus loin.

Ces chiffres s’expliquent par le fait que, en raison de l’intense mortalité enfantinejusqu’au XIXe siècle, les enfants étaient si fragiles qu’il était prudent de ne pas trop s’y attacher. Ils s’expliquent par une défense à l’égard de la mort que l’on peut encore observer aujourd’hui dans certains pays pauvres ou en proie à la guerre.

Aujourd’hui, les violences, ou maltraitances ou encore exploitations faites à l’enfant peuvent prendre plusieurs formes. La première forme consiste en le travail des enfants, S’il est un domaine sur lequel la communauté internationale ne peut plus fermer les yeux aujourd’hui, c’est bien celui du travail des enfants, travail qui s’apparente le plus souvent à un véritable esclavage. Par travail, nous n’entendons évidemment pas ce qui relève de la socialisation des enfants, leur participation aux menues tâches de la vie quotidienne.

Par « travail », nous entendons ici exploitation, c’est-à-dire toutes les tâches qui, par leur nature et leur intensité, portent atteinte au développement physique, psychique, moral et intellectuel, d’un enfant.

Il y a également la guerre, la froide utilisation ou implication des enfants dans la guerre ne date pas d’hier : Frédéric le Grand, Napoléon et Hitler ont largement recruté des soldats dans des classes d’âge considérées de nos jours comme le cœur même de l’adolescence.

Aujourd’hui, et depuis le début des années 1980, plus de 2 millions d’enfants sont morts de la guerre, et environ 8 millions en sont restés blessés ou mutilés. Plus de 15 sont définitivement traumatisés. On parle évidemment des enfants qui sont victimes de la guerre, ceux qui y perdent la vie ou les membres ou encore la famille. On parle également de ceux qui perdent tout ce dont ils ont besoin pour vivre et se développer car la guerre détruit les infrastructures, qu’elles soient sanitaires, agricoles, économiques, scolaires, etc.

Et surtout on parle de ceux qui sont enrôlés de force dans le processus des combats. C’est peut-être là le point ultime, le point le plus achevé de l’impact des guerres « modernes » sur les enfants. Ils peuvent être enrôlés soit par des armées régulières (guerre Iran-Irak), soit par les mouvements de guérilla. 10 % de ceux qui ont pris Kampala au début de la décennie 80 avaient moins de 12 ans. Les enfants sont faciles à « dresser » pour tuer, torturer, massacrer : tous les psychologues de l’enfance et les pédopsychiatres savent qu’il est plus dangereux de faire face à un enfant tueur qu’à un adulte tueur, le second étant plus accessible au raisonnement et même à la peur.

Après le travail et la guerre, il y a également l’exploitation sexuelle des enfants. Chaque année, un million d’enfants tombent dans cet engrenage[6], chiffre inouï si l’on veut bien se représenter ce que peut signifier pour un enfant parfois très jeune le fait d’être livré à la sexualité des adultes ; à une forme de sexualité, celle qui s’adresse à la prostitution, et qui s’accompagne de violence, de coups, de transmission de maladies, etc.

Sur ce million d’enfants, beaucoup également sortent de ces réseaux, chaque année : beaucoup en sortent… parce qu’elles sont mortes, du sida et d’autres maladies infectieuses, de coups, de violences…

« Selon les estimations, un enfant sur cinq sera victime d’exploitation ou de violences sexuelles au moins une fois dans sa vie. Celles-ci peuvent prendre différentes formes, dont les agressions sexuelles à divers degrés, mais également la pédopornographie et la prostitution enfantine»[7]. L’importance de ce chiffre peut s’expliquer par le fait que les enfants ont moins de contrôle sur leur propre vie et les systèmes nationaux  de justice et de protection de l’enfance ne sont souvent pas adaptés.

En raison de leur jeune âge, les victimes d’exploitation sexuelle n’ont pas toujours la possibilité d’en parler, c’est pourquoi il est primordial de développer la prévention et la répression des différents types d’exploitation et des abus sexuels aux niveaux international et national.

Bien sûr des cadres légaux existent déjà, comme nous l’avons évoqué plus haut, mais ils ne suffisent pas à éradiquer le fléau. Les chiffres que nous venons d’avancer sont criants. Le sujet est à la fois vaste et complexe, mais il nous a paru intéressant de mieux connaitre les différentes façons de lutter contre ce fléau. C’est la raison pour laquelle nous avons choisi de traiter ce thème dans le cadre de notre mémoire de master.

La question qui se pose à nous est alors la suivante comment lutter plus efficacement contre l’exploitation sexuelle des enfants ? Les instruments juridiques qui existent en la matière sont-ils vraiment pertinents ?

La question mérite d’être posée dans la mesure où le fléau a atteint des proportions effrayantes, il ne concerne pas un ou plusieurs Etats isolés, il ne concerne pas seulement non plus les Etats dits pauvres, il s’est mondialisé, mondialisation qui a été favorisée par des facteurs d’aggravation qui sont apparus récemment, avec les évolutions de la technologie de communication : les cassettes pornographiques mettant en scène des mineurs, et surtout internet.

Le travail que nous allons mener aura donc pour but de répondre à ces questions, et pour ce faire nous avons, ainsi que le titre le laisse entendre, opté pour une étude comparée de la situation dans plusieurs pays. Mais il faut cependant soulignée que l’étude ne saurait être simplement une étude comparée. En effet, il nous faudra également parler des instruments juridiques internationaux qui existent déjà pour pouvoir apporter une réponse pertinente à nos questionnements.

Le travail sera donc divisé en deux grandes parties.  Dans la première partie nous passeront en revue les différentes formes de l’exploitation sexuelle infantiles et les cadres juridiques qui existent déjà en la matière au niveau international (partie I). Dans la deuxième partie, nous allons nous pencher sur les droits nationaux et les répressions qui y sont en vigueur, et nous essayerons de dégager une appréciation critique de la situation dans sa globalité (partie II).

 

 

Partie I : l’exploitation sexuelle des enfants et les instruments juridiques internationaux

 

L’exploitation sexuelle des enfants n’est pas un fait nouveau, c’est le premier constat que nous pouvons faire en la matière. Le deuxième c’est que cette exploitation prend plusieurs formes. Pour lutter contre cette exploitation des efforts ont été menés mais malgré tout cela n’a pas éradiqué le mal et le nombre d’enfant maltraité a à peine diminué au fil des ans.

Dans cette partie de notre travail, nous allons d’abord identifier les différentes formes d’exploitation sexuelle dont peuvent être victimes les enfants. Nous nous pencheront ensuite sur les instruments internationaux qui ont été élaborés pour lutter contre ces exploitations.

 

  1. Les différentes formes d’exploitation sexuelle sur les enfants

 

L’exploitation sexuelle des enfants a reçu en 1996 une définition qui est la suivante : « l’exploitation sexuelle commerciale des enfants à des fins commerciale est une violation fondamentale de leurs droits. Elle comprend l’abus sexuel par l’adulte et une rétribution en nature ou en espèce versée à l’enfant ou à une ou plusieurs tierces personnes. L’enfant y est traité comme un objet sexuel et comme un objet commercial. L’exploitation sexuelle des enfants à fins commerciales constitue une forme de coercition et de violence exercée contre les enfants, et équivaut à un travail forcé et  à une forme contemporaine d’esclavage. »[8].

[1] Alice Poznanska Parizeau (1927-1990) L’envers de l’enfance, 1976, p.3

[2] Lexique des termes juridiques, Dalloz, 13è édition, 2001.

[3] Convention Internationale relative aux Droits de l’Enfant de 1989.

[4] Préambule de la Convention Internationale relative aux Droits de l’Enfant de 1989.

[5] Petites affiches, 02 juin 2009 n° 109, P. 6, droit de la famille, « Droits de l’enfant : chronique d’actualité législative et jurisprudentielle no 5 », Par le Laboratoire d’études et de recherches appliquées au droit privé (LERADP) de l’Université Lille 2.

 

[6] Petites affiches, 22 octobre 1997 n° 127, P. 12 , droit communautaire, « LA PEDOPHILIE ET LES PREMIERES REACTIONS DE L’UNION EUROPEENNE ».

[7] Les violences sexuelles des mineurs, victimes et auteurs : de la parole au soin, Marie-Laure Gamet, Claudine Moise, p. 110.

[8] Déclaration et plan d’action adoptés à l’occasion du congrès mondial de Stockholm, 1996, http://www.csecworldcongress.org

La Déclaration et le Plan d’Action ont été adoptés par 122 gouvernements au premier Congrès Mondial Contre l’Exploitation Sexuelle des Enfants à des fins Commerciales, à Stockholm, en 1996. En 2006, 161pays du monde l’ont adopté. Notons encore que les engagements de Stockholm ont été réaffirmés à Yokohama (Japon), en 2001, lors du 2ème Congrès mondial.

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